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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 27 avril 1847
Sommaire
1) Projet de loi portant le budget du département
des travaux publics pour l’exercice 1847. Discussion des articles. Frais de
construction et d’exploitation du chemin de fer de l’Etat ((+règlement de la
chambre, projets de concessions) (de Haerne, de Bavay, Osy, Malou),
(+chemin de fer du Luxembourg) de Garcia, Brabant, (+chemin de fer rhénan) Osy, Sigart, (réplique générale) de Bavay,
Eloy de Burdinne, de Bavay, de Haerne, de Man d’Attenrode, de Bavay, Brabant, d’Elhoungne, de Bavay, Brabant, d’Elhoungne, Brabant, de Bavay, de Bavay, Brabant, de Bavay, Osy, de
Bavay, Brabant, de Bavay, Vanden Eynde, de Bavay, Mercier, Brabant, de Bavay, de Bavay,
(+adjudication de bois étrangers) de Baillet)
(Annales parlementaires de Belgique, session
1846-1847)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1590) M. A. Dubus procède à l’appel nominal à 10 heures et demie.
M. Van
Cutsem lit
le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES
TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1847
Discussion des articles
Chapitre III. - Chemin de fer
Discussion générale sur le chapitre III
M. le président. – La discussion continue sur le chapitre III (chemin
de fer et postes).
M. de Haerne. - Messieurs, dans une séance précédente, une question
assez importante a été soulevée par l'honorable M. de Man. Hier, cet honorable
membre est revenu à la charge, pour appuyer par de nouvelles considérations la
proposition qu'il a faite. Cette proposition, qui part d'une idée très juste, a
rencontré des contradicteurs. Je vous avoue qu'en présence des observations qui
ont été présentées en sens contraire, j'aurais de la peine, quant à présent, à m'y
rallier. L'honorable M. Osy, surtout, a émis à cet égard des considérations qui
paraissent fort rationnelles. Il a fait voir que cette commission, loin
d'offrir un avantage dans un gouvernement constitutionnel, produirait
probablement un inconvénient, dans ce sens que cette institution tendrait à
affaiblir ou à éluder la responsabilité ministérielle.
Je partage cet avis, tant au point de vue d'un conseil d'Etat général
qu'à celui du conseil particulier qu'on voudrait annexer au département des
travaux publics. L'honorable M. Osy a remplacé ce projet par un autre ; il veut
une commission qui serait formée dans le sein de la chambre, qui émanerait de
la chambre elle-même et qui serait de la même nature que les deux commissions
permanentes d'industrie et des finances.
J'adhère à cette pensée, parce que je la crois utile. Je pense qu'une
telle commission faciliterait l'expédition des affaires ; car je dois
m'associer à plusieurs honorables collègues qui ont signalé précédemment les
lenteurs qu'entraîne l'exécution des travaux publics, et surtout des travaux
concernant les chemins de fer. Des plaintes ont été faites depuis longtemps ;
bien souvent cette enceinte a retenti de réclamations plus ou moins justes ; on
doit dire que plus d'une fois des travaux, d'une certaine urgence dans les
circonstances actuelles, eu égard à la crise alimentaire, ont éprouvé de grands
retards. Je ne veux pas en accuser le ministère parce que je ne suis pas
suffisamment éclairé à cet égard, mais je pense que si la chambre, par un moyen
quelconque, pouvait donner une plus forte impulsion au ministère, les travaux
marcheraient plus rapidement.
Je dirai ma pensée tout entière à ce sujet. Je crois que souvent il
existe au ministère des travaux publics un entourage que je respecte jusqu'à un
certain point, parce qu'il est animé lui-même d'une certaine conviction dictée
par la science ; mais cet entourage est tel qu'il paralyse quelquefois les
meilleures volontés, que souvent il peut imposer en quelque sorte la loi au
ministre lui-même par un certain prestige scientifique auquel, malgré toutes
les connaissances qu'un individu peut posséder, il lui est bien difficile de
résister ; il y a là un certain entraînement qui provient de la science
elle-même, et cette science, étant le produit des idées de tout un corps, a
bien plus de puissance que les connaissances particulières, qu'un
administrateur quelconque, un ministre pourrait posséder.
Je crois donc qu'une commission, nommée par la chambre, qui appellerait
dans son sein les personnes les plus éclairées dans la matière, soit qu'elles
appartinssent aux deux chambres, soit qu'elles y fussent étrangères : je crois
qu'une commission semblable pourrait rendre des services au gouvernement et
activer la marche des travaux publics, en faisant justice des prétentions de
corps, des préjugés d'amour-propre et d'autres qui se présentent parfois et qui
pèsent sur le ministère.
Messieurs, quand je dis que je partage jusqu'à un certain point les
plaintes soulevées dans cette enceinte par rapport à la lenteur avec laquelle
on procède en matière de travaux publics, je ne veux pas dire que j'appuie tous
les reproches qui ont été articulés à la séance d'hier ; je n'ai pas une
connaissance assez exacte des faits pour pouvoir en juger.
Je pense cependant que ceux qui ont été énoncés par l'honorable M. Osy,
et les inconvénients qu'il a signalés peuvent être plus ou moins fondés.
En matière de chemins de fer, il y a une foule de choses qui se
pratiquent en d'autres pays, qu'on pourrait imiter. Il ne faut pas craindre, par
amour-propre national, de suivre ce qui se fait de bien à l'étranger. Nous
avons été assez imités par les premières nations de l'Europe, en fait de
chemins de fer, pour ne pas rougir de les imiter à notre tour. Je citerai
quelques petites choses qui se pratiquent à l'étranger, qui, prises isolément,
sont insignifiantes, mais qui, dans leur ensemble, présentent des facilités qui
ne sont pas à dédaigner pour les voyageurs ; tel est le système de chauffage
des voitures adopté en France, et qui n'est pas encore introduit en Belgique ;
le système d'éclairage établi en Angleterre, qui est supérieur au nôtre.
L'éclairage de nos voitures de première classe n'est pas suffisant pour pouvoir
lire. En Angleterre, on peut lire facilement ; cependant le réverbère est assez
élevé pour ne pas nuire à la vue. Ce sont là, je le répète, de petites choses,
mais leur ensemble a son importance.
Ainsi, par exemple, en Allemagne, à chaque station il y a toujours un
garde qui crie le nom de la station ; chez nous cela ne se fait pas toujours.
Il en résulte des inconvénients : les étrangers sont exposés à manquer leur
destination en passant outre. En Allemagne, on vous dit le nombre des minutes
que vous avez à passer à la station où s'arrête le convoi. Quelquefois on ne
sait pas si on aura le temps de sortir, lorsqu'on désire le faire ; dans
l'incertitude, le voyageur se gêne, et il en souffre.
Je signalerai, entre autres, encore un moyen de donner des facilités,
des commodités aux voyageurs, c'est quand on arrive à une station, et (page 1591) qu'il y a encombrement de
bagage, en Allemagne, un garde vous demande votre hôtel, votre adresse, et se
charge de vous envoyer vos bagages. Souvent, chez nous, quand il y a
encombrement de bagages, on perd un quart d'heure, une demi-heure, surtout aux
stations-frontières.
Je pourrais citer nombre d'autres particularités qui, comme je le disais
tout à l'heure, sont insignifiantes, prises isolément, mais dont l'ensemble a
son importance. J'appelle l'attention de M. le ministre sur ces différents points.
Mais, messieurs, s'il est vrai que la formation d'une commission, telle
que celle dont le principe a été formulé hier par l'honorable M. Osy, pouvait
rendre des services au département des travaux publics, pour l'administration
et l'exploitation des chemins de fer déjà concédés, je pense qu'une telle
commission pourrait rendre de plus grands services encore pour les lignes à
construire, pour les projets à examiner.
A cet égard, je dois dire qu'une certaine responsabilité pèse sur le
gouvernement. Je sais qu'il ne peut adopter tous les projets de chemins de fer
qui sont présentés ; que quelquefois il rencontre des difficultés locales, des
difficultés d'exécution, des difficultés qui tiennent au chiffre de la dépense.
Mais si une commission spéciale était chargée de l'étude des projets
présentés aux chambres et au gouvernement, je crois que, dans beaucoup de cas,
on pourrait donner plus tôt satisfaction à des besoins réels.
Il y a un peu plus de deux mois que j'ai adressé une interpellation à M.
le ministre de l'intérieur sur l'état des Flandres. Je lui ai demandé si le
moment n'était pas venu de proposer un nouveau crédit pour subvenir aux besoins
urgents des populations malheureuses de ces provinces. J'ai indiqué comme
mesures à prendre, l'organisation du travail industriel que je crois possible,
la réduction des droits d'entrée sur le bétail, combinée avec la diminution des
droits d'octroi sur la viande, etc. ; mesures auxquelles on a fait droit en
partie, ce qui prouve, soit dit en passant, que ma motion n'était pas inutile.
A cette occasion, j'ai parlé aussi de travaux publics. J'ai demandé
qu'on construisît partout les secondes voies des chemins de fer, mesure à
laquelle on a mis aussi un commencement d'exécution, ce qui fait voir aussi que
je n'avais pas tort de l'invoquer. J'ai dit alors que mon intention n'était pas
de me livrer à des accusations contre le ministère, parce que je pense que, si,
dans cette circonstance, comme dans bien d'autres, le ministère n'a pas agi, ce
n'a pas été par mauvais vouloir, mais par un esprit de lenteur et d'indolence
résultant de la difficulté des travaux à exécuter et des mesures à prendre pour
soulager la misère. Il y a eu plutôt timidité que mauvais vouloir.
Mais si je ne me suis pas livré à des accusations contre le ministère,
je me suis permis de lui adresser des reproches au sujet de cette lenteur
souvent déplorable. C'est surtout dans le moment actuel, en présence de cette
crise toujours flagrante où nous nous trouvons, que je dois appeler toute
l'attention du gouvernement sur ce point important.
On vous l'a dit, dans une séance précédente, à propos du chemin de fer
d'Alost, il y a au ministère des travaux publics, à l'administration du chemin
de fer surtout, beaucoup à faire pour venir au secours des populations
souffrantes. C'est ce que j'ai eu l'honneur de dire. C'est alors que j'ai eu
l'honneur de rappeler à la chambre les besoins urgents des Flandres et les
moyens d'y faire face, surtout par la construction de travaux publics.
Plusieurs projets ont été présentés ; je ne les examinerai pas tous. Je
rappellerai à l'attention de la chambre un projet sur lequel il y a un rapport.
Je veux parler du projet du chemin de fer de Furnes vers Ostende et vers la
Panne, dont la concession est demandée, et contre lequel il n'y a pas lieu
d'invoquer les charges qui pourraient peser sur le pays.
II y a plus d'un an que ce projet a été déposé ; il est de la plus haute
importance, car il tend à lutter contre une concurrence qui nous est faite de
la part de la France, concurrence qui sera difficile à soutenir si l'on
n'accorde la construction de ce chemin de fer et d'un embarcadère à la Panne.
Un autre chemin de fer dont le projet a été déposé depuis plusieurs
années, c'est le chemin de jonction entre les provinces flamandes et wallonnes,
projet également très important, qui fait aussi l'objet d'une demande de
concession. Il doit relier Braine-Ie-Comte à Courtray en passant par des
localités très peuplées, telles que Renaix, Avelghem, Sweveghem, avec
embranchement sur Hal d'un côté et sur Audenarde et Deynze de l'autre.
Je demande qu'on examine ce projet, qu'on fasse une enquête pour en
connaître le mérite.
Je n'examinerai pas la question de savoir si ce chemin de fer ne serait
pas nuisible à celui de l'Etat, Je sais qu'il est parallèle à la ligne de
l'Etat, d'une part, et celle de Jurbise, d'autre part. Mais en fait de lignes
parallèles, je dois rappeler ce qui a été dit dans cette enceinte, à propos de
la concession du chemin de fer de la Flandre occidentale. L'honoraire M. Dechamps,
qui était ministre des travaux publics, fit voir alors, avec le talent qui le
caractérise, que si d'abord on avait pensé que les lignes parallèles devaient
se nuire en général, une nouvelle lumière avait été jetée sur la question, et
qu'il était établi que, loin de se nuire, deux lignes parallèles pouvaient
souvent être utiles l'une à l'autre.
Quand on considère les choses à priori, on peut s'en rendre compte.
Lorsque les lignes parallèles sont très rapprochées, elles doivent se
nuire. Mais lorsqu'elles sont écartées, loin de se nuire, elles s'envoient des
voyageurs l'une à l'autre. Entre ces deux extrémités, il doit y avoir un
milieu, tel que les inconvénients se balancent avec les avantages. C'est ce
milieu qu'il faut chercher dans chaque concession qui est demandée.
Il y a, à cet égard, des principes généraux ; il y a une loi à établir.
Je crois que cette loi a été formulée de la manière la plus claire dans le
rapport de M. l'ingénieur Desart sur le chemin de fer direct de Bruxelles a
Gand par Alost. Ce travail, quoique fait pour ce chemin de fer seul, n'en est
pas moins général dans son application ; car les principes qui y sont émis
s'appliquent aux chemins de fer en général.
Ainsi la question de savoir si une ligne de raccourcissement, parallèle
à une autre, sera préjudiciable à une autre ligne peut se résoudre
approximativement d'après ces principes.
C'est la question qui se présente chaque fois que les particuliers
viennent en concurrence avec le gouvernement pour des routes ferrées à
construire.
Je ne dis pas que j'approuve le projet tel qu'il est. Ce serait une
prétention exorbitante, ridicule ; mais je dirai que ce projet étant présenté
depuis deux ans, il est plus que temps que le gouvernement nomme une commission
d'enquête pour examiner les choses à fond et pour voir s'il n'y aurait pas
moyen d'établir cette communication que réclame l'intérêt des provinces du
Hainaut, de Namur et du Luxembourg, plus encore que l'intérêt des Flandres.
Quant à ce dernier intérêt, c'est surtout du travail qu'il faut aux
Flandres. Mais personne ne m'opposera un intérêt égoïste, un intérêt de
localité, lorsque j'invoquerai les sympathies de la chambre et du ministère en
faveur des populations souffrantes et affamées. Et il s'agit ici de travaux à
exécuter pour la somme de 37 millions.
Lorsque j'insiste tant sur la nécessité de construire des voies ferrées,
je ne suis pas mû seulement par les considérations que j'ai fait valoir. Il y a
une autre idée encore qui me domine, c'est qu'il serait très préjudiciable de
s'arrêter dans la voie des concessions de chemins de fer possibles, parce que
les localités qui peuvent être convenablement reliées par des concessions de
railways renferment dans leur sein des éléments de prospérité considérables,
des éléments de prospérité commerciale et industrielle, de progrès intellectuel
même.
Eh bien, je dis que ce sont là des capitaux à mettre en circulation, des
capitaux qu'il faut faire fructifier, et je dis que. lorsqu'un gouvernement
peut exécuter de tels travaux et qu'il ne le fait pas, il commet la même faute
que s'il avait des millions de capitaux et qu'il les laissât stériles. C'est
absolument la même question. Il s'agit d'exploiter ces capitaux, de les mettre
en œuvre, de les mettre en activité et lorsqu'on voit la concurrence qui
s'empare de toute l'Europe, lorsqu'on voit cette mobilité dont on nous parlait
dans une précédente séance et dont on signalait les dangers quant au
déplacement de certaines industries, eh bien, je dis qu'en présence de cet état
de choses, de ces déplacements d'intérêts qui se rencontrent partout, c'est une
raison de plus pour agir avec activité, car si vous n'allez pas vite, vous
serez débordés par les autres, et vous savez qu'une position prise devient
souvent inexpugnable. C'est pourquoi l'on ne saurait être assez actif, on ne
saurait marcher assez avec le progrès partout où il est possible et
raisonnable.
Je ne crains pas de dire que j'ai la plus grande idée des progrès que
les chemins de fer doivent réaliser ; progrès matériels, progrès intellectuels
et je dirai même progrès religieux. Je vois dans les chemins de fer une
tendance de généralisation, ou, pour me servir d'un mot grec, de catholicisme
matériel. Aujourd'hui, en Europe, le besoin de centralisation emporte tout.
C'est le catholicisme des intérêts, c'est un catholicisme dans l'ordre
matériel, et je ne crains pas de le dire, l'intérêt qui se rattache à cette
tendance, sous le rapport matériel, sous le rapport intellectuel et sous le
rapport des idées religieuses, est trop évident, trop considérable pour qu'en
ma qualité de catholique, je ne m'associe pas de tout cœur à ce grand
mouvement.
Une révolution dans l'ordre matériel doit amener
une révolution analogue, dans l'ordre moral et religieux.
La révolution pacifique, le mouvement de généralisation qui se manifeste
partout en fait d'intérêts matériels doit produire un changement, une
révolution semblable dans l'ordre des idées religieuses ; et si le patriotisme,
les besoins du commerce et de l'industrie, la nécessité de donner du travail
aux ouvriers ne me faisaient un devoir de me prononcer en faveur de l'extension
à donner aux chemins de fer, le progrès de la vérité religieuse, de l'unité, de
la centralisation en matière de religion, en d'autres termes, du catholicisme,
progrès qui se rattache selon moi à celui des voies de communication et de la
centralisation matérielle, ce progrès suffirait pour me rendre favorable à la
construction des chemins de fer.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
L'honorable préopinant a exprimé le désir qu'on imprimât plus d'activité, une
impulsion plus forte aux opérations du département des travaux publics. Il a
pensé que l'institution d'une commission des travaux publics pourrait
contribuer à amener ce résultat.
Je crois, messieurs, que les commissions sont généralement des
institutions de garantie, des institutions d'examen, mais que, lorsqu'on veut
marcher vite, marcher avec une grande vigueur, les commissions ne sont pas les
meilleurs auxiliaires.
L'honorable membre a cité différentes demandes de (page 1592) concessions de chemins
de fer, dont il serait désirable, dans son opinion, que le gouvernement pressât
l'instruction. L'honorable membre croit ces chemins de fer à la veille de
pouvoir s'exécuter ; il regrette, jusqu'à un certain point, qu'ils ne soient
pas déjà entamés.
Messieurs, je tiens autant que l'honorable membre à ce que nos chemins
de fer se multiplient et se développent ; mais il faut examiner cette question
au point de vue pratique : en deux années la législation a décrété la
concession de chemins de fer pour un capital d'environ 200 millions. C'était
là, messieurs, aller loin ; c'était faire beaucoup en fort peu de temps. Je
pense même que l'on peut dire que, si nous avions été un peu plus sobres de
concessions, les concessions accordées seraient aujourd'hui dans une meilleure
voie et auraient des chances d'exécution plus certaines. Je pense, par la même
raison, que multiplier aujourd'hui les concessions, ce n'est pas créer et
développer un travail immédiat, mais simplement diminuer les probabilités
d'exécution des lignes déjà concédées.
Messieurs, il faut se rendre compte de la véritable position des choses.
Toutes les bourses sont surchargées d'actions de chemin de fer. Il est de toute
évidence que les capitalistes, surtout à l'étranger, se sont engagés dans des
opérations de chemin de fer au-delà des capitaux disponibles. Telle est la
véritable cause de la dépréciation de toutes les actions de chemin de fer.
Une autre cause de dépréciation ne pourrait pas être indiquée. Eh bien,
si nous accordons de nouvelles concessions, nous ne ferons qu'augmenter ce trop
plein d'actions de chemin de fer, qui se remarque dans les bourses importantes,
pousser à la dépréciation ; si nous tenons à voir exécuter les lignes déjà
décrétées, nous devons être assez sages pour être sobres de concessions
nouvelles, au moins pendant un certain temps.
Messieurs, l'honorable membre vous a entretenus d'un projet de chemin de
fer de Furnes sur la Panne. Il vous a dit que cette demande était formée depuis
plus d'une année. Cette demande a été effectivement formée, mais je dois dire
que dans les termes dans lesquels elle était formulée, elle était complètement
inadmissible ; on projetait un chemin de fer partant de Gand, passant à peu de
distance de Deynze et de Thielt, allant sur Furnes et de Furnes sur Adinkerke.
Eh bien, cette ligne était tout à fait parallèle au chemin de fer de
l'Etat et aux chemins de fer concédés de la Flandre occidentale ; c'est ce que
j'ai fait comprendre aux demandeurs en concession ; je leur ai dit qu'une
semblable demande en concession était complètement inacceptable ; ils ont
répliqué que cette ligne de chemin de fer serait plus courte d'une lieue que le
chemin de fer de l'Etat et que celui de la Flandre occidentale, et que dès lors
il y avait utilité.
Cette demande a été depuis lors modifiée. On projette aujourd'hui un
chemin de fer d'Ostende vers la Panne, et l'on prétend que cette ligne est
indispensable.
Ce qui me paraît évident, c'est que cette ligne n'a aucune espèce de
chances d'exécution dans les circonstances actuelles. Cette ligne devrait vivre
d'un petit transport de voyageurs anglais depuis la Panne jusqu'à Ostende ;
hors de là, il n'y aurait absolument rien ; cette ligne serait, à mes yeux, une
entreprise non viable.
On dit même que cette ligne est indispensable, pour faire concurrence à
la ligne de Douvres sur Calais. Mais, messieurs, les voyageurs qui se dirigent
sur Calais et qui tiennent à aller sur Calais, plutôt que sur tout autre point,
le font pour avoir le trajet de mer le plus court possible, et ce n’est pas en
donnant un trajet un peu moins long que celui d'Ostende que vous attirerez ces
voyageurs sur Adinkerke, plutôt que sur Ostende.
Il y avait une raison, pour que les voyageurs qui n'ont pas une frayeur
bien grande des trajets de mer se dirigent de préférence sur Ostende, c'est
qu'ils évitent ainsi le transit sur le territoire français, ainsi que les
formalités et. vérifications de douanes ; ce sera la grande raison qui amènera
les voyageurs sur Ostende, et cette raison continuera à subsister.
Je me demande d'ailleurs s'il y a un intérêt extrêmement grand à établir
sur notre côte de la mer du Nord un nouveau point d'embarquement et de
débarquement, en concurrence avec Ostende. Jusqu'ici cet intérêt n'est pas
assez évident pour que l'on s'empresse de partager un transit de voyageurs qui
n'est déjà pas trop considérable pour Ostende.
L'honorable membre a également entretenu la chambre d'une ligne de jonction
entre les provinces wallonnes et les provinces flamandes, d'un chemin de fer
qui serait dirigé de Braine-le-Comte vers Courtray. Je n'entends pas dire que
ce chemin de fer ne doive pas se faire ; mais je pense que ce chemin de fer
n'est pas ce qu'il y a de plus urgent à faire.
Il y a trois jours à peine, on a appuyé fortement dans cette enceinte
une ligne de chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost ; le projet
aujourd'hui préconisé par l'honorable préopinant se trouve en concurrence avec cette
ligne qui n'est pas même décrétée. Si entre cette ligne de Bruxelles sur Gand
par Alost, et la ligne de Tournay à Jurbise vous placez une troisième ligne, de
Braine sur Courtray, il arrivera que vous enlèverez à la ligne d'Alost une
partie de ses transports, avant même qu'elle ne soit créée, et tout cela pour
arriver tout au plus à une émission d'actions, car je pense qu'il n'y aura
jamais qu'une émission d'actions ; je pense que, dans les circonstances
présentes, un placement d'actions pour une entreprise pareille est tout à fait
impossible.
J'ai entretenu la chambre, il y a quelques jours, du chemin de fer de
l'Entre-Sambre-et-Meuse ; quoique ce chemin de fer soit un des meilleurs qui
aient été concédés, les actions sur lesquelles on a versé 12 livres sont
aujourd'hui cotées à 5 livres ; quelqu'un peut-il se flatter d'émettre des
actions au pair, à côté d'actions placées à perte de sept livres sur douze.
Pour le moment, il est convenable de continuer à nous occuper, dans une
certaine mesure, des travaux à concéder ; il ne faut pas les perdre de vue ;
mais nous devons être assez sages pour nous abstenir, quant à présent, de
concessions nouvelles ; là est le salut des concessions déjà accordés ; c'est
là le très grand intérêt de l'Etat.
L'honorable membre a dit qu'il est très préjudiciable de s'arrêter dans
la voie des concessions de chemins de fer ; je pense, comme lui, que, lorsqu'il
est possible de ne pas s'arrêter, il ne faut pas s'arrêter ; mais marcher
toujours, et systématiquement, sans regarder derrière soi, sans savoir le
préjudice que cette marche prétendument progressive peut amener ; je crois que
c'est là une marche imprudente ; nous avons fait un pas énorme dans la voie des
concessions de chemins de fer ; je crois qu'il y a des raisons très fortes pour
faire maintenant un certain temps d'arrêt.
J'aurai maintenant à répondre quelques mots à plusieurs des orateurs qui
ont pris la parole dans la séance d'hier.
L'honorable M. Osy trouve que j'ai eu tort de présenter tardivement un
projet de loi pour l'extension du matériel, que ce projet aurait dû être
présenté au début de la session. Je dois faire connaître qu'au début de la
session, j'étais convaincu de la nécessité d'augmenter notre matériel autant
qu'à l'époque de la présentation de mon projet ; mais, au début de la session,
je nourrissais l'espoir de pouvoir demander un crédit pour cet objet, sans
faire un transfert provisoire. Plus tard, je me suis convaincu de
l'impossibilité d'augmenter les bons du trésor, vu les besoins qui avaient
surgi dans les circonstances où le pays s'est trouvé. Pour parer au plus
pressé, j'ai demandé l'autorisation de faire ce transfert provisoire.
L'honorable membre pense que cette mesure n'aura qu'une efficacité
restreinte, 300 waggons devant être mis prochainement hors de service de sorte
qu'il n'y aurait qu'une augmentation de 100 waggons.- J'ai lieu de croire que
les renouvellements ne sont pas aussi urgents que l'honorable membre peut
penser. D'ailleurs, les waggons qui seront mis hors de service, seront remplacés
par des waggons neufs, à construire au moyen des fonds du budget, tout
renouvellement de matériel incombant au budget ; de telle sorte que les waggons
neufs à construire au moyen du crédit accordé récemment par la chambre,
constitueront une augmentation du nombre actuel.
L'honorable membre a émis le vœu que le département des travaux publics
se mît sans délai en mesure de satisfaire au payement de fournitures qui
restent dues. Je dois rappeler qu'à la session dernière, j'avais présenté une
demande de crédit supplémentaire de 665 mille francs, et que la chambre a jugé
convenable de ne voter que 160 mille francs, et d'ajourner les 500 et quelques
mille francs formant le complément du crédit demandé. Je n'ai pas dissimulé les
inconvénients qui résulteraient de cet ajournement. Je crois avoir dit que,
parmi les crédits demandés, il en était qui devaient servir au payement de
sommes dues. Depuis, la chambre s'est occupée du budget des travaux publics ;
je pensais que cette discussion aurait eu lieu plus tôt, et je me proposais de
demander ensuite la discussion du crédit tenu en suspens à la session dernière.
L'honorable membre a dit un mot des dépenses d'inauguration, des
dépenses faites à l'occasion de l'inauguration de l'ouverture du chemin de fer
du Nord ; il a rappelé qu'un crédit de 40 mille francs avait été accordé et que
la dépense devrait être en totalité soldée avec ce crédit. Les dépenses ont
excédé la somme de 40 mille francs. Dans des circonstances pareilles, plus que
dans d'autres, on est exposé à être entraîné au-delà des prévisions ; ce qui a
eu lieu ne doit étonner personne, et je pense que cela ne peut sérieusement
étonner l'honorable membre ; je me rappelle l'avoir rencontré au bal même de la
gare ; il me dit à peu près ceci : « Vous avez fait les choses d'une
manière convenable et digne du pays ; votre crédit de 40 mille francs sera
insuffisant ; quand vous demanderez un bill d'indemnité à la chambre, je serai
d'avis qu'on vous l'accorde. » Cette conversation aura peut-être échappé au
souvenir de l'honorable membre. Elle avait pour moi un intérêt particulier ; je
suis certain d'en avoir conservé un souvenir très net. Je me suis empressé
alors de remercier l'honorable membre de ses bonnes dispositions.
Un crédit supplémentaire pour parfaire le payement de ces dépenses vous
sera soumis sous peu de jours ; je satisferai ainsi au désir de l'honorable
membre, qui est aussi le mien, de payer les dettes du département des travaux
publics.
L'honorable M. Lange, à la séance d'hier a cité quelques articles des
cahiers des charges des concessions faites l'année dernière, articles qui
mettent à la charge des concessionnaires les indemnités dues de quelque chef
que ce puisse être, de sorte que, si des indemnités sont dues à des auteurs de
projets qui s'étaient occupés des lignes concédées, ce sont les compagnies
concessionnaires qui doivent payer ces indemnités.
L'honorable membre a demandé si le gouvernement s'était occupé des
réclamations formées par les frères Vanderelst, à propos un chemin de fer de
Jurbise, et de celui de Manage à Mons. Ces réclaimations sont soumises au
conseil des ponts et chaussées ; j'attends le résultat de son examen, pour
faire une communication aux sociétés concessionnaires. Le gouvernement, au
reste, n'a ici qu'une intervention officieuse ; si les concessionnaires ne
pouvaient pas se mettre d'accord avec les auteurs des projets, ce seraient, en
définitive, les tribunaux qui devraient connaître de cette contestation.
L'honorable membre a signalé la nécessité d'apporter des modifications à
l'ordre et à la composition des convois sur la ligne du Midi. Le (page 1593) Moniteur d'aujourd'hui
annonce certaines modifications. Je pense qu'elles satisferont, en très grande
partie, aux observations de l'honorable membre.
L'honorable M. Lys est revenu sur ses précédentes observations.
L'honorable membre m'a fait un reproche de n'avoir pas activé la concession
d'un chemin de fer de Pépinster à Spa. Il est dans la pensée que la demande
faite à ce sujet est complètement sérieuse, que les plans dus à un ingénieur en
disponibilité sont exactement établis. Je ne conteste pas ces faits ; mais,
pour qu'une demande puisse être considérée comme sérieuse, il faut plus qu'un
plan bien établi, et les pièces exigées par le règlement sur la matière ; il
faut des capitalistes disposés à entreprendre l'opération.
Il me paraît absolument impossible qu'à l'étranger on trouve des
capitaux pour une ligne aussi petite. Les petites lignes sont, en général,
celles qui fixent le moins l'attention à l'étranger.
D'ailleurs, comme je l'ai dit, les bourses étrangères sont surchargées à
tel point qu'il n'y a rien à attendre de ce côté pour le moment.
La question est donc de savoir si, dans le pays, des capitalistes
seraient disposés à se réunir pour cette opération.
Aussitôt que j'aurai des indications à cet égard, je donnerai suite à
cette affaire. Mais je pense qu'il ne faut pas se livrer à une instruction,
faire des enquêtes sur des projets qui ne peuvent avoir que peu de chances
d’exécution ; car on met ainsi les populations en émoi ; on produit une
agitation locale, qui est en elle-même un mal, et qui ne conduit à aucun
résultat.
M. Lys. -
C'est la première fois que vous demandez s'il y a des capitaux. Il y en a.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay).
- L'honorable membre a insisté sur l'opportunité qu'il y avait, l'année
dernière, à faire continuer le dernier convoi arrivant à Liège jusqu'à
Verviers. Ce convoi part de Bruxelles vers cinq heures, et souvent il est neuf
heures quand il arrive à Liège. En continuant jusqu'à Verviers, on n'y
arriverait qu'à dix heures et demie ; c'est une heure extrêmement avancée,
surtout lorsque les jours commencent à décroître. C'est ce qui a été un
obstacle à l'adoption de la combinaison de convois indiquée par l'honorable
membre.
M. le président. - M.
Osy vient de déposer une proposition ayant pour objet la
nomination par la chambre d'une commission permanente des travaux publics.
- Sur la proposition de M. le ministre des finances (M.
Malou), à laquelle M. Osy se rallie, cette proposition est
renvoyée aux sections, pour que la lecture en soit autorisée.
M. de Garcia. - Mon
intention n'est pas de traiter la question soulevée par l'honorable M. Osy et
appuyée par l'honorable M. de Haerne. Cette question importante peut avoir de
grands avantages, comme elle peut présenter de graves inconvénients.
Sans entendre l'approuver ni l'improuver, je me félicite de ce que
l’honorable M. Osy ait demandé que sa proposition subît les épreuves
ordinaires, tracées par notre règlement pour les projets de cette nature. En
demandant la parole, j'avais surtout en vue de provoquer de M. le ministre des
explications sur quelques points qui concernent son administration.
La première explication que je réclame est la suivante :
Une ligne de chemin de fer a été mise en concession depuis un an ; je
veux parler du chemin de fer du Luxembourg. Des doutes surgissent de toutes
parts sur l'exécution de ce grand travail, pour lequel on ne met pas la main à
l’œuvre. Pourtant, de tous côtés, on sollicite la concession de nouvelles
lignes. Pour agir rationnellement, il me semble que, tout d'abord, il faudrait
assurer l'exécution de celles déjà concédées. Je demanderai donc à M. le
ministre si l'on peut compter que d'ici à peu de temps l'on mettra la main à
l'œuvre pour exécuter les travaux de la ligne du chemin de fer du Luxembourg.
Cette ligne a été votée par la législature dans de grandes vues de relations
extérieures et dans le but de donner du travail et du pain à la classe ouvrière
réduite à la misère par des circonstances que nous connaissons tous.
Il ne faut pas se faire d'illusion, il ne faut pas croire qu'il n'y ait
de misères que dans les Flandres ; sans vouloir augmenter les alarmes, soyez-en
convaincus, messieurs, la misère sévit aussi avec une grande vigueur dans les
provinces de Namur et de Luxembourg.
J'engage donc le gouvernement à user de toute son influence pour que les
concessionnaires commencent immédiatement les travaux de la ligne du chemin de
fer concédé que je viens de signaler.
J'ai une autre observation à demander.
Une commune de la province de Namur, celle
d'Auvelois, a adressé à M, le ministre des travaux publics une demande à
l'effet d'obtenir, non pas une station dans le convoi des voyageurs ou de
vitesse, mais un simple temps d'arrêt dans le convoi de marchandises. Cette
demande bien modeste est justifiée par les motifs déduits dans la requête
adressée au gouvernement.
J'appelle toute l'attention de M. le ministre sur cette demande que je
crois tout à fait fondée, et je le prie, si déjà il n'a été pris des mesures a
cet égard, de vouloir faire le plus tôt possible justice à cette réclamation.
M.
Brabant, rapporteur. - Je regrette de devoir prolonger
ce débat, et j'en demande pardon à la chambre. Mais les antécédents semblent
faire une obligation au rapporteur de parler dans la discussion générale du
budget.
Je serai aussi court que je pourrai, dans les observations que j'aurai
l’honneur de présenter.
Une discussion compte du budget du chemin de fer doit comprendre la
recette et la dépense du chemin de fer : la recette, pour voir si
l'administration a fait tout ce qui est en son pouvoir pour la porter à son
maximum ; la dépense, pour voir si elle a fait tout ce qui est en son pouvoir
pour la réduire au minimum.
C'est pour la première fois, depuis six mois, que ma section m’a fait
l'honneur de m'envoyer à la section centrale, que je me suis occupé du budget
des travaux publics. Jusque-là mes études s'étaient bordées à l'examen du
budget de la guerre.
Ce n'est pas chose facile que de se mettre au courant d'une
administration aussi compliquée dans son ensemble, plus encore dans les détails
du chemin de fer. Depuis six mois je n'ai étudié que cela, et je vous avoue que
je suis encore fort ignorant dans cette matière. Aussi ne me constituerai-je ni
l'apologiste ni le censeur de cette administration, qui a trouvé l'un et
l'autre dans cette chambre et beaucoup de censeurs dans le pays.
Les seuls documents qui m'aient permis d'apprendre quelque chose, ce
sont les comptes rendus de l'administration du chemin de fer, et les
développements de ce chapitre du budget.
Chaque année, le gouvernement, en exécution d'une disposition de la loi
du 1er mai 1834, vous rend un compte détaillé de toutes les opérations du
chemin de fer ; il a jusqu'ici satisfait à cette obligation, mais je crois que
la chambre a négligé une chose qui me paraît essentielle, c'est-à-dire de se
livrer à une discussion officielle de ce document, qui est de la plus haute
importance.
L'administration a constamment multiplié les détails. Mais si nous avons
beaucoup de détails nouveaux, il y en a beaucoup qui figuraient naguère dans
les comptes rendus, qui sont de la plus haute importance, et qui néanmoins en
ont disparu depuis quelques années.
Ainsi, pour citer un seul exemple, le compte rendu de 1836 nous
renseignait le prix des locomotives existant alors ; nous en avions treize, et
je puis dire, d'après ce compte rendu, quel est le prix de chacune. Depuis, on
ne nous plus donné ce renseignement. Nous avons maintenant 150 locomotives, et
il y en a à peu près 140 dont nous ne connaissons pas le prix ; seulement nous
savons qu'il a considérablement augmenté ; que de 34,000 francs que coûtaient
les premières locomotives, nous sommes arrivés aujourd'hui à 52,000 francs.
Je crois donc que la chambre devrait faire examiner le compte rendu
comme elle fait examiner le budget.
La commission chargée de cet examen pourrait demander au ministre des
travaux publics des éclaircissements pour justifier les opérations de
l'administration. Cet examen est d'autant plus nécessaire que les
investigations de la cour des comptes ne peuvent porter aucunement sur les
opérations administratives du chemin de fer. La cour des comptes est instituée
pour veiller à ce que les crédits alloués au budget pour des dépenses,
reçoivent la destination fixée par la législature ; mais elle ne peut voir quel
usage on fait notamment des matières qui ont été achetées, s'enquérir de la
nécessité du personnel auquel des fonds sont alloués, comme traitements ou
salaires.
Il faut donc que ce soit la chambre qui s'occupe de cet examen de
comptes, et je regarde cet examen comme de la plus urgente nécessité.
La seconde pièce qui nous est distribuée, ce sont les développements du
chemin de fer. J'ai examiné sommairement ceux des années précédentes ; j'ai
examiné très particulièrement, et dans les plus grands détails, les
développements pour l'exercice 1847.
Depuis quatre ans, ces développements nous sont donnés dans la même
forme. Ils entrent dans les détails les plus minutieux : c'est à s'y perdre.
Vous avez un volume de 202 pages tout hérissé de chiffres. Les vérifier à fond
est quasi impossible. C'est là une abondance très stérile ; ces détails ne nous
apprennent rien ; l'ensemble peut être exact, mais les détails sont faux. Il
est toujours inutile de donner des détails faux à la chambre.
Je n'entrerai pas dans de grands détails, mais je citerai quelques
exemples.
A l'article 4, main-d'œuvre, travaux et fournitures, on nous demande une
augmentation de 35,000 fr. On en justifie de cette manière :
« La majoration de ce littera (A salaire d'ouvriers) résulte : 1° de ce
que les besoins croissants du service ont exigé que le nombre d'ouvriers, qui
était de 1,591 en 1845, fût porté à 1,628 en 1846 (ce fait est vrai d'après les
développements) ; et 2° de ce que l'on doit augmenter le salaire d'un assez
grand nombre d'entre ces hommes qui, depuis l'ouverture de la ligne française
vers Paris, sont astreints à un service de nuit. »
Eh bien, j'ai mis la récapitulation des développements de l'année
dernière en regard de la récapitulation des développements de cette année. Je
dois d'abord faire observer que les seules lignes qui soient en communication
avec le chemin de fer du Nord sont les lignes de l'Ouest et du Midi. Voici la
comparaison entre les sommes affectées aux salaires des ouvriers attachés au
service de l'entretien des lignes de l'Ouest et du Midi, d'après les
développements de l'année dernière, et d'après les développements de cette
année.
Ligne de l’Ouest : 1846 : 281,952 fr., 1847 : 278,676 fr.
Diminution : 3,276 fr.
Ligne du Midi : 1846 : 182,392 fr., 1847 : 179,222 fr.
Diminution : 3,178 fr.
Total de la diminution sur les deux seules lignes qui soient en
communication avec le chemin de fer de Paris : 6,446 fr.
(page 1594) Cependant c'est à
cause de la communication avec le chemin de fer de Paris qu'on vous demande une
augmentation.
Si j'entre dans les détails de certaines stations (et je l'ai fait pour
trois), je trouve qu'on demande, pour une, 7,000 fr. de plus qu'on ne dépense
en réalité ; pour une autre, 2,000 fr. de plus qu'il n'est nécessaire, et pour
la troisième 9,000 fr. de moins que la somme nécessaire. Ainsi pour les
stations de Charleroy et de Namur, on demande trop. Pour la station de
Bruxelles (Nord), il y a déficit.
Pour nous fournir des détails aussi inexacts, je crois qu'on ferait
mieux de s'en abstenir.
Les développements du chapitre « chemin de fer » devraient
nous indiquer les fonctions de chacun. Nous jugerons, par là, de l'utilité des
fonctions et du fonctionnaire et des diverses prestations qui doivent lui être
allouées.
La locomotion, qui est un des points les plus importants, puisqu'elle
emporte 50 p. c. du budget du chemin de fer, devrait faire l'objet de
renseignements plus complets. Ainsi l'on devrait nous dire : Il y a tant de
convois sur la ligne de Bruxelles à Anvers, dont le parcours est de tant ; et
ainsi pour les autres lignes. On devrait ensuite calculer les frais de
locomotion comme pour les lignes anglaises, et comme ils sont calculés dans le
mémoire de M. Desart dont nous nous sommes occupés la semaine dernière
(consommation de coke, d'huile, de graisse, etc. ; usure des machines et des
voitures) ; ce serait une chose très facile. Vous auriez ainsi les
développements du budget du chemin de fer, en moins de 11 pages. Vous en
sauriez ainsi beaucoup plus qu'avec les développements volumineux qui vous sont
donnés aujourd'hui.
Outre la manière que je viens d'indiquer d'examiner un budget de
dépenses, c'est-à-dire de voir quels sont les besoins réels, il y en a une
autre, c'est de comparer les demandes d'allocations portées au projet de budget
avec les dépenses de l'exercice précédent.
Si les développements étaient bornés à ce qui est nécessaire, la
comparaison serait très facile, tandis que vous êtes obligés de comparer les
nombreux états récapitulatifs, d'examiner les nombreux éléments qui vous sont
fournis par l'administration, et qui sont pour la plupart inutiles.
La dépense est, en général, proportionnelle au travail fait et par les
hommes et par les machines. Mais je ne sais si ce travail est toujours bien
utilisé.
J'ai calculé que le parcours journalier, pour les voyageurs, pouvait
être calculé comme suit, pour les locomotives.
Le parcours des voyageurs s'élèverait, par jour, à 3,813 kilomètres ; le
parcours des marchandises à 1,301 kilomètres et les parcours mixtes à 1,336
kilomètres, ce qui donne par an :
278,349 lieues pour voyageurs ;
94,975 lieurs pour marchandises ;
97,528 lieues pour convois mixtes.
Total, 470,850 lieues.
Au lieu de cela, messieurs, nous avons, à cause des convois
extraordinaires probablement, 652,422 lieues de parcours, c'est-à-dire que nous
avons un excédant de 181,552 lieues. C'est pour cela aussi, messieurs, que la
dépense réelle de l'exercice 1846 s'élève, à peu près, à 700,000 francs
au-dessus des prévisions du budget.
Il ne suffit pas, messieurs, que l'administration agisse bien, et j'aime
à croire qu'elle agit bien, rien ne me prouve le contraire jusqu'à présent, il
faut aussi qu'elle justifie qu'elle fait bien. Dans un gouvernement
représentatif et surtout à l'époque actuelle, on est soupçonneux et défiant ;
on veut que tout soit clair comme le jour.
Eh bien, messieurs, jusqu'à présent nous n'avons pas cette clarté, et je
prie instamment M. le ministre de l'introduire dans son administration et de la
faire luire aux yeux de la chambre et du pays.
Messieurs, un point qui a été touché par un honorable collègue, c'est
l’exorbitance, le luxe des traitements des employés du chemin de fer. Je crois,
messieurs, que cette accusation, si accusation il y a, est assez mal fondée. Il
y a beaucoup d'employés au chemin de fer, il y en a probablement trop, mais les
appointements, à quelques exceptions près, sont loin d'être exorbitants. J'ai
fait un relevé de tous les traitements, par chaque catégorie de service. Eh
bien, messieurs, c'est ordinairement l'administration centrale qui contient les
gros bonnets, c'est l'administration centrale qui se partage largement le
gâteau ; or, dans l'administration centrale, sur 123 employés payés, j'en
trouve un qui a 12,000 francs, deux qui ont 8,000 fr., un qui a 5,000 fr., un à
3,800,un à 3,600, un à 3,200, deux à 3,000, quatre à 2,700, un à 2,400, un à
2,200, et sept à 2,100.
Je crois, messieurs, que ceux qui ont 2,100 fr., 2,200 fr., 2,400 fr.,
voire même 2,700 fr., nt peuvent pas être taxés de prendre une trop large part
au budget.
Je ne suivrai pas, messieurs, tous ces détails, qui seraient fatigants
pour la chambre et dont l’utilité ne serait pas fort grande ; mais en
somme, si nous prenons les traitements au-dessus de 5,000 fr. comme traitements
de luxe, tout se réduit à un traitement de 12,000 fr., un de 10,000 fr., et
trois de 8,000 francs. Or, je ne crois pas que ce soit là une chose exorbitante,
pour cette administration qui préside à la gestion d’un capital de près de 160
millions de francs, qui dépense annuellement 7 millions 500,000 francs et qui
fait une recette de 14 millions.
J’ai dit, messieurs, que je crois qu’il y a trop d’employés. Je
n’insisterai pas sur ce point ; il est difficile de justifier une pareille
proposition. Mais le fait est que rien que ceux qui sont employés à nous
rédiger ce volume, dans lequel se trouvent une foule de choses fort inutiles,
par exemple, le catalogue des plumes, papier, encré, ciseaux, canifs, qui se
consomment dans l'administration, détails qui occupent trois pages
d'impression, celui qui est occupé à dresser le catalogue des imprimés de
l'administration, catalogue qui occupe onze pages d'impression, ces employés,
il me semble qu'on pourrait s'en passer ou, au moins, qu'ils pourraient être
occupés à des choses beaucoup plus utiles.
J'ai parlé, messieurs, des traitements. Ces traitements, répartis entre
760 employés, s'élève à 1,029,180 fr. ; 54 jouissent d'un traitement
supplémentaire, ce qui constitue un grief pour beaucoup de monde ; mais ces
traitements supplémentaires, qui s'élèvent, en tout, à une somme de 15,980 fr.,
et sont, la plupart, de 120 fr., ont été maintenus à certains gardes qui
avaient un traitement plus élevé que le traitement normal fixé par l'arrêté du
8 avril 1843, si je ne me trompe.
Mais, messieurs, si je crois pouvoir justifier les traitements normaux
et même les traitements supplémentaires qui sont alloués, il n'en est pas de
même d'une autre catégorie de traitements ou d'indemnités qui se trouvent
indiqués dans les développements du budget.
Une somme de 81,822 fr. est demandée pour abonnements, indemnités fixes
pour frais de route et de séjour, et pour indemnités variables aussi de route
et de séjour.
Messieurs, votre section centrale a regardé cette
somme comme exorbitante, et de ce chef, elle vous propose quelques petites
réductions sur les cinq articles du personnel, qui prennent chacun leur part
dans ces indemnités. Je tâcherai de justifier les propositions de la section
centrale lorsque nous en serons arrivés aux détails.
En résumé, messieurs, je crois que l'administration n'a pas fait ce
qu'elle devait faire pour éclairer les chambres et le pays sur sa bonne gestion
; et dans l'intérêt de l'administration même, je demande qu'elle veuille
désormais présenter les choses dans une forme plus claire et qui puisse plus
complètement satisfaire notre conscience à nous qui votons les budgets et le
pays qui les paye.
M. Osy. -
L'honorable ministre des travaux publics a rappelé une conversation que j'ai
eue avec lui l'année dernière. Eh bien, messieurs, je suis resté parfaitement
d'accord avec ce que j'ai dit dans cette conversation. Quelles sont, en effet,
les observations que j'ai faites ? J'ai appris que des sommes considérables
étaient encore dues du chef de ces fêtes et j'ai demandé que le gouvernement
proposât un crédit pour payer ces sommes. J'ai fait remarquer qu'il n'était pas
du tout convenable que le gouvernement, après avoir donné des fêtes nationales,
ne payât point les dettes qu'il avait contractées à cette occasion. On se
plaint très fréquemment de ce que le gouvernement et surtout le département des
travaux publics met beaucoup de lenteur à payer ceux qui ont fait des
fournitures.
Messieurs, j'ai demandé principalement la parole lorsque j'ai entendu
dire par M. le ministre des travaux publics qu'il est temps de s'arrêter quant
à la concession de chemins de fer. Je conçois que certaines concessions puissent
être nuisibles aux intérêts du pays, mais lorsqu'il s'agit de concessions
utiles, il me semble que le gouvernement ne doit pas reculer devant la
dépréciation, à l'étranger (car dans le pays il n'y en a pas) des actions des
chemins de fer.
Si l'étranger veut encore demander des concessions favorables au pays,
il ne faut pas l'éconduire. Je parlerai d'une seule concession qui serait un
affluent très avantageux pour le railway national ; c'est la concession d'un
chemin de fer qui relierait le petit Brabant à la station de Malines.
J'engagerai M. le ministre à examiner cette affaire avec la plus grande
attention, et à nous présenter, à la session prochaine, un projet de loi, si,
comme je le pense, il reconnaît que c'est une entreprise avantageuse au pays, et
si, d'ailleurs, toutes les conditions ordinaires sont accomplies.
A cette occasion, je prie M. le ministre des
travaux publics de vouloir bien ne pas manquer de faire représenter la Belgique
à l'assemblée de la société du chemin de fer rhénan, qui doit avoir lieu le 15
mai. Il faudrait amener la société à établir la double voie ; nous pourrions
avoir des convois plus nombreux et surtout des convois de nuit pour l'Allemagne
; les voyageurs de Paris qui se rendent à Cologne, arriveraient le soir à
Bruxelles, et grâce à un convoi de nuit, ils seraient à Cologne le matin.
La double voie est déjà établie entre différentes stations ; on pourrait
la compléter pendant l'été ; cela attirerait d'Angleterre et de France beaucoup
de voyageurs qui passeraient en Belgique pour aller en Allemagne.
M.
Sigart. -
Messieurs, la chambre est impatiente de clore cette longue discussion générale
; cependant je dois encore lui demander quelques moments d'attention. Je dois
insister pour obtenir de M. le ministre une réponse à l'une de mes observations
qui n'a pas été rencontrée. Je lui ai signalé le danger des rencontres des
convois sur les chemins de fer à l'endroit où ils sont traversés par d'autres
chemins de fer. A l’époque de la construction de notre railway, une très grande
faute a été commise ; le gouvernement aurait dû l'élever d'un étage au-dessus
des autres ; mais enfin la faute est faite ; le gouvernement a promis de la
réparer ; je crois que le gouvernement la réparera avant ou après un grand
malheur qui ne peut tarder à arriver.
Je demande d'abord s'il attendra que le malheur
soit arrivé. Je lui demande ensuite s'il veut commettre une faute semblable
qui, peut-être, serait (page 1595)
irréparable, qui certainement ne pourrait être réparé que par une dépense
considérable. Que va-t-on faire à la rencontre du chemin de fer de l'Etat par
celui de Manage à Mons ? Des études ont-elles été faites ? Y a-t-il lieu
d'espérer que la traverse sera établie sans péril pour la sûreté des
particuliers ? Ne va-l-on pas encore laisser faire un travail qui devra être
défait ?
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, l'honorable membre a appelé l'attention de la chambre sur les
inconvénients des traverses à niveau. Je partage les vues de l'honorable membre
sur ce point ; je pense que les traverses sont une chose qu'il faut éviter
autant que possible. La question du tracé du chemin de fer de Manage, aux
abords de Mons, présentait des difficultés assez sérieuses, en ce qu'il fallait
un tracé convenable pour le chemin de fer de l'Etat, convenable pour le chemin
de fer concédé et qui pût être admis par le génie militaire. Cette question a
été longuement discutée par un général du génie et par un inspecteur divisionnaire
des ponts et chaussées. Le travail est aujourd'hui terminé, et l'on est arrivée
une combinaison qui exigerait une traversée à niveau, mais dans la station même
de Mons, c'est-à-dire à un point où tous les convois font arrêt. Ce sera un
inconvénient, mais cet inconvénient, il n'a pas été possible de l'éviter d'une
manière absolue.
L'honorable M. Osy a entretenu la chambre du chemin de fer rhénan. Je
crois devoir faire connaître à la chambre que la double voie vient d'être
terminée depuis la frontière jusqu'à Aix-la-Chapelle et qu'il en résulte déjà
une très grande facilité.
Je sais que la société du chemin de fer rhénan s'occupe très
sérieusement de continuer ces travaux de double voie ; elle a même voté un
emprunt destiné à cet objet, mais je crois que les circonstances financières
ont fait obstacle à ce que cet emprunt fût émis en totalité. Quoi qu'il en
soit, les conférences que j'ai eues avec des membres de la direction du chemin
de fer rhénan m'ont donné la conviction que cette société est convaincue,
autant qu'on peut l'être de ce côté-ci de la frontière, de la nécessité, de
l'urgence de compléter la seconde voie. La société s'apprête, dès maintenant, à
organiser le service de manière à avoir la coïncidence avec les chemins de fer
français, les chemins de fer belges et les chemins de fer allemands. Il y a eu
récemment à Paris des conférences dans le but d'adopter un système général de
convois, qui permettrait de marcher depuis Paris jusque vers Hambourg.
L'honorable M. Osy a exprimé le désir que le gouvernement se fît
représenter à l'assemblée prochaine de la société rhénane ; c'est ce qui se
fera, et c'est ce qui s'est toujours fait.
Messieurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les observations qui ont
été présentées par l'honorable M. Brabant, au sujet du budget des travaux
publics ; j'ai tenu note de ces observations ; je donnerai tous mes soins à ce
que les développements du budget de 1848 soient présentés de manière à
faciliter, autant que possible, les recherches et les investigations de la chambre
; je suis convaincu autant que l'honorable membre que le gouvernement a le
devoir et qu'il est en même temps de son intérêt de faciliter le plus possible
les investigations de la chambre ; c'est là le véritable moyen de faire cesser
toutes les défiances.
D'ailleurs, dans un pays comme le nôtre, l'administration doit se faire
en quelque sorte en place publique ; rien ne doit être caché ; quant à moi,
j'ai pour principe de tout expliquer jusque dans les moindres détails ; je ne
négligerai aucun soin pour me conformer, autant que possible, aux vues de
l'honorable membre, lesquelles, je pense, sont aussi celles de la chambre. On
avait suivi jusqu'à présent une forme de développements qui n'avait donné
matière à aucune observation ; si l'on préfère une forme meilleure, il suffit
qu'on me l'indique, et je ne négligerai aucun soin pour que la chambre ait à
cet égard entière satisfaction.
L'honorable M. de Garcia a demandé si le gouvernement pensait que les
travaux du chemin de fer du Luxembourg seraient encore entamés cette année
entre la Meuse et Arlon ; je ne puis donner à cet égard une assurance absolue,
mais cependant je nourris l'espoir que les travaux pourront encore être entamés
cette année, et j'userai de toute l'influence que je puis avoir sur la direction,
pour amener ce résultat.
L'honorable membre a également appelé l'attention du gouvernement sur
les avantages que présenterait un arrêt de convoi à Anvelois, arrêt qui
n'aurait lieu que pour les convois de marchandises. Cette mesure est praticable
et sera prise, si elle ne l'est déjà.
L'honorable M. Osy vous a parlé d'un projet de chemin de fer qui
mettrait le petit Brabant en communication avec la station de Malines. Ce
projet peut être fort utile pour les localités qu'il doit desservir ; il
serait, en outre, un bon affluent pour le chemin de fer de l'Etat. Cette
demande a des chances d'exécution ; les personnes qui s'en occupent, disposent,
j'ai lieu de le croire, de capitaux suffisants pour faire la dépense ; ce
serait d'ailleurs une petite affaire qui ne dépasserait guère deux millions.
C'est une entreprise à laquelle ne s'appliquent
pas les observations que j'ai présentées en répondant à l'honorable M. de
Haerne, car elle ne surchargerait pas la bourse et elle n'amènerait pas la
dépréciation des actions du chemin de fer. Nous ne devons pas, dit-on, nous
préoccuper de cette dépréciation des actions, il doit nous importer assez peu
que l'opération soit plus ou moins brillante ; mais cependant la dépréciation
poussée à un certain point, constitue un véritable danger pour les entreprises
; à ce point de vue cela me paraît de nature à fixer l'attention des chambres
et du gouvernement.'
M. Eloy de Burdinne. - Autrefois, le convoi de
marchandises s'arrêtait à Rosoux dans la province de Liège entre Waremme et
Landen, soit en allant, soit en revenant de Liège ; on a cessé de s'y arrêter,
il en résulte une certaine gêne pour le commerce de cette localité et en même
temps une perte de revenu pour le trésor. Si on pouvait faire arrêter une fois
le matin et une fois le soir les convois de marchandises allant et revenant de
Liège, ce serait très avantageux pour cette localité ; cependant si on ne
pouvait pas arrêter tous les jours, je demanderais qu'on le fît le vendredi et
le samedi, jours de marché, pour que le commerce pût transporter comme
autrefois ses grains et ses denrées.
Je dois faire de plus une observation sur le système de tarification des
péages. Il est établi de manière qu'on paye pour une distance qu'on ne parcourt
pas ; quand on part de Rosoux pour Landen, on paye comme si on avait chargé à
Waremme, et quand on va vers Waremme, comme si on avait chargé à Landen. C'est
là une injustice sur laquelle j'appelle l'attention du gouvernement. Je
bornerai là mes observations.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je
prendrai note des observations faites par l'honorable M. Eloy de Burdinne, dans
l'intérêt de la station de Rosoux. Cette station partage le sort de toutes les
stations intermédiaires où, au départ, on paye comme si on venait de la station
qui précède, et à l'arrivée, comme si on allait à la station qui suit. C'est
une question de principe ; le principe a été généralement appliqué jusqu'à
présent.
La chambre sera appelée à résoudre définitivement cette question dans la
loi d'exploitation qui lui sera soumise.
L'honorable membre se plaint de ce
qu'on ne s'arrête plus à la station de Rosoux. J'examinerai jusqu'à quel point
il sera possible de faire droit à cette réclamation. Les arrêts se concilient
assez facilement avec la marche des convois de marchandises ; mais pour les
convois de vitesse, il y a inconvénient à multiplier les haltes.
S'il est possible de faire droit à la demande de l'honorable membre, il
peut compter que je le ferai.
M. de Haerne. - Répondant aux observations que j'ai eu l'honneur de
présenter, M. le ministre a supposé que je demandais l'exécution immédiate des
travaux que je recommandais à l'attention du gouvernement. Je n'ai pas raisonné
dans cette hypothèse ; j'ai parlé des lenteurs apportées dans l'instruction des
concessions demandées, et c'est seulement sous ce rapport que je me suis
plaint. Il me semble que rien ne peut empêcher de faire les études sur les
projets présentés depuis deux ans, dont un, que j'ai signalé, est très
important, celui qui tend à faire une jonction entre les provinces wallonnes et
les provinces flamandes. Ce projet, dont la dépense est évaluée à la somme de
37 millions, serait très utile pour conjurer la crise industrielle et celle des
subsistances dans laquelle nous nous trouvons, c'est une chose qui doit être
prise en sérieuse considération.
Un des motifs que le ministre a fait valoir, c'est la dépréciation
qu'ont subie les actions du chemin de fer. C'est ce motif qui l'a engagé à ne
pas donner suite aux demandes en concession. Je reconnais l'existence de cette
dépréciation, aussi je ne prétends pas qu'il faille accorder maintenant les
concessions. Mais cela n'empêche pas de faire l'instruction, les travaux
préparatoires, les études ; quand tout cela est fait et qu'on juge que les
concessions peuvent être accordées, on les accorde, si les circonstances des
bourses venaient à changer, s'il se manifestait un mouvement de hausse et que
les études et l'instruction ne fussent pas faites, vous ne seriez pas à même de
profiter de l'occasion favorable.
Cette circonstance peut se présenter tous les
jours et s'évanouir bientôt après ; vous êtes en défaut si vous n'êtes pas prêt
à tout événement. C'est pour ne pas s'exposer à cet inconvénient que je pense
qu'on doit se livrer aux études des projets présentés, qu'on doit faire les
enquêtes nécessaires.
C’est dans ce sens que j'ai appelé l'attention du gouvernement sur les
demandes de concession qui lui ont été adressées.
- La discussion est close.
M. le président. - La proposition de M. de Man d'Attenrode ne se
rattache pas aux articles du tableau. Il me paraît donc que nous pouvons
continuer la discussion des articles.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, la proposition que
l'honorable M. Osy a faite ne remplit pas du tout le but de la mienne ; son
caractère est tout à fait différent. Que veut l'honorable M. Osy ? Il demande
qu'une commission permanente des travaux publics, à l'instar de nos commissions
des finances et de l'industrie, soit nommée par la chambre, pour s'occuper de
toutes les propositions qui nous seront soumises relativement aux travaux
publics et aux chemins de fer. Une proposition de ce genre, si elle était
admise, ne nous ferait pas atteindre les résultats que je désire obtenir ; car
quel en serait le résultat ? Ce serait tout simplement de confier à cette
commission l'examen de toutes les questions qui jusqu'à présent ont été renvoyées
aux sections centrales, composées des rapporteurs des sections.
Ma proposition a un tout autre caractère, c'est un caractère
administratif : elle tend à éclairer le ministre, et à prévenir surtout ces
contrats onéreux et ces décisions prises à la suite de contestations entre
l'administration et les entrepreneurs et fournisseurs, qui ont eu trop souvent
pour résultat des indemnités ruineuses pour le trésor public.
Je suis donc obligé de maintenir ma proposition. Mais j'en demanderai le
renvoi aux sections. M. le ministre des travaux publics a déclaré hier qu'il ne
s'y opposerait pas.
- Le renvoi en sections de la proposition de M. de Man d'Attenrode est
ordonné.
La chambre passe à la discussion sur les articles.
Paragraphe I. – Administration centrale
Article premier
(page 1596) « Art 1er.
Personnel : fr. 216,000 »
M. le président. - La section centrale propose une réduction de 8,200
fr.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je pense,
messieurs, qu'il serait regrettable d'adopter la réduction proposée par la
section centrale. L'honorable rapporteur de la section centrale a combattu avec
beaucoup de raison, suivant moi, le préjugé qui existe quant au luxe des
traitements du personnel du chemin de fer. Ce personnel du chemin de fer est en
général faiblement rétribué, et je pense qu'il serait de l'intérêt réel de
l'Etat d'aviser aux moyens de donner à un certain nombre d'agents de cette
administration une rémunération plus en rapport avec les services qu'ils
rendent. Pour citer un exemple, messieurs, nos chefs de station sont
généralement très faiblement rétribués. C'est là une de ces choses qui nous
crèvent les yeux, pour me servir de l'expression de l'honorable M. Brabant. Je
citerai un exemple des plus frappants. Nous avons à Anvers un fort bon chef de
station qui a fait en 1846 une recette de plus de 2 millions, et qui a 2,400
francs de traitements.
Eh bien, messieurs, des traitements pareils sont absolument
insuffisants, je le répète, il serait fort utile d'augmenter la rémunération de
certains agents, non pas peut-être en augmentant leurs traitements fixes, mais
en leur allouant une certaine rémunération d'après les résultats mêmes de
l'opération, c'est-à-dire en les intéressant aux résultats de l'opération.
Je pense que c'est là un principe qu'il serait fort utile de poser dans
la loi même d'exploitation.
L'honorable M. Brabant vous a dit que ce qu'on appelle l'état-major du
chemin de fer se réduit à un très petit nombre de fonctionnaires dont les
traitements ne sont pas certainement exorbitants, vu leur position, vu les
services qu'ils rendent.
Eh bien ! si vous adoptez l'amendement proposé par la section centrale,
vous réduisez la rémunération dont ces agents ont joui en 1846.
Ceci, messieurs, est assez grave. Je pense qu'il y a un inconvénient
réel à réduire certains fonctionnaires au-dessous de la position qu'ils ont
eue, à faire des rognures sur leurs traitements. Des réductions de ce genre
poussent au découragement.
Je sais bien que les fonctionnaires du chemin de fer ont assez le
sentiment de leurs devoirs pour continuer à faire de leur mieux, même après une
réduction semblable. Mais il est impossible, je le répète, que des mesures de
ce genre ne poussent pas au découragement et qu'elles n'enlèvent pas quelque
chose à la valeur personnelle des agents qui en sont l'objet.
L'honorable M. Brabant a dit avec beaucoup de raison, dans son rapport,
que l'exploitation du chemin de fer avait jusqu'à un certain point un caractère
commercial. Je pense que cette observation est parfaitement juste. Mais je
demanderai en même temps s'il entrerait dans une tête commerciale de faire
supporter une réduction aux principaux agents d'une opération quelconque, au
moment même où cette opération prend de très grands développements et quand
elle est à la veille d'en prendre de plus grands encore.
Le chemin de fer, messieurs, nous a donné une recette de près de
quatorze millions en 1846 ; il nous en donnera une de plus de quinze millions
en 1847 et j'ai la conviction intime qu'il nous rapportera vingt millions en
1850. Mais pour arriver là, il faut éviter tout ce qui peut décourager, tout ce
qui peut ralentir le zèle.
Un fonctionnaire, messieurs, peut faire son
devoir d'une manière convenable, satisfaisante, qui ne prête à aucun reproche.
Maïs un fonctionnaire, si son moral est soutenu, peut aussi faire des efforts
au-delà même de ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui. Eh bien, c'est
cette somme d'efforts additionnels dont je cherche à conserver à l'Etat le
bénéfice, en m'opposant à cette réduction de 8,200 fr.
Cette réduction, messieurs, n'a en elle-même aucune importance ; ce
n'est rien sur le budget du chemin de fer, ce n'est rien sur le budget des
travaux publics ; mais pour peu qu'elle pousse au moindre ralentissement dans
le zèle des fonctionnaires qui seraient atteints par la mesure, elle peut
entraîner une perte bien autrement forte. Je n'oserais pas garantir que cette
perte n'irait pas à dix fois la valeur de la réduction que vous auriez opérée.
M.
Brabant, rapporteur. - Messieurs, l'intention de la
section centrale, en vous proposant cette réduction de 8,200 fr., n'a pas été
de porter atteinte aux traitements soit normaux, soit supplémentaires, qui sont
demandés dans le budget, et qui ont été alloués antérieurement. La réduction ne
porte pas non plus sur ce qui est qualifié indemnités fixes ; elle porte sur
les frais variables de route et de séjour.
Voici les considérations qui ont guidé la section centrale, lorsqu'elle
vous a proposé cette résolution.
Elle avait sous les yeux l'arrêté de l'honorable M. d'Hoffschmidt, alors
ministre des travaux publics, et qui se trouve inséré à la page 52 des
développements. Les considérants de cet arrêté portent : « Ces indemnités pour
frais, de déplacement, de séjour et de bureau sont réglées par dispositions
ministérielles, d'après l'importance des services, » Ensuite on arrête que les
fonctionnaires et employés ci-après désignés jouiront des indemnités annuelles
suivantes, et pour le service général, on indique cinq employés, en portant une
somme de 8,200 fr.
La section centrale n'a pu voir dans l'arrêté que ce qui s'y trouvait et
d'après les considérants de l'arrêté du 27 décembre 1845, et d'après la loi du
8 avril 1843 qui y est visée en tête ; c'est que la somme de 8,200 fr. était
répartie entre cinq employés pour abonnement de frais de déplacement, de séjour
et de bureau. Or, je ferai observer que les employés de l'administration
centrale, pas plus qu'aucun autre employé du chemin de fer, n'ont besoin
d'abonnement pour frais de bureau ; c'est l'administration elle-même qui
distribue plumes, encre, papier, tout ce qui peut en un mot entrer dans la
catégorie des frais de bureau.
La section centrale s'est dit : On nous demande 8,200 fr. pour
indemnités fixes de déplacement et de séjour, plus 5,600 fr. d'indemnités
variables. Le total des frais de déplacement et de séjour s'élève donc à 23,800
fr. Une somme pareille, messieurs, nous a paru exorbitante-et je suis persuadé
qu'elle paraîtra telle à chacun de vous.
Depuis, nous avons appris que ces 8,200 fr. n'étaient pas des indemnités
pour frais de route et de séjour, mais que c'étaient des traitements
supplémentaires.
Messieurs, je trouve assez étrange qu'on présente comme indemnité de
route et de séjour ce qui est un traitement supplémentaire ; mais enfin je
passe là-dessus. Je n'ai pas l'honneur de connaître les cinq employés qui se
trouvent dénommés dans l'arrêté du 27 décembre 1845. Il y en a quatre même que
je ne pourrais pas connaître ; je ne les ai jamais vus. Il y en a un que je'
connais de vue, avec qui j'ai parlé quelquefois et que la renommée me signale
comme un homme d'un haut mérite : c’est M. l'ingénieur Poncelet.
Eh bien, je suis persuadé que les services que cet ingénieur rend à
l'administration et au pays sont dignes d'un traitement de 8,000 fr. Je crois
la même chose des quatre autres employés.
Aussi, je le répète, la réduction proposée par la section centrale ne
tend pas du tout à soustraire la moindre chose du traitement fixe et du
traitement supplémentaire qui leur a été alloué. Mais la section centrale
persiste à croire qu'une somme de 15,600 fr. est exorbitante pour des frais
variables de route et de séjour.
Elle avait fait observer à M. le ministre qu'il n'y avait guère que les
employés supérieurs de l'administration centrale qui fussent obligés de se
déplacer et par conséquent qui eussent droit à des frais de route et de séjour.
On ne nous a pas dit s'il y avait des employés inférieurs qui avaient droit à
ces frais. On ne nous a pas dit quels étaient les employés supérieurs qui se
déplaçaient, qui allaient faire des visites sur les différents points du chemin
de fer. Mais je prendrai un exemple : ce sera la tête de l'administration de
l'exploitation.
Le 2° des détails qui se trouvent à la page 14 du rapport, porte : «
frais de voyage du directeur de l'administration (dépense présumée) 3,600 fr .»
Je ne connais le directeur de l'administration que sous des rapports très
avantageux, et je serais fâché de faire quelque chose qui fût désobligeant pour
lui. Mais un autre arrêté qui aurait dû se trouver à la place de celui qui a
été inséré à la page 52 des développements, car c'était lui qui était destiné à
y figurer, fixe les frais de route et de séjour des ingénieurs en chef et des
inspecteurs à 12 fr. par jour, celle des ingénieurs architectes et contrôleurs
à 10 fr., d'autres à 8, d'autres à 6, d'autres à 5, d'autres à 4 fr. par jour.
Je n'y vois rien qui fixe les frais de route et de séjour de M. le directeur de
l'exploitation. Mais je supposerai qu'ils soient égaux aux frais de déplacement
d'un lieutenant-général. Ce sont les frais de séjour les plus élevés à ma
connaissance, et certainement les lieutenants-généraux occupent les grades les
plus élevés que nous ayons dans notre armée. Je suppose donc que le directeur
de l'exploitation soit indemnisé comme l'est un lieutenant-général,
c'est-à-dire à 20 fr. par jour. Les 3,600 fr. qui sont demandés pour ses frais
particuliers, représenteraient 180 jours de route. Or, messieurs, il est
impossible que l'homme mis à la tête d'une administration aussi importante,
soit absent du centre pendant la moitié de l'année. Je pense qu'il y a
évidemment exagération sur ce point.
Nous voyons demander pour frais de déplacements ordinaires, une dépense
présumée de 8,000 fr. Je ne sais quelles sont les parties prenantes, mais cette
dépense me paraît encore bien extraordinaire dans une administration qui a
trois services spéciaux, dans chacun desquels il y a des inspecteurs de toutes les
catégories qui reçoivent aussi des frais de route et de séjour : inspection de
la route, inspection de la locomotion, inspection des transports, inspection de
la recette, tout le monde a des frais de route et de séjour, et il me semble
assez inutile qu'on ait des inspecteurs d'un second degré qui probablement ne
sont appelés qu'à inspecter les inspecteurs eux-mêmes,
. Je crois, messieurs, que nous avons été très modérés en ne vous
proposant sur cette somme de 15,000 fr. qu'une réduction de 8,200 fr. Je suis
persuadé que l'administration n'en marchera pas moins bien.
Quant à l'observation qui a été présentée par M. le ministre des travaux
publics sur les traitements des chefs des stations, je ferai observer à la
chambre qu'à la vérité le traitement des chefs de station est modeste, qu'il y
en a plusieurs même, celui qu'il a cité et d'autres que je pourrais nommer, qui
ne sont pas rémunérés et de leurs capacités, et de leur zèle, et de leur soin
au moyen du traitement qui leur est alloue.
Mais quand M. le ministre des travaux
publics nous proposera une augmentation au chiffre des transports dans lequel
se trouve compris celui des traitements des chefs de station, nous pourrons
examiner quelle augmentation doit être accordée. La modicité de leur traitement
n'a rien à faire avec l'article premier qui se rapporte à l'administration
centrale.
Les chefs de station, si je ne me trompe, sont payés sur l'article 9 et
non sur l'article premier, et la réduction faite sur l'article premier ne leur
portera pas le moindre préjudice.
M. d’Elhoungne. - Messieurs, la discussion à laquelle on vient de (page 1597) se livrer laisse encore une certaine
inquiétude dans mon esprit. Si j'ai bien compris M. le ministre des travaux
publics et l'honorable rapporteur de la section centrale, on n'est pas d'accord
sur l'objet que doit atteindre la réduction proposée par la section centrale.
D'après M. le ministre, le chiffre que l'on propose de retrancher serait
un chiffre qui représente l'indemnité allouée à certains fonctionnaires
supérieurs de l'administration du chemin de fer, comme supplément de
traitement. C'est un traitement extraordinaire que l'on accorde soit à raison
d'un travail extraordinaire qu'un fonctionnaire prend sur lui, soit à raison de
la spécialité de la position d'un fonctionnaire, par exemple à raison de son
ancienneté ou de ses connaissances spéciales.
C'est ainsi, messieurs, que dans l'administration supérieure du chemin
de fer le premier employé de cette catégorie a obtenu un traitement
supplémentaire de 2,000 fr., parce que non seulement il est chargé du
secrétariat de la direction, mais parce qu'il a en même temps la direction du
service des transports. Il remplit ainsi non seulement les fonctions du
secrétariat, qui sont rétribuées par son traitement normal, mais il remplit
encore d'autres fonctions qui, si elles étaient confiées à un autre titulaire,
seraient rétribuées à raison de 10,000 fr. De sorte que cet employé, par le
double travail, par la double responsabilité qui lui est imposée, apporte une
diminution notable dans les frais que le gouvernement devrait supporter, si les
deux fonctions étaient remplies par des titulaires différents.
Cet employé qui remplit deux fonctions reçoit d'abord son traitement
normal, et ensuite un traitement supplémentaire de 2,000 fr. Mais lorsqu'on lui
a accordé le traitement supplémentaire, on ne lui a pas fait une faveur. Car
lorsqu'il remplissait ses fonctions normales, il avait des frais de déplacement
qui s'élevaient à une somme supérieure au taux des i traitements
extraordinaires qu'on lui a alloués.
C'est ainsi, par exemple, que le premier de ces fonctionnaires a reçu,
en 1845, 2,796 fr. pour indemnité de fiais de route. Or, le traitement
supplémentaire ne s'élève qu'à 2,000 fr. ; il y a donc économie de 796 fr. Mais
il y a de plus économie de 10,000 fr., pour le traitement d'un fonctionnaire
dont il cumule les fonctions.
Il n'est donc dans la pensée de personne de faire porter aucune
réduction sur ces suppléments de traitement. On a admis là une règle qu'il
serait désirable de voir généraliser : c'est d'accorder des suppléments de
traitement, lorsque le cumul de plusieurs fonctions augmente la somme du
travail et de la responsabilité.
Maintenant je demanderai comment sera appliquée
la réduction proposée par la section centrale. Diminuera-t-on le nombre des
voyages, ou réduira-t-on le tarif des frais de voyage ? Il faut que M. le
ministre s'explique à ce sujet ; car si la section centrale propose une
réduction sur les frais de déplacement, et si ensuite cette réduction est
appliquée aux traitements supplémentaires, il y aura entre la chambre et M. le
ministre désaccord évident.
Il serait donc désirable que M. le ministre voulût donner quelques
explications à la chambre.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ce que
j'ai demandé, c'est que la réduction proposée par la section centrale ne fût
pas admise. Le rejet de cette réduction laisserait intacts les traitements
supplémentaires personnels et laisserait, pour les déplacements, la latitude
que le gouvernement avait demandée.
Cette demande, je crois devoir la maintenir.
Jusqu'ici, je me suis montré extrêmement sobre de nominations, plus sobre
encore de promotions. Je pense qu'à cet égard, on ne peut me reprocher aucune
prodigalité.
Je désirerais beaucoup que la chambre fût persuadée que je marcherai
d'après les mêmes principes à l'avenir, et qu'elle voulût me laisser une somme
que je crois utile, et dont le retrait est véritablement sans aucune importance
pour le trésor ; car il s'agit d'une somme minime.
L'honorable M. Brabant s'est livré à différents
calculs pour apprécier à quelle somme peuvent s'élever les indemnités de
déplacement du directeur de l'administration. Ila pris pour base de ses calculs
une somme déterminée pour indemnité de séjour, pendant 180 jours. Mais je dois
lui faire remarquer qu'il ne se passe pas une année sans que le directeur de
l'administration des chemins de fer fasse un voyage à l'étranger. Il est clair
qu'une indemnité de séjour ne peut compenser les frais d'un voyage à
l'étranger, et qu'en plusieurs cas les calculs faits par l'honorable M. Brabant
sont sans application possible.
Je persiste donc à croire qu'il est nécessaire de ne pas toucher aux
traitements supplémentaires personnels, et de conserver la latitude que désire
avoir le gouvernement quant aux indemnités de déplacement.
M.
Brabant, rapporteur. - Je croyais m’être expliqué bien
clairement ; je croyais que l'honorable M. d'Elhoungne devait avoir tous ses
apaisements, quant aux cinq fonctionnaires compris dans l'arrêté de décembre
1845.
L'intention de la section centrale n'a pas été de porter la moindre
atteinte à leurs traitements supplémentaires, pas plus qu'à leurs traitements
normaux.
Si la réduction est admise par la chambre, quel sera le sort de ces
traitements supplémentaires ? C'est ce que je ne puis pas dire. La chambre vote
un crédit ; le gouvernement en dispose, suivant la nature des services ; la
fixation des traitements lui appartient.
Si vous voulez jeter les yeux sur la page 31 des développements, vous
verrez que les 216,000 fr. demandés se composent comme suit :
Service général, 20,280 fr.
Secrétariat, 60,280 fr.
Entretien et locomotion, 40,660 fr.
Transports et vérification, 74,700 fr.
Frais de déplacement ordinaires et extraordinaires, 15,600 fr.
Total, 211,520 fr.
Augmentation de dépenses en 1847, 4,480 fr.
Total, 216,000 fr.
La section centrale n'a pas touché à cette augmentation ; elle
l'accorde. Mais ce à quoi elle a touché parce qu'elle regarde la somme comme
excédant les besoins présumés, ce sont les 18,600 fr. demandés pour frais de
déplacement ordinaires et extraordinaires.
Je vous avais présenté quelques
considérations pour l'établir. Je ne croyais pas nécessaire d'insister. Il est
possible que je me sois trompé. Je ne connais pas la nature des voyages que
fait le directeur de l'exploitation.
Je conviens que certains séjours et voyages seraient très mal indemnisés
au moyen de 20 francs par jour, mais ce n'est que quand on voyage à l'étranger.
Or, je vois au n°30 de la note communiquée par M. le ministre des travaux
publics qu'il y a 4,000 francs pour les missions spéciales et extraordinaires.
Je suppose que ce sont là les voyages à l'étranger.
Si vous admettez la réduction proposée, il restera 7,400 francs pour les
frais de déplacement. Je crois cette somme largement suffisante.
M. d’Elhoungne. - Nous sommes maintenait tous d'accord qu'il ne
s'agit pas de toucher aux traitements supplémentaires de certains employés
supérieurs, mais seulement de voter une réduction sur le chiffre demandé par M.
le ministre pour frais de voyage des employés.
Cette question est complexe. Veut-on que l'arrêté royal qui règle ces
frais soit modifié ? trouve-t-on le tarif trop élevé ; ou est-ce le nombre des
voyages qu'on trouve trop considérable ? Ce sont deux questions qu'il faudrait
examiner. Car si l'on ne trouve pas le tarif trop élevé et le nombre des
voyages au-dessus des besoins de l'administration du chemin de fer, vous ne
pouvez voter cette réduction.
La section centrale, d'après son rapport, ne vous a pas proposé une
réduction. Ce rapport atteste que, lorsque la section centrale a voté une
réduction, elle a entendu supprimer un double emploi ; elle a confondu les
indemnités alloués à cinq fonctionnaires spéciaux de l'administration avec les
indemnités de voyage des employés supérieurs ; et comme, à ses yeux, les 15,600
fr. demandés pour les frais de déplacement étaient suffisants, elle a conclu à
ce qu'il n'y avait pas lieu de voter un nouveau crédit de 8,000 fr., qui, selon
elle, aurait fait un double emploi. Aujourd'hui, l'honorable rapporteur doit
reconnaître qu'il n'y a pas double emploi, et qu'il n'y a dans le budget, pour
les frais de voyage, d'autre somme que celle de 15,600 fr. qu'elle a entendu
voter ; et, dès lors, la chambre peut-elle admettre la réduction ? Peut-elle,
dans cet état de la question, diminuer le nombre des voyages, alors que la
section centrale, en proclamant que le chiffre de 15,600 fr. était suffisant, a
reconnu que ce chiffre devait être maintenu ?
Je pense aussi qu'il est utile, nécessaire que le
nombre de voyages ne soit point réduit. Il importe que les employés supérieurs
voient par eux-mêmes ce qui se passe dans tous les rouages de l'administration.
Ce serait une économie mal entendue que celle qu'on voudrait réaliser, en
réduisant les voyages ; on empêcherait par là d'autres économies beaucoup plus
considérables que les employés supérieurs peuvent réaliser, en vérifiant les
faits par eux-mêmes, en exerçant ainsi une surveillance beaucoup plus directe
et beaucoup plus immédiate sur le nombreux personnel qu'ils ont sous leurs
ordres. Tout n'est pas dit en matière de chemins de fer ; nous n'avons pas le
dernier mot de cette administration, et l'on ne doit pas mettre l'autorité
supérieure dans la nécessité, ou d'empêcher les voyages utiles, ou de réduire
des traitements normaux, et qui n'ont rien d'exagéré. Je m'oppose, en
conséquence, à la réduction.
M.
Brabant, rapporteur. - Messieurs, je suis bien fâché de
devoir prendre la parole une troisième fois sur cette question. Mais les
observations que vient de présenter l'honorable M. d'Elhoungne, me paraissent
en contradiction avec une partie de celles qu'il a présentées en premier lieu.
Il nous dit qu'il y a eu de l'économie dans certains déplacements de fonds ; il
a cité notamment un employé ; c'est le secrétaire général de l'administration,
qui remplit en même temps les fonctions d'inspecteur : ce fonctionnaire avait
8,294 fr. ; il n'a plus aujourd'hui que 8,000 fr. Si cet employé avait
autrefois 8,294 fr., c'est parce que ses frais de déplacement étaient compris
dans cette somme ; aujourd'hui on le réduit à 8,000 fr. ; mais au moyen de ces
8,000 fr., il doit faire ses déplacements, sans indemnité nouvelle. Du reste,
une petite note m'a été communiquée par un membre de la section centrale, et il
se trouve qu'un des employés à 8,000 et c'est un de ceux dont les déplacements,
à mon avis, sont les plus nécessaires, n'a touché que 94 fr. d'indemnité
pendant l'année 1846. La note dont je parle émane du fonctionnaire lui-même.
Ainsi, d'abord en présence du texte de l'arrêté de l'honorable M.
d'Hoffschmidt, alors ministre des travaux publics, je considère l'augmentation
de traitement que je ne critique pas, comme devant comprendre toutes (page 1598) les prestations que ces
fonctionnaires peuvent recevoir du gouvernement, excepté cependant dans des cas
extraordinaires, tels que voyages à l'étranger ; cela sort de la règle ; et sur
un traitement même assez élevé, on ne pourrait obliger un fonctionnaire à
prélever les frais de voyages à l'étranger, voyages qui sont toujours plus ou
moins coûteux.
Selon l'honorable M. d'Elhoungne, la section centrale est mal fondée à
réclamer une réduction sur les frais variables pour les frais de route et de
séjour ; il faudrait, pour cela, que la section centrale établît ou qu'on fait
trop de voyages, ou que les frais de voyage sont tarifés trop haut.
Je suis étonné d'entendre un semblable langage dans la bouche de mon
honorable collègue ; il sait mieux que moi que c'est au demandeur à établir le
fondement de sa demande ; c'eût été au gouvernement à établir la nécessité de
la somme demandée. J'ai retenu ce vieil axiome : Quod gratis asseritur, gratis
negatur. Nous ne sommes pas à même d'apprécier les besoins ; c'est au gouvernement
de les justifier, et quand le gouvernement n'a pas justifié, nous refusons le
crédit ou le réduisons à ce qui nous paraît raisonnable.
Il serait impossible à la section centrale, ainsi qu'à moi, d'apprécier
la quantité de voyages qu'il faut ; ce que nous pouvons apprécier, car nous en
avons les éléments, c'est le tarif. Eh bien, le tarif est exagéré. Déjà cet
arrêté ministériel vous avait été signalé dans les observations de la cour des
comptes, et c'est parce que l’arrêté a été imprimé dans le cahier
d'observations de la cour des comptes, que j'ai cru inutile de le joindre comme
annexe au rapport ; nous n'avons déjà que trop d'impressions. Eh bien, la cour
des comptes dit (et je crois que ce fait ne sera pas nié par M. le ministre)
que les employés du chemin de fer ne payent pas leur place dans les voitures du
chemin de fer, de manière que les frais de transport sont nuls pour eux.
Maintenant les frais de séjour s'allouent quand on est huit heures hors
de la résidence ; eh bien ; sur huit heures, je prends habituellement un repas
; je crois que les employés du chemin de fer ne doivent guère en faire
davantage ; eh bien, on alloue douze francs à l'inspecteur eu chef ; dix francs
aux inspecteurs de première et de seconde classe ; huit, six, cinq ou quatre
francs à des employés d'un ordre inférieur ; je ne critique pas les sommes
allouées aux employés inférieurs ; on ne peut pas les taxer de luxe ; mais ceux
qui voyagent peu, ce sont les petits.
Et notez qu'on ne se borne pas là. Si l'on se trouve huit heures hors de
Bruxelles, si l'on part le matin pour Anvers, et qu'on revienne le soir à
Bruxelles, on a droit à une indemnité de douze, de dix, de huit ou de six
francs, selon le grade ; mais s'il arrive que la besogne ait été telle, ou que
la lenteur du travail ait été telle qu'on soit obligé de découcher, on a encore
la moitié de l'indemnité en sus.
Eh bien, cela est exagéré ; l'honorable M.
d'Elhoungne le reconnaîtra avec moi. Il y a des tarifs qu'on aurait dû prendre
pour exemple, peut-être en les augmentant un peu ; ce sont les tarifs
judiciaires ; ceux-là sont très modestes. Le juge qui est obligé de se
déplacer, en matière criminelle par exemple, reçoit (d'après ce que m'ont dit
souvent des magistrats) des frais de déplacement tellement modiques, que le
juge ne se trouve pas remboursé de ses avances ; pour moi, je n'approuve pas un
tarif qui ne rembourse pas même les frais de voyage ; mais les frais de
déplacement ne doivent pas aller au-delà du remboursement pur et simple. Eh
bien, le remboursement, tel qu'il est fixé par l'arrêté ministériel de décembre
1845, va beaucoup au-delà et permet de satisfaire à ces habitudes qui ne sont
pas absolument indispensables.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs,
d'après ce qu'a dit l'honorable membre, la section centrale entendrait réduire
l'allocation pour déplacement du personnel de l'administration centrale du
chemin de fer, à une somme de sept mille et des cents francs. Je crois que
cette somme serait insuffisante ; je suis convaincu que la somme demandée par
le gouvernement n'est pas trop forte. Il faudrait, dit-on, que le gouvernement
en établît la démonstration ; mais, messieurs, ce sont là des dépenses
éventuelles ; on ne peut donc les établir à priori ; mais on conçoit facilement
que pour une administration comme celle du chemin de fer, qui par sa nature
exige de nombreux déplacements, une somme de 15 mille fr. n'est pas exagérée et
qu'une somme de sept mille francs serait absolument insuffisante.
La somme demandée ne sera pas absorbée en totalité, si cela n'est pas
indispensable ; je pense qu'elle ne dépasse pas les limites des besoins
présumés et que, dans l'intérêt du service, la chambre doit adopter la
proposition du gouvernement.
- Le chiffre proposé par le gouvernement est mis aux voix. Une première
épreuve est douteuse. On procède à une seconde épreuve. Il est rejeté.
Le chiffre proposé par la section centrale est adopté.
Article 2
« Art. 2. Main-d'œuvre, travaux, fournitures, etc. : fr. 146,000. »
M. le président. - La section centrale propose une réduction de 11,250
fr., ce qui met le chiffre à 134,750 fr.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je ne
puis pas me rallier à cette proposition, je demande le maintien du chiffre du
gouvernement. Les besoins du service se développent dans la même proportion que
le mouvement des transports, et je pense que des réductions de la nature de
celle qu'on propose ici conduisent inévitablement à une insuffisance et par
suite à des demandes de crédits supplémentaires. Je prie la chambre d'être
convaincue que la somme demandée n'est pas hors de proportion arec les besoins
présumés de l'exercice.
M.
Brabant, rapporteur. - Messieurs, nous avons ici tous
les renseignements nécessaires pour justifier la réduction que nous proposons,
à la pleine satisfaction des incrédules.
L'année précédente nous avions des locations de bâtiments pour une somme
de 11,250 fr. Aujourd'hui nous n'avons plus besoin de ces bâtiments, le
gouvernement est propriétaire d'un vaste local où se trouvent réunis tous les
bureaux qui autrefois étaient disséminés dans des maisons particulières.
La section centrale s'est bornée à proposer la réduction de cette somme
devenue inutile. A cela, l'administration a répondu qu'il fallait pourvoir à
des augmentations de dépenses résultant de l'augmentation du mouvement sur le
chemin de fer. Nous lui avons dit : Par suite de la mise en adjudication des
fournitures, des impressions, etc., vous avez eu une réduction de dépenses
considérable.
Je n'ai pas l'acte d'adjudication sous les yeux,
mais nous avons vu dans les journaux que le rabais moyen sur les différentes
catégories d'objets à fournir allait à 20 p. c. sur la somme allouée l'année
dernière, ce qui fait 25,788 fr. Nous aurions pu vous proposer la réduction de
cette sommé, mais nous ne l'avons pas fait, parce que nous avons tenu compte
des augmentations de dépenses qui se trouvent indiquées page 15 du rapport : Salaires
d'ouvriers, fournitures de bureau, impression et ouverture probable de deux
nouvelles lignes dont l'exploitation sera faite par le gouvernement, celle de
St-Trond à Hasselt et celle de Tournay à Jurbise.
Nous avons été extrêmement modérés en proposant de ne supprimer que
l'allocation devenue inutile parce que la cause a cessé.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois
devoir faire remarquer que l'article en discussion a pour but de pourvoir à des
dépenses qui, toutes, suivent le mouvement abondant des transports. Aujourd'hui
nous ne sommes plus en présence, ni des prévisions de dépenses, ni des prévisions de recettes de l'époque de la présentation du budget ;
nous savons déjà que nous ferons des recettes de plus d'un million et demi
au-delà de la somme portée au budget des voies et moyens et que cette
augmentation de recettes portera surtout sur le service des marchandises, qui
est celui qui exige une multitude de documents, de papier et de feuilles de route
; nous savons que ces dépenses iront croissant dans une forte proportion et que
la somme demandée n'est pas trop forte pour les transports tels qu'on peut les
apprécier aujourd’hui. Les dépenses dont il s'agit sont toutes matérielles et
se feront de toute nécessité, car ce n'est pas parce que l'allocation sera
épuisée qu'on se dispensera d'expédier les marchandises, ni qu'on les expédiera
sans feuille de route. Si la réduction est adoptée, le gouvernement sera dans
la nécessité de demander un crédit supplémentaire.
M. Osy. -
En répondant à l'honorable rapporteur, M. le ministre n'a pas tenu compte du
rabais qu'il a obtenu sur l'adjudication des fournitures et qui s'élève à 25
mille fr. Nous aurions pu aussi proposer une réduction de cette somme, nous ne
l'avons pas fait, parce que nous avons tenu compte et de l'augmentation des
transports et de l'ouverture qu'on doit faire de deux nouvelles lignes. Jamais
réduction n'a été mieux motivée que celle qui vous est proposée.
- Le chiffre de 146,000 fr. proposé par le gouvernement est mis aux voix
; il n'est pas adopté.
Le chiffre de 134,750 fr. proposé par la section centrale est adopté.
Service de l’entretien des routes
« Art. 3. Personnel : fr. 133,000. »
La section centrale propose une réduction de 10,875 fr., ce qui met le
chiffre à 122,125 fr.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je pense,
messieurs, qu'ici aussi bien que pour l'autre allocation relative au personnel,
la demande du gouvernement se renferme dans la limite des besoins. Il ne faut
pas restreindre les déplacements par des réductions sur les indemnités de
déplacement, et c'est presque toujours là la conséquence de ces réductions.
L'état de nos lignes exige une surveillance continue, assidue. Le nombre
des convois va en augmentant ; cela complique le service de la route et je
pense dès lors qu'il y a utilité réelle à maintenir le chiffre demandé par le
gouvernement.
M.
Brabant, rapporteur. - Messieurs, comme vous l'indique
le rapport, la réduction proposée par la section centrale, est fondée de deux
chefs ; elle concerne d'abord les inspecteurs des plantations dont le
traitement a été imputé sur cet article jusqu'à concurrence de 6,000 fr. Elle
porte ensuite pour une certaine somme sur les indemnités de déplacement et de
séjour. Quoique mes efforts n'aient pas été couronnés de succès sur le premier
chef lors de la discussion de l'article 2 du chapitre II, je ne persisterai pas
moins à soutenir la réduction de 6,000 fr. proposée à l'article qui nous
occupe, en ce qui concerne les inspecteurs des plantations, je crois que l'un
des motifs qui ont porté la chambre à repousser la proposition faite par la
section centrale au chapitre II, était que deux de ces fonctionnaires avaient
déjà exercé leurs fondions pendant quelques mois.
Eh bien, messieurs, un traitement a été alloué pour eux, mais leurs
fonctions, je continue à les regarder comme des sinécures, et ce qu'ils
peuvent, à mon avis, faire de mieux, c'est de rester chez eux ; or, de cette
manière, ils n'auront pas de frais de déplacement. Remarquez, messieurs, que
les frais de déplacement sont indiqués dans les développements relatifs au chemin
de fer pour une somme de 2,000 fr. ; eh bien, moi, je suis d'avis que l'on
garde ces 2,000 fr. dans les caisses de l'Etat, et qu'on dispense les
fonctionnaires dont il s'agit de se déplacer le moins du (page 1599) monde. Quant aux 4,000 fr. demandés en sus, je ferai
remarquer que l'un des inspecteurs a cessé ses fonctions antérieurement au 1er
janvier, de sorte qu'une somme de 4,000 fr. reste, de ce chef, complètement
disponible.
Quant à l'utilité de ces places, quant au chemin de fer, je dirai que
depuis la première discussion relative aux inspecteurs des plantations, j'ai vu
dans le compte rendu des opérations du chemin de fer pendant l'année 1845,
qu'une somme de 157,000 fr. avait été dépensée depuis 1834 jusqu'au 31 décembre
1848, pour plantations sur le chemin de fer. Or, messieurs, je doute beaucoup
que les fonds employés en plantations puissent rapporter 5 p. c, mais enfin
j'irai jusqu'à accorder ce taux-là ; la somme de 187,000 fr. donnerait donc un
intérêt de 7,850 fr., de sorte que le revenu des plantations se trouverait,
pour les six septièmes, absorbé par le traitement des employés chargés de les
surveiller. C'est, messieurs, à coup sûr, comme je le disais alors, planter
pour le plaisir de planter.
Mais, messieurs, les plantations sur le chemin de fer ne sont pas
absolument de la même nature que les plantations sur les routes : on ne plante
pas sur les berges du chemin de fer, pour tirer parti de ces berges, on y
plante pour les consolider et ici c'est l'affaire de l'ingénieur et non pas du
planteur.
C'est l'ingénieur qui doit savoir quel est l'arbuste ou l'arbre qui
convient le mieux pour empêcher les terres de glisser ; et les ingénieurs
chargés de la conservation de la route et les employés inférieurs chargés du
même service sont assez nombreux pour qu'ils puissent voir si les genêts
tiennent bien, si les osiers sont bien placés et si toutes ces petites
broussailles remplissent le service qu'elles sont appelées à remplir,
c'est-à-dire si elles maintiennent les terres qu'elles sont destinées à maintenir.
J'insiste sur ce point que l'intérêt de toutes les sommes employées en
plantations se trouverait absorbé presque entièrement par les 6,000 francs
réclamés ici.
Quant aux frais de déplacement et de séjour des ingénieurs chargés de
l'entretien de la route, je croyais d'abord qu'il n'y avait que les ingénieurs
qui eussent droit à des frais de déplacement ; mais je me suis trompé, à ce que
j'ai appris depuis ; certains surveillants ont également droit à des frais de
déplacement. Voici, messieurs, dans la supposition erronée que j'avais faite,
la conclusion à laquelle j'étais arrivé : j'avais relevé dans les
développements du budget les différents grades d'employés plus ou moins
supérieurs chargés de l'inspection des routes ; ils sont au nombre de cinq ; et
appliquant à leurs frais de déplacement le tarif dont il a déjà été plusieurs
fois question, j'avais trouvé qu'en les comptant au maximum, c'est-à-dire qu'en
comptant non seulement huit heures pour le déplacement ordinaire, pour le
séjour ordinaire, mais en comptant le découcher pour tous, cela représentait
par jour une somme, de 56 fr., et j'avais trouvé que ces fonctionnaires se
trouvaient pendant 300 jours par année hors de chez eux.
Ce calcul, messieurs, n'est pas exact ; il y a d'autres employés que les
ingénieurs qui reçoivent des frais de déplacement ; ce sont, je crois, les
surveillants principaux et deux ou trois conducteurs dont les fonctions exigent
réellement des déplacements, qui les tiennent hors de chez eux pendant plus de
8 heures. On nous a distribué dans le temps un ancien règlement, et je voudrais
bien qu'on renouvelât cette distribution. C'est l'honorable M. Nothomb qui, en
1838, nous avait fait remettre ce petit livret véritablement instructif. Je
suppose qu'il a dû subir quelques changements, et je prierai M. le ministre de
vouloir bien faire réimprimer ce règlement ou le règlement qui y a été
substitué.
Eh bien, messieurs, les visites à pied étaient prescrites une fois au
bout de vingt jours, c'étaient dix-huit tournées par an. Aujourd'hui, d'après
une circulaire ministérielle que l'honorable ministre des travaux publics a
bien voulu me communiquer, j'ai vu que ces tournées se trouvaient réduites à
douze, c'est une diminution d'un tiers. Pour ces douze tournées, les cinq
ingénieurs ou sous-ingénieurs chargés de la voie, payes chacun au maximum de 56
fr., auraient droit à une somme de 3,000 fr. Eh bien, messieurs, le surplus de
ce qui est laissé par la section centrale suffit certainement pour payer les
employés inférieurs qui ont droit aussi à des frais de séjour ; cela y
suffirait d'autant plus que les frais de séjour de ces employés sont taxés, je
dois en convenir moi-même, à une somme modique et que nous n'avons pas
critiquée.
Je proteste ici, messieurs, qu'il n'entre pas dans nos intentions de
vouloir gêner le service le moins du monde. Je souhaite que le chemin de fer
soit constamment en bon état, que les employés soient convenablement rétribués
pour, chacun en ce qui le concerne, veiller à cette bonne conservation de la
route et du matériel et à la bonne exécution de toutes les parties du service
en général.
Mais, messieurs, je crois (je ne veux pas entrer dans les détails de
tous les calculs que j'ai faits à cet égard) qu'en conscience la réduction ne
gênera en rien le service public. S’il devait le gêner, je serais le premier à
protester contre toute réduction. Mes collègues de la section centrale et moi,
nous avons prouvé combien était grande notre sollicitude pour le bien du
service, combien nous craignions d'engager notre responsabilité par des
réductions mal calculées, puisque nous avons provoqué, de la part de M. le
ministre, une explication qui a amené, dans ses demandes primitives, une
augmentation de 12,400 fr., augmentation qui, d'après les dernières
adjudications, pourra peut-être aller à 500,000 fr. M. le ministre vous
demandera probablement une augmentation de l'article relatif au renouvellement
des billes et rails.
Mais si la dépense du matériel est
indispensable, je crois qu'il y a aussi très souvent du luxe dans les dépenses
du personnel, et c'est sur le luxe du personnel que nous avons porté nos
réductions, parce que nous avons cru que le service ne serait pas gêné le moins
du monde par cette réduction.
On peut les regarder comme petites, comme mesquines, si l’on veut. Mais,
messieurs, il n'y a pas de petites économies ; et un centime, même, employé
sans utilité, est un centime que l'on doit retrancher du budget.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). -
Messieurs, je suis entièrement convaincu que la section centrale et son
honorable rapporteur veulent le bien du service, autant que je puis le vouloir
moi-même. Nous sommes parfaitement d'accord sur le but à atteindre. Il n'y a
entre nous qu'une certaine divergence sur les moyens.
L'honorable membre pense que l'on peut sans aucune espèce d'inconvénient
pour le service, opérer certaines réductions sur les frais de déplacement. Je
suis d'une opinion contraire. Il est possible qu'il y ait des instructions qui
prescrivent un certain nombre de tournées. Mais un service tel que celui du
chemin de fer ne se règle pas exclusivement sur des instructions. Il s'agit
avant tout de faire face aux besoins du service, quels qu'ils puissent être.
Nous avons actuellement une circulation de convois qui vont toujours
croissant. Vient se compliquer avec cela un renouvellement de billes et de
rails, toutes choses qui exigent une surveillance extrêmement assidue, toutes
choses qui exigent de la part des agents une vigilance de tous les instants.
Or, si l'on réduit les indemnités de déplacement, on force jusqu'à un certain
point les employés à rester chez eux au lieu d'aller voir ce qui se passe sur
la route. C'est là un mal, et je crois que ce mal serait réel.
L'honorable membre est revenu sur ce qui a été dit du service des
plantations, et il a trouvé que la dépense que ce service imposait au chemin de
fer était exorbitante, mise en regard des résultats financiers des plantations.
Je n'entends pas contester ce qu'a dit l'honorable membre. Mais je crois
devoir faire remarquer que le partage de la dépense sur l'allocation des routes
et sur celle du chemin de fer n'a pas été faite, eu égard aux produits
financiers des plantations sur les routes et eu égard aux produits financiers
des plantations sur le chemin de fer. Je ne pense pas qu'il y ait une
proportion à maintenir quant aux produits des plantations. Un service de
plantation a été organisé pour tout le royaume, pour les plantations de toute
nature, et on a réparti la dépense sur deux allocations. Mais cette dépense
aurait pu être répartie sur un plus grand nombre d'allocations, on aurait pu
notamment en faire supporter une partie par le service des canaux.
C'est ce qu'on n'a pas fait. Je ne
pense pas qu'il y eût des motifs bien réels pour le faire.
Aujourd'hui l'honorable membre demande jusqu'à un certain point que la
chambre décide pour le chemin de fer le contraire de ce qu'elle a décidé pour
les routes il y a peu de jours. On a dit alors que la réorganisation des
plantations étant sur le métier, il ne fallait pas préjuger cette question,
mais maintenir le statu quo en attendant la discussion du budget de 1848. C'est
également ce que je propose.
M.
Vanden Eynde. - Je ne viens pas apporter des éclaircissements
sur l'article en discussion ; mais je désire faire connaître un fait que j'ai
appris à l'une des dernières audiences de la troisième chambre de la cour
d'appel, à laquelle j'assistais, fait qui vous prouvera combien peu sont utiles
les inspecteurs des plantations, et comme ils remplissent mal leurs devoirs.
La troisième chambre de la cour d'appel a eu à connaître d'un procès
fait par un individu qui avait entrepris la livraison de 120,000 plants
d'épines au département des travaux publics, contre le sous-entrepreneur auquel
il avait cédé cette affaire.
Voici ce qui est résulté de ce procès, qui a été jugé :
Le gouvernement avait mis en
adjudication 120,000 plants d'épines pour clôture de la route de Malines à
Tirlemont, à livrer à pied d'œuvre. L'adjudication a eu lieu à raison de 45
francs le mille. L'entrepreneur a cédé son marché à un sous-entrepreneur à
raison de 32 fr. le mille. Or, toute personne qui s'occupe un peu de plantation
sait que 1,000 plants d'épines valent au plus 20 francs le mille. Le
sous-entrepreneur a donc gagné 12 fr. par mille.
Je signale ce fait à la chambre pour lui faire apprécier l'utilité des
fonctions d'inspecteurs des plantations, et comment ils ont veillé aux intérêts
du trésor.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ce marché
pour fournitures de plants d'épines a été fait, non pas par les inspecteurs des
plantations, mais par un ingénieur attaché à la ligne de l'Est. D'après les
renseignements qui m'ont été fournis, cet ingénieur n'avait pas trouvé d'offre
à un prix moindre. Je dois croire que c'est la difficulté qu'a trouvée le
sous-traitant à remplir les conditions de son sous-traité, qui a donné matière
au procès.
Quoi qu'il en soit, je dois déclarer que les
inspecteurs des plantations ont été complètement étrangers au fait avancé par
l'honorable membre.
Je dois dire, de plus, que l'ingénieur qui a fait faire la fourniture,
et qui m'est personnellement connu, a peut-être traité à des conditions qui ne
sont pas les plus favorables pour l'Etat ; c'est cependant ce que je n'entends
pas préjuger ; mais j'affirme que c'est un jeune homme dont (page 1600) je puis
entièrement garantir la loyauté, et qui n'a fait que ce qu'il croyait devoir
faire en âme et conscience.
M. Mercier. - La chambre a déjà maintenu les
inspecteurs des plantations, sur l'engagement qu'a pris le gouvernement
d'étudier cette question et d'apporter à l'institution les changements qui
seraient jugés nécessaires. Je conçois que l'honorable rapporteur, qui a
combattu le maintien de ces fonctionnaires, propose la suppression de frais de
route, parce que, d'après lui, ils ne seraient pas nécessaires. Mais la chambre
serait inconséquente, si, après avoir voté pour le maintien des fonctionnaires,
elle ne votait pas l'allocation nécessaire pour que les fonctions puissent être
remplies.
M.
Brabant, rapporteur. - Si la chambre avait décidé, lors
du vote que j'ai rappelé, que les inspecteurs des plantations seraient
maintenus, je me garderais d'insister sur la réduction proposée par la section
centrale. Mais la chambre n'a rien décidé de semblable, lorsqu'elle a maintenu
à l'article 2 du chapitre II, un crédit de 50,000 fr., comprenant 6,000 fr.,
pour traitement des inspecteurs des plantations des routes.
Maintenant revient un autre article de 6,000 fr., pour l'inspection des
plantations du chemin de fer. Je ne sais si ce sont les mêmes personnes qui en
sont chargées.
J'ai fait voir par les considérations que j'ai présentées à l'appui de
la réduction proposée que les plantations du chemin de fer n'avaient pas lieu à
l'effet de tirer profit des talus du chemin de fer, mais uniquement pour les
conserver, et j'ai fait remarquer que la conservation des talus rentrait dans
les attributions de l'ingénieur, non dans celles de l'inspecteur des
plantations.
J'ai fait remarquer, eu outre, qu'il y a un inspecteur des plantations
qui n'existe plus, qu'on pouvait donc, sans porter atteinte à aucune position,
supprimer une somme égale au traitement de ce fonctionnaire.
On a dit que ce serait réglé
ultérieurement, s'il y avait retour des plantations à l'administration des
finances. Mais si mon honorable ami M. le ministre des finances venait proposer
de reprendre dans son administration les plantations du chemin de fer, je m'y
opposerais, parce que (j'insiste sur ce point) les plantations du chemin de fer
sont trop insignifiantes, qu'on ne peut les faire valoir comme revenu, parce
que, en fixant le revenu à 5 p. c. de la somme dépensée depuis douze ans que le
chemin de fer existe, l'intérêt serait absorbé et au-delà par les traitements
du ou des fonctionnaires chargés de les inspecter, ou de les conserver.
Je persiste à dire que la première résolution de la chambre n'est pas
une fin de non-recevoir contre la réduction maintenant proposée. Je regarderais
comme une véritable prodigalité de maintenir une somme pour un fonctionnaire
qui n'existe plus, et que très probablement, après mûre réflexions, on ne rétablira
pas.
M. le
ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Nous
avions trois inspecteurs des plantations et il n'en reste que deux. Toujours
est-il qu'il faut pourvoir au traitement de ces deux inspecteurs. Ces
inspecteurs avaient, en traitement et frais de route, environ 4,000 fr. soit
8,000 fr pour les deux. Six mille francs seulement ont été alloués à l'article
2 du chapitre II, routes.
Si l'on n'allouait rien au chapitre III, chemin de fer, il n'y aurait
pas même de quoi maintenir deux inspecteurs en fonction.
S'il le faut absolument, je consentirai à une réduction de 4,000 fr., ce
qui réduirait le chiffre de l'article à 129,000 fr. Mais je ne puis consentir à
une réduction de 6,000 fr.
- Le chiffre de 129,000 fr., proposé par M. le ministre des travaux
publics, est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté avec le chiffre de 122,125 fr. proposé par la
section centrale.
Article 4
« Art. 4. Main-d'œuvre, travaux, fournitures, etc.
« Dépenses ordinaires : fr. 1,165,000.
« Dépenses extraordinaires : fr. 127,000. »
- Cet article est adopté.
Article 5
« Art. 5. Renouvellement des billes et fers : fr. 824,000. »
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay).
- J'ai déjà eu l'occasion d'annoncer, il y a deux ou trois jours, que je serais
dans le cas de demander une nouvelle majoration du chiffre proposé pour
renouvellement de billes et fers. Ce chiffre qui était primitivement de 700
mille fr., avait été porté ensuite, de concert avec la section centrale, à la
somme de 824 mille fr., qui supposait une adjudication de rails, payables sur
trois exercices.
J'ai annoncé que, trouvant défavorable le résultat de l'adjudication
faite sur ces bases, j'avais prescrit une adjudication nouvelle, dans
l'hypothèse du payement sur un seul exercice.
Ce qui résulte de là, c'est que pour arriver à consacrer une somme de
900,000 fr. au renouvellement des rails et des billes, il faut que l'allocation
primitive de 700,000 fr., portée d'abord à 824,000 fr., soit aujourd'hui
augmentée de 600,000 fr., c'est-à-dire, soit portée à 1,424,000 fr. Je demande
donc que l'article soit fixé à ce chiffre. Cela doit rentrer dans les vues de
la chambre et notamment des membres de la section centrale.
M.
de Baillet-Latour. - Dans une des dernières séances du
mois de décembre 1846, j'ai présenté à M. le ministre des travaux publics
plusieurs observations au sujet de la mise en adjudication annoncée par lui de
50,000 billes en sapin du Nord. M. le ministre a prétendu que le prix élevé et
toujours croissant des billes en chêne du pays le forçait à prendre cette
mesure ; il a prétendu que les billes en chêne s'étaient vendues jusqu'à 7
francs, assertion inexacte du reste, car ce prix n'a été atteint dans aucune
adjudication publique. Enfin, malgré les observations qui lui ont été faites
par plusieurs de mes honorables collègues et par moi, malgré les pétitions de
nombreux industriels du pays, il a passé outre, et l'adjudication des 50,000
billes en sapin du Nord a été faite le 10 février dernier. Je crois, messieurs,
qu'il est nécessaire de vous montrer combien les calculs de M. le ministre des
travaux publics étaient erronés et combien ses assertions étaient inexactes.
Les résultats de l'adjudication en sont une preuve évidente. En admettant, en
effet, le prix de 5 fr. 26 c. par bille de sapin, prix qui jusqu'à présent ne
paraît pas sérieusement offert, en admettant ce prix, il est bien facile de
prouver par un simple calcul que, loin de réaliser une économie pour le trésor,
c'est lui faire supporter un marché des plus onéreux que de remplacer les
billes de bois du pays par des billes de bois étrangers..
Les billes en chêne, qui ne se vendent aujourd'hui qu'au prix de 5 fr. à
5 fr. 50, ont une durée de 10 à 12 ans, tandis que celles en sapin du Nord, qui
se vendent 3 fr. 26 c, n'ont qu'une durée de 6 à 7 ans. C'est donc léser les
intérêts du trésor que de choisir les dernières.
Des expériences faites récemment ont démontré jusqu'à la dernière
évidence combien le bois de chêne est plus capable de résister à l'humidité et
à toutes les causes dissolvantes que les autres essences. Des morceaux de bois
de différentes essences ont été placés dans du fumier de cheval et de mouton.
Après quatre mois, le sapin, le hêtre, le peuplier du Canada étaient presque
complètement détériorés tandis que les morceaux de bois de chêne étaient à
peine entamés.
M. le ministre prétendra, je le sais bien, que cette adjudication de
50,000 billes de sapin du Nord a suffi pour faire baisser les prix des billes
en chêne ; mais cette objection n'est pas sérieuse. Ce qui a fait baisser le
prix des billes en chêne, c'est la réduction apportée par M. le ministre aux
dimensions exigées jusque-là. Cette réduction est assez importante pour en
avoir ramené une grande dans les prix des billes. On m'assure même qu'il est
probable qu'après les expériences faites à ce sujet par des marchands de bois,
ils pourront livrer les billes en chêne dans ces nouvelles dimensions au prix
de 4 fr. 50.
Quoi qu'il en soit, et en admettant que l'avis de la mise en
adjudication de 50,00 billes de sapin du Nord ait suffi pour faire baisser les
prix des billes en chêne, il me semble qu'il eût été du devoir de M. le
ministre, de profiter de cette baisse et de prendre des billes en chêne au prix
réduit au lieu de billes en sapin du Nord ; c'eût été là une bonne affaire pour
le trésor et pour l'industrie nationale.
D'ailleurs, si on voulait absolument remplacer le chêne par d'aunes
essences, les expériences dont je parlais plus haut ont prouvé que le hêtre, le
peuplier du Canada, et le sapin traité par l’imbibition de substances
conservatrices et enfouis pendant quatre mois dans du fumier de cheval ou de
mouton avaient au bout de ce temps complètement résisté à son action
dissolvante.
Or, le pays produit en grande quantité les bois des deux premières
essences, et il aurait fallu leur donner la préférence sur le sapin étranger ;
il y aurait eu avantage pour le travail national et économie pour le trésor,
car la bille de hêtre coûte 2 fr. 75 cent, et celle de peuplier 3 fr., tandis
que la bille de sapin coûte 3 fr. 26 cent., en admettant que l'on puisse s'en
procurer à ce prix.
Les frais de préparation par le procédé boucherie augmentent de 1 fr. le
prix des billes qui se trouvent ainsi portées à 5 fr. 75, 4 fr. et à 4 fr. 26
cent, pour les diverses essences que je viens de citer.
Et cependant quoique tout l'avantage se trouve en faveur des bois du
pays, qui, à durée égale, coûtent beaucoup moins cher, que fait M. le ministre
? Il a acheté 50,000 billes en sapin du Nord et seulement de 8 à 10,000 billes
en bois blanc du pays.
II va sans dire que le chêne préparé par les mêmes procédés offre encore
une durée double de celle des autres bois blancs préparés ainsi, et le prix n'en
excède pas 6 francs y compris les frais de préparation. Dans ce cas encore
l'avantage reste donc au chêne.
Une considération qu'il ne faut pas négliger dans la comparaison des
prix de revient des billes de diverses essences avec celles en chêne, c'est que
le chêne ayant une durée double, les frais de transport et de placement sont
doublés par les bois des autres essences, attendu que l'on usera deux billes de
sapin ou autre bois blanc dans le temps nécessaire pour user une seule bille de
chêne.
Mais dans cette circonstance M. le ministre a fait preuve d'une
partialité évidente en faveur des bois étrangers au détriment des bois du pays.
Il suffit d'énumérer tous les avantages qui leur ont été accordés dans
cette adjudication pour en donner la preuve.
Les adjudications de billes se font toujours d'habitude par lots de
quatre ou cinq mille billes. Cette fois M. le ministre réunit en un seul lot
une adjudication de 50,000 billes.
Il en résulte que pour un lot de cette importance, le nombre des
concurrents doit se trouver infiniment restreint, et tout le bénéfice que l'on
pourrait raisonnablement attendre d'une adjudication publique se trouve détruit
au profit des marchands de bois étrangers.
M. le ministre, qui exigeait le dépôt d'un cautionnement de 4,000 fr.
pour un lot de 4,000 billes en chêne du pays, n'a exigé qu'un cautionnement de
10,000 fr. pour le lot de 50,000 billes en sapin étranger. Il est évident que
cette garantie est hors de toute proportion avec celles (page 1601) que l'on impose aux produits nationaux et que
par là encore les bois étrangers sont plus favorisés que les bois du pays.
Je pourrais encore citer d'autres preuves pour démontrer combien l'achat
de ces billes en sapin du Nord est onéreux pour le trésor ; mais, messieurs, le
point important, c'est de montrer combien, en tout temps et surtout dans le
moment de crise où nous sommes, de semblables opérations sont nuisibles aux
intérêts du pays.
Les propriétaires de forêts, les marchands de bois, les propriétaires,
de scieries, les scieurs de long, souffrent, dans toutes les parties du
royaume, de l'importation des bois étrangers, importations assez considérable
déjà, sans que le gouvernement vienne encore les aider à faire une concurrence
ruineuse aux bois du pays ; l'industrie métallurgique elle-même est fort
intéressée dans cette question.
Et ne croyez pas, messieurs, que ce soient principalement les intérêts
des grands propriétaires dont j'entends ici prendre la défense. Mais il ne faut
pas oublier que toute une nombreuse populations de paysans vit de la culture et
de l'exploitation des forêts dans notre pays. Il ne faut pas oublier que des
milliers d'ouvriers vivent du travail que leur fournissent les bois du pays.
Quand les sapins du Nord arrivent tout sciés, tout préparés en Belgique, ne
comprenez-vous pas que les ouvriers employés dans le pays à préparer nos bois,
voient chômer leurs ateliers, et restent sans ressource ? L'ouvrier belge
demeure sans travail parce que le gouvernement paye le salaire de l'ouvrier
étranger.
En 1842, une pétition signée par les propriétaires de bois, par les
marchands et par les industriels qui préparent les bois du pays demandaient à
la chambre l'augmentation du droit protecteur sur les bois étrangers. Cette
pétition fut trouvée fondée par la chambre, car il y fut fait droit, et la
protection qu'elle réclamait fut accordée à nos bois ; aujourd'hui le
gouvernement lui-même vient faire une concurrence ruineuse à cette importante
industrie.
Et, messieurs, en terminant, qu'il me soit permis de faire remarquer avec
quel à-propos M. le ministre des travaux publics a pris le parti de favoriser
ainsi les bois étrangers aux dépens des bois du pays. C'est au moment où le
travail manque de toutes parts, au moment où la chambre ne cesse de presser le
gouvernement de procurer du travail à la classe nécessiteuse, dût-on même lui
donner des travaux peu urgents ; c'est ce moment-là que l'on choisit pour
acheter à l'étranger une fourniture considérable qui eût fait vivre toute une
population d'ouvriers du pays.
C'est au moment où la chambre vient d'adopter la loi des défrichements,
alors que chacun sait qu'une grande partie de nos landes ne peut être
fertilisée que par des reboisements, par l'établissement de sapinières ; c'est
ce moment-là que l'on choisit pour décourager les propriétaires de forêts, pour
leur faire redouter que les bois ne soient jamais pour eux qu'un fardeau
ruineux.
M. le ministre voudra bien convenir, je l'espère, que c'est là une
coïncidence fâcheuse, et que même le trésor eût-il trouvé quelque avantage à l'achat
des billes de sapin du Nord, ce qui n'est pas, je l'ai prouvé ; il eût été du
devoir du gouvernement, au prix même d'un sacrifice fait à propos, de ne pas
décourager les propriétaires de bois, et de laisser aux ouvriers du pays une
source féconde de travail dans le moment de crise où nous nous trouvons.
En terminant, je prierai M. le ministre de vouloir bien donner à la
chambre, sur cette question des bois à employer pour les billes, une réponse
précise et catégorique, car c'est là une question qui intéresse vivement les
propriétaires de bois, les nombreuses populations d'ouvriers qui vivent de leur
culture et de leur préparation, et enfin plusieurs industries importantes du
pays. La réponse que je demande doit être de nature à les rassurer sur les inquiétudes
que leur ont fait concevoir les malheureuses adjudications de bois étrangers
ordonnées par le ministre.
- La séance est levée à 2 heures et demie.