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Congrès national de Belgique
Séance du lundi 24 janvier 1831

(E. HUYTTENS, Discussions du Congrès national de Belgique, Bruxelles, Société typographique belge, Adolphe Wahlen et Cie, 1844, tome 2)

(page 243) (Présidence de M. le baron Surlet de Chokier)

Lecture du procès-verbal

La séance est ouverte à midi et demi. (P. V.)

M. Henri de Brouckere, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ; il est adopté. (P. V.)

Pièces adressées au Congrès

M. de Schiervel informe l'assemblée que la maladie grave de son père l'empêchera pendant quelques jours d'assister aux séances du congrès. (P. V.)


M. le vicomte Charles Vilain XIIII, présente l'analyse des pétitions suivantes :

Les habitants d'Epen demandent d'avoir leur administration locale indépendante, comme avant 1795.


M. Mathieu regarde le prompt appel d'un prince quelconque comme le seul moyen de sauver la Belgique.


Les administrations locales des communes d'Aywaille, Harzé et Lorée réclament contre le passage forcé des écorces allant à Malmedy par les bureaux du Poteau et Jalhay.


La veuve Le Duc demande qu'on lui accorde un local et une rétribution par mois, pour être institutrice à Bruxelles.


M. de Locht demande l'abolition de la peine de mort.


(page 244) M. Marcelin Faure, rédacteur de l'Union belge, présente des réflexions sur la manière dont se font les rapports des pétitions au congrès : il indique un mode beaucoup plus convenable, selon lui, soit sous le rapport. du mûr examen dont les pétitions doivent être l'objet, soit sous le rapport de la publicité que doivent recevoir les rapports.


Neuf distillateurs de Liége présentent un mémoire sur les distilleries.


Trente-deux habitants de Louvain demandent que le duc de Leuchtenberg soit élu roi des Belges.


M. Derive dénonce au congrès la non-uniformité des décisions des conseils de la garde civique.


Vingt habitants de Dour demandent que les fonctions municipales soient remplies gratuitement.


Un grand nombre d'habitants de Saint-Ghislain présentent des observations sur notre système des poids et mesures.


Un grand nombre de gardes civiques de Bruxelles demandent l'élection d'Auguste Beauharnais.


M. d'Elhoungne soumet au congrès des réflexions sur plusieurs points importants de la législation.


M. Motte présente des réflexions sur l'influence commerciale anglaise.


Les bourgmestres du district d'Alost demandent au congrès de prendre en considération le commerce du houblon, quand il s'agira d'un traité de commerce avec la France.


Cinq anciens élèves vétérinaires présentent des réflexions sur la législation qui les concerne. (U. B., 26 janv. et P. V.)


- Toutes ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions. (P. V.)


Situation diplomatique générale

Dépêche diplomatique de la France relative, notamment, à la candidature du duc de Leuchtenberg

M. le président – M. le comte d'Arschot a la parole pour faire une communication diplomatique. (Profond silence.) (U. B., 26 janv.)

M. le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique – Messieurs, j'aurai l'honneur de vous donner communication d'une lettre que M. de Celles m'a écrite de Paris, ainsi que d'une note verbale, adressée par lui à M. le ministre des affaires étrangères de France, et la réponse de ce dernier.

« A M. le comte d'Arschot, vice-président du comité diplomatique.

« Paris, le 23 janvier 1831.

« Monsieur le comte,

« J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser en date du 19, avant-hier. Je m'empressai de faire parvenir, le lendemain matin, la note en date du 22, à M. le ministre des affaires étrangères, dont ci-joint copie. M. le comte Sébastiani me fit remettre, ce matin, une réponse que je me hâte de vous expédier par courrier. J'avais prévu que le délai était bien rapproché, et qu'il serait difficile de satisfaire aux vœux du congrès, pour le 28 de ce mois. Je pense devoir attendre de nouveaux ordres, pour être à même de remplir la tâche qui m'est imposée.

« J'ai l'honneur de vous offrir les expressions de la plus haute considération, monsieur le comte.

« Comte DE CELLES. »


« A M. le comte Sébastiani, ministre des affaires étrangères.

« Paris, le 22 janvier 1831.

« Le soussigné, chargé par le gouvernement provisoire de la Belgique de faire connaître au gouvernement français une résolution du congrès, en date du 19, a l'honneur de transmettre à M. le comte Sébastiani, ministre des affaires étrangères, les expressions de cette résolution dans les termes suivants :

« Le congrès national belge a arrêté que les envoyés belges qui se trouvent à Paris seraient chargés de prendre et de transmettre au congrès, dans le plus bref délai, des renseignements positifs sur tout ce qui peut être relatif au choix du chef de l'État, en Belgique, soit sous le rapport du territoire, soit sous le rapport des intérêts commerciaux, soit sous le rapport des alliances. »

« Le congrès a fixé au 28 janvier l'élection du chef de l'État.

« Le soussigné a reçu hier cette injonction par dépêche officielle, en date de Bruxelles du 19 de ce mois, et désire pouvoir remplir sa tâche le plus promptement possible.

« Il saisit cette occasion d'offrir à M. le comte Sébastiani les expressions de la plus haute considération.

« Signé Comte DE CELLES. »


(page 245) Réponse de M. le comte Sébastiani.

« Le soussigné, ministre secrétaire d'État au département des affaires étrangères, a reçu la note que M. le comte de Celles lui a fait l'honneur de lui adresser hier, 22 courant. Cette communication est d'une telle importance, et embrasse des objets d'un si haut intérêt, puisqu'elle touche à l'élection du souverain de la Belgique, à l'étendue de son territoire, à ses relations commerciales, à la nature de ses alliances, que le soussigné ne pourrait y faire une réponse qui offrît la solution de toutes les questions renfermées dans la résolution du congrès.

« Le choix du souverain est un acte dont dépendra le sort futur de la Belgique. On ne saurait donc y apporter trop de réflexion, de temps, de maturité : quoique la liberté de ce choix soit absolue, le congrès ne saurait cependant oublier que la Belgique, au moment où elle est devenue un État indépendant, et va occuper une place si importante parmi les puissances européennes, doit montrer qu'elle sait allier l'exercice de ses droits avec les égards et les ménagements que conseille envers les autres puissances une sage politique.

« L'époque que le congrès a fixée me paraît beaucoup trop rapprochée, pour assurer le bonheur à venir des Belges, et écarter tout ce qui semblerait porter l'empreinte de la précipitation, en donnant à leur détermination tous les caractères de la prudence et de la stabilité.

« L'étendue du territoire du nouvel État ne saurait être fixée sans le concours des puissances intéressées. La France ne perdra jamais de vue que cette étendue doit être de nature à assurer à la Belgique des frontières naturelles d'une défense facile, et à ménager avec soin tous ses intérêts agricoles, industriels et commerciaux.

« On ne peut douter à cet égard de l'appui efficace de la France, qui a déjà donné tant de preuves d'une bienveillante sollicitude pour un peuple qui a fait si longtemps partie d'elle-même, que dans son affection, elle ne cesse pas de regarder comme un membre de la grande famille française, et pour lequel elle a obtenu tout ce qui était possible aujourd'hui, la séparation de la Hollande et sa complète indépendance.

« Les questions commerciales sont tellement compliquées qu'il me serait impossible de les traiter dans ce moment. Mais la Belgique doit être bien convaincue que la France lui assurera tous les avantages qui sont compatibles avec les intérêts de sa propre industrie et de son commerce.

« Un État nouveau et indépendant ne doit pas se hâter de contracter des alliances. Quant à l'alliance de la France, elle est à jamais assurée à la Belgique. Les Belges savent combien cette alliance leur a déjà été utile, et ils ne doivent pas douter de la continuation de l'affectueuse sollicitude du gouvernement du roi.

« Le soussigné prie M. le comte de Celles d'agréer sa haute considération.

« Paris, le 23 janvier 1831.

« Signé HORACE. SÉBASTIANI. »

« Pour copie conforme :

Le vice-président du comité diplomatique.

« Comte D'ARSCHOT. »

(Grande agitation.) (U. B., 26 janv. et A. C.)

M. Constantin Rodenbach – C'est une déception diplomatique. (U. B., 26 janv.)

- Quelques voix – L'impression ! (U. B., 26 janv.)

- L'impression et la distribution de ces pièces sont ordonnées. (P. V.)

Blocus hollandais sur la Meuse

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – Voici une proposition qui a été déposée sur le bureau :

« Les soussignés ont l'honneur de proposer au congrès de requérir, en vertu de l'article 12 du règlement, M. le chef du comité diplomatique de se rendre au sein du congrès, afin de nous donner des renseignements sur le point de savoir si, maintenant que nos troupes ont débloqué Maestricht, le comité diplomatique a pris des mesures pour assurer la libre navigation de la Meuse.

« HENRI DE BROUCKERE, GELDERS, OLISLAGERS, Vicomte CHARLES VILAIN XIIII. » (U. B., 26 janv.)

M. le président – Cette proposition est-elle appuyée ? (Oui, oui.) (C., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere – Messieurs, les circonstances qui nous ont forcés à vous soumettre (page 246) cette proposition sont si impérieuses, que nous n'avons pas cru pouvoir tarder un instant à la présenter. Depuis trois mois, le gouverneur de Maestricht empêche la navigation de la Meuse, de Liége à Venloo. Je ne dirai pas tout ce qu'ont à souffrir de cette mesure les pays situés entre Liége et Maestricht ; mais ce que je puis affirmer, c'est que les populations d'entre Maestricht et Maux sont réduites à la plus profonde misère. Au moment où je parle, elles sont toutes privées de chauffage, ne pouvant pas faire venir la houille de Liége. Il est urgent que le comité diplomatique prenne des mesures, s'il ne nous a déjà prévenus à cet égard, pour empêcher le gouverneur de Maestricht d'entraver plus longtemps la libre navigation de la Meuse, et de causer la ruine et la désolation de toute une province. (U. B., 26 janv.)

M. le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique – Messieurs, il était trop intéressant pour toute la partie du pays au-dessous de Maestricht que la navigation de la Meuse fût libre, pour que le comité diplomatique négligeât un si grand intérêt. Aussi, en annonçant à M. Bresson que nos troupes allaient recevoir l'ordre de s'éloigner de Maestricht, je le chargeai d'obtenir la libre navigation à travers la forteresse. De son côté, le ministre de la guerre a donné ordre au général commandant nos troupes d'envoyer un parlementaire au général Dibbets, pour prendre les arrangements convenables sur ce point. Le général Dibbets a refusé de le recevoir. Ainsi, c'est par MM. les commissaires des puissances auprès du gouvernement belge que cette affaire doit être traitée à La Haye. Vous sentez, messieurs, que le comité diplomatique étant sans communication directe avec la Hollande, il n'a autre chose à faire qu'à attendre la réponse qui sera faite aux commissaires. Cette réponse sera toujours trop lente au gré de nos désirs. (U. B., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere dit que, s'il a insisté sur la proposition, c'est par la conviction où il était que les maux occasionnés par les entraves apportées à la navigation de la Meuse étaient insupportables.

L'honorable membre est satisfait des explications que vient de donner M. le comte d'Arschot. (U. B., 26 janv.)

M. de Robaulx – D'après ce que je viens d'entendre, il paraît qu'on refuse de recevoir nos parlementaires à Maestricht, et il paraît que les ennemis se montrent fort peu disposés à exécuter l'armistice. Cependant nos troupes lèvent le blocus de Maestricht, et abandonnent la ligne de circonvallation. Messieurs, une pareille mesure va porter dans notre armée une démoralisation complète. Si le général Dibbets ne veut pas rendre la Meuse libre, pourquoi ne gardons-nous pas nos positions ? De quel droit veut-on nous forcer à perdre nos avantages ? Je le dis hautement, nous avons été dupes de notre bonne foi en exécutant l'armistice ; ne le soyons pas plus longtemps. Reprenons l'offensive, c'est le seul moyen d'en finir avec un ennemi sans foi. Je le déclare, je proteste et je protesterai toujours contre des mesures qui auront pour but de nous faire perdre les avantages que nous avons acquis par la force des armes. (Bravo ! dans l'assemblée. Ce bravo enhardit les tribunes, qui accueillent ,les dernières paroles de l'orateur av ec des bravos répétés et les applaudissements les plus bruyants.) (U. B., 26 janv.)

M. le président – Je prie le public de s'abstenir de toutes marques d'approbation ou d'improbation : de telles marques sont interdites par le règlement. (U. B., 26 janv.)

M. le comte d’Arschot, vice-président du comité diplomatique – Je ferai observer à l'honorable préopinant que le général Dibbets reçoit des ordres de la Hollande, et qu'au moment où le (page 247) parlementaire s'est présenté, il n'avait sans doute pas eu le temps d'être instruit de ce qui se passait. (U. B., 26 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Messieurs, le comité diplomatique s'est occupé de l'objet de la proposition qui vient de vous être soumise. Je pense que l'armistice sera exécuté par la Hollande ; cependant, je partage l'opinion de M. de Robaulx, que nous n'aurions pas dû nous retirer de devant Maestricht avant la pleine exécution de l'armistice par les Hollandais. Je regarde comme une non-exécution les entraves portées à la navigation de la Meuse ; mais un fait vient modifier mon avis, et ce fait, je le tiens de M. le chef du comité de la guerre : c'est que dans le traité d'armistice, en stipulant la libre navigation des fleuves et des rivières, on n'a rien décidé pour les fleuves qui traversent les forteresses. Les lois de la guerre peuvent exiger, de la part des commandants de ces forteresses, des précautions qui peut-être légitimeraient les refus du général Dibbets : au surplus, je crois que le comité diplomatique fera bien d'insister pour savoir quelles sont les considérations qui peuvent arrêter le chef militaire, et l'empêcher de rendre libre la navigation de la Meuse ; si l'éloignement de nos troupes de Maestricht tendait à faciliter à l'ennemi le moyen d'augmenter la garnison ou de ravitailler la place, nous ne devrions pas quitter nos postes. Mais il serait difficile de supposer que des troupes entrassent dans Maestricht, sans que notre armée fût à même de s'y opposer ; ainsi, c'est en conservant les avantages de notre position que nous exécutons l'armistice. Tout en faisant un mouvement rétrograde, nos troupes restent près des Hollandais, et c'est avec la conviction intime que les Hollandais ne pourraient rien entreprendre à notre détriment, que le gouvernement a consenti à faire rentrer l'armée dans les lignes. Nous n'avons pas abandonné nos avantages, je le répète ; mais notre armée reste en observation, de telle sorte que les troupes hollandaises ne peuvent faire un mouvement hostile sans en être empêchées par les troupes belges. (U. B., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere – Nous n'avons pas examiné, quand nous avons fait notre proposition, si quelques considérations pouvaient empêcher le général, commandant Maestricht, d'exécuter l'armistice, quand nous l'exécutons de notre côté ; nous l'avons faite parce que la Meuse doit être libre. C'est en vain que M. Le Hon dit qu'en faisant retirer nos troupes de devant Maestricht, nous conservons nos avantages ; c'est une erreur : Maestricht était bloqué de près, de si près que dans peu de jours la place aurait été forcée de se rendre. Aujourd'hui nous en serons éloignés de trois lieues ; je vous le demande, n'est-ce pas perdre tous nos avantages ? En vain M. Le Hon dira-t-il qu'il ne sera possible de rien introduire dans la place ; à peine nos troupes pouvaient-elles l'empêcher quand elles campaient à une demi-lieue : comment le pourront-elles quand elles en seront éloignées de trois lieues ? Cela est impossible, et puisque le mot de duperie a été prononcé, je l'appuie, et je dis que c'est une véritable duperie de notre part de débloquer Maestricht. Pourquoi d'ailleurs tant d'empressement ? Est-ce parce que l'Escaut est ouvert ? Mais en vingt-quatre heures le roi de Hollande peut le fermer, tandis qu'il nous faudra plusieurs mois pour reprendre nos positions devant Maestricht. (Bravos nombreux dans l'assemblée. Acclamations et applaudissements dans les tribunes.) (U. B., 26 janv.)

M. le président – Les injonctions deviennent donc inutiles ! (U. B., 26 janv.)

M. Lebeau – Je demande qu'au nom de l'assemblée, le public soit prévenu qu'il doit garder le silence. Je prie M. le président de donner lecture de l'article du règlement qui interdit toutes marques d'approbation ou d'improbation ; je demande encore qu'il soit fait un appel au patriotisme des Belges qui occupent les tribunes, pour leur faire sentir qu'il est impossible que l'assemblée délibère avec calme et dignité sur les hauts intérêts de l'État si ces bruyantes acclamations continuent. (Marques générales d'assentiment.) (U. B., 26 janv.)

- Quelques membres – Faites évacuer. (J. F., 26 janv.)

M. le président après avoir donné lecture de l'article 40 du règlement – Je préviens le public que je ferai arrêter le premier qui se permettra de troubler l'ordre. (U. B., 26 janv.)

Une voix – Prévenez aussi l'assemblée. (U. B., 26 janv.)

M. le président – L'assemblée donnera l'exemple, je l'espère. (U. B., 26 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Quelle que soit l'impopularité qui s'attache à l'opinion que j'ai émise, j'y persiste. Certes, ce que je fais, je le fais par condescendance et par amour du bien public, et je ne reculerai pas devant cette impopularité. L'honorable membre a oublié que je ne répondais pas à sa proposition. Je donnais en effet des éclaircissements sur les causes qui pouvaient avoir empêché le général Dibbetz de rendre la Meuse libre, et j'ai cherché à prouver, en passant, que les Hollandais ne retireraient aucun avantage du mouvement (page 248) rétrograde de nos troupes. Je n'ai pas de notions en fait de tactique, mais l'honorable membre me permettra d'observer que, d'après les renseignements qui m'ont été donnés par des militaires, Maestricht n'a jamais été bloqué, mais seulement resserré par nos troupes. M. le chef du comité des finances, qui a été gouverneur militaire, si je ne me trompe, nous disait, il n'y a pas longtemps, à la tribune, qu'il faudrait au moins 15,000 hommes et de l'artillerie de siège pour bloquer Maestricht. Si ce fait est incontestable, il ne faut pas répéter si haut que nous perdons nos avantages. On peut fermer l'Escaut en vingt-quatre heures, cela est vrai ; mais je ne crois pas qu'il fallût plusieurs mois à nos troupes pour reprendre leurs positions devant Maestricht. (U. B., 26 janv.)

- Plusieurs voix – L'ordre du jour ! (U. B., 26 janv.)

M. le président – Je vais mettre aux voix la proposition. (U. B., 26 janv.)

M. Lebeau – Nous demandons ici l'ordre du jour sur la proposition, puisque, d'après les explications données par les membres du comité diplomatique, son objet est rempli. (U. B., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere déclare qu'il retire sa proposition. (U. B., 26 janv.)

Proposition visant à protester contre toute intervention étrangère dans les affaires de la Belgique et dans ses relations avec la Hollande

Lecture

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – Messieurs, voici une proposition qui vient d'être déposée sur le bureau (Note de bas de page : Sauf le deuxième paragraphe, du préambule, cette proposition est textuellement la même que celle présentée par M. de Robaulx dans le comité général du 16 janvier) :

« AU NOM DU PEUPLE BELGE,

« Le congrès national,

« Vu le protocole signé par les envoyés de la France, de l'Autriche, de l'Angleterre, de la Prusse et de la Russie, en date du 9 janvier 1831, et communiqué à l'assemblée le 15 du même mois ;

« Vu les communications faites de la part du gouvernement français ;

« Considérant que le peuple belge a, depuis plusieurs mois et sans le secours d'aucune puissance étrangère, secoué le joug de la Hollande et constitué son indépendance, ainsi que cela est reconnu en principe par les cinq gouvernements prénommés ;

« Que la guerre existant entre la Belgique et la Hollande, aucune puissance étrangère n'a le droit d'intervenir dans les affaires de ces deux pays ;

« Que si, sous prétexte d'humanité et pour empêcher autant que possible l'effusion du sang, les cinq puissances ont offert leur médiation purement amicale et officieuse , par la seule voie de négociation, afin de faciliter un armistice, jamais la Belgique ni la Hollande ne se sont remises à la discrétion et décision desdites puissances ;

« Qu'au contraire les puissances ont elles-mêmes proclamé le principe de non-intervention, principe alors soutenu par la France ;

« Que les conditions de l'armistice n'ayant pas été exécutées de la part de la Hollande, la Belgique, jusqu'ici fidèle observatrice desdites conditions en ce qui la regardait, ne pouvait et ne peut être forcée à maintenir un état de choses ruineux pour elle et favorable à ses ennemis ; et cependant c'est la Hollande qui a repris les hostilités !

« Que le congrès et la Belgique ne connaissent et ne reconnaîtront aucune convention par laquelle les puissances seraient constituées arbitres des démêlés avec la Hollande, surtout si elle leur donnait le droit d'exécuter par la force ;

« Que la Belgique ne réclame pas l'appui des puissances pour forcer à main armée le roi Guillaume à exécuter l'armistice, parce qu'elle ne veut pas introduire un droit d'intervention contre aucun des belligérants ;

« Que le protocole du 9 janvier, auquel la Belgique n'a pas pris part, consacre formellement le principe de l'intervention directe et armée, principe contraire au droit des nations ;

« Que si les gouvernements se liguent à Londres, pour étouffer les germes de liberté partout où ils se manifestent, la sainte alliance des peuples saura rompre les fers que le despotisme leur prépare ;

« Proteste solennellement contre toute intervention des gouvernements étrangers dans les affaires de la Belgique et ses relations avec la Hollande ;

« Et, se confiant dans la sympathie des peuples pour les Belges et la cause sacrée qu'ils défendent, déclare que la nation se lèvera en masse pour conserver ses droits et son indépendance.

« A. DE ROBAULX, membre du congrès national. » (U. B., 26 janv. et A. C.)

Développements et renvoi aux sections

M. le président – La proposition est-elle appuyée ? (Oui ! oui ! ) (C., 26 janv.)

M. de Robaulx monte à la tribune pour la développer. (C., 26 janv.)

M. Devaux – Je demande la parole pour un rappel au règlement. La proposition de M. de Robaulx (page 249) ayant été développée et discutée en comité général, je demande la question préalable. (U. B., 26 janv.)

M. de Robaulx – Je demande à parler contre la question préalable. Messieurs, on paraît vouloir s'opposer à ce que je vienne développer ma proposition, Vous savez que je l'avais présentée en comité général, qu'elle avait été appuyée, développée et discutée. Je ne reviendrai pas sur ce qui s'est passé dans le comité général et dans la séance du lendemain ; mais il est de fait que ma proposition a dû être retirée, parce qu'il y avait des dispositions plus pressantes à prendre alors. J'avais promis de la présenter le lendemain, je ne l'ai pas fait ; mais je le fais aujourd'hui à cause de la communication qui nous fut faite dans la séance d'hier. Car cette communication est une intervention formelle, quoi qu'on en dise, puisqu'elle s'oppose à ce que le congrès choisisse pour roi le duc de Leuchtenberg. J'ai cru que cette opposition seule était une intervention directe, et que le moment était venu de protester hautement contre toute intervention. Maintenant si le congrès ne partage pas mon avis, je descendrai de la tribune ; mais j'en laisse la responsabilité à ceux qui m'y auront forcé. (U. B., 26 janv.)

M. le président consulte l'assemblée sur la question préalable. (U. B., 26 janv.)

M. de Robaulx – On n'a pas demandé la question préalable sur ma proposition, ce n'est que sur le développement. (U. B., 26 janv.)

M. Devaux – Voici ma proposition : j'ai demandé qu'attendu que la proposition de M. de Robaulx avait déjà été discutée, il fût déclaré qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. (U. B., 26 janv.)

M. Lebeau – Je demande que l'on consulte l'assemblée sur la question préalable purement et simplement. (C., 26 janv.)

M. le président – Je vais mettre aux voix la question préalable : Y a-t-il lieu ou non d'entendre le développement de la proposition de M. de Robaulx ? (C., 26 janv.)

- L'assemblée se prononce pour la négative. (C., 26 janv.)

M. le président – La proposition est renvoyée aux sections. (C" 26 janv. et P. V.)

- Le congrès en ordonne l'impression et la distribution. (P. V.)

M. le vicomte Charles Vilain XIIII – La proposition étant renvoyée aux sections, je demande que le comité diplomatique nous communique la réponse qu'il a faite au protocole du 9 janvier. Si cette proposition était digne de la Belgique elle pourrait avoir une grande influence sur la manière d'envisager la proposition. (U. B., 26 janv.)

- M. Charles Le Hon quitte la salle. (C., 26 janv.)

M. de Robaulx demande la déclaration d'urgence. (U. B., 26 janv.)

M. Lebeau – Avant de déclarer l'urgence (page 250) nous devons entendre la réponse dans cette séance. (U. B., 26 janv.)

Projet de décret relatif aux droits d'entrée sur les fer

Rapport de la section centrale

M. le président – La parole est à M. Zoude pour faire un rapport sur le projet de décret relatif aux fers. (C., 26 janv.)

- Tandis que M. Zoude se dirige vers la tribune, des murmures d'impatience s'élèvent de toutes les parties de l'assemblée, qui parait peu disposée à entendre ce rapport. Il est manifeste pour tous qu'un intérêt plus pressant occupe l'assemblée. (U. B., 26 janv.)

M. Le Bègue – Je ferai remarquer que, d'après une décision du congrès, les séances du jour ne doivent être consacrées qu'à la constitution, et les décrets d'urgence doivent être discutés dans les séances du soir. (U. B., 26 janv.)

- Plusieurs voix – L'impression et la distribution sans lecture ! (U. B., 26 janv.)

M. le président consulte l'assemblée, qui décide que le rapport, sans être entendu, sera imprimé et distribué. (P. V.)

Protocole de Londres du 9 janvier 1831 relatif à la suspension d'armes

Protestation belge relative au maintien du blocus de l'Escaut et à la compétence de la conférence de Londres en matière de territoire et de finances

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique, rentre dans la salle portant en main la réponse au protocole du 9 janvier. L'honorable membre monte à la tribune. (Vif mouvement de curiosité ; silence profond.) Il donne lecture de cette réponse :

« Note verbale du 18 (19) janvier 1831 (Note de bas de page : Trois dates sont assignées à cette note : le 16, le 18 et le 19).

« Les président et membres du comité des relations extérieures ont eu l'honneur de recevoir de lord Ponsonby et de M. Bresson, par une note verbale du 14 janvier, copie certifiée du protocole d'une conférence tenue à Londres, le 9 janvier, par LL. EE. les plénipotentiaires des cinq grandes puissances.

« Le gouvernement provisoire de la Belgique ne peut considérer la résolution prise, le 9 janvier, par les cinq puissances, que comme une conséquence de leur désir d'assurer un effet réciproque à la convention de suspension d'armes conclue sous leur médiation amicale entre les parties belligérantes, et d'achever ainsi la tâche que les puissances ont entreprise dans un but de conciliation et d'humanité ; c'est dans ce seul esprit, en effet, que la médiation des cinq puissances fut spontanément offerte à la Belgique par le Protocole du 4 novembre, et qu'elle fut acceptée par le gouvernement provisoire, dans ses réponses du 10 novembre, du 21 du même mois, et du 15 décembre.

« Le gouvernement belge, fidèle à la parole donnée et sous la foi d'une exécution réciproque, a fait cesser toutes les hostilités de notre part, contre la Hollande, dès le 21 novembre, et il a maintenu cet état de suspension d'armes, depuis près de deux mois, sur presque tous les points malgré la violation permanente de sa condition principale du côté de la Hollande, par la fermeture prolongée de l'Escaut, malgré les autres actes évidents d'hostilité envers nous, signalés dans les notes du 3, du 8, du 18 et du 28 décembre 1830.

« Après ces preuves non équivoques de bonne foi et de loyauté, le gouvernement provisoire, quelque légitime que soit sa défiance des intentions et des promesses de la Hollande, consent à donner un nouveau gage de sa modération en faisant ordonner dès à présent :

« 1° Que, pour le 20 de ce mois, au plus tard, les troupes belges aux environs de Maestricht soient éloignées de cette place, de manière à éviter l'occasion d'agressions journalières entre les soldats du dedans et ceux du dehors ;

« 2° Que les hostilités continuent de rester suspendues, de notre part, sur toute la ligne, et que les troupes reprennent les positions qu'elles occupaient le 21 novembre 1830 ;

« Quant aux positions qu'elles avaient au dedans (page 251) dans des limites non contestées de la Belgique, il a paru au comité que la faculté de les changer était restée parfaitement libre aux deux parties belligérantes.

« Le gouvernement provisoire, en agissant avec cette entière bonne foi, a droit de compter, pour le 20 janvier, sur la complète exécution des engagements de la Hollande.

« Si ce juste espoir était encore déçu, si l'Escaut restait fermé, après deux mois de réclamation et d'attentes vaines, il est dans les devoirs du comité de déclarer qu'il serait extrêmement difficile d'arrêter le cri de guerre de la nation et l'élan de l'armée.

« A cet égard le comité ne peut se dispenser de rappeler ici, qu'aux termes de la note remise à lord Ponsonby et à M. Bresson, le 24 novembre 1830, le gouvernement de la Belgique n'a pas entendu s'obliger envers les puissances par un engagement dont aucune circonstance ne pût le délier ; qu'il n'a pas abdiqué surtout le droit qui appartient à toute nation, de soutenir elle-même, par la force des armes, la justice de sa cause, si les lois de la justice étaient, envers elle, violées ou méconnues. .

« Il lui paraît, au surplus, incontestable que toute convention dont l'effet serait de résoudre les questions de territoire ou de finances, ou bien d'affecter l'indépendance ou tout autre droit absolu de la nation belge, est essentiellement dans les pouvoirs du congrès national ; qu'à lui seul en appartient la conclusion définitive.

« C'est aussi parce que les propositions des puissances n'affectaient aucun de ces droits et de ces hauts intérêts ; parce qu'elles avaient pour objet un état purement temporaire et transitoire, comme la nature même de ses attributions, que le gouvernement belge a cru pouvoir et a pu en effet y donner son adhésion.

« Le comité ajoutera cette considération, bien grave, que toute autre interprétation de l'esprit des négociations suivies jusqu'à ce jour, et de leurs résultats, transformerait réellement la démarche amicale des puissances en une intervention directe et positive dans les affaires de la Belgique ; intervention dont le congrès a formellement repoussé le principe et qui paraîtrait au comité, non moins incompatible avec la paix générale de l'Europe qu'avec l'indépendance de la nation. » (U. B., 26 janv. et A. C.)

- Plusieurs voix – Très bien ! très bien ! L'impression ! (U. B., 26 janv.)

M. de Robaulx – Je demande l'impression de cette pièce ; nous aurons besoin de la méditer.

Le langage diplomatique ne m'est pas familier, mais il me semble que la protestation du comité diplomatique n'est pas assez formelle. Le congrès national doit protester solennellement et en termes énergiques contre un système qui ne tend qu'à nous opprimer. (U. B., 26 janv.)

M. Jottrand – Nous ferons cette protestation le 28. (J. F., 26 janv.)

M. de Robaulx – Si le congrès national ne protestait d'une manière solennelle, il manquerait à ce qu'il se doit à lui-même et à la nation. (U. B., 26 janv.)

M. le président – M. Lebeau, vous aviez demandé la parole. (U. B., 26 janv.).

M. Lebeau – J'y renonce ; seulement je me contenterai d'observer que, le 28, nous serons appelés à faire une protestation, plus forte au fond et moins acerbe dans les formes, que toutes celles que nous pourrions faire aujourd'hui. (U. B., 26 janv.)

M. le comte Duval de Beaulieu – Je partage l'opinion du préopinant ; cependant je crois qu'il n'est pas si urgent de protester contre l'intervention des puissances ; je ne vois pas de menace d'intervention dans le refus de reconnaître notre roi futur. (C., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere – Messieurs, les termes de la réponse du comité diplomatique m'ont paru remplis de dignité ; mais un passage de cette réponse m'a singulièrement effrayé, il est relatif à la citadelle de Venloo. Il y est dit que les troupes reprendront leurs positions du 21 novembre. Or, si je ne me trompe, les Hollandais occupaient Venloo à cette époque. (Non ! non !) (U. B., 26 janv.)

- Plusieurs voix – Elles l'avaient quitté le 12. (U. B., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere – Quoi qu'il en soit, je demanderai à l'honorable M. Le Hon si, en cas que l'armistice fût rompu, les troupes hollandaises rentreraient à Venloo ? (U. B., 26 janv.)

M. Charles Le Hon, membre du comité diplomatique – Les troupes conserveront leurs positions du 21 novembre, et comme nous étions à Venloo à cette époque, nous y resterons, et les Hollandais n'y rentreront pas. (U. B., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere – Je prie le comité diplomatique d'empêcher que, dans aucun cas, les troupes hollandaises ne rentrent à Venloo. (U. B., 26 janv.)

- L'impression et la distribution de la réponse du comité diplomatique sont ordonnées. (U. B., 26 janv.)

Projet de Constitution

Rapport de la section centrale sur le titre V. De la force publique

M. le président – La parole est à M. Fleussu pour faire le rapport de la section centrale sur le titre V du projet de constitution : De la force publique (L'impression ! l'impression !) (C., 26 janv.)

- Sans vouloir entendre ce rapport, l'assemblée en ordonne l'impression et la distribution. (U. B., 26 janv. et P. V.)

Rapport de la section centrale sur le titre VI. De la révision de la Constitution

M. le président – La parole est à M. Raikem pour un autre rapport. (C., 26 janv.)

M. Raikem se dispose à présenter le rapport de la section centrale sur le titre VI du projet de constitution : Dispositions générales, et sur le titre VII : De la révision de la constitution.

- L'assemblée ordonne l'impression et la distribution de ce rapport sans vouloir en entendre la lecture. (U. B., 26. janv. et P. V.)

Titre III. Des pouvoirs

Du pouvoir judiciaire

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du chap. IlI, titre III du projet de constitution, intitulé : Du pouvoir judiciaire.

Article 75 (article 99 de la Constitution)

La discussion sur le dernier paragraphe de l'article 75 est reprise ; ce paragraphe est ainsi conçu :

« Les présidents et vice-présidents sont nommés par les cours et tribunaux. » (U. B., 26 janv. et A. C.)

Un des secrétaires donne lecture de l'amendement suivant proposé par M. Henri de Brouckere :

« Les cours d'appel et la cour de cassation choisissent dans leur sein leurs présidents et vice-présidents. Les présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance sont nommés par le chef de l'État, sur une liste triple présentée par la cour d'appel du ressort auquel ces tribunaux appartiennent. » (C., 26 janv. et A.)

M. Henri de Brouckere développe sa proposition. (C., 26 janv.)

M. Nothomb, secrétaire, lit un amendement de M. Destouvelles, ainsi conçu :

« Les cours et tribunaux nomment, dans leur sein, leurs présidents et vice-présidents. Les suppléants participeront à la nomination, sans pouvoir être élus. » (C., 26 janv. et A.)

M. Henri de Brouckere fait quelques observations sur l'amendement de M. Destouvelles ; il dit que l'augmentation du nombre des éligibles ne remédie pas à l'inconvénient de devoir choisir un président parmi les deux membres restants du tribunal. (c. 26 janv.)

M. Devaux appuie l'amendement de M. de Brouckere ; mais il croit que relativement à la présentation des candidats à la présidence et à la vice-présidence des tribunaux de première instance, on pourrait en restreindre le nombre à élire. (C., 26 janv.)

M. Destouvelles défend sa proposition. (C., 26 janv.)

M. Raikem, rapporteur – Il me paraît qu'il ne faut pas attribuer aux cours seules le droit de présentation ; je voudrais que les conseils de province intervinssent dans la nomination des présidents et vice-présidents. Je propose donc l'amendement suivant :

« Les présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance sont nommés par le chef de l'État, sur deux listes doubles, présentées, l'une par la cour dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal, et l'autre par le conseil de la province où siège ce tribunal. » (C.. 26 janv. et A.)

M. Van Meenen – On raisonne toujours dans l'hypothèse qu'il y a des tribunaux qui se composent seulement de trois juges ; mais le moindre tribunal se compose de quatre juges, y compris le juge d'instruction. (C., 26 janv.)

M. Henri de Brouckere – M. Van Meenen se trompe ; les tribunaux de Hasselt et de Ruremonde ne se composent que de trois juges, y compris le juge d'instruction ; ainsi à la mort du président, le tribunal ne se composera réellement que de deux membres. Or, il sera souvent impossible de choisir un bon président si le choix est réduit à deux personnes. (C., 26 janv.)

M. Destouvelles fait encore quelques observations. (C., 26 janv.)

M. de Behr appuie l'amendement de M. de Brouckere. (C., 26 janv.)

M. Devaux demande un changement dans l'ordre des dispositions du projet de loi, en cas que l'amendement de M. Raikem fût adopté. (C., 26 janv.)

M. Raikem, rapporteur, (page 253) fait la même demande. (C., 26 janv.)

M. le baron Beyts combat l'utilité de la présentation faite par les conseils provinciaux. (C., 26 janv.)

M. Barthélemy propose de laisser à la loi sur l'organisation judiciaire le mode de nomination des présidents et vice- présidents. (C., 26 janv.)

M. Raikem, rapporteur – Si on adopte ce système, on pourrait attribuer au chef de l'État seul le choix des présidents ; or l'influence d'un président est trop importante pour qu'on laisse le chef de l'Etat maître de choisir pour président qui bon lui semblerait. (C., 26 janv.)

M. Du Bus appuie la proposition de M. Destouvelles. (Aux voix ! aux voix !) (C., 26 janv.)

- On met aux voix l'amendement de M. Barthélemy ; il est rejeté. (C., 26 janv.)

M. le président – Je vais mettre aux voix l'amendement de M. Destouvelles. (C., 26 janv.)

M. Le Bègue réclame la priorité pour l'amendement de M. de Brouckere. (C., 26 janv.)

- Après quelques discussions, on met aux voix la proposition de M. Raikem. Une première épreuve est douteuse. On procède à une deuxième épreuve ; la proposition est adoptée. (P. V.)

Le congrès décide qu'elle sera insérée au paragraphe deuxième de l'article ; la rédaction de ce paragraphe se trouve par suite modifiée de la manière suivante :

« Les conseillers des cours d'appel et les présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance de leur ressort, sont nommés par le chef de l'État, sur deux listes doubles, présentées, l'une par ces cours, l'autre par les conseils provinciaux. » (P. V.)

Le dernier paragraphe de l'article 70 est ensuite rédigé en ces termes :

« Les cours choisissent dans leur sein leurs présidents et vice-présidents. » (P. V.)

Un des secrétaires donne lecture de l'article 75 modifié ; en voici les termes :

« Art. 75. Les juges de paix et les juges des tribunaux sont directement nommés par le chef de l'État.

« Les conseillers des cours d'appel et les présidents et vice-présidents des tribunaux de première instance de leur ressort sont nommés par le chef de l'État, sur deux listes doubles présentées l'une par ces cours, l'autre par les conseils provinciaux.

« Les conseillers de la cour de cassation sont nommés par le chef de l'État sur deux listes doubles présentées l'une par le sénat, l'autre par la cour de cassation elle-même.

« Dans ces deux cas, les candidats portés sur une liste pourront également être portés sur l'autre.

« Toutes les présentations sont rendues publiques, au moins quinze jours avant la nomination.

« Les cours choisissent dans leur sein leurs présidents et vice-présidents. » (P. V.)

- L'ensemble de cet article est mis aux voix et adopté. (P. V.)

Article 76 (article 100 de la Constitution)

« Art. 76. Les juges sont nommés à vie.

« Aucun juge ne peut être privé de sa place, ni suspendu que par un jugement.

« Le déplacement d'un juge ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement. »

- Adopté. (A. C. et P. V.)

Article 77 (article 101 de la Constitution)

« Art. 77. Le chef de l'État nomme et révoque les officiers du ministère public près des cours et tribunaux. » (A. c.)

M. Destouvelles propose un amendement ainsi conçu :

« Les officiers du ministère public près des cours et des tribunaux sont inamovibles. Ils sont nommés par le chef de l'État sur deux listes doubles présentées l'une par la cour de cassation, l'autre par la cour ou le tribunal près duquel ils sont appelés à remplir leurs fonctions. » (A.)

- Cet amendement est appuyé. (C., 26 janv.)

M. Destouvelles – On a trouvé que, puisque le ministère était responsable, le ministère public devait être révocable par le pouvoir exécutif. Mais il est une différence entre le gouvernement absolu et le gouvernement constitutionnel : dans le premier, les officiers du parquet sont serviteurs du souverain ; la loi émane du trône, ils sont ses véritables organes ; mais, dans le second, la loi étant l'ouvrage des trois branches du pouvoir législatif et par conséquent de la volonté générale, les officiers du parquet sont avant tout les hommes de la loi et de la nation ; et ne le deviennent du pouvoir exécutif que quand ils exécutent les jugements, mais, comme ils sont en outre les dépositaires de la vindicte publique, ils doivent être indépendants et dégagés de l'influence du pouvoir exécutif. (J. B., 26 janv.)

M. Lebeau – L'inamovibilité des officiers du parquet est contraire au principe de la responsabilité ministérielle. La responsabilité suppose le pouvoir de faire le mal et le bien. Ce n'est qu'en supposant l'amovibilité de ces officiers que vous pouvez comprendre l'action d'un ministre de la justice ; car ce fonctionnaire doit pouvoir imprimer (page 254) une direction uniforme à tous les parquets. Un délit politique a été commis. Le ministre croit que l'intérêt de l'État demande une poursuite, le parquet ne veut pas agir. Il est inamovible, il ne peut y être forcé. Lorsqu'il y a un changement de ministère, le système entier du gouvernement change. Les nouveaux ministres veulent agir dans un sens nouveau ; ils trouvent les suppôts impopulaires de l'ancien régime qui leur sont opposés. (J. B., 26 janv.)

M. Destouvelles répond aux objections de M. Lebeau, et modifie sa proposition de la manière suivante :

« Le chef de l'État nomme et révoque les officiers du ministère public et les greffiers près des cours et tribunaux. La nomination des greffiers se fait sur une liste triple de candidats présentée par ces cours et tribunaux. » (C., 26 janv. et A.)

M. le chevalier de Theux de Meylandt combat l'amendement de M. Destouvelles. (J. F., 26 janv.)

M. Fleussu parle contre l'inamovibilité. (Aux voix ! Aux voix !) (C., 26 janv.)

- La proposition de M. Destouvelles est mise aux voix et rejetée. (C., 26 janv.)

L'article 77 est adopté. (P. V.)

Article 78 (article 102 de la Constitution)

« Art. 78. Les traitements des membres de l'ordre judiciaire sont fixés par la loi.» (A. C.)

- Cet article est adopté sans discussion. (P. V.)

Article 79 (article 103 de la Constitution) : interdiction d'exercer des fonctions salariées par le gouvernement

« Art. 79. Aucun juge, autre que les suppléants, ne peut accepter du gouvernement des fonctions salariées, à moins qu'il ne les exerce gratuitement, et sans préjudice des cas d'incompatibilité déterminés par la loi. » (A. C.)

M. Devaux demande le retranchement des mots : autres que les suppléants (C., 26 janv.)

- L'article 79, ainsi modifié, est adopté. (P. V.)

Article 80 (article 104 de la Constitution) : cours d'appel

« Art. 80. Il y aura trois cours d'appel en Belgique.

« La loi déterminera les lieux où elles seront établies. » (A. C.)

M. Masbourg propose l'amendement suivant :

« Il y aura en Belgique trois cours d'appel au moins, et cinq au plus. La loi déterminera les lieux où elles seront établies. » (A.)

Cet amendement est appuyé. (C., 26 janv.)

M. Claus propose un amendement ainsi conçu :

« Il y aura au moins trois cours d'appel en Belgique. » (A.)

- Cet amendement est appuyé. (C., 26 janv.)

M. le président donne la parole à M. Masbourg pour développer son amendement. (C., 25 janv.)

M. Masbourg – La crainte de multiplier les corps de judicature a déterminé la section centrale à ne proposer que trois cours d'appel pour toute la Belgique. Cette proposition me paraît inadmissible : elle créerait une source de difficultés et de divisions entre certaines provinces ; car, quel que soit le parti que prenne la législature appelée à fixer le siège de la troisième cour, sa décision sera inévitablement suivie de réclamations sans nombre que formeront les provinces qui auront inutilement concouru pour obtenir la préférence.

Les Flandres, le Hainaut et particulièrement le Grand-duché élèveront des prétentions. La population, les richesses, l'industrie, le commerce qui y firent établir, il y a plusieurs siècles, les conseils de Flandre et du Hainaut ; ces causes, et toutes les relations qui en sont les suites, ne militeront pas avec moins de force qu'alors en faveur du rétablissement de cours de justice dans ces provinces.

L'institution d'un conseil à Luxembourg, non moins ancienne, avait été jugée indispensable à raison de l'éloignement de cette province et de la vaste étendue de son territoire. La position qui le plaçait déjà alors dans un cas d'exception, lui attribue aujourd'hui les mêmes droits, et de plus fondés encore, à réclamer une cour d'appel. Eloignée de quarante à cinquante lieues du siège de la cour supérieure de justice, dont elle dépend, elle ne pourrait sans une injustice révoltante, rester privée d'une cour. Le coup que lui porta la suppression de son ancien conseil ne se fit sentir dans toute sa force qu'à l'époque où cette province fut placée sous la juridiction d'un corps siégeant à une distance prodigieuse. Elle avait jusque-là fait partie du ressort de la cour d'appel de Metz, dont le chef-lieu se trouvait assez rapproché, d'autant plus que le département des Forêts était plus circonscrit. Mais depuis la cessation du régime français, sa position, sous ce rapport, a été une véritable calamité, et il y a seize ans que cette province en supporte le poids.

Un état de choses aussi préjudiciable à ses intérêts et aussi incompatible avec toute idée de justice, disparaîtra incessamment dans le nouvel ordre judiciaire, fondé sur des principes constitutionnels. Cependant si l'on admettait la proposition de la section centrale, cette réforme, que ce simple exposé démontre évidemment indispensable, pourrait ne pas se réaliser ; elle deviendrait même impossible, si la législature fixait à Gand, par exemple, le siège de la troisième cour. Ainsi la constitution qui devrait contenir des germes d'amélioration, formerait un obstacle insurmontable à la réparation (page 255) d'une profonde injustice et au redressement d'un grief qui frappe depuis seize ans plus de 300,000 Belges.

Mais en supposant que le législateur, mû par d'aussi puissants motifs, assignât l’établissement de la troisième cour à Luxembourg, pensez-vous, messieurs, que dans ce cas, les Flandres, le Hainaut dussent être privés du même avantage ? Pouvons-nous, par un article de la constitution, décider irrévocablement et en dernier ressort les droits de ces provinces ? Admettre la proposition de la section centrale, ce serait anéantir sans retour des vœux et des espérances qui peuvent être très légitimes et très fondés.

C'est par ces considérations, messieurs, que je crois avoir justifié la première partie de mon amendement tendant à statuer qu'il y aura au moins trois cours d'appel en Belgique.

Il ne me sera pas plus difficile, messieurs, de démontrer l'utilité de la seconde partie du même amendement, ayant pour objet de limiter à cinq le nombre de ces cours de justice.

L'assemblée sait avec quelle défaveur le système d'une cour par province, adopté à une faible majorité en 1827, avait été accueilli par le public. La difficulté de composer le personnel ; la bigarrure qu'aurait offerte la variation de la jurisprudence de tant de cours souveraines, et plusieurs autres défauts que l'on a signalés, avaient déterminé quelques membres des états généraux à proposer un nouveau plan, même avant que la loi eût été mise en exécution. Cette tentative, comme on sait, n'a pas eu de succès.

L'étrange conception qui avait présidé à une loi aussi vicieuse n'était pas en désaccord avec la loi fondamentale qui avait posé en principe qu'il y aurait une cour de justice pour une ou plusieurs provinces. Il est essentiel de prévenir le retour d'un abus aussi dangereux ; il sera rendu impossible si l'on fixe à cet égard un maximum dans la constitution, et en accordant à la législature la latitude que je propose on restera bien loin encore de ce système que je viens d'avoir l'honneur de vous rappeler. Il n'y a en effet aucun rapport d'un plan de cinq cours pour neuf provinces et quatre millions d'habitants, à cet ordre de choses qu'aurait introduit la loi de 1827, en établissant dix-huit cours pour dix-huit provinces et une population de six millions.

En adoptant l'amendement que j'ai l'honneur de vous soumettre, vous écarterez, messieurs, le danger de multiplier outre mesure et sans nécessité les corps de judicature, et vous atteindrez ainsi le but que s'est proposé la section centrale même ; vous éviterez en même temps le grave inconvénient qui résulterait de la détermination absolue de l'article tel qu'il est rédigé.

Je terminerai cet exposé par cette observation générale, que nous devons donner le plus grand caractère possible d'immutabilité à nos institutions constitutionnelles, en mettant la législature en situation de satisfaire à des droits légitimes, des nécessités indispensables. Car si nous lui en ôtons les moyens, la force des choses provoquera des révisions de la constitution qui n'auront jamais lieu sans remettre en question toutes nos libertés, sans être suivies de modifications qui pouvaient ramener sous l'un ou l'autre rapport ces ambiguïtés de la loi fondamentale, dont nous nous efforçons aujourd'hui d'effacer jusqu'aux dernières traces. (B., 27 janv.)

M. Claus – Notre législation en matière de cassation était trop vicieuse pour que les rédacteurs du projet de constitution ne cherchassent point à revenir aux principes élémentaires de la matière, en établissant une cour de cassation séparée et un nombre de cours d'appel suffisant pour que la cour de cassation ne dût plus juger le fond.

Pour parvenir à ce résultat, il fallait au moins trois cours, et c'est à ce nombre que l'on s'est arrêté. Mais s'il était évident qu'il fallait nécessairement trois cours, il ne l'était pas également que l'intérêt public ou même des intérêts locaux n'en exigeraient pas davantage.

Cette question, aussi difficile qu'importante, demande pour être décidée, des renseignements et des connaissances locales qui manquent et doivent manquer à la grande majorité des membres du congrès, et qu'aucun de nous n'est probablement à même de discuter dans ce moment.

Ce serait cependant trancher cette même question que d'adopter l'article tel qu'il est proposé ; ce serait repousser, sans en avoir pris connaissance, des prétentions qui pourraient plus tard être reconnues légitimes ; en un mot, ce serait consacrer une injustice. Cette considération suffirait seule pour faire adopter l'amendement proposé, surtout qu'il ne préjuge pas même la nécessité d'une quatrième cour, et n'a pour but que de remettre, à un moment où l'on sera préparé, une discussion à laquelle se rattachent les intérêts les plus graves. (E., 26 janv.)

M. Van Snick appuie fortement cette opinion ; il fait valoir en sa faveur l'intérêt immense de la province de Hainaut, et rentre dans des considérations d'intérêt général. (E., 26 janv.)

M. Nothomb – Je voterai contre l'article du (page 256) projet. Il est impossible de fixer aujourd'hui le maximum du nombre des cours d'appel. Cette question tient à des détails de localité, et il faut l'abandonner aux législatures qui nous suivront. Si vous limitez irrévocablement les cours d'appel à trois, vous liez les législateurs à venir, sans avoir mûrement examiné une question très importante ; les cours seront à Liége, à Bruxelles, et probablement à Gand ; et vous refusez cette institution judiciaire au Hainaut, province si étendue, et au Luxembourg, province si éloignée du siège actuel de la cour. Il vaut mieux ne rien préjuger. La province de Luxembourg est dans une position moins favorable qu'elle n'était sous l'empire français : Metz est moins éloigné que Liége. Le gouvernement autrichien avait fait une exception à l'égard du duché de Luxembourg. La mesure d'ailleurs sera impolitique ; le roi de Hollande dotera probablement d'une cour d'appel son prétendu grand-duché, et pourra dire aux Luxembourgeois : Je fais pour vous plus que le gouvernement belge. (C., 26 janv.)

M. Van Meenen propose de supprimer l'article 80 et de laisser à la loi d'organisation judiciaire le soin de déterminer le nombre des cours d'appel. (U. B., 26 janv.)

M. Gendebien (père) appuie l'amendement de M. Claus. (U. B., 26 janv.)

M. Fleussu croit qu'il faut dès ce moment, déterminer quel sera le nombre des cours d'appel. Qu'il ne faut point laisser dans le vague un objet aussi important. (C., 26 janv.)

M. Jean-Baptiste Gendebien – La loi fondamentale est de durée perpétuelle, tandis que l'ordre judiciaire varie avec les besoins des peuples ; il faut donc s'abstenir de toute disposition ; par ce moyen vous ôtez toute inquiétude pour l'avenir. Il est à espérer que ceux qui décideront plus tard du nombre des cours consulteront le trésor et se persuaderont que nous ne sommes plus divisés par des intérêts locaux, mais que nous voulons tous l'intérêt général. Je voterai pour la suppression de l'article. (J. B., 26 janv.)

M. Le Bègue demande que le principe soit établi dans la constitution, non dans le sens du préopinant, pour entraver dans la suite les besoins de la nation, mais afin qu'on ne puisse nous arracher dans le moment actuel les trois cours d'appel qui sont indispensables. Pour ces motifs, l'orateur votera en faveur de l'amendement de M. Claus. (J. F., 26 janv.)

M. Raikem, rapporteur, considère l'institution des trois cours, d'abord sous le rapport de l'uniformité de jurisprudence ; ensuite sous le rapport de la difficulté qu'il y aura de trouver des membres capables, si l'on multiplie trop les cours ; enfin, sous le rapport de la diminution des dépenses : il se prononce en faveur de l'établissement de trois cours. (C., 26 janv.)

M. le président invite les sections qui ne se sont pas encore occupées de l'examen du projet de décret du ministre des finances présenté dans la séance du 20 janvier, à s'en occuper ce soir. (C., 26 janv.)

M. Destouvelles renonce à la parole. (Aux voix ! aux voix ! La clôture ! la clôture ! Bruit.) (C., 26 janv.)

M. le président – Silence, messieurs ; silence donc ! (C., 26 janv.)

M. Claus répond à quelques objections de M. Raikem. (C., 26 janv.)

M. le président met aux voix l'amendement de M. Van Meenen qui tend à la suppression de l'article 80. (C., 26 janv.)

- Cet amendement est rejeté ; il en est de même de ceux de MM. Masbourg et Claus. (C., 26 janv.)

L'article 80 est mis aux voix et adopté, (P. V,)

La séance est levée à cinq heures. (P. V.)