Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 1 février 1848
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapports sur des pétitions relatives, notamment,
aux facilités accordées en matière de naturalisation
pour les habitants des territoires cédés à la Hollande et aux droits sur les céréales et sur le bétail
3) Projet de loi modifiant le tarif des douanes. Mise
à l’ordre du jour (Osy)
4) Projet de loi portant le budget du département des
travaux publics pour l’exercice 1848. Discussion des articles.
a) Chemin de fer. Personnel (de Man
d’Attenrode, Brabant, Frère-Orban,
Delehaye, Brabant, Frère-Orban, de Man d’Attenrode, Frère-Orban) transport des engrais (Zoude),
personnel (Frère-Orban, Tielemans,
Frère-Orban), achat des billes et des fers (Brabant, Frère-Orban),
locomotion et entretien du matériel (Brabant, Frère-Orban), mission de la régie du chemin de fer (Brabant, Frère-Orban, (+cour
des comptes) de Man d’Attenrode, (+comptabilité) Malou, Brabant, (+comptabilité et
cour des comptes) (de Man d’Attenrode, Frère-Orban, de Man d’Attenrode,
Brabant), établissement d’un télégraphe électrique entre
Anvers et Bruxelles (Osy, Frère-Orban,
Osy)
b) Organisation postale. (A : Réunion des
services de la poste et du chemin de fer sous une seule direction ;
B : traitements du personnel ; C : établissement de lignes
postale internationales et transport transatlantique) (A (Dechamps),
A, B (Loos, Frère-Orban), C (Lebeau), B (Loos, Frère-Orban), C (Dechamps, d’Hoffschmidt))
c) Conseil des mines (Frère-Orban)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 686) M. A. Dubus procède à l'appel nominal
à midi et un quart.
M.
T’Kint de Naeyer donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance ; la rédaction en est adoptée.
M. A. Dubus communique à la
chambre l'analyse des pièces qui lui sont adressées :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs électeurs
communaux de Chimay se plaignent de ce qu'un fonctionnaire recevant un
traitement de la commune, fait partie du conseil communal. »
_ Renvoi à la commission des pétitions.
_________________
« Les membres du
conseil communal de Wespelaer prient la chambre de décider si le droit de
révoquer les sous-instituteurs appartient au conseil communal, et si les
intérêts du prix d'acquisition d'un immeuble devant servir d'école communale,
peuvent être imputés sur le fonds dont il est parlé à l'article 20 de la loi
sur l'enseignement primaire. »
- Même renvoi.
_________________
« Les admistrations communales de Beverloo,
Coursel, Heusden, Zolder et Beeringen, demandent la construction d'un canal
d'irrigation et de navigation de la Pierre-Bleue vers Hasselt. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du budget des travaux publics.
_________________
« Plusieurs habitants de Bisseghem demandent qu'il
soit fait des économies dans les dépenses de l'Etat. »
- Renvoi à la
commission des pétitions et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget
des travaux publics.
_________________
Il est fait hommage à la chambre, par M. C.
Détienne fils, à Liège, de cinq exemplaires de son Bulletin des cliniques de
l'université de Liège
- Dépôt à la
bibliothèque.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. Zoude., au nom de la
commission des pétitions, fait le rapport suivant. – « L'administration
communale de Molen-Beersel demande une loi qui admette les habitants de cette
commune à faire leur déclaration pour conserver la qualité de Belge. »
L'administration
communale de Molen-Bersel expose à la chambre que lors de la loi de juin 1843, qui
accordait un dernier délai aux habitants des territoires cédés pour acquérir ou
plutôt récupérer la qualité de Belge, cette commune appartenait encore à la
Hollande ; que, rétrocédés seulement en novembre de la même année, cinq des
habitants de leur commune qui sont nés dans le territoire cédé, n'ont pu jouir
du bienfait d'une loi qui ne leur était pas encore applicable puisqu'à cette
époque la commune entière était hollandaise.
Cependant, les
habitants, qui sont pour ainsi dire étrangers au milieu de leur famille, sont
en assez grand nombre ; c'est pourquoi le conseil prie la chambre de prendre à
leur égard telle mesure qui leur permette de récupérer leur qualité de Belge.
Les lois du 4 juin
1839 et du 2 juin 1843 concernent les habitants des pays cédés qui déclarent
vouloir transférer leur domicile dans des communes belges ; mais ici il n'est
pas question de changement de domicile, mais de faire reconnaître comme
citoyens belges des habitants de la commune nés dans les pays cédés.
Votre commission a
l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département de
l'intérieur.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - «
L'administration communale de Pilthem prie la chambre d'allouer au budget de
l'intérieur un crédit destiné à couvrir le déficit des communes dont les
ressources sont épuisées par suite de circonstances particulières. »
L'administration
communale de Pitthem expose que son budget de 1848 présente un déficit de
39,331 fr. 79 c., que la cause d'une situation aussi fâcheuse est due aux
circonstances qui ont affligé les Flandres d'une manière aussi désastreuse,
qu'ayant épuisé toutes ses ressources ordinaires et extraordinaires, elle se
trouve forcée de réclamer l'intervention de l'Etat soit comme secours, soit
comme avance ; c'est pourquoi elle prie la chambre d'allouer au budget de
l'intérieur la susdite somme, qu’elle rembourserait, s'il est nécessaire, sans
intérêt, au moyen de centime» additionnels sur les contributions directes.
Votre commission a
l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département de
l'intérieur.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Les sieurs de
Brouckere, Van Meenen et autres membres de l'association belge pour la liberté
commerciale, demandent l'abrogation de la loi de 1834 sur l'entrée des
céréales, et de celle de 1835 sur l'introduction du bétail. »
Cette pétition a
donné lieu à plusieurs observations de la part de votre commission.
D'abord les
pétitionnaires basent leurs calculs sur une consommation qui serait de trois
hectolitres par individu ; votre commission croit que ce chiffre est exagéré.
En France, suivant
Moreau-Jonnès, juge compétent dans la matière, la consommation ne serait que de
210 litres par habitant.
Or, on sait que les
Français sont plus grands mangeurs de pain que les Belges.
On sait également que
la pomme de terre, qui fait la principale nourriture de la classe ouvrière dans
les campagnes et même des campagnards en général, est loin d'être cultivée
aussi abondamment en France qu'en Belgique, et c'est d'après ces
considérations, sans doute, que l'auteur de la Sentinelle des Campagnes, qui a
dû puiser aussi à de bonnes sources, n'évalue cette consommation qu'à un
hectolitre et demi.
Nous sommes donc
fondés à croire qu'il y a exagération dans la consommation de 3 hectolitres.
Nous l'admettons
cependant un instant, et nous trouvons encore une erreur des plus graves dans
le droit qu'aurait payé le consommateur. Ce droit, par individu, dit la
pétition, est de 9 fr. 38 c, tandis qu'il résulte des documents certains que
nous nous sommes procurés, qu'il n'a été perçu en moyenne par année, de 1840 à
1847, qu'une somme de 143,645 fr., ce qui fait par individu 34 1/5 centime, ou
pour un ménage de 5 personnes 1 fr. 71 c, que la pétition élève cependant à une
taxe permanente de 46 fr. 90 c.
C'est en présence
d'un chiffre aussi démesurément exagéré que les pétitionnaires réclament
l'abolition complète et définitive des lois de 1834 et de 1855 sur les céréales
et le bétail.
C'est alors que plus
de 3 millions d'habitants du royaume vivant à la campagne, supportent les trois
quarts de la contribution foncière, que la plus grande partie de ces habitants
exerce l'industrie agricole et que presque tous vivent directement ou
indirectement des travaux de l'agriculture, qu'on voudrait soumettre celle-ci à
supporter la concurrence avec des blés provenant de pays où les contributions
sont minimes, les frais de culture insignifiants, lorsque le fret et la
commission s'élèvent au plus à 14 p. c, c'est alors que l'on voudrait sacrifier
l'industrie la plus précieuse, celle qui a le plus de droit à être protégée.
Ecoutons ici les avis
de quelques conseils provinciaux et des commissions d'agriculture.
Nous commencerons par
la députation de la province d'Anvers, qui nous dit, par l'organe de l'un de
ses rapporteurs, l'honorable M. Veydt, aujourd'hui ministre des finances, « que
les économistes proclament que les intérêts du sol et les droits des
cultivateurs sont inséparables du sort des consommateurs, de la prospérité du
commerce et de l'industrie, de l'extinction du paupérisme et de l'augmentation
des revenus de l'Etat et enfin que l'agriculture doit être protégée comme étant
la première de toutes les industries. »
La commission
d'agriculture de la même province dit que c'est le prix des céréales qui règle
celui des baux, et partant la valeur vénale des terres, qu'il faut donc chercher
à soutenir leur prix si l'on veut éviter une commotion générale dans les
fortunes qui porterait non-seulement atteinte à la prospérité de l'agriculture,
mais encore un coup mortel à toutes les industries. Elle termine par déclarer
que les cultivateurs ne peuvent lutter contre les blés étrangers, si le prix ne
se maintient pas dans les limites, pour le froment, de 16 à 20 fr. et que le
seigle doit être prohibé lorsqu'il se vend à 9 fr.
En 1844, dit cette
commission, le meilleur froment d'Odessa, rendu à Marseille, ne coûtait, tous
frais faits, que 12 francs.
Le conseil provincial
du Hainaut dit que le prix du froment de 17 à 19 francs est nécessaire, sinon
pour l'aisance, au moins pour une modeste et légitime rémunération des travaux
du cultivateur.
Faire baisser le prix
de 2 à 3 francs aurait pour résultat de ruiner le locataire, de faire souffrir
la rentrée des contributions, et le commerce en subirait les conséquences à
raison des privations que les cultivateurs devraient s'imposer.
Si, par insuffisance
des droits protecteurs, l'agriculture se trouve dans la gêne, les propriétaires
mal payés restreindront leur dépense et les locataires, comme les
propriétaires, emploieront moins de bras ; et (page 687) que fera le bon marché à la classe ouvrière, si les bras
ne sont employés qu'une partie de l'année ?
Tous les avis des
conseils provinciaux, des commissions d'agriculture et de plusieurs chambres de
commerce reconnaissent que l'agriculture a droit une protection spéciale comme
étant la source la plus féconde de la richesse publique.
Et puis lorsque le
gouvernement engage au défrichement des bruyères, serait-il bien convenable
d'abandonner l'agriculture sans protection ?
Serait-il,
d'ailleurs, bien prudent de nous mettre à la merci de tel événement qui
pourrait empêcher les grains étrangers de nous arriver par mer ?
Quant à la libre
entrée du bétail, la chambre voudra se rappeler la crise qu'éprouva
l'agriculture, lorsque la Hollande leva la prohibition dont elle avait frappé
son bétail au début de notre révolution, tandis que le gouvernement provisoire
en avait réduit le droit de moitié. Le pays fut tout à coup inondé de bétail
hollandais, à tel point qu'il s'éleva des plaintes de toutes part, et c'est pour
les apaiser que le gouvernement proposa la loi de 1835, qui établit un droit
protecteur de 10 c. au kilog.
La libre entrée
existe maintenant sans que le prix de la viande ait sensiblement varié.
D'ailleurs, les
commissions provinciales ont reconnu dans le temps, notamment à Liège, à Gand,
à Mons et autres villes, que la classe ouvrière consommait très peu de viande.
Nous attendrons, pour
nous prononcer à cet égard, que le gouvernement ait présenté une nouvelle loi
sur la matière.
Quoi qu'il en soit de
notre manière de voir sur le mérite de la pétition, votre commission vous en
propose le renvoi au département de l'intérieur.
- Ces conclusions
sont adoptées.
MOTION D’ORDRE
M. Osy. - Il y a quelque temps,
messieurs, l'honorable M. Zoude a fait rapport sur un projet de loi qui tend à
modifier le tarif des douanes. Je demanderai à la chambre de vouloir mettre ce
projet à la suite des objets à l'ordre du jour.
- Cette proposition
est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1848
Discussion des articles
Chapitre III. - Chemins de fer
Première section. - Chemin de fer en exploitation
Premier paragraphe. - Personnel. Service général. Direction
Article 2
M. le président. - La discussion
continue sur l'article 2 du chapitre. III (chemin de fer), « Service de
l'entretien des routes et des stations. Traitements et indemnités : fr.
125,380.»
M. le ministre des travaux
publics a proposé de transférer du fonds spécial à cet article, une somme de
fr. 119,163 50.
M. de Man d'Attenrode
a proposé une réduction de 15,000 fr. sur le chiffre demandé par le
gouvernement.
M. de
Man d’Attenrode. - Messieurs, j'ai
déclaré, hier, que je me ralliais en principe à la proposition faite par le
gouvernement, de rattacher au budget les traitements qui, jusqu'à présent,
avaient été acquittés par le fonds des emprunts destiné aux travaux.
Cependant je ne pense
pas que cette déclaration m'oblige à me rallier au chiffre tel qu'il est
indiqué par l'administration. Je ne pense pas que cette déclaration soit un
obstacle à ce que je vous démontre l'opportunité de faire quelques
retranchements.
J'ai été frappé,
messieurs, ainsi que beaucoup de mes collègues, de voir transférer au budget
les traitements de quatre architectes, dont le chiffre est de 24,960 fr., plus
de cinq dessinateurs attachés aux bureaux de ces architectes et dont le chiffre
est de 6,677 fr. 50 c, ce qui fait, pour le service des architectes, un total
de 31,637 fr. 50 c. Ne vous semble-t-il pas, messieurs, que dans l'état où en
sont nos chemins de fer, il est incontestable qu'un architecte suffirait pour
embellir les plans, pour leur donner toute la régularité désirable afin que les
monuments dont il s'agit aient un caractère d'architecture irréprochable.
J'ai donc l'honneur
de vous proposer une réduction de 15,000 fr. Si la chambre adopte cette
réduction, 16,637 fr. 50 c. resteront encore disponibles et il me semble
qu'avec cette somme l'administration aura tout ce qu'il lui faudra pour
rétribuer convenablement un architecte et 2 ou 3 dessinateurs.
Hier, messieurs,
l'impression qu'a produite cet amendement a été plus ou moins, je le crains,
qu'il y avait en quelque sorte manque de justice de ma part que d'attaquer le
chiffre dont il s'agit. Il semblait qu'en proposant cette réduction, je me
montrais en quelque sorte l'adversaire des constructions qui ont été le fruit
des travaux du personnel dont il s'agit en ce moment. Telle n'a pas été mon
intention, et je profite de cette occasion pour rendre hommage au talent qui a
conçu le plan de la station du Nord et à l'intelligence avec laquelle il a été
mis à exécution. Je suis heureux de pouvoir dire que le devis estimatif qui a
été fait de ce monument, est resté au-dessus de la dépense réelle.
Il peut sembler
étrange qu'on fasse valoir une circonstance semblable, car il devrait en être
toujours ainsi. Mais, messieurs, jamais cela n'a eu lieu, toujours les devis
estimatifs ont été inférieurs à la dépense réelle. C'est ainsi qu'agissent en
général les gens de l'art, ils craignent d'effrayer par des devis trop coûteux,
et une fois que l'administration, une fois que le propriétaire est engagé, on
leur découvre ce que cela doit coûter, car on sait alors qu'il n'est plus
possible de reculer.
Je tenais à faire
cette déclaration, afin que nous reconnaissions les services rendus par
l'architecte qui a présidé aux travaux importants de la station du Nord.
Je pense que puisqu'un traitement considérable a été
attaché à cette construction, il serait désirable qu'on la terminât pour mettre
fin à cette dépense ; car, si les engagements du gouvernement doivent être
respectés, comme je le pense, ce traitement doit rester subsister tant que les
travaux ne seront pas terminés.
J'espère donc que,
dans en avenir peu éloigné, le gouvernement pourra achever ce travail.
J'attendrai les objections qui pourraient être faites, contre l'amendement que
j'ai présenté.
- L'amendement est
appuyé.
M. Brabant. - Les observations
que j'ai présentées à la fin de la séance d'hier avaient moins pour objet de
faire rejeter le crédit demandé par M. le ministre des travaux publics, que de
prier la chambre de ne pas le joindre aux trois articles auxquels M. le
ministre a proposé de le joindre.
La chambre a décidé
que l'article premier serait augmenté de 20,525 francs ; mais c'est un
amendement, et elle pourra y revenir lors du second vote. Quant à l'article en
discussion et à l'article 4, je crois que la chambre ferait bien, non pas
d'opérer comme à l'article premier, mais de constituer un chapitre à part, et
si l'on veut, des articles à part dans ce chapitre.
Remarquez, messieurs,
que ces sommes sont affectées à un personnel dont la plus grande partie a une
destination toute spéciale. Ainsi, l’honorable M. de Man vient de dire que les
architectes y entraient pour 31 mille et quelques cents francs. J'avais fait le
relevé d'une seule nature de constructions, et j'y avais trouvé des architectes
et des employés sous les architectes, pour une somme de 18,000 francs.
Incontestablement ces
architectes n'auront plus de services à rendre au gouvernement, quand les
constructions des stations seront achevées, et je crois qu'il serait d'une très
mauvaise administration de vouloir conserver des architectes à notre solde.
D'ici à longtemps nous ne nous trouverons pas dans une situation financière qui
puisse justifier des dépenses de luxe, telles que les monuments qu'on a construits,
qu'on se propose encore de construire, et qu'il faut bien achever, puisqu'on
les a commencés.
Mais je crois qu'il
serait très imprudent de s'engager ultérieurement dans cette voie.
M. le ministre m'a,
dans la séance d'hier, reproché de ne pas vouloir pour le chemin de fer ce que
j'avais réclamé vivement, l'année dernière, pour le corps des ponts et
chaussées. .Messieurs, il n'y a pas absolument contradiction là-dedans. L'année
dernière, je n'avais pas réclamé que les frais extraordinaires imputés sur des
lois spéciales fussent portés au budget du corps des ponts et chaussées. Je ne
l'avais pas fait, parce que ces sommes étaient affectées sur des crédits votés,
et il y avait espoir alors que les crédits seraient suffisants pour le
parachèvement des travaux auxquels ils étaient destinés, aussi bien que pour
les dépenses de personnel. Cette année nous avons appris qu'il y avait une
insuffisance assez considérable sur l'un de ces travaux, et il est assez
probable qu'il y aura insuffisance pour les autres aussi. Je n'en accuse pas
l'administration. La plupart de ces imputations sur crédits spéciaux sont
destinées à des travaux hydrauliques, et quand on travaille dans l'eau, on n'y
voit pas très clair.
Je prends donc
l'administration des ponts et chaussées, telle qu'elle est aujourd'hui, à peu
près pour normale. Je dis à peu près ; car j'espère qu'on pourra arriver à des
réductions même sur cette administration.
Mais ce qui est
certainement temporaire, ce sont la plupart des employés dont il s'agit de régler
aujourd'hui le sort. Eh bien, je proposerai de faire pour ces employés
temporaires ce que nous faisons depuis longtemps au budget de la guerre. Il y a
des officiers qui sont compris dans les cadres d'organisation, et ceux-là sont
portés chacun à l'article de l'arme à laquelle ils appartiennent. Il en est un
certain nombre en sus et ils sont portés à un chapitre spécial sous la rubrique
de traitements temporaires.
Je proposerai donc de
porter au budget du chemin de fer un chapitre des traitements temporaires, et
si M. le ministre tient à la subdivision, je ne verrai aucun inconvénient à ce
que ce chapitre soit partagé en trois articles :
Art. 1er.
Administration centrale, 20,000 fr.
Art. 2. Entretien des
roules, tant.
Art. 2. Perception
des transports, tant.
Messieurs, je tiens
particulièrement à ce que ce crédit forme un chapitre à part, parce qu'il est
fort à craindre, et les précédents sont là pour justifier mes craintes, que,
sans cela, cette somme ne devienne définitive, lorsque les causes qui en avaient
amené la création auront disparu.
Messieurs, lors de la discussion de l'article premier,
je vous ai expliqué comment cet article s'était successivement agrandi ;
comment il avait passé de 91,800 fr. à la somme de 179,000 fr. ; et cette année
elle s'est encore augmentée de 30,000 fr. Je crains bien que si nous réunissons
les 143,863 fr. 50 c, objet de la proposition de M. le ministre, aux trois
articles normaux du budget du chemin de fer, la dépense ne devienne définitive
et que nous ne continuions à perpétuité à payer cette somme.
Je ne sais pas quel
motif on aurait pour combattre ma proposition. Je ne m'oppose pas au crédit. Je
crois seulement qu'il sera plus régulier de mettre à part ce qui est
temporaire, ce qui doit s'éteindre avec le temps, plutôt que de le confondre
avec ce qui est permanent.
(page 688) M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ne puis me
rallier, messieurs, à la demande de l'honorable préopinant ni à l'amendement qui
a été déposé par l'honorable M. de Man d'Attenrode.
Je ne puis m'associer
à l'amendement de l'honorable M. Brabant ; car en opérant comme le propose
l'honorable membre, on pourrait croire que tous les articles qui figureraient
sous le titre « Temporaire » sont en réalité des charges purement
temporaires, ce qui serait entièrement inexact ; le budget dirait une chose
fausse en portant une pareille mention. Je ne puis pas consentir à m'associer à
un procédé qui serait de nature à induire en erreur. J'ai la conviction que la
plus grande partie du personnel compris dans les états que j'ai eu l'honneur de
faire distribuer à la chambre est destiné à rester constamment, d'une manière
permanente, attaché à l'exploitation du chemin de fer ; puis-je avec cette conviction
admettre l'opinion émise par l'honorable M. Brabant ? Si cet honorable membre
nous disait : Voici, dans tel article, tel personnel qui nécessairement,
évidemment est temporaire, et s'il ajoutait qu'on doit porter à
l'extraordinaire les dépenses résultant de ces charges temporaires, je
l'admettrais.
Mais que sans choix,
sans examen, sans que l'on ait pu reconnaître quelles sont les charges qui sont
réellement temporaires et celles qui sont permanentes, on place le tout comme
charge temporaire, cela n'est pas admissible. Je ne puis me rallier à la
proposition sous un autre rapport. En suivant le système proposé par
l'honorable membre, je ferais peser sur les employés de l'administration la
menace d'un renvoi. Je puis consentir à faire disparaître ce qui ne doit pas
être maintenu, à ne pas considérer comme permanent ce qui est temporaire ; mais
je ne, puis consentir à placer sans choix, sans intelligence un grand nombre
d'employés sous le coup d'une sorte de menace de démission. Il y a ici un grand
nombre d'employés qui sont attachés à l'administration depuis la création, qui
s'y trouvent depuis 1838 ; puis-je déclarer que ce sont des employés
temporaires que je puis renvoyer demain ? Si je faisais pareille chose, si je
cédais à cette espèce d'entraînement qui se manifeste relativement aux dépenses
de l'Etat qu'où s'accorde à blâmer, il faut le dire, outre mesure ; la séance
levée, je serais assailli même par les membres de cette chambre pour maintenir
en fonctions ceux dont les traitements seraient supprimés.
Parce que j'aurais
fait connaître la vérité, en indiquant une masse de traitements d'employés qui
étaient prélevés sur les fonds spéciaux sans que la chambre en connût
l'existence, il ne faut pas que cette vérité se retourne contre moi ; il ne
faut pas qu'on frappe les employés, parce que j'aurais fait connaître la
situation de l'administration. A cela je ne puis pas consentir. Il y a un
employé porté dans le tableau, dont les fonctions sont temporaires ; l’arrêté
de sa nomination l'énonce expressément, c'est une sorte de contrat qui a été
fait avec cet employé ; lorsque l'objet pour lequel il a été appelé au service
de l'Etat, suivant les conditions déterminées, sera venu à cesser, il ne
percevra plus son traitement ; ce n'est pas parce qu'on aura divisé les
allocations et qu'on les aura mentionnées d'une façon ou d'une autre qu'on
parviendra à distinguer ce qui est temporaire de ce qui n'est pas temporaire et
à le faire disparaître ; on votera les années suivantes comme les années
précédentes ; qu'on fasse figurer d'une façon ou d'une autre, la chambre
examinera avec soin, avec scrupule, elle fera les réductions quand il sera
temps de les faire.
J'ai exprimé hier mon
étonnement de ce que l'honorable M. Brabant critiquait la marche que j'ai
adoptée de faire figurer tout le personnel au budget et de sortir enfin du
système vicieux, trop longtemps suivi, d'imputer des traitements, et à plus
forte raison des traitements permanents, sur les fonds spéciaux, tandis que
l'an dernier, il avait blâmé le gouvernement de faire des prélèvements de cette
nature qui n'avaient d'autre résultat que de jeter la confusion et le désordre
dans l'administration. L'honorable membre essaye d'échapper au reproche, que je
lui ai fait hier, de se trouver en contradiction avec lui-même. Je tiens à
justifier l'exactitude de mes assertions. L'honorable membre, dans la
discussion de l'année dernière, a parlé très particulièrement, quoi qu'il en
dise, des fonds spéciaux. Mes souvenirs étaient très précis. Je les ai
vérifiés. Dans le rapport de la section centrale, l'honorable M. Brabant,
rapporteur, s'exprimait ainsi à l'article : Personnel des ponts et chaussées.
« Comment se fait-il
que le littera de l'article que nous examinons en ce moment ne soit pas de
451,800 fr. ? Cela tient à ce que les fonctionnaires des ponts et chaussées
touchent leurs traitements sur plusieurs articles du budget, sur les fonds
alloués par différentes lois pour travaux neufs et sur les budgets provinciaux.
La section centrale aurait voulu pouvoir introduire l'ordre dans ce chaos ;
mais les imputations déjà faites sur les crédits spéciaux, et les changements
que cette régularisation exigerait dans les budgets des provinces, ont été un
obstacle à ses vœux. Elle souhaite que M. le ministre s'engage à comprendre dans
cet article toute la dépense du personnel au budget de 1848. »
Et dans la séance du
17 avril 1847, l'honorable M. Brabant reproduisait la même pensée d'une manière
plus explicite encore ; pour qu’il n'y ait pas d'équivoque, voici ce qu'il
disait :
« Une chose sur
laquelle je dois insister, tant au nom de la section centrale qu’au nom de
l’intérêt public, c’est la nécessité d’introduire de la régularité dans le
budget des ponts et chaussées. J’ai eu un tableau qui nous a été communiqué par
le gouvernement, et il en résulte que le corps des ponts et chaussées se trouve
payé sur trente-sept articles, partie appartenant au budget, partie appartenant
à des lois spéciales ; je ne crois pas qu'il y ail là quelque chose de
régulier. Lorsque vous affectez au budget un crédit pour un corps, ce crédit
doit satisfaire à tous les besoins du corps. »
Et maintenant que
j'opère de la même façon pour le chemin de fer, maintenant que je suis le
conseil qu'a donné l'honorable membre pour les ponts et chaussées, je suis devenu
injustement l'objet de ses critiques.
Dans cette même
discussion, l'honorable M. de Man disait précisément la même chose. Il avait
voulu apprécier la progression constante de la dépense ; il s'était déclaré
incapable de la reconnaître, parce qu'il existait là un chaos inextricable.
L'honorable membre disait :
«.....Pour que le
vote du budget puisse avoir été utile sous ce rapport, il faut que tous les
traitements soient réunis dans un article et forment un chiffre global, de
manière à ce que l'on puisse vérifier et contrôler la progression de la
dépense. J'ai voulu apprécier cette progression en comparant les budgets des
différents exercices ; mais la chose m'a été impossible par suite du système
adopté par le gouvernement d'imputer les traitements sur des sommes allouées
pour des travaux. »
Je ne puis pas
davantage adopter l'amendement proposé par l'honorable M. de Man. L'honorable
membre propose une réduction de 18 mille francs sur un personnel dont il évalue
la dépense à 31 mille et quelques cents francs. Lorsqu'il a fait hier la
proposition de cet amendement, il avait surtout été frappé du traitement alloué
à un architecte pour construction de la station du Nord. Dix mille francs pour
un architecte, c'est le chiffre contre lequel il s'est récrié. Aujourd'hui,
toutes réflexions faites, l'honorable membre reconnaît sagement que si cette
indemnité est élevée, comme c'est par la faute, non de l'architecte, mais du
gouvernement qu'on n'a pas continué les travaux, il y a là un contrat qu'il
faut respecter.
C'est une charge
temporaire ; il y a lieu de la maintenir. Sur quoi donc veut-il faire peser la
réduction de 15 mille fr., dans laquelle il persiste ? Il voudrait donc la
faire peser sur tous les autres architectes. Déduction faite de 10,000 fr. pour
l'architecte dont nous parlons, la dépense serait réduite à 21,001 fr. De sorte
que pour tous les autres architectes du chemin de fer, l'honorable membre ne
laisserait subsister que 6,000 fr. Cela seul vous démontre que la proposition
de l'honorable M. de Man ne peut :être accueillie.
Elle ne peut être
accueillie sous un autre rapport. Moins que jamais les circonstances sont
opportunes pour opérer cette réduction. Et pourquoi ? Vous savez tous,
messieurs, qu'il y a lieu de faire des constructions considérables au chemin de
fer de l'Etat. Elles se feront dans un avenir plus ou moins rapproché. Ne
précisons rien à cet égard. Ayons chacun notre liberté. Et c'est en ce moment
que vous voulez renvoyer le personnel que vous avez gardé depuis plusieurs
années et que vous seriez obligé de reprendre dans quelques jours ? Cela n'est
évidemment pas admissible. Ce n'est pas ainsi qu'il faut agir. Ultérieurement,
le chemin de fer achevé, toutes les constructions faites, toutes les stations
terminées, on verra s'il y a lieu de maintenir un personnel de trois
architectes, si on peut le réduire à un nombre moindre, ce qui sera peut-être,
bien, ce qui sera peut-être admissible. Mais aujourd'hui, moins que jamais, on
pourrait accueillir cette proposition. Ce serait faire une chose qui, dans
quelques jours, dans un temps plus ou moins rapproché, dans quelques mois, si
vous voulez, serait déjà effacée.
L'honorable M.
Brabant, à l'occasion de ces constructions, nous a dit tout à l'heure, que les
circonstances étaient telles, qu'on devait se dispenser de faire de ces
dépenses de luxe pour le chemin de fer, faisant allusion aux stations, aux
gares, aux bâtiments.
Messieurs, ce que
l'on peut considérer comme du luxe dans ces constructions, c'est peut-être le
relief de la façade, quelque élégance dans. les formes. Mais la construction en
elle-même n'est pas un objet de luxe. Je vous déclare, quant à moi, que c'est
un objet de première nécessité, et qu'aussi longtemps que votre chemin de fer
se sera pas pourvu de tous les bâtiments nécessaires à son exploitation, cette
exploitation sera incomplète et ne produira pas tout ce
qu'elle peut produire. Dans l'état actuel des choses, vous manquez partout de
gares. Partout les marchandises sont à l'air libre. II est impossible d'en
avoir le soin convenable,, le soin désirable. Partout aujourd'hui, à
l'exception de quelques localités, les voyageurs sont dans de mauvais bâtiments
; partout, c'est en plein air que se font les chargements et les
déchargements,, partout notre matériel se, dégrade et se ruine, sous l'action
de. l'intempérie de l'air.
C'est là une position
intolérable. Le chemin de fer ne peut rester en un pareil état. Il faut qu'il
soit achevé,. qu'il soit complété. Il n'y a pas de luxe à cela, il y a
nécessité,
M. Delehaye. - Messieurs, il y a
d'autant plus de mérite de la part de M. le ministre des travaux publics, à
soutenir les différentes allocations proposées, que cet n'est pas lui qi en est
l’auteur et que, d’un autre côté, nous sommes tous convaincus que la plupart de
ces dépenses n'obtiendront pas même son approbation.
J'avais, messieurs,
l'intention bien arrêtée de donner mon assentiment à la proposition que nous a
faite l'honorable M. de Man. Mais je vous avoue, qu'après les explications que
vient de nous fournir M. le ministre des travaux publics, je pourrais
difficilement justifier mon vote.
En effet, la plupart
des employés auxquels l'honorable M. de Man (page 689) propose de retrancher le traitement, ont été nommés
pour un temps déterminé. C'est ainsi que celui à l'égard duquel le
retranchement serait le plus considérable, peut invoquer, comme vient de le
dire M. le ministre des travaux publics, un contrat en vertu duquel il a été
nommé jusqu'à l'achèvement de la station de Bruxelles. Or, s'il a été nommé
pour l'achèvement de l& station de Bruxelles, et si c'est surtout en vue
d'économie pour le trésor que cette nomination a été faite, comment
pourrions-nous justifier le retranchement de l'allocation destinée à payer son
traitement ? J'avoue que je verrais là un vote peu raisonnable.
Toutefois, je me suis
demandé, à l’égard de cette nomination, comment il se faisait que le
gouvernement ne mettait pas au concours la construction des stations du chemin
de fer. Je sais qu'en ce qui concerne la station de Gand, un architecte d'un
grand nom, croyant que la construction de cette station serait mise au
concours, avait fait un plan qui dépassait infiniment en beauté le plan qui a
été adopté, et je ne mets pas en doute que ce plan eût pu être exécuté à
beaucoup moins de frais. Car il n'eût pas été nécessaire de payer un architecte
et un grand nombre de surveillants. Ou pouvait insérer parmi les conditions
celle de mettre ces dépenses à charge de l'entrepreneur.
Messieurs, en
examinant le tableau déposé par M. le ministre des travaux publics, j'y vois
beaucoup de dépenses qui ne peuvent résister à un simple examen. Je vois par
exemple dans ce tableau un employé touchant 1,500 fr. pour la surveillance du
chemin de fer de Gand à Bruges, et un employé chargé de la surveillance de la
route de Gand à Aeltre. Comment se fait-il qu'il y ait un surveillant de la
route de Gand à Bruges et un surveillant de la route de Gand à Aeltre comme si
cette dernière route n'était pas comprise dans la première ?
Il y a d'autres
allocations qui ne se justifient pas mieux, notamment celle-ci à l'égard de
laquelle j'appelle l'attention de la chambre. Je vois un dessinateur des
travaux en fer à la direction pour la gare de Gand, et d'un autre côté, je vois
figurer un traitement de 2,760 fr. pour un conducteur-adjoint pour la gare en
fer à la station de Gand.
Il y a là évidemment
un double emploi qu'on ne peut tolérer. C'est certainement là une dépense que
nous devrions faire disparaître du budget.
Si je continue cet
examen, je trouve qu'il y a quatre surveillants pour les bâtiments de la
station d'Anvers. Comment peut-on admettre qu'il faille quatre surveillants
pour une seule et même station ? Il y a là évidemment un luxe de dépense que
nous ne pouvons pas tolérer.
Je vois encore un
surveillant à l'essai qui touche 1,800 fr. Je remarque que les surveillants de
première classe ne touchent que cette somme et que les surveillants de deuxième
classe ne touchent que 1,800 fr. Il vaudrait mieux, me semble-t-il, si l'on
prend des surveillants à l'essai, les assimiler aux surveillants de deuxième
classe.
Je n'en dirai pas davantage pour expliquer mon opinion
à cet égard. Sans doute si je consultais les sentiments que j'avais envers
l'ancien cabinet, je donnerais mon assentiment à l'amendement de l'honorable M.
de Man. Mais, comme vient de le dire M. le ministre des travaux publics, nous
ne pouvons supprimer des traitements accordés en vertu d'une convention. D'un
autre côté, j'ai exprimé à M. le ministre mon opinion à l'égard du budget. J'ai
la persuasion intime qu'il tiendra compte de nos observations ; mais je dois le
prévenir que bien malgré moi je devrais voter contre le prochain budget, si
toutes les dépenses qu'on nous demande aujourd'hui y étaient maintenues, si les
anomalies que je viens d'indiquer et qui du reste ne sont pas le fait du
cabinet actuel, y figuraient encore.
M. Brabant. - La principale
objection faite par M. le ministre des travaux publics contre la proposition que
j'ai soumise à la chambre, c'est que des employés qui sont destinés à rester
constamment au service de l'Etat, seraient payés sur une allocation qualifiée
de temporaire, que ce serait jeter l'inquiétude parmi ces personnes. Mais M. le
ministre reconnaît lui-même que s'il y a des employés dont la position est
définitivement établie, il y en a aussi dont les services sont purement
temporaires. Je crois que ce n'est pas à moi à faire le triage et qu'il n'y
aurait pas grand inconvénient à ce que, en 1848, quelques traitements fussent
portés comme temporaires alors même qu'ils seraient définitifs et à ce que pour
le budget de 1849, qui doit être présenté très prochainement, qui doit être
présenté dans le courant de ce mois, on fît la division entre ceux qui sont
temporaires et ceux qui sont définitifs.
On dit : Il y a
encore beaucoup de constructions à faire, et ces constructions ne sont pas du
luxe.
Oui, il y a encore
beaucoup de constructions à faire, et ces constructions non seulement ne sont
pas du luxe, mais sont de la dernière urgence.
Mais aussi je ne
crois pas qu'il soit nécessaire d'avoir recours au talent des architectes pour
ces constructions qui sont indispensables.
Je ne crois pas que
des architectes doivent être appelés à construire des hangars ou des bâtiments
définitifs pour abriter les marchandises. Ces bâtiments sont très simples ; il
n'y a pas d'ingénieur, je dirai même de conducteur des ponts et chaussées, qui
ne soit capable d'en dresser les plans, et cette administration est assez nombreuse
pour qu'on ne soit pas obligé de recourir à d'autres.
J'ai sous les yeux le
tableau du personnel de 1836 ou 1837 qui se trouve dans le rapport de la
session de 1836-1837, eh bien, voici le personnel employé à la construction du
chemin de fer et je dirai tout à l'heure quelle était l'importance de la
construction à cette époque.
Il y avait 7
ingénieurs ou plutôt il y en avait 8, si j'y ajoute un ingénieur qui était
alors employé au service général et qui l'est encore aujourd'hui.
II y avait 6
conducteurs faisant fonctions d'ingénieurs ; 14 conducteurs employés comme
conducteurs, et 67 surveillants.
On exploitait alors,
et les ingénieurs, notamment MM. Simons et de Ridder intervenaient dans
l'exploitation, on exploitait 71 kilomètres ; il y avait 162 kilomètres en
train d'exécution ; il y avait 51 kilomètres à adjuger incessamment et 22
kilomètres dont on achevait les opérations préparatoires.
En résumé 71
kilomètres étaient en exploitation et il y avait 235 kil. en train d'exécution
ou près d'être mis en adjudication.
Eh bien, messieurs,
si ce personnel suffisait alors, et si on le prenait sur le corps des ponts et
chaussées beaucoup moins nombreux qu'aujourd'hui, je crois qu'il peut encore en
être de même maintenant.
Quant à la proposition que j'ai faite, messieurs, je
demande uniquement que, pour l'exercice de 1848, on porte à un article spécial
la somme que M. le ministre propose de transférer au budget, qu'on appelle ces
dépenses temporaires ou qu'on les appelle extraordinaires, peu m'importe, mais
je demande qu'on ne confonde pas la somme à transférer au budget avec le
chiffre qui a été adopté jusqu'ici et que M. le ministre lui-même, le 8
novembre, reconnaissait comme suffisant. J'insiste sur ce point parce que, avec
toute la bonne volonté du monde, les ministres laissent toujours passer ce qui
est une fois entré dans leur budget, et nous sommés fort heureux quand ils ne
trouvent pas qu'il est nécessaire d'y ajouter quelque chose.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les observations
que j'ai présentées à la chambre me paraissent avoir convaincu à moitié
l'honorable M. Brabant. La proposition qu'il nous a faite, telle qu'il
l'explique maintenant ne tient qu'à faire pénétrer d'une manière provisoire au
budget,, sous une dénomination quelconque, d'extraordinaire ou de temporaire,
la division qu'il a proposée. Eh bien, messieurs, je pense qu'il y a mieux à
faire que cela, c'est d'adopter l'adjonction que propose le gouvernement, et
pour le budget de 1849, j'aurai eu le temps d'examiner les faits et j'opérerai
alors, s'il y a lieu, la division qui est proposée aujourd'hui. Si en effet les
dépenses ne sont que temporaires, cette circonstance sera constatée, reconnue,
signalée à la chambre ; si elles doivent être permanentes, je le dirai
également.
Il ne faut pas,
messieurs, que l'on s'arrête trop facilement aux renseignements donnés et reçus
sans un examen assez attentif, sur ce qui serait dans l'administration. Je ne
dis pas cela pour le dernier renseignement qui vient d'être communiqué par
l'honorable M. Brabant et que je n'ai pas eu le temps de vérifier ; mais il ne
faut pas que l'on adopte trop facilement des renseignements qui n'ont pas été
contrôlés comme étant la représentation exacte de ce qui se fait en réalité.
Souvent on est induit en erreur par des indications données de très bonne foi,
mais qui sont fausses parce qu'on suit de vieilles habitudes, de vieilles
routines, parce qu'il y a des complications dans l'administration et que
souvent des renseignements qui devraient être pris dans toutes les divisions ne
sont pris que dans une seule. Je puis en donner pour preuve ce qui m'est arrivé
: j'avais cru de très bonne foi communiquer à la chambre tout ce qui en était
du personnel, et lorsque j'ai examiné le tableau, ayant souvenir d'une personne
qui devait faire partie de l'administration et que je ne rencontrais pas dans
les cadres, je suis arrivé à la découverte de ce qui était payé sur les fonds
spéciaux. Naturellement personne n'a eu le dessein de dissimuler cela, personne
n'a eu le dessein d'induire en erreur, mais il y a de mauvais précédents et
l'on continue à faire ce qui avait été fait.
Je demande donc, messieurs, que pour le budget de 1848
on porte aux articles que j'ai indiqués les sommes nécessaires pour faire face
aux dépenses que j'ai également indiquées ; sommes qui, en définitive, ne
constituent qu'un transfert des fonds spéciaux au budget. Ce n'est pas une
augmentation de dépense ; la dépense est toujours la même, qu'on l'impute sur
les fonds spéciaux ou sur le budget ; mais le résultat n'est pas le même pour
la chambre ; quand on paye sur les fonds spéciaux la chambre n'en sait rien,
tandis que quand on paye sur le budget, la chambre peut chaque année contrôler
la dépense, vérifier si elle est nécessaire, et lorsqu'elle n'est pas
nécessaire la supprimer ou la réduire.
M. de
Man d’Attenrode. - Permettez,
messieurs, encore deux mots à l’appui de mon amendement. Son but est de poser
une limite au luxe apporté aux constructions par le service des architectes,
dans une administration qui se compose entièrement d'ingénieurs, d'hommes qui
doivent savoir construire. Le but de l'introduction d'architectes dans une
administration semblable est incontestablement d'apporter des embellissements,
du luxe dans nos constructions. Mon but est de poser une limite à ce luxe.
J'ai toujours entendu
dans cette enceinte combattre les tendances de luxe de l'administration dans
les constructions des chemins de fer ; je désire limiter ce luxe que le
gouvernement a cherché à introduire en nommant des architectes à notre insu ;
je dis à notre insu, parce que ces nominations, bien que nous en ayons lu
quelque chose, ne nous ont jamais été officiellement annoncées.
Je conviens,
messieurs, qu'il y a eu contrat avec un architecte, et je respecte ce contrat.
Mais il me semble qu'un architecte suffit pour orner d'une manière convenable
les constructions commencées et qu'il s'agit d'achever, comme, par exemple, la
station de Bruxelles et la station de Gand.
(page 690) Si vous adoptez mon
amendement, il restera encore près de 17,000 fr. pour ce service ; il me semble
que cette somme suffit pour rétribuer un personnel qui n'a d'autre mission que
d'introduire du luxe dans nos constructions, que de leur donner un caractère
monumental. Ceux de nos honorables collègues qui sont restés les adversaires du
luxe dans les constructions publiques voteront donc ma proposition. Ceux qui
veulent engager le pays dans ce genre de dépense voteront contre.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je ne puis pas
laisser passer les observations que vient de faire l'honorable M. de Man et qui
tendent à accréditer, à charge du gouvernement, des idées absolument fausses,
je dois le dire. On parle de luxe, parce qu'il s'agit de confier à des
architectes la confection des plans de certaines constructions. Sans doute les
études que doivent faire les ingénieurs sont analogues à celles que doivent
faire les architectes, mais la spécialité des uns et des autres est entièrement
différente. Songera-t-on à demander le plan d'une maison a un ingénieur qui
s'est occupé de construire des routes, des ponts, des travaux hydrauliques ? Il
faut pour cela s'adresser à des architectes qui peuvent le mieux s'acquitter de
cette tâche. Ce sont les ingénieurs des bâtiments, comme les autres sont les
ingénieurs de routes ou de canaux. Demandera-t-on à un architecte un plan de
fortifications ? Les mêmes études sont cependant faites par les uns et par les
autres ; mais ce sont des spécialités ; il faut laisser aux ingénieurs du génie
militaire le soin de s’occuper de constructions militaires, aux ingénieurs des
ponts et chaussées et aux architectes le soin de s'occuper exclusivement des
travaux de leur spécialité respective.
D'ailleurs, il ne
faut pas non plus proscrire ce qu'on nomme le luxe ; ce qui est bon, ce qui est
grand, ce qui est bien, exerce une heureuse influence sur les mœurs, les
habitudes, les idées des peuples. Ce n'est pas en leur montrant d'ignobles
constructions qu'on parvient à élever leur intelligence ; il faut aussi leur
montrer, autant que possible, des choses grandes et belles. Si c'est là ce que
vous appelez luxe, je ne crains pas, quant à moi, de contribuer à le faire
payer par l'Etat.
- La discussion est
close.
La chambre décide,
conformément à la proposition de M. le ministre des travaux publics, que les
deux chiffres de 81,121 fr. et 119,163 fr. 80 c, seront réunis en un même
article.
Elle rejette ensuite
l'amendement de M. de Man d'Attenrode, qui propose une réduction de 15,000 fr.
sur les deux chiffres réunis.
Enfin, la chambre
adopte le chiffre de 244,543 fr. 50 c. (ensemble des deux chiffres qui forment
l'article 2).
Article 3
« Art. 3. Service
de locomotion et d'entretien du matériel. Traitements et indemnités : fr.
110,960. »
- Adopté.
Article 4
« Art. 4.
Traitements et indemnités.. Service des transports et de perception : fr.
684,145. »
M. le président. - La section
centrale propose ici une réduction de 15,290 fr.
M. le ministre des
travaux publics, de son côté, demande une augmentation de 4,180 francs par
transfert.
M. Zoude.- Messieurs, d'après
une note insérée dans le rapport de la section centrale, M. le ministre a
déclaré qu'il allait s'occuper de la révision des tarifs. Je saisis cette
occasion pour parler du transport des engrais.
L'Ardenne exige
l'emploi de beaucoup d'engrais pour la culture de ses terres ; cependant le fumier
de ses étables, produit d'une nourriture généralement peu substantielle, ne
contient guère de principe fécondant, aussi il en faut des quantités
considérables pour obtenir des récoltes assez médiocres.
Pour remédier à ce
défaut, quelques cultivateurs ont essayé des engrais artificiels, tels que le
noir animal, la poudrette qu'on ne fabrique que dans les environs de la
capitale ; mais ces engrais, déjà chers sur les lieux de fabrication, sont
doublés de prix par les frais de transport, ce qui, malgré leur efficacité,
excède les facultés de beaucoup de cultivateurs qui sont forcés d'y renoncer.
Dans l'intérêt de
l'agriculture, le gouvernement exempte tous les engrais du droit de barrière ;
il pourrait apporter la même sollicitude pour leur transport par le chemin de
fer et je demanderai, à cet effet, la réduction d'une moitié du tarif actuel ;
s'il ne reste pas du bénéfice pour le transport, il y aura au moins une
indemnité qui paraît suffisant pour les frais de locomotion.
Cette protection
accordée à l'agriculture serait d'autant plus opportune que le gouvernement
engage au défrichement des bruyères dans toutes les parties du royaume, et dans l'état de culture de l'Ardenne,
l'engrais des étables suffit à peine pour entretenir convenablement les terres
actuellement exploitées, d'où résulte qu'on ne pourra y opérer de défrichement,
si on n'y facilite l'arrivage des engrais de toute espèce ; il serait même
peut-être convenable d'en opérer gratuitement le transport pendant certain
nombre d'années, et cette faveur nous pourrions l'invoquer comme un droit, car
la nature a été aussi prodigue envers nous dans la distribution des bruyères
que le gouvernement a été parcimonieux à notre égard. En effet, lorsqu'il a été
dépensé dans le royaume en construction de routes, de canaux et de chemins de
fer une somme de 204 millions, le Luxembourg y figure pour 3 millions 57 mille
francs, c'est-à-dire que la province la plus étendue, celle qui éprouve le plus
de besoins, a participé dans cette dépense pour 1/68.
Cette considération
déterminera, j'espère, M. le ministre à accueillir ma proposition, soit
d'accorder gratuitement le transport des engrais, soit au moins d'en réduire le
prix de moitié. Celle faveur faciliterait le défrichement que le gouvernement
sollicite si ardemment.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, je ne
me rallie pas à la proposition de la section centrale, de rejeter sur cet
article 14,400 francs pour 16 gardes-convois nouveaux. Elle pense
qu' « à l'exemple de ce qui se pratique sur d'autres chemins de fer,
il suffit de quatre gardes pour un convoi de voyageurs, de trois pour un convoi
mixte et de deux pour un convoi de marchandises. Sur le chemin de fer entre
Paris et Orléans, les convois de voyageurs n'en ont même que trois. »
J'ai déjà eu
l'honneur de dire à la chambre, dans la séance d'hier, que les renseignements
sur lesquels on s'était fondé pour proposer une réduction, manquaient
d'exactitude. Il est bien vrai que sur le chemin de fer du Nord et sur celui
d'Orléans (la section centrale aurait pu ajouter sur tous les chemins de fer
anglais), il n'y a pas un nombre de gardes circulants aussi considérable qu'en
Belgique. Mais il y a un personnel plus considérable en station. Cela tient à
un mode de surveillance, de contrôle, qui n'est pas en usage en Belgique.
C'est donc en se
fondant sur une erreur de fait, que la réduction a été demandée. Je ne sais pas
si j'ai besoin d'indiquer ici spécialement quel est le service de chacun des
gardes employés au chemin de fer de l'Etat. (Parlez ! parlez !) J'indiquerai donc l'emploi spécial de
chaque garde.
Il y a un chef garde
qui est chargé de la surveillance, de la police, de la sécurité et de la
régularité du train. Cet agent donne son attention aux signaux et à la vitesse
; sa vigilance doit prévenir les chances d'accident.
Un garde responsable
des colis, des bagages, des dépêches postales ; il opère le classement pendant
la marche, d'après la feuille de route ; il assure le prompt chargement et
déchargement aux destinations ; il donne et reçoit les décharges. Il est
évident que celui-là ne peut quitter son waggon ; on ne pourrait pas lui
confier un service supplémentaire.
Il y a un garde de
marchandises qui fait le même service que le précédent ; le supprimer serait
mettre obstacle au transport des petits colis pour tous les trains ; ce serait
décider la suppression d'un des waggons placés en tête des convois, pour la
sécurité des voyageurs.
Il y a deux gardes
par convoi de 10 à 13 voitures pour la vérification, le contrôle, la prise des
bulletins, les renseignements à donner, la police des voitures ; les réduire à
un seul, ce serait les placer dans l'impossibilité d'exercer la surveillance
qui leur est dévolue. Ainsi, pour les convois de voyageurs, il y a impossibilité
de réduire le personnel ; si vous le réduisiez en adoptant un autre mode, en
supprimant un garde-voyageur, on ne fera pas la vérification des coupons
pendant la marche ; il faudra alors placer un garde à la sortie, si tant est
que cela puisse se faire : j'ai déjà dit qu'il était impossible d'adopter un
autre mode de vérification des coupons ; à moins de consentir à ne plus opérer
le contrôle qui se fait, il faut maintenir le personnel actuel. Les
gardes-convois de marchandises sont au nombre de deux ; on est ensuite obligé
de combler les vides pour les jours de repos accordés par nécessité et pour les
maladies.
Ainsi loin de pouvoir
diminuer le nombre des gardes, il faudrait l'augmenter par suite de
l'augmentation du transport des marchandises ; vous avez pu suivre la
progression de ces transports ; c'est à ce point que non seulement on est
obligé de dédoubler les trains et de former des convois supplémentaires qui,
parfois, s'élèvent à 12 ou 13 par jour. Quelquefois la conduite de ces trains
est confiée à de simples ouvriers. L'administration pense que sa responsabilité
est gravement engagée en procédant ainsi, elle est exposée à des pertes, à des
avaries ; ces ouvriers n'ont pas la même responsabilité que les gardes, ils
n'ont pas non plus la même expérience ; ils sont aussi loin de présenter les
mêmes garanties.
La comparaison qu'on
a faite entre le nombre de gardes employés dans les divers chemins de fer est
encore fautive sous ce rapport important que j'ai signalé hier et que je répète
aujourd'hui ; c'est qu'ici les stations sont ouvertes au public ; on y pénètre
librement ; il y a toujours un grand nombre de personnes dans les stations, de
telle sorte que pour prévenir les accidents on est obligé d'avoir un personnel
plus considérable.
Je ne crois pas qu'on
ait la pensée (on a déjà d'ailleurs protesté contre cette pensée, l'honorable
M. Dedecker, si je me rappelle bien), je ne crois pas qu'on veuille interdite
l'accès des stations au public. On peut dire que la fréquentation des stations
est entrée dans les mœurs de la population et que l'interdire serait soulever
de vives réclamations pour un résultat très problématique et en tout cas
insignifiant.
Au chemin de fer
d'Orléans, les convois ne sont accompagnés que de trois gardes. Cela tient,
comme je viens de l'exprimer, à un autre système d'organisation ; les trains
dits de messagerie ne s'arrêtent que pour prendre de l'eau ; ils ont deux
gardes ; les trains dits omnibus, desservant toutes les stations, en ont trois
; en route les gardes ont la surveillance générale, le garde chef délivre les
bagages et les marchandises de messagerie.
Le chemin de fer
d'Orléans, sur un parcours de 25 lieues, ne rencontre qu'une ville, Etampes ;
ses gardes, en route, n'ont aucune vérification à faire ; ils ne vérifient pas
les coupons ; mais à chaque station, à l'entrée et à la sortie, des
surveillants sont chargés de la vérification et de la collecte des coupons. Au
chemin de fer du Nord, il en est de même. Déjà (page 691) j'ai signalé ce qui existe aux stations de Bruxelles et
de Valenciennes, ce qu'on peut vérifier ; l'on trouve un personnel plus
considérable à la station de
Valenciennes qu'à celle de Bruxelles. En Belgique, la surveillance, l'office
qui se fait en route, se fait en France en station ; à Bruxelles nous n'avons
pour la surveillance dans la station que trois personnes et dans la station de
Valenciennes on en compte dix ; ce que nous avons en moins dans les stations,
nous l'avons en plus sur les convois. Il en est de même pour les chemins de fer
anglais ; le chemin de fer de Londres à Birmingham 95 gardes-convois pour un
trajet de 30 lieues. IL est à remarquer que le chemin de fer du Nord sur un
trajet de 55 lieues ne rencontre que trois villes intermédiaires, tandis qu'en
Belgique le chemin de fer se divise à chaque instant et aboutit de cinq en cinq
lieues à des localités importantes.
On ne peut pas opérer
avec le même personnel ; un train part de Bruxelles, il arrive à Malines, là il
se divise pour prendre trois directions différentes, celle d'Anvers, celle de
Gand et celle de Liège. Si vous supprimez les gardes employés à la surveillance
qui font un service utile pendant la circulation, quel
résultat obtiendrez-vous ? De placer l'administration dans la nécessité d'avoir
un plus grand nombre de waggons à sa disposition ; il faudra qu'à la station de
départ de Bruxelles on opère le classement, sans cela on éprouvera des retards
considérables au point de bifurcation pour opérer le transbordement ; même pour
les plus petites parties de marchandises il faudrait un waggon spécial qu'on
pût décrocher promptement et rattacher au train de la direction que cette
marchandise doit suivre. Il est clair qu'il n'y aurait pas d'économie à agir
ainsi, afin de diminuer le nombre de gardes employés jusqu'à présent. Je crois
pouvoir dire, d'après les renseignements que j'ai pris, que le nombre des
gardes n'est pas suffisant ; je signale de nouveau ce fait que souvent des
convois de marchandises ont dû être confiés à de simples ouvriers. C'est une
chose fâcheuse, car ces ouvriers ne présentent pas assez de garanties, ils
n'ont pas assez l'habitude du maniement des trains pour qu'on leur en confie la
conduite, sans engager gravement la responsabilité de l'administration par
suite des pertes et des avaries auxquelles ces convois sont exposés.
M. Tielemans,
rapporteur. - La section centrale, en proposant la réduction de
14,400 fr. a été principalement préoccupée de ce fait que sur d'autres chemins
de fer, notamment en France, le nombre des gardes-convois était beaucoup moins
considérable que dans notre pays. M. le ministre des travaux publics vient de
nous indiquer les raisons pour lesquelles il doit en être ainsi.
J'avoue franchement
que je n'ai pas été convaincu : le fait de la différence entre le nombre des
convoyeurs français et des convoyeurs belges subsiste, selon moi, et n'est pas
justifié.
D'après le tableau
des développements, on pose en principe qu'il faut :
Pour un convoi de
voyageurs, 5 gardes.
Pour un convoi mixte,
4 gardes.
Pour un convoi de
marchandises, 3 gardes.
C'est sur cette
donnée générale que la section centrale a raisonné ; et, pour ma part, je
persiste à croire qu'avec un personnel moins considérable, on pourrait faire le
même service. En effet, il n'est personne de vous qui n'ait vu des convois de
marchandises : ces convois sont chargés dans les stations et arrivent
directement à leur destination, sans que les gardes aient autre chose à faire
qu'à surveiller pendant le voyage. Si en route, ils recueillent quelques waggons
de plus, ils trouvent dans la station d'arrêt des ouvriers, des personnes
attachées au service local, qui rattachent ces waggons au convoi. Dès lors, il
me semble impossible d'admettre que trois gardes soient nécessaires pour
convoyer des marchandises. La responsabilité n'est pas plus assurée. Le service
ne se fait pas mieux ; car, je le répète, du départ à l'arrivée, il n'y a
absolument qu'une surveillance à exercer pendant le trajet, et cette
surveillance peut être exercée par deux personnes aussi bien que par trois.
Quant aux convois de
voyageurs, on exige cinq gardes. M. le ministre vient de vous indiquer les
fonctions de chacun d'eux. Je crois qu'ici la subdivision du travail est la
seule cause du grand nombre de personnes qu'exige la besogne.
D'après la
déclaration de M. le ministre deux gardes sont chargés de contrôler les
voyageurs, «le demander les coupons et de les vérifier. Il en faut un troisième
pour garder les petits colis ; un quatrième pour garder un waggon de
marchandises placé en avant du convoi ; un cinquième, chef des quatre autres,
surveille le tout.
Pour quiconque a voyagé sur les chemins de fer belges,
il est certain que le garde qui ne fait que vérifier les billets ou coupons,
peut, en quelques minutes, avoir parcouru toutes les voitures, et s'être assuré
que tout y est en règle. Il peut ensuite passer aux waggons des petits colis et
y faire le triage. Quant au waggon de marchandises, il n'exige qu'un coup d'œil
en passant. Toute cette besogne, au lieu d'être divisée entre cinq personnes
différentes ayant chacune des attributions spéciales, pourrait donc être faite
par quatre personnes se partageant la besogne entre elles.
D'après ces
considérations, il me semble que la section centrale doit persister dans sa
conclusion.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les motifs qui
viennent d'être développés au nom de la section centrale pour justifier la
réduction proposée diffèrent essentiellement de ceux qui ont été indiqués dans
le rapport. Le motif qui avait été donné, c'est ce qui se passe sur les chemins
de fer du Nord et d'Orléans. J'ai dit quelle était la raison de cette
différence ; je ne suis pas contredit sur ce point, l'erreur est
certaine ; les renseignements manquaient d'exactitude. De ce qu'il y a
moins de gardes en circulation, on a conclu à une réduction effective de
personnel. Ce qui n'est pas, parce qu'il y a un personnel plus considérable aux
stations. Maintenant on se borne à estimer qu'avec un nombre de gardes moindre,
le service pourra être fait.
Je ne puis ici
qu'être l'organe de l'administration, qui a pris tous les renseignements de
détail et les a appréciés avec conscience. Je ne puis que répéter ce que j'ai
dit, qu'il serait impossible de faire le service de cette façon. Le nombre de
gardes a été calculé dans les proportions indiquées, soit avec les convois de
voyageurs, soit avec les convois de marchandises, soit avec les convois mixtes,
d'après le nombre des convois. Nous avons 39 services de convois.
On a dit : En répartissant
ce nombre par 5, 4 et 3 il faut un personnel de. C'est le personnel strictement
nécessaire. Mais on n'a pas tenu compte des repos que l'on doit accorder, ni
des cas de maladie. Cependant dans un personnel aussi considérable, il est
clair qu'il y a de temps à autre un certain nombre de personnes empêchées de
faire le service par suite de maladie. Il y a ensuite un certain nombre de
gardes qui sont dans l'impossibilité de faire leur service par suite des repos
qu'on est obligé d'accorder. Si vous déduisez le personnel ainsi indisponible,
pendant un certain temps, vous arrivez à un nombre moindre que le nombre
rigoureusement nécessaire.
Si en pareille
circonstance vous adaptez la proposition de la section centrale, qui a pour
objet de réduire le nombre des gardes sans tenir compte des augmentations
progressives de transports, des augmentions d'exploitation qui ont lieu cette
année, vous placerez l'administration dans l'impossibilité d'effectuer son
service.
On n'a pas répondu
non plus à cette considération qu'en Belgique, nous avons un service
entièrement différent de celui qui se fait sur les lignes qu'on oppose en terme
de comparaison. Au chemin de fer du Nord, au chemin d'Orléans, on va
directement ; point de bifurcation ; le service est bien plus simple qu'en
Belgique. En Belgique, à chaque instant, il faut que le convoi change de
direction ; il y a bifurcation ; il faut pour tout cela un personnel plus
considérable. C'est indispensable.
S'il est vrai, comme
j'ai eu l'honneur de l'exposer, sans que ce motif ait été réfuté, que pour
assurer la marche régulière des convois, on doit préparer en route les divers
colis qui doivent changer de direction, il est tout simple qu'un tel service ne
puisse se faire avec le personnel qui peut suffire sur les chemins de fer du
Nord et d'Orléans.
On ne tient pas
compte de cette circonstance qu'en Belgique, de 5 en 5 lieues, nous avons des
localités, nous sommes obligés d'opérer des haltes, que s'il n'y a pas un
personnel suffisant pour opérer promptement les chargements, il y aura un
retard considérable dans la marche des convois. En France, sur les chemins du
Nord et d'Orléans, il en est tout autrement. C'est à de grandes distances que
se trouvent des centres importants de populations. On ne peut donc établir
d'analogie. Le mode suivi en France tient à un système particulier
d'organisation, qui ne pourrait être introduit ici avec avantage.
Au surplus, cela ne
présenterait pas d'économie. Je suppose qu'il y ait moins de gardes-convois, je
serais obligé de demander une augmentation de personnel aux stations. Il n'y
aurait aucune économie, aucun avantage.
M. le président. - M. le ministre ne
s'est pas expliqué sur la réduction de 890 fr. proposée par la section
centrale.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Il m'a été
impossible de vérifier l'erreur. Je n'insiste pas.
M. le président. - Dans ce cas, le
chiffre du gouvernement est de 687,535 fr.
- Le chiffre du
gouvernement est mis aux voix et adopté.
Article 5
« Art. 5. Primes
à accorder aux fonctionnaires et employés des diverses branches de
service : fr. 140,000. »
- Adopté.
Paragraphe II. - Salaires
Articles 6 à 10
« Art. 6.
Service général. Direction : fr. 16,400. »
- Adopté.
_________________
« Art. 7.
Entretien des routes et des stations : fr. 1,180,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 8. Locomotion et entretien du
matériel : fr. 1,461,130. »
- Adopté.
_________________
« Art. 9. Fours à coke : fr. 95,000.
»
- Adopté.
_________________
« Art. 10. Transports et
perception : fr. 615,600. »
- Adopté.
Paragraphe III. - Travaux et fournitures
Articles 11 et 12
« Art. 11.
Service général. Direction : fr. 129,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 12.
Entretien des routes et des stations : fr. 389,000. »
- Adopté.
Article 13
« Art. 13.
Billes et fers des voies : fr. 1,424,000
»
M. Brabant. - Messieurs, le chiffre
de 1,424,000 fr., proposé par M. le ministre des travaux publics, est le
chiffre qui a été voté l'année (page 692)
dernière. Primitivement il n'avait été demandé, l'année dernière, qu'une somme
de 700,000 fr. C'est sur les interpellations de la section centrale que M. le
ministre des travaux publics a communiqué une note qui se trouve insérée au
rapport, et qui portait augmentation, si je ne me trompe, de 924,000 fr. Cette
augmentation portait sur un renouvellement extraordinaire de billes et de rails.
On déclarait que le nombre des billes à renouveler était évalué à 162,000, y
compris les 84,000 pièces dont le renouvellement était regardé comme urgent. Le
nombre des rails présumés en mauvais état était de 41,630 ; plus de la moitié
de ce nombre, disait-on, est dans une situation qui exige un prompt
renouvellement. Le total de cette dépense extraordinaire s'élevait à 900,000
fr. Ce moyennant, on croyait pouvoir remplacer 70 p. c. de la quantité totale
des billes à renouveler, et 68 p. c. de la quantité des rails et coussinets à
renouveler.
Messieurs, les
besoins n'étaient pas aussi urgents qu'on le croyait d'abord, puisque M. le
ministre des travaux publics nous a déclaré, dans une des séances précédentes,
qu'il restait encore 5,000 rails à employer sur les quantités qui avaient été
fournies en 1847. Mais je suppose que le tout ait été employé. Puisqu’au moyen
du crédit voté l'année dernière on devait se procurer 70 p. c. de la quantité
des billes qui devaient être remplacées, il en résulterait qu'il n'en resterait
plus que 30 p. c. à se procurer, et puisqu'on a dû remplacer 68 p. c. des
rails, il ne devrait plus rester que 32 p. c à remplacer.
Cependant on nous demande la même somme que l'année
dernière, et pourtant je ne sais quel est aujourd'hui le prix des rails, mais
quant au prix des fers, je sais que la dernière adjudication a amené une
réduction considérable.
Je ne prendrai pas
sur moi de proposer une réduction sur un article qui intéresse autant la sûreté
des personnes qui voyagent sur le chemin de fer. Mais je prierai M. le ministre
des travaux publics de bien vouloir entrer dans quelques explications à cet
égard.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - L'honorable M.
Brabant vient de vous dire, avec vérité, que les allocations sollicitées l'an
dernier pour billes et rails, étaient bien inférieures à la somme qui était
sollicitée cette année et qui est la même que celle qui a été imposée au
gouvernement daris la session précédente.
L'honorable M. Brabant
s'étaye d'une note qui avait été communiquée par le gouvernement lors de la
discussion du budget précédent. Je dois dire que je ne puis pas m'arrêter à
cette note, que je dois renvoyer aux développements que j'ai moi-même donnés
cette année, et qui diffèrent essentiellement des indications qui avaient été
fournies précédemment quant aux billes et aux rails.
On avait indiqué,
l'année dernière, qu'il suffirait d'une sommé beaucoup moindre pour assurer le
service ; mais personne n'en croyait rien ; personne ne l'a cru dans la section
centrale. On a interpellé mon honorable prédécesseur dans la section centraient
quoiqu'il eût annoncé qu'avec un crédit de 300,000 fr., il pouvait faire face
aux besoins, on l'a amené à déclarer qu'un crédit de 900,000 fr. ne lui serait
cependant pas inutile, et en définitive, on lui en a imposé un de 1,424,000
fr., tant la conviction de tous les membres de cette chambre était grande quant
à la nécessité d'opérer de notables améliorations aux billes et aux rails du
chemin de fer.
Je ne sais,
messieurs, si, un peu poussée dans cette voie, l'administration a cru qu'elle
devait exagérer les besoins. Mais le fait est que les propositions qui m'ont
été adressées dépassaient de beaucoup tout ce que j'avais pu imaginer. On n'a
plus demandé 1,424,000 fr., mais des sommes infiniment plus considérables.
J'ai cru qu'il était
alors de mon devoir de dire à la chambre : Voilà la situation, voilà ce qui
m'est demandé, voilà ce qu'on déclare nécessaire, ce qu'on déclare
indispensable. Je ne puis avoir de conviction sur ce point ; je ferai vérifier
; mais je tiens que dans les circonstances actuelles et en portant au budget la
même somme que l'année dernière, ma responsabilité sera à couvert.
Je ne puis consentir,
messieurs, à la moindre réduction sur le chiffre. L'honorable M. Brabant n'en
demande pas lui-même. J'ai annoncé que je ferais vérifier. Cette vérification
est déjà commencée. J'ai donné dans une autre séance l'opinion de l'inspecteur
général du corps des ponts et chaussées, qui me donne toute garantie. Les
rapports que j'ai reçus, et d'autre part, la circonstance que des rails livrés
l'an dernier il en restait plus de cinq mille à placer au commencement du mois
de décembre, me font conclure que la voie se trouve et sera maintenue en bon état.
Je viens de dire que
plus de 5,000 rails de l'an dernier ne sont pas encore placés dans les voies.
Il en reste même une quantité plus considérable parce que les travaux de
placement ont été interrompus par les gelées ; Mais aller jusqu'à affirmer que
la somme de 1,424,000 fr. pourrait être réduite, cela m'est impossible.
Messieurs, les prix
des fers ont effectivement diminué, comme le dit 1 l'honorable M. Brabant ; il
sera possible d'obtenir peut-être une plus grande quantité de rails au moyen de
la même allocation, mais on pourra en faire emploi s'il y a nécessité. Ce sera
toujours dans l'intérêt de l'amélioration de la voie. Du reste, je ne pourrais
pas encore dire quelle serait la somme qui resterait disponible dans
l'hypothèse qu'on ne ferait fabriquer qu'une quantité de rails et billes égale
à celle qui a été produite l'année dernière, au moyen de la somme de 1,424,000
fr. Je ne connais pas la quantité qui sera nécessaire en billes et en rails, et
je ne connais pas non plus la somme qui sera exigée par le remaniage, objet qui
doit aussi être imputé sur les 1,424,000 fr. demandés.
Je pense que ces
observations convaincront la chambre qu'il ne faut pas songer à réduire le
chiffre proposé par le gouvernement.
- L'article est
adopté.
Article 14
« Art. 14.
Locomotion et entretien du matériel : fr. 2,492,310. »
M. Brabant. - Messieurs, si je
me suis expliqué avec circonspection sur l'article qui vient d'être voté, je le
ferai également pour l'article qui nous est actuellement soumis ; mais à
l'examen du compte rendu distribué à la chambre, il y a trois semaines environ,
il m'a paru que l'on pourrait allumer un moins grand nombre de locomotives ;
c'est un point sur lequel j'attire l'attention de M. le ministre des travaux
publics : je ne veux rien affirmer ; car il faudrait pour cela plus
d'expérience que je n'en ai.
Je vois dans le
rapport de 1846 que, pendant cette année, on a allumé 27,452 locomotives, ce
qui donne une moyenne de 75 locomotives par jour. Je suppose que le nombre des
convois a été à peu près, en 1846, ce qu'il sera en 1848, d'après les
proportions sur lesquelles nous sommes appelés à statuer : ce serait 32
locomotives pour les convois et 18 locomotives de réserve ; il en resterait
donc 25 pour les convois extraordinaires. Je crois qu'en faisant faire un peu
plus de travail aux locomotives allumées, on pourrait économiser des sommes
plus ou moins considérables sur la consommation du coke. Je crois que le
maximum du parcours que font nos locomotives est de 60 lieues par jour, et il y
en a qui ne font que 20 lieues par jour.
Je crois qu'on
pourrait utiliser les locomotives de réserve là où il se trouve une deuxième
locomotive qui doit rester pendant un*temps plus ou moins long dans la station.
Pour ne parler que de ce que je connais personnellement, pour le voir à peu
près tous les jours, de la station de Namur, je vous dirai qu'il résulte du
mouvement des convois que, pendant sept heures par jour, il y a dans la station
de Namur deux locomotives au repos, la locomotive de réserve et la locomotive
du convoi de Charleroy ou de la route de Bruxelles. Un convoi de marchandises
ne met qu'une heure et demie pour aller de Namur à Charleroy, de manière que
l'aller et le retour n'occasionnent qu'une marche de 3 heures. Si on employait
la locomotive de réserve à faire ce trajet lorsqu'il est nécessaire, on
pourrait éviter d'en allumer une deuxième. Or, la même chose se faisant dans
toutes les stations, on pourrait arriver à une économie assez considérable.
En 1846, le parcours
total des locomotives a été de 652,422 lieues, et comme en général on peut
calculer le mouvement d'une locomotive au moins à 5 lieues par heure, nous
n'aurions guère que 130,000 heures de marche. Eh bien, messieurs, le nombre
d'heures de stationnement est à peu près le double de ce chiffre, et cela
réduit dans les 14 heures de la journée, ce qui est, je crois, le-maximum entre
le premier départ du matin et la dernière arrivée du soir.
J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre ;
mais je ne veux proposer aucune réduction, car lorsqu'on n'a pas une expérience
acquise par la pratique, en pareille matière, on peut se tromper. Il m'est
arrivé d'avoir arrêté une opinion sur des objets de cette nature et d'avoir
ensuite abandonné cette opinion par suite des observations qui m'étaient faites
par des personnes ayant plus d'expérience que moi M. le ministre est à même,
lui, de recueillir tous les renseignements ; il verra s'il peut faire profit
des observations que je viens de soumettre à la chambre.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, j'avais
déjà demandé des renseignements sur les faits que signale l'honorable
préopinant. Il me semblait, en effet, qu'on pouvait arriver à un résultat plus
utile, en employant davantage les locomotives et en général le matériel du
chemin de fer ; c’est en réalité l’augmenter que de lui faire faire un
service plus considérable. On m’a fait à cet égard diverses objections ;
on m'a dit que les locomotives employées au chemin de fer de d'Etat belge ne
sont pas non plus dans les mêmes conditions que les locomotives employées sur
les chemins de fer étranger. Elles font en moyenne un parcours moindre. Cela
tient à la nature de notre exploitation. Nous avons de petites lignes à
exploiter. Ainsi, je prends Landen à St-Trond (c'est devenu Landen à Hasselt ;
c'est toujours très court), eh bien, il faut qu'il y ait une locomotive
disponible pour un parcours de ce genre.
Sans doute, la
locomotive, une fois allumée, ne remplit plus tout le service qu'elle pourrait
donner ; elle est bien obligée de stationner, d'attendre l'heure de départ d'un
autre convoi ; Il y a donc de ce chef un service moindre procuré par le
matériel dont nous pouvons disposer. Cette observation me paraît tout à fait
fondée. Ce n'est pas cependant qu'en général on ne puisse obtenir un service
plus considérable ; et ici je n'ai pas admis ce qui est indiqué dans divers
documents et notamment dans celui auquel l'honorable M. Brabant a fait allusion,
comme présentant le dernier mot sous ce rapport.
Au 1er janvier, nous
avions 153 locomotives ; eh bien, de ces 153 locomotives il n'y en a eu
d'allumées pour le service que 84 5/10 ; ainsi, seulement 55 p. c. de toutes
nos locomotives. Je n'admets pas, quant à présent, que cela soit assez ; je
crois qu'on pourrait obtenir davantage. Ou m'a dit qu'il fallait compter pour
visite et nettoyage un certain nombre de locomotives qui sont reprises de la
circulation, et qu'on peut évaluer à 17 p. c. Ensuite il faut qu'il y ail des
locomotives tenues en réserve pour les cas éventuels, pour les cas d'accidents
qui nécessitent lotit à coup la demande d'un secours. On estime que de ce chef
on doit en tenir cinq en réserve. Puis, on évalue à 38 le nombre de locomotives
qui sont en réparation. C'est sur' ce chiffre que je ne suis pas d'accord.
(page 693) Il me semble que l'on doit avoir un moindre nombre de
locomotives en réparation. Mais je dirai à cet égard, comme l'honorable M.
Brabant : Ce sont des points fort délicats que les hommes de la science, les
hommes pratiques peuvent seuls apprécier d'une manière convenable. On doit se
borner à leur faire des objections, comme l'honorable M. Brabant vient d'en
faire, comme je leur en ai fait à diverses reprises. Je tiendrai note, du
reste, des observations judicieuses qui ont été présentées par l'honorable M.
Brabant.
Je crois cependant, à
l'occasion de cet article, devoir faire remarquer à la chambre que les dépenses
que je sollicite ne constituent pas en réalité une augmentation ; il y a plutôt
diminution. On a prévu pour 1848 une augmentation de parcours d’un dixième, et
on a demandé, en conséquence, une augmentation de dépense d’un dixième sur la
dépense de 1847. Mais c’est là, comme je viens de le dire, bien plutôt une diminution.
Voici comment :
En 1847, on a voté
une somme de 2,013,80O francs pour un parcours présumé de 640,000 lieues : ce
qui établissait la supposition de 3 fr. 14c. par lieue ; on a dépensé en 1847,
2,275,650 fr. ; mais par contre, les convois ont fourni un parcours de 764,511
lieues. On n'a donc réellement dépensé, en 1847, que 2 fr. 97 c. par lieue de
parcours, et l'on a ainsi réalisé une économie de 17 centimes sur les
prévisions. Or, comme l'allocation de 1848 a pour base la dépense de 1847,
augmentée d'un dixième, l'allocation que je sollicite est moindre que
l'allocation demandée au budget de 1847.
- L'article 14 est
mis aux voix et adopté.
Articles 15 et 16
« Art. 15,
Renouvellement du matériel : fr. 300,000
»
- Adopté.
_________________
« Art. 16.
Transports et perception : fr. 190,000. »
- Adopté.
Section II. - Direction de la régie du chemin de fer
Article 17
« Art. 17.
Personnel, fournitures de bureaux, loyer de locaux : fr. 40,000. »
M. Brabant. - Messieurs, l'augmentation
proposée pour la régie du Chemin de fer est assez insignifiante en elle-même ;
si ce n'était pas une rente, je la laisserais passer sans observations. Mais
2,000 fr., alloués annuellement, valent bien la peine de quelques mots.
Cet article a figuré
pour la première fois au budget de l'année dernière. M. le directeur de la
régie avait eu la complaisance de me donner une note très détaillée sur le
service de ses employés ; si cette note, que j'ai entre les mains, m'a
convaincu en 1847 qu'il y avait nécessité d'allouer la somme l'année dernière,
elle me donne aujourd'hui la conviction que pour les dix lieues que nous aurons
en plus en 1848, il ne faut aucune augmentation quelconque.
Les employés de la
régie sont en route pendant trois jours par quinzaine ; celui qui fournit le
plus long parcours fait 92 lieues aller et retour.
Le retour se fait dans des convois de voyageurs, de
manière qu'il n'y a que.la moitié qui soit réellement en parcours, parcours qui
se fait sur un petit waggon de service, afin de pouvoir s'arrêter partout, où
des groupes d’ouvriers doivent être payés.
Je crois que M. le
ministre pourrait très bien se borner au chiffre de l'année dernière, sauf,
s'il y a véritablement nécessité de proposer une augmentation pour l'année
1849, qui, est probablement l'année où nous aurons une exploitation complète de
la ligne de Jurbise à Tournay.
Ce n'est pas la
petite section de Saint-Trond à Hasselt, et ensuite la section de Jurbise à
Marche qui nécessiteront, ce me semble, l'augmentation du personnel.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - D'après le système
adopté de séparer les dépenses du personnel de celles qui concernent le matériel,
il y a lieu d'opérer la division de l'article 17 qui comprend, comme la chambre
a pu le remarquer, le personnel et le matériel. .
Voici, comment il
faudrait le diviser :
Art. 17.
Personnel : fr. 36,500.
Art. 18. Fournitures
de bureau, loyer de locaux : fr. 3,500.
Ceci est une affaire
d'ordre et de régularité.
Quant à la réduction
que propose l'honorable M. Brabant, ou plutôt celle à laquelle il me convie, je
ne pense pas qu'elle puisse réellement avoir lieu dans l'intérêt du service. La
régie est une institution fort utile ; elle, a été établie pour obvier à des
abus très graves qui avaient été signalés et constatés. :
La régie, sous ce
rapport, a parfaitement rempli son objet ; elle a complètement répondu à
l'attente de l'administration. La régie a été diverses fois détournée de ses
véritables attributions, non pas, certes, par la faute du directeur de la
régie, mais par la faute même de l'administration. C'est contre ce changement,
contre cette interversion de rôle que la cour des comptes a eu l'occasion très
souvent de protester et de signaler à la chambre les inconvénients qui en
résultaient.
Je puis dire que dès
ce moment la régie est ramenée à son véritable but, elle est ramenée à l'objet
de son institution. Cette liquidation arriérée, dont on a entretenu si souvent
la chambre, a déjà presque entièrement cessé aujourd'hui.
Mais la régie a des
attributions très importantes qui exigent un personnel assez considérable. Je
crois que l'honorable M. Brabant lui-même considère que c'est l'une des parties
de l'administration où l'on a toujours mis le plus de sobriété dans les
dépenses.
M. Brabant. - C'est vrai !
M. le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban). - Le fonctionnaire placé
à la tête de ce service s'en acquitte de la manière la plus satisfaisante, et
je me porte garant qu'il n'aurait pas demandé la moindre augmentation si elle
n'avait pas été nécessaire. Le service souffre, souvent tout son personnel se
trouve en marche pour aller acquitter les états de salaires dans toutes les
directions, et le bureau manque entièrement de personnel ; il y a des retards,
la comptabilité ne peut pas être tenue avec autant de régularité qu'il le
faudrait. C'est par cet unique motif que ce fonctionnaire a pensé qu’il était
nécessaire, la nécessité est démontrée depuis nombre d’années, de lui adjoindre
un personnel plus nombreux. L’augmentation est minime, elle n’est que de 2,350
fr. sur l’allocation de 1847 ; je la crois parfaitement motivée.
M. de
Man d’Attenrode. - M. le ministre
vient de faire l'aveu que la régie avait été souvent distraite du but de son
institution et il a déclaré que son intention était de l'y ramener. Je
m'étonne, puisque M. le ministre convient qu'on a fait un trop large usage de
la régie, qu'il vienne soutenir la nécessité d'une augmentation de dépenses en
faveur de son personnel.
La conclusion logique
de l'opinion qu'il vient d'émettre ne devrait-elle pas être au contraire une réduction
?
Je conviens que la
régie des chemins de fer est une institution utile ; mais pourquoi l'a-t-on
établie ? C'est afin de payer les salaires des ouvriers qui entretiennent notre
voie de fer ; il a paru que cet entretien ne pouvait pas être mis en adjudication,
que le gouvernement devait le faire lui-même dans l'intérêt de la sécurité des
voyageurs, qu'il devait à cet effet avoir des ouvriers à son service.
La régie a aussi à
payer en espèces les travaux nécessaires à l'entretien du matériel. Tout cela
me paraît légitime, et régulier. Mais qu'a-t-on fait de cette régie pendant ces
dernières années ? Pourquoi a-t-elle pris un aussi immense développement ?
C'est parce que l'administration des travaux publics, a procédé à ses dépenses
par des voies exceptionnelles ; au lieu de procéder au moyen de la vérification
préalable de la cour des comptes, elle trouve infiniment plus commode de
procéder par voie exceptionnelle ; elle demande des ouvertures de crédit avec
liquidation ultérieure, c'est-à-dire que la cour des comptes ne vérifie la
régularité de la dépense que lorsqu'elle est faite.
Je ne puis
m'expliquer la préférence donnée è ce mode que par l'intention d'entraver le
contrôle de la cour ; aussi l'administration des chemins de fer est-elle
arrivée à son but ; il en résulte que les trois quarts et plus des dépenses des
travaux publics échappent complètement à toute vérification utile. Ce mode
neutralise complètement une prescription constitutionnelle, la disposition qui
exige le visa préalable de la, cour des comptes pour toutes les dépenses
effectuées au nom du pays. Les crédits à ouvrir avec liquidation ultérieure
n'est que l'exception à ce principe salutaire ; mais l'exception est devenue en
quelque sorte la règle au département des travaux publics. Ce département s'est
constitué une espèce de caissier général à son service ; il a un hôtel, un
personnel qui s'est accru notablement depuis quelques années.
C'est alors que le
ministre reconnaît le fondement des abus signalés par la cour, qu'il avoue
qu'une trop grande extension a été donnée à la régie, qu'il vient demander de
donner une nouvelle extension à son personnel. Je ne puis comprendre, saisir
cette argumentation pour appuyer le chiffre proposé. J'ajouterai que c'est à
cause de ce mode de dépense que lorsque nous procédons à la vérification des
comptes, la vérification n'est possible pour les dépenses des travaux publics
que sept ou huit ans après qu'elles se sont accomplies. Voulez-vous savoir la
cause de ces retards ? C'est que le département, après avoir converti les
crédits en espèces pour alimenter sa caisse, en fait usage pour opérer des
transferts et dépenser au-delà des allocations qui lui ont été accordées pour
faire un tas d'opérations qu'il est impossible de vérifier et de comprendre.
Après avoir procédé à
des dépenses irrégulières, et je dirai même illégales, on n'ose pas les avouer
à la cour des comptes qui n'y donnerait pas sa sanction ; on attend que de
nouveaux crédits viennent donner les moyens de les régulariser par des
compensations. C'est ainsi que des crédits ouverts, il y a sept ou huit ans,
ont été absorbés par des dépenses irrégulières qu'on n'est parvenu à couvrir
que par des crédits accordés postérieurement, et ce n'est qu'alors qu'on est
venu en demander la régularisation à la cour des comptes.
M. le ministre des
travaux publics, j'en conviens, a montré beaucoup de franchise, beaucoup de
bonne volonté : il a déclaré que ces abus ne se renouvelleraient pas. Il a même
transmis à la cour un état indiquant l'emploi de ces fonds ; cet état a été
publié dans le cahier d'observations transmis à la législature. J'y remarque,
entre autres, une dépense que je tiens à livrer à la publicité. Une société
d'amateurs de musique se proposait de se rendre en Allemagne pour une fête, je
ne saurais dire laquelle. On lui accorda le transport gratuit ; on ne se
contenta pas de cela. Il paraît que cette société manquait de fonds pour
subvenir aux frais de son voyage. Eh bien, on a trouvé tout simple de lui
avancer 3.000 fr. pour servir à ses plaisirs. Sur quoi prélève-t-on des
dépenses de ce genre ? Sur la caisse de la régie !
Je ne veux pas entier
dans d'autres détails ; mais je pourrais dire des choses qui vous étonneraient
bien certainement.
Si la régie était
ramenée au but de cette institution, elle devrait se borner à payer les
ouvriers qui entretiennent la route et réparent le matériel ; (page 694) elle ne devrait pas aller
au-delà. Mais il n'en est pas ainsi. La régie paye non seulement la plupart des
dépenses de l'exploitation du chemin de fer, mais beaucoup de dépenses du
département, celles qui concernent la construction des canaux et des routes.
C'est au moyen de la régie qu'on parvient à faire usage des fonds des emprunts
pour les dépenses ordinaires du budget, et vice versa.
Je vous le déclare,
messieurs, franchement la vérification des dépenses des travaux publics est un
chaos inextricable dont il est en quelque sorte impossible de sortir.
Je désire que la
régie soit rappelée aux termes de son institution. Je prends acte de
l'engagement que M. le ministre des travaux publics vient de prendre, de la
ramener au service spécial pour lequel elle a été créée. Mais le moyen de la
rappeler à ce but, ce n'est pas d'augmenter son personnel, mats de le diminuer,
puisque ses attributions, puisque ses travaux deviendront moins considérables à
l'avenir. Le moyen pour le gouvernement de prouver ses bonnes intentions, n'est
pas de demander une augmentation de crédit, mais de nous proposer une réduction
dans les dépenses.
Je vois avec plaisir que M. le ministre paraît vouloir
entrer dans la bonne voie. Mais je regrette qu'il se borne à des promesses. On
nous dit qu'au budget de 1849 tout cela se régularisera. En attendant, une fois
que la dépense sera votée, que la caisse sera ouverte, il sera bien difficile de
revenir sur ce que la législature aura accordé au gouvernement. Le moyen
d'arrêter le gouvernement, ce n'est pas d'augmenter les allocations. Il est
bien plus facile de l'arrêter que de le faire revenir sur ses pas.
Je m'oppose à
l'augmentation de crédit. Je demande le maintien du crédit de l'année dernière.
C'est la conséquence de l'opinion émise par le gouvernement, qu'il y a lieu de
restreindre les opérations de la régie, et de la ramener au but de son
institution.
M. Malou. - La discussion que
vient de rouvrir mon honorable ami M. de Man s'est présentée à l'occasion de la
discussion de la loi de comptabilité. Il est très vrai que le règlement des
comptes, lorsqu'on a recours au mode de dépense par ouverture de crédit peut se
faire longtemps attendre.
Mais je ferai
remarquer à l'honorable membre et à la chambre que la loi de comptabilité a été
votée pour mettre un terme à cet inconvénient, je ne puis dire à cet abus,
puisqu'il s'agit d'un fait légal.
Quant à la régie, la
question a été réservée par la loi de comptabilité.
L'idée qui semblait
prévaloir alors dans la chambre était d'introduire, dans l'administration du
chemin de fer, ce principe de la loi de comptabilité qu'aucun agent ne peut
être à la fois ordonnateur et comptable.
Le gouvernement, dès
à présent, sans attendre la discussion de la loi dont la chambre est saisie,
pourrait prendre une mesure qui ferait cesser cette confusion d'attributions
existant encore aujourd’hui, si je suis bien informé, et d'après laquelle le même
agent est ordonnateur et comptable.
Quant au chiffre, on
conçoit que, sans donner de l'extension aux attributions de la régie, il puisse
y avoir nécessité d'augmenter les moyens d'action. Je dirai même, entrant dans
les idées de l'honorable M. de Man, que si l'on veut hâter la liquidation des
dépenses, il faut donner au gouvernement, au directeur de la régie les moyens
d'activer le travail.
Le personnel alloué
l'année dernière d'après les développements, page 155, emportait une somme de
34,150 fr. Le personnel demandé aujourd'hui emporterait 35,634 fr., différence
1,484 fr. Or, cet excédant est très probablement destiné à augmenter le
traitement des employés. Je ne crois pas qu'il s'agisse de nommer un nouveau
fonctionnaire, ou dans tous les cas, s’’il s'agissait d'un nouveau
fonctionnaire, ce ne serait pas pour la circulation.
Les traitements des
employés circulants, d'après le budget de l'année dernière, varie entre 2,100
fr. et 3,150 fr. La somme de 1,484 fr. ne mettrait pas l'employé nouveau sur la
ligne de ses prédécesseurs. Il faut donc, s'il s'agit d'un employé nouveau, que
ce soit un employé à demeure, et je n'en reconnais aucunement la nécessité.
J'ai vérifié des feuilles de quinzaine l'année dernière et je les ai copiées.
J'avais pris notamment les feuilles les plus importantes, sauf pourtant celles
qui concernent Malines, les feuilles de la station de Bruxelles nord ; j'ai
vérifié les feuilles de la station de Charleroy, j'ai vérifié celles de la
station de Namur ; j'en ai encore la copie sons les yeux, et je vous assure que
ce n'est pas une chose qui demande un grand travail.
Le service de ceux de ces employés qui sont en route,
au moment des payements, est pénible, parce que les payements sont faits à jour
fixe, on ne peut les différer sous prétexte de gelée ou de pluie. Mais je crois
que neuf employés qui n'ont de la besogne sur la route que pendant quatre jours
par quinzaine, conservent assez de temps pour faire la besogne d'écriture qui
doit s'exécuter à Bruxelles. Le moyen de maintenir la régie dans de justes
bornes, intention qui nous a été manifestée par M. le ministre des travaux
publics, c'est de ne pas allouer d'augmentation.
M. Brabant. - Je ne partage pas
l'opinion exprimés dans les dernières paroles de mon honorable ami. Je crois
que la régie doit être tenue dans ses véritables attributions : l'emploi de la
régie ne doit être que le payement des ouvriers. D'après la nouvelle forme
donnée au budget par M. le ministre des travaux publics, il devrait se borner à
payer 3,308,130 fr., montant de la section « salaires. »
Je vous ai dit tout à
l'heure que M. le directeur de la régie m'a remis, l'année dernière, un tableau
très détaillé du travail de chacun de ses employés. J'avais dit qu'ils étaient
3 jours en route ; je m'étais trompé, ils sont 4 jours en route. Il y a donc 9
employés, distingués par lettres A et suivantes et circulant 4 jours sur 15.
Reste 11 jours pour le repos que je veux bien leur accorder et pour le travail
de bureau.
Dans les
développements du budget de cette année, l'on a subdivise les dépenses de la
régie en 4 paragraphes comme suit :
Personnel :fr.
35,634
Loyer du local :
fr. 1,300
Besoins
nouveaux : fr. 866
Deux de ces articles
(le deuxième et le troisième) sont les mêmes que l'année dernière. ÏI n'y a de
différence que dans les 866 francs pour besoins nouveaux, dont on n'indique pas
la nature, et pour 1,464 francs qui seront affectés au personnel.
M. de
Man d’Attenrode. - Il m'est
impossible de laisser passer sans observation ce que vient de dire mon
honorable ami M. Malou.
Il a prétendu que la
question de la régie du chemin de fer avait été réservée par la loi de
comptabilité. Il n'en est rien, messieurs. Ce que la loi de comptabilité a
réservé quant aux chemins de fer, c'est la question des recettes.
J'ai revu
dernièrement la discussion. L'honorable M. Lebeau avait proposé un amendement
pour établir une exception en faveur de la comptabilité du chemin de fer. Je
m'élevai avec force contre cette proposition, parce qu'il me semblait que
c'était vouloir empêcher que la loi de comptabilité n'eût ses effets sur
l'administration des travaux publics. II intervint ensuite une assez longue
discussion, et je me rappelle qu'à la fin de la discussion, l'honorable M.
Mercier expliqua l'amendement dans ce sens qu'il ne concernerait que les
recettes du chemin de fer, que M. Lebeau vint ratifier l'explication donnée par
l'honorable M. Mercier, et qu'alors, comme rapporteur de la section centrale,
je joignis mon adhésion à celle de l'honorable M. Lebeau.
Messieurs, la loi qui régit les dépenses du chemin de
fer, c'est la loi du 29 octobre 1846, concernant l'organisation de la cour des
comptes. Son article 14 pose en principe, et après tout, ce principe n'est
qu'un principe constitutionnel, qu'aucune ordonnance de payement n'est
acquittée par le trésor qu'après avoir été munie du visa de la cour des
comptes. Ceci est la règle ; toute dépense qui n'est liquidée que
postérieurement à son accomplissement constitue une exception à cette règle, et
pour qu'une exception soit justifiée, il faut des raisons suffisantes, il faut
qu'il s'agisse de menues dépenses comme celles qui concernent. le payement des
ouvriers, il faut que ce soient des dépenses urgentes.
Vient ensuite
l'article 15. Cet article prévoit quelles sont les exceptions au visa préalable
de la cour. Il y a deux exceptions. La première permet des ouvertures de
crédits avec justification ultérieure ; mais il faut pour cela de bons motifs,
de bonnes raisons, et la plupart du temps l'administration des chemins de fer
se fait ouvrir des crédits sans en donner de motifs valables. J'ai vu avec
plaisir que la cour des comptes, dans son dernier cahier d'observations,
déclarait qu'à l'avenir elle ne lui ouvrirait plus ces crédits que sur un état
détaillé des dépenses à payer dans un bref délai et après des renseignements
qui lui permissent d'examiner s'il lui était permis, d'après la loi de son
organisation, de les ouvrir.
Je tenais à vous
donner cette explication. Car ce que l'honorable M. Malou avait dit aurait pu
induire la chambre en erreur.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs,
l'honorable M. de Man s'est, je crois, constitué dans cette chambre,
l'antagoniste de la régie du chemin de fer.
M. de
Man d’Attenrode. - De ses abus.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Depuis plusieurs
années, l'honorable membre la signale constamment comme commettant les plus
graves, les plus insignes abus, et on a presque toujours reporté sur l'agent
même qui était chargé de la régie du chemin de fer, les prétendus abus qui se
commettaient. Je dis prétendus abus ; je vais m'en expliquer.
Messieurs, la régie
du chemin de fer a pour objet de payer les salaires, les menues fournitures,
toutes les dépenses urgentes qui doivent être acquittées sans aucun retard.
Voilà l'objet de son institution.
Indépendamment des
opérations qui devaient être limitées dans ces termes, il est arrivé diverses
fois, au milieu des grandes dépenses qui se faisaient, des grandes
constructions qui avaient lieu, que des crédits ouverts à la régie du chemin de
fer ont servi à acquitter des dépenses qui régulièrement auraient dû être
autorisées et soumises au préalable à la cour des comptes. La régie du chemin
de fer, vis-à-vis du département des travaux publics, justifiait parfaitement
toutes ses opérations. Le directeur de la régie n'agissait qu'en vertu d'ordres
ministériels, et sa comptabilité vis-à-vis de l'administration était
parfaitement régulière. Mais, vis-à-vis de la cour des comptes, cela a présenté
plusieurs fois des difficultés.
J'ai donné à la cour
des comptes, sous la date du 12 octobre 1847, des explications fort détaillées
à cet égard. Elles sont consignées dans le dernier cahier de ses observations,
à la page 134.
J'indique ce qui a
été fait et ce qui n'était pas aussi énormissime que paraît toujours le
supposer l'honorable M. de Man.
Ainsi on a supposé
qu'il y avait des fonds en caisse improductifs. On supposait que le directeur
de la régie détenait des valeurs considérables (page 695) qui étaient improductives pour le trésor. bien ! c'était
une erreur. Je l'ai fait remarquer à la cour des comptes. Je lui ai dit que les
fonds qu'on supposait sans emploi dans la caisse du directeur de la régie
n'étaient pas du tout sans emploi. La cause des retards dans la liquidation
provenait de ce que des payements avaient été faits à titre d'avance, ensuite
d'ordres émanés du gouvernement et pour lesquels le directeur de la régie
n'avait pas encore de justification suffisante à émettre vis-à-vis la cour des
comptes.
Au surplus, je répète
qu'à part le mode d'opérer, il n'y avait au fond rien d'abusif. Il n'y avait
rien de préjudiciable à l'Etat dans le mode qui était suivi. Je ne l'approuve
pas ; mais je trouve qu'il est injuste de donner à la critique une exagération
qui n'est pas motivée et surtout de la faire retomber sur une institution qui
est incontestablement utile.
Ce mode, comme l'a
très bien dit l'honorable M. Malou, n'était pas, au surplus, condamné par la
loi, et il ne l'est pas encore maintenant. L'opinion contraire, émise par l'honorable
M. de Man, manque complètement d'exactitude ; l'article 55 de la loi de
comptabilité n'a pas réservé uniquement la question des recettes, il a réservé
toute la comptabilité du chemin de fer de l'Etat.
M. de
Man d’Attenrode. - Lisez la
discussion.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Je vais lire le
texte et la discussion.
Dans cette
discussion, le gouvernement proposa d'introduire une exception à l'article 7 ;
il formula un article ainsi conçu :
« Par dérogation à
l'article 7 de la présente loi, les recettes du chemin de fer de l'Etat et
celles des postes continueront provisoirement à être faites conformément aux
arrêtés et règlements en vigueur.
« L'organisation
définitive du service des recettes du chemin de fer de l'Etat fera l'objet
d'une loi spéciale qui sera présentée avant le 1er juillet 1847. »
Maintenant
l'honorable M. Lebeau, dont l'opinion était tout à l'heure et fort à tort
invoquée par M. de Man, l'honorable M. Lebeau fit observer qu'il ne suffisait
pas de réserver la question des recettes, qu'il fallait aussi réserver la
question des dépenses, qu'il fallait réunir le tout dans la question de la
comptabilité du chemin de fer de l'Etat, et c'est ce que fit l'honorable membre
en proposant de substituer ces mots : « le régime de la comptabilité ;
l'organisation définitive de la comptabilité », aux expressions du projet
: « les recettes du chemin de fer, l'organisation du service des recettes ».
De cette manière,
disait l'honorable M. Lebeau, toutes les questions restent réservées ; il n'y a
plus d'équivoque possible pour personne.
M. le ministre des
finances déclara se rallier à cette rédaction. « Elle rend parfaitement,
disait-il, la pensée du gouvernement. »
L'article 55 de la
loi de comptabilité fut ensuite voté, conformément à la proposition de M.
Lebeau. Cet article réserve donc toute la comptabilité du chemin de fer de
l'Etat.
L'honorable M. de Man
attribue à la régie, et c'est encore une erreur que je dois dissiper, il
attribue à la régie l'état prétendument inextricable dans lequel se trouve la
comptabilité du chemin de fer de l'Etat. Je dois déclarer que cette
comptabilité n'est pas du tout inextricable, qu'il est parfaitement facile d'y
voir clair.
Dans la discussion
d'hier, l’honorable membre disait qu'il faudrait produire par sections, par
station, toutes les dépenses faites pour le chemin de fer ; je témoignais mon
étonnement de ce que pareille chose n'aurait pas encore été faite et je me
demandais comment on aurait pu apprécier toute l'utilité des dépenses et faire
la comparaison des dépenses sans de semblables renseignements. Mon étonnement,
messieurs, était parfaitement justifié ; les comptes que demande l'honorable
membre sont publiés chaque année, et l'honorable M. de Man, qui a l'habitude de
compulser scrupuleusement tous les documents, a oublié de consulter celui-là
qui se trouve en tête de toutes les publications faites par le gouvernement
relativement au chemin de fer.
L'honorable membre
tombe donc, sous plus d'un rapport, dans l'erreur et il y a dans ses critiques
une exagération contre laquelle je suis obligé de protester.
Quant aux objections
de l'honorable M. Brabant, elles ne me paraissent pas de nature à déterminer la
chambre à refuser l'augmentation de 2,350 fr. Il a supposé que cette somme
était destinée à augmenter les traitements du personnel de la régie, c'est une
erreur ; j'ai eu soin d'indiquer que dans l'état actuel des choses il est
nécessaire d'augmenter d'un ou deux, le nombre des employés de la régie, parce
que le personnel actuel est, en totalité, absent pendant un certain nombre de
jours et que pendant ce temps les travaux sont forcément suspendus. Il n'est
pas possible de laisser le directeur de la régie dans cette position. Ajoutez à
cela que sa besogne augmente et qu'elle augmentera encore cette année par suite
de l'augmentation des transports. J'ai indiqué dans quelle proportion ces
agents seront plus occupés qu'ils ne l'ont été jusqu'ici. Laisser ce bureau
seul pendant plusieurs jours, c'est réellement entraver l'administration.
Certes, à la rigueur la besogne pourrait se faire, mais elle se fera mal et
lentement ; on ferait en 8 jours ce qu'on pourrait faire en beaucoup moins de
temps.
L'augmentation est donc nécessaire. Je le dis sur la
foi du directeur de la régie, et tous les membres de la chambre qui le
connaissent savent que sans nécessité évidente, absolue, il n'aurait pas
demandé cette augmentation.
L'honorable M.
Brabant a commis une erreur dans la division du chiffre du personnel et du
chiffre du matériel. Ce n'est pas 35,000, mais 36,500 fr. que je propose pour
le personnel, et l'augmentation de 2,500 fr. se justifie, je le répète, par
l'augmentation du nombre des employés.
M. de
Man d’Attenrode. - Messieurs, je
regrette de devoir rentrer dans la discussion, qui a déjà été très longue, sur
l'interprétation à donner à un article de la loi de comptabilité. Si nous devons
croire ce que vient de dire M. le ministre des travaux publies, le paragraphe 2
de l'article 55 aurait pour effet de soustraire entièrement l'administration
des travaux publics aux effets de la loi de comptabilité, l'article 55 aurait
paralysé son action et pour les recettes et pour les dépenses. Eh bien,
messieurs, moi je prétends que ce deuxième paragraphe ne peut avoir pour objet
que de réserver la question des recettes. C'est l'honorable M. Lebeau qui a
proposé, par amendement, le paragraphe 2 de l'article 55. Ce paragraphe est
ainsi conçu : « L'organisation définitive de la comptabilité du chemin de fer
de l'Etat fera l'objet d'une loi spéciale, qui sera présentée dans la session
de 1846-1847.»
Eh bien, messieurs,
lorsque l'honorable M. Lebeau eut déposé cet amendement, il fut l'objet de
vives réclamations de ma part qui furent suivies d'une longue discussion dont
j'aurais désiré que M. le ministre vous rappelât au moins la fin. Après cette
discussion, l'honorable M. Mercier demanda la parole ; il s'exprima en ces
termes :
« J'appuie la
motion dans le sens qu'elle tend à écarter de la discussion de l'article, des
questions qui y sont étrangères ; mais pour atteindre ce but, il faut que l'on
définisse bien quelle est la portée de l'article lui-même, quelles sont les
dérogations qu'il établit.
« Déroge-t-il à
l'article 21 relatif aux adjudications, à l'article 52 relatif au contrôle du
matériel ? Je ne le pense pas. Selon moi il ne déroge qu'à la partie du
deuxième paragraphe de l'article 7 qui a rapport à l'action, à la surveillance
du ministre des finances sur les recettes du chemin de fer et à la nomination
des comptables. Voilà le sens que j'attribue et que je crois devoir être
attribué à l'amendement de l'honorable M. Lebeau. »
J'appuyai ces paroles,
comme rapporteur de la section centrale, en disant les mots : « C'est
cela ».
L'honorable M. Lebeau
demanda ensuite la parole, et voici comment il s'exprima :
« L'honorable M. Mercier
a expliqué ma pensée, et je crois que cette explication était inutile. Il est
évident que le mot comptabilité ne peut emporter l'idée que l'amendement ait
rapport aux adjudications, lesquelles n'ont rien de commun avec la
comptabilité. Du reste l'honorable M. de Man a paru adhérer au commentaire de
M. Mercier. Eh bien, s'il trouve que cette pensée de M. Mercier n'est pas
rendue par mon amendement, je le prie de le modifier. »
C'est après ces
paroles que l'article 55 a été voté.
J'avoue que comme rapporteur
de la loi de comptabilité, si je n'avais pas eu foi dans l'interprétation que
venait de donner l'honorable M. Mercier, j'aurais immédiatement cherché à
modifier l'amendement de l'honorable M. Lebeau, d'autant plus que cet honorable
membre, avec des paroles très bienveillantes pour moi, m'y conviait en quelque
sorte ; je m'y suis refusé, parce que j'ai eu confiance dans l'interprétation
donnée par l'honorable M. Mercier et à laquelle l'honorable auteur de
l'amendement avait adhéré.
D'ailleurs, quand bien
même il n'en serait pas ainsi, je ne pense pas que la dérogation du second
paragraphe de l'article 55 puisse avoir une portée telle qu'il altère l'article
14 de la loi du 29 octobre 1846. cette loi établit pour règle (et, au surplus,
c'est une prescription constitutionnelle) que toute dépense doit être revêtue
du visa préalable de la cour des comptes. Or, que fait-on à l'administration
des travaux publics pour échapper aux prescriptions gênantes de la loi
concernant l'organisation de la cour, du 29 octobre 1846 ? On paraît prétendre
que l'exception indiquée par l'article 55 de la loi de comptabilité étend ses
effets aux articles 14 et 15 de la loi du 29 octobre.
Cela est
inadmissible, le paragraphe 2 de l'article 55 ne tend qu'à ajourner les effets
de l'article 7 de la loi de comptabilité concernant les préposés aux recettes
des chemins de fer ; ses effets ne s'étendent pas aux dépenses ; ils ne
s'étendent pas à la loi du 29 octobre.
C'est ainsi, messieurs, que l'on procède au
département des travaux publics pour paralyser la liquidation préalable, pour
rendre illusoire le contrôle journalier que le congrès a établi en instituant
une cour des comptes, destinée à un contrôle de tous les jours, contrôle qu'il
était impossible que la législature accomplît par elle-même.
Si ce contrôle est
sans effet pour les travaux publics, nous serons privés du seul élément que
nous ayons pour vérifier si les actes de dépenses de ce département sont
conformes aux lois de crédit et aux intentions delà législature indiquées dans
les rapports des sections centrales.
M. Brabant. - Messieurs, je ne
veux pas m'engager dans la discussion de la loi de comptabilité. Si cette loi
devait avoir quelque effet sur la régie du chemin de fer, elle en aurait un bien
plus grand sur l'armée. Comme nous discutons maintenant les traitements, je
dirai que les employés de la régie sont les sergents-majors et les fourriers de
l'armée du chemin de fer. Quand nous ferons la loi prévue par l'article 55 de
la loi de comptabilité, je crois que nous maintiendrons la régie et que nous
ferons bien de la maintenir. C'est un excellent contrôle.
Dans le rapport de
l'année dernière, à l'article régie, j'ai reproduit les termes d'une note qui
émanait directement du chef de la régie et qui fait connaître la nature de ses
attributions ; personne mieux que lui sans doute ne peut connaître les
attributions de la régie ;c'est d'ailleurs un (page 696) homme plein d'esprit. Eh bien, le directeur
voudrait qu'on le tînt constamment dans ces attributions-là ; mais il n'en a
pas toujours été ainsi, et de là les justes griefs de l'honorable M. de Man.
Mais l'intention de M. de ministre des travaux publics est de maintenir la
régie dans ces bornes, de ne pas lui donner d'autres attributions. Je crois
même que déjà sous l'honorable M. de Bavay, le directeur de la régie n'avait à
intervenir que dans le payement des salaires et de quelques menues dépenses qui
en vérité ne méritaient pas un mandat.
Mais la régie a eu
des attributions plus larges, elle a eu des sommes très considérables à sa
disposition ; une grande partie des fonds, non seulement du chemin de fer, mais
même des ponts et chaussées, passaient par ses mains ; ainsi elle payait les
cantonniers sur les routes et les employés sur les canaux. Aujourd'hui, elle
doit être strictement limitée à l'emploi du chemin de fer ; eh bien, quand elle
avait toutes ces attributions, le personnel, tel qu'il a été alloué en 1847,
était suffisant ; donc, il sera plus suffisant, quand les attributions seront
réduites.
M. le ministre des
travaux publics dit que la plupart des employés de la régie sont en route et
qu'il faut bien quelqu'un pour tenir la comptabilité en leur absence ; mais,
d'après les développements du budget de l'année dernière, il y a d'abord le directeur
et un vérificateur qui ne se mettent jamais en route.
Je vous assure,
messieurs, pour d'avoir fait moi-même en partie, que deux personnes pourraient
suffire à cette besogne de vérification, maintenue dans les limites naturelles
de l'emploi du régisseur ; maintien auquel M. le ministre des travaux publics
nous a déclaré vouloir tenir la main : Ainsi donc, il y a deux employés
sédentaires qui ne quittent jamais le bureau ; avec le restant du personnel,
défalcation faite des jours d'absence et des jours de congé, vous avez par mois
89 journées pour la vérification des écritures de la régie.
Le deuxième motif
indiqué dans les développements présentés par M. le ministre des travaux
publics, c'est l'extension du service, par suite de l'ouverture du chemin de
fer de Jurbise à Tournay et de celui de St-Trond à Hasselt.
Je suis heureux
d'avoir en main la pièce dont j'ai déjà parlé, pour vous faire voir que les
deux employés qui iront sur la route de Jurbise, à Tournay et sur celle de
St-Trond à Hasselt n'auront pas un surcroît de besogne qui les mette dans une
position beaucoup plus accablante que celle de leurs collègues. Voici la
distribution du parcours. Chaque employé est représenté par une lettre et va de
Bruxelles à Malines et retour 8 lieues, de Bruxelles à Mons et retour 34
lieues, de Bruxelles à St-Trond et retour 34 lieues, total 66 lieues, par
quinzaine.
Cet employé, puisqu'il va à Mons, ira sur la ligue de
Tubise ; puisqu'il va à St-Trond, il poussera jusqu'à Hasselt ; cela fera une
augmentation de 6 lieues pour Hasselt, ce qui portera le total à 72. Je ne sais
quelle distance il aura à parcourir sur la route de Jurbise à Tournay. Toujours
est-il qu'aujourd'hui cet employé ne fait que 66 lieues, tandis que J, qui
dessert la route de Verviers, en fait 92. Vous voyez qu'il y a de la marge
entre A et J. C'est l'employé qui a le moins à faire ; à l'exception d'un seul
dont le parcours n'est que de 62 lieues, les autres ont 78, 82, 86.
Je suis presque
honteux d'insister aussi longtemps sur une chose aussi insignifiante, mais je
crois que M. le ministre peut renoncer, au moins pour cette année, à
l'augmentation qu'il demande.
- Le chiffre proposé
par le gouvernement est mis aux voix et adopté avec la division en deux
articles opérée par le ministre.
M. Osy. - Avant de passer au
chapitre suivant, je voudrais demander au gouvernement des renseignements sur
un service qui concerne le chemin de fer, mais qui ne se trouve pas compris
dans le budget, je veux parler du télégraphe électrique. Une société a établi
comme essai un télégraphe électrique entre Anvers et Bruxelles. Ce télégraphe
rend les plus grands services. En Angleterre, aux Etats-Unis, en Hollande même,
tous les chemins de fer ont un télégraphe électrique. Je suis loin de demander
que le gouvernement belge en établisse un ; au contraire je demande qu'on
encourage l'établissement de ce service par la spéculation particulière ; ce
serait un grand service que le gouvernement procurerait au pays, si ce service
était organisé entre Ostende et la frontière de Prusse, car maintenant avec les
développements qu'ont pris les chemins de fer, on peut aller d'Ostende à Berlin
et à Vienne.
Nous pourrions nous entendre avec les gouvernements de
ces pays pour avoir un télégraphe électrique en communication avec les lignes
qui les traversent. Je suis convaincu que les chemins de fer allemands s'y
.prêteraient volontiers. .
Je demanderai à M. le
ministre s'il n'y aurait pas moyen de prolonger la ligne télégraphique jusqu'à
la frontière de Prusse, et si le gouvernement ne pourrait pas faire des avances
afin de nous procurer ce service qui serait d'une très grande utilité pour le
commerce.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - La compagnie
anglaise, à laquelle a été accordée la concession de la ligne télégraphique de
Bruxelles à Anvers, s'était réservé par son contrat (la disposition est, du
reste, assez équivoque), pendant un certain délai le droit de faire connaître
son intention de prolonger cette ligne vers la France. Je n'ai pas souvenir que
jusqu'à présent des propositions formelles aient été adressées au département
sur ce point. Le gouvernement français a demandé quelles seraient les
intentions du gouvernement quant à l'établissement d'une ligue télégraphique ;
en tout cas, il a demandé, si le gouvernement ne se décidait pas à l'exécuter
maintenant, quel serait le point où il lui conviendrait que la ligne française
vînt aboutir.
Le gouvernement belge
a fait connaître au gouvernement français le point où l'on aboutirait dans le
cas où l'on établirait cette ligne ; c'est un point vers
Valenciennes qui a été choisi de préférence. Les dépenses ont été estimées, si
mes souvenirs sont fidèles, à 180 mille francs. Nous n'avons pas cru, dans les
circonstances actuelles, qu'il fût possible de proposer une dépense de ce
genre. Le prolongement du télégraphe jusqu'à la frontière de Prusse, dont a
parlé l'honorable préopinant, nécessiterait une dépense considérable. Je
reconnais l'utilité de ces lignes, je pense qu'il y aurait de grands avantages
à les établir, mais dans mon budget de dépenses ordinaires, il est impossible
de faire figurer une dépense de ce chef. Le gouvernement examinera s'il y a
lieu de faire la dépense ou de suivre le conseil de l'honorable M. Osy,
d'engager la compagnie anglaise à construire ces lignes ; je ne sais trop
cependant si 1e gouvernement français et la Prusse voudraient se mettre en
rapport avec des compagnies.
Je tiens que, de la
part du gouvernement français, il y a quelque hésitation, quelque répugnance,
sous ce rapport. La lecture de la correspondance qui m'a passé sous les yeux
m'a laissé cette impression.
M. Osy. - Je n'ai pas parlé d'encourager
l'établissement d'une ligne de télégraphe électrique de Bruxelles à la
frontière française. Le motif est que le gouvernement français ne permet pas au
public de faire usage du télégraphe. C'est pour lui-même que le gouvernement
français voudrait prolonger jusqu'à Bruxelles une ligne télégraphique. Le
public, le commerce n'y auraient aucun avantage. Je suis donc bien loin
d'encourager le gouvernement à faire des dépenses dans ce but. Mais je crois
qu’il serait utile d'avoir une ligne télégraphique d'Ostende au Rhin, qui
s'étendrait à toutes les capitales du Nord.
Je crois au reste que
ce grand résultat peut être obtenu sans charges pour le trésor, et que la
compagnie anglaise peut, comme celle du gaz, s'étendre sur tout le continent.
Chapitre IV. - Postes
Discussion sur l’ensemble
du chapitre
M. le président. - La discussion est
ouverte sur l'ensemble du chapitre IV « Postes ».
M. Dechamps. - Je regrette d'avoir
été empêché, par un deuil de famille, d'assister à la discussion du budget des
travaux publies, à laquelle je complais prendre part. Je me bornerai
aujourd'hui à soumettre à la chambre et au gouvernement quelques observations
relatives à l'administration des postes et en même temps au service du chemin
de fer. Je ne veux pas entrer dans de grands développements. Mon intention
n'est que d'indiquer les réflexions sur lesquelles je désire fixer votre
attention. Je ne veux pas renouveler les débats des séances précédentes
relatifs à l'administration du chemin de fer ; mais je ne pourrai me dispenser
de toucher à ces questions. Je veux entretenir la chambre d'une mesure que je
considère comme d'une haute utilité, et comme devant amener la meilleure solution
possible au problème de l'organisation des chemins de fer et des postes.
Je veux parler de la
réunion de ces deux services de transport sous une seule direction.
Il existe dans le
pays deux grands services publics de transport : le service du chemin de fer,
et le service des postes ; le service du chemin,, de fer qui comprend le
transport des voyageurs, des marchandises des toute espèce, dans le rayon du
railway et des stations et qui s'arrête à ces limites ; et le service des
postes qui comprend le transport des dépêches et des petits paquets sans poids,
service qui commence là où finit celui du chemin de fer et qui embrasse un
nombreux personnel, en relation avec presque toutes les localités du pays.
Ces deux services qui
n'ont en définitive qu'une destination commune, celle des transports, se
trouvent naturellement en contact sur presque tous les points. Dès lors il
n'est pas étonnant que des conflits surgissent à tout moment entre les deux
administrations, puisque les services de transport du pays, qui devraient
recevoir une impulsion unique, sont soumis à la direction, à la surveillance de
deux administrations séparées.
Il faudrait donc,
pour faire cesser ce conflit, pour. imprimer une unité administrative plus
forte, plus unitaire aux services de transports publics, divisés aujourd'hui
entre deux branches, il faudrait, selon moi, les réunir.
Dans les derniers
mois de mon administration, au département des travaux publics, en 1845,
j'avais proposé à l'examen du conseil un projet d'arrêté royal destiné à réunir
ces deux services, en transférant la direction du chemin de fer et des postes
au département des travaux publics, sous la main même du ministre.
Je viens d'indiquer
un des avantages de cette réunion ; c'est la cessation de conflits entre ces
deux services ; c'est l'unité administrative à imprimer d'une manière plus
forte à ces deux branches de service du transport qui se fortifieraient l'une
l'autre par leur réunion.
Ces avantages ne sont
pas les seuls : aujourd'hui, dans le service des transports, il y a
responsabilité divisée, depuis l'expéditeur jusqu'au destinataire, tandis que
pour avoir une administration régulière, il faut que cette responsabilité ne
soit pas divisée. Pour cela le seul moyen, c'est la fusion de ces deux
administrations.
M. le ministre des
travaux publics, au début de la discussion de ce budget, en indiquant les
améliorations qu'il serait utile d'introduire dans l'administration et dans le
service des transports, vous a dit qu'il fallait arriver à supprimer les
intermédiaires onéreux. Je suis complètement de son avis.
Pour supprimer les
intermédiaires entre l'expéditeur et le destinataire, (page 697) il faut non seulement réviser le tarif du chemins de fer,
abolir surtout la clause introduite dans notre tarif relative aux charges
complètes et incomplètes qui amène nécessairement la formation de ces
intermédiaires, mais il faut encore réunir les deux administrations du chemin
de fer et des postes.
Alors, comme je l'ai
dit tout à l'heure, tout intermédiaire disparaîtra et une seule action
administrative, une seule responsabilité existera depuis l'expédition jusqu'à
la destination. Tous ceux qui ont une idée de ce qui se passe dans les
administrations du chemin de fer et des postes, n'ignorent pas qu'il y a dans
ces deux administrations beaucoup de forces perdues. Aussi (cela arrive dans
tous les services actifs de ce genre) les heures employées au service actif
sont nécessairement limitées dans le service du chemin de fer et dans le
service des postes. Or, en réunissant ces deux services, on arriverait, par
cette combinaison, à employer pour l'un des deux services le temps inutile pour
l'autre.
Je ne veux pas entrer
dans une discussion approfondie ; je me borne à indiquer ces observations, à les
soumettre à M. le ministre des travaux publics. J'appelle son attention sur
cette grave question.
Je vais indiquer
maintenant les avantages de cette réunion, au point de vue de l'économie. Je
l'ai examinée tout à l'heure au point de vue de l'utilité générale, d'une
meilleure répartition des forces administratives et d'une impulsion plus forte
à donner aux services publics de transport. Il est évident que des économies
assez notables résulteraient de la réunion de ces deux services sous une même
direction.
Il y aurait d'abord
nécessairement dans la direction centrale simplification des rouages
administratifs ; il y aurait réduction de personnel. Mais où serait la
principale économie, c'est dans la réunion des deux services dans les stations
du chemin de fer. Ainsi, messieurs, les chefs des stations, ou des employés
dans les stations chargés de la recette, peuvent en même temps devenir des
percepteurs ou des distributeurs des postes, suivant l'importance des localités
et des stations.
Messieurs, je le
disait tout à l'heure, les chefs des stations devenus percepteurs des postes ou
les percepteurs des postes devenus chefs de station (on choisirait
nécessairement dans les deux administrations les hommes les plus intelligents,
les plus zélés, et on aurait ainsi une administration intelligente,
expérimentée et peu nombreuse), les chefs de station, dis-je, devenus
percepteurs ou distributeurs des postes, pourraient, pendant les heures
inoccupées comme chefs de station, employer ce temps pour le service de la poste.
De cette façon on arriverait à simplifier les rouages de cette double
administration.
Il y aurait une autre
amélioration qui dériverait de l'application de ce principe. Et ici je
rencontre le vœu émis par la section centrale. Je crois que, par la refonte de
ces deux branches d'administration, on parviendrait facilement à supprimer les
directeurs de poste en province.
Les directeurs
provinciaux n'ont pour attribution que de centraliser la comptabilité des
postes et de transmettre aux percepteurs les ordres venant de l'administration
centrale. Eh bien, dans le système que j'indique, lorsqu'il y aurait fusion des
deux services, des deux administrations, il suffirait des contrôleurs pour
faire le service actuel des postes en place de ces neuf directeurs provinciaux,
il serait plus utile d'organiser un service d'inspection peu nombreux à
l'administration centrale. Messieurs, dans le projet d'arrêté qui avait été
minuté, que j'avais soumis à mes collègues, et que le temps seul n'a pas permis
d'examiner assez tôt pour en amener l'exécution avant mon départ du département
des travaux publics, j'attachais à cette organisation une condition expresse :
c'était de transférer la direction des chemins de fer et des postes réunis au
département même.
Evidemment,
messieurs, en concentrant dans une seule main, dans une seule direction, les
deux services importants du chemin de fer et des postes, j'agrandissais
l’influence et l'action de ce fonctionnaire ; mais c'était à la condition, dans
mon esprit, de transférer l'administration des chemins de fer et des postes au
département des travaux publics, dans les mains mêmes du ministre.
Ici, messieurs, je
touche à une discussion qui a eu lieu ces jours derniers et que mon intention
n'est nullement de renouveler. Permettez-moi, cependant, de vous soumettre, en
passant, quelques observations à cet égard.
Je ne partage pas les
opinions exprimées dans d'autres séances par M. le ministre des travaux
publics, relativement à ce système de concentrer au département des travaux
publics la direction des chemins de fer qui, suivant moi, devrait être aussi la
direction des postes. Je crois que M. le ministre aurait une bien plus grande
force et un contrôle bien autrement efficace, que par le système même auquel la
chambre s'est ralliée ; je veux parler du bureau de contrôle et de statistique
à créer au département des travaux publics et pour lequel vous avez alloué une
somme de 30,000 fr.
Je commence par
déclarer tout d'abord que, si j'avais été présent à la séance, j'aurais voté
ces 30,000 fr., parce que cette mesure n'est que l'exécution d'un arrêté
ministériel que j'avais pris en 1845. Mais je dois le dire, cet arrêté
ministériel n'était, dans mes intentions, qu'une mesure provisoire, qu'une
mesure d'attente avant d'arriver à la réorganisation plus complète, plus
définitive, plus intelligente et plus économique dont je viens d'indiquer les
bases.
Mais, messieurs, je
le reconnais, de deux choses l'une : en conservant le système actuel ou il faut
comme vous l'a démontré M. le ministre des travaux publics, l'établissement au
département d'un contrôle, fournissant des éléments d'appréciation plus
efficaces que ceux qui existent ; ou il faut admettre le système plus complet
que je préconise en ce moment.
M. le ministre des
travaux publics a fait à cet égard une objection. Il vous a dit que dans ce
système le contrôle du ministre disparaîtrait complétement. Le ministre serait
en contact avec le directeur de l'administration active, qui se trouve
aujourd'hui en dehors du département, et il n'aurait, pour examiner les
propositions qui lui seraient soumises par ce directeur, aucun élément
d'appréciation et de contrôle.
Messieurs, c'est là
une erreur. Dans le système que j'indique, évidemment, à côté da directeur
d'administration, il faudrait, comme au département des finances, un inspecteur
général d'administration qui aboutirait au ministre, qui travaillerait
directement avec le ministre sauf à le mettre en rapport avec le directeur
lui-même, comme cela se fait au département des finances. Ce serait un moyen de
contrôle, selon moi, plus efficace que celui qui résulte du mode actuellement
admis.
Il y aurait cette
différence, messieurs, qu'un chef actuel de division au département des travaux
publics, quels que soient le talent et la capacité qui peuvent le distinguer,
n'a qu'un travail de cabinet et peut se trouver plus ou moins étranger à la
marche pratique du chemin de fer, tandis que si ce chef de division exerçait
les fonctions d'un inspecteur général, faisant régulièrement ses tournées
d'inspection, voyant se mouvoir sous ses yeux, d'une manière permanente, cette
vaste administration, et faisant ses rapports au ministre, il aurait des moyens
de contrôle plus actifs que ceux qu'il possède aujourd'hui.
Messieurs, dans le
système actuel, dans le système qui existait avant l'adoption de la proposition
qui vous a été soumise par le gouvernement, il y avait un double inconvénient.
Il y avait inconvénient, comme vous l'a démontré l'honorable M. Frère, au point
de vue de la responsabilité du ministre, qui était véritablement dérisoire
relativement au contrôle des recettes du chemin de fer. Mais il y d'autres
inconvénients qu'il ne faut pas perdre de vue non plus : ce sont les
inconvénients relatifs à l'administration même du chemin de fer où le mode
actuellement admis entraînait des lenteurs des correspondance interminables et
fâcheuses.
M. le président. - Nous rentrons dans
la discussion du chemin de fer.
M. Dechamps. - Je m'aperçois, en
effet, M. le président, que j'entrais trop avant dans une discussion qui est
terminée ; cependant je devais faire ces observations, puisqu'il s'agit dans
mon opinion, de réunir l'administration des postes à celle du chemin de fer et
que, dès lors, il était presque impossible de ne pas signaler les améliorations
que cette réunion entraînerait dans l'administration du chemin de fer
elle-même.
Du reste, messieurs,
je me résume. Je prie l'honorable ministre des travaux publics de vouloir
livrer à un examen sérieux les observations que je prends la liberté de lui
soumettre ainsi qu'à la chambre, sur les avantages nombreux qu'il y aurait à
réunir et le service des postes et le service du chemin de fer : avantages au
point de vue de l'utilité publique, avantages au point de vue de l'unité dans
l'administration, avantages au point de vue de la responsabilité qui ne serait
plus divisée, comme elle l'est aujourd'hui, entre deux branches du service des
transports, avantages surtout au point de vue des économies nombreuses, des
économies considérables qu'il serait possible d'apporter par ce système dans la
double administration dont il s'agit, administration où il y a maintenant tant
de forces perdues, que l'on pourrait maintenant utiliser.
Ce système,
messieurs, est appliqué depuis bien des années dans le grand-duché de Bade, où
l'exploitation du chemin de fer, je puis le dire, peut servir de modèle à
beaucoup d'autres exploitations du même genre. Là les deux services sont
réunis. J'ai examiné en détail cette organisation sur les lieux, et j'ai été
frappé des avantages qui en résultent et de l'économie qu'on pourrait apporter,
par ce moyen, dans l'administration du chemin de fer. Ainsi, il y a un seul
directeur pour les postes et le chemin de fer ; les inspecteurs de la
voie................
... Les chefs de
station sont percepteurs ou distributeurs des postes. Il y aurait, je le
répète, beaucoup plus d'économie dans le personnel et beaucoup plus de force
dans l'administration.
Messieurs, deux essais de ce genre ont été faits chez
nous sous des administrations précédentes. Un premier essai a été tenté en 1838
par l'honorable M. Nothomb ; il a établi dans quelques stations des bureaux de
poste et, messieurs, je dois dire que cet essai ne pouvait pas réussir dans les
conditions où il a été fait. Ainsi par cela seul que ces chefs de station
étaient percepteurs des postes, ils se trouvaient soumis à deux administrations
différentes, celle du chemin de fer et celle des postes ; il est évident que
des conflits devaient surgir à tout moment, et c'est ce qui a eu lieu.
Un deuxième essai a
été tenté d'abord par moi en 1845 et ensuite par nos successeurs, et
l'honorable ministre des travaux publics actuel a, par une décision assez
récente, donné le camionnage des stations du chemin de fer aux maîtres de
poste. Eh bien, messieurs, c'est là déjà entrer dans la voie que j'indique, et
je prie l'honorable ministre des travaux publics d'y entier plus complètement
d'après les vues que je viens de lui soumettre.
M. Loos. - Messieurs, en
attendant la réforme postale qu'on nous annonce depuis si longtemps et qui
s'opère dans tous les pays voisins, je crois que d'autres réformes devraient
être opérées. L'honorable M. Dechamps en a signalé quelques-unes et je regrette
que l'honorable membre, qui a paru si convaincu de l'utilité de ces
améliorations, n'ait pas profilé de sa présence aux affaires pour les
introduire. Il y a ainsi (page 698)
beaucoup de choses que l'on trouve excellentes aujourd'hui et qu'autrefois on
ne réalisait pas.
Quant à moi, messieurs,
je considère comme une très bonne mesure d'adjonction du service des postes à
l'administration du chemin de fer, et j'eusse été heureux de la voir introduire
par l'honorable M. Dechamps.
Si nous voulons
arriver, messieurs, à la réduction du port des lettres, il y a d'autres
améliorations à opérer. Nous avons une voie de communication très rapide, le
chemin de fer ; il faut savoir eu tirer parti pour la célérité, et c'est ce
qu'on n'a pas fait suffisamment jusqu'à ce jour.
L'honorable M.
Dechamps, parlant des économies qui résulteraient de l'adjonction des postes au
chemin de fer, a signalé notamment les directeurs provinciaux. En jetant les
yeux sur les développements du budget, j'ai vu, entre autres, qu'un bureau des
postes où il y a un directeur provincial, coûte 37,858 fr. pour faire une
recette de 386,000 fr. Ainsi les frais de ce bureau ne coûtent pas moins de 10
p. c. de son produit. Je crois que c'est là de la profusion, de la prodigalité,
et vous en jugerez, messieurs, lorsque je vous dirai qu'il y a un fonctionnaire
de l'administration des postes, qui a (erratum ,
p. 732) une recette en province et dont le traitement et les émoluments
s'élèvent à 11,500 fr. Ce fonctionnaire, messieurs, fait toute sa besogne avec un
seul commis. Dans cette même localité, le bureau de recette a neuf commis, un
contrôleur, le percepteur, puis le directeur provincial avec son employé, en
tout une quinzaine d'employés, et tout cela pour faire une recette de 386,000
fr.
Je crois, messieurs, qu'en réunissant les postes aux
chemins de fer, le travail des deux services pourra très bien se faire par le
personnel de l'un d'eux, si on exige de chaque employé le travail qu'il doit à
l'Etat.
J'ai cru devoir
appeler l'attention de M. le ministre sur la nécessité d'entrer dans cette voie
de réforme, parce que je prévois que quand on opérera la réduction de la
surtaxe des lettres, on voudra augmenter le personnel des différents bureaux,
dans la proportion de l'accroissement des transports qui résultera
nécessairement de l'abaissement de la taxe. Je crois qu'il est indispensable de
réaliser, dès à présent, toutes les économies compatibles avec les besoins du
service.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, c'est
pour la seconde fois, depuis l'ouverture de cette session, que d'anciens
ministres des travaux publics prennent la parole sur la question que vient de
traiter l'honorable M. Dechamps.
L'honorable M.
Nothomb, il y a peu de temps, a exposé à la chambre toute l'importance qu'il y
aurait à réunir les deux services, les avantages qui en résulterait pour la
prompte expédition des dépêches. L'honorable M. Dechamps a encore exprimé
aujourd'hui la même pensée. Mais, comme l'a très bien fait observer l'honorable
M. Loos, il est assez singulier que ces avantages si grands n'aient pas depuis
longtemps été procurés au pays. II y a apparemment quelque obstacle qui
s'oppose à ce qu'on réalise en pratique ce qu'on trouve si excellent en
théorie.
Depuis que je suis
aux affaires, je n'ai pas eu assurément le temps de me former une opinion sur
un point si grave. Je crois, à la première vue, qu'il devrait résulter de
véritables avantages de la réunion de l'administration des postes et de celle
du chemin de fer. Mais je ne puis pas me faire illusion au point de croire
qu'il en résulterait des économies telles qu'il n'est guère possible même de
les rêver. L'honorable M. Dechamps serait, en vérité, bien coupable si, avec la
certitude de pouvoir faire de pareilles choses dans l'intérêt du pays, il avait
longtemps passé aux affaires sans avoir réalisé ces vues.
Il est vrai que
l'honorable membre a eu l'idée de réunir les deux administrations ; il a minuté
un projet dans ce sens, il a eu l'obligeance de me le communiquer récemment ;
je l'en remercie, mais je dois dire que l'examen de ce projet ne m'a pas fait
soupçonner qu'il dût en résulter quelques économies pour le pays.
Une meilleure
administration, plus d'unité dans la direction, un service mieux réparti, je le
veux : c'est la pensée qui a inspiré le projet de l'honorable membre ; mais
quant à y trouver des résultats économiques, des avantages pécuniaires, je n'en
ai découvert aucun. Je crois devoir m'exprimer ainsi, parce qu'en laissant
pénétrer dans la chambre et dans le pays des idées analogues à celles que
l'honorable membre a formulées, on ne manquerait pas de venir nous dire
ultérieurement : « Vous eussiez pu réaliser tel bénéfice, faire telle économie
qui vous avait été signalée ; mais vous ne l'avez pas fait.»
Erreur que tout cela
! Si l'honorable membre n'a pas réussi, pendant plusieurs années de passage aux
affaires, à réaliser les grands avantages dont il parle aujourd'hui, on me
permettra d'attendre quelque peu, de me livrer à un examen attentif, avant de
déclarer qu'il est possible d'obtenir d'aussi beaux résultats.
Du reste, j'accueille
avec le plus grand plaisir les indications de la nature de celles que
l'honorable membre m'a données ; je méditerai toujours avec le plus grand
scrupule les améliorations qui seront indiquées comme possibles dans
l'administration ; mais je ne veux pas me faire illusion, et je désire que la
chambre ne se fasse pas non plus illusion à cet égard.
Je ne puis pas
rentrer dans la discussion générale qui a été close quant au service de
contrôle à établir au département des travaux publics ; mais je dois dire que
si l'honorable M. Dechamps avait reconnu comme moi la nécessité de ce service,
c'était encore une de ces mesures qui étaient restées à l'état de projet
pendant son administration ; car il existe, à la date du mois de mars 1845, un
arrêté qui n'a jamais été mis en vigueur ; pour le mettre en vigueur, il
fallait le crédit que j'ai sollicité de la chambre ; c'est à l'aide de ce
crédit seul qu'on pouvait obtenir ce contrôle utile, sérieux, indispensable, au
département des travaux publics.
L'honorable M. Loos a
appelé l'attention de la chambre sur la réforme postale. J'ai déjà dit quelle
était mon opinion personnelle sur ce point.
L'honorable membre a
fait aussi quelques critiques sur les traitements attribués aux employés des
postes. Je ne sais où l'honorable membre a puisé les chiffres dont il s'est
servi ; je dirai seulement que le personnel des postes en 1818 absorbe en
totalité la somme d'un million ; somme qui ne présente, sur l'allocation de
1817, qu'une augmentation de 15,000 francs, et cette augmentation est
parfaitement justifiée dans les développements du budget.
Sans m'expliquer sur
les traitements indiqués par l'honorable M. Loos, je crois que l'on s'expose à
tirer de fausses conclusions, lorsque, pour juger de l'utilité de la dépense,
on prend isolément un bureau de poste, un service de poste, et que l'on met la
dépense qu'il nécessite en regard de la recette qu'il produit.
Je dis que c'est là
une mauvaise manière de raisonner ; car il se peut que tel service des postes
constitue l'administration en perte ; ce qui n'empêche pas que ce service doive
être fait complètement. Il y a des services très onéreux à l'administration ;
l'administration se récupère sur d'autres services qui lui sont, au contraire,
très profitables ; ce serait mal argumenter que de produire des faits isolés
pour prétendre que l'administration des postes serait trop onéreuse ; en
définitive, l'administration des postes est une administration productive ;
elle procure au trésor un bénéfice net de plus de 200,000 fr. par an.
Et en passant nous dirons que l'administration du
chemin de fer, si vivement critiquée hier, sous le rapport des recettes, vient
ici considérablement en aide à l'administration des postes. C'est encore un de
ces services dont on ne tient jamais compte au chemin de fer. C'est un service
gratuit qui est très important. Ce service est fort onéreux dans d'autres pays,
et notamment en France où l'on est obligé d'allouer à la plupart des compagnies
des sommes considérables pour le transport des dépêches ; je pense que la
compagnie du chemin du Nord est la seule à laquelle on ait imposé la condition
de transporter gratis les lettres qui lui sont remises par l'administration des
postes.
Au reste, en ce qui
concerne les observations faites par l'honorable M. Loos, j'examinerai s'il n'y
a pas quelque erreur ou quelque circonstance exceptionnelle qui explique
l'élévation du chiffre indiqué par l'honorable membre.
M. Lebeau. - Messieurs, il
s'est accompli sous un des ministères dont M. Dechamps a fait partie, un fait
assez fâcheux pour la Belgique, et que j'ai déjà signalé à la chambre lors de
la discussion du dernier budget des travaux publics ; c'est l'établissement d'une
ligne postale entre New-York et les villes hanséatiques. Pour l'établissement
de cette ligne, il avait été, si je ne me trompe, si je m'en rapporte à des
renseignements respectables, fait des ouvertures réitérées au gouvernement
belge. Ces ouvertures paraissent avoir été accueilles avec une certaine
froideur, avec une certaine indifférence ; et de cet accueil il est résulté que
la compagnie américaine, qui voulait établir un service postal entre New-York
et le continent européen, a donné à Brême la préférence sur Anvers.
Ce n'est pas le
gouvernement américain qui a établi ce service, c'est une compagnie ; mais ce
gouvernement prenait le plus grand intérêt à l'établissement de cette ligne ;
ce qui le prouve, c'est qu'il la subsidie sur le trésor public jusqu'à
concurrence d'une somme supérieure à 2 millions de francs annuellement.
Je crois savoir que
le gouvernement américain et la compagnie elle-même avaient une prédilection
marquée pour Anvers et non pour Brème. Il est facile de comprendre que cette
prédilection, le gouvernement américain devait l'avoir ; il suffit pour cela de
jeter les yeux sur la carte ; c'est une question de géographie, c'est-à-dire
d'économie et de célérité.
Si, messieurs, il y a
plusieurs années déjà, il y a trois ou quatre ans, l'établissement de cette
ligne pouvait avoir une très grande importance pour la Belgique, pour le
gouvernement d'abord au point de vue purement fiscal, ensuite, ce qui est la
grande question, pour le commerce, à combien plus forte raison ne devrions-nous
pas nous féliciter aujourd'hui de l'établissement d'une semblable ligne ! Au
moyen du développement des chemins de fer allemands, nous ne sommes plus qu'à
33 heures de Berlin, à 66 heures de Vienne ! N'est-il pas évident que la ville
d'Anvers serait en quelque sorte le grand bureau de poste, le bureau central
des correspondance» entre une grande partie du continent européen et le
continent américain ? Toutefois j'espère que le mal n'est pas complètement
irréparable.
Je recommande ce grand
intérêt à toute la sollicitude du ministère actuel, à la sollicitude spéciale
de M. le ministre des travaux publics ; l'esprit élevé de ce ministre m'est
garant qu'un intérêt de cette portée ne saurait être dédaigné par lui ou
sacrifié, comme il semble l'avoir été jusqu'ici, devant des préoccupations de
politique personnelle.
Il ne suffît pas
d'avoir établi entre la Belgique et les Etats-Unis des transports par navires à
voiles ; cela peut être bon jusqu'à certain point pour le transport des
marchandises ou des voyageurs ; mais pour les correspondances, ce n'est que par
les voies accélérées, par la vapeur, que la Belgique peut lutter avec ses
concurrents, et ils sont nombreux.
L'Angleterre fait des
sacrifices considérables pour alimenter une navigation régulière à vapeur entre
ses ports et ceux des Etats-Unis d'Amérique ; l'Amérique elle-même, le
gouvernement fait des avances très (page
699) considérables à des compagnies dans le même but ; la France a aussi
accordé des subsides à une compagnie qui a établi différents services de la
France vers les Etats-Unis. La France a si bien compris cette nécessité que,
n’imitant pas le découragement où semblent tombés le gouvernement et le pays, à
la suite d’un essai malheureux, la France persiste, bien que le premier essai
paraisse aussi avoir été malheureux, dans la résolution d'établir un service
accélère entre les différents ports français et les Etats-Unis.
Je recommande donc de nouveau ce grand intérêt à
l'attention du gouvernement, et, messieurs, il y a jusqu'à cette grave question
des Flandres qui vient se rattacher à la mesure sur laquelle j'appelle
l'attention du gouvernement. C'est peut-être en multipliant les rapports de la
Belgique avec le grand marché des Etats-Unis que vous contribuerez plus
puissamment que par une loi constitutive d'une société d'exportation, si elle
n'était pas fécondée par de grands faits, que vous contribuerez à la solution
de la question des Flandres. Cette solution, sans doute, ne tient pas à une
cause, mais à une foule de causes. Si la chambre n'était pas si pressée
d'arriver au terme d'une discussion déjà si longue, j’aurais pu appuyer l'idée
que j'émets de beaucoup d'autres développements. D'ailleurs, j'ai la conviction
que l'intérêt que je recommande à M. le ministre des travaux publics est
parfaitement compris par le gouvernement tout entier.
M. Loos. - Je m'étonnais que
les améliorations qu'on vous signalait tout à l'heure ne se fussent pas
trouvées dans le budget des travaux publics de l'année dernière. Messieurs, si
les réformes indiquées par l'honorable M. Dechamps n'ont pas été introduites
pendant son ministère, je crois pouvoir en expliquer la cause ; toute réforme
ayant pour but l'introduction d'économies entraîne des déplacements d'individus
et la suppression de quelques emplois. En supprimant les emplois, on désoblige
ceux qui les occupent ou y prétendent.
J'espère que le
ministre actuel ne sera jamais arrêté par des considérations de cette nature ;
je suis persuadé que, quand il voudra introduire des réformes dans
l'administration des postes et qu'il consultera les fonctionnaires qui
l'entourent, les motifs ne manqueront pas pour le détourner. Mais je suis
convaincu aussi qu'il lui suffira de trouver une chose inutile pour qu'il se
décide à la supprimer.
M. le ministre pense
que c'est un mauvais moyen de juger l'administration d'un service en général
que de citer un bureau rétribué dans des circonstances extraordinaires.
Messieurs, le chiffre élevé des émoluments que j'ai signalé à la chambre existe
dans toutes les localités où il se trouve un directeur provincial. Et ce sont
précisément les attributions de ce fonctionnaire que j'ai voulu indiquer comme
superflues. J'ai dit que, dans le bureau de province que j'ai signalé, la
dépense totale était de 37,850 fr. Je me suis empressé de dire que les
émoluments du directeur provincial compris dans cette somme s'élevaient à
11,500 francs. Otez cette somme, et je ne trouve plus les frais de perception
exagérés.
Je reconnais au reste que si, dans ce cas spécial, les
frais de perception sont de 10 p. c, ils ne sont que de 5 p. c. sur la totalité
de la recette des postes.
J'ai voulu seulement
indiquer cette énorme dépense, en même temps que l'inutilité du rouage qu'elle
concerne.
Je prie M. le
ministre de vouloir prendre cette observation en considération.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Les dépenses que
signale l'honorable membre pour un bureau ne lui paraissent trop élevées que
lorsqu'il y comprend le traitement du directeur provincial. Mais cette manière
d'opérer n'est pas juste ; le traitement du directeur provincial ne peut peser
sur un bureau seul ; il s'applique à tous les bureaux de la province, placés
sous la direction, sous l'administration de ce fonctionnaire. De cette manière
le chiffre de l'honorable membre diminue très notablement.
Je n'ai pas examiné
si le traitement qu'il indique est normal, s'il n'est pas exceptionnel. J'ai
quelques raisons de croire que c'est en raison de circonstances particulières
que ce directeur a un traitement de 11,000 francs. En effet, pour le traitement
de l'inspecteur général et des neuf directeurs provinciaux, il y a une
allocation de 59,500 fr. Ainsi, la moyenne du traitement est bien loin du
chiffre indiqué par l’honorable membre.
Je suppose que c'est
en raison d'un service particulier, parce qu'il y a accroissement de charges
résultant non de sa direction provinciale, mais d'une direction provinciale
voisine, qu'il a un traitement plus élevé. Ce ne doit pas être un traitement
normal. J'examinerai au surplus, quels sont les motifs qui l'ont fait porter à
ce chiffre, et si ces motifs sont fondés.
Quant aux directions provinciales, dont on a, depuis
plusieurs années, critiqué l'institution (les critiques se sont renouvelées
encore cette fois), je me permettrai de faire observer qu'au département des
travaux publics on a constaté que cette institution a eu d'excellents
résultats, a amené beaucoup d'amélioration dans le service. L'administration de
postes, l'une de celles qui soulèvent le moins de critiques dans cette chambre,
a retiré des avantages de l'institution des directions provinciales. Je ne puis
donc partager l'opinion émise par l'honorable membre et qui avait déjà été
exprimée dans le sein de la section centrale.
M. Dechamps. - L'honorable M.
Lebeau a dit tout à l'heure que, d'après des renseignements qu'il croyait
fidèles et sûrs, il croyait pouvoir dire que le service des paquebots à vapeur
entre Anvers et New-York avait été accueilli froidement, avec une espèce
d'indifférence, par le ministère dont je faisais partie. Je me permettrai de
répondre à l'honorable M. Lebeau qu'il est dans l'erreur. Je connais la source
de ces renseignements.
Je sais que ces
renseignements sont tels qu'il n'a pas pu ignorer que, bien loin d'avoir
accueilli ce projet avec indifférence, j'avais fait beaucoup d'efforts pour
amener sa réalisation, son succès. Le gouvernement est parvenu par ses efforts,
par l'intervention de notre chargé d'affaires aux Etats-Unis et de notre consul
à New-York, à produire une prédilection non seulement du gouvernement
américain, mais même du commerce de New-York, en faveur du port d'Anvers.
Mais une chose nous a
manqué. La ville de Brème, par l'allocation d'un subside, a amené une
soumission, ce qui n'a pas eu lieu pour Anvers. Ainsi le sénat américain a été
saisi d'une soumission en faveur de Brème et non en faveur d'Anvers, parce que
le subside belge a manqué, tandis que les subsides brémois n'ont pas manqué.
Mais l'influence du gouvernement avait été telle que la concession n'a été
accordée par le sénat à la ligne de Brème qu'à une majorité de trois voix. La
minorité voulait Anvers au lieu de Brème.
Je puis vous affirmer
que, pendant que j'ai été au ministère des affaires étrangères, je me suis
constamment préoccupé de cette grave question, dont je comprends l'importance
autant que qui que ce soit. Ce n'est pas à l'indifférence du gouvernement qu'il
faut attribuer l'échec que nous avons subi, et cet échec, on peut, on doit le
réparer.
A cet égard, je me
permettrai d'interroger le gouvernement. Cette question est encore pendante. Le
gouvernement est placé entre deux systèmes. Je crois qu'il y aurait possibilité
d'amener des relations par bateaux à vapeur entre la Belgique et le
gouvernement américain, et d'obtenir le service de New-York à Anvers, sans
aucune dépense pour le trésor public.
Je m'explique.
Dans le contrat de la
compagnie Mills, qui a le service de New-York à Brème, il y a une clause
d'alternat. La compagnie s'était réservé la faculté d'alterner avec le Havre.
C'est-à-dire qu'il y aurait eu 24 départs du Havre et 24 départs de Brème. La
compagnie y avait tenu, parce que, d'après mes renseignements, elle croyait
très peu au succès de l'entreprise sur Brème et beaucoup au succès de
l'entreprise au sur le Havre.
L'année dernière, le
gouvernement français a établi une ligne de paquebots à vapeur entre le Havre
et New-York, de manière qu'il n'y a plus possibilité, pour la compagnie Mills,
de réaliser son projet d'alternat.
Le cabinet belge,
lorsque j'en faisais partie, a compris qu'il fallait saisir ce moment pour
amener la compagnie Mills à accepter Anvers au lieu du Havre pour utiliser la
faculté de l'alternat qu'elle s'était réservée.
L'intérêt du
gouvernement américain, l'intérêt des gouvernements allemands étaient engagés
dans le même sens. Nous n'avions à craindre qu'une seule influence contraire,
c'était l'influence de la ville de Brème. Or, j'ai cru qu'il était facile de
vaincre cette seule résistance isolée, à l'aide des intérêts de la compagnie,
du gouvernement américain et des gouvernements allemands coalisés en faveur du
choix d'Anvers au lieu du choix du Havre pour alterner le service avec Brème.
Le cabinet précédent
était arrivé à un premier résultat à cet égard. Le gouvernement américain avait
annoncé au gouvernement belge, l'année dernière, qu'il enverrait un haut
fonctionnaire de l'administration des postes, M. le major Hobbie, chargé de
négocier avec le gouvernement belge et avec les intérêts belges en cause
l'établissement d'une ligne succursale à la ligne établie entre Brème et
New-York.
Je sais que ce
fonctionnaire des postes américain était en Angleterre lorsque j'ai quitté le
département des affaires étrangères, et que son arrivée en Belgique nous était
annoncée pour entamer cette négociation. Je crois, en effet, que M. le major
Hobbie a passé, il y a peu de temps, par la Belgique.
M. Osy. - Il n'y a vu
personne.
M. Dechamps. - Je le
regretterais vivement dans l'intérêt de la question soulevée par l'honorable M.
Lebeau. Car il était chargé de cette négociation, non seulement avec le
gouvernement belge, mais avec les autres gouvernements du contient. Les
intérêts qui nous sont contraires auraient-ils eu assez d'influence pour
détourner le négociateur américain ? Ce serait un fait étrange.
Je demanderai au
gouvernement, si cette négociation est avortée et si nous ne pouvons espérer
qu'une négociation, dans ce sens, puisse amener des résultats. Je ne
comprendrais pas que ce résultat ne pût être obtenu, car tous les intérêts sont
coalisés pour favoriser le succès des efforts que j'avais tentés.
Si ce système ne peut
pas être réalisé, le gouvernement aura à examiner l'autre hypothèse,
c'est-à-dire rétablissement d'une ligne tout à la fois belge, allemande et
peut-être américaine.
Je crois, comme l'honorable M. Lebeau, que le port
d'Anvers ne peut pas rester privé d'un service de paquebots à vapeur vers les
Etats-Unis, quand le Havre, Brème et d'autres ports européens en seraient
dotés. Je conviens que dans ce système le gouvernement devra intervenir, comme
il faudrait amener, si c'est possible, l'intervention des gouvernements et du
commerce allemands. Je crois que ce système est réalisable, et que M. le
ministre des affaires étrangères a entre les mains des documents qui lui
permettraient, sans de grands sacrifices pour le trésor, de se décider en
faveur de ce second système, si le premier vient à échouer.
Je demande donc au
gouvernement, si tant est qu'il puisse donner des éclaircissements, sans
compromettre aucun intérêt, de vouloir nous dire (page 700) où en est la négociation que j’avais entamée sérieusement
avant mon départ du département des affaires étrangères.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, le cabinet actuel n'a pas perdu un
seul instant de vue l'intérêt important sur lequel d'honorables préopinants ont
attiré l'attention de la chambre.
Lorsque nous sommes
arrivés aux affaires, une ligne de paquebots à vapeur était déjà établie entré
New-York et Brème. C'est dans cet état que nous avons trouvé la question. Or,
il est évident que la position qui nous était faite était, sous ce rapport, défavorable
et que c'est au moment où s'agitait la question de l'établissement de la
première ligne entre les deux continents qu'on devait trouver l'occasion la
plus favorable, le moyen le plus facile d'obtenir l'établissement de la ligne
entre New-York et Anvers.
Je ne veux pas dire
que les cabinets précédents n'ont pas fait tous leurs efforts pour amener ce
résultat. Mais on doit reconnaître que, dans l'état actuel des choses, il y a
plus de difficulté d'obtenir l'établissement d'une ligne entre Anvers et les
Etats-Unis, que lorsqu'aucune ligne n'était établie entre les deux continents.
Messieurs,
l'honorable M. Dechamps vous a entretenus d'une combinaison consistant à
obtenir que le service actuel sur Brème alterne sur Anvers. En effet, j'ai
trouvé cette idée exprimée dans le dossier de l'affaire dont il s'agit, lorsque
je suis arrivé au département des affaires étrangères ; mais je dois dire à
l'honorable M. Dechamps que nous avons trouvé pour cette combinaison une
résistance absolue de la part de la compagnie elle-même et que cette idée a dû
être complètement abandonnée. La compagnie actuelle qui dessert le service
entre New-York et Brème, n'entend en aucune manière établir un alternat sur
Anvers ni, je crois, sur aucun autre port du continent.
Ainsi, la seule
combinaison que je regarde comme réalisable, comme possible, c'est celle d'un
service spécial entre Anvers et New-York. C'est cette combinaison dont nous
devons chercher la réalisation. Le gouvernement reconnaît qu'il y a un intérêt
des plus grands pour le pays dans l'établissement de ce service ; comme le
disait l'honorable M. Lebeau, un des meilleurs moyens d'activer nos
exportations, c'est d'avoir avec cet immense marché des Etats-Unis les rapports
les plus suivis, les plus actifs, les plus faciles que possible.
Messieurs, il suffit
de jeter les yeux sur la carte pour s'apercevoir, en effet, combien cette ligne
de navigation à vapeur est toute tracée ; lorsqu'on voit qu'une ligne est déjà
établie entre New-York et Brème, et une autre entre New-York et le Havre, on
doit être surpris que le point le plus avantageux, le mieux situé sur le
continent européen, que le port d'Anvers ne jouisse pas encore de cet avantage,
et que le gouvernement des Etats-Unis lui-même n'ait pas donné la préférence à
ce port. Ce port, en effet, est devenu la tête des chemins de fer européens, au
moyen desquels il se relie et avec la France et avec l'Allemagne, et, depuis
peu, avec Berlin et Vienne. J'ai tout lieu de croire, du reste, que le
gouvernement éclairé des Etats-Unis serait disposé à favoriser l'établissement
d'une semblable ligne de navigation à vapeur.
Messieurs, je crois
qu'un semblable service doit être créé et desservi par une compagnie. Or, on
conçoit que, dans les circonstances financières actuelles, on doive éprouver
d'assez grandes difficultés à réunir les capitaux nécessaires. Cependant un
comité s'est déjà formé à Anvers sous l'impulsion du gouvernement, pour
s'occuper de cette importante question. Le commerce des provinces rhénanes
attache aussi un très grand intérêt à la réalisation d'un semblable projet.
Je puis donc assurer
que jusqu'à présent, messieurs, nous n'avons négligé aucun moyen pour amener la
formation d'une compagnie. Si nos efforts étaient couronnés de succès, le
gouvernement et les chambres verraient de quelle manière on peut venir en aide
à cette société.
L'honorable M.
Dechamps a parlé d'un fonctionnaire américain qui devait se rendre en Belgique
pour s'occuper de cette question. Je sais en effet que ce fonctionnaire a
traversé le territoire belge ; mais il n'est entré en relation avec personne.
J'ignore si réellement il avait quelque mission à cet égard ; mais, ce qu'il y
a de certain, c'est qu'il ne s'est pas arrêté en Belgique.
M. Delfosse. remplace M. Liedts au
fauteuil.
- La clôture est
demandée et prononcée.
Articles 1 à 3
« Art. 1er.
Personnel: fr. 1,000,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 2.
Matériel : fr. 500,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 3. Frais de
construction et d'entretien de voitures destinées au service des postes sur le
chemin de fer : fr. 20,000. »
- Adopté.
Chapitre V. - Mines
Article premier
« Art. 1er.
Conseil des mines. Traitement des fonctionnaires, frais de route et
matériel : fr. 45,600. »
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, afin de
suivre le système que j'ai introduit dans ce budget, de séparer les dépenses du
personnel de celles du matériel, je proposerai de diviser cet article de la
manière suivante : c'est par inadvertance que la division n'a pas eu lieu :
« Art. 1er.
Traitement des fonctionnaires et employés au conseil des mines : fr.
43,200. »
« Art. 1bis.
Entretien et renouvellement du mobilier, achat de livres, chauffage,
éclairage : fr. 2,400. »
- La division
proposée par M. le ministre est mise aux voix et adoptée.
Les deux articles
sont ensuite successivement adoptés.
Article 2
« Art. 2.
Traitement des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau et de déplacement :
fr. 167,200. »
- Adopté.
M. le ministre
des travaux publics (M. Frère-Orban). - Messieurs, le
personnel des mines n'est pas, dans l'état actuel des choses, entièrement
rétribué. Il y a quelques agents de l'administration, nommés depuis 1845 et
1846, au nombre de trois, qui sont en fonctions et qui, jusqu'à présent, n'ont
pas de traitement. Je n'ai rien porté cette année du chef de ces agents, mais
j'ai cru devoir en faire l'observation, parce qu'il ne me sera pas possible de
laisser subsister le même état de choses au budget prochain. Le chiffre qui
vient d'être voté n'est donc pas un chiffre normal, il ne représente pas toute
la dépense du personnel ; il se trouvera augmenté au budget de 1849.
Articles 3 à 5
« Art. 3. Jurys
d'examen et voyages des élèves des mines : fr. 6,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 4.
Subsides aux caisses de prévoyance, secours et récompenses aux personnes qui se
sont distinguées par des actes de dévouement : fr. 45,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 5.
Impressions, achats de livres et d'instruments, encouragements et subventions
pour la publication des plans et mémoires, essais et expériences : fr.
9,000. »
- Adopté.
Chapitre VI. - Pensions
Article unique
« Article unique. Pensions : fr.
75,000. »
- Adopté.
Chapitre VII. - Secours
Article unique
« Article unique. Secours à des employés,
veuves ou familles d'employés qui n'ont pas de droits à la pension : fr.
18,000. »
- Adopté.
Chapitre VIII. - Dépenses imprévues
Article unique
« Article
unique. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr. 18,000. »
- Adopté.
Le vote définitif est
renvoyé à après-demain.
La séance est levée à
4 heures trois quarts.