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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 11 mars 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi accordant un crédit supplémentaire
pour l’achèvement du canal latéral à la Meuse (Lesoinne)
3) Interpellation relative au droit de sortie sur les
étoupes de lin (Veydt)
4) Interpellation relative à l’expulsion d’étrangers
(Marx) (Bricourt, de Haussy, Bricourt, Rogier)
5) Projet de loi portant réorganisation des
monts-de-piété. Création de nouveaux monts-de-piété (de
Bonne, de Haussy, d’Anethan,
Tielemans, Dedecker, de Haussy, Lebeau, d’Anethan, Delfosse), suppression
des monts-de-piété (Tielemans, de
Haussy, Delfosse, de Bonne,
d’Anethan, Tielemans, Dedecker, Tielemans)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1029) M. T'Kint
de Naeyer fait l'appel nominal
à 2 heures.
M. Troye donne
lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.
M. T'Kint de Naeyer fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Meurice, ancien militaire, prie la
chambre de lui accorder une pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE POUR L’ACHEVEMENT DU CANAL LATERAL A LA MEUSE
M. Lesoinne. - J'ai l'honneur de déposer le rapport sur la demande de crédit
complémentaire pour l'achèvement du canal latéral à la Meuse.
- La chambre ordonne l'impression et la
distribution de ce rapport et en fixe la discussion après le projet de loi sur
les monts-de-piété.
PROJET DE LOI RELATIF AUX DROITS DE SORTIE DES ETOUPES DE LIN
M. le ministre des finances (M. Veydt). - M. le ministre des affaires étrangères m'a
chargé de répondre à l'interpellation que l'honorable M. Dedecker a adressée
hier au gouvernement, que prochainement il serait présenté un projet de loi
prorogeant la loi du 3 janvier 1847 relative à la sortie des étoupes.
Je crois que cela répond suffisamment à la demande
de l'honorable membre.
INTERPELLATION RELATIVE A L’EXPULSON D’ETRANGERS
M. Bricourt. - J'ai demandé la parole pour adresser une
interpellation à M. le ministre de la justice.
Des étrangers ont été expulsés récemment du pays.
Je ne sais si leur «présence pouvait compromettre la tranquillité publique ;
j'ignore également s'ils avaient posé des actes de nature à motiver la mesure
sévère prise à leur égard ; mais en supposant que le gouvernement ait agi dans
la limite de ses devoirs, toujours est-il qu'il nous doit compte de la manière
dont il a fait usage de la faculté qui lui est attribuée par la loi de 1835, et
des illégalités commises par ses agents.
Voici les faits tels qu'ils sont rapportés dans une
note qui m'a été remise par une personne honorable digne de toute confiance.
Le vendredi 3 mars, vers 5 heures du soir, M. le
ministre de la justice fait signifier à M. Marx un arrêté d'expulsion daté de
la veille.
M. Marx fait ses préparatifs de départ et se
propose d'indiquer le lendemain la frontière par laquelle il sortira du
royaume.
Mais dans la nuit, vers une heure et un quart, neuf
ou dix individus armés, portant l'uniforme des agents de police de la ville de
Bruxelles, sans observer les formalités légales, font irruption dans l'hôtel du
Bois-Sauvage, et demandent à M. Marx ses papiers. M ; Marx obéit à leur
injonction ; il produit les papiers sur le vu desquels il avait obtenu, trois
ans auparavant, la permission de résider en Belgique ; il produit de plus son
arrêté d'expulsion.
Il est à remarquer qu'il habitait depuis trois ans,
avec autorisation de la police, la ville de Bruxelles et les communes de
St-Josse-ten-Noode et d'Ixelles ; il est à remarquer surtout que quatre jours
avant l'événement, étant rentré en ville, il avait fait en personne sa
déclaration de changement de domicile au bureau de police établi au
Petit-Sablon.
Eh bien, malgré tout cela et quoique la position de
M. Marx fût parfaitement régulière, il fut arrêté et emmené par les individus
armés qui étaient entrés chez lui. Ces mêmes individus contraignirent Mme Marx,
qui couchait dans une chambre voisine, à sortir du lit. Mme Marx, effrayée de
ces brutalités, s'habille à la hâte et se fait conduire par le fils de
l'aubergiste chez M. Jottrand qui la rassure et lui promet de s'occuper dès le
lendemain matin du sort de M. Marx. Elle revient, et à quelques pas de sa
demeure elle rencontre l'un des individus qui avaient opéré l'arrestation de
son mari et qui paraissait l'attendre. Elle demande à cet individu où l'on a
conduit M. Marx. L'agent répond : « Si vous voulez le voir, suivez-moi. » Elle
accepte cette offre avec empressement et se laisse conduire. Dans la rue
Royale, elle rencontre un ami de son mari, M. Gigot, Belge, habitant Bruxelles.
Elle renvoie le fils de l'aubergiste et se rend avec M. Gigot, toujours
accompagnée de l'agent, au bureau de permanence du Petit-Sablon. Là, on ne lui
permet pas de dire un mot ; on lui demande brusquement ses papiers 'et sur sa
réponse qu'elle ne peut pas comprendre cette énigme, puisqu'elle vient voir son
mari sur l'invitation obligeante d'un agent de police, ou l'accable de
brutalités et on la conduit à l'hôtel de ville.
La même mesure est prise à l'égard de M. Gigot,
bien qu'il soit personnellement connu des hommes de la police, bien qu'il soit
Belge et domicilié à quelques pas du Petit-Sablon. M. Gigot est retenu à
l'Amigo jusqu'au lendemain,3 heures de l'après-midi, sans qu'on daigne lui
donner la moindre explication.
Quant à Mme Marx,, arrivée au bureau de l'hôtel de
ville, elle dut subir de nouveaux interrogatoires, et fut soumise à des
brutalités qui cette fois dégénérèrent en mauvais traitements. La violence fut
telle que ses vêtements furent déchirés. Puis elle fut jetée dans un cachot au
milieu des filles perdues ramassées pendant la nuit. Elle resta évanouie,
pendant quelque temps. Revenue à elle, au milieu d'une obscurité complète, elle
ne connut la société où elle se trouvait que par les propos ignobles qui
vinrent souiller ses oreilles pendant toute cette terrible nuit. Elle souffrit
cet odieux supplice jusqu'à 7 heures du matin. C'est alors seulement que son
mari put obtenir, moyennant payement, qu'elle fût séparée des prostituées. Mine
Marx fut conduite dans une chambre où elle trouva un lit qu'elle dut encore
partager avec une femme inconnue.
Vers 11 heures du matin, elle fut conduite rue du
la Paille où on la retint pendant deux heures et demie dans un trou humide et
froid. Elle fut enfin appelée chez M. le juge d'instruction Bergmans qui lui
apprit qu'elle avait été arrêtée pour vagabondage. Chez M. Bergmans, dont Mme
Marx n'a eu qu'à se louer, elle subit encore les grossièretés d'un inconnu qui
lui notifia brutalement l'ordre de quitter le pays le même jour.
Le même ordre fut intimé à son mari qu'elle
retrouva chez le juge d'instruction. Tout ce qu'ils purent obtenir, c'est que
Mme Marx resterait jusqu'au lendemain. M. Marx reçut une feuille de route et
dut partir presque immédiatement.
Ce qui rend cette conduite d'autant plus odieuse,
c'est que la veille du jour où l'arrêté d'expulsion fut lancé, un professeur de
l'université de Bruxelles, M. Maynz, s'était rendu chez M. Opdebeek, chef de
bureau à l'administration de la sûreté publique, et qu'il avait dit à ce fonctionnaire
que si le séjour en Belgique de M. Marx et de quelques autres Allemands était, aux
yeux du gouvernement, de nature à compromettre la tranquillité publique, ces
messieurs quitteraient le pays à la première observation qui leur serait faite.
Ou lui avait répondu que ces messieurs continueraient à jouir de l'hospitalité
belge aussi longtemps que, par des actes positifs, ils ne troubleraient point
l'ordre public.
Messieurs, de pareils faits sont graves. Ils ont
déjà été signalés en partie par la presse française. Au moment où nous vantons
nos institutions libérales, de tels faits protestent contre nos paroles et sont
de nature à faire croire à l'étranger que, dans notre Belgique si libre, la
haute et la petite police trouve le moyen de violer impunément et
audacieusement la justice, la morale et les lois.
J'éprouvais le besoin de protester, pour l'honneur
du pays, contre ces scandales. J'ai voulu fournir au gouvernement l'occasion de
réparer solennellement une criante injustice.
C'est son devoir, il doit l'accomplir, sous peine
de partager la responsabilité des actes odieux posés par ses agents.
Les faits que je viens de signaler constituent
plusieurs illégalités évidentes.
Il y a eu violation de domicile ; car on est entré
violemment pendant la nuit dans les appartements du docteur Marx. Bien qu'il
fût logé dans un hôtel, le quartier occupé par lui ne constituait certes pas un
établissement public.
(page 1030)
Il y a eu arrestation arbitraire du docteur Marx, puisqu'elle a été opérée sans
qu'aucun mandat fût et pût être produit.
Il y a eu arrestation arbitraire de madame Marx que
l'on a surprise au moyen d'un odieux guet-apens.
Il y a eu arrestation arbitraire d'un Belge, de M.
Gigot, domicilie à Bruxelles et parfaitement connu, qui a été retenu en prison
pendant 13 heures sans qu'il fût même informé des motifs de son arrestation.
Enfin, il y a eu violation de l'article 5 de la loi
du 22 septembre 1835 qui accorde à l'étranger que l'on expulse un délai d'un
jour franc au moins pour mettre ordre à ses affaires.
Au mépris de cette disposition, le docteur Marx a
été contraint de quitter le pays le lendemain de la signification de l'arrêté
d'expulsion, presque au moment où il était relâché par la police locale.
Je ne connais pas personnellement le docteur Marx ;
mais voici ce qui m'a été dit à son égard, M. Marx est fils d'un avocat fort
estimé de Trêves. A l'âge de 23 ans, il s'était déjà fait une telle réputation
parmi les philosophes allemands qu'il fut appelé à la direction de la Gazelle
du Rhin. Il rédigeait cette feuille avec un talent remarquable et en fit le
journal le plus estimé de l'Allemagne ; cet organe de publicité marcha de
progrès en progrès jusqu'à ce que le gouvernement prussien le supprima par
mesure approximative.
Quant à madame Marx, il m'a également été dit
qu'elle est la sœur du gouverneur de la Poméranie.
Les outrages dont elle a
été l'objet ont donc dû la froisser d'autant plus que, par sa position de
famille et par son éducation, elle devait moins s'attendre à des violences et à
des brutalités semblables.
J'espère qu'il suffira d'avoir signalé ces faits au
gouvernement pour qu'il provoque la mise en jugement de ceux qui s'en sont
rendus coupables. Son honneur, l'honneur du pays lui-même y sont intéressés.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). -
Messieurs, si l'honorable M. Bricourt, comme il aurait été convenable de le
faire, m'avait prévenu des interpellations qu'il se proposait d'adresser au
gouvernement, s'il m'avait communiqué celle longue note qu'il s'est donné la
peine de lire, j'aurais pu prendre des renseignements sur les faits contenus
dans cette note ; je pense qu'il n'aurait pas été difficile de démontrer que
ces faits ont au moins été considérablement exagérés. Je ne pourrais donc que
répondre très succinctement aux interpellations de l'honorable membre.
Quant à l'expulsion, je n'entrerai pas dans
l'exposé des motifs qui l'ont déterminée. Cependant si la chambre désirait que
nous le fissions, à tel moment qu'il lui plaira indiquer, nous serons en mesure
de justifier que jamais expulsion n'a été mieux motivée que celle dont il
s'agit. Aucune illégalité n'a été commise ; l'arrêté d'expulsion a été signifié
au sieur Marx le 3 mars, le lendemain il est venu chercher sa feuille de route
pour se diriger vers la frontière qu'il avait désignée ; il est sorti le même
jour du pays, il aurait pu sortir le lendemain et jouir, s'il avait voulu, du
jour franc que la loi lui accorde. Il était libre et aucune contrainte n'a été
exercée contre lui pour l'expulser du pays.
Restent, messieurs, les faits de l'arrestation du
sieur Marx et de son épouse, faits qui ont eu lieu, paraît-il, dans la nuit qui a suivi la
signification de l'arrêté d'expulsion.
Le gouvernement est
complètement étranger à ces faits ; ils ont été posés par des agents de la
police de Bruxelles, par des agents sur lesquels le gouvernement n'a aucune
action, ne peut exercer aucune espèce d'autorité.
Maintenant, est-il vrai que ces agents se seraient
conduits avec quelque brutalité, ou qu'ils auraient commis quelque illégalité
dans l'arrestation à laquelle ils ont procédé ? C'est là une question sur
laquelle je ne pourrais m'expliquer en ce moment. Mais dès l'instant que j'ai
connu les faits qui viennent d'être signalés et que je n'ai appris que par les
journaux, j'en ai immédiatement référé à M. le procureur général, et j'ai
ordonné qu'une instruction judiciaire eût lieu sur ces faits. Je crois qu'il
faut attendre le résultat de cette information.
M. Bricourt. - M. le ministre de la justice a semblé me faire
un reproche de ce que je ne lui avais pas communiqué avant la séance la note
que je viens de lire. Si j'avais pu l'obtenir en temps opportun, je me serais
fait un plaisir de la lui communiquer. Mais cela ne m'a pas été possible parce
que ce n'est qu'hier soir qu'elle m'a été remise. Cependant je lui en ai dit
quelques mots avant la séance.
Quant aux motifs d'expulsion, M. le ministre a dit
qu'il lui serait très facile de motiver l'ordre qu'il avait décerné contre M.
Marx. Mais je n'ai fait aucune critique de cette mesure ; je reconnais, au
contraire, qu'il avait le droit de la prendre. Je ne me plains que de la
manière dont elle a été exécutée par ses agents. D'ailleurs, messieurs, je ne
connais pas les motifs qui ont pu porter le gouvernement à décerner cet ordre
d'expulsion contre le docteur Marx.
M. le ministre de la justice a dit ensuite que les
faits contenus dans la note dont je viens d'avoir l'honneur de donner lecture,
étaient en partie exagérés, que d'autres étaient faux.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je n'ai
pas dit cela. J'ai dit que je croyais les faits considérablement exagérés.
M. Bricourt. - Si M. le ministre prétend que ces faits sont
exagérés, je le prierai de vouloir continuer l'instruction qui est ouverte, et
même temps d'employer la voie rogatoire pour faire entendre M. et Mme Marx, qui
sont, je crois, à Paris.
M. le ministre a dit que la plupart des faits signalés
dans la note dont je viens de parler étaient étrangers aux agents du
gouvernement, qu'ils émanaient des agents de l'administration communale. Il est
vrai que M. le ministre de la justice n'a pas le pouvoir de sévir contre les
agents de l'administration communale. Mais M. le ministre a le pouvoir de
déférer leur conduite à la justice, et c'est, d'après ce qu'il vient de nous
dire, ce qu'il a déjà fait et ce dont je lui sais gré. Cependant je dois lui
dire qu'il est aussi des agents ressortissant à son département qui doivent
avoir pris part aux faits que j'ai signalés. J'espère qu'il fera également
instruire contre eux.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). -
Messieurs, je regrette comme mon honorable collègue, M. le ministre de la
justice, que l'honorable député de Soignies n'ait pas cru devoir communiquer au
gouvernement la note qui lui a été remise hier au soir et dont il est venu nous
donner lecture. Peut-être par les explications qu'il aurait reçues1, se
serait-il cru dispensé de venir entretenir la chambre des faits sur lesquels il
s'est si longuement étendu.
Messieurs, tous les actes que nous poserons, nous
serons toujours prêts à en rendre compte à la chambre. Toutefois nous ne
voulons pas accepter comme antécédent l'obligation de venir, sur chaque fait
particulier qui pourrait se produire dans les circonstances actuelles, fournir
des explications aux premières interpellations qui nous seraient faites. C'est
donc sous réserve de l'avenir que nous entions aujourd'hui dans quelques
explications. Ce sera par l'ensemble de sa conduite que le gouvernement devra
être jugé. Mais je crois que toute la chambre reconnaîtra elle-même qu'il y
aurait des inconvénients à venir discuter chaque jour, un à un, dans cette
enceinte, les faits que le gouvernement serait dans le cas de poser.
Une certitude que nous pouvons donner, c'est que le
gouvernement entend ne pas sortir de la légalité, et qu'il restera toujours
fort, parce qu'il restera toujours dans les limites de la loi. Si des
illégalités flagrantes étaient commises, je concevrais que la chambre s'émût,
qu'on vînt les dénoncer. Mais aussi longtemps qu'il restera dans la légalité,
le gouvernement ne craindra pas les conséquences de sa conduite.
Si un incident fâcheux a pu se passer, si des
agents de la police locale ont pu se livrer à des actes plus ou moins
répréhensibles, je l'ignore. Ceci est du ressort de la police municipale.
Cependant je ne voudrais pas non plus que par un blâme anticipé, par le blâme
solennel qu'on nous demande, nous contributions à énerver l'énergie des agents
de police. Il faudrait plutôt les encourager dans l'accomplissement de devoirs
difficiles. En général, il faut le dire, ce n'est pas par la rigueur que se
distingue la police du pays. Nos institutions pas plus que nos mœurs ne le
comportent. Ce n'est pas pour un cas exceptionnel qui ne se reproduira pas,
s'il s'est produit, qu'il faut cherchera émouvoir la chambre comme si tout à
coup le pays était livré à des violences sans nombre.
Le fait, s'il a eu lieu avec les circonstances
qu'on rapporte, est isolé et je regrette qu'on ait voulu l'élever au rang de
grief national ou politique.
Messieurs, la légalité continuera à être respectée
tout autant que l'hospitalité belge. Je répète ce que j'ai dit dans une autre
séance : tout et ranger qui mène en Belgique une vie paisible, une vie
tranquille, qui rend hommage à nos institutions libérales et les respecte, ceux
qui ne cherchent pas par leur conduite à semer le trouble et l'émeute dans le
pays, ceux-là continueront à vivre libres et tranquilles comme les Belges
eux-mêmes. Mais, je le répète aussi, les étrangers qui viendraient susciter des
désordres, des émeutes, qui voudraient entraîner le pays au-delà des limites
que le pays lui-même s'est tracées, quant à ces étrangers, nous continuerons à
agir, à leur égard, avec sévérité. (Très
bien ! très bien !)
S'il y a ici des étrangers qui désirent d'autres
institutions que les institutions belges, la porte leur est ouverte, qu'ils
aillent dans leur pays chercher le triomphe de leurs théories.
Si des abus graves ont été commis, si des violences
ont été exercées, si des outrages ont eu lieu, M. le ministre de la justice
vous l'a dit, nous n'entendons pas prendre sur nous la responsabilité de ces
actes. Des informations auront lieu.
M. Bricourt. - C'est tout ce que je demande.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier). - Avouez,
monsieur, que si c'est tout ce que vous demandez, vous auriez pu faire de cette
demande l'objet d'une simple démarche auprès de M. le ministre de la justice,
et que tout eût été dit.
Vous savez bien que nous ne sommes point un
ministère violent, un ministère réactionnaire. Nous voulons continuer à
gouverner le pays avec modération et fermeté, et sans exciter personne à
commettre contre qui que ce soit des brutalités, des violences. Vous savez bien
que cela n'entre pas dans notre caractère.
PROJET DE LOI PORTANT REORGANISATION DES MONTS-DE-PIETE
Discussion des articles
Chapitre I. – Maintien, érection et suppression des monts-de-piété
Article premier
« Art. 1er. Les monts-de-piété actuellement
existants sont maintenus, sauf l'approbation par le gouvernement de leurs
règlements organiques, conformément à l'article 7 ci-après. »
- Adopté.
Article 2
« Art. 2. L'érection de nouveaux monts-de-piété
pourra être autorisée par le gouvernement sur la demande du conseil communal,
la députation permanente du conseil provincial entendue.
« Cette autorisation ne sera accordée que dans les
communes où des locaux suffisants seront fournis gratuitement, ou bien dans
celles où les frais de régie seront couverts par les administrations
communales, provinciales ou de bienfaisance, ou par des associations charitables
et de manière à ne devoir exiger des emprunteurs qu'un intérêt modéré. »
(page 1031)
M. de Bonne.
- Je demanderai à M. le ministre de la justice de vouloir expliquer le
paragraphe 2 de cet article. Il y est dit que l'autorisation d'établir un
mont-de-piété ne sera accordée que dans les communes où des locaux seront
fournis gratuitement, et l'on ajoute : « ou bien dans celles où les frais
de régie seront couverts par les administrations communales. » Cela, fait-il
deux conditions, on cela ne pose-t-il qu'une alternative ? Le mot ou me semble
ici disjonctif : si on fournit un local, c'est tout ce qu'il faut, et alors,
d'après l'article 3, il n'est pas nécessaire de s'engager à couvrir les frais de régie, et si l'on fait les frais de régie, on n'est pas
obligé de fournir un local. Voilà, messieurs, dans quel sens je comprends le
paragraphe 2. Si j'étais dans l'erreur, s'il fallait, indépendamment du local,
faire les frais de régie, alors je proposerais de supprimer les mots : « ou
bien dans celles où » et de dire : « Les frais de régie seront couverts, etc. »
Si l'article reste ce qu'il est, il me semble qu'il faut l'entendre dans ce
sens, qu'il suffira, ou bien de fournir un local ou bien de faire les frais de
régie. Seulement, je ferai observer que les frais de régie me paraissent
comprendre les frais de location du local et que, dès lors, on pourrait, en
s'engageant à couvrir les frais de régie, s'obliger par cela même à fournir
aussi le local, tandis qu'en se plaçant dans la première alternative, on
devrait purement et simplement fournir le local.
Je demanderai à M. le ministre de la justice de
vouloir bien donner un mot d'explication sur le sens de l'article.
M. le ministre de la justice (M. de Haussy). - Je pense, messieurs, que l'article doit être
entendu dans le sens que lui a donné l'honorable M. de Bonne :
« L'autorisation ne sera accordée que dans les communes où des locaux
suffisants seront fournis gratuitement. »
Voilà la première condition pour que l'autorisation
soit accordée. Ou bien, dans les communes où les frais de régie seront couverts
par les administrations communales ; or, dans les frais de régie se trouve
nécessairement comprise la fourniture des locaux, puisque cette dépense fait
partie des frais généraux. Quand des locaux doivent être loués, par exemple, le
prix du loyer doit faire partie des frais généraux. C'est ainsi me semble-t-il
que l'article doit être entendu.
M. d’Anethan. - Messieurs, l'article 2 contient deux hypothèses. La première est
celle où des locaux sont fournis ; la seconde est celle où les frais de régie
sont couverts par les administrations communales. Cette double alternative
constitue deux ordres de faits différents ; et d'après le texte de l'article,
il est hors de doute que dans l'un et dans l'autre cas, on peut autoriser
l'érection d'un mont-de-piété. Le motif de l'article me paraît évident.
Les monts-de-piété, aux termes de l'article, ne peuvent
être érigés qu'à la demande du conseil communal. Maintenant si le conseil
communal reconnaît que l’érection d'un mont-de-piété est nécessaire, si le
conseil peut fournir un local, et qu'il soit assuré que les fonds ne manquent
pas et que le mont-de-piété pourra même faire des bénéfices, il est évident que
dans ce cas le mont-de-piété doit être autorisé, alors même que les frais de
régie n'auraient pas été antérieurement faits par le conseil communal lui-même.
La loi me paraît vouloir une chose : la possibilité
d'ériger un mont-de-piété si un local suffisant est fourni et que l'avenir de
l’établissement paraisse assuré, ou si les frais de régie sont garantis même
sans indication d'un local ; eh bien. dans l'une et l'autre hypothèse, il me
semble que le gouvernement doit être autorisé à permettre l’érection du
mont-de-piété ; car on ne peut pas supposer que le gouvernement irait autoriser
l'érection d'un semblable établissement, uniquement lorsqu'il y aurait des
locaux fournis, s'il n'était pas en même temps probable que des fonds
suffisants seraient ultérieurement fournis.
Je pense donc que le gouvernement ne peut autoriser
l'érection du mont-de-piété dans les deux cas indiqués à l'article 2.
M. Tielemans. - Messieurs, l'article 2 me paraît pécher sous un double rapport.
Le prem.er paragraphe porte :
« L’érection de nouveaux monts-de-piété pourra être
autorisée par le gouvernement sur la demande du conseil communal, la députation
permanente du conseil provincial entendue. »
C'est là un langage auquel nous ne sommes plus
habitués depuis la loi communale de 1836 et même depuis la Constitution de
1831. Le mot « autorisation » employé dans ce paragraphe suppose que
la commune n'a pas un pouvoir qui lui son propre, tandis que la Constitution
lui donne positivement ce pouvoir. Seulement la Constitution dit que les actes
du conseil communal pourront être soumis à l'approbation du Roi dans certains
cas.
Je propose donc de remplacer la rédaction du
paragraphe premier par celle-ci :
« Les délibérations du conseil communal sur
l’érection des monts-de-piété sont soumises à l'avis de la députation
permanente et à l'approbation du Roi. »
Ce langage est celui de notre loi communale, et il
ne faut pas s'en départir sans nécessité.
Quant au deuxième paragraphe, j'en demande la
suppression. Il est inutile ; je ne pense pas que l'intention de l’auteur du
projet ait été de mettre des limites au pouvoir communal et au pouvoir royal ;
du moment où l'érection de nouveaux monts-de-piété ne peut avoir lieu qu'avec
l'approbation du Roi, il est dans les principes que le Roi reste juge des
conditions nécessaires pour cette érection sous la responsabilité du ministre
dans les attributions duquel rentre la matière.
D'ailleurs, si vous fixez dans la loi des
conditions sans lesquelles l'approbation ne pourra être accordée, il en
résultera que certains cas très favorables pourront se présenter où ces
conditions n'existeront pas et où le gouvernement ne pourra, par conséquent,
approuver l'érection demandée.
Je pense donc que le
paragraphe doit être supprimé. Si la suppression n'était pas admise, il est un
« mot » dont je demanderais le remplacement, c'est celui
d'associations. Le paragraphe porte :
«Cette autorisation ne sera accordée que dans les
communes où des locaux suffisants seront fournis gratuitement, ou bien dans
celles où les frais de régie seront couverts par les administrations
communales, provinciales ou de bienfaisance, ou par des associations
charitables. »
Les mots « associations charitables »
supposent une existence, reconnue par la loi, de ces associations. C'est là une
question que nous ne devons pas préjuger. Je proposerai d'y substituer les mots
: « personnes charitables ». Mais, comme je le disais tout à l'heure,
le paragraphe entier me paraît devoir
être supprimé.
M. Dedecker. - Je commencerai par faire remarquer que l'application de cet article
n'est pas à prévoir d’ici à longtemps. Nos villes, même celles de deuxième et
troisième ordre, ont des monts-de-piété. Nous en avons 22. Je ne pense pas que
de longtemps il soit question d'ériger de nouvelles institutions de ce genre.
L'honorable M. Tielemans propose, pour le premier
paragraphe, un changement de rédaction auquel je me rallie. La rédaction qu'il
propose est plus conforme à l'esprit de nos institutions et au style de nos
lois organiques.
Quant au deuxième paragraphe, l'honorable M. de
Bonne a demandé une explication sur les intentions du gouvernement et de la
section centrale.
Je pense qu'il faut maintenir les conditions qu'on
a insérées dans ce paragraphe. Voici pourquoi. Quel est le but qu'on s'est
proposé ? De faire en sorte que les monts-de-piété à ériger ne se trouvent plus
sous l'empire de conditions aussi défavorables que celles sous lesquelles
végètent actuellement les monts-de-piété ; c'est-à-dire qu'ils ne soient plus
soumis aux charges qui forcent les monts-de-piété actuels à élever leur
intérêt, charges qui consistent en emprunts du capital, en loyers des locaux,
en frais de régie, etc.
Si vous voulez que dès le moment de leur
établissement, ils ne demandent pas un intérêt qui effarouche, qui révolte, il
faut faire en sorte de ne plus autoriser l'érection de semblables institutions
soumises aux mêmes charges qu'aujourd'hui. Il faut que les villes qui voudront
en ériger, ou bien fournissent les locaux, ou bien, si elles ne peuvent pas
fournir les locaux, qu'elles se chargent des dépenses de régie. Il faut
maintenir ces conditions restrictives mises à l'érection de nouveaux
monts-de-piété par le deuxième paragraphe. C'est dire assez que la conservation
de ce paragraphe est, à mes yeux, désirable.
Il a pour objet
de mettre entre les mains du gouvernement la faculté de s'opposer à l'établissement
de nouvelles institutions, obligées, pour subvenir à leurs charges, de fixer à
un taux fort élevé le chiffre des intérêts à percevoir des emprunteurs.
Une troisième observation a été présentée par M.
Tielemans, quant au mot « associations charitables », auquel
l'honorable préopinant propose de substituer : « personnes
charitables ». Comme le but que nous voulons attendre est le même, je ne
vois pas de difficulté à ce qu'on fasse cette substitution.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Je me
rallie à l'amendement proposé par l’honorable M. Tielemans, quant à la
rédaction du premier paragraphe et la substitution du mot :
« personnes », au mot : « associations ». Mais je demande,
par les motifs que vient de faire valoir l'honorable M. Dedecker, que le
deuxième paragraphe soit maintenu.
M. Lebeau. -
Il me paraît impossible de ne pas
adopter en entier la proposition faite par l'honorable M. Tielemans. Il est
évident que dès que vous soumettez à la double approbation de la députation et
du gouvernement l'érection des monts-de-piété par les conseils communaux, nous
ne pouvez plus vous complaire dans l'énumération de telles ou telles
conditions, qui ne sont pas, après tout, des garanties. En effet, quelle
garantie trouvez-vous dans cette prescription de n'exiger qu'un intérêt modéré
? Cette qualification dépend du point de vue où l'on se place ; tel intérêt
sera modéré dans une ville, qui serait usuraire dans une autre ; cela dépend du
plus ou moins d'abondance de capitaux ; de manière que la garantie que vous
voudriez chercher par le paragraphe, notamment celle d'un intérêt modéré, est
véritablement illusoire.
Ensuite les observations de l'honorable M. de Bonne
sont restées entières ; on n'y a pas répondu. Il se pourrait qu'en fournissant
un local, qu'en remplissant cette condition, on obtînt l'autorisation et qu'on
laissât encore la plus grande somme des charges incombant à l'érection des
monts-de-piété, dans le doute, dans le domaine des conjectures. On fournira un
local ; mais le mobilier, le chauffage, l'éclairage, les moyens de pourvoir aux
appointements des employés de l'administration, aux frais de bureau, etc., le
capital circulant, le capital de premier établissement, qui le fournira ? On
fournira une maison avec des murs entièrement nus, sans aucune espèce de
mobilier ; et l'on aura ainsi satisfait au texte de la loi. Cela n'est pas
possible. Si vous voulez indiquer des conditions, faites-le d'une manière
nette, précise ; tâchez de les indiquer d'une manière complète ; ici vous
risquez, par prétention de tout ce qui n'y est pas, de rendre la disposition
complètement illusoire, allant même contre le but pour lequel elle a été
insérée dans la loi.
Je demande donc, avec
l'honorable M. Tielemans, d'abord le changement de rédaction qui concerne
l'esprit de la loi communale en faisant seulement intervenir le Roi avec la
députation permanente, tandis qu'aujourd'hui la députation permanente seule
intervient ; et j'appuie également la radiation complète du dernier paragraphe.
(page 1032)
M. d’Anethan.
- Messieurs, la rédaction du premier paragraphe de l'article 2 a été critiquée
par l’honorable M. Tielemans. Cet honorable membre propose une rédaction qu'il
croit plus conforme à l'esprit de la loi communale et au rapport entre la
commune et le gouvernement. Je ne vois aucune difficulté d'admettre
l'amendement de M. Tielemans. Mais je dois faire observer que si le paragraphe
premier a été rédigé comme il l'a été, c'est parce qu'on ne considérait pas les
monts-de-piété comme des institutions communales et que, dès lors, il était
naturel que le paragraphe fût rédigé de manière à accorder au Roi le droit de
permettre l'érection de monts-de-piété sur la demande du conseil communal.
C'était un acte royal qui devait intervenir et non un acte communal.
M. Lebeau. -
Avec la permission du conseil communal.
M. d’Anethan. - L'honorable M. Lebeau me dit : avec la permission du conseil
communal. Il ne s'agit pas de permission, il s'agit de la demande du conseil
communal. Le conseil communal devait demander l'autorisation d'ériger un
mont-de piété et le Roi y consentait ou n'y consentait pas suivant les
circonstances. Je demande si la position que l'on faisait au gouvernement dans
l'article 3, n'est pas absolument la même que la position que lui fait la
rédaction de l'honorable M. Tielemans ; soutenir le contraire, c'est vraiment
jouer sur les mots. Le conseil communal prend une délibération et dit : Je veux ériger un mont-de-piété ; et le gouvernement, dit : Vous
l'érigerez ou vous ne l’érigerez pas suivant les conditions que vous proposez.
Telle est la proposition. D'après la rédaction première le conseil communal
demandait la permission d'ériger un mont-de-piété et le gouvernement la
refusait ou l'accordait. Je demande comment l'on peut trouver là une question
de dignité gouvernementale, comment on peut trouver cette dignité plus
compromise dans, un cas que dans l'autre.
Quant au second paragraphe, il a paru convenable de
fixer quelques conditions qui indiquassent que ce qu'il fallait exiger pour
l'érection des monts-de-piété. On a posé deux hypothèses dans lesquelles cette
érection devrait être accordée.
Je pense qu'il serait préférable de maintenir la
mention de ces conditions, et, quant à moi, je voterai pour le paragraphe ;
toutefois il n'y aurait pas grand inconvénient à le supprimer.
M. Delfosse. - Que la rédaction du projet primitif soit maintenue ou, que l'on
préfère la rédaction de l'honorable M. Tielemans, il est bien certain que le
résultat sera le même. Dans les deux cas, quelle que soit la rédaction, il
faudra, pour ériger un mont-de-piété, le consentement de l'administration
communale et du gouvernement, et en outre l'avis de la députation permanente.
Ainsi, au fond on est d'accord. Mais il faut
préférer la rédaction de l'honorable M. Tielemans, parce qu'elle rentre mieux
dans l'esprit de nos institutions.
Je pense aussi avec l'honorable M. Tielemans, que
l'on doit supprimer le deuxième paragraphe. Les précautions qu'on veut prendre
contre le conseil communal, contre le gouvernement et contre la députation
permanente, me paraissent puériles. Craint-on que le gouvernement, le conseil
communal et la députation permanente n'érigent mal à propos un mont-de-piété,
n'érigent un mont-de-piété à des conditions telles que l'intérêt à percevoir,
des emprunteurs serait-usuraire ? Mais les conseils communaux peuvent prendre,
avec l'approbation du gouvernement, des résolutions bien autrement importantes
que celles qui consistent à ériger un mont-de-piété. Les conseils communaux
peuvent, avec l'approbation du gouvernement, établir des impositions
communales, qui exercent une influence immense sur les populations, et
notamment sur le sort des classes ouvrières.
Si l'on n'a pas cru devoir subordonner à des
conditions l'exercice du droit des conseils communaux et du gouvernement sur un
point aussi important que l'établissement d'impositions il est évident qu'on ne
doit pas maintenir les conditions indiquées dans le paragraphe 2, pour
l'exercice d'un droit qui consiste uniquement à établir un mont-de-piété.
La chambre fera donc bien d'adopter la proposition
de l'honorable M. Tielemans.
- La discussion est close.
L'amendement de M. Tielemans est mis aux voix et
adopté. L'article ainsi réduit au paragraphe premier est adopté.
Article 3
« Art. 3. Aucun mont-de-piété ne pourra être
supprimé sans l'autorisation du gouvernement ; en cas de suppression ainsi
autorisée, l'excédant des biens, après liquidation, sera dévolu aux
établissements de bienfaisance de la localité, dans la mesure de leurs besoins
respectifs. Cette répartition sera faite par le gouvernement, sur l'avis de
l'administration communale, la députation du conseil provincial entendue.
M. Tielemans. - Messieurs, par suite du changement fait à l'article 2, il me paraît qu'il y en a également un à faire à la
rédaction de l'article 3.
Les mots : « Aucun mont-de-piété ne pourra
être supprimé sans l’autorisation du gouvernement » devraient être, ce me
semble, remplacés par ceux-ci :
« II en sera de même des délibérations
relatives à la suppression des monts-de-piété existants » ; c'est-à-dire
que ces monts-de-piété ne pourront être supprimés que par une délibération du
conseil communal, sur l'avis de la députation provinciale et sous l'approbation
du Roi. C'est la conséquence nécessaire du premier amendement.
Il est un autre point sur lequel je dois dire
quelques mots.
L'article porte qu'en cas de suppression l'excédant
des biens, après liquidation, sera dévolu aux établissements de bienfaisance de
la localité, dans la mesure de leurs besoins respectifs.
Dans le langage ordinaire,
on entend par établissements de bienfaisance : les hospices et les bureaux de
bienfaisance. Jusqu'à présent il n'est pas décidé si les monts-de-piété se
rattacheront aux bureaux de bienfaisance seuls, comme l'avait proposé le
gouvernement dans l'origine, ou s'ils se rattacheront tout à la fois aux
bureaux de bienfaisance et aux hospices. Dès lors l'article ne peut être adopté
dans les termes où il est, que sous réserve de la question qui reste à décider
ultérieurement, à savoir si ce seront les bureaux de bienfaisance qui représenteront
civilement les monts-de-piété ou si les monts-de-piété seront représentés tout
à la fois par les hospices et les bureaux de bienfaisance. C'est sous cette
réserve que je donnerai mon vote affirmatif à l'article.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). -
Messieurs, les mots « établissements de bienfaisance », comme l'a dit
l'honorable M. Tielemans, s'appliquent tout à la fois aux bureaux de
bienfaisance et aux hospices. Je pense donc qu'il ne peut y avoir de doute en
conservant la rédaction de l'article 2.
Je ferai observer
d'ailleurs que cet article se trouve expliqué par l'article 15 du projet
primitif amendé par la section centrale. Cet article 15 dit que lorsque la
dotation sera constituée et que le mont-de-piété aura acquis un capital
suffisant pour couvrir toutes ses charges, les bénéfices annuels seront versés
dans la caisse du bureau de bienfaisance, et la section centrale propose d'y
ajouter ces mots : « et dans celle des hospices.»
On voit qu'en rapprochant cet article de l'article,
2, les mots « établissements de bienfaisance » doivent être entendus
tout à la fois des bureaux de bienfaisance et des hospices.
Quant à la modification proposée par l'honorable M.
Tielemans à la première partie de l'article, je crois pouvoir m'y rallier. Elle
me paraît n'être autre chose que la
conséquence de l'amendement qui vient d'être adopté à l'article précédent.
M. Delfosse. - On pourrait supprimer les mots : ainsi autorisés. Il n'y aura pas de
suppression sans autorisation.
M. le président. - Voici l'amendement de M. Tielemans : L'article
commencerait comme suit : « Il en sera de même de la suppression des monts-de-piété
existants ; » et M. Tielemans supprime les mots : « ainsi
autorisés », comme vient de l'indiquer M. Delfosse.
M. de Bonne. - Je désire aussi proposer un amendement à la dernière partie de
l'article.
D'après les explications que nous a données hier M.
le ministre de la justice, il rentre dans sa pensée que les monts-de-piété
seront des établissements communaux, et la dernière partie de l'article 3
semble les mettre tout à fait dans la dépendance du gouvernement.
Mon observation porte sur cette dernière partie :
« Cette répartition sera faite par le gouvernement sur l'avis de
l'administration communale, la députation du conseil provincial entendue. »
Il me semble que cette
répartition peut être faite avec plus de justice, avec plus d'équité et
d'intelligence par la commune. La commune a la surveillance des établissements
de bienfaisance et des hospices. Elle connaît leurs besoins. Elle est donc plus
à même que le gouvernement de déterminer quelle devra être la part à allouer à
chacun de ces établissements, s'il y en a plusieurs. C'est donc, me paraît-il,
à elle qu'il faudrait laisser le soin de faire cette répartition, et je
proposerais de dire : « Cette répartition sera faite par l'administration
communale, sur l'avis de la députation provinciale et l'approbation du
gouvernement..»
Le gouvernement aura à examiner, en dernière
analyse, si cette répartition est bonne, si elle est équitable, si elle est
juste.
M. d’Anethan. - Messieurs, la proposition de l'honorable M de Bonne rentre
complètement dans le sens de celle qui a été adoptée et qui a été proposée par
l'honorable M. Tielemans sur l'article 2.
Dans le projet primitif, je le répète, on avait
considéré les monts-de-piété comme des établissements non-communaux. Il était
donc naturel de faire intervenir le gouvernement comme partie principale et de
borner à demander l'avis de la commune.
Maintenant si l'on change le système, il est
nécessaire de placer la commune en première ligne et de ne donner au
gouvernement que le droit d'approuver. Il n'y a donc pas d'inconvénient à
adopter l'amendement. Mais quant à l'amendement de M. Tielemans il n'en est pas
tout à fait ainsi. L'article 3 portait : « Aucun mont-de-piété ne pourra être
supprimé sans l'autorisation du gouvernement. » M. Tielemans veut que la
commune fasse dans tous les cas les premières démarches ; qu'elle prenne
toujours l'initiative de la suppression et que le gouvernement ne puisse pas
supprimer un mont-de-piété si la commune elle-même ne le demande pas. Or, il
peut se présenter des circonstances où la commune ne demandera pas la
suppression, et où cependant cette suppression serait nécessaire. Croit-il
juste, à cause de silence de la commune, de forcer les établissements de bienfaisance
à continuer à fournir des fonds aux monts-de-piété, alors que l'utilité de cet
établissement aurait cessé ? Serait-il convenable de maintenir le mont-de-piété
malgré l'évidence de son inutilité, malgré les démarches de la députation et
malgré la conviction qu'aurait le gouvernement qu'il faut le supprimer ?
(page 1033) Je pense, messieurs,
qu'il faut exiger l'initiative de la commune pour l'établissement d'un
mont-de-piété, parce que dans ce cas la commune peut être appelée à faire des
dépenses ; mais je crois que pour la suppression il ne faut pas exiger
l'initiative de la commune ; je ne vois ici aucun intérêt communal qui
puisse être lésé par le maintien de l'article tel qu'il a été proposé.
M. Tielemans. - Messieurs, l'observation que vient de présenter l'honorable M.
d'Anethan me paraît fort singulière ;
car en lisant l'article 3 tel qu'il est aujourd'hui conçu, on arrive à la même
conséquence que l'honorable membre : a Aucun mont-de-piété (dit la rédaction
actuelle) ne pourra être supprimé sans l'autorisation du gouvernement. » Le
gouvernement n'a donc pas l'initiative. L'initiative n'appartient qu'à' la
commune, et le changement de rédaction que je propose laisse subsister la
disposition, au fond, telle qu'elle était. L'honorable M. d'Anethan me fait un
signe négatif ; mais il me semble qu'il suffit de lire l'article pour être
convaincu qu'il se trompe. Si l'intention de la chambre était' d'accorder au
gouvernement le droit de supprimer les monts-de-piété de son propre mouvement
et sans le consentement de la commune, sans l'avis de la députation, il
faudrait rédiger la disposition d'une autre manière. Mais telle ne peut être
l'intention de la chambre.
M. Dedecker. - Messieurs, je partage l'opinion que vient d'exprimer l'honorable M.
Tielemans. Il est évident que la rédaction primitive suppose toujours que
l’initiative de la suppression vient de la commune. Quand on dit que la
suppression sera autorisée par le gouvernement, on suppose que la suppression
est demandée par quelqu'un qui n'est pas le gouvernement ; le gouvernement ne
peut pas s’autoriser soi-même.
D’ailleurs, messieurs, je ne conçois pas qu'après
-l'exécution de la loi que nous discutons, il puisse se présenter un cas où le
gouvernement doive prendre l'initiative de la suppression d'un mont-de-piété.
Des- cas semblables, ne pouvaient se présenter que lorsqu'il était possible
qu'il y eût opposition entre l'intérêt de la commune et l'intérêt général, ce
qui pouvait avoir lieu par cela que les bénéfices des monts-de-piété étaient
versés dans la caisse des établissements de bienfaisance. Mais maintenant que
les bénéfices des monts-de-piété seront destinés à former une dotation pour ces
établissements, l'intérêt de la commune sera toujours conforme à l’intérêt du
gouvernement. Je ne conçois donc pas que le gouvernement puisse jamais avoir
besoin de demander lui-même la suppression d'un mont-de-piété.
M. Tielemans. - Il est bien entendu que l'article 3 n'aura pas d'effet rétroactif.
Il peut y avoir des droits acquis aux fonds des monts-de-piété, au moment de la
suppression, et ces droits devront toujours et nécessairement être respectés.
Je voudrais que M. le ministre nous donnât à cet égard une déclaration
positive, afin de rassurer les intéressés.
M. le ministre de la
justice (M. de Haussy). - Cette
déclaration est de droit. La loi ne peut pas avoir d'effet rétroactif.
La séance est levée à 3 heures 3/4.