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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 3 avril 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives à la garde civique (de T’Serclaes), au
mode de nomination des conseillers communaux (Castiau)
2) Projet accordant un crédit supplémentaire de neuf
millions de francs au budget du département de la guerre et projet de loi
d’emprunt (Malou)
3) Projet accordant un crédit supplémentaire au budget
du département de l’intérieur pour soutenir la classe ouvrière. Projet de loi
d’emprunt forcé (David), soutien du gouvernement à
l’industrie linière, notamment société d’exportation, caisse de prévoyance
ouvrière et/ou assainissement des quartiers ouvriers, voirie vicinale (Gilson, Rousselle, d’Elhoungne, Orban, Rogier, Gilson, d’Elhoungne, de Haerne,
(+travail des enfants) Castiau, de
Garcia, Malou, de Corswarem,
Rogier, Dechamps, Gilson, Castiau)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence
de M. Liedts.)
(page 1203) M. T'Kint de Naeyer procède
à l'appel nominal à 2 heures et donne lecture du procès-verbal de la séance de
samedi ; la rédaction en est approuvée. Il présente l'analyse des pétitions
adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
(page 1208) « Le sieur Hector demande
que le gouvernement supprime la place de conservateur des archives à Namur. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
_______________
«
Le sieur Delneste demande que dans les bureaux des hypothèques on mette plus de
célérité à l'expédition des pièces. »
-
Même renvoi.
_______________
«
Le sieur Bulens propose des mesures qui ont pour objet d'améliorer la situation
financière du pays, et présente des observations contre le projet de loi
d'emprunt. »
-
Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
«
Les maîtres des pauvres composant les comités de charité de la ville de
Tournay, demandent que le projet de loi sur la garde civique contienne une
exemption en leur faveur. »
«
Les membres du tribunal de commerce de St-Nicolas demandent la même exemption
pour les jurys des tribunaux de commerce et leurs greffiers. »
M. de
T'Serclaes. - Je demande le dépôt de la pétition de
Saint-Nicolas sur le bureau pendant la discussion du projet.
-
Cette proposition est adoptée.
La
pétition des maîtres de pauvres de Tournay est renvoyée à la même commission.
_______________
«
Le sieur Cambier, lieutenant-colonel de la garde civique, soumet à la chambre
un projet de loi sur la garde civique. »
-
Même décision.
«
Plusieurs habitants de Gallaix demandent que, dans toutes les communes, les
membres du conseil soient pris parmi les citoyens domiciliés dans la commune,
ou qu'au moins les membres domiciliés ailleurs ne puissent être appelés aux
fonctions de bourgmestre ou d'échevin.
M. Castiau.
- Je demanderai le renvoi de cette pétition à la section centrale chargée
d'examiner le projet de loi sur la classification des communes.
-
Cette proposition est adoptée.
_______________
Par
messages en date du 1er avril, le sénat informe la chambre qu'il a
adopté :
1°
Le projet de loi prorogeant la loi relative aux péages du chemin de fer ;
2°
Le projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation entre la
Belgique et les Deux-Siciles.
-
Pris pour notification.
_______________
Par
dépêche du 31 mars, M. le ministre de la
justice (M. de Haussy) transmet à la chambre 40 demandes de
naturalisation ordinaire avec renseignements y relatifs ; 2 demandes de grande
naturalisation et quatre pièces détachées concernant des demandes déjà
transmises à la chambre.
-
Renvoi à la commission des naturalisations.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE DE NEUF MILLIONS DE FRANCS AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE
M. Malou.
- Messieurs, la section centrale à laquelle vous avez renvoyé le projet de
crédit de neuf millions demandé pour le département de la guerre a entendu, ce
matin, M. le ministre de la guerre.
D'après
les explications données à la section centrale, déjà, à raison des
circonstances impérieuses qui ont surgi, des engagements pour plusieurs
dépenses ont été pris dans une certaine limite.
Il
résulte également de ces explications qu'une partie des dépenses est
éventuelle.. M. le ministre demande la somme qu'il juge être nécessaire,
d'après l'état actuel de la Belgique et des pays voisins, pour pourvoir aux
besoins du service jusqu'au 1er septembre prochain.
Si
ces circonstances s'améliorent, de notables économies pourront être faites. Si
l'hypothèse contraire se réalisait, M. le ministre de la guerre, pourrait être
amené à dépenser le crédit tout entier. Mais, dans la première hypothèse, M. le
ministre de la guerre s'est engagé à faire toutes les économies qui seraient
compatibles avec la sûreté du pays et avec le maintien de l'ordre.
En
conséquence la section centrale vous propose, messieurs, l'adoption du projet
de loi ; 4 membres ont voté pour le projet ; 2 se sont abstenus.
Le
projet n'indique pas sur quel crédit la dépense sera prélevée.
La
chambre a déjà imputé sur l'emprunt de 12 millions 2 millions pour le canal
latéral à la Meuse. D'après une proposition qui vous est a été, 2 millions
seraient prélevés sur le même emprunt pour le département de l'intérieur. Il
resterait donc 8 millions.
Il
nous a paru inutile, dans les circonstances actuelles, de libeller un article
spécial. Les 8 millions restant disponibles seraient affectés en premier lieu
aux dépenses de la guerre, et il ne resterait, en ce qui concerne le
département de la guerre, qu'à pourvoir à une dépense d'un million par le
second emprunt.
-
La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et en fixe la
discussion à demain.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE L’INTERIEUR
Discussion générale
M. le président. - D'après
la proposition de la section centrale, le crédit serait réduit à 2 millions. Le
gouvernement se rallie à cette proposition.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai dit dans quel sens.
M. David.
- Messieurs, le gouvernement doit faire les phis grands efforts pour venir en
aide à l'industrie et pour procurer, pendant ce moment si pénible de
stagnation, le plus de travail possible aux ouvriers qui demandent de l'ouvrage
pour vivre ; je voterais, messieurs, avec un véritable empressement tous les
crédits qui auraient cette destination, si le ministère, se plaçant à la
hauteur du malaise grave et tout à fait exceptionnel qui pèse sur le pays,
déclarait avoir la ferme intention de se préparer des ressources par des moyens
énergiques et efficaces autres que l'emprunt forcé, qui aigrira le pays entier,
rentrera mal ou point du tout, et absorberait, s'il était payé par les
contribuables, le peu de numéraire encore resté en circulation.
Je
vais, messieurs, prendre Verviers pour exemple ; j'admets qu'il soit alloué à
cette localité 180,000 fr. destinés au soulagement de son industrie au moyen
d'un comptoir d'escompte ; cette somme sera prise sur l'emprunt ; eh bien, ce
que vous lui aurez donné d'une main parcimonieuse, vous le lui ferez payer avec
usure ; en supposant l'emprunt de 30,000,000,, la population du royaume de
4,000,000, et celle de Verviers et environs industriels à 50,000, la somme que
lui enlèvera d'emprunt montera à 228,000 fr.., à 78,000 fr. de plus que vous ne
lui aurez prêté. Il en sera de même dans tous les centres d'industrie, et au
lieu de leur venir en aide, vous les aurez placés dans une position plus
critique encore, tout le sang du pays aura reflué vers le cœur, les extrémités
seront appauvries.
Aux
grandes crises les grands et efficaces remèdes ; beaucoup d'hommes compétents
qui s'occupent aujourd'hui de la question financière, question qui domine tout
et décidera du repos intérieur de plusieurs pays, si elle n'est promptement
résolue, sont d'accord sur l'insuffisance du numéraire et représentent sous
diverses formes, une même et seule idée, celle de mettre en circulation du
papier-monnaie hypothéqué, sur bien-fonds, marchandises, bijoux, etc., et donc
présentant autant de garantie que l'or monnayé.
C'est
à ce système que doit revenir le gouvernement, en renonçant à son projet
d'emprunt ; il possède, je crois, pour 63,000,000 de biens nationaux, valeur
plus que suffisante pour le moment, qu'il émette du papier-monnaie de 5, 10,
20, 50 et 100 fr. hypothéqué sur ses propriétés, il lancera un nouvel et actif
agent de production dans la circulation, ranimera le travail et l'industrie,
fera disparaître les angoisses du pays à à propos de l'emprunt, rétablira la
confiance si funestement ébranlé, et aura plus fait pour la tranquillité de la
Belgique qu'en armant 100,000 hommes de plus ; il ralliera plus étroitement
encore tous nos concitoyens autour de
nos institutions.
Que la Belgique donne en cette circonstance, comme
elle l'a fait en 1834 pour la construction du chemin de fer, une preuve
éclatante de sa force et de sa hardiesse, qu'elle oblige ce qui semblerait être
le néant à se transformer en valeurs.
Si
le gouvernement persiste dans sa volonté de recourir à l'emprunt, je me verrai
à regret, en face d'un ministère composé de mes amis politiques, forcé de voter
contre les projets de lois de crédits extraordinaires et d'emprunt.
M. Gilson.
- La chambre se souviendra que la section centrale a reçu directement la
mission d'examiner le projet en discussion. Cette section est chargée de
travaux nombreux et de la plus grande importance ; le moment serait mal choisi
pour me plaindre du laconisme du rapport fait sur une loi, dont l'importance
est si grande à mes yeux. Je demanderai seulement que M. le ministre de
intérieur veuille bien nous rassurer quelque peu sur les intentions du
gouvernement, en ce qui concerne certaines dispositions du projet dont il
s'agit.
Voici,
messieurs, les divers crédits qui vous étaient proposés :
500,000
francs pour 1a voirie vicinale ;
1,000,000
de francs pour assainir, dans les villes et communes, les quartiers habités par
la classe ouvrière ;
500,000
francs pour l'introduction, dans les Flandres, d'industries nouvelles. Ces
trois crédits ont été extraits d'un projet de loi plus générale, qui avait été
présenté, il y a déjà quelque temps ; mais celui de ce jour comprend deux
articles entièrement nouveaux : ce sont les 1,500,000 francs demandés pour
venir en aide à l'industrie, particulièrement en favorisant l'exportation ; ce
sont ensuite les 200,000 francs destinés à faciliter l'établissement de caisses
de prévoyance et de secours.
En
ce qui concerne les secours à accorder à l’industrie, je considère comme devant
être des plus efficaces des commandes qui seraient faites parmi divers
propriétaires au commerce d'expropriation.
Les
tisserands des Flandres trouveraient dans ces commandes une besogne mieux
appropriée à leurs habitudes et qui ne les forcerait point à abandonner leur
domicile.
Déjà,
messieurs, j'avais indiqué quelques tissus propres à être fabriqués
immédiatement dans plusieurs de nos localités manufacturières. Ce genre
d'opération avait ce bon côté qu'il favorisait dans le pays la fabrication
d'articles qui n'y ont pas encore été produits, et qui sont d'un placement
certain. C'est dans, ce but que M. le ministre avait, je pense, demandé
1,500,000 fr. Eh bien, messieurs, la section centrale, sans faire connaître si
elle considère celle idée comme bonne, se borne à réduire le crédit à 2
millions. Je voudrais que la. section centrale vous dît au moins ce qu'elle
pense du commerce d'exportation ; pareille question mérite bien un examen
quelque peu approfondi.
(page 1209)
J'approuve, messieurs, de toutes mes forces, la portée du crédit qui est
destinée à l'assainissement des quartiers habités par les classes ouvrières.
C'est l'insalubrité de ces quartiers qui est le germe de toutes les maladies
qui sévissent en ce moment, c'est là qu'il faut porter le premier remède.
Les
caisses de prévoyance et de secours, messieurs, sont encore un grand bienfait
pour les classes ouvrières ; là aussi il y aurait énormément à faire, nulle
idée n'est plus éminemment philanthropique, et j'aurais voulu également que la
section centrale s'expliquât.
M. Rousselle.
- Messieurs, la section centrale qui a été chargée de l'examen du projet
d'emprunt, pensait n'avoir à s'occuper que des voies et moyens destinés à faire
face aux nécessités des circonstances ; mais la chambre a saisi de plus cette
section centrale de tous les projets relatifs aux dépenses à imputer sur
l'emprunt ; de sorte que la section centrale s'est trouvée surchargée de
besogne ; on ne doit donc pas être étonné si elle n'a pas pu traiter les
diverses questions que l’honorable préopinant a soulevées.
La section centrale a pensé qu'il ne lui restait pas
le temps nécessaire pour débattre toutes ces questions, qu'elle n'en avait pas
même la mission, et s'il eût fallu s'en occuper, elle aurait elle-même demandé
le renvoi à une commission composée d'hommes spéciaux qui les aurait
complètement élucidées.
La
section centrale, s'est concertée avec M. le ministre de l'intérieur, et elle
s'est mise d'accord avec lui ; M. le ministre a consenti à réduire de 1,700,000
francs le crédit primitif ; il a pensé qu'avec deux millions il pourrait
assurer le service jusqu'au mois de septembre.
La
section centrale en libellant le projet de loi comme elle l'a proposé, a laissé
au gouvernement les moyens de remplir toutes les vues philanthropiques dont
l'honorable préopinant vient de vous présenter ce détail.
Le
gouvernement décidera, quand il aura éclairé ces questions ; il devra seulement
en rendre compte ultérieurement à la chambre ; mais nous n'avons pas tranché
nous-mêmes ces questions, nous n'avons pas écarté l'exportation des fabricats
belges ; nous n'avons rien retranché, nous avons, je le répète, laissé le tout
à la décision du gouvernement.
M. d'Elhoungne. -
Messieurs, la section centrale chargée de l'examen du projet d'emprunt, ainsi
que des divers projets de crédits qui ont été successivement présentés, n'est
pas heureuse dans l'accueil qu'elle rencontre. Je ne parlerai pas de son
insuccès auprès du ministère ; je ne parlerai pas non plus des reproches si
sévères et si immérités qui lui sont adressés par une presse, qui n'est pas
hostile au cabinet. Je viens seulement, répondant au réquisitoire que
l'honorable M. Gilson a prononcé contre la section centrale, plaider les
circonstances atténuantes.
Messieurs,
parmi tous les projets présentés par le gouvernement, il n'en est pas de plus
urgent, il n'en est pas dont l'utilité soit moins contestée et moins
contestable que le projet actuellement en discussion. En effet, il s'agit de
décréter des mesures qui doivent assurer immédiatement du travail à la
population ouvrière, tant à la campagne qu'au sein de nos villes
manufacturières.
Quels
sont les moyens les plus propres pour donner du travail à cette population
ouvrière ? Incontestablement les travaux de la voirie vicinale, les travaux
d'assainissement dans l'intérieur des villes, et là surtout où les classes
laborieuses se trouvent agglomérées.
Viennent
ensuite l'introduction d'industries nouvelles dans les Flandres, et des moyens,
un peu artificiels, mais efficaces et très admissibles en ce moment de crise,
de favoriser l'exportation des produits de nos diverses industries. Evidemment
ce sont là des moyens que tout le monde peut apprécier, que tout le monde
connaît et que l'honorable M. Gilson connaît mieux que personne, lui cependant qui
vient réclamer de la section centrale des explications superflues. Messieurs,
il eût été plus généreux à l'honorable membre de mieux employer son expérience
des affaires, ses connaissances spéciales pour éclairer la chambre si la
section centrale était restée au-dessous de sa tâche et s'il eût été nécessaire
de suppléer à l'insuffisance de son rapport.
J'ai
dit qu'il est impossible que les différents points que le projet embrasse soulèvent
une discussion dans cette enceinte. Tout le monde n'est-il pas d'accord ? Tout
le monde n'est-il pas prêt à voter des crédits qui ont pour but de donner du
travail à la classe ouvrière et d'améliorer son sort ? C'est dans cette pensée
aussi que M. le ministre de l'intérieur a demandé que les différents articles
dont se compose le crédit pussent être transférés d'une destination à l'autre ;
mieux placé que personne pour, apprécier les besoins, M. le ministre pourra
étendre ou resserrer les divers articles dans l'intérêt le plus étendu, le plus
immédiat de l'ordre public et de la situation. Par exemple, M. le ministre
pourra reporter une partie du crédit destiné à la voirie vicinale sur l'un ou
l'autre des littera suivants, et je suppose sur celui relatif aux exportations.
La section centrale a dû reconnaître que rien n'était plus légitime, plus
naturel que cette demande du gouvernement. C'est pour cela qu'elle a alloué un
crédit global.
Comme l'a déjà expliqué l'honorable rapporteur, il n'y
a pas eu, à vrai dire, de réduction sur la demande de M. le ministre. Le
gouvernement a consenti à ce que les crédits ne pourvussent aux besoins que
jusqu'au 1er septembre.
C'est
dans cette hypothèse et dans cette hypothèse seulement que M. le ministre de
l'intérieur a réduit le crédit de 3,700,000 fr. à 2 millions. Il a déclaré que,
sur ces 3,700,000 fr. il y avait 1,700,000 fr. qui devaient pourvoir aux
besoins ultérieurs, c'est-à-dire du 1er septembre à la fin de décembre. A cet
égard, la section centrale s'est donc trouvée dans la situation que voici : en
présence d'une demande de crédits justifiée, qui n'est pas susceptible
d'objections sérieuses, parce que ces crédits ont pour objet le maintien de
l'ordre public dont le premier élément est le travail du peuple, la section
centrale a dû se borner à constater son vote unanime, et reporter toute son
attention, tous ses soins sur l'examen du moyen financier. Elle ne pouvait donc
nous présenter que le rapport abrégé dont l'honorable M. Rousselle a bien voulu
être l'éditeur responsable.
M. Orban.
- Les explications données par M. le rapporteur et par l'honorable M.
d'Elhoungne qui fait partie de la section centrale, prouvent qu'en réalité il
n'y a aucune diminution proposée sur le crédit demandé par le département de
l'intérieur. Si, au lieu de 3,700,000 fr., la section centrale n'accorde que 2
millions, c'est parce que le ministère a restreint la période à laquelle le
crédit doit être appliqué, nullement parce qu'il aurait renoncé à aucune des
dépenses énoncées dans le projet de loi. Il me semble dès lors que nous devons
examiner successivement chacune de ces dépenses, examiner si elles ont ce
caractère d'urgence, d'indispensable nécessité qui, dans la situation
financière où se trouve le pays, peut seule déterminer la chambre à les voter.
Ce
serait, en effet, étrangement méconnaître cette situation que de ne point
admettre toute proposition de dépense avec une excessive réserve. La pénurie de
nos ressources, la situation gênée de nos contribuables et enfin l'obligation
d'être prévoyant pour les nécessités que l'avenir peut nous réserver et nous
réserve sans doute, nous imposent à cet égard de sévères obligations.
Je
vais examiner si toutes les dépenses dont il s'agit ont ce caractère d'urgence,
d'indispensable nécessité, si, en d'autres termes, elles doivent avoir pour
effet d'apporter un soulagement immédiat à la classe ouvrière.
Je
commence par l'article relatif aux chemins vicinaux. Assurément, je ne serai
pas suspect en venant combattre ce crédit ; car personne n'est plus pénétré que
moi de l'utilité de la voirie vicinale. De toutes les dépenses de travaux
publics, il n'en est point pour lesquelles j'aie plus de sympathie, et je
ferais volontiers exception en leur faveur, si même j'avais à m'élever contre
l'exagération des dépenses affectées aux travaux publics.
Je
dirai cependant qu'un nouveau crédit de 300,000 fr. pour la voirie vicinale n'a
ni l'urgence ni l'opportunité qui seraient nécessaires pour obtenir mon
assentiment en ce moment. En effet, nous avons un crédit considérable pour les
chemins vicinaux au budget de cette année. D'un autre côté, nous entrons dans
la saison où les travaux agricoles vont prendre tout leur développement et
donner à tous les bras ou à peu près une occupation suffisante à la campagne.
Dans les temps ordinaires, on réserve ces travaux pour l'hiver, pour la morte
saison. L'on ne pourrait pas en agir autrement sans créer une concurrence
nuisible aux travaux agricoles. Il n'y a donc ni urgence ni opportunité à créer
de nouvelles impositions, pour consacrer à la voirie vicinale de nouvelles
sommes qui ne pourraient être employées dans ce moment. J'ose dire que quelle
que soit la faveur dont jouissent à la campagne les améliorations à la voirie
vicinale, on éprouve dans ce moment beaucoup moins le désir de leur voir donner
de l'extension, que d'éviter une nouvelle aggravation des charges publiques.
Sur
le crédit demandé, un million doit être appliqué à des travaux hygiéniques à
exécuter dans les villes. L'honorable M. d'Elhoungne a dit à ce sujet que des
explications de la part de la section centrale avaient paru superflues pour
justifier une semblable allocation.
Je
ne conçois pas comment l'honorable membre a pu s'exprimer ainsi alors que ce
même projet, qui paraît être une idée
favorite de M. le ministre de l'intérieur actuel, présentée par lui, une
première fois en 1834, a été rejeté par la chambre.
Je
crois, moi, que c'est encore là un crédit qui dans les circonstances actuelles
doit nécessairement être ajourné. En effet, le genre d'améliorations auxquelles
il s'agit de pourvoir n'est pas de nature à se traduire immédiatement en
travaux pour la classe ouvrière. Si l'on veut faire des travaux hygiéniques
dans les villes, on entend sans doute ouvrir des rues nouvelles, procurer à
certains quartiers un aérage plus complet, une plus grande salubrité. Tout
cela, messieurs, ne peut se faire sans opérer des acquisitions de terrains, de
maisons, sans faire des expropriations qui absorberont la majeure partie du
crédit de manière que sur le million demandé, il y aura tout au plus une
centaine de mille francs affectés des travaux pour la classe ouvrière.
M. d'Elhoungne.
-Pourquoi les communes n'interviendraient-elles pas dans la dépense ?
M. Orban.
- Je parlerai de l'intervention des communes. Ainsi donc peu de main-d'œuvre à
créer au moyen de ce crédit. D'un autre côté, comme ces travaux nécessiteront
une instruction préalable, comme il faudra s'entendre avec les communes, il
s'écoulera nécessairement, avant de rien décider, des délais très longs, qui ne
permettront pas de faire de cette somme un emploi immédiat. Voilà pour
l'urgence, pour l'opportunité du crédit. Mais qu'il me soit permis de combattre
le crédit en lui-même et l'idée de cette dernière dépense que l’on veut
impatroniser au budget. D'abord il s'agit ici d'une dépense essentiellement
communale, qui a toujours été considérée comme telle et qui ne peut être mise à
charge du gouvernement sans les plus graves des inconvénients. Dans l'état
actuel des choses, (page 1210) le
désir de faire du nouveau, d'embellir les villes, entraîne les communes à faire
de folles dépenses, malgré qu'elles doivent y pourvoir avec les deniers
communaux. Que serait-ce si elles pourraient faire contribuer l'Etat à ces
dépenses ?
Au
point de vue de l'humanité, je ne conteste pas l'importance des mesures
hygiéniques auxquelles on veut pourvoir. Il est aussi essentiel à l'existence
d'avoir une habitation salubre que d'avoir de bons vêtements et une nourriture
suffisante, ce sont là trois besoins que l'on peut ranger sur la première
ligne. Mais, messieurs, il existe autant d'hommes qui manquent d'un logement
convenable que des vêtements et de la nourriture nécessaire. Et il est aussi
impossible au gouvernement de leur procurer l'un que l'autre ! Le gouvernement
ne pourrait entreprendre cette tâche sans s'exposer au double inconvénient de
la partialité et de l'injustice. Secourir les uns et ne point s'occuper des
autres, c'est assurément de la partialité ; secourir les uns et demander
aux autres qui sont tout aussi malheureux, les moyens d'améliorer la position
de quelques-uns, ce serait de l'injustice la plus criante. Evidemment ces
travaux hygiéniques ne s'entreprendront que dans quelques grandes villes, et
les malheureux qui, en bien plus grand nombre à la campagne, sont à peine
abrités contre les intempéries de l'air, verront leur position s'empirer par
suite du surcroît d'impositions dont les campagnes se trouveront grevées. Vous
reconnaîtrez que dans un pareil système, il n'y a ni justice ni impartialité.
Ce sont probablement ces considérations qui ont fait rejeter le crédit en 1834.
Je
vois ensuite figurer une somme de 200,000 fr. pour l’établissement de caisses
de prévoyance et de secours.
Assurément, il n'existe pas de plus belle institution
que celle des caisses de prévoyance et de secours ; et nous devons regretter
vivement, aujourd’hui surtout, que ces établissements n'aient pas été créés
depuis longtemps et n'existent pas en grand nombre. Mais est-ce bien le moment
de s'occuper de leur création ? Les caisses de prévoyance s'alimentent de
l'épargne de l'ouvrier, des retenues qu'il peut s'imposer sur son salaire. Ce
sont là des institutions qui ne peuvent fonctionner qu'en des temps où le travail
et l'industrie prospèrent, et c'est vainement que vous appelleriez aujourd'hui
la classe ouvrière à y participer. Il n'y a donc ni urgence, ni opportunité à
consacrer maintenant des fonds à cette destination.
Quant
au crédit de 1,500,000 fr. pour venir en aide au travail industriel, je le
voterai avec plaisir et je voudrais même que le crédit tout entier eût ce
caractère. J'avoue que je ne conçois dans ce moment de dépenses à faire
utilement et convenablement par le ministère de l'intérieur, que celles qui ont
pour but de procurer à l'industrie les facultés immédiates et actuelles, dont
elle a besoin. Quant aux dépenses d'avenir, celles qui doivent procurer des
améliorations futures, je crois que malheureusement ce n'est pas le temps de
nous en occuper, ni le moment d'y penser et je ne pourrai voter celles d'entre
les dépenses qui ont ce caractère, alors surtout, que nous n'avons d'autre
moyen d'y faire face que l'emprunt forcé demandé au pays dans les plus
fâcheuses circonstances.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, le crédit qui
vous est demandé à un caractère particulier, un but spécial, c'est celui
d'entretenir l'activité du travail dans le pays ; c'est celui de venir en aide
aux classes laborieuses : c'est de leur procurer un soulagement, non seulement
un soulagement matériel, mais, si je puis parler ainsi, un soulagement moral.
L'honorable
préopinant vient de combattre successivement diverses allocations comme n’étant
pas susceptibles d'une réalisation immédiate ou comme n'étant susceptibles
d'aucune réalisation sérieuse. Je suis d'une opinion entièrement contraire à
celle de l'honorable préopinant. J'attache un intérêt tout particulier aux
dispositions qu'il a surtout combattues.
Messieurs,
la Belgique est un. pays libre, où l'on vient d'étendre d'une manière très
considérable les libertés populaires.
Mais,
messieurs, il ne suffit pas de donner aux populations de la liberté ; il faut
aussi leur donner d'autres satisfactions ; il faut leur donner un travail ; il
faut maintenir l'ordre, à ces conditions. Il ne suffit pas, messieurs, de leur
donner ces marques d'intérêt purement matérielles. Il faut que
l'administration, pénétrée de sa mission, leur donne aussi des marques de
sympathie morale. Il faut que l'on sache ceux qui gouvernent, parlement et
ministère, incessamment occupés d'améliorer activement et autrement que par de
vains discours, le sort moral et matériel de la classe ouvrière.
Ce
langage, messieurs, nous sommes en droit de le tenir aujourd'hui. Il ne nous
est pas imposé par les circonstances. Il ne nous est pas arraché par les
craintes qui pourraient nous venir de l'extérieur. Depuis longtemps le
gouvernement belge s’est montré préoccupé activement et efficacement du sort
des classes inférieures ; et quand nous venons aujourd’hui vous proposer
des dispositions nouvelles en faveur de ces classes, nous ne ferons que
continuer ce qui a déjà été si bien commencé.
On
ne veut pas, messieurs, du crédit pour la voirie vicinale, parce que, dit-on,
les travailleurs des campagnes vont être occupés des travaux des champs et ne
pourront pas travailler à la voirie vicinale. Messieurs, si les travailleurs
des campagnes trouvent dans les travaux des champs une occupation plus utile
que dans les travaux de la voirie vicinale, on ne les appliquera pas à la
voirie vicinale. Toutefois, je doute que l’honorable préopinant ait
complètement raison à cet égard. Je crois que les travailleurs des campagnes
vont trouver en effet dans les travaux des champs une occupation utile, mais je
pense qu'il restera encore assez de bras inoccupés pour pouvoir travailler à
l'amélioration de la voirie vicinale.
L'honorable
préopinant repousse en second lieu le crédit demandé pour travaux d'hygiène dans
les villes et dans les communes. Il prétend que c'est là une idée favorite que
j'ai vainement produite au sein du parlement en 1834, et que cette proposition
ayant été repoussée en 1834, il s'ensuit qu'en 1848 elle doit également être
repoussée par la chambre.
Messieurs,
la proposition avait, en effet, été faite au budget de 1834. J'avais proposé
une allocation pour fournir au gouvernement le moyen d'aider à des travaux
d'hygiène publique dans nos villes et dans nos communes.
L'allocation
fut combattue par la section centrale chargée du rapport sur le budget.de
l'intérieur. J'avais cessé alors d'être ministre et je ne fus point appelé à
défendre l'allocation que j'avais proposée. Je pense que si j'avais pu, comme
ministre, défendre cette allocation, je serais parvenu à la faire voter par la
chambre, et depuis 1834, je suis convaincu que nous aurions obtenu les
meilleurs résultats de ce crédit, sagement et successivement appliqué, dans nos
principaux centres de population ou dans celles de nos communes rurales où
l'hygiène publique laisse encore beaucoup à désirer.
Depuis
1834, messieurs, divers pays ont réalisé beaucoup d'améliorations de ce genre.
En Angleterre, notamment, on a fait des sacrifices immenses pour procurer à la
classe ouvrière ce bienfait d'un système d'habitations mieux ordonné. Nous
avons aujourd'hui l'expérience des pays voisins, nous pouvons profiter des bons
exemples qu'ils nous ont donnés et transporter chez nous les bons résultats
qu'ils ont obtenus. Ce sont des avantages qui peuvent diminuer, jusqu'à un
certain point, notre regret de ne pas avoir vu adopter la mesure dès 1834.
Il
ne s'agit pas seulement, messieurs, de porter ces améliorations dans les grands
centres manufacturiers ; c'est là sans doute que devront se réunir les plus grands
efforts de l'administration et des communes, mais le système des améliorations
hygiéniques ne doit pas seulement s'appliquer aux habitations des ouvriers des
villes, il doit s'appliquer aussi aux habitations des ouvriers des campagnes.
Le gouvernement doit agir à cet égard avec le concours des communes et des
bureaux de bienfaisance. Souvent la bienfaisance publique ne distribue pas ses
dons avec toute l'intelligence qu'on pourrait désirer ; nous réclamerons son
concours pour une mesure qui doit amener non seulement une amélioration
matérielle, mais encore une amélioration morale dans la situation des classes
ouvrières. L'expérience l'a démontré, messieurs, quand l'ouvrier voit
disparaître cette malpropreté qui l'entourait, quand il s'occupe de son extérieur,
quand il soigne la propreté de sa personne, il ne tarde pas à reporter aussi
les mêmes soins sur son moral.
Je
considère, messieurs la proposition qui vous est faite comme une des plus
utiles du projet. Je ne dis pas que le gouvernement va, du jour au lendemain,
mettre en pratique ces projets d'améliorations ; il faudra sans doute un
certain temps, mais c'est déjà quelque chose que de déposer dans la loi cette
marque de sympathie, de vive sollicitude pour la classe ouvrière. J'espère
qu'avec le concours des communes, le concours des bureaux de bienfaisance, le
concours des personnes charitables, la Belgique, sous ce rapport, pourra encore
donner de bons exemples aux pays voisins.
C'est
une fausse manière, messieurs, de présenter les dépenses que nous demandons,
que de dire aux habitants des campagnes, comme le fait l'honorable M. Orban :
On va vous forcer à payer des contributions pour améliorer le sort des
habitants des villes. Il y a, messieurs, entre les classes malheureuses une
sorte de solidarité qu'elles comprennent parfaitement elles-mêmes. Je crois que
ce n'est pas l'intention de l'honorable orateur d'exciter dans les campagnes
des sentiments d'animosité contre les habitants des villes ; toutefois,
messieurs, cette manière de combattre l'allocation proposée pourrait avoir, à
son insu et contre son gré, cette fâcheuse influence.
On
repousse également comme inopportune l'idée d'établir des caisses de prévoyance
et de secours. On dit : Ce n'est pas le moment.
Messieurs,
je crois que le moment est venu, on ne saurait trop le répéter, de donner par
tous les moyens, des preuves incessantes de sollicitude aux classes ouvrières,
au milieu d'utopies, de perfectionnements irréalisables, de promesses vaines
dont on les nourrit aujourd'hui. Il est bon, messieurs, qu'un gouvernement
sage, qu'un parlement sage leur mette devant les yeux des améliorations
réelles. C'est le moyen, messieurs, de les prémunir contre les dangers de
toutes ces idées irréalisables avec lesquelles on exalte aujourd'hui leur
imagination. Pourquoi le moment ne serait-il pas venu de chercher à établir
dans le pays des caisses de prévoyance et de secours en faveur des classes
ouvrières ? Les classes qui travaillent ont besoin de secours aujourd'hui comme
elles en avaient besoin hier, comme elles en auront besoin demain.
Les
classes ouvrières en faveur desquelles on établira les caisses de prévoyance et
de secours, les classes ouvrières y contribueront par une légère retenue sur
leur salaire et y concourront de grand cœur ; ceux qui les emploient, à
leur tour, concourront à l’établissement de ces caisses de prévoyance et de
secours, et le gouvernement y contribuera également pour sa part. C’est,
messieurs, par le concours des classes ouvrières, les premières intéressées,
c’est par le concours de ceux qui les occupent, (page 1211) c’est par le concours de l'Etat, c'est par ce triple
concours que nous parviendrons à former quelque chose d'utile et de stable en
faveur de classes ouvrières.
Si,
dans les circonstances actuelles, le salaire des classes ouvrières doit être
réduit dans certaines fabriques, la retenue à faire sera d'autant plus faible.
D'ailleurs on ne force personne ; nul ouvrier ne sera tenu à fournir son
versement ; ceux qui ne voudront pas s'assurer des secours en cas de maladie ou
de blessures, ceux-là ne concourront pas à la caisse de prévoyance ; mais je
crois que le plus grand nombre accepterait avec reconnaissance ce moyen de
parer aux accidents qui peuvent survenir dans leur carrière d'ouvrier et de
s'assurer pour leur vieillesse un modeste avoir.
Messieurs,
ces idées mériteraient de beaucoup plus grands développements, je ne croyais
pas être amené à les discuter aujourd'hui ; je pensais que la chambre aurait
voté le crédit demandé sans de longs débats. Cependant, puisque j'ai la parole,
je dois ajouter encore quelques observations.
Ainsi
que l'a fait observer l'honorable M. d'Elhoungne, le crédit de 2 millions qui
est accordé par la section centrale ne doit pas nécessairement être reparti
entre les divers paragraphes qui composaient l'article premier. Si la section
centrale et moi, nous nous sommes bien compris, je pense qu'au besoin je
pourrais appliquer les deux millions à une seule et même catégorie de dépenses.
M. d'Elhoungne. -
Oui
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - C'est bien ainsi que nous
l'avons entendu.
M. d'Elhoungne. -
Sans doute.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - La dépense a ce but
général, de venir en aide aux classes inférieures. (C'est cela !)
Maintenant,
ainsi que l'a fait remarquer M. le rapporteur, je n'ai pas consenti à une
réduction de 1,700,000 francs, par le motif qu'en demandant 3,700,000 fr.
j'aurais été au-delà des besoins réels ; j'ai feulement été amené à borner la
demande à deux millions, parce que j'espérais, avec cette somme, faire face aux
besoins jusqu'au mois de septembre, ce qui était parfaitement entendu par la
section centrale. (Interruption.) Ces
messieurs confirment cette manière de voir.
Messieurs,
loin d'avoir mis une sorte de prodigalité dans la demande, je craindrais plutôt
d’être resté au-dessous des besoins de la situation ; c'est par esprit de
conciliation, et ici l'honorable M. d'Elhoungne a eu tort, quand il dit que la
section centrale avait obtenu peu de succès auprès du ministère, c'est par
esprit de conciliation que, sous notre responsabilité, nous avons accepté la
proposition faite, au sein de la section centrale, de réduire le crédit à 2
millions.
Sous
ce rapport donc, la section centrale a eu un plein succès auprès du ministre de
l'intérieur. La section centrale a également réussi auprès de mes collègues, et
le rapport qui sera fait par l'honorable M. Rousselle, démontrera que le gouvernement
a fait tous ses efforts pour tâcher de se mettre d'accord avec la section
centrale, quant au moulant des crédits.
Le
premier orateur qui a pris la parole a annoncé qu'il rejetterait tous les
crédits demandés ; l’honorable député de Verviers a bien voulu cependant
recommander au gouvernement de donner le plus de travail possible, de se mettre
à la hauteur de sa position, de se procurer des ressources par des moyens
énergiques, autres que l'emprunt. L'honorable député a indiqué au gouvernement
un de ces moyens. Ce ne sont pas les conseils qui ont manqué au gouvernement ;
tous les jours, il éclot 5 ou 6 projets au moyen desquels des hommes, animés de
très bonnes intentions, lui proposent de faire face aux besoins financiers. Je
ne sais si dans la discussion de l’emprunt nous aurons à aborder l’examen de
l’un ou de l’autre de des moyens proposés ; nous pourrons réserver pour cette
discussion le moyen mis en avant par l'honorable député de Verviers et qui
consisterait à émettre dans la circulation 65 millions de papier-monnaie,
hypothéqués sur les propriétés de l'Etat, en d'autres termes à mobiliser les
propriétés de l'Etat en papier monnaie. Ce système a été préconisé dans un
journal ; il n'est pas très nouveau ; il aurait besoin d'être examiné d'une manière
approfondie. Il faudrait savoir d'abord si nous avons à mobiliser 65 millions
de propriétés au moyen d'un papier-monnaie. M. le ministre des finances
pourrait donner à cet égard des renseignements qui constateraient que nous
sommes loin d'aller jusque-là.
Ce
moyen venant à faire défaut, j'espère que l'honorable député de Verviers nous
en proposera un autre, ou qu'il finira par se rallier aux propositions du
gouvernement.
Messieurs,
il y aurait inconséquence, injustice, à placer le gouvernement dans la position
que voici :
De
toutes parts des besoins se révèlent, de toutes parts des pétitions nous
arrivent : : à chaque heure du jour, des villes et des communes nous assiègent
de leurs réclamations, de leurs députations. Il faut du travail partout ; si l'on
se rendait à toutes les sollicitations, il faudrait dépenser des centaines de
millions. Tout le monde est d'accord sur l'urgence des travaux à faire. Voilà
un premier côté de la question. Puis, quand il s'agit de pourvoir à tous ces
besoins, de renvoyer satisfaites toutes ces députations, on refuserait au
gouvernement les moyens de faire face ces dépenses. Il y a même diverses
localités où l'on réclame à la fois et beaucoup de dépenses à supporter par
l'Etat, et la suppression de toutes ressources nouvelles ; mais on comprend
qu'une pareille position n'est pas acceptable pour le gouvernement.
Eh
bien, nous ferons, en restant autant que possible dans les limites de la plus
sévère économie, en ne cédant pas légèrement aux pressions de l'extérieur, nous
ferons toutes les dépenses que les besoins de la situation réclament, mais
c'est à la condition que les ressources que nous demanderons seront accordées
dans les mêmes limites ; la chambre comprendra sans peine que toute autre
situation ne pourrait être acceptée par une administration quelconque.
L'honorable
député de Verviers est venu vous présenter le calcul de ce que la ville de
Verviers allait recevoir par la distribution des crédits nouveaux et de ce
qu'elle aurait à donner dans l'emprunt et il a trouvé qu'elle paierait beaucoup
plus qu'elle ne recevrait.
Je
ne puis pas admettre cette manière de raisonner de la part d'un représentant de
la nation. Une localité quelconque ne vit pas seulement d’elle-même ; une
commune quelconque, particulièrement une commune industrielle, a d'autres
intérêts que des intérêts purement locaux ; elle est grandement intéressée à ce
que l'ordre règne dans tout le pays, elle est intéressée à ce que la
consommation générale ne soit pas restreinte, elle profite de l'activité générale
de tout le pays, elle profite de ses bonnes relations avec les puissances
étrangères ; ce serait le plus faux, je ne veux pas dire le plus étroit des
calculs, que de venir mesurer ce qu'une localité apporte au budget et ce
qu'elle y prend.
M. David.
- Cela s'applique aux autres centres industriels.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- L'on dit, messieurs, que c'est vers le cœur qu'on va ramener toutes les
dépenses, que les extrémités du pays en souffriront. Je n'ai pas compris cette
objection, je voudrais qu'on me dît quelles sont les dépenses qui vont être
affectées spécialement à ce qu'on appelle le cœur du pays. Si on entend parler
de la capitale, je demande dans les allocations proposées quelles sont les si
grandes dépenses destinées à la capitale.
En
résumé, messieurs, les 2 millions qui nous sont accordés par la section
centrale, nous les avons acceptés par forme de transaction pour en faire emploi
jusqu'au mois de septembre prochain ; nous les avons acceptés à cette autre
condition de pouvoir en disposer, sauf à en rendre compe au mois de décembre
prochain, de pouvoir faire emploi dans l'intérêt des classes ouvrières, c'est,
messieurs, sous ces deux réserves que nous avons accepté le crédit réduit à 2
millions. Pas de doute que la section centrale ne l'a entendu de la même
manière. J'espère que le compte rendu que nous nous empresserons de mettre sous
les yeux de la chambre montrera que sa confiance n'a pas été mal placée en nous
permettant de disposer, sans autre indication spéciale, de la somme de 2
millions.
M. Gilson.
- Par les explications que vous venez d'entendre, ma tâche est singulièrement
abrégée. Cependant je ne puis me dispenser de vous faire remarquer que j'étais
bien fondé à m'inquiéter quelque peu des intentions de la section centrale,
alors qu'il s'agissait du commerce, d'exportation. Si j'ai fait quelques
critiques trop sévères à l'adresse de la section centrale, je les retire
volontiers, la besogne énorme qu'on lui a imposée est un motif suffisant pour
que nous nous contentions d'un rapport très laconique ; mais cela à part,
j'avais raison de m'étonner du silence qu'elle gardait quant aux exportations,
remarquez la différence qu'il y a entre la rédaction du gouvernement et celle
de la section centrale.
Le
projet du gouvernement portait :
«
Pour aider au maintien du travail et particulièrement du travail industriel et
pour faciliter l'exportation des fabricats ou produits belges. »
La
section centrale s'est bornée à dire :
«
Pour aider au maintien du travail et particulièrement du travail industriel et
pour toutes les autres mesures à prendre dans l'intérêt des classes ouvrières.
»
Je
pouvais à juste titre supposer que les quelques mots que je viens de citer
avaient été retranchés avec intention. J'ajoute même que j'ai été peiné
d'entendre sortir de la bouche de mon honorable collègue l'allégation que l'on
voulait recourir à des moyens artificiels pour encourager l'exportation.
Dans ma conviction, et toutes les fois que je prendrai
la parole dans cette enceinte je le dirai, le moyen le plus efficace de venir
au secours de l'ouvrier, de lui donner du travail qui le laisse chez lui, qui
lui permette de conserver ses habitudes, c'est d'encourager l'exportation, ce
moyen est bien plus profitable que des travaux de terrassements, qui n’ont pas
toujours une utilité publique incontestable, tandis que les exportations, même
quand elles ne sont pas heureuses au début, deviennent fécondes dans l'avenir.
La chambre est maintenant saisie d'un projet de loi sur une société
d'exportation ; plusieurs sections même se sont occupées de ce projet ; vous
allez jeter partout le découragement, si vous dites qu'il est impossible d'y
songer. Je remarque pour ces exportations un éloignement que je ne m'explique
pas, et je persiste à les considérer comme la seule mesure utile. Au besoin, je
dirai comment j'entends pratiquer les mesures d'exportation que je conseille à
la chambre.
Maintenant
que ces questions restent entières, que les crédits sont demandés jusqu'en
septembre seulement, il est inutile de m'étendre davantage. L'utilité de
l'allocation n'est pas contestée par la section centrale. Elle ne le sera pas
non plus par la chambre. Un seul membre l'a contestée. M. le ministre de
l'intérieur lui a répondu. Je cède la parole à l'honorable M. d'Elhoungne qui
complétera mieux cette réponse que moi.
(page 1212) M. d'Elhoungne. - Je viens
rassurer l'honorable M. Gilson sur mes intentions et sur celles de la section
centrale. Lorsque j'ai parlé de moyens artificiels pour favoriser
l'exportation, j'ai eu en vue la même chose que l'honorable membre. J'avais
pensé qu'un stimulant venant du gouvernement pour créer des opérations
d'exportation était artificiel. Je crois que tout le monde l'entend ainsi. On
appelle moyen naturel d'exportation celui qu'emploie le commerce, sans
encouragement du gouvernement et de la législation. On appelle moyen artificiel
l'exportation qui a besoin d'un tel stimulant. Ce n'est pas dans un autre sens
que j'ai employé cette expression. Mais ni dans ma pensée, ni dans celle de la
section centrale, il n'y a eu la moindre hostilité contre l'exportation.
Je
dois dire à la chambre que la section centrale est profondément convaincue que
l’un des moyens les plus propres à rendre l’activité à l’industrie
manufacturière, et en même temps, les plus efficaces, les plus précieux pour
maintenir l’ordre public, c’est de favoriser les exportations ; et dans ce but,
dût le gouvernement faire un léger sacrifice, il en serait récompensé au
centuple par l'ordre public maintenu au milieu des tempêtes politiques qui
enveloppent notre pays.
Je
dois donner une explication sur un autre point.
Il
semblerait résulter des paroles de M. le ministre de l'intérieur qu'il y a eu
transaction entre la section centrale et lui. Je tiens à déclarer que la
section centrale n'a rien réduit du chiffre demandé par le gouvernement. M. le
ministre de l'intérieur a spontanément déclaré réduire le chiffre du crédit à 2
millions, attendu qu'on pourrait ainsi pourvoir aux besoins du service jusqu'au
1er septembre. En réduisant le chiffre à 2 millions, la section centrale
entend, comme M. le ministre, maintenir le projet primitif ; seulement la
législature qui sera prochainement convoquée devra statuer sur les 1,700,000
francs dont le vote est ajourné. C'est là un accord qui est résulté de la
proposition spontanée de M. le ministre de l'intérieur, proposition dictée par
la pensée que la législature prochaine devra pourvoir aux besoins du service à
dater du 1er septembre.
D'un
autre côté la section centrale a pensé, et cette réflexion n'a pas échappé à M.
le ministre de l'intérieur, que puisqu'on accorde au gouvernement un crédit
global et qu'il pourra imputer les dépenses d'un article sur l'autre, le crédit
sera aussi efficace qu'un crédit supérieur avec une affectation spéciale pour
chaque article.
Il
est donc constant qu'il n'y a pas eu de réduction, et que c'est spontanément
que M. le ministre de l'intérieur a demandé le chiffre de deux millions.
M. le ministre
de l’intérieur (M. Rogier). - C'est pour me conformer au
désir exprimé par la section centrale.
M. d'Elhoungne. -
Je n’étais pas présent à la section centrale quand on a voté le projet de loi.
Mais, si l’on s’était opposé aux moyens demandés pour donner de l'ouvrage à la
classe ouvrière, j’aurais énergiquement insisté pour qu'ils fussent adoptés.
Il
n'y a, en effet, qu'un moyen efficace pour maintenir l'ordre, c'est de faire
quelque chose pour la classe ouvrière menacée par la crise qui sévit dans toute
l'Europe. Si la section centrale avait voulu réduire le chiffre, j'aurais usé
de toute mon influence pour obtenir que le chiffre du projet primitif fût
maintenu et alloué immédiatement.
Je
ne sais s'il faut répondre à l'honorable M. Orban, que M. le ministre de
l'intérieur a complètement réfuté. Je ferai cependant remarquer à l'honorable
membre que dans les grandes villes il y a beaucoup d'ouvriers de métier qui ont
besoin qu'on s'occupe de leur sort, et pour lesquels il est nécessaire de
prendre des mesures. N'est-il pas évident que les travaux d'assainissement dans
certaines villes où la classe ouvrière est nombreuse sont opportuns et très
utiles, non seulement pour y donner de l'ouvrage, mais comme un témoignage de
vive et réelle sollicitude de la part du gouvernement et des chambres pour la
classe ouvrière ? Outre l'effet matériel qui serait excellent, il y aura un
effet moral qui ne le serait pas moins.
D'ailleurs j'ajouterai, avec M. le ministre de
l'intérieur, qu'il est bien entendu que les communes contribueront à la
dépense. L'honorable M. Orban prévoit des délais, des difficultés, des retards.
Mais que l'honorable M. Orban soit convaincu que les villes sentent le besoin
d'occuper la classe ouvrière, de maintenir l'ordre par le travail, car nulle
part le besoin de l'ordre et de la tranquillité ne se fait plus sentir que dans
les grandes villes, que dans toutes les villes.
Quant
aux caisses de prévoyance, puisqu’il n’y a pas d’imputation spéciale qui
implique la dépense de toute l’allocation, je n’ai pas le courage de la
défendre ; je ne comprends pas qu’on ait eu le courage de l’attaquer.
M.
de Haerne. - Quoique j'eusse désiré,
pour ma part aussi, un peu plus d'explications de la part de la section
centrale, cependant je ne conçois pas comment les conclusions qu'elle nous a
présentées et la proposition du gouvernement peuvent rencontrer de
l'opposition, surtout dans le moment actuel, vu les circonstances graves et
exceptionnelles où nous nous trouvons. On nous l'a déjà dit, lorsqu'il s'agit
de donner du travail à la classe ouvrière, nous devons montrer la plus grande
sollicitude. Si cela est vrai en général, c'est vrai surtout dans les
circonstances actuelles.
On
vous a dit que le travail ne manque pas à la campagne ; que, par ce motif, il
ne faut pas dans cette saison encourager le développement de la voirie
vicinale. Je crois que c'est une erreur ; car si dans le moment actuel il y a
des travaux à la campagne, il faut reconnaître que ces travaux sont souvent
interrompus. Dans les moments d'interruption, on ne peut mieux occuper la
classe ouvrière qu'au développement de la voirie vicinale. C'est pourquoi
j'appuie la proposition du gouvernement.
J'ajouterai
une observation : c'est que, dans beaucoup de campagnes, surtout dans celles
des Flandres, il ne faut pas seulement avoir égard au travail agricole
proprement dit ; car à côté du travail agricole, il y a un travail industriel
qui, en temps ordinaire, est très développé, et qui est presque complètement
suspendu aujourd'hui, à cause de la crise industrielle et commerciale qui pèse
sur les pays voisins et sur le nôtre. Je dis que le gouvernement doit se
préoccuper de la population livrée à ce travail, qu'il doit donner des
encouragements tout particuliers à cette classe ouvrière. Comment l'occuper
mieux qu'en l'employant à la construction de roules nouvelles ?
Sous
ces divers rapports, j'appuie le crédit demandé pour cette partie.
Quant
à l'assainissement, je crois qu'il s'agit en premier lieu des villes. Cependant
je vois qu'il est aussi question des communes rurales. S'il s'agissait
seulement de l'assainissement des grandes villes, j'éprouverais quelque
difficulté à donner mon vote approbatif au crédit pétitionné. Mais comme le
crédit s'applique aux communes en général et aux communes rurales comme aux
autres, je ne puis m'empêcher de l'appuyer.
A
cet égard, je ferai remarquer à l’honorable membre qui a critiqué cette
allocation, que dans certaines communes les travaux d'assainissement sont de la
plus grande urgence. Je veux parler ici spécialement des communes qui sont
décimées dans ce moment par la maladie épidémique, par le typhus.
L'honorable
ministre de l'intérieur vous a parlé de ce qu'on a fait à l'époque du choléra
et des heureux résultats qu'on a obtenus. Messieurs, on peut dire que dans
beaucoup de localités du pays, notamment dans les Flandres, il y a une urgence,
tout aussi grande qu'à l'époque du choléra, de recourir à des mesures d'hygiène
publique.
Ne
perdez pas de vue, messieurs, que le typhus sévit particulièrement là où il y a
le plus d'encombrement de population, là où la malpropreté, l'entassement des
indigents dépourvus de tout, vicient l'air et produit une infection qui
entretient et propage la maladie. Je pourrais citer à l'appui de mon assertion
l'autorité des hommes de l'art qui, à Courtray et dans les environs, se sont le
plus occupés du traitement de cette maladie et dont le dévouement mérite non
seulement les plus grands éloges, mais aussi l'attention toute spéciale du
gouvernement. Ce triste état de choses se rencontre dans nos campagnes ; il se
rencontre aussi dans quelques-unes de nos villes. J'ajouterai, pour confirmer
les observations qui vous ont été faites par M. le ministre de l'intérieur, que
l'expérience a prouvé que lorsqu'on parvenait à isoler les malades, la maladie
diminuait à l'instant même. Dans certains endroits où, l'année dernière, la maladie
sévissait avec la plus grande intensité, on a vu que, par les mesures
d'assainissement, les mesures d'isolement qui ont été employés à propos avec
connaissance de cause, la maladie a tout à fait cessé. Je citerai notamment un
village des environs de Courtray, le village de Gulleghem. Je désire,
messieurs, qu'on recoure aux mêmes moyens pour d'autres villages qui sont
encore désolés par la même maladie.
Messieurs,
on demande aussi un crédit pour l'introduction d'industries nouvelles.
Je
recommanderai au gouvernement d'encourager particulièrement les industries qui
peuvent le plus se généraliser. Je désirerais aussi que l'autre crédit, celui
qui figure au n°4, et qui concerne l'exportation, fût appliqué particulièrement
aux produits de nouvelles industries. Car il est à remarquer que dans le moment
actuel, à cause du chômage du travail, à cause du manque de crédit, à cause de
la crise industrielle et commerciale au milieu de laquelle nous nous trouvons,
l'introduction de nouvelles industries doit rencontrer de très grands
obstacles. Si l'industrie ordinaire, si une industrie déjà implantée dans le
pays éprouve des difficultés pour continuer ses travaux, à plus forte raison
toute industrie nouvelle doit rencontrer de grandes entraves.
Il
est donc nécessaire de l'encourager en favorisant l'exportation de ses
produits.
Ce
n'est pas, messieurs, le moment de discuter la question de la société
d'exportation. S'il s'agissait de cette question, je crois que le projet ferait
surgir une discussion très longue. Il faudrait voir quels sont particulièrement
les produits que l'on doit exporter ; quels sont les marchés vers lesquels
doivent se faire les exportations. Il faudrait voir aussi quelles sont les
mesures de précaution à prendre pour éviter une fâcheuse concurrence sur les
marchés où l'on exporte et pour ne pas nuire à certaines industries en voulant
en favoriser d'autres. S'il s'agissait d'une mesure générale, d'une mesure
définitive, je croirais devoir appeler l'attention de la chambre sur ces
importantes et graves questions.
Mais
comme il ne s'agit que d'une mesure temporaire, d'une mesure nécessitée par les
circonstances, je me bornerai à recommander à M. le ministre de l'intérieur de
s'entourer de toutes les lumières possibles, de consulter surtout, dans les principaux
centres de fabrication, les hommes compétents, et notamment les membres des
chambres de commerce. Car, vous ne pouvez-vous le dissimuler, messieurs, cette
question d'exportation est très belle en elle-même ; au fond et en principe on
ne peut que l'approuver ; mais dans son exécution elle rencontre de très graves
difficultés. Il faut éviter toute apparence de favoritisme, et ne consulter que
l’intérêt de la classe ouvrière, en s'attachant surtout aux industries qui
occupent le plus grand nombre de bras.
Messieurs, je crois qu'il ne peut y avoir de raison
plausible pour repousser aucune des allocations qui sont demandées. M. le
ministre de l'intérieur vous a dit bien à propos, qu'à côté des libertés que
nous avons (page 1213) conservées
par la loi et auxquelles nous avons récemment donné beaucoup d'extension, il
faut encore donner aux classes ouvrières des avantages qu'elles comprennent,
des avantages matériels, des avantages sensibles pour ces classes. On ne peut
le nier, les classes ouvrières se préoccupent fort peu des libertés théoriques
; elles se préoccupent fort peu de la liberté de la presse, de la liberté
d'enseignement dont elles ne saisissent pas l'utilité ; malgré les avantages
que ces libertés peuvent avoir pour elles, ce qui les touche de beaucoup plus
près ce sont les moyens d'existence, c'est le travail.
Si
donc nous voulons favoriser les ouvriers d'une manière efficace, nous devons
autant que possible leur procurer les moyens de vivre. C'est là, selon moi, le
meilleur moyen de leur faire chérir la patrie, de ne pas les désaffectionner de
la liberté. Car si les classes ouvrières voient que le régime de liberté leur
confère les moyens d'existence, c'est alors qu'elles le soutiendront, c'est
alors qu'elles s'y attacheront de cœur ; c'est alors qu'elles béniront et
défendront au besoin les institutions libérales à l'ombre desquelles elles
pourront espérer trouver l'aisance et le bonheur.
M. Castiau.
- M. le ministre de l'intérieur vous l'a dit avec raison : il ne suffit pas
d'avoir accordé des droits politiques à quelques milliers de citoyens ; il faut
étendre maintenant votre sollicitude spéciale sur toutes les classes de la
population ; il faut avant tout fournir aux masses des moyens d'existence et de
travail. Il faut aller plus loin encore ; il faut surtout, en leur prouvant
qu'on s'occupe d'elles, leur donner de ces témoignages de confiance et de
sympathie qui leur prouvent que les classes qui gouvernent n'oublient pas
toujours les intérêts et les droits du plus grand nombre.
Ces
sentiments, messieurs, sont partagés en ce moment par tous les membres de cette
assemblée. Cent fois déjà, j'ai eu moi-même l'occasion de les exprimer. Aussi
n'est-ce nullement pour combattre les crédits demandés dans l'intérêt des classes
ouvrières que je prends la parole, c'est uniquement pour présenter quelques
considérations sur l'emploi de ces crédits.
Le
gouvernement était venu vous demander d'abord une somme de 3,700,000 fr., mais
il avait lui-même déterminé l'affectation spéciale de chacun des crédits qu'il
réclamait. La section centrale a cru devoir réduire la demande du gouvernement
à deux millions, mais en faisant disparaître en même temps l'affectation
spéciale qui avait été donnée par le gouvernement à la somme qu'il venait vous
demander.
Messieurs,
j'avouerai que j'aurais préféré admettre le supplément de dépense réclamé par
le gouvernement à la condition de conserver l'affectation spéciale que le
gouvernement vous proposait. Oui, j'aurais préféré la proposition pure et
simple du gouvernement à la proposition illimitée qui vous est présentée par la
section centrale et en vertu de laquelle le gouvernement, suivant l'expression
de M. le ministre de l’intérieur, pourra faire reporter sur une seule catégorie
de dépenses tout le crédit qui vous est demandé pour des besoins divers,
nombreux et également intéressants.
Car,
messieurs, je dois le dire, si j'admets l'ensemble des crédits qui vous sont
demandés, il en est cependant un, et un des crédits principaux, à l'égard
duquel je voudrais faire une réserve formelle. Si j'avais la certitude que les
deux millions seraient appliqués intégralement à cette dépense, que je ne me
sens pas disposé à admettre, quoiqu'elle ait été si vivement préconisée par
l'honorable M. Gilson, si, dis-je, on entendait appliquer à la formation d'une
société d'exportation toute la somme de 3 millions, je le déclare, quant à moi
je repousserais le crédit, car les autres mesures qu'on propose me paraissent
bien autrement intéressantes que la création par le gouvernement d'une société
d'exportation.
Je
comprends parfaitement les doléances et les efforts de l'honorable M. Gilson.
Il veut une société d'exportation ; rien de mieux, et je la veux aussi.
Seulement qu'il commence par en obtenir l'établissement des armateurs et des
commerçants d'Anvers. Ce que nous devons vouloir, c'est bien moins de faire
créer une société d'exportation par le gouvernement que d'aider le commerce et
l'activité individuelle à créer une semblable société.
Que
le commerce et l'industrie s'unissent donc, qu'ils commencent par former une
société d'exportation, et si les secours du gouvernement leur sont nécessaires,
il pourra leur en accorder dans une juste mesure ; mais ne vous contentez point
de vous jeter aux genoux du gouvernement pour vous plaindre et gémir ; soyez
hommes ; aidez-vous, Dieu vous aidera. Vous vous serez enrichis et vous n'aurez
pas du moins ruiné le pays et les contribuables.
Déjà
l'année dernière, messieurs, on vous avait proposé la formation d'une société
d'exportation, et dans ce projet déjà on sacrifiait avec un merveilleux abandon
les intérêts de l'Etat aux intérêts de la spéculation ; car, d'après les
propositions de l'honorable M. Dechamps, toute la perte devait retomber sur le
gouvernement, et tout le bénéfice devait rester au commerce. Si nous devions
discuter ce projet, je le déclare, je le combattrais de toutes mes forces, car
je le considère comme désastreux pour le gouvernement et pour l'industrie
elle-même.
Cette
réserve faite, messieurs, je n'ai plus qu'à adopter les divers crédits demandés
pour améliorer le sort des classes ouvrières ; car j'en approuve toutes les
autres dispositions. Ainsi j'approuve la dépense proposée pour l'amélioration
de la voirie vicinale ; seulement je compte bien que le gouvernement suivra les
précédents établis quant à la distribution du crédit, et qu'il ne s'en servira
que pour stimuler le zèle des communes et des provinces. Il faut en finir avec
cette idée, beaucoup trop populaire aujourd'hui, de faire retomber sur le
gouvernement, et sur le gouvernement seul, la responsabilité de toutes les
crises et de toujours s'adresser au gouvernement comme à une providence
sociale. Ce qu'il donne aux uns, ne l'oublions pas, il le prend aux autres.
Accoutumons-nous donc à faire appel à toutes les ressources de l'activité
privée avant tout, puis aux ressources des communes, aux ressources des
provinces. Que le gouvernement donc consacre un crédit à l'amélioration des
chemins vicinaux, rien de mieux ; mais qu'il exige que les communes et les provinces
remplissent d'abord leurs devoirs ; c'était à elles à prendre l'initiative et
elles n'auraient pas dû attendre l'impulsion du gouvernement.
Je
suis obligé, messieurs, d'en dire autant du crédit de 1 million demandé pour
assainir dans les villes et communes les quartiers occupés par la classe
ouvrière. Je regrette très vivement, ainsi que M. le ministre de l'intérieur,
que ce crédit n'ait pas été voté en 1834, époque où il a été pour la première
fois présenté à la chambre ; car depuis cette époque, il aurait servi à
réaliser d'importantes améliorations ; je le voterai donc de grand cœur, mais
c'est, encore une fois, à la condition que les communes et les provinces
rempliront leur mission et accepteront leur part de responsabilité et de
charge, car ces travaux d'assainissement sont avant tout des travaux communaux
; ce sont les administrations communales, avant tout, qui doivent les ordonner.
Je dirai même que le principal moyen d'assainissement des villes ce sont les
règlements de police communale sur les constructions. C’est donc encore ici aux
administrations communales à prendre l'initiative. Toutefois j'admets
l'intervention du gouvernement comme stimulant, comme moyen d'engager les
administrations communales à remplir leur devoir, à opérer une réforme dont
elles auraient dû depuis longtemps prendre l'initiative.
C'est
ainsi, messieurs, qu'en Angleterre l'initiative de ces améliorations a été
prise, non par l'Etat et à l'aide des ressources des contribuables, mais par
les particuliers et des sociétés privées. M. le ministre de l'intérieur vous a
parlé des efforts faits en Angleterre, des améliorations réalisées au point de
vue de l'hygiène publique. Eh bien, savez-vous, messieurs, par qui ces efforts
ont été faits, par qui ces améliorations ont été réalisées ? Encore une
fois, ce n’est point à l’aide de l’intervention du gouvernement, c’est par le
zèle individuel, c’est par l’activité privée, c'est par les ressources et
l'activité des associations. Il existe en Angleterre cinq associations principales
pour l'amélioration du sort des travailleurs.
1°
L'association pour la salubrité des villes, présidée par lord Normanby.
2°
L'association des classes laborieuses de Londres pour l'amélioration de la
santé publique, fondée par le docteur Toynbec, et dont les ramifications
s'étendent aujourd'hui à plusieurs grandes villes de l'Angleterre.
3°
La société pour l'amélioration des classes laborieuses, érigée sous le
patronage de la reine.
4°
La société des bains et buanderies, patronnée par l'évêque de Londres.
5°
L'association pour la fourniture d'eau, l'assainissement et l'amélioration des
villes.
Ce
sont, messieurs, toutes sociétés particulières et la dernière est constituée au
capital de 25 millions.
Voilà
ce que le zèle individuel et les ressources de l'association ont fait en
Angleterre. Pourquoi ? Parce qu'en Angleterre les particuliers ont plus de foi
en eux-mêmes et dans la liberté que dans le pouvoir et l'intervention de
l'Etat. Au lieu de se plaindre sans cesse et de solliciter toujours, on agit et
chacun marche dans sa force et sa liberté. C'est ainsi qu'avec les seules
forces d'associations individuelles, on arrive à faire de grandes choses, sans
devoir sans cesse recourir au gouvernement, épuiser le trésor public, sacrifier
à des intérêts locaux ou à des exigences individuelles les deniers des
contribuables.
Il
ne me reste plus, messieurs, qu'à faire une seule observation sur les caisses
de prévoyance et de secours pour les ouvriers. C'est évidemment une des mesures
les plus utiles et les plus populaires ; c'est une mesure d'ordre en même temps
que de justice et d'humanité. Déjà un essai de cette institution a été fait et
il a produit les plus heureux résultats dans l'industrie des mines. Mais,
messieurs, avant d'établir cette institution des caisses du prévoyance et de
secours, dont la réalisation, dans les circonstances actuelles, est assez
difficile, il faut le reconnaître, car d'après M. le ministre de l'intérieur,
il devra être fait une retenue sur le salaire des ouvriers et je crois que les
circonstances actuelles ne comportent pas une retenue ; mais enfin avant
d'établir cette institution j'engagerai le gouvernement à fixer son attention
sur les règlements des caisses de prévoyance déjà établies.
Je
crois que ces règlements auraient besoin d'une révision, du moins en ce qui est
relatif à la représentation des ouvriers dans l'administration des caisses de
prévoyance. Les ouvriers fournissent la moitié du revenu des caisses et ils
n'ont pas même le droit de nommer un seul des membres de la commission de
surveillance. C'est une question d'exécution qui ne manque pus de gravité et
que je signale à l'attention du gouvernement. Il faudra nécessairement admettre
l'intervention des ouvriers aussi bien que celle des maîtres pour la nomination
des conseils d'administration, surtout pour gagner la confiance de l'ouvrier et
l'amener à contribuer volontairement à soutenir une institution qui, on le
reconnaît, n'aura pour lui aucun caractère obligatoire.
Messieurs,
les mesures proposées sont utiles, sans doute, mais il en est d'autres plus
efficaces encore qu'il faut bien signaler et que j'ai déjà (page 1214) réclamées plusieurs fois
dans cette enceinte. Les mesures qu'on propose aujourd'hui ne porteront que sur
un petit nombre d'individus, car vous comprenez bien, messieurs, que ce n'est
pas avec deux millions qu'on pourra faire de grandes choses et soulager de
grandes misères ; il faudra donc qu'on fasse appel à l'activité et au zèle des
individus, des communes et des provinces, et encore, après tout, ce ne seront jamais
là que des mesures incomplètes et temporaires.
Il
faudra bien, cependant, qu'on en vienne à des mesures plus décisives et plus
générales ; il faudra bien qu'on aborde enfin la question de la révision et de
la suppression des impôts qui retombent sur les classes ouvrières. Si vous
supprimiez, par exemple, l'impôt sur le sel, qui pèse si lourdement sur les
classes pauvres, il en résulterait un bien-être qui s'étendrait, non pas à
quelques cents individus, comme les mesures que vous proposez, mais à la population
tout entière. Il en serait de même des taxes sur les subsistances. Voici
bientôt l'époque où va expirer le régime de liberté pour l'introduction des
bestiaux et des céréales. Eh bien, je voudrais que le gouvernement résolût
d'une manière définitive ce problème toujours tenu depuis quelques années en
suspens. Les circonstances sont aujourd'hui plus favorables que jamais ; si
l'on venait proposer la suppression absolue de toutes les taxes qui pèsent sur
les subsistances, je pense que cette suppression serait acceptée et prononcée
aujourd'hui avec empressement par les chambres.
Enfin
je ne puis passer sous silence une autre mesure qui touche à l'amélioration
matérielle et morale de la classe ouvrière, et qui est en définitive aussi
intéressante que celle de l'assainissement des habitations des classes pauvres,
je veux parler d'une loi destinée à régler le travail des enfants dans les
manufactures.
Cette législation protectrice existe dans plusieurs
pays. On s'en est occupé à diverses reprises en Angleterre. Il existe dans ce
pays plusieurs bills qui ont limité la durée du travail, non seulement pour les
enfants, mais encore pour les femmes. La mesure, sans doute, finira par devenir
générale et par s'appliquer à toutes les classes ouvrières.
Chez
nous aussi, à diverses reprises, j'ai signalé la nécessité de s'occuper de
l'examen de cette grave question. On s'est mis à l'étude ; les renseignement
ont été recueillis ; puis on s'est reposé et nous sommes toujours dans
l'attente du projet de loi si souvent annoncé. J'en réclame de nouveau la
présentation, car ainsi que je l'ai dit, ce projet de loi est à lui seul aussi
important pour l'amélioration du sort des classes ouvrières que toutes les
mesures qu'on vous propose aujourd'hui.
M. de Garcia. -
Messieurs, je. ne dirai que quelques mots pour motiver mon vote. Je déclare
d'abord que jamais je ne refuserai mon assentiment à des crédits qui auront
pour objet de donner du travail à la classe nécessiteuse.
Une
seule question sérieuse peut se présenter à l’occasion d'une mesure semblable,
c'est que les fonds alloués soient employés avec discernement, avec sagesse,
avec justice et de manière à pourvoir aux besoins les plus urgents.
Sous
ce rapport, comme l'honorable M. Castiau, j'exprime le regret qu'on n'ait pas
conservé dans le projet de loi la nomenclature des diverses branches
d'administration sur lesquelles devait tomber l'emploi des fonds que nous
sommes appelés à voter. Tous les objets signalés par le gouvernement me
paraissaient mériter également sa sollicitude, et à mes yeux, l'on ne pourrait,
sans injustice, distraire une partie du subside accordé à l'un pour le déverser
sur l'autre. Dès lors, il me reste à convier le gouvernement à rester dans la
ligne tracée par le projet de loi qu'il nous a soumis.
Maintenant
je présenterai quelques observations sur les divers chefs de dépenses signalés
par le gouvernement.
J'ai
réclamé la parole quand j'ai entendu l'honorable M. Orban dire que le subside
demandé pour les chemins vicinaux était chose inutile dans le montent actuel,
par le motif que la classe ouvrière des- campagnes avait dans les champs un
travail qui suffisait à ses besoins. Je regrette de devoir relever cette
assertion, qui constitue la plus grave erreur : Nul ne peut ignorer que les
travaux de la campagne sont loin d'occuper tous les bras des malheureux
ouvriers qui s'y rencontrent. Je puis dire qu'à l'heure qu'il est, au moins
dans la province qui m'a fait honneur de m'envoyer ici, grand nombre
d'individus réclament du travail. Pour le prouver, il me suffira d'énoncer un
fait que l'on ne peut contester : c'est que la mendicité règne dans nos
campagnes avec une intensité telle, que tous les hommes bienfaisants consacrent
à la soulager deux fois le montant de leur contribution personnelle. Devant des
charges aussi lourdes, il faut en convenir, le gouvernement doit aviser aux
moyens de donner du travail aux populations des campagnes. J'ajouterai une
observation pour faire sentir cette nécessité : je dirai que si le Gouvernement
faisait exécuter rigoureusement les lois sur la matière, les communes seraient
ruinées par le grand nombre de mendiants, qu'elles seraient obligées
d'entretenir dans les dépôts de mendicité.
Il
est donc de toute justice et de toute nécessité de conserver à l'amélioration
de la petite voirie l'allocation pétitionnée primitivement par le gouvernement.
Outre
qu'un subside semblable est de nature à stimuler des sacrifices de la part des
communes, des provinces et des particuliers, les travaux qui s'ensuivent sont
les plus utiles et ceux qui conservent davantage la moralité dans la classe des
travailleurs. Ils s'exécutent partout et sur toute la superficie du royaume,
sans déplacement de l'ouvrier. Ils conservent chez ceux qui sont appelés, les
sentiments de la famille qui constituent l'un des moyens les plus efficaces de
la moralité sociale. L'ouvrier, au contraire, qui mène une vie nomade, devient
souvent un mauvais sujet et l'agglomération d'individus semblables finit par
devenir un embarras pour l'Etat. A mes yeux donc, l'emploi le plus utile et le
meilleur qu'on puisse faire des fonds qu'on demande pour donner du travail, se
rattache aux chemins vicinaux.
Je
donnerai aussi mon assentiment à l'article qui concerne l'assainissement de
certains quartiers dans les villes populeuses et dans les communes. Cependant,
il me paraît nécessaire que les
particuliers, habitant ces quartiers, concourent à cette dépense. M. le
ministre de l'intérieur a parlé du concours des communes et des provinces ;
mais le concours des particuliers et des propriétaires, qu'il n'a pas signalé,
me paraît aussi juste et aussi
indispensable.
En
effet, il est incontestable que l'exécution de ces travaux est destinée à
augmenter de beaucoup la valeur des propriétés bâties situées dans les
quartiers qu'on veut assainir. Au fond l'ouvrier, qui n'est pas propriétaire,
n'y gagnera qu'un séjour plus salubre, tandis que le propriétaire y trouvera un
accroissement de fortune.
Cette
considération me conduit à une autre ; je crains que lorsqu'on aura assaini les
quartiers habités aujourd'hui par l'ouvrier, celui-ci ne puisse plus s'y loger.
Les quartiers sains et aérés ne manquent nulle part ; mais les prix élevés de
location ne permettent guère à la classe ouvrière de s'y caser. Ils coûtent
trop cher pour être à la portée des hommes sans doute dont nous voulons tous
améliorer la situation.
Je
crains que la mesure proposée ne conduise pas au but qu'on se propose. Je
crains que si on fait avec trop de luxe l'assainissement de certains quartiers
occupés aujourd’hui par l'ouvrier, les propriétés bâties n'y acquièrent une
valeur telle qu'il ne puisse plus y en rester aucun.
Un
mot me reste à dire sur le subside demandé pour établir des caisses d'épargne
et de prévoyance.
J'appuie
de toutes mes forces cette institution. Elle est de nature à produire les
meilleurs résultats.
Ce
qui manque surtout à la classe ouvrière c'est la prévoyance, c'est le désir de
mettre en réserve quelques ressources pour les moments où les travaux chôment,
pour les cas d'infirmités, de maladies. Outre les avantages matériels qui
doivent résulter de cette institution, elle doit conduire à moraliser le
travailleur qui, dans les temps prospères, n'est que trop incliné à se livrer à
des excès. Qui ne sait que, à défaut d'ordre et de prévoyance, les gros
bénéfices n'ont presque jamais enrichi l'ouvrier ? Celui qui, dans des moments
donnés, gagnait 4, 5, 6 francs et plus, les jours du chômage se trouve souvent
aussi malheureux que celui qui ne gagnait qu'un franc. Je pourrais citer grand
nombre d'exemples à l'appui de ce que j'avance, mais ils sont connus de tous.
En
résumé le bonheur de la classe ouvrière ne peut se réaliser qu'en lui donnant
l'amour de l'ordre et le sentiment de la prévoyance. La mesure proposée par le
gouvernement me paraît devoir conduire à
ce but, et je m'empresserai de lui donner mon assentiment.
-
La discussion générale est close. On passe aux articles.
Discussion des articles
« Art.
1er. Il est ouvert au département de l'intérieur un crédit de deux millions de
francs (fr. 2,000,000), pour aider au maintien du travail, et particulièrement
du travail industriel, et pour toutes autres mesures à prendre dans l'intérêt
des classes ouvrières.
« Ce
crédit formera l'article unique du chapitre XXIII du budget du ministère de
l'intérieur pour l'exercice 1848. »
M. Malou.
- Messieurs, je n'ai pris aucune part à la discussion générale ; je dois
cependant faire remarquer à la chambre qu'en substituant une formule vague,
élastique en quelque sorte, à la proposition primitive, la section centrale a
voulu donner à M. le ministre de l'intérieur les moyens de prendre non
seulement les mesures qu'il avait indiquées dans le projet primitif, mais
toutes autres, dont la nécessité lui serait démontrée ; qu'on n'a entendu non
plus préjuger comme principe de législation permanente aucune des questions que
le projet du gouvernement suppose résolues. Ainsi, pour l'assainissement des
villes, par exemple, ce n'est pas un principe de législation permanente que
nous posons aujourd’hui.
Nous
autorisons plutôt le gouvernement à faire un essai ; si les résultats en sont
satisfaisants, ce principe pourra peut-être passer dans la législation.
La
formule du projet a donc été modifiée par la section centrale pour qu'aucun
principe ne fût préjugé.
M. de Corswarem. - J'ai à
demander une explication sur cet article. D'après la rédaction de la section
centrale, les deux millions doivent servir pour aider au maintien du travail et
particulièrement du travail industriel. L'exposé des motifs et le rapport sont
muets sur la manière dont cet emploi doit être fait. Fera-t-on des avances aux
industriels, à charge de les rendre plus tard quand ils seront dans une
situation plus prospère, ou bien fera-t-on des dons, des cadeaux ? Je voudrais
que M. le ministre s'expliquât sur ce point. Je voudrais savoir si nous votons
des sommes pour aider les manufacturiers à écouter le trop-plein de leurs
magasins et à se procurer ainsi les moyens de donner de l'ouvrage aux ouvriers.
Si c'est ainsi qu'on entend employer la somme demandée, je la voterai ; mais si
c'était pour donner des secours, des dons à des industriels, je m'y opposerais.
Pour cela je désirerais que M. le ministre voulût bien nous donner quelques
mots d'explications.
(page 1215) M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier).
- Jusqu'ici, je ne connais pas un seul particulier auquel le gouvernement ait
l'intention soit de faire un cadeau, soit d'accorder un subside sous forme de
prêt. Le gouvernement n'aura pas affaire aux particuliers, mais aux communes et
aux provinces ; il tirera le meilleur parti possible de l'allocation mise à sa
disposition. Dans la plupart des circonstances, ce sera sous forme de prêts,
dans d'autres peut-être devra-t-il abandonner la somme, mais ce sera
principalement sous forme de prêt. Je m'en suis expliqué déjà, le gouvernement
n'a pas l'intention de se mettre en rapport avec tel ou tel industriel, mais
avec l'intérêt public représenté par la commune ou la province.
M. Dechamps.
- Je m'abstiendrai de rentrer dans la discussion générale ; je veux seulement
proposer un amendement à l'article de la section centrale, consistant à
reproduire une phrase de l'exposé des motifs du projet du gouvernement,
c'est-à-dire, après les mots « pour aider au maintien du travail industriel »,
d'ajouter : « et pour faciliter l’exportation de fabricats ou produits
belges. »
Je
ne veux pas, pour développer cet amendement, rentrer dans la discussion
générale ; si la clôture n'avait pas été prononcée, mon intention était
d'appuyer vivement les observations émises par M. Gilson ; mais je me bornerai
à quelques courtes observations.
Par
le projet actuel et par d'autres projets qui mous sont soumis, nous allons
donner au gouvernement le moyen d'aider à maintenir le travail dans les usines
et dans les manufactures du pays.
Le
gouvernement fait bien de proposer ces projets de loi, et nous ferons bien de
les adopter. C'est là notre premier devoir dans les circonstances actuelles ;
c’est par le maintien du travail que nous conjurerons les seuls dangers que l'absence
de travail pourrait faire naître.
Mais
il ne faut pas oublier que si nous cherchons à développer la production, par
des moyens plus ou moins artificiels, il faut en même temps songer à la vente
de ces produits, sans laquelle l'encombrement se produira bientôt. La
consommation intérieure se restreint considérablement par suite de ta crise
elle-même ; les marchés continentaux, au midi et à est, se ferment de jour en
jour pour nos produits. Sans négliger les moyens de récupérer une place plus
large sur ces marchés continentaux, il faut donc pousser aux exportations
lointaines. Mon intention n'est pas de demander que le gouvernement emploie les
deux millions mis à sa disposition à la création de la société d'exportation ;
il ne peut pas être question de la création de cette société à l'aide d'une
aussi faible ressource.
Je
regrette beaucoup que le gouvernement n'ait pas fait discuter ce projet, au
début de la session, avant les événements qui en rendent l'exécution actuelle
difficile, car je persiste à croire que c'est le moyen le plus efficace pour
amener la réforme linière dans les Flandres, et l'ouverture de débouchés
nouveaux pour nos tissus. Mais si ce projet doit être ajourné, il est d'autres
mesures qui pourraient être immédiatement employées. Des essais peuvent être
tentés, non seulement par l'intermédiaire de la Maastchappy, mais encore par
l'intermédiaire des maisons anglaises et des villes hanséatiques, à l'aide de
garanties de perte éventuelle que le gouvernement accorderait, sous telles précautions
faciles à indiquer. Des primes d'exportation temporaires et décroissantes
pourraient être combinées avec l'établissement de deux à trois comptoirs
transatlantiques dont nos consuls rétribués formeraient le noyau.
Je
ne veux pas m’étendre sur les détails de ces mesures que je recommande à
l'attention du gouvernement.
Le
moment est on ne peut plus opportun pour faire des essais énergiques
d'exportations. Vous connaissiez, messieurs, les expériences qu'on tente dans
un pays voisin pour organiser le travail ; je ne sais ce que ces tentatives
produiront ; j'ignore si l'avenir en recueillera d'heureux fruits ; je le
désire plus que je ne le crois ; mais ce que je sais, c'est que si d'utiles
résultats sortent de ces expérimentations pour l'avenir, c'est à la condition
de la ruine presque inévitable du présent. J'ai la conviction que ces projets
d'organisation de travail sont destinés, si on les applique sérieusement, à
tout désorganiser : fortune publique, crédit, industrie, travail et salaire.
Je
le regretterais pour une nation généreuse soumise à de nouvelles et dures
épreuves. Mais si ces faits se consomment, pourquoi ne ferions-nous pas ce que
l'Angleterre s'apprête à faire ?
Il
n'est pas douteux que les exportations de la France dans les Amériques et dans
le Levant vont décroître sensiblement, dès cette année même. Cette place énorme
que la France va laisser vacante sur ces marchés, l'Angleterre et la Suisse
vont s'efforcer de s'en emparer, et leur production va s'étendre de tout le
déficit qui va avoir lieu dans la production manufacturière de la France.
Pourquoi
ne tâcherions-nous pas, part des essais persévérants d'exportation, de prendre
quelque peu sur les marchés, la place qui sera abandonnée par les nations qui
veulent expérimenter de nouvelles théories sociales ?
Si jamais moment opportun s'est présenté pour tenter
ces essais, c'est le moment actuel. Je m'associe aux vœux exprimés par M.
Gilson afin que le gouvernement emploie la somme la plus grande possible à
favoriser l'exportation.
Le
gouvernement examinera quels sont les meilleurs moyens pour organiser ces
essais, mais je tiens à répéter que si ses efforts ne se concentrent pas vers
les exportations, les mesures mêmes qui sont proposées pour stimuler le travail
dans tes fabriques doivent amener prochainement un encombrement de magasins,
cause d'une crise aussi périlleuse que celle que nous voulons éviter. Il ne
faut pas que le gouvernement se préoccupe aussi vivement du travail agricole
que du travail industriel dans les grands centres de production du pays. C'est
là où il faut surfont assurer l'ordre par le travail.
M. Gilson.
- Messieurs,, j'ai tenu à défendre le commerce manufacturier de la Belgique
contre les attaques qu'a dirigées contre lui l'honorable M. Castiau. Non ! il
n'est pas vrai que nous soyons constamment à genoux devant le gouvernement pour
lui demander des secourt. Le commerce manufacturier a fait ses preuves : il
s’est montré sur tous les marchés du monde, et le plus souvent il a lutté avec
succès ; il a donc fait, lui, tout ce qu’on pouvait raisonnablement exiger
de lui ; mais il n'est que trop vrai qu’il n'a pas été aidé par
l'intermédiaire que je considère comme indispensable, pour le commerce
transatlantique. Il est de notoriété publique que partout des sociétés
puissantes sont venues en aide à l'industrie pour lui ouvrir le vaste champ des
exportations. Il en fut ainsi en Angleterre. Il en est de même en Prusse comme
en Hollande. Qui ne sait en effet tous les succès d'une société créée jadis au
milieu de nous et qui, malgré les nombreuses écoles qu'elle fit au début, a
fini par être un des agents les plus utiles au développement de richesses
immenses. Ce n'est donc point à l'industriel seul qu'il faut s'en prendre de
nos succès sur les marchés étrangers.
Je
ne conteste pas à l’honorable M. Castiau les connaissances si variées qu'il
possède et que personne ne lui conteste. Mais il me permettra de lui dire qu'en
matière manufacturière les connaissances pratiques, les renseignements même
puissent lui manquer. Je le répète avec orgueil, il n'est pas vrai qu'en
matière d'industrie la Belgique soit restée stationnaire ; elle a marché d'un
pas assuré et elle ne vient pas mendier des secours.
Je n'en veux pas pour ma part, mais ce que nous
industriels pouvons bien vouloir, c'est que l'on ne nous impose pas les deux
rôles à la fois. A nous de produire, à d'autres le soin d'exporter. Et pour ne
vous citer qu'un exemple tout récent, il s'agissait d'exporter, en juin
dernier, vers les contrées les plus éloignées, des tissus dont la fabrication
nous allait parfaitement, mais c'était là une opération dont le résultat devait
se faire attendre deux ans et quels qu'en doivent être les changes définitives
de succès il n'est pas possible de supposer qu'un modeste fabricant puisse se
déterminer à entamer une opération toujours en dehors des ressources qu'il
possède et en dehors aussi des connaissances pratiques indispensables pour tout
placement sur les marchés lointains.
Si
dans ce moment il fallait renoncer à la création immédiate d'une société
d'exportation, nous désirerions au moins qu'il fût pris quelques mesures en
faveur du travail national dans les vues que je viens d'indiquer. Plus tard,
dans cette session je l'espère encore, cette grande question se représentera.
Je serai alors dans de meilleures conditions de santé, et je serai plus à même
de défendre une opinion que je persiste à considérer comme très fondée.
Permettez-moi, pour aujourd'hui, de borner là ma tâche.
M. Castiau.
- Ne trouvez-vous pas, messieurs, que l'honorable membre qui vient de m'accuser
avec tant de verve et de chaleur, aurait pu se dispenser de prendre la parole
et de s'ingénier à combattre des fantômes ? Il a supposé que j'avais attaqué
l'industrie belge, pour se ménager l'occasion de faire, dans les termes les
plus exaltés, l'éloge de l'industrie belge en général, et en particulier de
l'industrie qu'il représente et qu'il dirige. S'il faut l'en croire, notre
industrie, celle surtout qu'il exploite, ne craint rien ; elle ne redoute pas
la concurrence ; elle peut écouler partout ses produits. A merveille ! J'en
suis charmé, et je l'en félicite lui-même d'une manière toute particulière.
Mais avais-je donc dit le contraire ? Avais-je attaqué l'honorable membre et
l'industrie qu'il exploite ? Eh ! non certes : je n'ai pas attaqué les
industriels qui acceptent et soutiennent avec courage les luttes de la
concurrence. Je n’ai attaqué que les spéculateurs et les solliciteurs qui ne
craindraient pas de ruiner le trésor public pour soutenir des industries
factices.
Je
suis donc tout disposé à reconnaître la supériorité des produits de l'industrie
de l'honorable membre : je suis également disposé à le proclamer, lui, le plus
habile industriel, non seulement du Hainaut, mais encore de la Belgique et du
monde, s'il veut. Mais s'il en est ainsi, et si ses produits ont
l'incontestable supériorité qu'il annonce, si partout on les recherche, si on
se les dispute en quelque sorte, qu'est-il donc besoin alors de s'adresser au
gouvernement et de lui demander de vouloir bien se charger de la vente de ces
inimitables produits ?
Les
intermédiaires manquent, dit-il, pour cette vente. Le commerce, qui devrait se
charger de ces exportations, les néglige ou les refuse. Mais est-ce la faute du
gouvernement ? Est-ce ma faute à moi ? Non, c'est la faute des commerçants et
des armateurs d'Anvers. Ils manquent de goût et de patriotisme ! Soit. Que
l'honorable membre les attaque, je les lui abandonne de grand cœur. Qu'il
réserve pour eux cette subite ardeur qu'il vient de retrouver malgré son état
de maladie. Mais qu'il ne fasse pas retomber sur moi sa mauvaise humeur et
qu'il veuille bien à l'avenir m'épargner des reproches et des accusations qui
n'ont pas l'ombre de fondement.
-
L'amendement de M. Dechamps est mis aux voix et adopté.
L'article
premier est adopté avec cet amendement.
Article 2
« Art.
2. cette somme sera prélevée sur les fonds de l'emprunt décrété par la loi du
26 février 1848. ».
-
Adopté.
________________
« Art.
3. Avant le 31 décembre 1849, il sera rendu aux chambres un compte spécial de
l'exécution de la présente loi. »
-
Adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
(page 1216) La chambre,
après avoir décrété l'urgence, passe au vote définitif.
L'amendement
introduit dans l'article premier est définitivement adopté.
Il
est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble du projet de loi qui est adopté
par 66 voix contre une (M. David), M. Orban s'étant abstenu.
Ont
voté l'adoption : MM. Gilson, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Jonet, Lange,
Lejeune, Lesoinne, Loos, Malou, Manilius, Mercier, Moreau, Orts, Osy, Pirmez,
Pirson, Rogier, Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Tielemans, T'Kint de
Naeyer, Troye, Vanden Eynde, Van Huffel, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert,
Zoude, Anspach, Biebuyck, Bricourt, Bruneau, Cans, Castiau, Clep, Cogels,
d'Anethan, Dautrebande, de Bonne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, de
Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delfosse, d'Elhoungne, de
Liedekerke, de Mérode, de Sécus, Destriveaux, de Terbecq, de Tornaco, de
T'Serclaes, d'Hane, d'Hoffschmidt, Fallon, Frère-Orban et Liedts.
M. le président. - Le membre
qui s'est abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. Orban.
- Je n'ai pas voulu voter contre, parce que, parmi les dépenses projetées, il
en est qui sont destinées à procurer un soulagement immédiat à la classe
ouvrière. Je n'ai pas voulu voter pour, parce que l’on veut en même temps pourvoir
à d'autres dépenses qui n'ont pas le même caractère, que je ne puis approuver
et qui viendraient inutilement aggraver les charges qui pèsent sur le présent.
-
La séance est levée à 4 heures trois quarts.