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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 30 novembre 1847
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions
relatives au traitement des secrétaires communaux (de
T’Serclaes) et à la répartition du crédit destiné à aider les ouvriers de
l’industrie linière (Scheyven)
2) Projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire au
budget du département des affaires étrangères
3) Projet de loi apportant des modifications au tarif
des douanes
4) Projet de loi portant le budget du département des
affaires étrangères pour 1848. Discussion des articles. Etablissement de
Santo-Thomas (d’Hoffschmidt, Sigart),
canal de Gand à Terneuzen, traité de paix conclu avec les Pays-Bas, industrie
de la pêche (Lejeune, d’Hoffschmidt,
Lejeune), représailles par suite de l’augmentation des
droits d’entrée établis par la Russie (Osy, d’Hoffschmidt), application de la loi différentiel
aux navires brésiliens (Osy, d’Hoffschmidt),
tarif des droits consulaires (Veydt, Osy,
Veydt), choix des consuls (Delehaye),
écoles de navigation, institut commercial d’Anvers (Osy, d’Hoffschmidt), primes pour construction de navires (d’Hoffschmidt, Osy), politique
commerciale du gouvernement, établissements de comptoirs commerciaux, société
d’exportation linière (d’Hoffschmidt, Osy, de Haerne, d’Hoffschmidt, Gilson),
utilité d’une marine militaire (d’Hoffschmidt, Loos), service des bateaux à la Tête de Flandre (Osy, de T’Serclaes, d’Hoffschmidt, Vilain XIIII, Loos, Delfosse, d’Hoffschmidt), transport trans-Manche (Osy, d’Hoffschmidt)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1847-1848)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 141) M.
T’Kint de Naeyer procède à l'appel nominal à 2 heures
un quart. Il lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction
est adoptée ; il présente l'analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Willain, membre du
conseil communal de Forges, demande que le bourgmestre de cette commune se
conforme à l'article 62 de la loi communale et que les décisions du conseil
soient respectées. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_________________
« Le sieur Wouters, ancien sous-officier, demande un secours. »
- Même renvoi.
« Les secrétaires communaux de l'arrondissement de Saint Nicolas
demandent une loi qui améliore leur position. »
M. de
T'Serclaes. - Je demande que la commission des pétitions
soit invitée à faire un rapport sur cette pétition, avant la discussion du
budget de l'intérieur.
- Adopté.
_________________
« Le sieur Bansart, directeur du dépôt de mendicité de Hoogstraeten,
prie la chambre de décider si les directeurs des dépôts de mendicité ont droit
à la pension de retraite sur les fonds de l'Etat. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
« L'administration communale de Saint-Arnaud, demande que les
communes linières de la province d'Anvers puissent participer au crédit de
500,000 fr. demandé pour le département de l’intérieur. »
M.
Scheyven. - Messieurs, cette pétition se rapporte au
projet de crédit : de 500,000 fr. pour les districts liniers ; comme ce projet
est à l'ordre du jour, je demande qu'il plaise à la chambre d'ordonner le dépôt
de cette pétition sur le bureau pendant la discussion, du projet.
- Cette proposition est adoptée.
__________________
« Les notaires de la ville de Courtray présentent des observations
concernant le projet de loi sur l'organisation du notariat. »
(page 142) - Dépôt sur le
bureau pendant la discussion du projet de loi.
__________________
« L'administration communale de Renaix propose des modifications au
projet de loi sur la réunion du deuxième au premier canton de justice de paix
de la ville d'Audenarde. »
- Renvoi à la commission des circonscriptions cantonales.
__________________
M. Tremouroux informe la chambre qu'une indisposition de sa mère
l'empêchera d'assister pendant quelques jours aux travaux de l'assemblée.
- La chambre accorde un congé à M. Tremouroux.
PROJET DE LOI OUVRANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT
DES AFFAIRES ETRANGERES
M. le
ministre des finances (M. Veydt) dépose un
projet de loi ouvrant au département des affaires étrangères (marine) un crédit
supplémentaire de 10,000 fr., exercice 1846.
- Ce projet sera imprimé et distribué.
La chambre le renvoie à la section centrale qui a examiné le budget des
affaires étrangères et de la marine.
PROJET DE LOI APPORTANT DES MODIFICATIONS AU TARIF DES DOUANES
M. le
ministre des finances (M. Veydt). - J'ai
l'honneur de déposer un second projet de loi. En voici l'objet :
La loi du 21 mars 1846, par son article 2, autorise le gouvernement à
assimiler, pour l'application du droit de douane, les marchandises non
dénommées au tarif aux marchandises avec lesquelles elles présentent le plus
d'analogie.
Il a été fait usage de cette autorisation par arrêté royal du 30 juin
1847. Cet arrêté doit être soumis à l'approbation des chambres. Le projet de loi
que j'ai l'honneur de déposer, de concert avec M. le ministre des affaires
étrangères, tend à ce but.
- Ce projet sera imprimé et distribué.
La chambre en ordonne le renvoi à la commission permanente d'industrie.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES ETRANGERS
POUR L’EXERCICE 1848
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, j'ai l'honneur de
déposer sur le bureau les pièces qui m'ont été demandées hier par l'honorable
M. Sigart.
M.
Sigart. - Je remercie M. le ministre du dépôt de ce rapport
; j'en prendrai connaissance, et je ferai connaître ensuite mon avis à la
chambre.
Discussion des articles
Chapitre II. – Traitements des agents
diplomatiques
Article 5
« Art. 5. Pays-Bas : fr.
50,000. »
M.
Lejeune. - Messieurs, je dois reproduire quelques
observations que j'ai faites, l'année dernière, concernant l'exécution de quelques
points du traité conclu avec la Hollande. Par ce traité, nous nous sommes,
obligés à payer une rente annuelle de 50,000 fl. pour l'usage, en quelque sorte
exclusif, pour la manœuvre à la convenance de la Belgique, des écluses du canal
de Terneuzen ; la Hollande s'est obligée, de son côté, à isoler complètement ce
canal de tous les affluents qui y amenaient les eaux des terres basses. C'est
en raison des dépenses à faire par les Pays-Bas que la rente est payée, du
moins en grande partie. Ces travaux ont été exécutes, à la droite du canal de
Terneuzen, d'une manière convenable ; je le pense ; du moins, je ne connais
aucune réclamation à ce sujet.
Il n'en est pas de même des travaux exécutés à la gauche du canal ;
cette partie du territoire m'est plus particulièrement connue, elle fait partie
du district d'Eecloo, qui est extrêmement intéressé à l'exécution des travaux
mis à la charge de la Hollande. Ces travaux, tels qu'ils ont été exécutés, sont
insuffisants ; ils ne répondent pas à leur destination.
La Hollande prétend que les travaux sont bons ; nous de notre côté, nous
disons, et nous sentons encore mieux, qu'ils sont insuffisants : car nous
souffrons sur ce point du pays, et si nous n'avions pas des moyens secondaires
et temporaires pour suppléer à l'insuffisance du canal latéral nouvellement
construit, nos souffrances seraient intolérables.
L'année dernière j'ai appelé l'attention de M. le ministre des affaires
étrangères sur ce point.
Pour couper court aux discussions qui naissent des prétentions contraires
des deux gouvernements, j'ai suggéré un moyen de conciliation qui pourrait
convenir aux deux pays.
Je ne sais jusqu'à quel point on l'a pris en considération ; je le
répète aujourd'hui. Nous pourrions renoncer à l'usage des travaux faits par la Hollande
à la gauche du canal de Terneuzen ; ces travaux seraient utiles pour le
territoire hollandais, ils sont insuffisants quand on y réunit le territoire
belge ; nous pourrions renoncer à cette partie de nos droits, moyennant une
diminution de la rente à payer, et avec le capital représentant la diminution
obtenue sur la rente, nous ferions sur notre propre territoire et à nos propres
frais des travaux pour écouler les eaux qui doivent maintenant être dirigées
par le canal latéral au canal de Terneuzen.
Messieurs, il y a un second point sur lequel je désire appeler
l'attention de M. le ministre des affaires étrangères : c'est la pêche des
moules dans le Braakman. cette industrie vous paraîtra peut-être bien petite,
elle a cependant une grande importance. Dans ces jours de calamité, où l'on
fait des efforts louables de tous les côtés pour introduire dans les Flandres
des industries nouvelles, quelque petites qu'elles soient, il est sans doute à
désirer qu'on ne néglige pas les industries existantes. La pêche des moules a
peut-être une importance plus grande qu'on ne le croit. Je n’ai pas de données
statistiques exactes ; mais si nous fixions seulement à 500 fr. par jour la
valeur des moules et des salicoques (crevettes) que les Belges pèchent dans le
Braakman, ce serait déjà pour une localité rurale une ressource très
considérable.
Mais si vous considérez que la valeur de ces subsistances prises sur
place est décuplée avant d’arriver à la consommation et que toute cette valeur
passe dans les mains d'hommes de peine, d'ouvriers des deux sexes qui gagnent
leur pain à la sueur de leur front, on ne dira pas sans doute que cette petite
industrie n'a pas d'importance.
II a été fait aussi une convention au sujet de cette pêche de moules
dans le Braakman ; mais dans l'exécution, les pêcheurs de moules sont
extrêmement gênés.
De tout temps il y a eu plusieurs points de déchargement et d'amarrage
dans le Braakman. Même pendant la période de l'état d'hostilité avec les
Pays-Bas, nos voisins ne faisaient pas la moindre opposition aux débarquements
qui avaient lieu aux endroits ordinaires de la côte. Il est bien certain que
quand on a fait le traité de paix et d'amitié, c'était tout au moins pour
maintenir le statu quo, quant aux intérêts industriels. Eh bien, la paix était
à peine signée que l'état des choses a changé, et que les pêcheurs de moules
ont été privés des points de débarquement consacrés par l'usage de plus d'un
siècle, et conservés sans opposition jusqu'en 1843. Depuis lors, arrivés à
quelques pas de leurs demeures on les oblige à faire un détour de deux lieues.
La convention s'oppose-t-elle à ce que la Hollande accorde les mêmes
points de débarquement ? Non. Mais les négociateurs belges, croyant peut-être
que la Belgique touchait au Braakman, ont admis dans la convention une
stipulation générale d'après laquelle le pays, sur le territoire duquel la côte
est située, pourra indiquer les points de débarquement.
Une prudence ordinaire aurait dû faire conserver les points de
débarquement existants. Cela n'a pas été fait, soit par suite d'une erreur sur
les localités, ce qui est le plus probable, soit par suite d'un excès de bonne
foi.
Depuis lors la Belgique a réclamé les anciens points de débarquement ;
mais infructueusement, paraît-il.
Dans le dernier traité qui a été conclu,, on est simplement convenu
d'une disposition en ce qui concerne le débarquement des salicoques. Le
gouvernement hollandais a permis que, pour ce seul objet, le débarquement se
fît au lieu ordinaire. Pour le reste, il nous a été dit, et j'ai ici en main le
rapport qui a été fait sur ce traité, il nous a été dit : « Le gouvernement
néerlandais s'est constamment refusé à consentir à une dérogation aux
règlements et traités conclus entre les deux pays, plus étendue que celle
stipulée au paragraphe 4 du protocole annexé au traité.»
Le paragraphe 4 du protocole est ainsi conçu :
« Le gouvernement des Pays-Bas désignera, près de l'écluse Isabelle, un
lieu d'embarquement et de déchargement où les bateaux belges et néerlandais pour
la pêche dans le Braakman, pourront débarquer les salicoques, sauf à se
conformer aux mesures de police établies pour prévenir les abus.»
Pour cet avantage qui nous a été donné par ce protocole, nous en avons
donné à la Hollande un autre tout au moins aussi considérable : nous avons
admis les salicoques cuites comme les salicoques bouillies. Cela paraîtra peu
de chose au premier abord ; mais c'était une question de vie ou de mort pour
l'industrie hollandaise, de sorte que nous avons rendu plus que nous n'avons
reçu. Nous ne nous en plaignons pas.
La Hollande a fait construire un port au point de débarquement que nous
désirons obtenir. On a cru naturellement que ce port était fait pour qu'on pût
y venir débarquer et y être, en quelque sorte, sous les auspices de l'autorité
hollandaise. Les pêcheurs belges y ont donc conduit leurs barques ; mais on les
a poursuivis, on a saisi leurs barques, on les a condamnés à l'amende.
Cette question est donc toujours pendante, et, je le répète, elle a une
certaine gravité pour une industrie qui est importante, non seulement pour une
commune, mais pour toutes les communes qui sont à une assez grande distance des
côtes. On y trouve une subsistance à bon marché et un grand nombre de gens sans
ouvrage y trouvent de l'occupation.
J'insiste donc de nouveau pour que M.
le ministre des affaires étrangères veuille bien ne pas perdre de vue cette
question ; et j'insiste à l'occasion de cette discussion, parce que je suis
persuadé que le gouvernement hollandais a encore à nous demander des
concessions, à nous demander des facilités que nous pouvons peut-être, en bons
voisins, lui accorder ; mais, par réciprocité, nous pouvons aussi réclamer, à
notre tour, un traitement moins rigoureux ; ce que nous demandons et ce qui
peut nous être accordé sans que la Hollande en éprouve le moindre préjudice.
Nous ne demandons pas même une dérogation à la convention, nous
demandons qu'on l'exécute, non selon ses termes rigoureux, mais selon son
esprit.
(page 143) M.
le ministre des affaires étrangères (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs,
les observations de l'honorable préopinant ont rapport à deux questions qui se
rattachent à l’exécution des traités conclus avec le gouvernement des Pays-Bas.
La première observation qu'il a présentée a pour objet l'exécution des articles
20 et 23 du traite du 5 novembre 1842. D'après ces dispositions, le
gouvernement des Pays-Bas s'est engagé à faire au canal de Terneuzen et à ses
affluents les travaux nécessaires pour assurer l'entier écoulement des eaux des
Flandres. De son côté, le gouvernement belge s'est engagé à payer de ce chef à
la Hollande une indemnité annuelle de 50,000 florins.
Jusqu'à présent, messieurs, cette indemnité n'a point encore été
intégralement payée ; la moitié seulement a été mise à la disposition du
gouvernement néerlandais, parce que le gouvernement du Roi n'a pu encore
acquérir la conviction que les travaux sont exécutés d'une manière suffisante.
Aujourd'hui, le gouvernement des Pays-Bas prétend que tous les travaux
ordinaires sont achevés ; il réclame, en conséquence, le payement de la
totalité des 50,000 florins. J'ai demandé, tout récemment, sur cette question
l'avis de mon honorable collègue des travaux publics, qui peut seul faire constater
par les ingénieurs de l'Etat la véritable situation des choses.
C'est donc là, messieurs, une question de fait qu'il s'agit de résoudre.
Le gouvernement néerlandais prétend que les travaux exécutés jusqu'à présent
sont suffisants ; le gouvernement belge répond : Jusqu'à ce que cette
suffisance soit dûment constatée, nous ne croyons pas devoir payer
intégralement la somme de 50,000 florins.
Le second point dont s’est occupé l'honorable M. Lejeune est relatif à
la pêche qui s'exécute dans le Braakman. Des difficultés se sont élevées à la
vérité, messieurs, en ce qui concerne le débarquement des pêcheurs belges. Ces
difficultés proviennent de ce que jusqu'à présent l'une des dispositions d'une
convention conclue en 1843 n'a pas été réellement mise à exécution. Il faut,
d'après cette convention, si je ne me trompe, que les points d'amarrage soient
indiqués de commun accord...
M.
Lejeune. - Je pense que c'est le gouvernement hollandais
qui a le droit de les indiquer.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Voici comment est conçu l'article
21 :
« II est défendu aux patrons ou conducteurs de bateaux pêcheurs,
hors le cas de force majeure dûment constaté, de prendre terre ou d'amarrer sur
les côtes ou rives du fleuve, ailleurs qu'aux lieux ou ports désignés par les
gouvernements respectifs, sous peine d'une amende de 20 francs. »
Eh bien, messieurs, la désignation de ces points d'amarrage n'a pas
encore été régulièrement notifiée ; mais je puis assurer à l'honorable M.
Lejeune que le gouvernement s'occupe de cet objet, et qu'il croit d'ici à peu
de temps pouvoir faire disparaître les difficultés que rencontrent parfois
maintenant les pêcheurs belges dans ces parages.
L'attention du gouvernement est donc déjà portée sur les faits que vient
de signaler l'honorable préopinant, et j'aurai bien soin d'avoir tout l'égard
possible aux observations qu'il a présentées.
M.
Lejeune. - Messieurs, l'honorable ministre des affaires
étrangères vient de nous dire que la rente annuelle de 50,000 florins n'est pas
payée intégralement, parce que le gouvernement belge n'est pas convaincu que
les travaux soient suffisants.
Cela vous paraîtra une garantie d'exécution ; mais la disposition du
traité, tel qu'il a été conclu, nous en sommes contents, et nous n'hésitons pas
à dire même qu'elle nous est favorable. C'est donc l'exécution du traité qui
aurait dû avoir lieu depuis deux ans, que nous devons désirer et que nous
réclamons. Peu nous importe qu'on ait une garantie pécuniaire, qu'on ne paye
pas quelques mille francs ; cela ne nous sauvera pas, si le traité n'est pas
exécuté.
J'insiste donc pour que M. le ministre des affaires étrangères veuille
terminer cette affaire le plus tôt possible, et pour qu'il y ait ou exécution
du traité, ou modification du traité de commun accord, soit sur les bases que
j'ai indiquées, soit sur d'autres.
Quant à l'affaire de la pêche des moules dans le Braakman, je serais
fort heureux de pouvoir comprendre la convention de 1843, comme M. le ministre
des affaires étrangères. Si les points d'amarrage doivent être fixés de commun
accord entre les deux gouvernements, notre gouvernement a quelque chose à dire
dans la question.
Mais si tel est le sens de la convention, je suis étonné que ce point
n'ait pas été arrangé depuis longtemps. J'étais d'une opinion contraire ; je
croyais que les termes de la convention étaient tels que chaque gouvernement
avait le droit de désigner les points d'amarrage sur son propre territoire, et
j'ai pensé que cette stipulation avait été introduite, parce que les
négociateurs belges avaient cru peut-être que nos frontières s'étendaient à 200
pas plus loin.
Du reste, je remercie M. le ministre des affaires étrangères de
l'attention qu'il promet de donner à cet objet.
- L'article 5 est adopté.
Article 6
Art. 6. Italie : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Prusse : fr. 50,000 »
M. Osy. -
Messieurs, les renseignements que j'aurai à demander à M. le ministre, je suis
obligé de les réclamer ici, parce que nous n'avons pas de rapports
diplomatiques directs avec la Russie, et que les difficultés que nous avons
avec ce pays se négocient à Berlin.
Le gouvernement russe, depuis quelques années, a fait avec quelques
nations des traités de commerce qui leur sont très favorables, tandis que nous
sommes obligés de payer des droits de port très considérables, et même une
augmentation de 50 p. c. sur les droits d'entrée. Je demanderai à M. le
ministre si nous pouvons espérer d'avoir bientôt un traité de commerce avec la
Russie : en cas de négative, je ne vois pas pourquoi l'on continuerait à
traiter la Russie sur le pied des nations les plus favorisées. Je ne suis pas
partisan des représailles ; mais je ne crois pas non plus qu'il faille être
dupe.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, il est vrai que,
depuis le 1er janvier 1846, la Russie a établi un nouveau régime commercial,
par suite de l'ukase du 19 juin 1845. Les effets de cet ukase sont réellement
préjudiciables à nos relations avec l'empire russe. L'ukase impose d'abord un
droit additionnel de 50 p. c, en sus des droits ordinaires, sur les
marchandises importées par pavillon étranger, et secondement une surtaxe de
navigation d'un rouble par last à l'entrée et à la sortie de ces navires. Ne
sont exceptés que les pavillons des nations chez lesquelles le pavillon russe jouit
du traitement de la nation la plus favorisée. En Belgique, quant au droit de
navigation, le pavillon russe est assimilé au pavillon national, et il jouit
également du remboursement du péage de l'Escaut ; mais quant au droit sur les
marchandises, il y a un droit différentiel, en vertu de la loi du 21 juillet
1844.
II avait semblé d'abord que, par suite de l'avantage qui était fait à la
marine russe, en ce qui concerne les droits de navigation, on pouvait obtenir
du moins la disjonction des mesures prises par l'ukase du 19 juin 1845,
c'est-à-dire que la majoration sur la cargaison seule devrait être appliquée
aux navires belges ; mais le gouvernement russe n'entend pas disjoindre ces
dispositions, de sorte que le gouvernement belge a été dans cette situation, ou
de prendre des mesures de représailles auxquelles l'honorable préopinant
faisait tout à l'heure allusion ; c'est-à-dire, de retirer à la marine russe
les avantages dont elle jouit actuellement ; ou de chercher à obtenir des
réductions sur les tarifs actuellement en vigueur dans l'empire russe.
Je puis donner à l'honorable préopinant l'assurance que le gouvernement
s'occupe activement de cette affaire ; mais il comprendra qu'il n'est pas
possible que j'entre dans de plus grands développements.
- L'article 7 est adopté.
Articles 8 et 9
« Art. 8. Etats-Unis : fr. 25,500 »
- Adopté.
__________________
« Art. 9. Turquie : fr. 47,000
»
- Adopté.
Article 10
Art. 10. Brésil : fr. 21,000. »
M. Osy. - Messieurs, ici je dois rendre justice
à l'ancien ministère. Le gouvernement, au mois de mai ou de juin, avait pris
une mesure très libérale envers le Brésil, en vertu de la loi du 21 juillet
1844, qui a autorisé le gouvernement à admettre les navires des pays de
production sur le pied des nations les plus favorisées, si l'industrie belge
n'y est pas frappée par des droits différentiels. Au Brésil, jusqu'à présent,
la Belgique n'était soumise à aucun droit différentiel ; le gouvernement belge
a bien fait d'admettre les navires brésiliens, avec les produits de leur sol,
sur le même pied que les navires belges ; mais nous avons appris que le
gouvernement brésilien allait établir, à partir du 1er janvier prochain, des
droits différentiels. Je demande si nous avons l'espoir que, dans l'établissement
de ces droits, on tiendra compte de ce que nous avons fait, si nous
continuerons à n'être soumis à aucun droit différentiel.
Je prie M. le ministre de nous dire si, d'après les renseignements qui
doivent lui être parvenus, nous pouvons être tranquilles sous ce rapport.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Je n'ai pas encore reçu
notification officielle des dispositions nouvelles que le gouvernement
brésilien vient de prendre relativement à la marine étrangère. Mais les
nouvelles que j'ai reçues sont favorables à cette opinion que le traitement de
nos navires n'éprouvera aucun changement par suite de ces dispositions
nouvelles. Vous savez que dans les ports brésiliens les navires belges sont
complètement assimilés aux navires brésiliens.
Le 26 septembre, notre chargé d'affaires a demandé au ministre des
affaires étrangères du Brésil de vouloir bien s'expliquer sur ce point. Voici
la réponse qu'il a reçue.
(M. le ministre donne lecture de cette réponse du ministre des affaires
étrangères du Brésil.)
Cette réponse est du 27 septembre 1847, quelques jours avant la
résolution prise par le gouvernement brésilien qui apporte ces modifications
dans son régime commercial.
Il n'y a donc aucun motif de croire que le traitement de nos navires au
Brésil éprouverait un changement défavorable par suite du changement survenu
dans sa législation commerciale.
- L'article 10 est mis aux voix et adopté.
Articles 11 à 17
« Art 11. Danemark: fr. 15,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 12. Espagne : fr. 15,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 13. Grèce : fr. 15,000.
»
- Adopté.
_________________
« Art. 14. Villes libres et hanséatiques de Hambourg, Brème et
Lubeck : fr. 15,000/ »
- Adopté.
_________________
(page 144) « Art. 15. Portugal : fr. 15,000 »
- Adopté.
__________________
« Art. 16. Sardaigne : fr. 15,000. »
- Adopté.
__________________
« Art. 17. Suède : fr. 15,000
»
- Adopté.
Chapitre III. – Traitements des agents
consulaires et indemnités
Article unique
« Article unique. Traitements des agents consulaires et indemnités
à quelques agents non rétribués : fr. 103,000. »
M. le ministre des finances (M. Veydt). -
Messieurs, je demandé la parole comme membre de la chambre. A l'avant-dernière
session, les sections ont examiné un projet de loi tendant à autoriser le
gouvernement à régler les droits à percevoir par nos consuls. Le tarif qui est
en vigueur date des premières années du gouvernement des Pays-Bas ; des
réclamations se sont fréquemment élevées contre l'élévation de plusieurs de ces
articles. Notre marine en souffre : c'est ainsi que deux navires, l'un belge,
l'autre prussien, ayant le même chargement et le même tonnage, forcés d'entrer
en relâche dans le même port,, ont dû payer, le premier, plus de douze cents
francs et le second à peine trois cents, pour droits consulaires. C'est un
véritable droit différentiel à charge de notre pavillon.
Je me permets d'exprimer le désir que les sections soient prochainement
réunies en section centrale et qu'un rapport nous soit présenté le plus
promptement possible. Il ne me paraît pas que le projet, qui est conçu en un
seul article, puisse rencontrer des difficultés.
M. Osy. - Depuis longtemps, nous réclamons
un tarif des droits de chancellerie à payer aux consulats ; aujourd'hui ces
droits sont arbitrairement perçus ; on fait payer tout ce qu'on veut, nos
navires sont maltraités Par le projet présenté par l'honorable général Goblet,
le gouvernement avait demandé l'autorisation d'établir un tarif. Je crois que
dans les sections on n'a pas voulu examiner ce projet, parce qu'on aurait voulu
que le gouvernement prît l'engagement de faire sanctionner par la législature,
après une année ou deux d'expérience, le tarif qu'il aurait provisoirement
établi. Je crois que le gouvernement devrait retirer le projet primitif pour en
présenter un nouveau avec la modification que je viens d'indiquer.
Je prie le gouvernement de vouloir bien examiner cette question.
M. le ministre des finances (M. Veydt).
- La section centrale pourrait introduire elle-même la modification que vient
d'indiquer l'honorable M. Osy. Dans mon opinion, le tarif doit nécessairement
être fait par le gouvernement. Il est impossible que la chambre s'en occupe,
car il s'agit de déterminer les chiffres de soixante à quatre-vingts articles
différents. La loi peut décider qu'après un certain nombre d'années le tarif
sera soumis à une révision ou qu'il aura besoin d'une sanction pour continuer à
servir de règle ; mais rien n'empêche que cette garantie, si elle est jugée
utile, ne fasse l'objet d'un amendement de la part de la section centrale. Il
me semble que le gouvernement ne trouverait aucun inconvénient à s'y rallier,
et que pour arriver à ce but il n'est pas nécessaire qu'il retire le projet qui
a été présenté. Ce serait une perte de temps, qui serait regrettable.
M. le
président. - La section centrale chargée d'examiner le
projet de loi dont il vient d'être parlé sera complétée à la fin de la séance
et réunie aussitôt que l'examen des budgets permettra de le faire.
M.
Delehaye. - J'ai toujours pensé que des consuls intelligents,
probes, pouvaient être d'une grande utilité pour notre commerce et notre
industrie, et qu'il fallait s'attacher surtout à les nommer dans des contrées
où nous pourrions trouver de grands débouchés pour plusieurs de nos produits.
L'un de ces marchés qu'il conviendrait d'exploiter, serait celui de
l'Algérie ; le cabinet précédent l'a pensé comme moi, et voulant doter la
Belgique d'un débouché qui nous paraît favorable, il a nommé à Alger un consul
général et un vice-consul.
Mais malheureusement dans ces choix, comme toujours, il s'est laissé
guider par des considérations tout autres que celles qui auraient dû
l’émouvoir.
Le consul général est un homme d'honneur, estimable, mais qui ne saurait
être pour nous d'aucune utilité, attendu qu'il ne se trouve en Algérie que
durant deux ou trois mois par an ; et quant au vice-consul, c'est un personnage
dont la conduite a été telle que le ministère français n'a pas voulu lui donner
l'exequatur.
J'appelle l'attention de M. le ministre sur ce point, je l'engage à
conférer ces postes à des Belges, surtout lorsque, comme dans l'espèce,
l'occasion de placer convenablement un Belge instruit se présente au cabinet.
- L'article unique du chapitre III est mis aux voix et adopté.
Chapitre IV
Article unique
« Article unique. Frais de voyage des agents du service extérieur
et de l'administration centrale, frais de courriers, estafettes, courses
diverses : fr. 70,500. »
- Adopté.
Chapitre V
Article unique
« Article unique. Frais à rembourser aux agents du service
extérieur : fr. 80,000. »
- Adopté.
Chapitre VI
Articles 1er et 2
« Art. 1er. Missions extraordinaires, traitements d'agents
politiques et consulaires en inactivité : fr. 30,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 2. Dépenses imprévues non libellées au budget : fr.
10,000 »
- Adopté.
Chapitre VII. - Commerce
« Art. 1er. Ecoles de navigation : fr. 19,000. »
M. Osy,
rapporteur. - M. le ministre des affaires étrangères avait
demandé à la section centrale l'augmentation de 3,000 fr. comprise dans les
19,000 fr. proposés, et qui a pour objet l'adjonction d'un cours de commerce.
La section centrale a été unanimement d'avis que ce cours serait très utile à
nos jeunes marins, qui ainsi arriveraient dans les pays étrangers connaissant
les usages du commerce et de la navigation, et qui par la suite pourraient
diriger utilement comme subrécargues des opérations commerciales pour la Belgique.
Je demande que cette augmentation de crédit ne fasse pas obstacle à la
création, à Anvers, d'une université commerciale. Ce crédit est pour les écoles
de navigation et non pour l'université commerciale.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - L'adoption de la proposition du
gouvernement, en ce qui concerne les écoles de navigation, ne peut exercer
aucune influence sur la détermination à prendre au sujet de l'institut
commercial dont la création est projetée. Que cet institut soit créé ou qu'il
ne le soit pas, l'adjonction d'un cours de commerce aux écoles de navigation
présentera toujours un caractère d'utilité et ne pourra empêcher l'exécution
d'autres projets.
- L'article premier est adopté.
Articles 2 et 3
« Art. 2. Chambres de commerce : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais divers et encouragements au commerce : fr.
19,900. »
- Adopté.
Article 4
« Art. 4. Encouragements pour la navigation, etc. : fr.
115,000 »
Cet article est adopté avec l'addition des mots : « Sauf pour les
services au-delà du cap Horn » proposée par M. le ministre des affaires
étrangères.
Article 5
« Art. 5. Primes pour construction de navires, chiffre
primitif : fr. 35,000 fr., chiffre proposé par la section centrale, fr.
20,000. »
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - C'est le gouvernement qui a
proposé de réduire cet article au chiffre de 20,000 fr.
M. Osy,
rapporteur. - Ce n'est pas la section centrale qui a
demandé cette réduction. M. le ministre des affaires étrangères a envoyé un
amendement en ce sens à la section centrale. D'après le tableau qu'on nous a remis,
il est à craindre que les 20,000 fr. même ne soient pas dépensés. La section
centrale a consenti à cette réduction. Mais nous avons l'espoir que bientôt les
armements augmenteront et que, dans quelques années, nous aurons l'occasion
d'allouer des primes plus fortes.
- L'article 5 est adopté.
Article 6
« Art. 6. Pêche maritime : fr. 100,000. »
- Adopté.
Article 6bis
« Art. 6 bis. Etablissement de comptoirs de commerce dans les
contrées transatlantiques et dans le Levant, sous les conditions à déterminer
par le gouvernement, et sans que l'allocation puisse se prolonger au-delà de
cinq ans : fr. 103,000. »
M. le
président. - La section centrale, à l'unanimité, est
d'avis que le gouvernement devrait présenter un projet de loi spécial pour
l'établissement de ces comptoirs.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, la section centrale
propose l'ajournement du crédit dont M. le président vient d'entretenir la
chambre. Je dois donner quelques explications sur les motifs qui ont déterminé
le gouvernement à proposer actuellement ce crédit. L'honorable rapporteur de la
section centrale n'a pas inséré dans le rapport la note explicative que j'avais
eu l'honneur de lui adresser, et il n'a pas développe non plus les motifs de la
résolution prise par la section centrale. Il est donc nécessaire que j'entre
dans quelques développements.
Messieurs, on réclame constamment des moyens pour donner de l'extension
à notre commerce maritime. Or, un des moyens qui ont été le plus souvent
signalés et dans cette enceinte par les orateurs qui s'occupent de ces
questions, et par presque toutes les chambres de commerce et par toutes les
commissions d'enquêtes, instituées soit pour examiner le projet relatif à la
formation d'une société commerciale d'exportation, soit pour examiner
spécialement les moyens de venir en aide à notre commerce, qui a été toujours
signalé comme le plus utile, le plus efficace, est l'établissement de comptoirs
à l'étranger. Il y a, messieurs, jusqu'à la commission qui a été instituée près
du ministère de la justice pour rechercher les moyens de venir en aide aux
classes nécessiteuses, qui a indiqué également cette mesure comme une de celles
qui doivent être adoptées par le gouvernement..
Ainsi, messieurs, c'est une question sur laquelle il y a eu presque
toujours unanimité.
Aussi mon honorable prédécesseur, dans le courant du mois d'avril de
cette année, avait fait de cette proposition l'objet d'un amendement à
introduire dans la loi relative à une société d'exportation, et cet amendement
avait eu l'approbation de la section centrale.
(page 145) Mais, messieurs,
il est à remarquer que cette proposition était cependant indépendante de la
formation d'une société d'exportation. Par le projet qui est soumis à la
chambre, la société commerciale d'exportation pourra bien, dans certaines
limites, établir des comptoirs dans les pays d'outre-mer ; mais quelles que
soient les dispositions qui seront adoptées à l'égard de cette société, il n'en
résultera pas moins qu'elle ne pourra pas établir un très grand nombre de
comptoirs. En effet, si la société de commerce établissait des comptoirs
partout où cela est nécessaire, son capital presque entier serait absorbé.
Ainsi, la proposition qui vous avait été faite l'année dernière et qui
avait reçu un accueil favorable de la part de la section centrale chargée de
l'examiner, était indépendante de la formation d'une société d'exportation.
Soit que cette société s'établisse, soit qu'elle ne soit pas instituée,
toujours il y aura utilité, utilité grande pour la Belgique, dans
l'établissement de maisons de commerce à l'étranger, dans l'établissement de
comptoirs.
Messieurs, c'est l'absence de maisons commerciales belges dans les pays transatlantiques
et dans le Levant qui a presque toujours été signalée comme une des causes
principales de notre infériorité dans nos exportations. Tous nos consuls les
plus éclairés sont de cet avis. Tandis que les pays exportateurs par excellence
ont de nombreuses maisons établies sur tous les marchés du globe, la Belgique
est dans un état complet d'infériorité à cet égard. C'est tout au plus si nous
avons quelques maisons belges, d'une certaine importance, établies sur
quelques-uns des marchés des pays transatlantiques ; et c'est précisément où
ces maisons se trouvent, que nos exportations grandissent le plus rapidement,
comme, par exemple, à Valparaiso. Il y a accroissement considérable de nos
exportations vers le Chili, parce que deux maisons belges sont établies à
Valparaiso, et elles commencent à y traiter des affaires considérables.
Les villes hanséatiques, messieurs, ont un très grand nombre de maisons
établies partout. La Suisse, ce pays si grandement exportateur, bien qu'il
n'ait pas de marine à son service et qu'il n'ait pas de droits protecteurs pour
son industrie, la Suisse a aussi établi des maisons sur presque tous les
marchés du globe ; ces maisons lui donnent tous les renseignements nécessaires
pour effectuer les exportations utiles, et on signale comme une des grandes
causes des nombreuses exportations de la Suisse, de ce qu'elle peut rivaliser
souvent avantageusement avec l'Angleterre, la présence de ces maisons à
l'étranger.
Ces considérations avaient donc déterminé le gouvernement à proposer dès
maintenant le crédit de 100,000 fr. parce qu'il était convaincu que cette
proposition devrait recevoir un accueil favorable et qu'elle ne se liait pas
intimement, inévitablement à la formation d'une société d'exportation.
Il n'y avait, dans la proposition du
gouvernement, rien qui pût faire supposer que son intention était d'ajourner
indéfiniment la discussion du projet sur la société d'exportation.
Cependant, messieurs, comme il n'y a pas dans cette proposition un
véritable caractère d'urgence, qu'il n'y a pas nécessité absolue de l'adopter
dès maintenant, je consens à son ajournement, mais j'entends bien me réserver
le droit de la représenter le plus tôt possible et au plus tard lorsque nous
discuterons le projet de loi relatif à la société commerciale d'exportation.
M. Osy. - Messieurs je suis charmé que M.
le ministre des affaires étrangères se réunisse à la demande de la section
centrale. Toutefois ce que la section centrale demande, ce n'est pas un
ajournement, c'est la conversion de la demande du gouvernement en un projet de
loi spécial, dans lequel seraient indiquées les conditions auxquelles les
comptoirs seront établis. Je ne citerai qu'une seule circonstance qui pourrait
entraîner le pays dans de grandes dépenses.
Le gouvernement établit des comptoirs. Le public y envoie des
marchandises. Mais il croira nécessairement, si le contraire n'est spécifié
dans une loi, que les comptoirs sont responsables envers les exportateurs.
Or, c'est ce à quoi je ne pourrais jamais consentir. Car on ne sait pas
où les sacrifices à faire par le gouvernement pourraient aller.
Si nous avions voté le crédit sans rien spécifier, nous aurions pu
induire le public en erreur. C'est surtout ce motif qui nous a engagés à vous demander
que la proposition du gouvernement fît l'objet d'une loi spéciale.
M. de
Haerne. - Messieurs, j'ai promis d'appuyer le gouvernement
dans toutes les mesures utiles qu'il nous proposerait, et notamment dans toutes
celles qui sont réclamées en faveur des Flandres. Je tiens ma promesse, et je
viens en donner une preuve en soutenant la pensée primitive du ministère dans
la question de l'établissement des comptoirs.
Je regrette que le gouvernement croie devoir se rallier à la proposition
de la section centrale. Celle-ci demande un ajournement, et, si j'ai bien
compris les explications qui ont été données, cet ajournement, dans la pensée
de la section centrale, tend à subordonner la question des comptoirs à
l'adoption du projet de loi sur la formation d'une société d’exportation.
L'honorable rapporteur de la section centrale vient de demander que
l’établissement de comptoirs ne soit voté que par une loi spéciale. Sans doute
cette marche serait plus régulière ; mais il faut bien reconnaître que le motif
allégué par l’honorable rapporteur n'est pas fort concluant. Il a dit que les
exportateurs pourraient être induits en erreur s'il n'y avait pas une loi
spéciale. Mais, messieurs, si les exportateurs sont tellement légers qu'ils se
laissassent induire en erreur par cela seul qu’il n’y aurait pas une loi
spéciale, je crois que le même inconvénient pourrait se présenter, alors même
que vous auriez discuté et voté une loi spéciale. Je crois, messieurs, que les
exportateurs ne sont pas si aveugles sur leurs intérêts et qu’avant d’expédier
des marchandises dans un des pays lointains où l’on aura établi des comptoirs,
il y réfléchiront à deux fois, prendront tous les renseignements nécessaires et
sur l’état des pays où ils voudront expédier et sur les conditions auxquelles
ils pourront faire leurs exportations Je pense donc, messieurs, qu'il n'y a
aucun danger sous ce rapport, et j'aurais désiré, moi, que le crédit eût été
voté dès à présent. Je n'admets en aucune manière que l'établissement de
comptoirs doive être subordonné à la création d'une société d'exportation. Je
crois, comme l'a fort bien démontré M. le ministre des affaires étrangères, que
l'institution des comptoirs est et doit être tout à fait indépendante de la
société de commerce d'exportation que vous pourriez établir plus tard.
Mais, messieurs, savez-vous dans quel sens le gouvernement formulera le
nouveau projet sur l'établissement d'une société d'exportation ? Savez-vous si
la majorité de la chambre acceptera la société d'exportation telle qu'elle sera
proposée ? Je crois, messieurs, que le projet présenté dans la dernière
session, par le ministère précédent, aurait réuni très difficilement une
majorité. Eh bien, on ne sait pas quelles seront les modifications que le
gouvernement actuel croira devoir introduire dans ce projet. Toutes sortes de
systèmes ont été mis en avant. Nous avons vu bien des idées divergentes se
produire dans les enquêtes qui ont eu lieu et dans les pétitions. On demandait
d'un côté que la société étendît ses opérations à tous les produits du pays ;
cela aurait exigé un capital considérable et cette circonstance était de nature
à faire reculer un grand nombre de membres de la chambre, surtout dans le
moment actuel.
D'un autre côté, l'on demandait que la société d'exportation ne pût
point faire tort aux relations déjà établies avec les marchés d'Europe par
certaines maisons belges. Cette dernière opinion a été émise dans une foule de
pétitions envoyées à la chambre de tous les points des Flandres, de Gand, de
Courtray, de Bruges, d'Ath, d'Audenarde, etc. Tous ces systèmes vont se
reproduire, et je ne sais pas si la majorité ne sera pas tout aussi douteuse
qu'elle paraissait l'être dans la dernière session.
Ainsi, messieurs, il est impossible de compter avec certitude sur
l'établissement d'une société d'exportation, et cependant la création de
comptoirs est utile dans tous les cas ; elle doit avoir lieu quoi qu'il arrive,
quel que soit le sort du projet relatif à la société d'exportation.
J'ajouterai encore un mot, messieurs. Sans doute une société
d'exportation et des comptoirs établis dans les pays lointains, ces deux
institutions se prêteraient un mutuel appui ; mais il ne faut cependant pas
perdre de vue que le but des comptoirs n'est pas entièrement le même que celui
d'une société d'exportation, en ce sens que les premiers doivent venir au
secours du commerce privé, tel qu'il existe aujourd'hui, et lui donner une très
grande extension. C'est ce qu'a très bien démontré M. le ministre des affaires
étrangères.
Mais il y a encore un autre point de vue : il a été question d'établir à
Anvers une société de navigation maritime. Je ne sais si l'on se propose de
donner suite à ce projet, mais le commerce et l'industrie ont accueilli cette
nouvelle avec faveur, et l'on peut dire que ce serait là une institution
extrêmement utile au pays.
Si je suis bien informé, le projet de société de navigation maritime se
rattachait à celui de l'établissement de comptoirs, et on ne peut en effet le
nier, une semblable société trouverait dans les comptoirs des auxiliaires
extrêmement utiles.
Ainsi, messieurs, si, d'un côté, les comptoirs doivent venir en aide au
commerce privé, d'un autre côté. ils pourraient aussi provoquer la formation
d'une société maritime qui serait à son tour très utile au commerce et à
l'industrie.
Quoi qu'il en soit, puisque l'honorable ministre des affaires étrangères
nous promet de présenter un projet de loi spécial sur la matière ou du moins de
revenir d'une manière quelconque sur la question des comptoirs, je n'insisterai
pas à m'opposer à l'ajournement proposé par la section centrale et auquel le
gouvernement paraît se rallier ; mais je prie M. le ministre de bien vouloir
présenter ce projet le plus tôt possible et sans le subordonner au projet de
loi sur la formation d'une société d'exportation.
Le pays, en général, et les Flandres
en particulier, attendent depuis longtemps qu'on fasse revivre le travail. La
société d'exportation, sur quelque base qu'elle soit établie, entraînera des
retards. Les comptoirs pourraient s'établir sans délai et contribueraient
puissamment à développer nos exportations, à féconder le travail national.
Messieurs, nous l'avons dit bien des fois, le commerce et l'industrie
réclament des mesures larges, des mesurés d'utilité générale. La création de
comptoirs dans les pays lointains est une de ces mesures qui me paraissent
d'une utilité générale incontestable ; je pensé que, dans l'intérêt du pays
tout entier et de l'industrie des Flandres en particulier, nous ne pouvons trop
nous hâter d'adopter une semblable mesure.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Je crois devoir faire observer à
l'honorable préopinant que si je me suis rallié à la proposition de la section
centrale, ce n'est pas du tout pour abandonner l'idée qui avait été déposée
dans le budget ; c'est parce que je considère (page 146) l'ajournement comme ne pouvant pas être de longue durée,
comme ne pouvant pas nuire essentiellement au projet dont il s'agit. D'après le
vote unanime de la section centrale, il m'a semblé que cette section composée
d'hommes compétents, du reste, dans ces matières, n'avait pas reçu tous ses
apaisements, et j'ai craint qu'en maintenant le crédit au budget je n'eusse
soulevé une longue discussion, tandis que maintenant l'attention de tous les
membres de la chambre est attirée sur la proposition et que nous pouvons dès
lors espérer de la voir accueillir très favorablement lorsqu'elle sera
représentée dans cette enceinte. Quant à moi, messieurs, d'accord avec tous les
hommes consultés, avec tous nos consuls à l'extérieur, je considère la mesure
tendante favoriser l'établissement de comptoirs dans les pays lointains, comme
une des plus efficaces qui puissent être prises, sans qu'elle soit de nature à
entraîner une dépense considérable.
Je ne me suis point exprimé sur la forme sous laquelle je reproduirai la
proposition. Je ne sais pas encore si elle fera l'objet d'un projet de loi
spécial, ou d'un article du prochain budget, ou enfin d'un amendement au projet
relatif à la formation d'une société d'exportation. Je saisirai la première
occasion qui me semblera convenir dans l'ordre des travaux de la chambre pour
reproduire cette proposition.
Messieurs, je ne partage pas l'opinion exprimée par
l'honorable rapporteur de la section centrale, qu'il faille en cette matière
lier l'action du gouvernement. Il faut que le gouvernement soit libre d'imposer
les conditions qui lui paraîtront les plus utiles et il me semble qu'il y
aurait des inconvénients à stipuler de nombreuses conditions qui devraient être
uniformes, qui s'appliqueraient à tous les comptoirs à créer dans l'avenir.
Si, du reste, une condition essentielle devait être imposée au
gouvernement, si on ne voulait pas s'en rapporter entièrement à son
intervention, cette condition pourrait être facilement introduite, soit au
budget, soit dans la proposition particulière qui pourra être soumise à la
chambre.
M. Gilson.
- Messieurs, je désirerais que l'ajournement proposé eût un terme quelconque.
Mon intention n'est pas d'entrer, dès à présent, dans le fond de la question.
En présence du vote unanime de la section centrale, nous aurions peu de chances
de succès. Le gouvernement n'a pas cru devoir soutenir sa proposition ; je ne
la reprendrai pas. Je dirai cependant que si la chambre ne fixe pas l'époque à
laquelle elle s'occupera des comptoirs à établir à l'étranger ; en d'autres
termes, si vous ajournez cette discussion jusqu'à celle du projet de loi
concernant la société d'exportation, il en résultera un délai éminemment
préjudiciable à notre commerce et à notre industrie. Dans mon opinion, les
exportations sont indispensables, notamment dans l'intérêt des Flandres.
C'est une vérité palpable, que les exportations doivent nous venir en
aide. Or, tout ce qui nous est proposé pour favoriser ces exportations, doit
mériter une discussion franche et immédiate.
Messieurs, deux systèmes sont en présence dans notre pays ; l'un de ces
deux systèmes est celui-ci : il faut laisser à l'industrie privée le soin de
rechercher elle-même ses débouchés sans l'intermédiaire d'aucun agent. L'autre
système se formule ainsi : il faut un agent général qui vienne en aide aux
industries privées.
Cette question est fort grave. Nous pourrions citer dans le pays des
industries qui, par leurs propres capitaux, par leur propre intelligence, ont
réussi à établir des relations suivies sur tous les marchés étrangers ; une
société d'exportation fera peut-être beaucoup moins.
Mais, messieurs, ce ne sont pas toujours les grandes industries
auxquelles nous devons seulement porter intérêt ; il faut surtout avoir en vue
les industries les plus nombreuses qui possèdent des capitaux bornés, et qui ne
peuvent pas à la fois fabriquer et exporter par elles-mêmes. Sous ce rapport,
la position de la Belgique est unique : notre industrie n'a jamais trouvé une
assistance sérieuse dans le commerce exportateur : l'exportation n'a réussi que
par les efforts combinés de l'industrie elle-même. Dans une autre circonstance,
je dirai où nous avons été forcés d'aller chercher cet appui ; aujourd'hui je
ne veux pas pousser la discussion plus loin ; je voulais seulement faire sentir
à la chambre où gît la grande difficulté.
Le haut commerce chez nous prétend que son rôle ne va pas jusqu'à être
l'intermédiaire indispensable pour l'industrie ; nous prétendons, au contraire,
nous, qu'il faut que quelqu'un lui vienne en aide. C'était même dans ces
comptoirs que nous espérions trouver l'intermédiaire que nous cherchons. En
effet, lorsque nous arrivons avec nos produits sur les marchés
transatlantiques, nous voudrions trouver quelqu'un favorablement disposé pour
bien apprécier et faire apprécier par les acheteurs, les articles qui leur sont
offerts. La société d'exportation elle-même sera heureuse de rencontrer ces
comptoirs, car à elle aussi des agents seront indispensables.
A mon avis donc, les comptoirs sont d'impérieuse nécessité. Si
maintenant à cette question, déjà grosse d'elle-même, vous rattachez celle
d'une société belge d'exportation, vous ajournez pour longtemps peut-être la
solution d'une question toute d'avenir. Il est vrai que dans trois discours du
Trône déjà, il a été fait la promesse formelle d'une société d'exportation ;
des commissions ont été nommées par les différents ministères qui se sont
succédé depuis 1841 ; toutes les questions ont été mûrement examinées ; on
a pesé, exagéré peut-être, toutes les difficultés, on s'en est effrayé et on
est resté dans l'inaction. Je saurais très mauvais gré au cabinet actuel d'imiter
ses prédécesseurs. Quand une idée est jugée généralement comme bonne et grande,
il est beau d'avoir le courage d'en poursuivre l'exécution jusqu'au bout. Le
ministère né faillira pas à la tâche ; il en a pris, tout récemment dans cette
enceinte, l'engagement solennel. Mais quelle que soit sa volonté bien formelle,
il pourrait se faire qu'il trouvât sur son chemin des entraves sérieuses.
Pour donner suite à l'établissement d'une société de commerce, des
sommes considérables sont indispensables. Je reconnais le premier que le moment
actuel serait assez mal choisi pour faire un appel à nos capitalistes. Force
sera donc d'ajourner de quelques mois peut-être l'époque à laquelle nous
pourrons songer sérieusement à aborder la mise en discussion de la grande
mesure que nous projetons.
Mais si, ce qu'à Dieu ne plaise, cette situation se prolongeait,
faudrait- il donc au moins nous arrêter devant la nécessité de créer des
comptoirs qui nous viendront en aide ? Si la société d'exportation ne peut s'occuper
immédiatement de l'écoulement de nos produits, au moins les producteurs belges
trouveront sur les marchés étrangers des agents qui se chargeront de ce soin.
Quand le moment sera venu, je ferai devant la chambre même la nomenclature des
produits industriels que nous avons à exporter ; j'aurai là l'occasion de vous
faire apprécier l'avenir qui est réservé à nos manufactures, alors que les
exportateurs nous viendront sérieusement en aide.
Pour ma part, j'eusse donc désiré que le projet de loi, relatif à
rétablissement de comptoirs, ne fût pas remis à une époque indéterminée. Si je
ne me trompe, l'honorable M. de Haerne a fait une proposition qui s'éloigne un
peu de la proposition d'ajournement qui a été faite par la section centrale.
L'honorable député de Courtray voudrait un projet de loi spécial. S'il en était
ainsi, je me joindrais volontiers à lui ; car je verrais quelque chose de plus
déterminé.
M. de
Haerne. - Je n'ai pas fait de proposition.
M. Gilson.
- Quoiqu'il en soit, je préférerais une proposition de ce genre à celle à
laquelle a dû se rallier M. le ministre des affaires étrangères et qui consiste
à joindre la discussion du projet d'établissement de comptoirs à celle de la
société d'exportation ; je crains qu'on n'ajourne pour un terme indéfini une
mesure utile, et qui n'eût été que le prélude des grandes résolutions que nous
sommes appelés à prendre pour venir sérieusement en aide à plusieurs branches
d'industrie.
M. le
président. - Je ferai remarquer à M. Gilson que la chambre
n'a pas à se prononcer sur l'ajournement, M. le ministre n'ayant pas reproduit
dans la chambre la proposition qu'il avait faite dans le sein de la section
centrale.
Chapitre VIII. – Marine. Bâtiments de guerre
Article 1er
« Art. 1er. Personnel : fr. 297,471 »
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Dans la séance précédente, quelques
orateurs ont contesté l'utilité d'une marine militaire. Je ne sais si je dois
entrer dans de longs développements pour répondre à ces honorables membres.
Lorsque le pouvoir législatif s'est déjà tant de fois prononcé en faveur de
cette institution, je crois qu'il n'est pas nécessaire de venir longuement
démontrer les services qu'elle peut rendre au pays. Du reste, c'est seulement
pour constater que je ne partage pas l'opinion émise par ces honorables membres
à cet égard, que je présente quelques observations.
Messieurs, l'utilité d'une marine militaire en Belgique se présente tous
les jours en quelque sorte ; mais cette utilité, quand toute notre marine se
borne à un brick, une goélette et trois canonnières, ne peut être immense ;
elle ne peut être qu'en rapport avec le chiffre alloué au budget. Une preuve
évidente de l'utilité de ces bâtiments, c'est qu'ils sont constamment occupés ;
l'un sert à protéger la pêche dans la mer du Nord, cette protection est
reconnue indispensable ; chaque année nous avons mille à onze cents pêcheurs
qui se rendent dans la mer du Nord ; il est indispensable que nous ayons dans
ces parages un bâtiment de guerre pour leur assurer la protection qui leur est
nécessaire.
C'est tellement reconnu que le gouvernement des Pays-Bas, indépendamment
d'un bâtiment de guerre à voiles, y envoie un bâtiment à vapeur pour protéger
la pêche. Nos bâtiments font en outre chaque année des voyages lointains qui
ont une grande utilité pour nos nationaux qui sont dans ces parages. Notre
brick a visité récemment la côte occidentale de l'Amérique ; la vue du pavillon
belge a produit un excellent effet dans ces régions lointaines et nos nationaux
nous en ont su beaucoup de gré. Messieurs, un bâtiment de guerre est une force
assez imposante dans ces contrées, car les peuples qui les habitent ne
possèdent pas de marine militaire.
Ces voyages sont faits aussi dans un intérêt d'exploration qui présente,
également une grande utilité.
Quant aux canonnières, elles sont principalement destinées à surveiller la
quarantaine ; pour ce service elles sont également indispensables. Au point de
vue même de la défense du pays, messieurs, je pense que la marine militaire a
aussi son utilité ; je ne suis pas très compétent en cette matière, et je
regrette que mon collègue, le ministre de la guerre, ne soit pas présent, car
je suis persuadé qu'il vous démontrerait que les arguments qu'on fait valoir
pour justifier l'entretien d'une armée de terre s'appliquent fort bien à la
marine militaire. Ce sont de véritables batteries flottantes.
Ainsi que l'a fait observer un honorable préopinant dans une séance
précédente, la marine militaire n'emporte pas tout le crédit allouée par (page 147) le chapitre qui la concerne ;
il y a le service du pilotage et celui du commissariat maritime qui rapportent
plus qu'ils ne coûtent ; et je dois ajouter que depuis quelques années les
recettes provenant du département de la marine augmentent progressivement,
tandis que les dépenses pour le personnel sont diminuées. Ces dépenses étaient
autrefois plus fortes qu'elles ne sont aujourd'hui. Je regrette de n'avoir pas
apporté avec moi les notes que j'avais réunies ; j'aurais pu le prouver à
l'évidence. Il y a donc plutôt diminution qu'augmentation, dans l'ensemble des
dépenses du budget.
L'établissement de la marine militaire n'a amené
aucun accroissement de dépense, et les recettes du pilotage et des
commissariats s'élèvent chaque année, tandis qu'il y a eu réduction du chiffre
affecté au personnel. Le personnel de cette marine sert aussi pour les services
de navigation à voiles. Vous savez, en effet, que les navires de fort tonnage
se rendant principalement dans les Indes orientales, au lieu de subsides du
budget, obtiennent l'emploi d'un équipage de la marine. Voilà encore un des
services que rend le personnel attaché à cette marine. Il y a d'autres services
également fort utiles, comme celui de la navigation à vapeur entre Ostende et
Douvres, qui utilisent le personnel de la marine. Beaucoup d'autres
considérations encore militent en faveur de cette institution, mais l'utilité
en a été reconnue trop souvent par les votes successifs qui ont adopté les
chiffres portés au budget, pour qu'il soit nécessaire de m'étendre davantage
sur ce point.
M. Loos.
- M. le ministre vient d'exposer les services que la marine de l'Etal peut
rendre au pays. Je pense que personne ne conteste les services que le pilotage
rend à la navigation ; et de plus, le pilotage rapporte bien au-delà des
dépenses pour lesquelles il figure au budget. Mais j'ai entendu critiquer la
marine militaire ; jusqu'à présent elle ne nous a pas rendu d'autre service que
celui de surveiller la pêche dans la mer du Nord ; hors de là, c'est un luxe
inutile. La marine militaire proprement dite coûte à l'Etat 513,000 fr., d'après
le budget, le coût de l'entretien d'un brick, d'une goélette, de trois
canonnières et du personnel, qui est de 432 hommes d'équipage, officiers et
marins.
Je le répète, en dehors de la protection que la marine militaire prête à
la pêche, je ne puis constater nulle part son utilité. Nous ne sommes pas une
puissance maritime, je crois donc fort inutile d'en affecter les allures aux
dépens du trésor public. S'il est vrai que la marine soit appelée à concourir à
la défense du pays, il serait plus utile de créer une marine à vapeur que
d'avoir un brick, une goélette et trois canonnières qui stationnent dans
l'Escaut.
Si le gouvernement veut imiter les puissances maritimes, je l'engagerai
plutôt à imiter l'Angleterre. (Interruption.)
Non pas, messieurs, pour créer une marine militaire aux frais de l'Etat, mais
pour encourager des compagnies qui construisent des bateaux à vapeur dont le
gouvernement se réserve la propriété en cas de guerre.
C'est ce que se fait en Angleterre et aux Etats-Unis. Pourquoi le gouvernement
belge, qui sent le besoin d'une marine militaire ne procéderait-il pas ainsi ?
Ce serait le moyen d'arriver immédiatement à un résultat désirable en ce
moment. Je veux parler de l'établissement d'une ligne de navigation à vapeur
entre la Belgique et les Etats-Unis. Le besoin de cette ligne se fait sentir
davantage depuis que la France, l'Angleterre et l'Allemagne sont en possession
de bateaux à vapeur qui font une navigation régulière vers les Etats-Unis.
(Erratum, page 168) La Belgique
doit sortir de son isolement, elle doit profiter de sa situation avantageuse.
Sa position lui permet de servir d'intermédiaire pour le transport des
marchandises vers une grande partie de l'Allemagne et de transporter ses
propres marchandises aux Etats-Unis sans recourir à la marine étrangère. Au
lieu d'entretenir une marine extrêmement coûteuse, relativement aux services
qu'elle rend, on devrait, je le répète, favoriser la création d'une marine à
vapeur au moyen de subsides accordés à des compagnies.
J'engage M. le ministre des affaires étrangères et de la marine à
méditer sur cet objet, à voir s'il n'y aurait pas moyen de rendre un service
éminent au pays, en créant une navigation à vapeur entre la Belgique et les
Etats-Unis plutôt que de continuer une dépense qui constitue un luxe inutile.
- L'article premier est mis aux voix et adopté.
Articles 2 à 5
« Art. 2. Vivres : fr. 148,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 3. Entretien, chauffage et éclairage : fr. 62,320. »
- Adopté.
_________________
« Art. 4. Magasin de la marine : fr. 4,800. »
.- Adopté.
_________________
« Art. 5. Pilotage : fr. 462,320. »
- Adopté.
Article 6
« Art. 6. Service des bateaux à vapeur de l'Escaut : fr.
60,758 »
M. Osy,
rapporteur. - A la dernière session nous avons voté la
construction d'un bateau à vapeur pour le passage d'Anvers à la
Tête-de-Flandre. Ce service continue d'être désorganisé, car les deux navires
qui le font sont tout à fait hors de service. Je demanderai si nous pouvons espérer
que le bateau à vapeur fera bientôt le service.
M. de
T'Serclaes. - Je viens appuyer très sérieusement les
observations de l'honorable M. Osy. L'administration des bateaux à vapeur de
l'Escaut comprend trois services principaux :
1° Le service du passage d'eau d'Anvers à la Tête-de-Flandre ;
2° Le service de navigation régulière entre Anvers et Tamise ;
3° Le service de remorque dans l'Escaut.
Le budget mentionne l'emploi de trois navires pour ce service multiple,
ce qui est déjà peu ; mais de ces trois navires, deux, le Prince Philippe et la
Ville d'Anvers, sont dans le plus mauvais état et condamnés à chômer.
Or, je vous le demande, messieurs,
est-il possible qu'avec le seul bateau à vapeur qui reste aujourd'hui en bon état,
on puisse pourvoir aux nécessités du service ?
Aussi, des plaintes très graves s'élèvent chaque jour, à Tamise et sur
les bords de l'Escaut, sur la manière dont marche le service régulier, qui est garanti
aux riverains, et sur lequel ils comptent ; des plaintes non moins graves
s'élèvent à Anvers, relativement au passage de la Tête-de-Flandres.
Il est urgent que des mesures soient prises pour satisfaire à ces justes
réclamations, et je me joins à l'honorable préopinant pour les recommander à la
sollicitude de M. le ministre des affaires étrangères.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Le bateau à vapeur qui doit être
construit par suite de la loi qui a été votée dans le courant de l'année, a été
mis en adjudication il y a environ un mois. II a été adjugé au prix de 157
mille francs. Je presserai autant qu'il me sera possible la construction de ce
bâtiment, car je dois reconnaître, avec les honorables préopinants
l'insuffisance du service actuel. Deux des navires indiqués au budget, le
Prince Philippe et la Ville d'Anvers sont sur le point d'être vendus par les
soins du domaine. Ainsi, nous n'aurons plus pour ce service qu'un seul bateau à
vapeur de l'Etat, mais le gouvernement en a loué un second. Je reconnais donc,
je le répète, la nécessité de presser autant que possible la construction du
nouveau navire, j'y donnerai tous mes soins.
M. Vilain XIIII. - Quand,
l'année dernière, la chambre a voté le projet de loi qui a décrété la
construction d'un bateau à vapeur pour le passage d'Anvers à la
Tête-de-Flandre, il y en avait un autre, la Ville d'Anvers, qui allait très
bien. M. le ministre des affaires étrangères nous dit que le domaine va vendre
le bateau à vapeur la Ville d'Anvers, et que le bateau à vapeur, le Prince
Philippe, ne pouvant plus aller, sera également vendu. Il ne nous restera plus
que la Princesse Charlotte, qui va très bien ; mais il est impossible, avec ce
seul bateau à vapeur, de pourvoir aux trois services que vient d'indiquer
l'honorable préopinant ; il en faut nécessairement trois. Or, M. le ministre
des affaires étrangères déclare qu'il n'y en a qu'un seul qui soit bon. La loi
ne lui donne le pouvoir que d'en construire un second, il faudrait donc ouvrir
un crédit pour un troisième bateau. Sans quoi l'année prochaine le service sera
dans l'état déplorable où il est en ce moment.
M. Loos. -
Je viens appuyer ces observations. L'année dernière j'avais appelé l'attention
du gouvernement sur ce point. J'avais prévu, ce qui est arrivé d'après la
déclaration de M. le ministre des affaires étrangères. J'avais signalé le
mauvais état des navires qui font le service de Tamise et le passage de la
Tête-de-Flandre.
J'avais dit alors à la chambre que le gouvernement s'était mis aux lieu
et place d'une compagnie qui avait voulu se former à Anvers et qui prenait
l'engagement vis-à-vis du gouvernement d'établir trois bateaux à vapeur, dont
l'un pour faire le service sur Tamise, l'autre pour faire le service sur la
Tête-de-Flandre, l'autre destiné à rester en réserve et à remorquer les navires
sortant du port d'Anvers.
J'avais espéré que les considérations que j'avais fait valoir alors
auraient engagé le gouvernement à nous faire une proposition pour la
construction d'un troisième bateau à vapeur.
Messieurs, ce troisième bateau, ainsi
que vous l'a fort bien dit l'honorable M. Vilain XIIII, est indispensable même
pour assurer le service de Tamise et celui de la Tête-de-Flandre,
indépendamment du service de remorque sur l'Escaut.
J'engage donc M. le ministre des affaires étrangères à saisir le plus
tôt possible la chambre d'une proposition tendant à l'autoriser de faire
construire un troisième bateau à vapeur, ou bien à confier le service à une
compagnie qui se mettrait en son lieu et place.
M. Delfosse. - M. le
ministre des affaires étrangères ferait bien d'examiner sérieusement s'il ne
serait pas plus avantageux pour l'Etat d'accorder des subsides à une compagnie
qui se chargerait de ce service à des conditions raisonnables.
La construction de nouveaux navires nous entraînerait dans des dépenses
extrêmement considérables ; il ne faut pas non plus perdre de vue que les
navires que l'on fournit au gouvernement ne sont pas en général très solides,
puisqu'il faut les mettre au rebut après un petit nombre d'années.
C'est là une considération qui doit peut-être faire désirer que ce
service ne s'exécute plus aux frais et pour compte de l'Etat ; il est très
possible que l'intervention d'une compagnie serait moins onéreuse pour le
trésor, tout en présentant la même utilité au public.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - J'examinerai cette question.
- L'article est mis aux voix et adopté.
Article 7
« Art. 7. Police maritime : fr. 35,800. »
- Adopté.
Article 8
« Art. 8. Service des bateaux à vapeur entre Ostende et
Douvres : fr. 242,100. »
M. Osy,
rapporteur. - Messieurs, je crois que les trois bateaux à
vapeur dont nous avions autorisé la construction il y a deux ans, sont
maintenant en service. Mais nous n'en profitons guère, parce que la malle anglaise
nous arrive encore plus tard qu'anciennement.
(page 148) Le gouvernement
français vient de faire avec l'Angleterre un arrangement en vertu duquel les
lettres et dépêches de ce dernier pays arriveront deux fois par jour à Paris.
Il me paraît que si le gouvernement voulait faire partir nos bateaux à vapeur
de Douvres à l'arrivée de la malle de Londres, nous pourrions avoir à Bruxelles
et à Anvers les lettres d'Angleterre à midi au lieu de les avoir le lendemain
matin. Ce serait un grand avantage pour le commerce et les voyageurs et en même
temps un grand revenu pour le gouvernement.
Le grand défaut est qu'il n'y a pas d'harmonie, je pense, entre le
ministère des affaires étrangères et celui des travaux publics. Le ministère
des travaux publics partage entièrement mon opinion, c'est d'accélérer autant
que possible le transport des dépêches. Mais le département de la marine veut
avoir quelques petites recettes de plus et ne veut faire partir les navires de
Douvres qu'à marée haute, tandis que les malles françaises partent à toute
heure, sans attendre la marée haute.
Si, messieurs, les bateaux belges
agissaient de même, je le répète, nous recevrions nos lettres à midi, et celles
destinées é l'Allemagne arriveraient encore le soir à Cologne. De cette
manière, nous attirerions le transit de toutes les lettres de l'Allemagne par
notre pays. Je pense, messieurs, que, pour obtenir ce résultat,-le département
des affaires étrangères ferait bien de renoncer au besoin à quelques voyageurs
qui ne voudraient pas prendre une barque pour aller en rade.
J'espère donc que les deux départements voudront bien se mettre d'accord
sur ce point.
M. le ministre des affaires étrangères
(M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, les deux départements
sont complètement d'accord sur cette question comme sur toutes les autres, et
la preuve, c'est que des ordres sont donnés pour qu'à dater du mois de décembre
les départs de nos malles-postes de Douvres aient lieu conformément aux désirs
que vient d'exprimer l'honorable M. Osy, c'est-à-dire aussitôt l'arrivée de la
malle à Douvres, de manière que les dépêches et les lettres d'Angleterre
pourront arriver avant midi à Ostende et être distribuées vers cinq ou six
heures à Bruxelles et à Anvers.
Cependant, messieurs, ce n'est là qu'une mesure insuffisante pour
atteindre le but que vient de signaler l'honorable M. Osy. En effet, des malles
anglaises ne doivent naturellement pas se conformer aux ordres qui viendraient
de la Belgique. Il n'y a que pour le transport des dépêches par les malles
belges que-cet avantage sera obtenu. Il faudrait une disposition beaucoup plus
importante, beaucoup plus large, beaucoup plus avantageuse. Il faudrait, en un
mot, une mesure analogue à celle qui vient d'être adoptée entre le gouvernement
anglais et le gouvernement français. Cette mesure occupe toute l'attention du
gouvernement, et spécialement celle de mon honorable collègue, M. le ministre
des travaux publics.
C'est par l'adoption d'une semblable mesure, messieurs, que nous
jouirons des avantages qui sont à désirer pour la Belgique, c'est-à-dire d'une
prompte et régulière distribution des correspondances venant de l’Angleterre.
- L'article 8 est adopté.
Articles 9 à 11
« Art. 9. Secours maritimes : fr. 16,500. »
- Adopté.
_________________
« Art. 10. Dotation de la caisse de secours et de prévoyance en faveur
des marins naviguant sous pavillon belge : fr. 10,000. »
- Adopté.
_________________
« Art. 11. Pensions civiles et secours : fr. 27,200. »
- Adopté.
Vote sur les dispositions légales et sur l’ensemble du projet
La chambre décide qu'elle passera immédiatement au vote définitif du
budget.
L'amendement apporté au libellé de l’article 4 du chap. VII, consistant
dans l'addition des mots : « Sauf pour les services au-delà du cap
Horn », est définitivement adopté.
_________________
L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :
« Article unique. Le budget du ministère des affaires étrangères est
fixé, pour l'exercice 1848, à la somme de deux millions six cent
quatre-vingt-dix mille sept cent soixante et quatorze francs (2,690,774 fr.),
conformément au tableau ci-annexé. »
- Ce projet est adopté.
_________________
II est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.
72 membres sont présents.
69 adoptent.
2 rejettent.
1 s'abstient (M. Faignart).
En conséquence, le budget est adopté.
Ont voté l'adoption : MM. Anspach, Brabant, Bricourt, Broquet-Goblet, Cans,
Clep, Cogels, d'Anethan, de Breyne, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de
Haerne, Delfosse, d'Elhoungne, de Liedekerke, de Man d'Attenrode, de Meester,
de Mérode, Desaive, Destriveaux, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de
T'Serclaes, d'Hane, d'Hoffschmidt, Dolez, Dubus (aîné), Duroy de Blicquy,
Frère-Orban, Gilson, Henot, Herry-Vispoel, Huveners, Lange, Lejeune, Lesoinne,
Liedts, Loos, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Moreau,
Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Raikem, Rodenbach. Rogier,
Rousselle, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Tielemans, T’Kint de Nayer, Van
Clemputte, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Huffel, Verhaegen, Veydt, Vilain
XIIII, Zoude.
Ont voté le rejet : MM. Castiau et de Foere.
M. Faignart.
- Messieurs, je me suis abstenu parce que je n'ai pas assisté à la discussion.
- La séance est levée à 4 heures et demie.