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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 décembre 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative à la poste aux chevaux (de Garcia)
3) Projet de loi relatif à la péréquation cadastrale (Sigart)
4) Projet de loi portant le budget du département de
l’intérieur pour l’exercice 1848. Discussion des articles. Personnel de
l’administration centrale (Lebeau, de
Theux, Lebeau), conditions de la mise à la pension
du personnel de l’Etat (Lys, de Theux,
Lebeau, de Theux, Delfosse, de Theux, Lebeau, de Garcia, Mercier, Vanden Eynde, Veydt, Tielemans), frais
d’administration des provinces et recensement général de la population (Orban, Rogier, Maertens,
de Theux, Mercier, de Theux, Tielemans),
traitements des greffiers provinciaux (Maertens, Rogier) et des membres des députations permanentes (de Theux), frais des administrations provinciales (Rogier), traitement des commissaires d’arrondissement (Lebeau, Nothomb, de La Coste, Pirson, Tielemans, Lebeau, de Theux, Nothomb, Lebeau, Rogier de Muelenaere, Rodenbach),
encouragements à la voirie vicinale (notamment répartition entre provinces) (Eloy de Burdinne, de La Coste, Rousselle, David, Eloy
de Burdinne, de Theux, de
Tornaco, de La Coste, Rogier,
Eloy de Burdinne, de Mérode, de Garcia, Rogier, de Garcia, (droits de barrière) Orban,
Lebeau, de Theux, Eloy de Burdinne, (droits de barrière) Frère-Orban,
Rousselle, de Theux, de Mérode)
5) Projet de loi appliquant le principe de réciprocité
internationale en matière de jugements, d’actes authentiques et d’hypothèques
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 261) M. A.
Dubus procède à l'appel nominal à midi et un quart.
La séance est ouverte.
M. T'Kint de Nayer
lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M.
A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs cabaretiers et débitants de liqueurs, à Enghien,
demandent l'abrogation de la loi du 18 mars 1838, qui établit un impôt de
consommation sur les boissons distillées. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et
moyens.
__________________
« Le sieur Gislain, clerc de notaire, à Nil-Saint-Vincent, présente des
observations concernant la disposition du projet de loi sur le notariat relative
aux devoirs et aux obligations des notaires, en matière d'interdiction ou de
conseil judiciaire. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
COMPOSITION DES BUREAUX DE SECTION
Les sections de décembre se sont constitués ainsi qu'il suit :
Première section
Président : M. Osy
Vice-président : M. Delehaye
Secrétaire : M. Lesoinne
Rapporteur de pétitions : M. Broquet-Goblet
Deuxième section
Président : M. Lys
Vice-président : M. de Garcia
Secrétaire : M. Lejeune
Rapporteur de pétitions : M. Henot
Troisième section
Président : M. Rousselle
Vice-président : M. de Corswarem
Secrétaire : M. David
Rapporteur de pétitions : M. Zoude
Quatrième section
Président : M. Maertens
Vice-président : M. Lange
Secrétaire : M. Gilson
Rapporteur de pétitions : M. Van Cutsem
Cinquième section
Président : M. Destriveaux
Vice-président : M. Jonet
Secrétaire : M. T’Kint de Nayer
Rapporteur de pétitions : M. Tremouroux
Sixième section
Président : M. Raikem
Vice-président : M. Sigart
Secrétaire : M. Eenens
Rapporteur de pétitions : M. A. Dubus
___________
M. le
président. - Le bureau a complété la section centrale qui
a examiné le projet de loi sur les dépôts de mendicité et à laquelle la chambre
a. renvoyé hier une pétition. M. Kervyn a été remplacé par M. Dedecker et M. de
Saegher par M. Sigart.
MOTION D’ORDRE
M. de Garcia. -
Messieurs, la chambre est saisie d'une proposition relative à la poste aux
chevaux. Cette proposition a été renvoyée l'an dernier aux sections. Comme la
plupart des sections de cette époque ne sont plus complètes et que, du reste,
la chambre est maintenant plus nombreuse, je demanderai que la proposition dont
il s'agit soit renvoyée aux sections de décembre.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
PROJET DE LOI RELATIF A LA PEREQUATION CADASTRALE
M.
Sigart dépose le rapport de la section centrale qui a
examiné le projet de loi sur la péréquation cadastrale.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport et
met la discussion du projet à l'ordre du jour, immédiatement après le vote du
budget des voies et moyens.
Projet de loi portant le budget du département
de l’intérieur pour l’exercice 1848
Discussion des articles
Chapitre Ier – Administration centrale
Article premier
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr. 21,000.
»
- Adopté.
« Art. 2. Traitements des fonctionnaires, employés et gens de
service, sans que le personnel de l'administration centrale puisse être
rétribué sur d'autres crédits alloués au budget : fr. 202,05. »
M. Lebeau.-
Messieurs, je vois à la page 55 des annexes qu'en 1846 des fonctionnaires de
l'administration centrale ont été payés sur un chapitre du budget autre que
celui qui concerne cette administration. C'est ainsi que le traitement de
l'inspecteur pour les affaires d'industrie a été pavé sur le chapitre XVIII ;
je crois qu'il en est de même de quelques autres dépenses de personnel. Je
désirerais savoir si elles ont été reportées dans le budget actuel au chapitre
de l'administration centrale, comme la chambre en a plusieurs fois manifesté le
vœu. C'est pour elle le seul moyen de savoir ce que coûte le personnel d'un
ministère. On a d'ailleurs voulu sortir de cet amalgame de dépenses de
différentes natures.
M. de Theux. - Il serait
peut-être plus régulier de faire un article spécial pour le traitement de
l'inspecteur des affaires industrielles, au chapitre de l'industrie, comme cela
se pratique pour les employés des archives de l'Etat. A peine ce fonctionnaire
peut-il être considéré comme un employé de l'administration centrale. Il n'a
pas été compris dans les cadres du personnel de l'administration, déterminés
par l'administration par l'arrêté organique de la fin de l'année dernière.
M. le
président. - La proposition de M. de Theux viendrait.se
placer au chapitre de l'industrie.
M. Lebeau.
- Je ne vois aucun inconvénient à ajourner la discussion au chapitre de
l'industrie. Le seul but que je veux atteindre, c'est qu'à la première
inspection du budget, la chambre soit toujours édifiée sur ce que coûte le
personnel et sur ce que coûte le matériel,
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
L'observation est juste.
- L'article est mis aux voix et adopté.
Articles 3 et 4
« Art. 3. Fournitures de bureau, impressions, achats et réparations
de meubles, éclairage, chauffage et menues dépenses : fr. 30,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 4. Frais de route et de séjour, courriers
extraordinaires : fr. 3,500. »
- Adopté.
Chapitre II – Pension et secours
Article premier
« Art. 1er. Pensions : fr. 150,000. »
M. Lys.
- Messieurs, je ne viens pas m'opposer au chiffre demandé par le gouvernement
pour les pensions. Mais je dois faire remarquer à la chambre que ce chiffre
augmente chaque année, et que le chiffre des pensions, tel qu'il est réglé par
une loi, deviendra à l'avenir une charge fort lourde pour l'Etat.
Messieurs, je ne trouve pas mauvais qu'on mette à la pension d'anciens
fonctionnaires. Car pour moi, c'est là Une nécessité pour la bonne
administration et pour le bien du service. En effet, en voulant économiser sur
la pension, on pourrait par là occasionner de grandes pertes à l'Etat. On sait
qu'à un certain âge les hommes n’ont plus l'activité suffisante, et que le
pouvoir a besoin d'hommes qui ne manquent pas d'activité parce que dans
certaines circonstances ils pourraient causer au gouvernement des pertes plus
fortes que les pensions qu'on leur fait.
Mais, selon moi, la collation des pensions, telle qu'elle est réglée,
laisse beaucoup à désirer, et j'engage le gouvernement à examiner s'il n'est
pas possible d'apporter un remède à la situation actuelle. En effet, n'est-ce
pas une chose extraordinaire que devoir d'anciens fonctionnaires qui jouissent
d'une grande fortune, qui ont 20, 30, 40 mille francs de revenus, j'en connais
qui en ont beaucoup plus, et qui obtiennent, à charge de l'Etat, une pension
très forte ?
C'est là une véritable insulte à la misère des petits
contribuables ; car le petit contribuable est souvent obligé de payer une
forte contribution pour un objet d'une nécessité absolue, et cette contribution
aide à payer des pensions à des personnes qui n'en ont aucun besoin pour leur
existence.
Je vois aussi figurer, dans les annexes qui nous ont été communiquées,
une pension accordée à un fonctionnaire public de l'ordre administratif. Je
pense, messieurs, que cette pension a été accordée un peu légèrement. Il est
possible qu'elle ait été accordée sur les certificats de deux médecins qui ont
annoncé que le fonctionnaire était atteint de telle ou telle infirmité ; mais
je ne crois pas que ces médecins aient déclaré que le fonctionnaire n'était
plus dans le cas de remplir ses fonctions à cause de cette infirmité. Car il
était à la connaissance des médecins, comme à la connaissance du gouvernement,
que ce fonctionnaire ne faisait, pour ainsi dire, qu'opter entre ses fonctions
administratives et les fonctions et entreprises industrielles auxquelles il
prenait part.
(page 262)
Je dis que c'est là une véritable option que ce fonctionnaire avait faite. Si
le cumul avait toujours été toléré, ce fonctionnaire n'aurait cessé aucune de
ses fonctions ; il ne les a cessés que parce que le cumul ne pouvait plus
exister et qu'il trouvait plus avantageux d'exercer ses fonctions
industrielles, de se livrer à ses entreprises industrielles, que de remplir ses
fonctions administratives. Or, on a pensionné ce fonctionnaire, prétendument
parce qu'il ne pouvait plus remplir ses dernières fonctions. Je crois qu'à cet
égard le gouvernement a posé un acte peu conforme aux intérêts du pays.
M. de Theux. -
Messieurs, j'entends formuler une accusation extrêmement grave par l'honorable
M. Lys, à la charge de deux médecins qui jouissent dans la localité où ils exercent
leur état, de la plus grande considération. Jusqu'à ce que nous ayons d'autres
preuves du peu de fondement de leurs certificats que l'assertion de l'honorable
M. Lys, je me permettrai de croire au fondement de la déclaration de ces deux
médecins.
Maintenant, de ce que la demande de pension a coïncidé avec une
circonstance d'incompatibilité il ne s'en suit pas que si cette incompatibilité
n'avait pas été annoncée, l'infirmité n'aurait pas existé, et la demande de
pension n'aurait pas eu lieu à une époque rapprochée.
Voilà la seule observation que je croie devoir présenter ; mais ayant,
comme ministre de l'intérieur, demandé le certificat des deux médecins
jouissant de la considération publique, je ne puis laisser passer sans réplique
l'assertion de l'honorable M. Lys, à savoir que ces médecins auraient forfait à
leur devoir, à leur conscience.
M. Lebeau.
- Messieurs, je suis très disposé à croire à la sagacité médicale des
praticiens qui ont donné les certificats exigés. Cependant il arrive parfois, à
l'occasion des pensions accordées à des fonctionnaires déclarés incapables de
servir ultérieurement l'Etat et qui ne se trouvent pas dans une position
exceptionnelle, législativement parlant ; il arrive parfois des choses assez étranges
: c'est que des hommes, condamnés à l'impuissance administrative la plus
absolue par des médecins, se trouvent tout à coup dans une disposition
tellement différente qu'on les voit solliciter vivement des positrons
administratives, bien qu'ils soient déjà inscrits au livre des pensionnaires.
Je ne veux pas ici citer des noms propres ; mais dans une conversation
particulière. je pourrais à l'instant citer une douzaine d'hommes déclarés par
la Faculté incapables de remplir à l'avenir aucune fonction publique et qui se
trouvent eux-mêmes, d'après leur propre déclaration, si bien portants qu'ils
offrent leurs services au gouvernement.
Que résulte-t-il de là ? Je ne dirai pas une conduite condamnable de la
part des médecins, dans le sens le plus rigoureux du mot, mais un certain
optimisme, une certaine façon d'envisager les choses dans le sens le plus
avantageux pour celui qui les consulte. Je crois à une certaine indulgence, à
une certaine facilité. Je m'étonne que quand il s'agit de grever le trésor de
pensions considérables, le gouvernement soit désarmé plus qu'il ne l'est, par
exemple, quand il s'agit de lui enlever un milicien. Dans ce cas, ce n'est pas
à la seule déclaration d'un médecin étranger qu'on se rapporte ; il faut qu'un
homme, investi de la confiance du gouvernement, joigne son témoignage à celui
du médecin étranger.
Je pense donc que, dans l'application de la loi
sur les pensions, s'il y a un abus à relever, c'est la facilité trop grande
avec laquelle on donne des certificats de maladies incurables aux solliciteurs
de pensions.
J'appelle sur ce point l'attention du gouvernement ; il pourrait
probablement, par les voies purement administratives, se mettre en garde contre
un abus dont les conséquences peuvent être très onéreuses pour le trésor
public.
M. de Theux. - D'après
le principe consacré par la loi, quand un fonctionnaire demande sa pension pour
cause d'infirmité, les faits articulés par le pétitionnaire sont soumis à
l'examen de deux médecins. Lorsque le gouvernement a fait choix de deux
médecins jouissant de la considération publique, il a rempli son devoir, il ne
doit pas se mettre au-dessus des hommes de l'art pour des faits en dehors de la
compétence du ministre. Cependant les observations de l'honorable M. Lebeau
peuvent avoir quelque chose de fondé ; il faudrait alors réviser la loi des
pensions, il faudrait exiger d'autres formalités que le certificat de deux
médecins.
Revenant à l'observation faite par l'honorable M. Lebeau, ma mémoire me
rappelle un autre fait qui s'est passé en 1840. Je cite ce fait parce qu'il n'y
a là aucune espèce de personnalité, et qu'il y avait aussi fondement à accorder
la pension. Les membres qui connaissent le fonctionnaire auquel je fais
allusion savent qu'il y avait, comme je viens de le dire, fondement à accorder
la pension. Cependant, qu'avons-nous vu ? Un fonctionnaire public qui se
croyait capable de remplir les fonctions de ministre, demander sa pension au
ministère qui a succédé à celui dont il devait faire partie ; nous avons vu ce
fonctionnaire se retirer d'une fonction importante et demander sa mise à la
pension pour cause d'infirmité, à très peu de jours de distance de la formation
du nouveau cabinet.
Ce fonctionnaire avait-il réellement
une maladie grave ? Je le crois, j'en suis parfaitement convaincu, et c'est
parce que j'en étais parfaitement convaincu, que je n'ai pas hésité à déférer
au certificat des deux médecins. que j'avais désignés et qui jouissaient de la
confiance publique. C'est un fait qui a beaucoup d'analogie avec celui dont il
s'agit et une apparence de gravité beaucoup plus grande, car le fonctionnaire
dont je parle s'était cru capable de remplir des fonctions ministérielles peu
de temps avant la demande de sa mise à la pension.
Je suis convaincu que ce fonctionnaire s'était fait illusion et qu'il
aurait succombé sons le poids des fonctions ministérielles qu'il avait cru
pouvoir accepter. C'est ce qui fait que je n'ai pas hésité à accorder la
pension sur les certificats des médecins. Voilà comment des faits inexplicables
aux yeux du public, s'expliquent cependant quand on les examine de près.
M.
Delfosse. - Je ne révoque pas en doute la science des
deux médecins qui ont délivré le certificat auquel on vient de faire allusion ;
je ne révoque pas non plus en doute leur bonne foi, je n'irai pas jusqu'à
prétendre, comme l'honorable M. de Theux l’a dit tantôt, qu'ils ont forfait à
leur devoir, j'aime mieux supposer qu'ils ont été dans l'erreur.
Quelle est la teneur du certificat qu'ils ont délivré ? Si ce certificat
se borne à constater une infirmité, il n'y a rien à dire ; mais si le
certificat porte en outre que l'infirmité constatée était de nature à empêcher
la personne dont il s'agit de remplir les fonctions administratives qui lui
avaient été confiées, il y a eu évidemment erreur.
Tout le monde sait dans la ville que j'habite, il est de notoriété
publique que la personne, dont il s'agit, pouvait très bien continuer à remplir
ses fonctions administratives et que si elle y a renoncé, c'est uniquement
parce qu'elle se trouvait, par suite d'une mesure générale que le gouvernement
avait prise, dans la nécessité d'opter entre ces fonctions et d'autres
fonctions industrielles dont elle était également chargée ; il est de notoriété
publique que, si cette personne a renoncé à ses fonctions administratives, ce
n'est nullement pour cause d'infirmités, mais bien parce qu'elle trouvait les
autres fonctions, les fonctions industrielles, plus lucratives.
La meilleure preuve que l'on puisse donner de la vérité de ce fait,
c'est que la personne dont il s'agit dirige encore, à l'heure qu'il est, un
établissement qui a une grande importance et d'immenses relations ; c’est
qu'elle est en outre intéressée dans plus d'une entreprise considérable qui
exige beaucoup de soins et de travail.
Il n'est pas, messieurs, difficile d'obtenir des certificats de
médecins, constatant l'une ou l'autre des infirmités dont l'espèce humaine est
affligée ; je pourrais, si je voulais obtenir un certificat de médecin dont il
résulterait que j'ai une santé qui exige de grands ménagements. Est-ce que cela
m'empêche de remplir mes fonctions législatives avec assiduité, de prendre part
à vos discussions ? Eh bien, je suis convaincu qu'il en est de même de l'ancien
fonctionnaire auquel il est fait allusion, les infirmités dont il peut être
atteint ne l'auraient pas plus empêché de remplir ses fonctions administratives
qu'elles ne l'empêchent de diriger les travaux importants de l'établissement à
la tête duquel il est placé et des entreprises dans lesquelles il a un intérêt.
J'engage vivement M. le ministre de l'intérieur et ses collègues à
mettre la plus grande sévérité dans l'examen des pièces relatives aux demandes
de pension ; le gouvernement n'est pas lié par les certificats de médecins. Si
le gouvernement a la conviction que les fonctionnaires qui sollicitent leur
pension et qui produisent des certificats de médecins, se trouvent néanmoins en
état de remplir leurs fonctions, il peut, il doit repousser leur demande, sans
tenir compte des certificats. Le gouvernement ne doit pas perdre de vue que le
chiffre des pensions va toujours croissant, et que, si l'on n'y prend garde, il
deviendra une charge extrêmement lourde pour le pays.
Si le ministre précédent avait eu les intérêts du
trésor plus à cœur, il ne s'en serait pas rapporté aussi légèrement qu'il l'a
fait aux certificats de médecins qui ont été produits par un ancien commissaire
d'arrondissement ; si, au lieu de s'en rapporter à ces certificats, il avait
consulté la notoriété publique ; s'il avait même pris en considération des
faits qui devaient être à sa connaissance personnelle (l'ancien ministre de
l'intérieur était, je pense, au courant de tout ce qui concerne le
fonctionnaire en question), il aurait reconnu que ce fonctionnaire était
parfaitement apte au travail, et il n'aurait pas donné au pays, et
particulièrement à la ville que j'habite, le scandale, le mot n'est pas trop
fort, d'une pension accordée à un homme qui, comme l'honorable M. Lys le disait
tantôt, jouit d'une belle fortune, et qui sait, lorsque ses intérêts l'exigent,
déployer la plus grande activité.
J'appelle sur ce point l'attention sérieuse de MM. les ministres, et
j'espère qu'ils feront tout ce qui dépendra d'eux pour empêcher le retour d'un
tel scandale.
M. de Theux. - Je suis
étonné de cette discussion, après le silence religieux qui a été observé au
sujet du fait que j'ai cité et au sujet d'un fait beaucoup plus grave, à mon
avis, qui s’est produit en 1840.
II s'agissait alors d'un fonctionnaire qui a été pensionné pour des
fonctions exercées sous le gouvernement précédent et qui a été reconnu, par le
cabinet actuel, propre à reprendre des fonctions de même nature. .
Dans aucune de ces deux circonstances, des observations de la nature de
celles qui viennent d'être présentées m'ont été produites. Pour nous, nous
n'agissons pas de cette manière.
Revenant au fonctionnaire qui a été l'objet
spécial de cette discussion, il est à ma connaissance qu'un autre médecin,
auquel on avait manifesté de l'étonnement du certificat qui avait été délivre,
a dit que s’il avait été appelé à délivrer le certificat, il en eût délivré un
encore beaucoup plus fort que celui de ses collègues.
On dit que ce fonctionnaire remplit des fonctions industrielles. Mais
ces fonctions industrielles n'exigent pas à beaucoup près la même assiduité, le
même travail que les fonctions de commissaire d'arrondissement (page 263) et de commissaire de milice.
Au surplus, si je me rappelle bien, c'était principalement sur le motif de
surdité, de dureté d'ouïe qu'était fondé le certificat des médecins, et ce fait
est exact.
M. Lebeau.
- Messieurs, j'ai entendu dire tout à l'heure que les dispositions de la loi
étaient tellement formelles sur les conditions à remplir pour l'obtention des
pensions, que le redressement d'une espèce de grief que nous signalons ne
pourrait être obtenu par voie administrative. S'il en est ainsi, j'appelle la
sérieuse attention du gouvernement sur la législation elle-même. Il est certain
que le sentiment public proteste avec énergie contre les facilités avec
lesquelles on obtient les certificats d'incapacité, d'incurabilité.
Je n'accuse pas les administrations
précédentes ; je n'en accuse aucune. Si elles se sont renfermées dans les
règles d'une stricte légalité, d'une légalité vicieuse, ce n'est pas à elles
que le reproche s'adresse, c'est à la législation même.
Si les abus que l'on signale de toutes parts, et à l'appui desquels on
pourrait citer beaucoup de noms propos, existent réellement et si l'on ne peut
en obtenir le redressement par voie administrative, il importe, sous peine de
voir tous les ans remettre le chiffre des pensions en question, de voir ce
chiffre devenir l'objet d'une discussion plus ou moins vive, que le
gouvernement porte la plus sérieuse attention sur cet objet.
M. de Garcia. -
Messieurs, malgré la répugnance que j'éprouve à provoquer la révision des lois
organiques qui ont fonctionné peu de temps, comme je l'ai dit pour la loi
d'organisation de l'armée, j'appuierai cependant les observations de
l'honorable M. Lebeau.
Je pense que la loi des pensions est une source de dépenses énormes pour
l'Etat. Depuis que la loi a été publiée, le budget a grossi chaque année de 40
à 50 mille fr. du chef de pensions, et cette année, ce chiffre sera notablement
dépassé. Dès lors on doit être conduit à croire que cette loi a quelque chose
de ruineux pour le pays. Il est donc important d'examiner les améliorations
qu'on pourrait y introduire.
On a parlé du sentiment public qui proteste contre cette loi. C'est très
vrai, et je puis ajouter que le même sentiment public proteste partout contre
la disposition relative à la pension des ministres.
Ainsi, appuyant les observations de l'honorable M. Lebeau, je demanderai
que cette loi fasse l'objet de l'attention du ministère et qu'il nous propose
toutes les réformes propres à amener des économies dans cette branche des
services publics.
M. Mercier. - Messieurs, je me joins
aussi à l'honorable M. Lebeau pour émettre le vœu que les vices qui peuvent
exister dans la législation des pensions soient corrigés. Mais je ne puis,
comme l'honorable M. de Garcia, attribuer les abus dont on se plaint à la
législation actuelle. Car la disposition que l'on a principalement critiquée
est la même que celle qui était précédemment en vigueur. Si cette disposition a
été modifiée, c'est dans un sens à rendre les abus plus difficiles.
Ainsi, tout en demandant également que l'on avise à des moyens plus
efficaces, je fais remarquer que ce serait à tort que l'on supposerait que
l'augmentation des charges serait le résultat d'une législation qui a eu pour
objet de réduire le taux des pensions.
M.
Vanden Eynde. - Je désire dire un mot sur le point sur lequel
l'honorable M. Lebeau a appelé l'attention du cabinet.
J'ai eu l'honneur de faire partie de la commission qui a proposé un
projet de loi pour les pensions ; je crois que c'était sous le ministère de
honorable M. Mercier.
La disposition dont il s'agit a fait l'objet, dans cette commission,
d'une discussion assez longue et d'une opposition assez forte. Je me rappelle
très bien que, pour ma part, j'en ai demandé le redressement et que j'ai
signalé les abus qui avaient été faits de l'ancien règlement pour les pensions
des employés du ministère des finances, où se trouvait une disposition
semblable. J'ai manifesté la crainte que lorsque la loi serait votée, les mêmes
abus ne se reproduisissent parce que les ministres ne pourraient se défendre
d'admettre les certificats qu'on demandait au titulaire qui réclamait sa
pension comme pièces probantes de ses infirmités.
J'ai même demandé, à cette époque, que la commission
voulût examiner s'il ne serait pas possible d'admettre dans la loi des pensions
civiles les dispositions relatives à la mise à la pension des officiers de
l'armée pour causes d'infirmités.
Dans la loi sur les pensions des officiers de l'armée, on ne se contente
pas d'un certificat de deux médecins. On soumet le titulaire qui demande une
pension pour cause de maladies à d'autres épreuves, et je crois que ces
épreuves sont telles qu'il est impossible qu'après les avoir subies on puisse
tromper encore le gouvernement.
Je demande donc que le gouvernement veuille bien examiner s'il ne serait
pas possible d'introduire dans la loi des pensions civiles les dispositions de
la loi des pensions militaires relativement aux pensions à accorder pour cause
d'infirmités.
M. le
ministre des finances (M. Veydt). -
Messieurs, les certificats des médecins exercent nécessairement une influence
prépondérante sur les décisions d'admission à la pension. Toute mesure qui
tendrait à les corroborer, en fournissant au ministre d'autant plus de
garanties, ne peut être que conforme aux vues du gouvernement.
Mais, en admettant que des garanties complètes soient trouvées et
introduites, il n'en résultera pas une diminution aussi considérable sur le
chiffre des crédits alloués pour le service des pensions, qu'on pourrait être
porté à le croire. Nous sommes arrivés à une période où, pendant quelques
années encore, il y aura lieu à la mise à la retraite d'un grand nombre de
fonctionnaires et d'employés. Il ne faut pas s'en prendre seulement à la loi.
Pour ne parler que du ministère des finances, il y a, pour l'exercice 184S, une
augmentation de 48,000 fr., et le chiffre total pour les pensions des
fonctionnaires et employés de ce département est, si je me le rappelle bien, de
1,320,000. Je crains bien que ce ne soit pas le maximum des années
subséquentes, du moins pendant un certain temps.
Cependant, messieurs, je me suis
assuré, dès mon entrée, que les pensions ne sont accordées que dans les cas
d'absolue nécessité, et ce qui tend à le prouver, c'est que la moyenne des
années des pensionnés du service actif est de 54 1/2 années et de 63 pour ceux
du service sédentaire. Certes, messieurs, cette moyenne est assez élevée, même
la première, car le service des douanes est rude ; il expose à des fatigues, à
une vie en plein air dans toutes les saisons, qui ne peuvent manquer de
compromettre la santé.
J'en reviens aux observations qui ont été présentées par les honorables
préopinants afin d'augmenter le contrôle sur la nécessité d'accorder des
pensions. L'honorable M. Vanden Eynde a cité les mesures adoptées par le
département de la guerre. Ce moyen, comme d'autres qui pourraient être
indiqués, mérite sans doute de fixer l'attention du gouvernement, et la
discussion qui vient d'avoir lieu sera, je pense, aussi utile sous ce rapport.
M.
Tielemans. - D'après ce que je viens d'entendre, il semblerait que le
ministère est entièrement désarmé en ce qui concerne les certificats produits
pour l'obtention d'une pension. Je ne voudrais pas que cette opinion
s'accréditât. Selon moi, il y a dans le code pénal une disposition qui
s'applique expressément à ces certificats. L'article 162 porte, en effet,
textuellement :
« Les faux certificats, d'où il pourrait résulter soit lésion envers des
tiers, soit préjudice envers le trésor royal, seront punis selon qu'il y aura
lieu. »
D'après les dispositions des paragraphe 3 et 4 de la présente section,
d'après cet article et en présence des faits graves qui ont été cités tout à
l'heure, je crois devoir appeler particulièrement l'attention du gouvernement
sur l'application de la loi pénale, s'il y a lieu, aux certificats dont il
s'agit.
- L'article est adopté.
Articles 2 et 3
« Art. 2. Secours à d'anciens employés belges aux Indes, ou à leurs
veuves : fr. 5,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 3. Secours à d'anciens fonctionnaires et employés ou à leurs
veuves, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres à
l'obtention d'un secours, à raison de leur position malheureuse : fr.
7,000. »
M. le
président. - Le gouvernement avait proposé de substituer
au libellé de cet article, le libellé suivant :
» Secours à d'anciens employés, à des veuves ou familles d'employés, qui
se trouvent dans une position malheureuse : fr. 7,000 fr. »
La section centrale propose le maintien du libellé primitif.
M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je m'y
rallie, sauf à faire une proposition nouvelle au budget de 1849.
- L'article est adopté.
Chapitre III – Statistique générale
Article premier
« Art. 1er. - Frais de publication des travaux de la division de
statistique générale, de la commission centrale, ainsi que des commissions
provinciales : fr. 24,050 »
- Adopté.
Article 2
« Art. 2. Complément des frais d'exécution, de rédaction et de
publication relatifs au recensement général de la population, de l'agriculture
et de l'industrie : fr. 100,000. »
- Le gouvernement a proposé de substituer à cet article deux articles
dont le premier est ainsi conçu :
« Art. 2. Complément des frais d'exécution, de rédaction et de
publication relatifs au recensement général de la population, de l'agriculture
et de l'industrie : fr. 75,000. »
- Cet article est adopté.
Article 3
« Art. 3. Frais de bureaux spéciaux de statistique à établir dans
les gouvernements provinciaux : fr. 25,000. »
M. Orban.
- Il s'agit ici, messieurs, d'un crédit nouveau à porter au budget de
l'intérieur. La section centrale n'a adopté ce crédit nouveau qu'en
recommandant à M. le ministre de n'en faire l'application que si, lors de
l'organisation des administrations provinciales, une augmentation de dépenses
était jugée nécessaire pour assurer la bonne expédition des affaires.
Quant à moi, messieurs, je crois que la conclusion naturelle des
considérations émises par la section centrale, était le rejet ou l'ajournement
de cette allocation, puisque la nécessité n'en est pas démontrée, au moins pour
le moment.
Quant à moi, messieurs, je ne crois pas à l'augmentation de travail, et
par conséquent, je n'admets point la nécessité d'un crédit nouveau pour le
rétribuer.
Il s'agit, nous dit-on, de mettre les gouvernements provinciaux à même
de créer un bureau spécial destiné à tenir au courant la statistique (page 264) de la population, et à
pouvoir en présenter chaque année le recensement exact. Eh bien, sous ce
rapport il n'y a rien de nouveau dans les attributions, dans, la tâche imposée
aux administrations provinciales. De tout temps, messieurs, elles ont été
chargées de réunir les matériaux nécessaires pour établir les registres de la
population. C'est au moyen de ces matériaux que l'administration centrale a
publié chaque année le recensement général dont chacun de vous reçoit
annuellement un exemplaire..
A l’avenir, il est vrai, ce recensement sera fait avec plus d'exactitude
; mais cette exactitude, plus grande serait-elle le résultat d'un travail plus
grand de la part des administrations provinciales ? En aucune manière ; l'état
annuel sera plus exact parce que le point de départ, le chiffre actuel de la
population constaté par le recensement général sera lui-même plus exact, et en
second lieu parce que les éléments en seront préparés avec plus de soin dans
les communes. A dater du dernier recensement, en effet, des mesures ont été
prises pour que les registres de l'étal-civil fussent tenus avec une
ponctualité nouvelle. Si donc il y avait surcroît de besogne, ce serait à
charge des communes et non des administrations provinciales.
L'on nous fait espérer qu'au moyen de ces mesures l'on pourra éviter un
nouveau recensement général à l’expiration d'une nouvelle période de 12 ans et
l'on nous représente cela comme une économie. Je vois ici une chose positive.
C'est une nouvelle dépense annuelle de 25,000 fr. qui représentera au bout de
12 ans, avec les intérêts composés, une somme supérieure à celle qu'a coûté le
recensement général. Ainsi nous avons, dès maintenant, la certitude d'une
dépense de plus de 500,000 fr. pour recensement annuel, et la possibilité d'une
dépense de 500,000 fr. au bout de cette période pour renouveler le recensement
général.
Messieurs, je n'entends point contester la
nécessité d'une augmentation dans l'allocation destinée à subvenir aux frais
d'administration de certaines provinces. Mais cette nécessité n'existe point
partout. C'est seulement lorsque l'on procédera à la réorganisation des
administrations provinciales, que l'on pourra apprécier là où il existe des
besoins.
En attendant, il faut s'abstenir, à moins que l'on ne veuille poser en
principe que, toutes les fois qu'une loi nouvelle viendra donner un surcroît de
besogne aux administrations provinciales, il doive être pourvu à une
augmentation dans le chiffre de leur budget économique.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs,
l'allocation dont il s'agit, proposée au budget, par mon honorable
prédécesseur, a été adoptée par la section centrale. Seulement elle y a mis une
réserve, c'est que le gouvernement n'en fasse pas la répartition avant d'avoir
arrêté l'organisation définitive des bureaux des administrations provinciales.
Je prends volontiers l'engagement de ne procéder à la répartition de ce crédit
que lorsque je me serai assuré d'abord que l'établissement des bureaux de
statistique est indispensable et, en deuxième lieu, que le personnel actuel des
bureaux des administrations provinciales n'est pas suffisant pour la besogne
nouvelle. Je pense donc, messieurs, que, dans les termes dans lesquels le
crédit a été accordé par la section centrale, la chambre ne risque absolument
rien de le voter.
Je prends l'engagement, je le répète, de ne procéder à la répartition du
crédit qu'après que je me serai assuré d'abord que l'établissement de ces
bureaux de statistique est indispensable, et qu'il est aussi nécessaire de
créer des employés nouveaux.
Une promesse que je puis faire, c'est qu'autant que je pourrai, je
maintiendrai le personnel existant dans les limites actuelles Suivant moi, ce
qui manque à l'administration, ce n'est pas la quantité des employés ; il y en
a beaucoup ; il ne faut pas en augmenter le nombre ; il faut plutôt chercher à
fortifier les qualités administratives des employés existant. Il existe un
grand nombre d'employés dans toutes les branches administratives ; des sommes
considérables sont dépensées en traitements de toute espèce. Le désir du
gouvernement est de mettre un frein à l'augmentation du nombre des employés ;
un bon employé peut à lui seul faire très bien le travail de quatre ou cinq
employés médiocres. Il faut surtout éviter d'encombrer l'administration de
médiocrités.
Si donc la chambre vote le crédit,
elle peut être persuadée qu'il n'en sera fait qu'un emploi sage, mesuré. Si je
reconnais que cette somme n'est pas susceptible de recevoir une destination
utile, je n'hésiterai pas, d'abord, à ne pas en faire emploi ; en second lieu,
à ne pas la représenter au prochain budget.
Je dors dire au surplus que la proposition d'établir un bureau de
statistique dans les gouvernements provinciaux a été accueillie avec une faveur
marquée par les gouverneurs.
M.
Maertens, rapporteur. - Messieurs, j'avais demandé
principalement la parole pour faire connaître à la chambre que cette demande de
crédit a été l'objet d'une instruction administrative assez soignée. C'est
l'honorable M. de Theux, alors ministre de l'intérieur, qui en a conçu la
première idée : il a pensé que puisque le recensement est maintenant complet,
il était très important de le tenir constamment au courant. C'est ce motif qui
l'a engagé à demander l'avis des gouverneurs à cet égard.
La correspondance des gouverneurs est déposée sur le bureau ; tous ont
été pénétrés de l'utilité de la création d'un bureau de statistique générale.
Au dire des gouverneurs, le personnel de leurs
bureaux n'est pas suffisant pour se charger d'un travail aussi important, et il
faudrait deux ou trois employés en plus dans chaque gouvernement ; l'ensemble
des demandes des gouverneurs s'élevait de 32 à 35,000 fr. pour payer ce
service. M. le ministre de l'intérieur a été plus modéré : il s'est chargé de
réviser le personnel des gouvernements provinciaux, et il est à espérer qu'au
moyen de 25,000 francs, il pourra faire face à cette branche importante du
service.
Tout le monde doit être pénétré de la haute utilité de ce travail. Il
importe certainement qu'on soit toujours au courant du mouvement de la
population, que ces états soient toujours bien en règle. D'ailleurs, le
gouvernement lui-même n'a qu'à y gagner, car à mesure que la population d'une
ville augmente, cette localité change de rang sous le rapport des
contributions, et de ce chef il y a encore avantage pour le trésor.
Je pense que l'honorable M. de Theux, qui est en quelque sorte l'auteur
de la proposition, viendra l'appuyer aujourd'hui' devant la chambre.
M. de Theux. -
Messieurs, c'est précisément dans ce but que j'avais demandé la parole. J'avais
été frappé de la dépense énorme qu'entraîne le recensement de la population,
ainsi que de tous les autres inconvénients qui se rattachent à une semblable
mesure. Dès lors il m'a paru nécessaire et possible d'aviser à des moyens de
tenir constamment le gouvernement au courant du mouvement de la population.
J'ai communiqué cette pensée à la commission centrale de statistique qui l'a
adoptée et organisée. Si nous obtenons le résultat désiré, nous aurons obtenu
un résultat immense et de haute utilité.
M.
Mercier. - Messieurs, je dois appuyer le crédit, parce
que j'ai la conviction que cette dépense est réellement utile et qu'elle sera
employée d'une manière fructueuse. Je n'ai pas la connaissance de l'état des
choses dans les autres gouvernements provinciaux ; mais pour le Hainaut, je
sais qu'il serait impossible de continuer une statistique régulière, s'il n'y
avait pas d'accroissement dans le personnel ; cette statistique ne comprendra
pas seulement la population, comme on semble le supposer, mais bien d'autres
objets.
Du reste, M. le ministre de l'intérieur n'a pas
dit qu'il n'avait pas encore de conviction sur la nécessité d'une nouvelle
dépense, mais seulement qu'il n'était pas arrêté, quant à la hauteur du
chiffre.
D'un autre côté, l'engagement a été pris de n'user du crédit qu'après
mûr examen des besoins dans chaque gouvernement provincial, et après qu'il aura
été procédé à la réorganisation dont la section centrale a émis le vœu. Cette
réorganisation est très utile ; il est désirable qu'elle soit faite dans le
plus bref délai, afin de faire disparaître certaines anomalies, et de connaître
les besoins que fera naître l'institution d'un bureau permanent de statistique
; de cette manière on pourra conserver les employés qui ont acquis l'expérience
des travaux de statistique, tandis que si on ne procédait pas immédiatement à
l'organisation, les plus capables d'entre ces employés pourraient avoir trouvé
d'autres positions qu'ils n'abandonneraient pas.
M. de Theux. - J'ai
demandé la parole pour combattre l'ajournement, parce qu'il faut qu'il n'y ait
pas de lacune pour qu'on puisse profiter des travaux faits en 1846.
Maintenant il est évident qu'au bout d'un certain nombre d'années le
recensement général doit être opéré, si on ne parvient pas à réunir
annuellement toutes les données sur les mouvements de population, les
naissances, les décès, les changements de domicile. La commission centrale
avait proposé de décréter que le recensement aurait lieu tous les dix ans. J'ai
pensé qu'il était inutile de préjuger la question et je m'en applaudis, car la
commission centrale a reconnu qu'au moyen de quelques mesures administratives,
on pourrait connaître les mouvements de la population, ce qui est d'une très
grande utilité pour le gouvernement et pour la législature.
M.
Tielemans. - Je crois que la demande de 25 mille francs est
parfaitement justifiée par son objet. Je crois également que la déclaration
faite par M. le ministre de l'intérieur de n'employer cette somme qu'autant que
le personnel actuel ne suffirait pas pour faire la besogne dont il s'agit, doit
donner toute sécurité à la chambre. Mais il est un autre point sur lequel je
voudrais avoir un mot d'explication. La somme dont il s'agit a pour objet la
statistique générale ; si cette somme doit servir, soit à former de nouveaux
bureaux d'administration dans les provinces, soit à augmenter le personnel des
bureaux existants, le crédit devrait figurer au chapitre suivant, qui traite
des frais d'administration dans les provinces. Si au contraire il doit être
distribué à des employés dans les provinces, et que ces distributions doivent
émaner du ministère, il pourrait devenir une grande source d'abus, et je
voterais contre. Je demande donc si la somme en question sera répartie entre
les provinces à titre de frais d'administration.
M. de Theux. - C'est
ainsi que c'est entendu.
M.
Tielemans. - Si c'est ainsi que c'est entendu, l'allocation doit être
consentie, mais je demande alors qu'elle soit transférée au chapitre suivant.
- L'ajournement est mis aux voix, il n'est pas adopté.
L'article est mis aux voix et adopté.
La chambre adopte également le transfert au chapitre IV - Frais
d'administration dans les provinces.
Chapitre IV- Frais d’administration dans les
provinces
Discussion générale sur le chapitre
M.
Maertens. - Messieurs, ce n'est pas en qualité de
rapporteur, mais comme député que je prends la parole. Depuis notre
régénération politique, le sort (page
285) de tous les fonctionnaires a été assuré ; l'armée a eu son
organisation, l'ordre judiciaire a obtenu une augmentation de traitement, les
commissaires de district ont vu leurs appointements augmentés ; il en a été de
même des membres de la cour des comptes ; mais il est une classe de
fonctionnaires qui a été complètement oubliée, c'est celle des greffiers
provinciaux ; ils avaient autrefois 2,800 florins, soit environ 6,000 fr.
Aujourd'hui, ils ne jouissent plus que d'un traitement de 5,000 francs.
Déjà à différentes reprises des réclamations ont été faites dans cette
enceinte en leur faveur ; tout le monde reconnaît l'importance des travaux dont
sont chargés les greffiers provinciaux.
L'année dernière, trois honorables membres ont
fortement engagé le ministre de l'intérieur à proposer une somme de 9,000 fr.
qui aurait pour résultat de donner une augmentation de mille fr. à ces
fonctionnaires et de reporter ainsi leurs traitements au taux d'autrefois. Je
me présente avec d'excellentes recommandations, car celui qui a fait la
proposition était l'honorable M. de Brouckere qui, dans son expérience de
gouverneur, avait reconnu la nécessité de cette augmentation ; elle était
appuyée ensuite par l'honorable M. Verhaegen, et en troisième lieu par
l'honorable M. Rogier, actuellement ministre de l'intérieur. Cet honorable
membre terminait ainsi son discours :
« Je compte sur la sollicitude de M. le ministre de l'intérieur pour ces
fonctionnaires si importants dans l'ordre administratif, et j'espère que
l'année prochaine il se décidera à proposer en leur faveur une augmentation au
budget. »
Quant à moi je ne ferai pas de proposition ; je veux laisser l'honneur
de l'initiative au gouvernement ; je prie seulement M. le ministre de vouloir
bien nous dire de quelle manière il entend réaliser le vœu qu'il a émis, la
recommandation qu'il a faite l'année dernière en faveur de ces fonctionnaires.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le vœu
que j'ai exprimé l'année dernière n'a pas été accompli par le ministère
précédent, le traitement des fonctionnaires dont il s'agit est resté le même au
budget. Cependant je crois que mon prédécesseur avait compris comme moi
l'utilité et la convenance d'arriver à une augmentation de traitement pour les
greffiers provinciaux. Les greffiers provinciaux sont des fonctionnaires d'un
ordre très élevé dans la hiérarchie administrative ; et de plus leurs travaux
peuvent exercer l'influence la plus heureuse sur la bonne marche de
l'administration. Aujourd'hui leur traitement n'est pas en harmonie avec
l'importance et l'utilité de leurs fonctions. Toutefois, je ne prendrai pas
l'initiative de cette augmentation de dépenses.
Je serai très sobre de dépenses nouvelles ; je reconnais la nécessité de
procéder avec un sage esprit d'économie dans la dispensation des fonds du
trésor. Ce ne sera que sous l'empire de la nécessité ou de l'urgence que nous
nous déciderons à proposer des dépenses nouvelles. Nous sommes tout aussi amis
que qui que ce soit des économies sages. Rien ne nous serait plus agréable que de
pouvoir vous présenter des économies.
A part ces observations qui sont dictées par les
circonstances, je maintiens ce que j'ai dit l'année dernière à l'égard des
greffiers provinciaux. Pour ma part, je saisirai la première occasion favorable
d'apporter une amélioration à la situation de ces fonctionnaires.
Je dois ajouter qu'à défaut du budget de l'Etat, je ne sais pas si le
budget de la province, au service de laquelle le greffier est attaché, ne
pourrait pas porter une allocation qui servirait de supplément de traitement au
greffier. De cette façon tout se concilierait.
M. de Theux. - Je n'ai
pas à examiner maintenant la question de savoir s'il convient d'augmenter les
traitements des greffiers provinciaux ; car cette question ne peut être résolue
au budget en discussion. Le traitement de ces fonctionnaires a été fixé par la
loi provinciale. Pour le modifier, il faudrait réviser cette loi.
J'appellerai l'attention du gouvernement sur un autre point, sur le
traitement des membres des députations permanentes qui est fixé à 3,000 fr.
seulement. Cependant ces fonctions exigent un travail de toute l'année, des
déplacements très onéreux pour la plupart des membres des députations ; car
tous les arrondissements devant être représentés, il s'ensuit que la plupart
des membres de la députation n'ont pas leur domicile au chef-lieu. Ce qui
réduit leur traitement à très peu de chose. Si donc on révise le traitement des
greffiers provinciaux, il y aura lieu d'examiner la question du traitement des
membres des députations ; car, il ne faut pas se le dissimuler, il arrive
quelquefois que les conseillers provinciaux qui seraient le plus aptes à
remplir ces fonctions les refusent. Il est permis de supposer que l'exiguïté du
traitement, jointe aux déplacements continuels, n'est pas sans influence sur
ces refus.
Du reste, ce n'est pas le moment d'agiter ces questions d'augmentation
de traitement..
- La discussion est close sur l'ensemble du chapitre IV. La chambre
passe au vote sur les articles.
Articles 1 à 4
« Art. 1er. Province d'Anvers : fr. 97,000. »
- Adopté.
________________
« Art. 2- Province de Brabant : fr. 105,975. »
- Adopté.
________________
« Art. 3. Province de la Flandre occidentale : fr.
98,250. »
- Adopté.
_________________
« Art. 4. Province de la Flandre orientale : fr. 100,200. »
- Adopté.
Article 5
« Art. 5. Province de Hainaut : fr. 109,470. »
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Si je
laisse passer ce chiffre sans observation, ce n'est pas que j'entende me lier à
cet égard pour l'an prochain. M. le gouverneur du Hainaut m'a adressé des
lettres très instantes pour obtenir des augmentations en faveur de ses
employés. C'est une province d'une très haute importance, dont l'administration
est très compliquée, s'appliquant à des intérêts divers. Je tiens en réserve la
demande de M. le gouverneur du Hainaut. J'en ferai l'objet d'un examen.
Si je ne propose rien pour cette année, ce n'est pas à dire que, l'an
prochain, je ne serais pas amené à proposer une augmentation.
- L'article 5 est adopté.
Articles 6 à 9
« Art. 6. Province de Liège : fr. 100,190. »
- Adopté.
_________________
« Art. 7. Province de Limbourg : fr. 85,697. »
- Adopté.
_________________
« Art. 8. Province de Luxembourg : fr. 89,700. »
- Adopté.
__________________
« Art. 9. Province de Namur : fr. 88,400. »
- Adopté.
Chapitre V- Frais d’administration dans les
arrondissements
- La chambre passe à la discussion du chapitre V. Frais d'administration
dans les arrondissements.
Discussion générale sur le chapitre
M. Lebeau.
- Plusieurs fois, en dehors de cette enceinte, et je crois aussi dans la
chambre, on a présenté des observations sur la répartition faite par l'arrêté
du 13 juin 1845, entre les commissaires d'arrondissement, de leurs traitements
et de leurs frais de route. J'ai été amené de mon côté à examiner aussi les
bases de cette répartition et les chiffres des allocations attribuées aux
différents commissaires d'arrondissements, du double chef de leur traitement et
de l'abonnement pour frais de route. Et, je dois le dire, il est résulté pour
moi de cet examen une assez grande surprise. Peut-être les explications que
provoquera l'expression de mes doutes sur l'équité de cette répartition
feront-elles disparaître les anomalies qui m'ont frappé.
Pour bien apprécier la répartition qui a été faite par l'arrêté du 13
jain 1845, intervenu comme exécution d'un vote de la chambre qui avait
considérablement augmenté les moyens de rétribuer cette classe de
fonctionnaires publics, il faudrait pouvoir se rendre compte de différents
faits ; pour cela il faudrait puiser à des documents officiels. Je reconnais
par exemple qu'une des bases, un des éléments de pareille répartition c'est
l'importance, le nombre des affaires expédiées dans chaque arrondissement. Sous
ce rapport, le gouvernement seul pourrait donner des renseignements précis.
Mais en dehors de ces faits, et en se livrant à l'examen de ceux qui sont
notoires, qui sont officiels, on arrive à des conséquences qu'il est difficile
de concevoir.
Ainsi, par exemple, si nous prenons le chiffre par province, en le
divisant par le nombre d'habitants, de communes et d'hectares, on arrive
d'abord à des résultats singuliers et dont on est embarrassé de se rendre
compte.
Voici les résultats de ces calculs :
Répartition de l'allocation aux commissaires d'arrondissement pour traitements et frais de
bureau, par habitant, commune et hectare :
Anvers : par habitant : 10 c. ; par commune : 184
fr. ; par hectare : 9 c.
Brabant : par habitant : 5 c. ; par commune : 82 fr.
08 c. ; par hectare : 8 c.
Flandre occidentale : par habitant : 9 1/2 c. ; par
commune : 191 fr. ; par hectare : 13 1/2 c.
Flandre orientale : par habitant : 8 c. ; par
commune : 164 fr. 01 c. ; par hectare : 13 3/4 c.
Hainaut : par habitant : 7 1/2 c. ; par commune :
107 fr. 01 c. ; par hectare : 12 c.
Liége : par habitant : 10 c. ; par commune : 105
fr. 01 c. ; par hectare : 12 c.
Limbourg : par habitant : 15 c. ; par commune : 115
fr. 02 c. ; par hectare : 14 c.
Luxembourg : par habitant : 21 c. ; par commune :
189 fr. 01 c. ; par hectare : 8 c.
Namur : par habitant : 10 c. ; par commune : 64
fr. 04 c. ; par hectare : 6 c.
Autre comparaison :
Le Brabant, pour 330 commune» rurales, 538,000 habitants, reçoit 27,000
fr., ce qui fait par commune 82 fr. 08.
La Flandre occidentale, pour 233 communes rurales, soit 100 de moins que
le Brabant, et pour 477,090 âmes, reçoit 41,511 fr., soit par commune 191 fr.,
plus du double du Brabant.
Pour faire ressortir encore une anomalie, au moins apparente jusqu'à
explication ultérieure, qui existe dans la répartition entre les différentes
provinces comparées entre elles, je comparerai Namur à deux autres provinces.
Namur a 340 communes rurales et une population de 200,000 habitants. Or,
la province de Namur reçoit pour traitement et abonnement de ses commissaires
d'arrondissement, 21,893 fr., ce qui fait par commune 64 fr.
Le Luxembourg a 183 communes, près de la moitié de la province de (page 266) Namur, il a une population de
160,000 âmes seulement, et reçoit 34,087 fr., par commune 189 fr., trois fois
ce que reçoit la province de Namur.
Je compare une autre province à celle de Namur, la province de Limbourg.
La province de Limbourg a 240,000 hectares ; la province de Namur en a
366,000.
La province de Limbourg a 194 communes rurales ; la province de Namur en
a 340.
La province de Limbourg a 147,000 habitants ; la province de Namur en a
220,000.
Et Namur reçoit 21,900 fr., tandis que le Limbourg reçoit 22,300 fr.
La classification faite en 1845 paraît donc, au moins d'après ces
chiffres, très vicieuse pour les traitements.
Si je ne me trompe, on a suivi une base contre laquelle il y a beaucoup
à dire dans l'application qu'elle a reçue : c'est la classification adoptée par
la loi d'organisation judiciaire ; c'est-à-dire que quant aux traitements on a
cru devoir assimiler les commissaires d'arrondissement aux procureurs du roi.
Je crois, messieurs, que la classification des tribunaux n'a pas passé
sans contestation ; qu'il y a déjà beaucoup à dire contre la base qui a servi à
la classification ; et déjà même la chambre a corrigé en partie cette base ;
elle l'a modifiée. Mais je crois qu'elle était de tous points inapplicable aux
commissariats d'arrondissement. Je crois qu'il n'y a nulle analogie à établir
entre les procureurs du roi et les commissaires d’arrondissement.
Que le commissaire d'arrondissement soit au chef-lieu de la province ou
qu'il n'y soit pas, quant au travail, première base d'une bonne répartition,
c'est absolument la même chose.
Le procureur du roi, au contraire, qui siège au chef-lieu d'une
province, doit être nécessairement plus rétribué que le procureur du roi d'un
arrondissement ordinaire ; car il a de plus à s'occuper des appels
correctionnels des autres tribunaux et des débats de la cour d'assises ; dès
lors on conçoit qu'on ait mis ce fonctionnaire dans une catégorie à part et
qu'on lui ait fait un traitement plus élevé, à raison surtout de ce qu'on lui
enlevait l'indemnité qui précédemment lui était accordée du chef de la tenue
des assises.
Puis, messieurs, une base d'appréciation qui s'applique nécessairement
aux commissaires d'arrondissement, le nombre des communes, est assez
indifférente pour fixer le traitement des procureurs du roi, l'administration
judiciaire reposant sur de tout autres bases que l'administration communale
proprement dite.
Vous allez voir, messieurs, à quelles singulières conséquences on arrivé
par suite de cette analogie qu'on a imaginée pour fixer le traitement des
commissaires d'arrondissement en rapport avec celui des procureurs du roi.
Ainsi, par exemple, le traitement du commissaire d'arrondissement
d'Arlon est fixé à 5,250 fr. ; c'est-à-dire qu'il a le même traitement que les
commissaires des arrondissements de Mons, de Tournay, de Verviers, de Namur.
Or, savez-vous qu’elle est la population de l'arrondissement d'Arlon ?
20,800 habitants. Savez-vous quel est le nombre de ses communes ? 15.
Ainsi, l'arrondissement de Verviers pour une population de 76,200
habitants, supérieure de près de quatre fois à celle de l'arrondissement
d'Arlon, et pour 41 communes ; l'arrondissement de Tournay pour une population
de 104,000 âmes, cinq fois autant que l'arrondissement d'Arlon, et 83 communes,
quatre fois plus que le nombre des communes de l'arrondissement d'Arlon ; Namur
pour une population de 112,000 habitants et 121 communes ; Mons enfin pour une
population de 124,000 habitants et 75 communes, sont exactement rétribués comme
le commissariat d'Arlon.
Je vous demande, messieurs, si cette première base d'appréciation, cette
première base d'une bonne classification, le nombre des affaires et la
population, si le nombre des communes ensuite n'établissent pas, par la nature
même des choses, une différence profonde entre les localités que je viens
d'indiquer ? N'est-il pas visible, messieurs, que le commissariat d'Arlon,
composé de 15 communes et d'un peu plus de 20,000 habitants, ne peut pas
équitablement être traité comme Mons qui a 75 communes et 124,000 habitants ?
Voyons ce qui s'est passé pour les frais de bureau.
Là, les raisons d'analogie manquaient. Il ne s'agissait plus d'une
question de rang ; il ne s'agissait plus de dire que le commissaire
d'arrondissement devait, par je ne sais quelles raisons de convenance, être
placés sur la même ligne que le procureur du roi. Il s'agit bien des frais de
bureau, de ce qui est spécialement consacré au travail matériel.
Eh bien, je vois encore là des résultats singuliers, au moins en
apparence et jusqu'à explication. Ainsi, par exemple, pour les frais de bureau,
Louvain est sur la même ligne que Bruxelles. L'arrondissement de Louvain reçoit
pour frais de bureau, 3,809 fr., exactement comme l'arrondissement de
Bruxelles, et cependant l'arrondissement de Bruxelles a plus de communes que
l'arrondissement de Louvain ; l'arrondissement de Bruxelles a une population de
229,000 habitants, alors que l'arrondissement de Louvain n'en a que 121,000, la
moitié tout juste ; la ville de Bruxelles, bien entendu, n'est pas comprise
dans ce chiffre, pas plus que la ville de Louvain. Il s'agit, je l'ai déjà dit,
des populations rurales, des populations des localités qui ressortissent à
l'action des commissaires d'arrondissement.
Par une singulière coïncidence, il se trouve encore que l'arrondissement
d'Arlon est privilégié dans la distribution même des frais de bureau. Arlon,
qui a 13 communes et 20,000 habitants, reçoit 1,900 fr. de frais de bureau,
alors que Eccloo, qui a plus de communes et 46,000 habitants, ne reçoit que
1,750 fr., alors que Ostende, qui a 27 communes et 29,800 habitants, ne reçoit
que 1,740 fr.
Maintenant voici encore une comparaison à faire et d'où sortent des
conséquences qu'il m'est impossible de considérer au moins autrement que comme
le résultat d'erreurs. L'arrondissement de Hasselt a 60 communes, 53,700
habitants, et touche, pour frais de bureau, 2,632 fr . ; Namur a 121
communes, à peu près le double, 112,500 habitants, plus du double, et n'a en
plus que Hasselt qu'une soixantaine de francs pour frais de bureau ; Hasselt a
2,632 francs, Namur avec des communes et une population doubles, n'a que 2,680
francs.
Maeseyck, pour 33 communes et 30,800 habitants, reçoit, pour frais de
bureau, 2,632 francs ; Dinant, qui a 135 communes et 60,000 habitants, n’a que
2,699 francs, une soixantaine de francs en plus. Philippeville, avec 84
communes et 48,000 habitants, a moins que Maeseyck, avec 33 communes et 30,800
habitants.
Je sais, messieurs, que les différences que je signale ici ne dérivent
pas toutes de la répartition de 1845 ; je me hâte d'en faire l'aveu ; mais je
crois qu'il est difficile de méconnaître que la répartition antérieure à 1845,
du chef des frais de bureau, laissait singulièrement à désirer. Je crois que
jamais occasion plus opportune ne fut offerte au gouvernement de corriger les
vices de cette répartition, que lorsque la chambre lui en avait donné le moyen,
par le vote d'une augmentation considérable. Le gouvernement était parfaitement
libre, en vertu du vote de confiance de la chambre, de répartir, sous sa
responsabilité les nouveaux fonds votés ; c'était le cas, si je ne me trompe,
de rectifier les différences qui existaient avant 1845. Si les frais de bureau
étaient trop élevés d'un côté, il fallait les réduire, alors surtout que vous
éleviez le traitement.
Messieurs, je crois que l'équité exige que
l'attention du gouvernement soit appelée sur cette répartition. L'occasion est
assez opportune : un remaniement assez considérable a été opéré dans le
personnel administratif, dans le personnel des commissaires d'arrondissement ;
beaucoup de ces fonctionnaires n'ont pas encore ce qu'on peut appeler des
droits acquis. Si donc, par l'effet d'une répartition plus équitable, on venait
à déranger un peu le chiffre de leurs traitements ou le chiffre de leur
abonnement, ils n'auraient pas à se plaindre. Je crois que cette occasion il
faut la saisir d'autant puisqu'elle ne se présente pas fréquemment.
J'appelle donc l'attention toute particulière de M. le ministre de
l'intérieur. sur une classification que, jusqu'à explication satisfaisante, je
considère comme extrêmement vicieuse.
M. Nothomb.
- Il me serait extrêmement difficile, messieurs, de reproduire les chiffres qui
ont servi de base à l'arrêté de 1845, rendu en exécution du budget voté pour
cette année.
Une première observation que je dois faire à l'honorable préopinant,
c'est qu'il se trompe en supposant que le gouvernement avait, en quelque sorte,
carte blanche, qu'il pouvait faire table rase, tant pour les traitements que
pour les émoluments. Voici, messieurs, en quels termes l'article 11 du chapitre
IV de la loi de budget, avait été libellé :
« Art. 11. 1° Somme destinée à l'augmentation, à partir du 1er juillet
1845, du traitement des commissaires d'arrondissement, en tenant compte de
l'indemnité actuelle dite de milice, d'après les bases indiquées ci-après, avec
suppression de tous avantages autres que les frais de bureau, de commis et de tournée.
Il pourra y avoir quatre commissaires d'arrondissement à 6,000 fr. ; dix à
5,250 fr. ; douze à 4,650 fr. ; treize à 4,200 ; ensemble : fr.
29,358.
« 2° Somme destinée à l'augmentation des frais de commis et de bureau
dans les commissariats d'arrondissement où l'insuffisance de ces émoluments est
constatée : fr. 10,000. »
Il était donc entendu que l'on respecterait, quant aux émoluments, une
sorte de droits acquis. Je dis une sorte, parce que, j'en conviens, l'ancienne
répartition n'avait pas été faite par une loi. Elle avait été faite par des
arrêtés royaux ou ministériels, et, dès lors, le gouvernement pouvait, à la
rigueur, revenir sur l'ensemble de ces mesures. Mais l'honorable préopinant
sait aussi bien que moi, par expérience, que dans l'administration l'on
respecte les positions anciennes.
Je dois le dire, l'embarras du gouvernement était assez grand, en
présence du libellé dont j'ai donné lecture. On est arrivé à penser que pour
les traitements la base serait le rang, en plaçant, autant que possible, le
commissaire d'arrondissement dans la même position que le procureur du roi.
C'est à la suite de longs tâtonnements que l'on est arrivé à croire que c'était
encore la meilleure base.
Il en est résulté que quatre commissaires d'arrondissement ont été
placés dans la première classe ; il était dit que quatre commissaires
d'arrondissement pourraient avoir 6,000 francs ; on a placé dans cette classe
Anvers, Bruxelles, Gand et Liège ; les commissaires d'arrondissement dans ces
localités ont le traitement de procureur du roi dans ces mêmes villes.
Il restait sept tribunaux de seconde classe. On a alloué aux
commissaires d'arrondissement, résidant aux chefs-lieux de ces sept tribunaux,
le traitement de deuxième classe, savoir : 5,250 francs. La loi portait qu'il
pourrait y avoir dix commissaires d'arrondissement de deuxième (page 267) classe. Restaient trois
traitements à affecter. On a placé dans la deuxième classe Courtray, Louvain et
Malines, bien que dans ces villes les tribunaux ne soient pas des tribunaux de
deuxième classe. Mais depuis fort longtemps il semblait à peu près entendu que
Courtray, Louvain et Malines obtiendraient, dans une réorganisation ultérieure,
la promotion à la deuxième classe. On a donc fait en quelque sorte par
anticipation, pour les commissaires d'arrondissement, ce qui semble réservé,
dans l'avenir, au procureur du roi et au tribunal lui-même.
En troisième lieu, il pouvait y avoir 12 commissaires d'arrondissement
de troisième classe à 4,650 fr. On a placé dans cette troisième classe tous les
tribunaux restants indistinctement, même ceux de quatrième classe. Je conviens
que les commissaires d'arrondissement se trouvent ici mieux traités que les
procureurs du roi dans les villes où il y a des tribunaux de quatrième classe.
Mais vous savez comme moi que, depuis fort longtemps, on se propose de
supprimer les tribunaux de quatrième classe ; il en résulterait l'assimilation
des tribunaux de quatrième classe à la troisième classe.
Enfin restaient comme dernière classe à 4,250 fr. tous les commissariats
où il n'y a pas de tribunaux quelconques ; ceux-là ont été placés dans la
dernière classe.
Voilà comment, en mettant en parallèle les commissaires d'arrondissement
avec les procureurs du roi, on a fait cette répartition ; pour les émoluments,
on n'a pas cru devoir les réduire ; les anomalies que l'honorable préopinant a
signalées, par exemple, relativement à Louvain, s'expliquent dès lors ; on a
maintenu pour Louvain les anciens émoluments, que je ne crois pas, du reste,
trop considérables. Si la somme à répartir 10,000 fr., avait été plus élevée,
on aurait peut-être mieux traité le commissaire d'arrondissement de Bruxelles,
lequel cependant est au nombre des quatre commissaires placés dans la première
classe.
Je conçois qu'on peut critiquer le principe, le point de départ ; on
peut dire qu'il ne fallait pas adopter pour base la comparaison avec les
procureurs du roi, mais cette base une fois admise, l'arrêté s'explique très
facilement.
On a trouvé les émoluments du
commissaire d'arrondissement d'Ostende trop considérables. Ce chiffre est
l'ancien chiffre, ainsi que celui d'Alost. Pour Hasselt et Maeseyck ce sont les
anciens chiffres. A Namur et à Dinant, il y a eu augmentation. L'honorable
préopinant pense que l'augmentation n'est pas suffisante. Si elle n'est pas
plus considérable, c'est que le chiffre de 10,000 fr. à répartir ne le
permettait pas.
Du reste, je ne vois aucun inconvénient à ce que M. le ministre de
l'intérieur examine de nouveau l'arrêté royal de juin 1845 ; mais je doute
qu'il trouve une meilleure base de répartition et de classification, je m'en
rapporte entièrement à l'examen nouveau qu'il fera.
M.
de La Coste. -
Messieurs, puisqu'on a nommé l'arrondissement de Louvain, je répondrai par de
très courtes observations.
Les comparaisons que l'honorable M. Lebeau a présentées, je les ai
soumises à la chambre sous une autre forme, pendant deux sessions. Elles n'ont
point alors eu d’écho. Maintenant, si M. le ministre de l'intérieur veut
prendre de nouveau la chose en considération, je suis loin sans doute de m'y
opposer, puisque c'est ce que j'ai demandé à l'honorable M. Nothomb, lorsqu'il
occupait la même place, je prierai dans ce cas M. le ministre de l'intérieur
d'avoir également égard, lors de cet examen, aux observations que j'ai
présentées à la chambre et qui sont consignées au Moniteur.
Quant à présent, je me bornerai à faire remarquer que l'arrondissement
de Louvain, d'après le système qui a été adopté, est descendu d'une classe,
quant au traitement du commissaire, lequel était dans la première classe.
L'honorable M. Nothomb, pour ne pas l'avoir fait descendre d'une classe de
plus, a eu un motif dont j'accepte l'augure : c'est que le tribunal de Louvain
devra être porté dans une classe supérieure. C'est un point que je recommande
très spécialement à l'attention de M. le ministre de la justice ; nous aurons
encore l'occasion de revenir là-dessus.
En ce qui concerne les frais de bureau,
l'honorable M. Nothomb vient d'expliquer le motif du taux auquel ils ont été
réglés : tandis que d'une part le commissaire d'arrondissement, quant à son
traitement, est descendu d'une classe, il n'y a rien eu de changé quant à ses
frais de bureau. J'ajouterai que si la comparaison faite par l'honorable M.
Lebeau, avec l'arrondissement de Bruxelles, a quelque force, il résulte
néanmoins des calculs mêmes auxquels l'honorable membre s'est livré, que
l'arrondissement de Louvain est sans contredit l'une des parties du royaume, les
plus économiquement administrées. Si l’arrondissement de Louvain était traité
comme quelques autres parties du royaume, il formerait une province et pourrait
facilement comprendre trois commissariats dont l'un serait établi à Louvain,
l'autre à Tirlemont, !e troisième à Diest. Par conséquent, c'est déjà une très
grande économie qu'il y ait là un seul commissaire d'arrondissement.
M. Pirson. - Messieurs, en 1845, en
1846 et 1847, j'ai protesté contre les principes qui ont servi de base à
l'arrêté du 13 juin 1845, principes qui sont erronés, pour ne pas dire iniques.
Je m'associe entièrement aux objections qui ont été présentées par l'honorable
M. Lebeau.
La répartition des traitements et des indemnités des commissaires
d'arrondissement aurait dû principalement être fixée, en prenant en
considération le nombre des communes, la population, l'étendue et les voies de
communication de l'arrondissement, Je prie M. le ministre de l'intérieur
d'examiner s'il n'y aurait pas lieu de réviser l'arrêté royal du 13 juin 1845.
M.
Tielemans. - Je saisirai cette occasion pour faire à M. le ministre de
l'intérieur une autre observation qui se rattache, du reste, à ce qui vient
d'être dit. Il y aurait lieu, d'après les observations de l'honorable M.
Lebeau, de réviser la répartition du crédit qui forme l'objet du chapitre V,
entre les commissaires d'arrondissement. Je pense d'abord que pour rentrer dans
l'état normal, il faudrait que les arrondissements administratifs fussent
déterminés par une loi. Je lis dans la Constitution, article 2 : « Les
subdivisions des provinces ne peuvent être établies que par la loi. »
Or, tous les arrondissements existants ont été établis par arrêté royal.
Sous l'ancien gouvernement, le Roi tirait de la loi fondamentale de 1815, le
droit de régler cette matière. Il a commencé par modifier considérablement les
limites des anciennes sous-préfectures. Depuis 1830 le gouvernement a de
nouveau modifié ces limites, et les modifications ont été souvent opérées par
des motifs purement personnels ; il est des arrondissements qui ont été divisés
en deux, uniquement pour créer une place de plus.
Je pense donc que pour rentrer dans les termes de
la Constitution, il faut que tous les arrondissements soient administrés et
soient fixés par la loi, que la loi les classe, et aille même jusqu'à
déterminer le traitement des commissaires d'arrondissement. J'ajouterai que,
pour faire quelque chose de complet, il conviendrait, par la suite, de
déterminer au budget les crédits par arrondissement, de la même manière qu'on
le fait aujourd'hui par province ; en d'autres termes, il faudrait établir un
article spécial pour chaque arrondissement. C'est ainsi seulement qu'on
arrivera à une répartition plus équitable, à une répartition fixe des subsides
et des traitements entre les commissaires d'arrondissement.
M. Lebeau.
- Toutes les opinions s'accordent pour demander que l'attention du ministère
soit appelée sur la répartition du crédit dont il s'agit. Dès lors le but
auquel tendent mes observations est atteint.
J'ai voulu faire ressortir ce que j'ai appelé une anomalie, ce qu'on
pourrait appeler un manque d'équité, de justice distributive, envers une classe
importante de fonctionnaires publics. Il est certain que les éléments d'une
bonne répartition de traitements et des frais de bureau des commissaires
d'arrondissement, ce sont le travail, la population, l'importance des
localités, la cherté de la vie animale, des loyers, etc. Sous ce rapport, je crois
qu'on ne comparera pas, sans vouloir rien dire qui ressemble à quelque chose de
personnel et d'agressif, car je prends mes arguments dans la nature des choses,
je crois, dis-je, que sous le rapport de la vie animale, du prix des loyers, il
est impossible de comparer Arlon à Mons ou à Namur.
Pour le travail, le commissariat d'Arlon qui a 20,000 habitants, peut-il
être mis en comparaison avec celui de Mons qui en a 124 mille, dont les
affaires commerciales et industrielles sont si considérables, et qui compte 75
communes tandis que le district d'Arlon n'en a que 15 ?
Les frais de bureau, j'en demande pardon à mon
honorable contradicteur, ne constituaient pas un droit acquis, alors surtout
qu'on augmentait considérablement les traitements. Je pense qu'il ne faut pas
altérer légèrement la position de fonctionnaires publics. Mais quand ils
recevaient une augmentation de mille francs en traitement en subissant une
perte de 100 fr. sur les frais de bureau, ils faisaient encore une bonne
affaire. Je remarque que les bases qui ont servi à la classification ne sont
pas données par la loi ; elles ont été très librement choisies par le
gouvernement. La loi ne dit pas qu'on accordera 6,000 fr., 5,250 fr. 4,200 fr.,
selon que le commissariat soit ou non de chef-lieu de la province ; la loi ne
dit rien de semblable. Elle détermine seulement qu'il y aura un certain nombre
de commissaires à 6,000, 5,250 et 4,200 fr. ; elle laisse le gouvernement libre
d'apprécier les considérations d'après lesquelles il opérera la répartition. Je
ferai observer de plus que ce n'est pas même une loi, mais une simple
disposition de budget dont la durée est annale et sur laquelle il y aurait
beaucoup à dire. Du reste mon but est atteint, car je ne voulais qu'appeler
l'attention du gouvernement sur cette répartition.
M. de Theux. - Je ne
veux faire qu'une simple observation. La légalité des arrondissements
administratifs est reconnue par la loi électorale et par la loi provinciale.
S'il s'agissait d'apporter des modifications aux circonscriptions actuelles, il
faudrait une loi. C'est ainsi qu'on l’a entendu en 1839 quand on a modifié les
circonscriptions de certains arrondissements du Limbourg et du Luxembourg.
M. Nothomb.
- Messieurs, une considération que l'avant-dernier orateur perd toujours de
vue, c'est la nécessité ou au moins la convenance de ne pas placer l'ordre
administratif dans une position inférieure à l'ordre judiciaire.
Tout ce qu'on a dit, en désignant tel arrondissement, eu parlant des
commissaires, peut se dire du procureur du roi ; on peut faire le même
raisonnement et établir pour les tribunaux les mêmes calculs que l'honorable M.
Lebeau a fait pour les commissariats d'arrondissement. On peut comparer les
tribunaux et les procureurs du roi de première, de deuxième et de troisième
classe et arriver aux mêmes anomalies ; je me fais fort en très peu de temps de
faire sur les tribunaux un travail semblable à celui qu'on vous a présenté sur
les commissariats. Vous savez à quelles réclamations cette comparaison a donné
lieu, quand nous nous sommes occupés de l'augmentation des traitements
judiciaires, nous avons bientôt reconnu qu'une révision était impossible ; il y
a plus, les réclamations ont été considérées comme fondées, mais on a craint de
toucher au système, on a remis la révision générale à d'autres temps.
(page 268)
Je regrette que l'honorable membre, en insistant sur une localité, ait donné à
ses observations quelque chose de personnel. Le commissaire d'arrondissement
d'Arlon se trouve dans la même position que le procureur du roi de la même
localité. Je prie l'honorable membre de croire qu’après un long examen, j’ai
été conduit à penser que la base à adopter pour les traitements était
l’assimilation entre le commissaire d’arrondissement et le procureur du roi. Si
je me suis trompé, le ministère actuel fera un nouvel examen de la question ;
mais je le répète, la considération qui m'a guidé a été qu'il fallait maintenir
l'ordre administratif sur le même pied que l'ordre judiciaire.
M. Lebeau. - J'ai demandé la parole
pour me défendre contre l'accusation que j'aurais eu l'intention de faire
intervenir un nom propre dans la discussion. S'il y a eu ici une personnalité,
c'est l'arithmétique qui est coupable. Un district n'a que 15 communes tandis
que l'autre, celui de Mons, en a 75 ; l'un n'a que 20,800 habitants, l'autre en
a 124 mille. Pouvais-je choisir des éléments plus décisifs des comparaisons que
j'avais à faire ? Je le répète donc, si des personnalités s'étaient produites
ici, le coupable ce serait l'arithmétique.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). J'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau un
amendement à l'article premier et un autre à l'article 2 du chapitre V ; je
prierai M. le président de vouloir bien en donner lecture.
M. le
président. - M. le ministre de l'intérieur propose à
l'article premier, traitement des commissaires d'arrondissement, une augmentation
de 3,200 fr. et une réduction de 1,000 fr. à l'article 2, émoluments pour frais
de bureau.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'ai
besoin de donner quelques explications sur l'augmentation de 3,200 fr. que je
demande à l’article premier du chapitre V. Cette augmentation a pour but
d'amener le rétablissement d'un district administratif de la Flandre
occidentale.
Depuis la répartition du crédit qui a été faite par un de nos honorables
prédécesseurs, répartition sur laquelle je me propose de revenir s'il y a lieu,
les districts de Roulers et de Thielt ont été réunis. Je pense que c'est à
tort. Dans la situation où se trouve cette partie de la Flandre, il aurait
fallu étendre l'action administrative plutôt que la restreindre. L'économie qui
est résultée de cette réunion de deux districts en un seul n'est pas grande. Le
commissaire des deux districts réunis jouit d'un traitement de 8,600 fr.
(traitement et émoluments, réunis). Je propose de partager cette somme entre
les deux commissaires de ces arrondissements en les plaçant dans la quatrième
classe (traitement de 4,200 fr.). J'attribuerai à ces commissaires le minimum
des émoluments, qui est de 1,700 fr. L'augmentation de la dépense ne sera donc
que de 3,200 fr.
Ce n'est pas, messieurs, dans la vue étroite (j'espère que la chambre
voudra bien le croire) de créer une position à tel ou tel personnage que je
propose le rétablissement des deux districts. Je déclare que je n'ai jeté les
yeux sur personne pour remplir le poste qui sera ouvert. Mais eu égard à la
situation de cette partie des Flandres, je dis que s'il y avait deux districts
à conserver de préférence, c'étaient précisément ceux de Thielt et de Roulers ;
car c'est surtout dans ces localités que le mal dont souffrent les Flandres se
fait sentir avec le plus d'intensité. Si nous devions procéder pour d'autres
districts comme on a fait pour les districts de Thielt et de Roulers, il en est
d'autres que l'on devrait supprimer à plus forte raison.
Ainsi le district d'Eecloo a une population de 55,000 habitants ; celui
d'Ostende une population de 43,000 habitants, tandis que la population est de
71,664 habitants dans le district de Thielt, et de 84,564 habitants dans le
district de Roulers. En raison de la population, les districts de Thielt et de
Roulers auraient dû être conservés plutôt que ceux d'Ostende, d'Eecloo, de
Maeseyck, de Bastogne, qui, sous ce rapport, sont de beaucoup inférieurs à ces
deux districts. Le nombre des communes n'est pas d'ailleurs beaucoup plus élevé
dans trois de ces arrondissements, et celui d'Eecloo ne compte que 18 communes.
Je ne suppose pas que ma proposition soit susceptible d'opposition dans
cette enceinte. Je me réserve de prendre la parole, si elle était combattue.
Diverses observations ont été présentées sur la répartition qui a été
faite par un de mes honorables prédécesseurs de l'allocation destinée aux
commissaires d'arrondissement. L'honorable M. Nothomb a bien voulu m'engager
lui-même à réviser cette répartition. Si des irrégularités ont été commises, on
pourra y porter remède.
Je ne crois pas du reste qu'une loi soit nécessaire pour régler la
circonscription administrative. A la vérité, la Constitution a voulu que les
subdivisions de provinces fussent réglées par la loi. Mais en fait, cela
existe.
La loi électorale, la loi provinciale
ont consacré les subdivisions actuelles de provinces. Sous ce rapport, le vœu
de la Constitution est rempli.
Nous avons, messieurs, un très grand nombre de lois de toute espèce à
discuter ; il ne faut pas les multiplier inutilement ; il ne faut apporter ici
que des lois dont la nécessité est clairement démontrée.
J'ai d'ailleurs beaucoup de respect pour les opinions émises en matières
administratives par l'honorable député de Bruxelles. Il suffît qu'il mette en
avant une idée qui a trait à l'administration, pour que j'en fasse un examen
particulier, attendu que l’honorable député de Bruxelles est une grande
autorité en ces sortes de questions.
M.
de Muelenaere. - La question que soulève
l'amendement présenté par M. le ministre de l'intérieur n'est pas neuve. Cette
question a été longuement débattue dans cette enceinte, il y a quelques mois, à
propos d'une motion présentée par un honorable députe de Thielt. Il est résulté
de cette discussion, qui doit encore être présente à l'esprit de beaucoup de
membres de cette assemblée, que jamais, à aucune époque, le gouvernement n'a eu
l'intention de supprimer le commissaire soit de Thielt, soit de Roulers. Il a
été reconnu également que si la suppression d'un commissariat d'arrondissement
devait avoir lieu dans la Flandre occidentale, ce n'est pas sur les districts
de Thielt ou de Roulers que devait tomber cette mesure.
Je suis parfaitement d'accord avec M. le ministre de l'intérieur qu’il y
a nécessité, urgence même, de rétablir ces deux commissariats, qu'il en
résulterait un avantage évident pour l'administration de la province, dans les
circonstances où se trouve surtout cette partie de la Flandre.
Si l'arrondissement de Thielt n'a pas été rétabli plus tôt, c'est que
dans la Flandre occidentale il y avait autrefois huit commissaires
d'arrondissement. Vous savez tous que, d'après un usage adopté sous le
gouvernement précédent, on allouait aux provinces une somme fixe qui devait être
répartie entre les commissaires d'arrondissement, quel que fût leur nombre.
Dans certaines provinces il n'y a que trois commissariats, dans la
Flandre occidentale il y en avait huit. Il résultait de là une telle différence
dans les appointements des commissaires d'arrondissement comparativement à ceux
des autres provinces qu'il y avait nécessité indispensable de procéder à une
révision.
Le gouvernement n'ayant pas encore
proposé une augmentation de subside en faveur des commissaires
d'arrondissement, on a pensé que la réunion de deux districts pouvait
provisoirement tenir lieu de cette révision ; les commissaires des districts de
Thielt et de Dixmude ayant été promus à d'autres postes, ces deux places sont
restées provisoirement vacantes. Mais elles ne l'étaient, je le répète, que
provisoirement et en attendant que le gouvernement prît une mesure définitive à
cet égard.
Messieurs, il serait extrêmement difficile, je pense, de procéder à une
réorganisation complète des commissariats d'arrondissement dans la Flandre
occidentale. Cependant, comme il y a un avantage évident, comme il y a même
urgence de replacer un titulaire à Roulers, attendu qu'il est pourvu maintenant
à la place de Thielt, je ne puis qu'appuyer de toutes mes forces l'amendement
proposé par M. le ministre de l'intérieur. J'espère que la chambre, pour une
dépense de 3,200 fr., ne reculera pas devant l'introduction d'une mesure dont
les avantages sont généralement reconnus.
M.
Rodenbach. - Messieurs, je dois également appuyer
l'amendement qui vous a été présenté par M. le ministre de l'intérieur. Il y a
effectivement urgence de nommer un commissaire d'arrondissement à Roulers. Sous
le précédent gouvernement, comme sous le gouvernement actuel, Roulers a
toujours eu un commissariat de district. Il n'y a que quelques mois que la
place se trouve sans titulaire.
Je ne pense pas, messieurs, qu'aucun membre de cette chambre voudra
contester l'importance d'un commissariat de district à Roulers.
Roulers est le centre d'un grand commerce et de la nouvelle industrie
linière, de l'industrie linière à la mécanique, qui s'y est développée plus que
partout ailleurs. Il s'y trouve aussi des ateliers de perfectionnement, qui ont
besoin d'une haute surveillance, et surtout d'une protection de la part du
gouvernement. Le commissaire de district précédent, qui a été promu au
commissariat de Gand, s'intéressait beaucoup à la fabrication à laquelle on se
livre à Roulers. Nous n'avons plus d'autorité spéciale aujourd'hui pour
imprimer une direction à des établissements aussi importants.
Ces considérations m'engagent à prier M. le ministre de l'intérieur de
faire porter son choix sur un bon administrateur qui ne soit pas tout à fait
étranger aux questions de manufacture. Je sais qu'un commissaire
d'arrondissement ne doit pas être un fabricant ; mais il est nécessaire que
celui qu'on enverra à Roulers ait des connaissances générales, des
connaissances pratiques, pour qu'il puisse, au besoin, éclairer le gouvernement
sur les besoins de la population d'un arrondissement où la misère est extrême.
J'appuie donc de toutes mes forces l'amendement qui est proposé.
- La discussion est close.
Article premier
« Art. 1er. Traitement des commissaires d'arrondissement : fr.
186,900 »
M. le
président. - M. le ministre de l'intérieur a proposé de
porter le chiffre à 191,100 fr. »
- Le chiffre de 191,100 fr. est adopté.
Article 2
« Art. 2. Emoluments pour frais de bureau : fr.
113,772. »
M. le
président. - M. le ministre de l'intérieur a proposé de
réduire le chiffre à 112,772 fr.
- Ce dernier chiffre est adopté.
Article 3
« Art. 3. Frais de route et de tournées : fr. 22,500. »
- Adopté.
Chapitre VI – Voirie vicinale
Article unique
« Article unique. Encouragements divers pour l'amélioration de la
voirie vicinale : fr. 300,000. »
M.
Eloy de Burdinne propose de porter le chiffre à
500,000 fr.
M.
de La Coste. - Messieurs, j'apprécie tout autant que
l'honorable auteur de l'amendement l'utilité de la voirie vicinale, et je
pense, comme lui, que ce n'est pas simplement un intérêt agricole qui en
réclame le (page 269) perfectionnement
et le développement, que c'est aussi l'intérêt du commerce intérieur qui est,
après tout, un des commerces les plus importants.
J'ai vu avec plaisir une circulaire de l'honorable ministre de
l'intérieur, dans laquelle il émettait une idée susceptible, je crois, d'être
fécondée et de produire de très beaux résultats ; c'est que notre voirie en
général devrait être mise en relation avec le chemin de fer.
En effet, messieurs, il faudrait que des idées toutes nouvelles
présidassent à la distribution des travaux qui ont rapport à la voirie. Il y a
des travaux auxquels on consacre des sommes considérables, qui n'ont presque
plus de signification, tandis que si l'on partait de l'idée générale de faire
rayonner les voies de communication vers les stations de chemins de fer, on
pourrait obtenir de très grands résultats.
Quant à l'amendement de l'honorable M. Eloy de Burdinne, j'avoue que,
quoique approuvant entièrement ses vues, quelques objections se présentent à
mon esprit.
L'une de ces objections est l'accroissement de dépenses qui en
résultera. Je sais qu'il sera compensé par les avantages qu'on obtiendra.
Cependant il faut toujours, en toutes circonstances, mettre en regard de la
dépense le moyen de la couvrir. Cette objection, au surplus, peut avoir moins
de poids si l'on considère que nous paraissons avoir beaucoup de dépenses à
faire et que celle-là n'est pas la moins utile.
J'avoue cependant que j'éprouve de la difficulté à imposer au
gouvernement une dépense qu'il ne réclame pas. Il me semble que l'initiative
des dépenses et surtout des dépenses assez considérables doit venir du
gouvernement.
Mais il est un autre point sur lequel j'ai déjà appelé plusieurs fois
l'attention de la chambre et qui est pour moi d'une très grande importance,
d'une telle importance que je ne pourrais appuyer la demande d'augmentation, à
moins de recevoir à cet égard des éclaircissements.
J'ai toujours réclamé contre la manière dont le crédit pour la voirie
vicinale est réparti. Lorsque la somme est peu considérable, l'inconvénient
n'est pas grave. Lorsqu'elle le devient davantage, l'inconvénient devient plus
grand ; et enfin, si l'on veut y consacrer des demi-millions, et plus tard
peut-être des millions, alors l'inconvénient n'est plus supportable.
En effet, comment procède-t-on dans la répartition ? On procède comme
les cantons suisses votent ; c'est-à-dire que chaque province a part égale. Or,
messieurs, qu'en résulte-t-il ? Il en résulte que pour la province de Brabant,
par exemple, c'est une véritable duperie.
La province de Brabant, dans le crédit de 500,000 francs, aurait à peu
près 55,000 francs. Eh bien, si l'on répartissait, je suppose, les 500,000
francs sur le foncier, il faudrait prélever 3 centimes additionnels et un
quart. Or, que la province de Brabant s'impose 3 centimes et un quart, et elle
aura, j'en suis persuadé, une somme bien plus considérable.
On me dira : II y a des provinces qui
ne sont pas riches ; il ne faut pas que la voirie y soit négligée. J'admets
cela. Mais il faudrait aussi que dans les provinces qui concourent pour la plus
grande part à cette dépense, la voirie fût également mise en bon état. Or, à
défaut de moyens suffisants, je crois que, dans le Brabant, la voirie est loin
d'être dans un état convenable. Je connais un territoire très étendu, situé
entre les chaussées de Tirlemont à Diest et à Saint-Trond et la province de
Limbourg, qui est dans l'état le plus déplorable relativement aux
communications. J'ai souvent parcouru ce territoire, j'y ai trouvé des
fondrières et fort peu de chemins vicinaux pavés avec le concours de l'Etat et
de la province.
Il me semble donc qu'avant d'accorder une somme aussi considérable il
faudrait avoir une base équitable de répartition. Je ne prétends pas qu'on
refuse des secours aux provinces et aux communes qui ne sont pas riches, mais
je désire qu'on voie partout quels sont les véritables besoins, et que dans la
répartition à faire l'on ait égard à tous ces besoins. Jusqu'à ce qu'il en soit
ainsi, je ne pourrai consentir à augmenter le crédit.
M.
Rousselle. - Messieurs, je suis partisan de l'amélioration
de la voirie vicinale, et tout disposé à voter les crédits nécessaires pour
assurer cette amélioration avec l'esprit de suite et d'ensemble que réclame
cette branche importante de l'administration publique ; mais pour exprimer mon
vote avec une pleine connaissance de cause, j'ai besoin d'apprendre l'intention
de l'honorable ministre de l'intérieur, au sujet de la distribution du crédit
demandé.
Un coup d'œil jeté en arrière ne sera pas inopportun ; et je prie la
chambre de me permettre de lui faire un court exposé de chiffres qui, bien que
fort aride, sera cependant très propre à éclairer les esprits et à fixer les
opinions.
Les annexes au rapport sur le budget du ministère de l'intérieur
contaient qu'en 1847 il a été prélevé sur trois crédits différents, pour
l'amélioration de la voirie vicinale, une somme de fr. 1,755,745 24 c.
Elles constatent aussi que la part de chaque province a été, savoir :
pour Anvers : 62,400 fr. ; pour le Brabant : 43,398 fr. 88
c. ; pour la Flandre orientale : 355,869 fr. 12 c. ; pour la
Flandre orientale : 162,390 fr. 25 c. ; pour le Hainaut : 90,614
fr. 25 c. ; pour Liége : 616,587 fr. 65 c. ; pour le
Limbourg : 127,678 fr. 89 c. ; pour le Luxembourg : 116,027
fr. ; pour Namur : 180,779 fr. Total égal à 1,755,745 fr. 24 c ?
En d'autres termes, les provinces ont obtenu dans la somme de fr.
1,755,745-24 : Liège : 35 p. c. ; la Flandre occidentale :
20 p. c. ; Namur : 10 p. c. ; la Flandre orientale : 9 p.
c. ; le Limbourg : 7 p. c. ; le Luxembourg : 7 p. c. ;
le Hainaut : 5 p. c. ; Anvers : 4 p. c. ; le Brabant :
3 p. c.
Les mêmes annexes indiquent encore que les provinces, et leurs communes
ont appliqué au service de la voirie vicinale la somme de fr. 1,453,315-18,
savoir : Anvers : 80,024 fr. ; le Brabant : 147,217 fr. 19
c. ; la Flandre occidentale : 276,185 fr. 75 c. ; la Flandre
orientale : 148.897 fr. 33 c. ; le Hainaut : 309,996 fr. ;
Liége : 161,303 01 c.; le Limbourg : 93,748 fr. 90 c. ; le
Luxembourg : fr. 98,698 fr. ; Namur : 137,238 fr. Total égal à
1,453,313 fr. 18 c.
En d'autres termes, les provinces et leurs communes ont apporté dans ce
capital de fr. 1,453,313 fr. 18 c., savoir : le Hainaut : 21 p. c. ;
la Flandre occidentale : 19 p. c. ; le Brabant : 11 p. c. ;
Liège : 11 p. c. ; la Flandre orientale : 10 p. c. ;
Namur : 9 p. c. ; le Luxembourg : 7 p. c. ; Anvers : 6
p. c. ; le Limbourg : 6 p. c.
Ainsi, le concours de l'Etat à l'amélioration de la voirie vicinale a
été assez généralement en sens inverse des sacrifices que les provinces et
leurs communes se sont imposés pour cette amélioration ; et cependant, si j'ai
bonne mémoire, la politique ancienne avait promis de proportionner les subsides
à ces sacrifices.
Je livre ces chiffres à l'appréciation de la
chambre ; je ne veux aujourd'hui rechercher ni les causes ni les circonstances
qui ont entraîné à une répartition que je regarde comme entachée d'un défaut de
justice distributive. Peut-être un jour le ferai-je ; mais je me borne, en ce
moment, à demander à l'honorable ministre de l'intérieur, qu'il veuille bien
faire connaître les bases générales de la répartition qu'il compte faire du
nouveau crédit.
Je pense que si le cabinet tient à couper court à toutes les
réclamations au sujet des distributions des subsides crédités par les divers
budgets, il doit, par arrêté royal rendu public, en faire une répartition
générale et équitable entre les neuf provinces, et charger les députations
permanentes de la distribution partielle entre les communes, sous l'approbation
du ministère auquel l'objet ressortirait.
M. David.
- Je viens appuyer par des considérations nouvelles l'amendement de l'honorable
M. Eloy de Burdinne. J'aurai l'honneur de vous faire remarquer qu'il y aurait
justice, justice tardivement réparatrice même, à penser sérieusement à une
amélioration efficace des chemins vicinaux. En effet, messieurs, les campagnes
ont contribué dans une très forte proposition à la réalisation des grands
travaux exécutés, tels que chemins de fer, stations, grandes routes, canaux,
embellissements des villes, quoique pour les trois quarts des communes rurales,
ces travaux ne fussent que d'une utilité presque imperceptible. Je réclamerai
avec d'autant plus d'insistance la majoration du crédit, que je considère les
fonds employés à l'amélioration de la voirie vicinale comme
placés à haut intérêt pour le trésor ; aussitôt une commune dotée de bons
chemins, tout y change de face, les habitations s'y embellissent, les terres
s'améliorent, le commerce se développe, et par conséquent les contributions ne
tardent pas à augmenter, les immeubles ont plus de valeur et rapportent
davantage au trésor à chaque mutation, à chaque ouverture de succession, etc.
D'un autre côté, pour certaines localités où des défrichements devront être
entrepris, il devient urgent de songer aux voies de communication avant de
donner un commencement d'exécution à ces travaux, sans quoi ils seront onéreux
et ruineux pour ceux qui s'en occuperont.
(page 270) Je terminerai en formant le vœu que bientôt des
ressources, un emprunt, par exemple, exclusivement destinées à l'amélioration
générale de la voirie vicinale, puissent être trouvées ; l'agriculture,
l'industrie et le commerce y sont fortement intéressés.
M.
Eloy de Burdinne. - Dans une séance précédente, je
crois avoir suffisamment démontré les immenses avantages qu'a produits
l'allocation de 500 mille francs.
Si trois cent mille francs, distribués par l'Etat aux communes, ont
donné lieu à une dépense de plus de 12 cent mille francs., distribués aux
malheureux ouvriers sans travail, et que des travaux d'une même somme ont été
faits, il en résulte que plus vous allouerez (dans de justes bornes bien
entendu), et plus vous viendrez en aide à la classe ouvrière en même temps que
vous obtiendrez des travaux de la plus grande utilité sur une plus grande
échelle.
En un mot, les subsides accordés devant produira trois cents pour cent
d'intérêt, vous n'hésiterez pas à accorder l’'augmentation que je réclame, et,
dans le cas où vous auriez quelques doutes sur l'importance de mes motifs
j'engagerai mes honorables collègues à relire attentivement le rapport de la
section centrale. A la suite du chapitre VI, intitulé voirie vicinale, pages 18
et suivantes du rapport, vous verrez de nouveau que, au moyen de 18.37 p. c. de
subside, distribués par l'Etat aux communes, on obtient cent.
Je vais me rendre plus intelligible.
Une dépense en construction, nécessite une somme de cent mille francs.
L'Etat fournit, au moyen de l'allocation accordée au budget un subside
de 18,370 fr.
La province, un subside de 21,820 fr.
Et les communes dépensent 59,810 fr.
Total : 100,000 fr.
De manière que l'Etat fait effectuer des travaux d'une valeur de 100,000
francs au moyen d'un subside de 18,370 francs et soulage la classe ouvrière en
lui distribuant 100,000 francs, parmi faisant une dépense de 18,370 fr.
Ces chiffres sont établis par la section centrale au deuxième paragraphe
de la page X de son rapport.
(L'honorable membre donne lecture de ce paragraphe.)
La section centrale nous donne un autre motif qui milite en faveur de ma
proposition.
Voici ce qu'elle fait remarquer page X, paragraphe 8 :
Une dépense de 1,057,298 fr. fut faite en amélioration de la voirie
vicinale.
L'Etat y a contribué pour une somme de 239,116 fr.
De manière que l'Etat a fourni 22,610 fr. par 100,000 fr.
La commune et sûrement la province,
77,390 fr.
Fait pour 100,000 fr. de travaux.
L'Etat n'a fourni que 22,610 fr., elle a obtenu des travaux d'une valeur
de 100,000 francs, et a provoqué une dépense de 100,000 fr. en faveur des
classes ouvrières.
D'après ces calculs et ces résultats, la section centrale et la chambre
tout entière votera, je n'en doute pas, l'amendement que j'ai l'honneur de lui
présenter.
La classe ouvrière réclame, selon moi, à juste titre que le gouvernement
prenne en considération la position fâcheuse dans laquelle elle se trouve.
Elle demande du pain en travaillant ; nous pouvons lui en donner en lui
procurant de l'ouvrage, et je le demande, le moyen que je propose n'est-il pas
le plus économique ?
Tuteurs-nés des intérêts du contribuable, ne devons-nous pas être
économes, ne devons-nous pas éviter les impôts obligatoires quand nous pouvons
obtenir des impôts volontaires ?
Eh bien, messieurs, ce dernier moyen nous est offert parmi une dépense
de 22.61 p. c ; nous pouvons faire la même chose et obtenir le même résultat
que si nous dépensions 100, soit 77 39 p. c. de bénéfice, en obtenant le même
bien-être pour les classes ouvrières et les mêmes travaux d'utilité générale.
La section centrale croit devoir maintenir l'allocation de 300 mille
francs, elle ne croit pas pouvoir proposer une augmentation de 200 mille francs
réclamée. Elle donne pour motif de son refus, les circonstances malheureuses
dans lesquelles se trouve une partie du pays.
Les motifs de refus de la part de la section centrale sont, pour moi,
tout opposés.
La position fâcheuse des classes ouvrières me porte à réclamer
l'augmentation de subside pour les mêmes motifs que la section a cru ne pouvoir
appuyer la demande d'un membre d'une section qui réclamait une allocation de
200 mille francs comme subside temporaire, pour subside à accorder aux communes
pour les aider à faire face aux dépenses que réclame la restauration des
chemins vicinaux.
Le mode de venir au secours des classes ouvrières que j'ai l'honneur de
vous soumettre, est le plus économique, vu que parmi une dépense de 200 mille
francs on soulage les malheureux à raison de 800 mille francs, et qu'en même
temps nous obtenons des travaux d'une valeur de 800 mille francs.
Je l'ai déjà fait remarquer, messieurs, si nos ressources financières ne
nous permettent pas d'ajouter 200 mille francs au chapitre VI, je proposerai de
réduire de 200 mille francs l'allocation pétitionnée pour construction de
routes nouvelles, au budget des travaux publics, en faisant remarquer que les
200 mille francs que vous accorderez au département des travaux publics, ne
vous donneront que des améliorations de routes sur une étendue, au plus, de 10
mille kilomètres, tandis que ces 200 mille francs accordés en subsides aux
communes, vous procureront des routes vicinales empierrées ou pavées sur une
étendue de plus de 40 mille kilomètres, soit quatre fois autant de
communications confortables que si vous laissez faire le département des
travaux publics.
En faisant une proposition d'augmenter les dépenses, on voudra bien
reconnaître que ma démarche ne déroge en rien aux principes d'économie que j'ai
toujours professés.
En faisant une proposition d'augmentation de dépenses pour la voirie
vicinale, je crois avoir prouvé que cette dépense peut et même doit être
considérée, dans le moment actuel, comme une véritable économie.
Je crois l'avoir suffisamment démontré, et dans une séance précédente,
et dans le discours que je viens de prononcer.
Avant de terminer, messieurs, j'aurai un mot à répondre à l'honorable M.
de La Coste. Il vous a dit que l'accroissement de la dépense est un obstacle à
ce qu'il vote en faveur de mon amendement. Eh bien, messieurs, je crois avoir
démontré que, loin d'accroître les dépenses de l'Etat, je les réduis dans la
proportion de 4 à 1, c'est-à-dire que l'Etat, en faisant une dépense de 1,
obtiendra un résultat égal à 4, et si M. de Rothschild trouvait à faire une
opération semblable, il n'y manquerait certes pas. Si les fonds manquent, que
l'on fasse la proposition, de réduire les dépenses qu'on veut faire pour les
grandes voies de communication ; je donnerai mon assentiment à cette
proposition, et elle nous procurera 75 francs de bénéfice pour 25 francs que
nous dépenserons.
L'honorable préopinant a dit aussi que si le
Brabant s'imposait des centimes additionnels, il y trouverait plus d'avantages
que dans les subsides qu'il recevrait de l'Etat. Voilà l'intérêt du Brabant
parfaitement établi, mais je demanderai à l'honorable membre si, lorsque de
grands travaux ont été exécutés dans le Brabant, aux frais de l'Etat, si les
autres provinces n'ont pas contribué aux frais de ces travaux. Lorsque le
chemin de fer, par exemple, a été exécuté dans le Brabant, il l'a été au moyen
des contributions payées par le pays entier. Il est fort commode, quand on est
bien doté, de venir dire : Nous ne vous demandons rien, nous n'avons besoin de
rien ! C'est cependant là le raisonnement de l'honorable membre. Je terminerai
là mes observations.
M. de Theux. -
Messieurs, prévoyant la nécessité de travaux, qui pourrait résulter, pour les différentes
provinces, des deux années de crise que nous venons de traverser, j'avais écrit
à MM. les gouverneurs pour les inviter à demander des subsides extraordinaires
aux conseils provinciaux et aux communes, pour la voirie vicinale, annonçant le
projet de demander aux chambres un subside extraordinaire de 300,000 fr. pour
cet objet, ce qui porterait la dépense es chemins vicinaux, pour 1848
seulement, à 600,000 fr., y compris les 300,000 fr. de crédit ordinaire. Si
j'ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, dans la discussion du crédit
de 500,000 fr. demandé pour le soulagement des cantons liniers, il a annoncé
l'intention de proposer à la chambre ce crédit de 300,000 fr. (M. le ministre de l'intérieur fait un signe
affirmatif.) Ainsi, nous sommes d'accord et il ne me reste plus qu'à
rencontrer les observations de l'honorable député de Louvain et de l'honorable
député de Mous sur la répartition du crédit destiné à la voirie vicinale.
Le mode de répartition qui a été suivi dans les derniers temps est celui
qui a été adopté en 1840 par le ministère dont faisait partie l'honorable
ministre de l'intérieur actuel. C'était alors notre honorable président, M.
Liedts, qui était ministre de l'intérieur, M. Rogier l’étant des travaux publics.
Le premier crédit de 100,000 fr. fut réparti entre toutes les provinces par
parts égales, et depuis lors la même répartition a été suivie. Ce principe a
souvent été combattu dans les chambres, et toujours il a été défendu
victorieusement. J'espère, messieurs, que le gouvernement ne déviera point des
précédents qui ont été posés à cet égard depuis 1840 ; il y a pour cela les
meilleurs motifs.
Je ferai seulement remarquer que l'on a confondu à tort les subsides
extraordinaires pour la voirie vicinale qui ont été imputés sur les crédits de
2 millions et de 1,500,000 fr., qu'on les a confondus à tort avec ceux qui ont
été imputés sur le crédit de 300,000 fr. Si l'on additionne ces deux catégories
de subsides, on arrive évidemment à des inconséquences, à des inégalités
apparentes ; mais il faut bien remarquer que les localités qui, sur les crédits
de 2 millions et de 1,500,000 fr., ont obtenu le moins pour les chemins
vicinaux, ont obtenu le plus pour d'autres objets et si le gouvernement n'a pas
pu faire un emploi plus considérable dans toutes les provinces, en faveur des
chemins vicinaux, des crédits de 2 millions et de 1,500,000 fr., c'est qu'alors
il n'y avait pas assez de projets préparés pour l'exécution, c'est que le
concours des provinces et des communes était insuffisant. Voilà la seule raison
de l'inégalité apparente.
Vouloir revenir au principe de la distribution par portions égales entre
les provinces, c'est demander que les intérêts des 9 provinces dont se compose
la Belgique soient séparés, comme elles l'étaient sous le gouvernement des
Pays-Bas autrichiens ; c'est de nouveau fractionner la Belgique en neuf Etats
indépendants, ayant chacun son budget, et faisant de ce budget l'emploi qu'il
juge convenable. Tels ne peuvent plus être les principes de la nation,
constituée par la fusion des 9 provinces
en un seul Etat.
Il n'y aurait aucune justice dans ce principe. Ce qui doit surtout (page 271) garder le gouvernement dans
l'allocation des subsides, ce sont les besoins des localités, d'une part, et le
manque de ressources, d'autre part. Ainsi, pour ne parler que de la province de
Limbourg, qui m'est particulièrement connue, cette province ne possède ni
mines, ni carrières ; elle a peu de ressources à son budget ; si l'on se
départait du principe qui a été adopté, cette province resterait évidemment
stationnaire, en ce qui concerne la voirie vicinale.
Les Flandres mêmes n(ont ni carrières, ni mines ; en bien, tous tes
travaux que l'on fait, soit dans les Flandres, soit dans le Limbourg, profitent
manifestement encore aux provinces qui possèdent des carrières. Par exemple, le
Brabant, le Hainaut, la province de Liège fournissent tous les matériaux qui
sont nécessaires à l'empierrement des chemins vicinaux dans les localités
dépourvues de ces matériaux. C'est ainsi que les provinces de Brabant, de
Hainaut et de Liège ont profité largement, non seulement des chemins vicinaux
qui ont été construits dans les provinces que je viens d'énumérer, mais encore
des routes pavées créées dans ces mêmes provinces, ainsi que dans la province
d'Anvers. Les provinces de Liège et du Hainaut ont fourni le fer nécessaire à
la construction du chemin de fer de tout le pays.
Mais si l'on voulait revenir sur le principe de répartition, alors nous
pourrions demander, qu'attendu que ces provinces ont tiré d'immenses bénéfices
de la construction du chemin de fer et de celle des routes pavées aux frais de
l'Etat, on leur alloue d'autant moins de subsides pour la construction du
chemin de fer et des routes pavées dans le but de rétablir l'équilibre sur ses
véritables bases.
Il est deux provinces qui se trouvent
encore dans une position spéciale à d'autres titres ; je veux parler du
Limbourg et du Luxembourg. Le Luxembourg, qui se trouvait à l'extrémité du
pays, a été fort négligé pendant longtemps ; c'est surtout depuis 1830 qu'on y
a fait des travaux considérables. Le Limbourg, avant sa réunion à l'empire
français, était morcelé entre la principauté de Liège et la Hollande.
Dans cet état de choses, cette province s'est trouvée dépourvue de toute
espèce de voies de communication, routes, chemins vicinaux, canaux, etc. ; et
puisque, pendant tout le temps qu'elle a été dominée par la force des
circonstances politiques, elle n'a pu jouir des mêmes avantages que les autres
provinces, qu'elle profite du moins de son association avec la grande famille ;
et nous avons assez de confiance dans les principes d'équité du gouvernement
pour croire qu'il ne se laissera pas influencer par des vues d'intérêt local,
et qu'il envisagera cette grande question au point de vue de l'intérêt général.
M. de
Tornaco. - Messieurs, autant que qui que ce soit, je
suis partisan de l'amélioration de la voirie vicinale. Cependant, je ne pourrai
appuyer l'amendement qui a été proposé par l'honorable M. Eloy de Burdinne.
Je crois que nous devons adopter une opinion qui a été exprimée, au
commencement de la séance, par M. le ministre de l'intérieur, à savoir qu'il
faut apporter une grande circonspection dans l'augmentation des dépenses. Je
saisis la première occasion qui m'est présentée pour donner une approbation
pleine et entière à cette sage réserve de M. le ministre de l'intérieur. Je
l'engage à persévérer dans l'opinion qu'il a énoncée. De cette manière le
gouvernement agira très prudemment, car on ne doit pas se le dissimuler, quand
il s'agira de pourvoir aux dépenses, alors arriveront les embarras.
La raison donc qui m'engage à ne pas voter l'amendement qui est proposé,
c'est que je ne veux pas sanctionner de nouvelles dépenses qui ne sont pas
justifiées par une nécessité absolue. L'augmentation de 200,000 fr. ne me
paraît pas avoir ce caractère ; je crois qu'on se trompe sur la destination du
crédit de 300,000 fr. ; on s'imagine assez généralement dans cette chambre que
ce crédit est employé à la construction de tous les chemins vicinaux
indistinctement. Il n'en est pas ainsi : le crédit est uniquement affecté aux
chemins vicinaux qu'on appelle chemins vicinaux de grande communication. Pour
que le gouvernement soit représenté d'une manière convenable dans les dépenses
qui sont faites pour ces chemins, une somme de 300,000 fr. est largement
suffisante.
S'il s'agissait de faire une répartition en faveur de tous les chemins
vicinaux indistinctement, alors peut-être une somme de 500,000 fr. pourrait-elle
recevoir un emploi avantageux ; mais pour le moment, il ne s'agit pas d'une
destination semblable. Je ne crois pas qu'il entre dans les intentions du
gouvernement de changer la destination qui a été donnée jusqu'à présent au
crédit ; mais s'il s'agissait de la changer, j'engagerais le gouvernement à
favoriser surtout les petites localités, les localités les plus éloignées, qui
sont à l'écart de toute voie de communication.
Un honorable membre s'est livré tout à l'heure à des calculs sur la
répartition qui a été faite des fonds votés pour la voirie vicinale.
L'honorable M. de Theux vient de répondre déjà à ce que ces observations
pouvaient avoir d'erroné. Cependant, je crois devoir revenir sur ce point :
d'après les calculs de l'honorable M. Rousselle, la province de Liège
apparaissait comme ayant été favorisée outre mesure ; ii résultait de ces
calculs que cette province aurait obtenu une part qui serait, quant à la
dépense qu'elle a faite, dans la proportion du 35 p. c, tandis que d'autres
provinces n'auraient obtenu que 10 ou 11 p. c. Les calculs de l’'honorable
membre sont tout à fait erronés, parce qu'il a confondu les trois tableaux qui
ont été soumis à l'examen de la chambre ; pour apprécier la manière dont les
fonds ont été distribués, il n'aurait dû s'attacher qu'au tableau A, celui qui
concerne les 300 mille francs formant l'allocation ordinaire pour la voirie
vicinale. A ce tableau l'honorable membre aurait reconnu que la province de
Liège, loin d'avoir été favorisée, n'a pas eu la part à laquelle elle avait
droit. En effet, la province de Liège est loin d'être l'avant-dernière en
importance et cependant elle a eu la moindre part, sauf celle qui a été donnée
à la province de Limbourg. Je n'insisterai pas davantage sur ce point.
Maintenant, si la chambre le permet, je dirai quelques mots sur laj
construction et l'entretien des chemins vicinaux. Messieurs, l'allocation de
300 mille fr. occasionne une très grande dépense dans le pays. Cette somme n'a
été votée et employée les années précédentes que comme stimulant, c'était un
moyen pour engager les communes et les provinces à faire des sacrifices afin
d'améliorer la voirie vicinale. Le gouvernement ne s'est pas trompé dans ses
prévisions. Le but qu'il s'est proposé a été complètement atteint. Vous avez pu
voir, par les tableaux qui ont été communiqués à la chambre, que la dépense
s'est élevée en 1847 à 1,500 mille francs environ. Les autres années, elle a
été plus forte encore, elle a presque atteint, si j'ai bonne mémoire, le
chiffre de deux millions.
Veuillez remarquer que l'allocation de 300 mille francs ne concerne que
la voirie de grande communication. Si on calculait toutes les dépenses qui ont
été faites en chemins vicinaux, on arriverait probablement à une somme de 4
millions. C'est donc une très grande dépense qui a lieu pour l'amélioration de
la voirie vicinale.
Je pense que ces sacrifices sont faits avec peu de discernement et que
les résultats qu'ils produisent sont en grande partie perdus par suite de la
négligence de l'administration. C'est sur ces deux points que je veux dire
quelques mots.
Vous savez comment les chemins vicinaux sont construits : on creuse un
lit ou ce qu'on appelle vulgairement un coffre destiné à recevoir
l'empierrement ; dans ce lit on verse de grosses pierres jusqu'à concurrence
d'une épaisseur de 30 centimètres que l'on recouvre de quelques centimètres de
pierres cassées. On donne à un chemin fait de la sorte le nom de chemin à la
Macadam. Je ne sais si le célèbre Macadam s'est jamais avisé de construire des
chemins pareils. Si mes renseignements sont exacts, il n'en existe pas de
semblables dans sa patrie.
Là, messieurs, au lieu de faire un encaissement de grosses pierres qu'on
appelle blindage, on casse les pierres jusqu'au fond du lit du chemin.
Je crois que ce mode, que j'ai vu recommandé dans plusieurs écrits sur
la matière, dont j'ai moi-même fait l'expérience, est plus avantageux que le
mode adopté dans notre pays ; je ne crains pas, messieurs, de fixer votre
attention sur ce sujet ; il faut bien reconnaître, en effet, qu'il est facile,
à l'occasion d'une dépense de 3 à 4 millions, de faire une perte considérable
en n'ordonnant pas bien cette dépense.
Le véritable mode de construction macadam me paraît beaucoup plus
économique que le mode généralement suivi dans notre pays.
Les chemins construits à la Macadam sont plus durables, parce que l'eau
n'y pénètre point et parce que les petites pierres, étant superposées,
s'entassent au lieu d'être broyées en peu de temps, comme elles le sont
lorsqu'elles ont pour base de grosses pierres.
Un autre avantage des empierrements de pierres cassées, c'est qu'on peut
en employer beaucoup moins en suivant les exigences des terrains. Ainsi, sur un
terrain eu pente qui se bêche facilement, on peut se borner à quelques
centimètres d'épaisseur ; tandis que, d'après le mode actuel, on met la même
épaisseur uniformément, sans distinguer entre les terrains secs et les terrains
humides. De là, messieurs, beaucoup de sacrifices inutiles de charriages et de
matières premières. Cette observation n'est pas, je crois, de peu d'importance
pour les localités où la pierre est rare et chère, et où il en coûte beaucoup
pour la transporter à pied d'œuvre.
J'engage le gouvernement à faire examiner par des hommes compétents la
question du remplacement du mode de construction actuel par le mode que je
viens d'indiquer en peu de mots ; je pense qu'il résulterait de grands
avantages de l'adoption de ce dernier ; je crois qu'il a été adopté depuis quelques
années en France. Dans ce pays on se sert de gros cylindres pour entasser les
pierres cassées ou les cailloux qui sont versés dans les lits des routes ou
chemins ; de sorte qu'ils présentent presque immédiatement une surface plane
imperméable à l'eau, et par conséquent tout à la fois plus commode à parcourir
et moins sujette à détérioration.
Le second point sur lequel je veux dire un mot, est l'entretien des
chemins vicinaux. L'énorme sacrifice qui est fait chaque année est en grande
partie perdu par suite de la négligence des administrations. Parcourez le pays,
dans quelque province que ce soit, même dans celle de Luxembourg qui est la
plus avancée sous ce rapport, vous trouvez que les fossés ne sont pas
entretenus ; quand les cultivateurs labourent leurs terres, ils empiètent sur
les fossés et les comblent ; l'humidité se jette dans les chemins et les
détruit. Le gouvernement ferait bien d'adresser des observations sur ce point
aux administrations provinciales et communales.
Je ne voudrais pas qu'on fît essuyer
des vexations aux cultivateurs, qu'on les empêchât de se livrer à leurs travaux
ou qu'on les tînt sous la menace constante de procès-verbaux. Mais il serait
désirable que les travaux agricoles étant achevés, les administrations prissent
la peine de faire relever les fossés par ceux à qui incombe l'obligation de le
faire.
Je tiens pour certain que le mauvais état des
chemins vicinaux doit être attribué en grande partie à la négligence que l'on
montre à l'égard des fossés qui les longent.
Cette négligence n'existe pas, quant aux routes ; elle ne devrait pas
exister davantage quant aux chemins vicinaux.
(page 272) M. de La Coste.
- Je vous prie, messieurs, de croire que je n'ai cité le Brabant que comme un
exemple, que je réclame contre le mode de répartition non comme peu favorable
au Brabant, mais comme injuste. J'admets que M. le ministre de l'intérieur ait
pu choisir cette base pour un crédit très peu important. Mais il n'en est plus
de même pour un crédit considérable. C'est un grief légitime contre les
augmentations de crédit. Par conséquent, c'est chose nuisible à la voirie
vicinale.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). -
L'honorable M. Eloy de Burdinne fut une proposition qui, par sa nature, doit
être agréable au gouvernement. Il propose de mettre à sa disposition une somme
de 200,000 fr. au-delà de l'allocation demandée au budget pour la voirie
vicinale. Je dis qu'une telle proposition est de nature à être agréable au
gouvernement. Aussi n'est-ce qu'avec un profond regret que je suis dans la
nécessité de combattre cette proposition, de refuser le bienfait dont on
voudrait gratifier mon budget.
Je reconnais avec les honorables préopinants, principalement avec
l'honorable M. Eloy de Burdinne, l'importance de la voirie vicinale, et
l'excellent effet produit par la première allocation portée au budget de 1840.
L'honorable M. Eloy de Burdinne (je ne lui en fais pas un reproche) repoussa
alors cette première allocation. Il a dit qu'il l'avait repoussée parce qu'il
la trouvait insuffisante. Je crois qu'il a eu tort. Ce qui le prouve, ce sont
les augmentations que cette première somme proposée en principe a
successivement reçues.
Il fallait donc adopter cette première allocation, sauf à l'augmenter
ensuite. C'est ce qui a eu lieu. Cette première allocation de 100,000 fr. a
produit d'excellents effets. Ou est arrivé successivement jusqu'au chiffre de
300,000 fr. porté au budget actuel. Faut-il que cette allocation de 300,000 fr.
reçoive aujourd'hui une augmentation nouvelle ? Faut-il porter la dotation
annuelle de la voirie vicinale de 500,000 fr. à 300,000 fr. ? Si nous étions
dans une meilleure position financière, si nous n'étions pas dans l'obligation
de créer des ressources nouvelles, si nous avions ce que doit avoir tout
gouvernement bien établi, bien organisé, des excédants de recettes sur les
dépenses, je crois qu'il serait difficile de trouver une meilleure application
de nos ressources, et je n'aurais pas attendu que l'honorable préopinant prît
l'initiative d'une proposition de ce genre.
Cependant, lorsque je repousse cette proposition d'augmentation, ce
n'est pas que je ne veuille faire pour la voirie vicinale plus encore que ce
qui a été fait jusqu'ici. Ainsi que l'a observé l'honorable M. de Theux, j'ai
annoncé qu'un crédit de 300,000 fr. serait demandé pour venir en aide aux
communes dans l'amélioration de la voirie vicinale. Mais je ne le proposerai
qu'avec d'autres travaux publics, et avec des ressources pour couvrir la dépense
; car, qu'on se tienne pour averti, le gouvernement n'entrera pas dans la voie
de dépenses considérables, sans avoir l'assurance qu'elles feront couvertes par
des ressources équivalentes. Pas de dépenses nouvelles, sans ressources
nouvelles. Voilà notre principe.
Il est bien entendu que je ne tiens pas compte de quelques faibles
dépenses accidentelles. C'est ainsi que je viens de demander une augmentation
de 3,200 fr. Mais le principe que le cabinet appliquera et qu'il ne craint pas
de proclamer, c'est que de fortes dépenses ne seront pas proposées sans que des
ressources nouvelles soient créées.
C’est sous cette réserve et dans cet ordre d'idées qu'un crédit
extraordinaire de 300,000 fr. sera demandé pour la voirie vicinale.
J'ajouterai qu'une forte partie du crédit extraordinaire de 500,000 fr.
demandé pour les Flandres sera appliqué également à l'amélioration de la voirie
vicinale dans les Flandres. Nous pourrons donc reporter sur d'autres localités
le crédit de 300,000 francs. Cependant, je ne dois pas laisser ignorer à la
chambre que c'est surtout vers les Flandres que se porteront les subsides peur
amélioration de la voirie vicinale.
Un honorable préopinant a demandé que le gouvernement répartît dès à
présent, par arrêté royal, les 300,000 francs entre les provinces. Il nous est
impossible de suivre ce conseil. La répartition du crédit de la voirie vicinale
dépend d'une infinité de circonstances locales. Il est impossible d'établir une
règle absolue et de procéder a priori à une répartition entre les 9 provinces.
Serait-il juste, par exemple, de n'allouer de subsides pour la voirie
vicinale qu'aux provinces et aux communes qui s'engageront à contribuer à la
dépense dans telle ou telle proportion évidemment au-dessous de leurs moyens ?
Si vous exigez d'une commune pauvre qu'elle contribue à la dépense dans les
mêmes proportions qu'une commune riche, vous priverez à perpétuité ces communes
de chemins vicinaux ; vous maintiendrez ces communes dans cette position
malheureuse, d'où elles ne peuvent sortir qu'avec l'aide de l'Etat. En matière
de subsides, on doit venir au secours des pauvres. Voilà le principe que
j'appliquerai. Plus tard ces communes, entrées dans une voie plus prospère,
contribueront comme les autres dans le contingent des impôts et des ressources
publiques.
Que l'honorable M. Eloy de Burdinne en soit bien convaincu, j'apprécie
l'utilité des travaux de la voirie vicinale. Je dois même dire que cette partie
du service est très bien organisée au département de l'intérieur et que j'ai
tâché d'y imprimer une impulsion nouvelle. Lorsque le crédit extraordinaire de
300,000 francs sera demandé, je demandera à la chambre de faire imprimer le
compte rendu de l'emploi des crédits votés depuis 1841, et que j'ai déposé sur
le bureau. Ce travail offrira beaucoup d'intérêt.
Un honorable député de Liège, qui dans toutes les questions relatives à
l'agriculture, a habitué la chambre à recevoir de ses discours beaucoup de
lumières, beaucoup d'idées pratiques, a présenté des observations sur la
manière dont les chemins vicinaux étaient construits, étaient entretenus.
Il a signalé plusieurs vices dans le mode de construction et dans le
mode d'entretien. A cet égard il n'y a pas, je pense, de règle absolue.
Les observations de l'honorable M. de Tornaco peuvent s'appliquer à
telle ou telle localité de lui connue. Mais ce n'est pas en vertu d'un principe
général administratif que les chemins vicinaux sont construits et entretenus.
Je ne pense pas qu'il existe d'instructions ministérielles à cet égard.
M. de Theux. - Il n'y en
a aucune.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Dans tous
les cas, si ces vices de construction, d'entretien, résultaient d'instructions
ministérielles, je profiterais des observations de l'honorable membre. Elles ne
seront pas perdues de vue. Ce sont, messieurs, des matières du plus haut
intérêt, et je ne puis trop appeler à mon aide les lumières, de quelque part
qu'elles viennent, sur toutes ces questions administratives.
Je répète donc, messieurs, que dans les
circonstances actuelles, je suis obligé bien à regret de repousser les 200,000
fr. d'augmentation qui sont proposés.
Plusieurs
membres. - A demain !
M. Eloy de Burdinne (contre la
clôture). - Messieurs, cette question vaut bien la peine que nous nous y
arrêtions quelque temps. Je désirerais répondre quelques mots aux observations
que vient de présenter M. le ministre de l'intérieur.
M. de Mérode (contre la
clôture). - L'objet dont il s'agit est un des plus importants que l'on puisse
traiter ; car il a un rapport très direct avec l'agriculture, c'est-à-dire avec
les moyens de production qui manquent réellement dans le pays, puisque d'après
la statistique que nous a présenté M. Quetelet, la Belgique ne fournit pas ce
qui est nécessaire à la nourriture de ses habitants. Or, les chemins vicinaux
sont le moyen le plus propre à augmenter la production agricole. Il est donc
très utile de s'expliquer complètement sur cet objet.
M. de Garcia (contre la
clôture). - Je demanderai aussi que la discussion ne soit pas close. Car, comme
vient de l'observer l'honorable M. de Mérode, la question qui nous occupe est
certainement une des questions les plus importantes et qui touchent le plus aux
intérêts vivaces du pays.
Il ne faut pas se le dissimuler, la petite voirie est encore dans un
état déplorable dans tout ce pays ; ce point est tellement évident qu'il me
suffit d'en appeler à chacun de nous. Traitons donc cette question à fond. Car
je vois avec regret que M. le ministre de l'intérieur n'accepte pas
l'amendement de l'honorable M. Eloy de Burdinne.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Je crois
m'être expliqué sur le crédit demandé en ministre qui comprend l'importance de
la question, et je suis étonné que l'honorable préopinant vienne m'adresser un
reproche au moment même où je témoigne la plus vive sympathie pour cette partie
de mon service. Cela est injuste.
Je n'ai pas non plus poussé à la clôture de la discussion ; au
contraire, j'ai demandé qu'on m'apportât des lumières sur cette question
importante. Ce que je demande c'est que la discussion continue et ne soit pas
renvoyée à demain. Il n'est que quatre heures, et chaque heure nous est
précieuse
Je suis obligé, puisqu'on m'y force, de revenir encore sur le passé.
Qui est-ce qui a en définitive mis la première main a ce monument de la
voirie vicinale ? Car nous pourrons un jour qualifier de monument, ce qui a été
fait et ce qui sera fait pour la voirie vicinale. Les renseignements qui vous
seront fournis vous prouveront à quel point de progrès on est déjà arrivé.
Eh bien, je dois le rappeler, c'est en 1840 pour la première fois qu’on
a saisi la chambre d'une demande de crédit en faveur de la voirie vicinale.
C'est nous qui avons proposé ce premier crédit, et je ne veux pas
rappeler dans quels rangs il a été combattu. En tout temps nous avons prouvé
l'importance que nous attachons à la voirie vicinale. Dans le discours du trône
nous avons rappelé les avantages d'une bonne voirie vicinale pour les progrès
de l'agriculture. J'ai été personnellement partisan décidé du perfectionnement
de la voirie vicinale.
Si j'ai repoussé la demande d'augmentation de 200,000 fr., j’ai donné
des raisons solides à l'appui de mon opinion, et j'espère qu’on ne verra pas
une preuve d'indifférence pour la voirie vicinale dans l’opposition que je suis
obligé de faire à une nouvelle dépense de 200,000 fr.
Au reste, j'attendrai l'honorable M. de Garcia. Je verrai si son
intention est de pousser le gouvernement dans la voie des dépenses, alors qu'il
repousse les moyens d'y faire face.
M. de Garcia. - Vous me
faites un défi.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J'attends
l'honorable M. de Garcia à l'œuvre. Si je suis bien informé, l'honorable membre
figure parmi ceux qui ne veulent pas accorder de nouvelles ressources au
gouvernement. Et cependant il voudrait nous pousser dans des dépenses
nouvelles. Ce système serait trop commode. Nous ne nous y laisserons pas aller.
Nous saurons défendre les droits du trésor et les prérogatives de l'Etat, et au
besoin nous rappellerons aux membres de cette chambre (page 273) qui veulent nous entraîner dans des dépenses, qu'ils
contractent par là l'obligation de voter aussi des ressources.
M. le président. - Il s'agit
de la clôture.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Pour ma
part je ne demande pas la clôture. Je demande que la discussion continue, mais
qu'elle continue aujourd'hui.
M. de Garcia (pour un
fait personnel). - Messieurs, je m'étonne de l'espèce de colère, dans laquelle
s'est mis M. le ministre pour répondre aux paroles que j'ai prononcées.
Qu'ai-je dit ? J'ai dit que je regrettais que M. le ministre de l'intérieur ne
pouvait pas accepter l'amendement que présentait l'honorable M. Eloy de
Burdinne. Et devant des expressions aussi convenantes, M. le ministre se fâche,
me jette des défis, suppose que je lui prête des intentions hostiles à
l'agriculture. ! Qu'ai-je dit de semblable ? Rien, et pour le prouver il me suffit
d'en appeler à tous les membres de cette assemblée. Dès lors comment
s'expliquer l'état d'irascibilité dans lequel vient de se mettre l'honorable M.
Rogier ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Ne vous
fâchez pas.
M. de Garcia. - Je vous
prie de ne pas m'interrompre. E n me fâchant, je ne fais que vous rendre la
monnaie de votre pièce.
L'honorable ministre est revenu encore sur un fait qu'il a semblé
présenter comme m'étant personnel ; c'est d'avoir voté contre le premier
subside qu'il a demandé en 1840 pour la voirie vicinale. C'est peut-être pour
la vingtième fois qu'il revient sur cette question. Mais M. le ministre de
l'intérieur ne dit pas tout, ne fait pas connaître toutes les circonstances qui
ont déterminé beaucoup de membres à ne pas accepter le subside.
La loi sur les chemins vicinaux n'était pas faite, et, à défaut de cette
loi, ce subside pouvait être distribué sur des bases qui n'auraient pas réuni
le caractère de justice et d'équité que les opposants voulaient voir régner
dans sa distribution. Le fond de cette proposition a été tellement peu combattu
que, lors de cette discussion, j'ai déclaré de la manière la plus formelle,
j'en appelle au Moniteur, que loin de m'opposer à ce subside, si la loi sur la
voirie vicinale était votée, je le considérais comme insuffisant.
Dès lors, que M. le ministre de l'intérieur ne se fasse pas un trophée
de ce qui s'est fait ; qu'il ne vienne pas faire un reproche injuste aux
membres qui n'ont pas accueilli la première proposition d'un subside pour la
petite voirie.
Au surplus, messieurs, si la clôture n'est pas prononcée, je me propose
d'appuyer l'amendement de l'honorable M. Eloy de Burdinne et de démontrer qu'il
est de la plus haute utilité de faire pour la petite voirie de plus grands
sacrifices que ceux qui sont proposés par le budget.
L'honorable ministre de l'intérieur a dit encore (et c'est encore bien
là un fait personnel) que je suis dans l'intention de refuser tous les voies et
moyens au gouvernement. Mais sur quoi donc raisonne M. le ministre ? Il
raisonne sans doute sur des commérages toujours indignes du parlement. Car je
ne me suis prononcé et je n'ai pu me prononcer que sur la seule question qui
nous est soumise, celle sur les successions. A cet égard, je le déclare
franchement, en section j'ai combattu de toutes mes forces le serment pour les
successions en collatérale. Je le répète ici à M. le ministre, jamais je ne
donnerai mon assentiment à une mesure aussi immorale et aussi odieuse. Mais ce
n'est certes pas l'expression de cette opinion qui peut autoriser M. le
ministre à dire que je sois disposé à repousser tous les voies et moyens que
pourra présenter le gouvernement.
M. le président. - Si on ne
reproduit pas la demande de clôture (Non
! non !) je croirai inutile de mettre la clôture aux voix. J'accorderai
donc la parole à M. Orban.
- M.
Verhaegen remplace M. Liedts au fauteuil.
M. Orban.
- M. le ministre de l'intérieur est d'accord avec nous pour reconnaître
l'immense intérêt qui se rattache au crédit destiné à l'amélioration de la
voirie vicinale ; il ne repousse l'augmentation proposée que par une
considération d'économie. Mais, messieurs, quand on veut invoquer la question
d'économie, il faut se placer à un point de vue plus élevé ; il faut comparer
les dépenses de diverses natures, qui figurent non seulement au budget de
l'intérieur, mais dans les budgets des divers départements et comparer leur
utilité relative ; il faut examiner, si parmi ces dépenses, il n'en est pas qui
présentent un caractère d'utilité moins prononcé et sur lesquelles des
réductions pourraient être avantageusement opérées.
Pour ne point sortir, par exemple, des travaux publics, je demanderai à
M. le ministre de l'intérieur si une partie des crédits destinés à construire
des routes ordinaires ne serait point employés beaucoup plus utilement à la
voirie vicinale.
Quand il s'agit de routes ordinaires, on vote les sommes les plus
élevées sans difficulté, sans savoir à quelles routes les fonds seront
employée, sans savoir s'ils seront appliqués à des routes présentant un
caractère suffisant d'utilité.
Eh bien, messieurs, si sur les crédits qui ont cette destination, vous
retranchiez, par exemple, 300,000 fr. pour les affecter à la voirie vicinale,
vous ne feriez que retirer à M. le ministre des travaux publics le moyen
d'exécuter deux à 3 lieues de route, car les routes de l'Etat coûtent de 100 à
180,000 fr. par lieue dans certaines provinces.
Eh bien, je le demande, y a-t-il une comparaison à établir entre
l'utilité de ces deux ou trois lieues de route et le bienfait que vous procurez
au pays, au pays tout entier, en consacrant 500,000 fr. de plus à l'amélioration
de la voirie vicinale ?
Remarquez, messieurs, que lorsque le gouvernement affecte des subsides à
la voirie vicinale il ne fait que stimuler l'activité des provinces et des
communes, et ce n'est plus le crédit porté au budget de l'Etat, mais des sommes
trois ou quatre fois plus considérables qui sont employées à ce genre de
travaux.
Il me semble, messieurs, que la question, ainsi posée, prendrait une
toute autre face, et dès lors elle ne peut plus être résolue par de simples
considérations d'économie, puisque l'on peut atteindre le but sans augmenter la
dépense, mais en la répartissant différemment. Il n'existe plus aujourd'hui
dans le pays des projets de routes d'une utilité tellement évidente qu'on ne
puisse pas en ajourner quelque peu l'exécution. Depuis 1830 on a voté des
sommes considérables pour compléter le système de nos routes, et on a commencé,
naturellement, par exécuter celles qui présentaient le plus d'utilité ; cela
est si vrai qu'un très petit nombre de ces routes nouvellement construites
produisent en droits de barrières de quoi suffire à leur entretien.
En revanche, messieurs, il existe un nombre infini de communications
d'un ordre secondaire à établir. Il en existe de cette espèce dans toutes les
communes du royaume. Mais c'est précisément parce qu'elles sont nombreuses
qu'il est nécessaire, d'une part, de les exécuter d'une façon peu dispendieuse,
et d'une autre part d'y consacrer à la fois les ressources de l'Etat, les
ressources des provinces et les ressources des communes ; sans cela on ne
parviendrait jamais à compléter l'ensemble du système.
Il est évident que quand vous exécutez aujourd'hui une route aux frais
de l'Etat vous établissez en sa faveur un privilège que 25 autres
communications de même nature auraient mérité avec tout autant de raison, et
celles-ci vous les laissez exclusivement à charge des communes. II n'y a là
assurément aucune justice.
On nous objecte que nous ne pouvons augmenter les subsides en faveur de
la voirie vicinale qu'autant que les provinces et les communes augmentent
elles-mêmes leurs allocations, qu'il ne faut pas s'exposer à rompre la
proportion qui a toujours existé dans la participation des communes et de
l'Etat à ces travaux.
Messieurs, l'on commet fréquemment en administration une erreur que je
crois devoir relever ici. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'une dépense de première
utilité, de premier ordre, on exige le concours des provinces et des communes
précisément parce que la dépense était de premier ordre, on cherche à réaliser
le plus de ressources possibles pour les y consacrer ; mais que résulte-t-il de
là, messieurs ? C'est que, vous adressant aux provinces qui ont généralement
peu de ressources, qui sont généralement peu disposées à augmenter les charges
de leurs budgets, vous n'obtenez de leur part qu'un concours extrêmement
réservé et que le gouvernement se trouvant en quelque sorte lié par l'exiguïté
des subsides qu'il obtient des provinces, vous arrivez ainsi à consacrer les
moindres dépenses aux objets de la plus grande utilité. Quand il s'agit au
contraire de dépenses d'une utilité secondaire, le gouvernement qui se charge à
lui seul de les faire n'a qu'à puiser dans le trésor public, dans le budget de
l'Etat où, il faut bien le dire, n'existe pas la même parcimonie que dans les
budgets provinciaux.
Cette observation, messieurs, ne s'applique pas seulement aux travaux de
routes ; elle s'applique à une foule d'autres objets. Je citerai, par exemple,
les encouragements à l'élève du bétail. Il y a là des encouragements de deux
natures différentes ; il y a l'amélioration de la race chevaline au moyen des
étalons du pays, qui contribuent pour les 99/100 à la reproduction. On exige
pour cette dépense de première utilité le concours des provinces, et l'on
arrive à ne dépenser pour cet objet capital qu'une somme de 8,000 fr. environ
sur le budget de l'Etat. L'amélioration de la race chevaline au moyen des
chevaux du gouvernement peut être considérée comme d'une utilité secondaire
puisque ces chevaux ne contribuent que dans une proportion minime à la reproduction
de l'espèce.
Vous consacrez 240,000 fr. à cette dépense
secondaire, parce que le gouvernement agit seul dans cette circonstance, et ne
se trouve pas gêné par l'obligation de se modeler sur les dépenses faites par
les communes et par les provinces.
Vous voyez donc le motif de la parcimonie que l'on a mise dans les
allocations concernant les chemins vicinaux ; je n'hésite pas à déclarer que je
suis prêt à voter pour une augmentation, sauf à rejeter les autres demandes de
fonds qui n'ont pas le même caractère d'utilité.
M. Lebeau.
- Messieurs, bien souvent j'ai proclamé dans cette chambre l'importance de la
voirie vicinale que je mets, pour la civilisation des communes, immédiatement
après, sinon à côté de l'instruction primaire. Je crois que tirer les communes
de l'isolement où beaucoup d'entre elles vivent, c'est faire beaucoup, non
seulement pour le bien-être matériel, mais aussi pour leur progrès moral et
intellectuel. Cela étant, j'ai cru devoir prendre la parole pour motiver très
brièvement mon vote sur l'amendement de l'honorable M. Eloy de Burdinne, que je
ne puis admettre.
En général, c'est un incident fâcheux, dangereux, que de voter des
augmentations de dépense qui ne sont pas proposées par le gouvernement. Quand
le gouvernement propose une augmentation de dépense, il y a lieu de supposer
qu'il s'est livré à une instruction plus ou moins approfondie, qu'il s'est
entouré de tous les renseignements que sa position, les nombreux agents dont il
dispose, lui permettent de recueillir chaque jour. Nous avons là une première
garantie de maturité, que je ne trouve pas dans l'amendement, amendement qui a
tout l'air d'une improvisation, qui n'a subi aucun examen dans les sections.
(page 274) Messieurs, si
500,00,0 fr., eu égard aux circonstances, devaient être demandés pour les
chemins vicinaux, le devoir du gouvernement était de les proposer lui-même. Ce
n'est point parce qu’il aurait trouvé des dispositions favorables, parce qu'il
aurait pour ainsi dire tâté le pouls à la chambre qu'il devrait maintenant
changer d’opinion sur ce point. Un gouvernement sérieux ne se livre pas à de
pareils entraînements.
J'avais aussi demandé la parole pour appuyer les observations très
importantes de l'honorable M. de Tornaco.
J'ai un peu parcouru le pays pendant nos vacances, et j'ai pu me
convaincre des effets déplorables du mode de construction adopté non seulement
pour la voirie vicinale, mais pour plusieurs des routes de l'Etat. J'ai
parcouru des routes de l'Etat tout récemment construites d'après le mode
indiqué par l'honorable M. de Tornaco, et j'ai trouvé que ces routes offraient,
dans certaines parties, une dénudation complète et que toute la charpente était
pour ainsi dire à jour.
Ce que j'ai pu constater aussi, c'est, non seulement dans les routes
vicinales de grande communication, mais aussi sur les routes provinciales,
l'état de négligence où l'on laissait les fossés. Or, sans l'entretien des
fossés latéraux à la route, il est impossible, quelque irréprochable que soit
le premier établissement de cette route, de la maintenir en bon état.
Ainsi, il ne suffit pas seulement de créer, d'édifier ; il faut encore
que nous appelions l'attention sérieuse du gouvernement sur les moyens de
conserver.
La plupart des routes de grande
communication vicinale, les seules dans les dépenses desquelles le gouvernement
intervienne, ces routes ne constituent pas une dépense faite à pure perte ; je
crois que les frais d'entretien sont prélevés sur le produit des barrières ;
sur plusieurs de ces routes, le gouvernement a autorisé des barrières,
quelquefois des demi-barrières. Je ne suis pas, quant à moi, grand partisan des
barrières. Je désirerais beaucoup que la situation de nos finances nous permît
un jour de supprimer l'impôt des barrières. Je voudrais que, sous ce rapport,
nous fussions soumis au même régime que la France ; mais je ne pense pas que le
moment soit opportun pour proposer une semblable réforme. Je me borne à
l'indiquer, sauf à y revenir en temps utile Je désire voir arriver l'époque où
l'on pourra abolir les barrières sur toutes les routes, comme les péages sur
tous les canaux.
M. de Theux. -
Messieurs, l'honorable ministre de l'intérieur a annoncé qu'il présenterait une
demande de crédit spécial pour les dépenses ordinaires de la voirie vicinale.
Cette déclaration me suffit. Toutefois, j'engage le gouvernement à ne pas faire
de cette proposition l'objet d'une coalition d'intérêts qui y sont étrangers.
Les chemins vicinaux intéressent par eux-mêmes toutes les provinces.
L'honorable M. Lebeau a confirmé les observations qui ont été faites par
l’honorable M. de Tornaco pour la construction et l'entretien des chemins
vicinaux.
Il se peut que, dans quelques localités, il y ait des vices de
construction et d'entretien ; mais je ferai remarquer que la loi sur les
chemins vicinaux délègue à l'autorité provinciale l'adoption du mode des
travaux, la surveillance des travaux. Il n'appartient pas au gouvernement de
diriger cette administration. Cela n'empêche pas, toutefois, que, quant aux
inconvénients qui ont été signalés, M. le ministre de l'intérieur ne puisse
appeler l'attention de l'autorité provinciale sur les faits dont on se plaint.
Un dernier mot.
M. le ministre de l'intérieur est revenu sur la
loi qui a doté le pays de chemins vicinaux ; il s'attribue en quelque sorte
l'initiative des améliorations apportées à la voirie vicinale. Je rappellerai à
M. le ministre que la proposition de loi sur les chemins vicinaux a été soumise
à la chambre en 1839, que la loi a été entièrement discutée dans les deux
chambres sous l'administration de cette époque ; qu'en 1840 il ne s'est plus
agi que d'un amendement qui avait été adopté par le sénat et qui devait encore
être discuté par cette chambre.
L'initiative de l'amélioration de la voirie vicinale n'appartient pas
exclusivement à l'honorable ministre ; mais je lui abandonne volontiers
l'initiative du crédit de 100,000 fr. J'ai déjà expliqué les motifs par
lesquels nous n'avons pas, à cette époque, donné notre assentiment à ce crédit
: c'est que la loi sur les chemins vicinaux prévoyait le mode d'intervention du
gouvernement en faveur de cette espèce de voies de communication, et que tant
que le principe n'était pas adopté, il n'y avait pas lieu d'accorder un crédit
au gouvernement. Voilà uniquement ce qui s'est passé.
M.
Eloy de Burdinne. - Messieurs, l'honorable ministre
de l'intérieur croit que je viens demander une augmentation de dépenses. Il
n'en est rien, je prétends que dans beaucoup de localités, les chemins vicinaux
peuvent remplacer les grandes routes faites par l'Etat. Or, un million de
crédit supplémentaire doit être demandé pour cet objet ; eh bien, en supprimant
et en employant 500,000 fr. pour la voirie vicinale, je suis d'avis que vous
obtiendrez autant de résultats que vous en obtiendrez des voies de
communication à faire au moyen de ce million. Donc, loin d'augmenter les
dépenses de l'Etat, ma proposition tend à les réduire.
Eh bien, messieurs, si l'honorable ministre de l'intérieur avait prêté
un peu d'attention, à ce que j'ai dit, il aurait reconnu que loin d'augmenter
les dépenses je les réduisais. C’est un système à la vérité qui n'est peut-être
pas du goût de tout le monde, mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'il est dans
l'intérêt général, car si les chemins vicinaux peuvent remplacer les
communications établies aux frais de l'Etat, comme ils ne coûtent que le quart
de nos grandes routes, nous ferons de ce chef une grande économie.
M. le ministre a paru croire que mon intention était qu'on n'accordât
pas de subsides aux communes qui ont peu de moyens ; au contraire je veux que
les communes qui sont sans ressources soient aidées comme celles qui en ont
beaucoup, mais je pense que ces dernières doivent l'être sur une plus grande
échelle.
Je veux surtout stimuler le zèle des autorités locales pour procurer de
l’ouvrage aux classes pauvres qui en manquent. Mais je dois dire qu’ici quand
il s’agit de questions qui ont rapport à l’agriculture, on montre les
meilleures intentions du monde, mais quand il s'agit de poser des actes on ne
trouve plus personne. Quand il s'agit d'économie, c'est la même chose. Tout le
monde veut protéger l'agriculture, tout le monde veut lui procurer les
communications dont elle a besoin, mais quand on propose de réaliser ces vœux,
on n'obtient rien.
Il suffit même que l'agriculture soit intéressée dans une dépense
proposée, pour que cette dépense rencontre peu de faveur. C'est ici le cas. En
effet l’agriculture n'est pas seule intéressée dans la dépense que je propose ;
le commerce et l'industrie ne le sont pas moins ; mais à cette demande de 200
mille francs pour construction de chemins vicinaux on répond : La situation du
trésor ne le permet pas.
Quand vous avez proposé des dépenses de six, sept millions pour
construire des canaux dans l'intérêt de l'industrie, m'avez-vous vu prendre la
parole pour les combattre ? Toutes les fois qu'on a proposé des dépenses
considérables pour établir des communications de l'industrie, vous ne m'avez
jamais vu les combattre, si ce n'est quand il s'est agi des chemins de fer.
Aujourd'hui qu'il s'agit d'une dépense, non seulement en faveur de
l'agriculture, mais encore et principalement dans l'intérêt général, on
rencontre une opposition extraordinaire. Croyez-moi, les paroles de sympathie
que vous adressez à l'agriculture ne seront pas accueillies par les campagnards
si vous n'y ajoutez des actes ; ce ne sont pas des discours, des paroles, mais
des faits qu'il faut pour obtenir leur sympathie.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Nous
l'avons autant que vous.
M. Eloy de Burdinne. – Je ne
m'adresse pas aux ministres, c'est à la chambre entière que je m'adresse. Il
n'entre pas dans mes habitudes de faire des personnalités.
Je bornerai là mes observations. Je vois que les intérêts de
l'agriculture vous touchent peu.
M.
Rousselle. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M.
le ministre des travaux publics (M. Frère-Orban).
- L'honorable M. Eloy a supposé que le crédit de 200 mille francs qu'il
sollicite pour la construction de chemins vicinaux était combattu par des
raisons qui s’appliquent à l'agriculture ; c'est là, assurément, une grave
erreur. Les seules considérations que M. le ministre de l'intérieur a fait
valoir, sont relatives à l'état des finances.
A ce sujet, l'honorable membre a dit qu'il y avait moyen de tout
arranger ; qu'on pourrait réduire de 200,000 fr. le crédit d'un million que le
gouvernement voulait demander pour construction de routes nouvelles, et
reporter ces 200,000 fr. du chapitre de la voirie vicinale au budget de
l'intérieur.
Je n'ai pas connaissance que le gouvernement ait demandé un crédit d'un
million pour construction de routes nouvelle» ; il n'en y pas été dit un seul
mot soit dans mon budget, soit dans l'énoncé des crédits extraordinaires que le
gouvernement doit réclamer. On ne peut donc pas prendre ces deux cent mille
francs sur les fonds d'un crédit extraordinaire qui n'existe pas.
L'honorable M. Orban a proposé un autre moyen, celui de réduire le
crédit ordinaire pour le fonds des routes jusqu'à concurrence de 200,000
francs. Ceci ne me paraît pas sérieux. L'honorable membre a dit qu'il
n'existait plus dans le pays de route d’une importance considérable à
construire.
Je ne pense pas qu'il en soit ainsi. Si je m'en rapporte aux nombreuses
sollicitations que m'adressent les membres de cette chambre qui me signalent
des routes d'une extrême importance, d'une extrême utilité à construire dans
leurs arrondissements, je dois croire qu'il reste encore à construire des
routes dans le pays pour une somme considérable. Et, dans le fait, dans la
vérité des choses, il y a encore pour des millions de routes utiles à faire
dans le pays.
Le fonds appliqué aux routes se compose de l'excédant du produit des
barrières sur la dépense d'entretien des roules ; et suivant la loi, cet
excédant doit être employé en amélioration des routes existantes et en
construction de routes nouvelles.
Chaque année ce fonds diminue, par la
raison fort simple que les constructions nouvelles exigent de nouvelles
dépenses d'entretien. Aujourd'hui ce fonds se trouve réduit à une somme minime.
Environ neu cent mille francs, de sorte qu'en adoptant la proposition et les
calculs que vient de faire l'honorable M. Orban, l'Etat pourrait faire neuf
lieues de route pendant l'année dans tout le pays. Si quelque chose doit être
maintenu, c'est le crédit affecté aux routes et qui figure au budget du
département des travaux publies. Il est impossible d'en distraire la moindre
somme pour en opérer une sorte de transfert au département de l'intérieur.
(page
275) M.
Rousselle. - Quand l'honorable M. de Theux a parlé pour la première fois,
j'ai cru comprendre qu'en parlant de mesquines vues d'intérêt de localité, il
voulait faire allusion aux paroles que j'ai prononcées au commencement de la
séance. Quand je serai connu de cette assemblée, je suis convaincu que personne
ne supposera que je me laisse diriger par de mesquins vues d'intérêt local.
S'il était question d'examiner sérieusement l'emploi qui a été fait de
crédits affectés à la voirie vicinale, je crois que je pourrais établir que de
mesquines vues d'intérêt local ont été le mobile de beaucoup d'allocations de
subsides. Mais je tiens à ne pas prolonger cette discussion.
M. de Theux. - Je me
suis borné à engager le ministère à ne pas se laisser diriger par des
influences d'intérêt local ; à prendre égard aux intérêts généraux du pays.
Quant à moi, ce sont les principes que j'ai toujours suivis. Je désire qu'ils
le soient aussi à l'avenir. J'en ai la confiance.
M.
Rodenbach. - Ainsi soit-il !
Plusieurs
membres. - La clôture.
M.
de Mérode. - Nous avons fait ressortir la nécessité de
bien traiter cette question. Je demande la remise à demain. La voirie vicinale
est une des choses les plus intéressantes pour le pays. Vous ne voulez pas qu'on
discute ; vous étouffez la discussion ?
M. le
ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La
question pourra se représenter très utilement au chapitre Agriculture.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
L'amendement de M. Eloy de Burdinne est mis aux voix par appel nominal.
Voici le résultat du vote :
71 membres sont présents.
1 (M. de Mérode) s'abstient.
70 prennent part au vote.
11 votent pour l'adoption.
59 votent contre.
La chambre n'adopte pas.
Ont voté pour l'adoption : MM. Vanden Eynde, Zoude, Clep, David,
Desaive, du Roy de Blicquy, Eenens, Eloy de Burdinne, Faignart, Lesoinne et
Orban.
Ont voté contre : MM. Van Cutsem, Vandensteen, Van Huffel, Verhaegen,
Veydt, Vilain XIIII, Anspach, Biebuyck, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet,
Bruneau, Cans, Cogels, d'Anethan, Dautrebande, de Baillet-Latour, de Bonne, de
Breyne, de Corswarem, Dedecker, de Foere, Delehaye, Delfosse, de Meester, de
Muelenaere, Destriveaux, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes,
d'Hane, d'Hoffschmidt, d'Huart, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric),
Frère-Orban, Gilson, Henot, Huveners, Lange, Lebeau, Lys, Maertens, Malou,
Moreau, Nothomb, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach, Rogier, Rousselle,
Scheyven, Sigart, Simons, T'Kint de Nayer.
M.
de Mérode motive en ces termes son abstention. - Je
m'abstiens parce que la discussion a été étouffée sur une question qui mérite
toute la sollicitude de la chambre, et qui ne pouvait être résolue qu'en
examinant les moyens de faire des économies sur certains objets et de les
appliquer largement à celui-ci.
- L'article est adopté avec le chiffre de 300,000 fr.
PROJET DE LOI APPLIQUANT LE PRINCIPE DE RECIPROCITE INTERNATIONALE EN
MATIERE DE JUGEMENTS, D’ACTES AUTHENTIQUES ET D’HYPOTHEQUES
M. le
ministre de la justice (M. de Haussy). - Je dépose
un arrêté royal portant retrait du projet de loi tendant à abroger l'arrêté du
9 septembre 1844 ; et en remplacement de ce projet, j'en présente un dont le
but est d'appliquer le principe de réciprocité internationale, en matière de
jugements, d'actes authentiques et d'hypothèques.
- La chambre donne acte à M. le ministre de la justice de la
présentation de ce projet de loi ; en ordonne l'impression et la distribution,
et le renvoie à l'examen des sections.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.