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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 10 avril 1848

(Annales parlementaires de Belgique, session 1847-1848)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1257) M. Troye procède à l'appel nominal à 2 heures et un quart.

- La séance est ouverte.

M. T'Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Troye présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de la commune de Wardin présentent des observations contre le projet de loi d'emprunt et proposant diverses, mesures pour améliorer la situation du pays et notoirement celle du Luxembourg. »

- Renvoi à la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi d'emprunt.


« Un grand nombre d'habitants de Verviers présentent des observations contre le projet d'emprunt et proposent une émission de bons du trésor, à l'intérêt de 5 p. c, hypothéquée sur les biens domaniaux qui peuvent être réalisés et que l'Etat s'engagerait à vendre dans des circonstances normales. »

- Même renvoi.


« Le sieur Sittelbaer demande que le gouvernement soit autorisé à vendre les marais et prairies communaux, moyennant une indemnité à donner aux communes et à leurs habitants. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Ferec, instituteur à Anvers, prie la chambre de le dispenser de concourir à l'emprunt proposé par le gouvernement. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Roi et Beckers présentent des observations sur la proposition de loi qui proroge les pouvoirs des jurys d'examen universitaire.»

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.


« Le sieur Pire demande des réductions sur les traitements ; l'agrandissement des recettes dans les contributions ; le retrait de la loi sur l'instruction primaire ; la diminution du nombre des ministres des cultes ; un cautionnement par tous les employés de l'Etat ; la révision de la contribution personnelle et un impôt sur le tabac. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs habitants de Liège et des rives de la Meuse, depuis Liège jusqu'à Chokier, demandent que les deux millions restant du cautionnement déposé par la société concessionnaire du chemin de fer du Luxembourg soient restitués à la compagnie pour aider à l'exécution du canal de l'Ourthe. »

M. Lesoinne. - Je demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur cette pétition qui aurait pour résultat de donner de l'ouvrage à la classe ouvrière, sans qu'il en coûtât un centime au gouvernement.

M. Orban. - On demande un rapport d'urgence sur cette pétition. Il me semble que c'est surtout de la maturité que réclame cet 'examen ; l'affaire est assez grave pour cela. Mon observation tend surtout à établir que c'est là une de ces affaires sur lesquelles une résolution précipitée ne peut être prise.

- La chambre consultée, renvoie la pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


Dépêche de M. le ministre de l'intérieur accompagnant l'envoi de deux exemplaires du troisième numéro des procès-verbaux de la commission chargée de la publication des anciennes lois de la Belgique. »

- Dépôt à la bibliothèque.


MM. d'Anethan et A. Dubus s'excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour pour cause d'indisposition.

- Pris pour information.

Projet de loi qui modifie la classification des communes

Rapport de la section centrale

M. de Brouckere fait un rapport au nom de la section centrale qui a été chargée d'examiner le projet de loi relatif à la classification des communes.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et, sur la proposition de M. Delfosse, met ce projet de loi à l'ordre du jour de demain.

Proposition de loi prorogeant les pouvoirs des jurys d'examen de 1847 pour la première session de 1848

Rapport de la section centrale

M. de Brouckere fait ensuite le rapport suivant au nom de la section centrale qui a examiné comme commission la proposition de M. Rodenbach relative aux jurys d'examen universitaires. (Nous publierons ce rapport.)

M. le président. - A quelle époque la chambre entend-elle fixer la discussion ?

Plusieurs membres. - Tout de suite !

M. Delfosse. - Il n'y a pas d'avantage à s'occuper de suite de ce projet de loi, puisque le sénat ne se réunit que demain. Je propose de le mettre à l'ordre du jour de demain.

M. de Mérode. - Appuyé ! On pourra ainsi s'occuper de la question de l'indemnité à attribuer aux examinateurs, question sur laquelle l'attention a été attirée.

- La chambre met ce projet de loi à l'ordre du jour de demain.

Projet de loi autorisant la prorogation du délai d'exécution du chemin de fer concédé de Marchienne-au-Pont à Erquelinnes

Rapport de la section centrale

M. Bricourt dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à la prorogation du délai d'achèvement du chemin de fer concédé de Marchienne-au-Pont à Erquelinnes. La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport

Le rapport sera imprimé et distribué. La chambre fixera ultérieurement le jour de la discussion.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget des dotations

Rapport de la commission

M. Mercier. - J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission qui a été chargée de l'examen d'un projet de loi allouant un crédit supplémentaire au budget des dotations.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et fixe à demain la discussion du projet.

Projet de loi sur la garde civique

Discussion des articles

Titre II. Formation du contrôle

Article 25

« Art. 25 (projet du gouvernement). Le contrôle de service comprendra :

« A. Les gardes payant dans le royaume en contributions directes, patentes comprises, dans les communes :

« de 2,000 à 15,000 âmes : 15 fr.

« de 15,000 à 40,000 âmes, 25 fr.

« de 40,000 à 100,000 âmes, 40 fr.

« B. Leurs fils non mariés ;

« C. Leurs fils mariés et leurs gendres demeurant avec eux ;

« D. Les docteurs en médecine ou chirurgie, en droit, en sciences et lettres ;

« E. Les fonctionnaires, les employés, les pensionnés de l'Etat, de la province ou de la commune, dont les appointements ou la pension s'élèvent au moins à 1,500 fr.

(page 1258) « F. Les gardes qui, ne payant pas le cens fixé au paragraphe A, ou qui ne payant aucune contribution directe, seront néanmoins reconnus par le conseil de recensement devoir faire partie de la garde civique. »

« Art. 23 (projet de la section centrale). Il est établi deux contrôles des hommes destinés à composer les compagnies sédentaires, l'un de service ordinaire et l'autre de réserve.

« Les hommes portés sur ce dernier contrôle ne sont appelés à faire partie de la garde civique que dans des circonstances extraordinaires,

« Les gardes qui peuvent s'habiller à leurs frais sont seuls tenus de concourir au service ordinaire et constituent les compagnies.

« Néanmoins, dans les communes où le nombre des gardes qui peuvent s'habiller à leurs frais n'atteindrait pas celui de quarante hommes dans chaque compagnie sédentaire, la commune est tenue de parfaire ce nombre en appelant au service ordinaire ceux des gardes qui peuvent le plus facilement contribuera leur habillement et qui font partie du contrôle de réserve ; dans ce cas, elle doit contribuer pour le surplus. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je puis me rallier à une partie de l'article 23. Cet article n'est, en effet, que la reproduction des dispositions actuellement existantes. Il a été emprunté à la loi du 2 janvier 1835. Seulement la section centrale paraît avoir perdu de vue que la loi de 1835 était spéciale à certaines communes, aux communes de 5,000 âmes et au-dessus. Dans sa généralité, l'article 23 ne pourrait pas être applicable à toutes les communes.

Le dernier paragraphe porte que dans les communes où le nombre des gardes, qui peuvent s'habiller à leurs frais, n'atteindrait pas le chiffre de 40 hommes, la commune est tenue de parfaire ce nombre. Dans les communes de 5,000 hommes, on peut supposer que le nombre d’hommes atteigne 40. Dans la loi de 1835, le nombre d'hommes est même de 60. Mais dans les communes d'une population inférieure à 5,000 âmes, il peut fort bien arriver que le nombre d'hommes capables de faire partie de la garde civique n'atteigne pas le nombre de 40.

Le dernier paragraphe ne peut donc être adopté dans sa généralité. Il faudra le modifier.

M. Delfosse. - Je félicite M. le ministre de l'intérieur d'avoir renoncé au projet primitif, présenté par M. Nothomb. L'article 25 de ce projet était conçu dans un sens tout à fait aristocratique. Il aurait fallu, pour faire partie de la garde civique, payer un cens assez élevé. Alors qu'en France, sous la monarchie, on n'exigeait des citoyens admis à faire partie de la garde nationale que le payement d'une contribution quelque minime qu'elle fût, M. Nothomb voulait exiger le payement d'un cens de 40 francs dans certaines communes, de 25 et de 15 francs dans d'autres. M. le ministre de l'intérieur ne pouvait adopter ce système et il a très bien fait de se rallier à la proposition de la section centrale. Seulement il propose une modification au dernier paragraphe ; il fait remarquer avec raison que l'article 23 n'est que la reproduction d'une disposition de la loi du 2 janvier 1835 qui ne s'appliquait qu'aux communes de plus de 5,000 âmes tandis, que la loi actuelle s'appliquerait même à des communes de 3,000 âmes. Je ne vois pas d'inconvénient à faire droit à l'observation de M. le ministre de l'intérieur et d'ajouter après : « Néanmoins dans les communes, » les mots « de plus de 5,000 âmes. »

La disposition de la loi de 1835 exigeait soixante hommes ; la section centrale a cru que ce serait une charge trop forte pour les communes, et elle a réduit le nombre d'hommes qui doivent nécessairement être habillés à quarante.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Que ferez-vous dans les communes de moins de 5,000 âmes ?

M. Delfosse. - Dans ces communes, il n'y aura pas obligation d'habiller 40 hommes par compagnie.

- La chambre adopte d'abord l'amendement de M. Delfosse, qui tend à ajouter après les mots : « Néanmoins dans les communes, » ceux-ci : « de plus de 5,000 âmes. »

L'article 25, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.

Article 26

M. le président. - Le gouvernement consent-il à la suppression de l'article 26, qui est proposée par la section centrale ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Oui, M. le président.

- L'article 26 est supprimé.

Titre IV. Formation des compagnies, bataillons et légions ; composition des cadres

Article 27

« Art. 27 (projet du gouvernement). Les compagnies et subdivisions de compagnies seront formées par le chef de la garde sur le contrôle de service, et autant que possible, des citoyens d'un même quartier. »

« Art. 24 (projet de la section centrale). Les compagnies et subdivisions de compagnies sont formées par le chef de la garde sur le contrôle de service. Elles se composent, autant que possible, des citoyens d'un même quartier. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à la rédaction de la section centrale.

M. Broquet-Goblet. - Messieurs, avant de voter cet article, je pense qu'il est bon de faire une observation. Déjà dans l'article 18 nous avons admis le principe que le chef de la garde fait partie du conseil de recensement. Dans l'article en discussion, nous admettons encore le chef de la garde comme devant former les compagnies. Nous supposons donc que le chef de la garde sera nommé, avant que la garde ne soit organisée ; pour cela il faut décider d'abord la question de savoir si le chef de la garde sera nommé par le gouvernement ou par la garde elle-même. Si le chef de la garde doit être nommé par la garde elle-même, les compagnies doivent être organisées pour nommer les officiers afin que ceux-ci puissent ensuite nommer le chef de la garde.

M. Delfosse. - Messieurs, l'article de la section centrale ne diffère de celui du gouvernement que par la rédaction. L'honorable M. Broquet fait une objection ; il dit : « Lorsqu'on organisera pour la première fois la garde civique, il peut arriver que le chef de la garde ne soit pas encore nommé. »

L'objection serait fondée, si la section centrale n'avait pas inséré à la fin du projet une disposition transitoire, qui a pour objet de donner au gouvernement des pouvoirs pour la première organisation de la garde civique ; quand nous arriverons à cette disposition, nous verrons s'il y est fait droit aux observations de l'honorable M. Broquet. Mais l'article 24 du projet de la section centrale doit être maintenu.

M. Broquet-Goblet. - Tel qu'il est rédigé, l'article 106 du projet de loi ne répond pas à l'objection que j'ai faite. Du reste, je reproduirai mon observation quand nous discuterons l'article 106.

- L'article 24 du projet de la section centrale (correspondant à l'article 27 du projet du gouvernement), article auquel M. le ministre de l'intérieur s'est rallié, est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le projet de loi ne prévoit pas le cas où le nombre d'hommes, admis dans une commune pour la garde civique, serait insuffisant pour former une compagnie. La loi de 1830 avait prévu ce cas ; une disposition portait que quand une commune ne fournirait pas le nombre d'hommes nécessaires la formation d'une compagnie, on la joindrait à d'autres communes pour parfaire la compagnie, de manière que les hommes de chaque commune pussent encore être réunis en peloton ou en escouade ; je n'ai pas trouvé dans le projet de loi cette disposition de la loi de 1830 ; c'était l'article 20. Je demanderai donc le rétablissement de cette disposition.

Les articles relatifs aux élections supposent le cas ; mais le principe n'a pas été déposé dans le projet de loi.

Voici comment serait conçue la disposition additionnelle que je proposerais :

« Lorsqu'une commune ne fournit pas le nombre d'hommes nécessaire à la formation d'une compagnie, le commandant cantonal la joint à une ou plusieurs communes voisines de manière à ce que les hommes de chacune d'elles demeurent réunis soit en peloton, soit en section, soit en escouade suivant leur nombre. »

M. Delfosse. - L'article 3 prévoit au moins en partie le cas indiqué par M. le ministre de l'intérieur. L'article 3 porte :

« La garde civique est organisée par commune.

« Le gouvernement déterminera les communes dont les gardes seront réunies pour être formées, s'il y a lieu, en bataillon ou en légion. »

Il faudrait ajouter les mots « en compagnie » après « s'il y a lieu ».

Il suffit d'ajouter un seul mot à l'article 3 pour faire droit à l'observation de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai signalé une lacune qui se trouve dans la loi, que l'article 3 s'occupait de la formation du bataillon et de la légion : restait la formation de la compagnie qui exigera quelquefois la réunion de plusieurs communes. Je reconnais que l'addition proposée par M. Delfosse fait droit à mon observation.

M. Delfosse. - Cela vaut mieux qu'un article nouveau.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - On peut adopter provisoirement ma proposition, sauf à la faire rentrer, au deuxième vote, dans l'article 3.

M. le président (M. Liedts). - D'après la proposition de M. Delfosse, c'est le gouvernement qui réunit les gardes des diverses communes ; d'après la loi de1830 c'est le chef cantonal.

M. Delfosse. - C'est le chef de la garde qui forme la compagnie, mais ici il s'agit de déterminer quelles sont les communes qui concourront à composer la compagnie, il y a une décision préalable à prendre par le gouvernement.

- La disposition additionnelle proposée par M. le ministre est mise aux voix et adoptée.

Article 28

« Art. 28 (projet du gouvernement). Dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse, ou à proximité des frontières, et dans celles dont la garde civique sera forte de plus de 600 hommes, le gouvernement pourra autoriser la formation de compagnies ou de subdivisions de compagnies d'artillerie et de cavalerie, qui seront organisées sur le même pied que dans l’armée.

« Art. 25 (projet de la section centrale). La députation permanente peut, sur la demande du conseil communal, autoriser la formation de compagnies ou de subdivisions de compagnies de chasseurs-éclaireurs, d'artillerie et de cavalerie.

(page 1259) « Ces compagnies spéciales font en temps de paix le service concurremment avec les autres gardes. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne puis pas me rainer à la proposition de la section centrale, bien qu'elle soit empruntée en partie à la loi de 1830.

La section centrale veut substituer l'action de la députation à celle du gouvernement, quand il s'agit de décider si on rétablira dans certaines communes ou villes fortifiées des compagnies de chasseurs-éclaireurs, d'artillerie et de cavalerie ; cela sort des attributions ordinaires de la députation et rentre dans celles du pouvoir exécutif. Je crois qu'il ne faut pas mêler la députation à .trop de choses, ni augmenter ses attributions déjà très nombreuses.

Je demande le maintien de la proposition du gouvernement. J'ajouterai, pour donner une garantie : « Le gouvernement pourra, le conseil communal entendu. » J'admettrai les chasseurs-éclaireurs proposés par la section centrale ; j'ajouterai les sapeurs-pompiers volontaires.

Il y a certaines communes où les habitants forment des compagnies de sapeurs-pompiers volontaires qui peuvent rendre aussi des services à l'ordre public.

M. Delfosse. - La section centrale a modifié la proposition du gouvernement sur plusieurs points : d'abord le gouvernement n'admet la formation des compagnies spéciales que dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse, ou à proximité des frontières, etc. La section centrale a fait disparaître toutes ces conditions, elle pense qu'il y aura une garantie suffisante dans l'intervention de l'autorité à laquelle il faudra soumettre la demande du conseil communal.

Que ce soit la députation permanente ou le gouvernement, peu importe.

Si la formation de compagnies spéciales, en dehors des conditions indiquées au projet du gouvernement, paraît utile au gouvernement ou à la députation permanente, je ne vois pas pourquoi on se mettrait dans l’impossibilité d'accorder l'autorisation. M. le ministre de l'intérieur ne fera, sans doute, pas difficulté de se rallier, sur ce point, à la proposition de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur ne veut pas que l'autorisation émane de la députation permanente ; il préfère qu'elle puisse être donnée par le gouvernement, la députation permanente a déjà, dit-il, des attributions assez nombreuses. Je ferai remarquer que le gouvernement en a de plus nombreuses encore.

Je ne suis pas de ceux qui veulent exagérer l'action du pouvoir central, mais je reconnais qu'il n'y a pas de raison pour se méfier du gouvernement en cette circonstance ; il ne s'agit que d'autoriser la formation des corps spéciaux. Le gouvernement n'abusera pas de ce droit, qui est subordonné à la demande du conseil communal. Cette garantie suffit. J'admets donc que l'autorisation soit donnée par le gouvernement.

J'admets que le gouvernement puisse, sur la demande du conseil communal, autoriser la formation de compagnies ou de subdivisions de compagnies de sapeurs-pompiers volontaires, d'artillerie, de chasseurs-éclaireurs et de cavalerie, comme le propose M. le ministre de l'intérieur.

Si la chambre partage mon avis, elle adoptera l'article 25 de la section centrale avec cette seule modification que le gouvernement serait substitué à la députation permanente.

M. Rousselle. - Je dois faire observer à la chambre que la loi communale, en son article 128, parle des corps de sapeurs-pompiers, et que, si l'amendement de M. le ministre de l'intérieur était adopté, cet article de la loi communale pourrait être entièrement renversé.

L'article 128 de la loi communale est ainsi conçu : « Art. 128. Tout corps armé de sapeurs-pompiers, de soldats de ville ou sous une autre dénomination quelconque, ne peut être établi ou organisé que du consentement du conseil communal et avec l'autorisation du Roi.

« Le Roi nomme les officiers sur une liste de trois candidats présentés par le conseil communal. »

Si donc on adjoignait les sapeurs-pompiers à la garde civique, tout le système de cet article ne serait-il pas renversé ?

Si telle est la volonté de la chambre, elle peut sans doute la consacrer dans la loi dont elle s'occupe ; mais j'ai pensé qu'elle devait être avertie que la proposition touche à une disposition de la loi organique du pouvoir communal.

M. Delfosse. - L'article 128 de la loi communale ne me paraît pas applicable à un corps de sapeurs-pompiers volontaires, faisant partie de la garde civique. Cet article peut très bien se concilier avec la proposition de M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - L'amendement que j'ai présenté m'a été suggéré par un honorable représentant d'une ville où il existe un corps de sapeurs-pompiers volontaires. Il semble préférable de rattacher cette institution à la garde civique plutôt que de la confondre avec les corps de sapeurs-pompiers soldés.

Il est vrai que l'article 128 de la loi communale ne distingue pas entre les sapeurs-pompiers salariés et les sapeurs-pompiers volontaires. Mais, je crois que cet article n'a pu s'occuper que des corps de sapeurs-pompiers salariés.

La disposition introduite dans l'article 28 ne dérogerait donc en rien à la loi communale. Rien ne serait renversé. Tout serait confirmé. Nous ne nous occupons pas ici des corps de sapeurs-pompiers soldés, mais seulement des corps de sapeurs-pompiers volontaires. Il en existe dans plusieurs communes.

La section centrale propose d'étendre à toutes les communes sans distinction la faculté de créer des corps spéciaux. Je crois qu'il faut laisser dans la loi une certaine restriction. Si le gouvernement ne trouve pas dans la foi un obstacle à l'extension de ces corps spéciaux, il est à craindre que beaucoup de réclamations ne lui viennent d'un très grand nombre de petites communes, à l'effet de créer de ces corps spéciaux qui présentent toujours un certain attrait.

Il ne faut pas que dans les petites communes où l'on aura de la peine à trouver un nombre suffisant de gardes qui conviennent pour la formation des cadres, les individus qui conviendraient pour les cadres, appauvrissent, en formant des corps spéciaux, les ressources de la garde civique.

Dans les grandes villes où il y a un grand nombre de gardes parmi lesquels on peut recruter, en dehors des corps spéciaux, des individus qui conviennent pour la formation des cadres, il n'y a pas d'inconvénient à instituer de ces compagnies spéciales. Mais il y aurait de l'inconvénient à en autoriser la formation dans les petites localités. Il est donc préférable que la loi autorise l'existence de ces corps d'élite seulement dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse, ou à proximité des frontières et dans celles dont la garde civique sera forte de plus de 600 hommes. Dans ces localités les corps spéciaux pouvant rendre des services soit dans la place, soit en dehors de la place, .on conçoit qu'ils puissent être autorisés.

Je demande donc le maintien de l'article du projet du gouvernement.

M. Delfosse. - Je suis surpris que M. le ministre de l'intérieur, plaidant en quelque sorte contre la prérogative du gouvernement, veuille subordonner la formation de corps spéciaux aux conditions inscrites dans le projet de loi.

De deux choses l'une : ou la demande de formation de corps spéciaux dans les communes où la garde civique serait de moins de 600 hommes, dans celles qui ne seraient ni fortifiées, ni dominées par une forteresse, ni à proximité des frontières, pourra être admise sans inconvénient, et alors pourquoi refuser au gouvernement le droit d'autoriser la formation de ces compagnies ? Ou il y aura du danger à accueillir cette demande ; et alors le gouvernement sera libre de rejeter.

Si l'on suppose que le gouvernement n'aura pas assez de fermeté pour rejeter les demandes qui ne serait pas fondées, il ne faut pas lui conférer le droit d'autoriser la formation de corps spéciaux. M. le ministre de l'intérieur, qui ne veut pas qu'on attribue ce droit à la députation permanente, qui le réclame pour le gouvernement, devrait bien s'abstenir d'observations dont on pourrait tirer la conséquence que le gouvernement ne mettra pas assez de fermeté dans l'accomplissement de sa mission.

M. le ministre de l'intérieur devrait moins que tout autre maintenir une disposition fondée sur un sentiment exagéré de défiance à l’égard du gouvernement. M. le ministre de l'intérieur ne me paraît pas ici dans son rôle. Les conditions auxquelles il veut subordonner la prérogative du gouvernement sont réellement inutiles. Laissons le gouvernement tout à fait libre d'accueillir ou de rejeter les demandes qui lui seront adressées par les conseils communaux.

M. Lesoinne. - Je ne sais pas pourquoi M. le ministre de l'intérieur veut s'interdire par la loi la formation des corps spéciaux. D'après l'article en discussion ils font en temps de paix le service concurremment avec les autres gardes. Mais en temps de guerre ils peuvent être d'un grand secours pour la défense du pays ; je citerai par exemple les corps de chasseurs-éclaireurs. Ces corps qui sont armés de carabines, qui sont habitués à l'exercice du tir, pourraient, en cas de besoin, être d'une utilité très grande.

Au lieu de s'interdire le droit d'autoriser la formation de ces corps spéciaux, le gouvernement devrait, selon moi, l'encourager par tous les moyens possibles.

M. Rousselle. - Je n'insisterai pas, pour le moment, sur l'observation que j'ai eu l'honneur de faire. Je me réserve d'examiner plus attentivement cette question d'ici au deuxième vote. Mais je prie la chambre de remarquer qu'en comprenant les sapeurs-pompiers dans cet article, on retirera au Roi le droit de nommer les officiers des corps de sapeurs-pompiers, et aux conseils communaux le droit de présentation, que ces corps soient soldés ou non ; car la commune ne distingue pas.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Si nous devons nous faire part de nos étonnements réciproques, je dirai que je m'étonne de voir l'honorable M. Delfosse élargir la prérogative du gouvernement et vouloir lui donner plus qu'il ne veut lui-même. Le gouvernement, d'après le système de l'honorable M. Delfosse, ne devrait jamais être lié par aucune restriction. Ici le gouvernement croit utile de poser certains principes. Ce ne sont pas des précautions contre la faiblesse du gouvernement, ce sont des dispositions fondées sur la nature des choses. Nous (page 1260) croyons qu'il ne convient pas, dans les communes qui ne renferment pas un contingent suffisant pour la formation d'un bataillon, de laisser un droit ouvert à la formation ce corps spéciaux.

Voilà le principe à déposer dans la loi. Il ne s'agit pas de faiblesse du gouvernement ; il s'agit d'un principe sage, suivant nous.

Les cas où ces compagnies spéciales peuvent être utiles sont prévus dans l'article 28. Il pourra être formé des compagnies spéciales dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse, ou à proximité des frontières, et dans celles dont la garde civique sera forte de plus de 600 hommes. Dans ces communes, le gouvernement ne s'y refusera pas ; mais il faut que les communes qui ne sont pas dans l'une de ces positions spéciales sachent qu'il n'y a pas lieu pour elles de former des compagnies. C'est un principe que, dans l'intérêt même des gardes civiques, il importe de déposer dans la loi.

M. de T'Serclaes. - Je ne comprends pas véritablement par quel motif M. le ministre de l'intérieur s'oppose à étendre la formation des compagnies spéciales au-delà des limites tracées par l'article du projet du gouvernement : si l'article de la section centrale peut faire naître des inconvénients, il faudrait les expliquer à la chambre.

Je pense avec l'honorable M. Lesoinne que ces compagnies, convenablement organisées, feront le service ordinaire de la garde civique tout aussi bien, si pas mieux que l'infanterie proprement dite ; elles font comme celle-ci partie intégrante de la milice bourgeoise, et bien loin de restreindre la création de ces corps spéciaux, il me semble, au contraire, que la loi devrait encourager leur création.

Je ferai remarquer que dans nos provinces il y a une grande tendance à.se réunir en compagnies spéciales. J'en citerai comme preuve l'existence de compagnies d'archers, d'arquebusiers et de carabiniers dans presque toutes les communes populeuses. Ces compagnies pourront très bien s'absorber dans la garde civique, si tout en maintenant leur organisation spéciale, on approprie celle-ci aux exigences du moment, on leur donne un armement nouveau. Elles apporteront utilement dans la garde civique, l'esprit de corps, le zèle, l'habitude de manier les armes qui les distinguent aujourd'hui. Ces institutions populaires conserveront ainsi ce qu'elles ont de bon en dehors des traditions historiques, et auront une vie nouvelle lorsqu'elles auront été pour ainsi dire reconnues par la loi.

Partout où il y a des compagnies spéciales, on s'est félicité de leur existence. A Bruxelles le corps de chasseurs-éclaireurs, qui a rendu des services éminents à la cause de la révolution, l'artillerie, la cavalerie, sont vues avec plaisir par le reste de la garde : ces corps spéciaux montrent beaucoup de zèle dans l'accomplissement de leurs devoirs, ils ont une instruction militaire développée, un équipement irréprochable.

L'expérience acquise est tout en faveur de l'institution, je ne sais pourquoi l'on voudrait restreindre celle-ci.

M. de Mérode. - Messieurs, on conçoit bien que le gouvernement, dans certains cas, cède à des instances et à des demandes multipliées. Dès lors, puisque M. le ministre de l'intérieur trouve qu'il est inutile d'autoriser la formation de compagnies particulières dans les communes qui ne réunissent pas 600 hommes de garde civique, je ne vois pas pourquoi on accorderait au gouvernement une prérogative qu'il repousse ; pourquoi on l'exposerait à des embarras, à des accusations de partialité. Car lorsqu'il aura accordé à une commune le droit de former une compagnie spéciale, s'il le refuse à une autre, il excitera du mécontentement et des jalousies.

M. Eenens, rapporteur. - Je ferai remarquer que ces compagnies particulières ont un règlement particulier qui les astreint à des exercices beaucoup plus fréquents. On peut ainsi trouver dans ces corps une pépinière pour donner des cadres, en cas de mobilisation, aux gardes civiques des compagnies qui ne sont pas organisées.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je persiste à croire qu'il y a des inconvénients à ne pas poser des limites dans la loi. Car, ainsi que vient de le faire observer l'honorable comte de Mérode, si la règle existe d'une manière aussi absolue que le propose la section centrale, il n'existera pas de motifs de refus pour le gouvernement. Lorsqu'il aura accordé dans une commune, quel motif pourra-t-il opposer dans une autre commune pour ne pas accorder aussi l'organisation d'une compagnie spéciale ? Ce sera du caprice, de l'arbitraire, de la partialité.

Je dis qu'il y a, contre le gré des auteurs de la proposition, une sorte de tendance au privilège à autoriser, de la part du gouvernement, la création de ces compagnies. Il pourra arriver que dans les petites villes, ce qu'on appelle l'aristocratie de la bourgeoisie veuille s'emparer de ces compagnies spéciales, avoir un uniforme séparé et abandonner le reste de la garde à ce qu'on appellera des hommes de peu.

Ainsi, je crois encore ici défendre la cause libérale, la cause démocratique. Le monde est ainsi fait, qu'on aime les distinctions, qu'on recherche, quoique certaines institutions veuillent aller à rebours de ce système, qu'on recherche et qu'on aime assez les inégalités, les distinctions.

Au point de vue de la bonne organisation, je dis que si vous extrayez d'une commune peu peuplée ce qu'il y a de mieux dans la population, en jeunesse, ou en capacité, ou en position, il ne vous restera, pour les cadres des bataillons de la compagnie, qu'un personnel qui n'offrira plus Autant de garanties sous le rapport de la capacité ou de l'amour de l'ordre. Il faut conserver à l'organisation d'une commune peu peuplée toute sa force, et ne pas en extraire ce qu'il y aurait de mieux pour former des compagnies isolées.

Si vous n'adoptez pas la restriction proposée par le gouvernement, il n'aura pas de motifs, je le répète, alors qu'il aura accordé à une commune la création de compagnies spéciales, de la refuser à une autre commune. Ce refus serait en quelque sorte une injure pour la commune à laquelle il s'adresserait.

Je persiste donc à maintenir la rédaction du gouvernement. Je pense, et je dis ceci comme observation générale, que j'ai fait preuve d'un esprit de conciliation assez prononcé vis-à-vis des propositions de la section centrale, pour que, de son côté, elle ne tienne pas toujours d'une manière opiniâtre aux observations qu'elle a faites.

M. Delfosse. - M. le ministre de l'intérieur vient de nous dire qu'il s'est montré conciliant en admettant plusieurs propositions de la section centrale, et il se plaint de ce que la section centrale ne montre pas le même esprit de conciliation. Notre devoir, messieurs, est de rechercher ce qui est utile. Si M. le ministre de l'intérieur pense que ses propositions sont plus utiles que les nôtres, il doit les défendre, si nous sommes convaincus que les nôtres sont préférables, nous devons aussi les soutenir. C'est notre devoir. Nous ne sommes pas ici pour faire de la conciliation, nous y sommes pour soutenir avec fermeté les opinions que nous croyons bonnes.

Je me suis étonné que M. le ministre de l'intérieur vînt proposer de limiter les prérogatives du gouvernement, alors que la section centrale veut donner au gouvernement la faculté pure et simple d'autoriser la formation de compagnies spéciales.

M. le ministre de l'intérieur me répond qu'il a lieu à son tour de s'étonner que je ne veuille pas poser des limites à la prérogative du gouvernement. Les motifs de mon opinion sont cependant bien simples. Je subordonne les pouvoirs du gouvernement à des conditions déterminées, toutes les fois que ces conditions sont nécessaires pour que le gouvernement n'abuse pas de sa prérogative. Mais ici, je ne crains pas l'abus. Quel abus le gouvernement pourrait-il faire de la faculté d'autoriser, lorsqu'une administration communale le demande, la création d'un corps spécial ?

C'est parce que l'abus n'est pas à craindre que je veux ici que la prérogative du gouvernement soit pure et simple.

Lorsque l'occasion se présentera de limiter, dans l'intérêt général, dans l'intérêt de la liberté, qui est le plus ferme appui de l'ordre, les prérogatives du gouvernement, M. le ministre de l'intérieur peut être sûr que je ne serai pas le dernier à demander que ces limites soient posées. M. le ministre de l'intérieur aurait dû se rendre à cette observation si simple de l'honorable M. Lesoinne, que les compagnies spéciales peuvent rendre de très grands services. L'honorable M. Eenens l'a dit aussi, ces compagnies sont mieux exercées, elles peuvent être très utiles en cas de mobilisation.

Je suis vraiment étonné que M. le ministre de l'intérieur s'oppose à la proposition de la section centrale qui est toute dans l'intérêt du gouvernement et du maintien de l'ordre.

Remarquez que la prérogative du gouvernement n'est pas dégagée de toute condition ; il y en a une qui offre une garantie suffisante : c'est la demande du conseil communal. Il ne suffit pas que quelques gardes civiques désireux de se distinguer, de se séparer de ceux que M. le ministre de l'intérieur a cru devoir appeler des hommes de peu, fassent une demande. Il faut que le conseil communal la trouve fondée et la soumette au gouvernement.

Je persiste à demander que la chambre adopte la proposition de la section centrale, quoi que dise M. le ministre de l'intérieur. La section centrale s'est montrée conciliante, puisqu'elle a consenti à substituer l'intervention du gouvernement à celle de la députation permanente ; mais l'esprit de conciliation, fort louable sans doute, ne doit pas aller jusqu'à faire abandonner des propositions que l'on croit utiles.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ne demande pas qu'on abandonne ses convictions. J'ai parlé dans l'intérêt de nos discussions. Je demande que, lorsque les questions de principe ne sont pas fortement engagées, on se relâche un peu de ses prétentions.

M. Dolez. - Messieurs, je crois aussi que la proposition de la section centrale ne doit pas être admise, et je désire faire connaître à la chambre pourquoi je le pense.

L'honorable M. Delfosse vient de dire qu'il ne voyait pour son compte aucun inconvénient dans la proposition de la section centrale, parce que ces compagnies ne seront jamais proposées au gouvernement que sous l'approbation du conseil communal. Eh bien, messieurs, je dis que le conseil communal devra toujours appuyer ces demandes quand elles seront faites, sous peine de voir surgir dans les petites communes un défaut de zèle qui paralysera le service de la garde civique. Le mauvais vouloir s'en mêlera ; on fera un grief au conseil communal de ne pas avoir appuyé la demande, et vous verrez le zèle se ralentir, mourir peut-être chez les habitants qui auront vu repousser leur désir.

J'ajouterai, en revenant sur une observation très sage et très politique de M. le ministre de l'intérieur, que dans les petites communes, vous verriez la garde civique se fractionner ; il s'y formerait deux espèces, deux catégories de gardes civiques et, dans certaines circonstances, ce fractionnement pourrait avoir les plus graves dangers pour la cause de l'ordre public.

(page 1261) Je crois donc, messieurs, qu'il serait sage d'adopter la proposition du gouvernement, et c'est pour cette proposition que je voterai.

- Le premier paragraphe de l'article 25 du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.

L'article 28 du projet du gouvernement, correspondant au paragraphe premier de l'article 25 du projet de la section centrale, est mis aux voix et adopté.

Le deuxième paragraphe du projet de la section centrale, consistant dans ces mots : « Ces compagnies spéciales font en temps de paix le service concurremment avec les autres gardes », est mis aux voix et adopté.

- L'ensemble de l'article est mis aux voix et adopté.

Article 29

« Art. 29. La force d'une compagnie d'infanterie est fixée au minimum de quatre-vingts hommes, officiers, sous-officiers et caporaux compris.

« Il y aura par compagnie ;

« Un capitaine,

« Un lieutenant,

« Deux sous-lieutenants,

« Un sergent-major,

« Quatre sergents,

« Un fourrier,

« Huit caporaux,

« Deux tambours. »

La section centrale propose de mettre au lieu des mots « deux tambours », les mots « un ou deux tambours ».

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je me rallie à cet amendement.

M. Delfosse. - Je demanderai à M. le ministre de l'intérieur s'il ne conviendrait pas que le minimum de la compagnie fût de plus de 80 hommes ; si l'on forme trop de compagnies, les charges des communes deviendront très fortes ; plus il y aura de compagnies, plus les communes auront de dépenses à faire.

Je pense que, dans les communes un peu considérables, le minimum d'une compagnie devrait être de plus de 80 hommes ; si l'on peut faire des compagnies de 80 hommes, il pourrait y avoir un trop grand nombre de compagnies ; il faudra habiller 40 hommes par compagnie, la charge de la commune sera énorme.

On pourrait dire : La force d'une compagnie est fixée au minimum de 80 hommes, et, dans les communes de 6,000 âmes, au minimum de 100 hommes.

M. de Mérode. - Messieurs, je conçois l'inconvénient que signale l'honorable M. Delfosse, à l'égard des frais que cet objet peut occasionner aux communes ; mais, d'un autre côté, une compagnie de 80 hommes est suffisante pour des officiers dont un grand nombre n'ont pas une grande habitude du commandement ; des compagnies fortes sont plus difficiles à conduire que des compagnies moins considérables ; j'ai entendu dire cela par des officiers de la garde civique qui m'ont fait observer que les compagnies ne devaient pas être trop fortes ; j'ai cru devoir reproduire cette observation.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, je pense que les raisons de service doivent faire maintenir le chiffre de 80 hommes ; pour un officier qui n'a pas l'habitude journalière du commandement, 80 hommes à conduire forment déjà une réunion très forte.

Peut-être aurons-nous à revenir, au second vote, sur la disposition qui a été admise à l'article 25. Il faut tâcher de concilier l'intérêt du service avec l'intérêt financier des communes ; il ne faut pas que la garde civique devienne un surcroît de charges trop considérable pour la caisse communale.

Je ferai, du reste, observer que dans les communes rurales l'habillement d'un garde ne coûtera que quelques francs ; car, très probablement, on admettra, dans ces communes, la blouse et la casquette pour l'habillement de la garde civique.

M. Delfosse. - Je ferai remarquer que, dans une compagnie, il y a en tout 18 officiers et sous-officiers ; il ne resterait en réalité que 62 gardes dans la compagnie.

Il n'y a pas le moindre inconvénient à fixer un minimum de 100 hommes dans les communes de 5,000 habitants. J'en fais la proposition.

- L'article est appuyé.

Il est mis aux voix et adopté.

L'article 26 de la section centrale, sous-amendé par M. Delfosse, comme il vient d'être dit, est mis aux voix et adopté.

Article 30

« Art. 30 (projet du gouvernement). - Le bataillon sera composé de trois à six compagnies, et son état-major de :

« Un major,

« Un adjudant-major, ayant rang de lieutenant,

« Un quartier-maître ayant rang de lieutenant,

« Un médecin, ayant rang de lieutenant,

« Un médecin-adjoint, ayant rang de sous-lieutenant,

« Un adjudant sous-officier,

« Un tambour-maître. »

- La section centrale propose de substituer le présent au futur.

L'article est adopté avec cette modification.

Article 31

« Art. 31 (projet du gouvernement). Le chef de légion porte le titre de colonel, lorsqu'il commande trois bataillons, et de lieutenant-colonel, lorsqu'il n'en commande que deux. »

« Art. 28 (projet de la section centrale). Il y a par légion un chef portant le titre de colonel, etc. » (Le resté comme à l'article 31 du projet de loi du gouvernement.)

- La rédaction de la section centrale est mise aux voix et adoptée.

Article 32

« Art. 32. L'état-major d'une légion se compose, outre le chef de la légion :

« D'un lieutenant-colonel, lorsque celle-ci a trois bataillons,

« D'un adjudant-major, ayant rang de capitaine,

« D'un quartier-maître, ayant rang de capitaine,

« D'un médecin, ayant rang de capitaine,

« D'un rapporteur près le conseil de discipline, ayant rang de capitaine,

« D'un sous-lieutenant porte-drapeau,

« D'un tambour-major. »

M. Eenens. - Je propose à l'avant-dernier paragraphe de dire « lieutenant ou sous-lieutenant ».

- L'article est adopté avec cette modification.

Article 33

« Art. 33 (projet du gouvernement). Dans les villes où la garde civique se compose de plusieurs légions, il y aura un commandant supérieur, sous l'autorité duquel le gouvernement placera les gardes des communes limitrophes.

« L'état-major du commandant supérieur sera, outre le chef d'état-major, composé d'autant d'aides de camp qu'il aura sous ses ordres de légions et de compagnies d'armes spéciales, et du rapporteur près le conseil de discipline.

« Le grade du commandant supérieur et des officiers de son état-major sera fixé par l'arrêté de leur nomination.»

« Art. 30 (projet de la section centrale). – Dans les villes où la garde civique compte plusieurs légions, il y a un commandant supérieur, sous l'autorité duquel le gouvernement place les gardes des communes limitrophes.

« L'état-major du commandant supérieur se compose d'un chef d'état-major et d'autant d'aides de camp qu'il a sous ses ordres de légions et de compagnies d'armes spéciales, et du rapporteur près le conseil de discipline.

« Le grade du commandant supérieur et des officiers de son état-major est fixé par l'arrêté de nomination. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie à la rédaction de la section centrale.

- Elle est adoptée.

Article 34

« Art. 34 (projet du gouvernement). Il y aura pour tout le royaume un inspecteur général ayant rang d'officier général.

« Son état-major sera composé d'un colonel chef d'état-major, et de quatre aides de camp officiers supérieurs, jusqu'au grade de lieutenant-colonel inclusivement. »

M. le président. - La section centrale propose de substituer le présent au futur.

- L'article est adopté avec cette modification.

Titre V. Des élections et nominations aux grades

Article 35

« Art. 35 (projet du gouvernement). Les titulaires de tous les grades d'une compagnie sont élus par ceux qui la composent. »

« Art. 32 (projet de la section centrale). Les titulaires de tous les grades d'une compagnie sont élus par ceux qui la composent, à l'exception du sergent-major dont la nomination appartient au capitaine. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie à la rédaction de la section centrale.

- Elle est adoptée.

Article 36

« Art. 36 (projet du gouvernement). Les élections se renouvellent tous les cinq ans. »

- Adopté.

Article 37

« Art 37 (projet du gouvernement). Lorsqu'il y aura lieu de procéder à une élection, le chef de la garde convoquera ceux qui doivent y prendre part à domicile et par écrit, au moins cinq jours avant celui fixe pour l'élection.

« Cette réunion sera considérée comme service obligatoire. »

« Art. 34 (projet de la section centrale). Le chef de la garde convoque les gardes à domicile et par écrit, au moins cinq jours avant celui de l'élection.

« Cette réunion est considérée comme service obligatoire. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie.

- L'article proposé par la section centrale est adopté.

Article 38

« Art. 38 (projet du gouvernement). Le chef de la garde présidera l'assemblée et en aura la police.

« Il sera assisté de deux scrutateurs choisis par lui parmi les électeurs, et d'un quartier-maitre comme secrétaire.

(page 1262) « Aux élections générales, le chef de la garde déléguera, pour le suppléer dans la présidence des bureaux, les chefs de légion ou tout autre officier supérieur. »

« Art. 35 (projet de la section centrale). Le chef de la garde ou celui qui le remplace présidé l'assemblée et en la police.

« Il est assisté de deux scrutateurs et d'un secrétaire choisis par lui parmi les électeurs.

« Aux élections générales le chef de la garde délègue (le reste comme au projet du gouvernement). »

M. le président. - Le gouvernement se rallie à la rédaction de la section centrale.

- Elle est adoptée.

Article 39

« Art. 39 (projet du gouvernement). Le président fera connaître à l'assemblée le nombre de places vacantes, et les noms des titulaires à remplacer. »

M. le président. - La section centrale substitue le présent au futur. Le gouvernement adhère.

- L'article, ainsi modifié, est adopté.

Article 40

« Art. 40 (projet du gouvernement). Les élections se feront par bulletin non signé, en commençant par le grade le plus élevé et en procédant séparément pour chaque grade. »

« Art. 37 (projet de la section centrale). On procède aux élections par bulletins non signés, en commençant par le grade le -plus élevé et séparément pour chaque grade. »

M. le président. - Le gouvernement se rallie.

- L'article de la section centrale est adopté.

Article 41

« Art. 41 (projet du gouvernement). Chaque électeur, après avoir été appelé, remet son bulletin, écrit et fermé, au président qui le dépose dans une urne placée sur le bureau, qui sera disposé de manière que les électeurs puissent circulera l'entour ou au moins y avoir accès pendant le dépouillement du scrutin. »

« Art. 38 (projet de la section centrale). Chaque électeur, après avoir été appelé, remet son bulletin écrit et fermé au président. Celui-ci le dépose dans une urne placée sur le bureau, disposé de manière (le reste comme au projet du gouvernement). »

M. le président. - Le gouvernement se rallie à la rédaction de la section centrale.

- Elle est adoptée.

Article 42

« Art. 42 (projet du gouvernement). - Le nom de chaque votant sera inscrit sur deux listes, l'une tenue par l'un des scrutateurs, et l'autre par le secrétaire. »

M. le président. - La section centrale substitue le présent au futur.

- Cette rédaction est adoptée.

Article 43

« Art. 43 (projet du gouvernement). Il sera fait un réappel des électeurs qui n'étaient pas présents.

« Cette opération achevée, le scrutin sera déclaré fermé. »

M. le président. - La section centrale substitue le présent au futur.

- L'article, ainsi rédigé, est adopté.

Article 44

« Art. 44 (projet du gouvernement). Le nombre de bulletins sera vérifié avant le dépouillement s'il est plus grand que celui des volants, il en sera fait mention au procès-verbal.

« Après le dépouillement, si la différence rend la majorité douteuse au premier tour de scrutin, le bureau fera procéder à un scrutin de ballottage, à l'égard de ceux dont l'élection est incertaine. Si ce doute existe encore lors d'un scrutin de ballottage, la députation permanente du conseil provincial décide. »

« Art. 41 (projet de la section centrale). Le nombre des bulletins est vérifié avant le dépouillement. S'il est plus grand ou moindre que celui des votants, il en est fait mention au procès-verbal.

« Après le dépouillement général, si la différence rend la majorité douteuse au premier tour de scrutin, le bureau fait procéder à un scrutin de ballottage.

« Si ce doute existe lors d'un scrutin de ballotage, la députation permanente du conseil provincial décide.

M. Delfosse. - Le mot « général » est inutile ; j'en propose la suppression.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Il y a une légère différence entre les deux propositions. La section centrale propose de retrancher les mots : « à l’égard de ceux dont l'élection est incertaine» ; ce sont les expressions de la loi communale (article 34). Je ne vois pas pourquoi l'on retrancherait ces mots comme inutiles, alors qu'on les a jugés utiles dans la loi communale.

M. Delfosse. - Nous avons supprimé ces mots comme inutiles. Il est clair que le scrutin de ballotage ne peut avoir lieu pour ceux dont l’élection est certaine. Cependant si M. le ministre de l'intérieur tient aux mots que nous avons supprimés, je ne m'oppose pas à ce qu'on les rétablisse dans la loi.

- L'article est adopté arec la rédaction du projet du gouvernement.

Article 42 (de la section centrale)

« Art. 42. Un des scrutateurs prend successivement chaque bulletin, le déplie, le remet au président qui en fait lecture à haute voix et le passe à l'autre scrutateur.

« Le résultat de chaque scrutin est immédiatement rendu public. »

- Adopté.

Article 43 (de la section centrale)

« Art. 43. Les bulletins blancs, ceux dans lesquels le votant se serait fait connaître, ceux qui ne sont pas écrits à la main, et sur papier blanc non colorié, ceux qui ne contiennent pas un suffrage valable sont nuls et n'entrent pas en ligne de compte pour fixer le nombre des votants.

« Sont valides les bulletins qui contiennent moins ou plus de noms qu'il n'y a de titulaires à élire ; les derniers noms formant l'excédant ne comptent pas.

« Sont nuls les suffrages qui ne contiennent pas une désignation suffisante. »

- Adopté.

Article 44 (de la section centrale)

« Art. 44. Nul n'est élu officier au premier tour de scrutin, s'il ne réunit plus de la moitié des voix. »

- Adopté.

Article 45 (de la section centrale)

« Art. 45. Si la majorité n'a pas été acquise au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix ; cette liste contient un nombre de noms double de celui des grades à remplir. Les suffrages ne peuvent être donnés qu'à ces candidats.

« La nomination a lieu à la pluralité des votes.

« S'il y a parité de votes, le plus âgé est préféré. »

- Adopté.

Article 46 (de la section centrale)

« Art. 46. Les sous-officiers sont élus à la pluralité des voix, par scrutin de liste.

« Il en est de même des caporaux ou brigadiers. »

- Adopté.

Article 47 (de la section centrale)

« Art. 47. Les membres du bureau rédigent, séance tenante, le procès-verbal de l'élection et en adressent un double, dans le délai de trois jours, aux bourgmestres des communes intéressées.

« La liste des électeurs défaillants doit être jointe au procès-verbal de l'élection. »

- Adopté.

Article 48 (de la section centrale)

« Art. 48. Après le dépouillement, les bulletins sont brûlés en .présence de l'assemblée. Ceux qui donnent lieu à contestation sont annexés au procès-verbal. »

- Adopté.

Article 49 (de la section centrale)

« Art. 49. Si la compagnie est formée de gardes de plusieurs communes, il est procédé, dans la plus populeuse, à la nomination du capitaine, et ensuite, séparément dans chaque commune, à l'élection des officiers, sous-officiers et caporaux, dans la proportion à fixer par la députation permanente qui prend pour base le nombre des gardes. »

- Adopté.

Article 53

« Art. 50 (art. 53 du projet du gouvernement). Nul ne pourra être élu officier, s’il ne possède l'une des conditions suivantes :

« 1° Avoir servi honorablement comme officier, adjudant sous-officier, sergent-major ou maréchal des logis chef dans l'armée ;

« 2° Etre électeur, fils ou gendre d'électeur, pour la formation du conseil communal ;

« 3° Etre porté d'office sur une liste d'éligibles par le chef du corps. »

M. le président. - La section centrale propose la suppression de cet article. M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je ferai remarquer que le projet de loi a été présenté le 1er mars 1845, que depuis lors il y a certains principes à modifier.

M. Delfosse. - Le projet de loi a été présenté par M. Nothomb, dans un ordre d'idées qui n'est plus acceptable. A cette époque, il y avait des conditions d'éligibilité pour les conseils communaux, une loi récente les a fait disparaître. Il doit suffire, pour être officier de la garde civique comme pour être conseiller communal, d'avoir la confiance de ses-concitoyens.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). – Lorsque j'ai fait une observation sur l'article pour la suppression duquel nous sommes d'accord, je n'ai pas voulu récriminer contre l'honorable M. Nothomb. A l'époque où il a présenté le projet de loi, j'aurais probablement proposé une disposition analogue à l'article 53. Mais lorsque nous avons supprimé les conditions d'éligibilité pour les conseils communaux, il faut bien, pour qu'il y ait de l'harmonie dans la législation électorale, supprimer les conditions d'éligibilité aux grades de la garde civique.

M. Delfosse. - Je ne puis m'opposer à ce que M. le ministre de l'Intérieur revendique et fasse siennes les idées fort peu libérales de M. Nothomb. Quant à moi, je les ai toujours combattues et je les combattrais encore si elles étaient reproduites.

(page 1263) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je fais mienne toute opinion que je crois bonne, de quelque part qu'elle vienne.

M. Verhaegen. - A l'occasion de cet article relatif aux conditions d'éligibilité, je demanderai si le grade d'officier dans la garde civique, pour lequel il y a un serment à prêter, peut être conféré à un étranger ? C'est une question très grave, qui n'est pas résolue par la loi. Je prie M. le ministre de l'intérieur d'y songer. Je n'entends pas faire prévaloir une opinion ; je me borne à soulever cette question qui mérite de fixer l'attention du gouvernement et de la chambre.

M. Delfosse. - Je ferai remarquer à l'honorable préopinant que tous les étrangers résidant en Belgique ne sont pas admis à faire partie de la garde civique. Il n’y a que ceux qui tombent sous l’application de l’article 13 du code civil qui jouissent de cette faveur, ou, si on l’aime mieux, qui soient astreints à ce service. Si les étrangers de cette dernière catégorie obtiennent la confiance des gardes, s'ils sont nommés officiers, pourront-ils accepter et prêter serment ? Voilà la question posée par mon honorable ami. Je ne vois pas une grande importance à ce qu'elle soit résolue plutôt dans un sens que dans l'autre.

Le cas se présentera rarement ; je pense cependant qu'il serait préférable que les grades d'officiers fussent réservés aux Belges.

M. Verhaegen. - Messieurs, je sais bien que ce ne sont que les étrangers qui jouissent des droits civils qui peuvent faire partie de la garde civique. Mon honorable ami se demande aussi s'il convient qu'ils puissent être nommés officiers. Il nous a dit que cela arrivera très rarement. C'est possible, mais cela peut arriver ; je crois même que cela est déjà arrivé et que des difficultés ont surgi à cet égard.

Dans quelle position place-t-ou d'ailleurs l’étranger, même jouissant des droits civils, en l'obligeant à prêter le serment auquel il est tenu aux termes de la loi ?

Quoiqu'il en soit, je n'ai pas décidé la question ; je l'ai soumise au gouvernement et à la chambre. On pourrait y réfléchir d'ici à demain.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je dois donner mon opinion dès aujourd'hui.

Je crois que du moment que la loi admet comme aptes au service de la garde civique les étrangers qui jouissent dans le pays de leurs droits civils, ils doivent occuper dans la garde civique la même position que les indigènes.

Vous ayez admis les étrangers à servir même dans l'armée.

Si un étranger, par ses antécédents, par sa position, est jugé digne par ses pairs d'être nommé officier, je pense qu'il ne faut pas le placer comme garde civique dans une position tout à fait humiliante.

La garde civique est une garde communale. C'est son premier caractère. Sa première utilité, c'est de rendre des services d'ordre public dans l'intérieur de la commune ; et dès lors je ne vois pas pourquoi un étranger établi dans le pays depuis longtemps, qui y a des intérêts à défendre aussi bien que les indigènes, ne serait pas jugé capable par la loi d'être officier, alors que les gardes lui auraient donné cette distinction.

Je suis dominé, je l'avoue, par la connaissance personnelle de quelques étrangers qui, dans mon opinion, représenteraient très dignement, seraient très capables de représenter les intérêts, sentiments mêmes de toute une ville. Nous avons dans le pays d'anciens officiers qui ont rempli très honorablement leurs fonctions militaires, qui sont aujourd'hui rentrés dans la vie civile, qui occupent dans les localités qu'ils habitent une position très élevée, très honorée, et qui pourraient devenir de très bons chefs de garde civique, de l'assentiment général de la localité. Je ne crois pas que de pareils hommes pourraient être repoussés de par la loi.

Y a-t-il des scrupules constitutionnels ? C'est autre chose ; mais je ne les aperçois pas. Je crois qu'il faut que la loi se taise, qu'elle abandonne à l'appréciation des gardes civiques si, dans des cas donnés, un étranger peut être admis au poste d'officier.

M. Orban. - Je ferai remarquer que, même dans l'hypothèse du maintien de l'article 53, un étranger pourrait être nommé officier de la garde civique. Il en résulte que la question soulevée par l'honorable M. Verhaegen ne naît pas de la suppression de cet article. En effet, il suffit pour être nommé officier, de présenter une des trois conditions qui sont spécifiées dans cet article et la troisième de ces conditions, c'est d'être porté d'office sur une liste d'éligibles par le chef du corps. Or, vous pouvez être porté sur une liste d'éligibles, quoique vous soyez étranger. Un membre quelconque de la garde civique peut être porté sur cette liste.

J'en conclus que nous devons supprimer l'article 53 et laisser libre le choix de tout membre de la garde civique comme officier.

M. Rousselle. - Je pense que la chambre ferait bien de remettre à demain le vote sur cet article, pour qu'on puisse en examiner la portée.

L'honorable M. Verhaegen a soulevé une question qui me paraît très grave et qu'il convient de discuter et de résoudre. C'est celle de savoir si un étranger peut être nommé officier de la garde civique. Cette question en soulève une autre : le titre d'officier de la garde civique comporte-t-il un emploi civil ou militaire ? S'il comporte un emploi civil ou militaire, évidemment l'article 6 de la Constitution serait applicable. Il faudrait alors que la loi déclarât formellement que les étrangers peuvent être officiers de la garde civique, si telle est l'intention de la chambre.

En effet, l'article. 6 de la Constitution dit : Les Belges sont égaux devant la loi. Seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par la loi pour des cas particuliers. Or, si l'on admet que les fonctions d'officier de la garde civique sont un emploi civil ou militaire, il faut que l'exception soit écrite dans la loi, que l'on y dise formellement que les étrangers peuvent être officiers de la garde civique.

M. de Mérode. - Messieurs, si l'on trouve un inconvénient à ce qu'un étranger jouissant de ses droits civils en Belgique devienne officier, ce ne peut être que dans certains cas particuliers, et alors il suffirait d'ajouter que les étrangers pourront être officiers, si le gouvernement n'y fait pas opposition.

M. Verhaegen. - Qu'on remarque bien que je n'ai pas voulu trancher la question. Je n'ai pas énoncé d'opinion, j'ai demandé seulement ce que l'on voulait.

Si on retranche, l'article 53 et si on n'insère aucune autre disposition dans la loi, les étrangers ne pourront être officiers de la garde civique. L'honorable M. Rousselle vient de vous le démontrer.

Si donc M. le ministre de l'intérieur croit qu'il y a des motifs suffisants en faveur de l'admission des étrangers au grade d'officier, il faut qu'il propose une disposition qui permette cette admission.

C'est là toute la portée de mon observation. Je désire savoir ce que le gouvernement veut.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement veut le maintien de ce qui est. La loi ne s'explique pas, et je pense que plusieurs étrangers sont aujourd'hui officiers dans la garde civique.

- La séance est levée à quatre heures et demie.