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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 19 avril 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1509) M. Huveners procède à l’appel nominal à deux heures et un quart ; la séance est ouverte.

M. Van Cutsem lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners fait connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Vandermeulen, ancien militaire, demande un secours. »

M. Lange. - Le pétitionnaire est un ancien militaire dont la position appelle réellement la commisération ; je demande donc la faveur d'un prompt rapport.

- La chambre, adoptant cette proposition, renvoie cette pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


« Le sieur Van Liempt, milicien de la levée de 1842, appartenant au régiment du génie, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir du département de la guerre l'autorisation de contracter mariage. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les sieurs Faessen, Gillard et autres commissaires de l'association des bateliers de la Meuse, prient la chambre d'allouer au budget des travaux publics les fonds nécessaires à la construction de deux barrages, à Visé et aux îles de Hermalle-sous-Argenteau, demandent que le gouvernement améliore le régime des chemins de halage sur la Meuse, de Liège à la frontière hollandaise. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.


« Le sieur Dumoulin, brasseur propriétaire à Xhavée-Souverain-Wandre, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir le remboursement de droits perçus en trop par le gouvernement. »

M. Delfosse. - Le pétitionnaire réclame depuis plusieurs années une somme qui aurait été indûment perçue par l'administration des accises. On devrait examiner cette réclamation le plus tôt possible. Quand une somme est due depuis cinq ans, il est temps de la payer.

Je demande donc un prompt rapport.

Je suppose que la commission conclura au renvoi de la pétition à M. le ministre des finances, avec demande d'explications.

- La chambre, adoptant cette proposition, renvoie la pétition à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


Message de M. le ministre de la justice accompagnant l'envoi de renseignements sur des demandes de naturalisation.

- Renvoi à la commission des naturalisations.

Projets de loi de naturalisation

La chambre adopte sans discussion, par assis et levé, les 24 projets de loi suivants :

« LÉOPOLD, Roi des Belges, A tous présents et à venir, salut.

« Vu la demande du sieur Hippolyte Henry, sergent au 1er régiment de ligne, né à Trêves (Prusse), le 14 floréal an XIII, tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;

« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et de résidence exigées par l'article 5 de ladite loi ;

« Les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit :

« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Hippolyte Henry. »


- La formule qui précède est applicable à chacune des demandes des sieurs :

Gustave Rothmaler, employé à l'administration communale de Bruxelles, né à Voorburg (Pays-Bas).


Egide Nilschké, musicien gagiste au 2ème régiment de chasseurs à pied, né à Luxembourg (grand-duché de Luxembourg).


Frédéric Heyerdahl, capitaine de navire, né à Christiansand (Norwége), le 19 juin 1805, domicilié à Anvers.


Pierre Blom, préposé de douanes de 2ème classe, né à Halsteren (Pays-Bas), domicilié à Turnhout.


Lambert-Jacques Plevoets, tailleur, ne à Anvers.


Joseph-Nicolas Muiron, sous-lieutenant au 4ème régiment de ligne, né à Ostende (Belgique) d'un père français.


Guillaume Wagenaar, capitaine en second de navire, né à Lemmer (Pays-Bas), le 5 juillet 1788, domicilié à Anvers.


Jean Arends, capitaine de navire, né à l'île de Juist (Hanovre), le 31 mars 1780.


Harm-Helmers Smidt, capitaine de navire, né à Wener (Hanovre), le 5 juin 1807, domicilié à Anvers.


Jean-Jurgen Hinrichsen, capitaine de navire au long cours, né à Fohr (Danemark), le 26 septembre 1811, domicilié à Anvers.


Herre Arends, capitaine en second de navire au long cours, né à l'île de Juist (Hanovre), le 6 janvier 1817, domicilié à Anvers.


Martin Pienschke, capitaine de navire au long cours, né à Broesen (Prusse), le 29 janvier 1795, domicilié à Anvers.


Tjark-Oveiwien Meents, capitaine de navire au long cours, né à Tunnix (Hanovre), le 20 septembre 1814, domicilié à Anvers.


André-Albert Jansen, capitaine en second de navire au long cours, né à Keilum (Danemark), le 28 octobre 1819, domicilié à Anvers.


Michel Michelsen, capitaine de navire au long cours, né à Christiansoe (Danemark), en 1800, domicilié à Anvers.


Jean-Ihnken Reeners, capitaine de navire au long cours, né à Carolinensyhl (Hanovre), le 10 octobre 1805, domicilié à Anvers.


Jean-Martin Dam, capitaine de navire au long cours, né à Lubeck (Allemagne), le 25 août 1801, domicilié à Anvers.


Pierre-Jean Giebelstein, capitaine en second de navire au long cours, né à Petersdorf (Danemark), le 29 août 1812, domicilié à Anvers.


Riwerl-Boy Ketelsen, premier second de navire au long cours, né à Oldsum (Danemark), le 15 janvier 1819, domicilié à Anvers.


Arfst-Rord Arfsten, capitaine de navire au long cours, né à Alkersum (Danemark), le 16 septembre 1791, domicilié à Anvers.


Gérard Kuiper, capitaine de navire au long cours, né à Kleinemeer (Pays-Bas), le 22 février 1811, domicilié à Anvers.


Wybrand de Ryck, capitaine de navire au long cours, né à Woudsend (Pays-Bas), le 31 mars 1803, domicilié à Anvers.


Harke-Bruns Wegman, second de navire au long cours, né à Embden (Hanovre), le 3 décembre 1819, domicilie à Anvers.


- Il est procédé au vote par appel nominal sur ces projets, qui sont adoptés à l'unanimité des 52 membres présents.

Ces membres sont : MM. Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orts, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Veydt, Vilain XIIII Wallaert, Biebuyck, Brabant, Cans, Clep, d'Anethan, de Baillet, de Bonne, Dedecker, de Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Muelenaere, de Renesse, Desmaisières, Desmet, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Eloy de Burdinne et Goblet.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1847

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Ponts et chaussées ; canaux et rivières, polders ; ports et côtes ; bâtiments civils ; personnel des ponts et chaussées

Section V. Personnel du corps des ponts et chaussées
Article 48

M. le président. - La discussion continue sur l'article 48 du chapitre II.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je viens combattre la réduction proposée par la section centrale sur le deuxième littera de l'article qui est en discussion. La section centrale propose une réduction de 6,000 fr., sur un chiffre de 12,000. Pour bien apprécier, messieurs, les motifs qui ont engagé le gouvernement à augmenter le chiffre voté l'année dernière, il faut se rendre compte de la destination de l'allocation proposée. D'abord, une partie de la somme est destinée aux frais du jury d'examen. Il faut, d'après les prévisions de M. le ministre des travaux publics, 3,250 fr. pour frais du jury ; si donc nous n'augmentons pas la somme de 6,000 fr. il restera 2,750 fr. pour payer les indemnités que l'on accorde aux élèves du génie civil, lorsqu'ils sont envoyés, pendant le semestre d'été, sur les travaux. Avec cette somme, messieurs, on ne pourrait accorder des indemnités qu'à huit élèves, à raison de 350 fr. par élève. Comme, d'après ce qui se passe, vingt ou vingt-cinq élèves sont ordinairement envoyés, sur les travaux, plus de la moitié resteraient sans indemnité. Voilà l'inconvénient auquel on veut parer. Ce sont les ingénieurs des ponts et chaussées qui désignent les élèves auxquels des indemnités sont accordées, et comme il en résulte nécessairement qu'un certain nombre d'élèves en sont privés, il y a là une différence, une inégalité fâcheuse et nuisible pour ces derniers.

Je crois qu'il vaudrait infiniment mieux supprimer entièrement l'allocation, que de faire une semblable distinction qui peut donner lieu à de véritables abus. En effet, comme ce sont les ingénieurs qui sont chargés des propositions, on peut les accuser d'y mettre de l'arbitraire. et ce n'est pas seulement une indemnité pécuniaire qu'on accorde, c'est encore jusqu'à un certain point une marque de distinction donnée au mérite, de sorte que ceux qui n'ont pas obtenu d'indemnité, sont censés ne pas avoir le même mérite que les autres. Or, c'est par des examens seulement que les élèves doivent être classés.

Ce sont ces motifs, messieurs, qui ont souvent donné lieu à des réclamations. Lorsque j'étais au ministère des travaux publics, j'ai reçu de nombreuses réclamations, même de la part de membres de la chambre ; on demandait comment il se faisait que certains élèves n'obtenaient pas d'indemnité, tandis que d'autres en recevaient. et dans la discussion qui a eu lieu l'année dernière, d’honorables membres se sont élevés contre cette distinction ; on a soutenu qu'il y avait des élèves qui avaient (page 1510) rendu de véritables services, qui avaient fait preuve de capacité, qui étaient peu favorisés de la fortune et qui n'avaient rien reçu. L'honorable M. de Garcia, entre autres, se proposait de présenter un amendement tendant à augmenter le chiffre qui avait été alloué précédemment.

L'honorable rapporteur de la section centrale nous a dit, messieurs, qu'il n'y avait pas obligation, pour les élèves, de se rendre sur les travaux. C'est là une erreur : d'après l'arrêté du 10 août 1844, il y a obligation, pour les élèves qui sont désignés, de se rendre sur les travaux ; ils doivent s'y rendre, sous peine de perdre les avantages qu'ils ont obtenus jusqu'alors.

L'indemnité accordée résulte d'abord du principe posé par l'arrêté organique de 1831 et reproduit dans l'arrêté du 1er octobre 1838, relatif à l'école du génie civil. Ensuite, il y a obligation imposée aux élèves, lorsqu'ils sont désignés, en vertu de l'arrêté du 10 août 1840. Or, puisqu'il résulte de ces déplacements obligatoires, des frais pour ces élèves, il est juste, ce me semble, de les en indemniser, d'autant plus que non seulement ils reçoivent l'instruction sur les travaux, mais qu'en même temps ils rendent de véritables services à l'administration.

Je crois donc qu'il convient de voter l'augmentation qui a été proposée par le gouvernement ; quant à moi, je le répète, je préférerais supprimer entièrement les indemnités à en accorder aux uns et à en refuser aux autres. C'est une inégalité que rien ne justifie ; car il est fort difficile d'apprécier, même sur les travaux, la différence qu'il y a entre les services rendus par tel élève et les services rendus par tel autre. On ouvre ainsi la porte à l'arbitraire et on mécontente plutôt que de favoriser.

D'un autre côté, il ne faut pas oublier que l'école du génie civil est la pépinière de notre corps des ponts et chaussées et que cette institution se justifie parfaitement par les élèves distingués qui en sortent. Ainsi, on ne peut pas refuser de voter une si faible dépense, alors qu’elle produit de si bons résultats.

Notre corps des ponts et chaussées, personne ne l'ignore, jouit d'une réputation méritée, non seulement en Belgique, mais dans toute l'Europe, et c'est un motif pour tâcher de le maintenir à cette hauteur.

On vous l'a dit, messieurs, dans une séance précédente, nous avons envoyé des ingénieurs du corps des ponts et chaussées dans la plupart des Etats européens, et ils y ont soutenu dignement l'honneur du nom belge. D'autres pays encore réclament l'aide de nos ingénieurs, et il n'est pas jusqu'à la Russie, dont le gouvernement n'a pas encore établi des relations diplomatiques avec la Belgique, qui ne soit venue demander à notre gouvernement de lui envoyer des ingénieurs.

Un autre avantage que l'envoi de nos ingénieurs à l'étranger procure à la Belgique, c'est de favoriser nos relations commerciales avec les pays où on les envoie. Ces différents Etats, pour l’établissement de leurs chemins de fer, ont besoin de rails, de matériel ; eh bien, par suite de la présence des ingénieurs belges, souvent notre pays était préféré à l'Angleterre dans les commandes ; c'est là un avantage très considérable que nos ingénieurs ont procuré, sous le rapport matériel, à la Belgique.

Dans ce moment-ci, nous avons dans la Sardaigne un jeune ingénieur belge qui est chargé d'un des travaux les plus difficiles qui aient été conçus depuis longtemps. Il s'agit pour le gouvernement sarde de percer le mont Cénis par un tunnel de 11,000 mètres. Eh bien, c'est un ingénier belge, un Luxembourgeois, qui est chargé de la mission honorable de diriger ce travail gigantesque.

J'approuve donc beaucoup M. le ministre de travaux publics, lorsqu’il nous dit qu'il est disposé à se montrer favorable à l'envoi de nos ingénieurs à l'étranger. Je sais bien qu'il ne faut pas nous priver en quelque sorte de toutes nos capacités ; il faut nécessairement une certaine limite ; mais jusqu'à présent du moins, le corps des ponts et chaussées a été assez riche pour pouvoir envoyer des ingénieurs à l'étranger, et pour pouvoir conserver dans le pays de nombreuses capacités.

Du reste, à côté de ce corps d'anciens ingénieurs, s'élève une jeune génération que fournit l'école du génie civil de Gand, et je suis convaincu que cette jeune génération soutiendra également l'honneur de notre corps des ponts et chaussées..

On a dit encore que dans le corps des ponts et chaussées, il y avait du relâchement et même de l'insubordination. Je dois déclarer que, pendant que j'ai été à la tête du département des travaux publics, je n'ai pas remarqué la moindre insubordination, et que je n'ai eu qu'à me louer de mes relations avec ce corps distingué.

D'ailleurs le gouvernement a des moyens très efficaces de réprimer les actes d'insubordination, s'il s'en présente ; il peut puiser dans les arrêtés organiques, et dans les règlements des ponts et chaussées, des moyens faciles de rappeler à l'ordre ceux qui s'en écartent.

On a parlé aussi, dans la séance de samedi dernier, d'un arrêté sur les inventions qui a été pris par M. le ministre des travaux publics, le 11 mars dernier. Je dois le dire, je ne puis pas approuver toutes les dispositions de cet arrêté, je ne puis même pas non plus approuver son premier considérant. Il me semble qu'il est conçu en termes trop sévères, trop durs, trop absolus, et qu'il est même inexact. Voici comment est conçu le premier considérant de l'arrêté :

« Considérant que les fonctionnaires et employés du gouvernement doivent à l'Etat l'emploi de leur temps, le produit de leur travail, le résultat de leurs recherches et de leur expérience. »

C'est aller trop loin ; c'est trop vague, trop absolu.

Les fonctionnaires de l'Etat, dans les divers départements aussi bien que dans celui des travaux publics, doivent remplir leurs devoirs, accomplir le service qui leur est imposé ; mais une fois qu'ils se sont soumis aux règles tracées par les arrêtés organiques et les règlements et à la subordination, on ne peut pas exiger qu'en dehors de leurs fonctions, tout le produit de leur temps, de leur travail, de leurs recherches et de leur expérience appartienne à l'Etat. Ainsi un employé des bureaux doit se soumettre au règlement, se rendre au bureau vers 9 heures, y rester jusqu'à 3 ou 4 heures ; je ne dis pas que, quand le service l'exige, il ne doive pas revenir plus tard quand son chef le demande ; mais quand il a terminé sa besogne on ne peut pas l'empêcher de s'occuper de recherches utiles et même des moyens d'augmenter son revenu, ou bien confisquer ensuite le produit de ses veilles et de son intelligence.

Ainsi par exemple, je suppose un jeune employé dans l'administration du chemin de fer qui aura rempli ponctuellement ses devoirs, accompli son service, qui passera ses veilles à la recherche de quelque découverte, de quelque perfectionnement dans l'industrie des chemins de fer. Vous viendrez prétendre qu'on a le droit d'enlever le fruit de ses veilles, le produit de son intelligence à ce jeune employé parce qu'il recevra un certain traitement de l'Etat ? Evidemment il est impossible qu'on puisse aller aussi loin.

A mes yeux, le mauvais côté de l'arrêté sera d'arrêter ceux qui ont des moyens matériels qui leur permettent de rechercher des inventions nouvelles, il aura pour effet de les empêcher de se livrer à des recherches, et sera un obstacle à la découverte d'inventions fort utiles. Or, lorsque de toutes parts les ingénieurs mécaniciens portent toute leur attention sur les perfectionnements à apporter à l'exploitation des chemins de fer, ne serait-il pas fâcheux que l'administration belge restât en arrière ?

Il serait fâcheux que les inventions et les perfectionnements nous arrivassent toujours des autres pays.

Déjà plusieurs perfectionnements remarquables sont dus à nos ingénieurs : je citerai, par exemple, celui que nous devons à M. Cabry ; cet ingénieur en chef a inventé un système d'expansion qui a amené des améliorations très importantes dans notre exploitation, et qui a été appliqué dans d'autres pays.

Si nos ingénieurs peuvent produire des inventions utiles, ce sera un grand avantage et un honneur pour le pays..

Il serait donc fâcheux que, par des mesures restrictives, on arrêtât cet élan.

Remarquez d'ailleurs, messieurs, qu'un des premiers effets de l'arrêté du 11 mars a été de mettre en contradiction flagrante M. le ministre de l'intérieur et M. le ministre des travaux publics.

En effet, par suite de l'arrêté du 11 mars, un ingénieur qui faisait partie de l'administration d'une société anonyme a été forcé de donner sa démission.

Quelque temps après, un autre ingénieur des ponts et chaussées a été appelé à concourir à la gestion d'une autre société anonyme. Il est vrai que M. le ministre des travaux publics a dit que ce n'était pas son fait, qu'il n'y a pris aucune part.

Mais les principes invoqués par M. le ministre des travaux publics dans les considérants de son arrêté du 11 mars, s'appliquent à tous les fonctionnaires, non seulement de l'administration du chemin de fer, mais de l'Etat. Pour être conséquent, il aurait donc dû s'opposer à la nomination d'un des fonctionnaires de son département dans l'administration d'une société anonyme.

L'ingénieur en chef dont il s'agit est bien, vous le savez, une espèce de fonctionnaire mixte, dépendant du ministère de l'intérieur pour les irrigations ; mais il prétend sans doute appartenir avant tout au corps des ponts et chaussées et par conséquent appartenir principalement au département des travaux publics. Je pense donc qu'il convenait tout au moins que M. le ministre des travaux publics intervînt dans l'autorisation qui a dû être accordée.

Maintenant, je demanderai au ministère si les principes de l'arrêté doivent s'appliquer à tous les fonctionnaires de l'Etat ? Le texte du premier considérant m'autorise à faire cette question.

Par exemple, si des officiers de l'armée et particulièrement du génie, ou des fonctionnaires du département des finances inventent un procédé utile, l'arrêté du 11 mars leur sera-t-il applicable ? Nous devons le croire, puisque, d'après cet arrêté, tous les fonctionnaires doivent à l'Etat leur temps et le résultat de leurs recherches et de leur expérience. C'est là un principe qui ne peut être appliqué uniquement à l'administration du chemin de fer ; il doit être généralisé. Ou plutôt il doit être abandonné. En effet, je crois que l'arrêté du 11 mars n'aurait pas dû être porté ; j'espère qu'on le retirera, ou qu'au moins on le laissera sans application.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je ne pense pas que l'arrêté du 11 mars dernier mérite les critiques dont il vient d'être l'objet de la part de l'honorable préopinant.

Cet arrêté n'a ni pour but, ni pour résultat de comprimer la pensée : ce n'est, en aucune façon, une déclaration de guerre aux inventions. Cet arrêté doit être pris dans son ensemble.

On vous a parlé des clauses restrictives de cet arrêté ; mais on a omis de vous parler de la disposition finale de l'arrêté, portant que le Roi se réserve de décerner des récompenses pour les inventions qui auraient été reconnues utiles à l'un ou à l'autre des services de l'Etat. L'encouragement aux inventions reste, ce me semble, à peu près ce qu'il était ; il est en quelque sorte régularisé.

Avant cet arrêté, un ingénieur était libre de se faire breveter pour une invention applicable aux locomotives, par exemple, et de régler la rétribution qui lui aurait été due par l'Etat pour l'emploi de ce procédé nouveau.

(page 1511) Il faut bien reconnaître qu'une invention de ce genre appartient à l'Etat, dans de certaines limites ; puisqu'elle est l'œuvre d'un fonctionnaire, à qui sa position administrative a permis de faire des observations et des essais qui l'ont conduit à son invention ; ce fonctionnaire a eu à sa disposition des ateliers, des machines et des ouvriers ; il en résulte qu'il n'y a eu pour lui que très peu ou pas de frais d'essai.

Est-il juste que, dans une position pareille, un fonctionnaire taxe la rétribution qui lui sera due par l'Etat ? Je ne le pense pas.

Je pense que le gouvernement a le droit de fixer la rémunération qui peut être due pour une invention qui, je viens de le dire, lui appartient dans une certaine proportion.

L'arrêté a un deuxième considérant, dont je ne sache pas qu'on ait fait mention ; ce considérant porte que l'exploitation d'un brevet d'invention est peu compatible avec la position d'impartialité et d'indépendance qu'exige l'exercice des fonctions publiques. Ce deuxième considérant me paraît aussi incontestable que le premier.

Un fonctionnaire, préposé à un service du chemin de fer, par exemple, qui exploiterait, par lui-même ou par ses associés, un brevet d'invention ne pourrait pas être un juge complétement impartial des procédés nouveaux proposés par d'autres que lui.

La plupart du temps, les fonctionnaires porteurs de brevets seront dans le cas de céder leur invention à tel ou tel constructeur de machines, moyennant une rétribution de telle ou telle somme, par chaque machine à laquelle le procédé en question sera appliqué. Il résulte de là qu'un fonctionnaire devient, ou peut devenir, par l'exploitation d'un brevet, l'associé d'un constructeur. Il peut arriver que ce constructeur soit en même temps fournisseur du chemin de fer. Toutes ces complications tendent à placer les fonctionnaires dans une position qui manquerait jusqu'à un certain point de dignité et d'impartialité.

Je pense qu'il est préférable qu'un fonctionnaire qui a fait une invention utile, soit rémunéré directement par l'Etat.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, une idée m'a frappé à la suite des paroles prononcées dans la séance de samedi par les honorables ministres des travaux publics et de l'intérieur. Il me semble résulter de ces paroles, que la somme des sacrifices que nous avons à faire pour entretenir le corps des ponts et chaussées ne sera pas limitée au chiffre que les besoins du service de l'Etat exigent de nous. Je pense cependant que la chambre tout entière est d'avis que nous devons limiter les dépenses de ce service aux besoins de l'administration, et que nous ne pouvons aller au-delà.

Voici, messieurs, ce qui me fait craindre que l'on veuille dépasser ces besoins.

Il semblerait, d'après la déclaration du gouvernement, que le personnel devrait se régler plus ou moins d'après la sortie des jeunes gens qui fréquentent l'école de Gand. En effet, le gouvernement a fixé par un arrêté de 1844, à ce que je crois, le nombre des admissions à deux par an. Je ne demande pas mieux que de voir admettre deux aspirants de l'école de Gand dans le corps des ponts et chaussées ; mais c'est à la condition qu'il y ait des places vacantes par décès ou autrement.

Quelques membres se basent, pour combattre la proposition de la section centrale, sur ce qu'ils désirent voir accorder des indemnités aux jeunes gens qui aspirent à entrer dans le corps du génie civil. Je ne m'oppose nullement à ce qu'on accorde ces indemnités, mais alors je voudrais qu'on en agît de même pour les jeunes qui aspirent à entrer dans les autres services de l'Etat. Je citerai, par exemple, une foule de jeunes gens qui se préparent, par des études onéreuses, à entrer dans l'administration des finances. Nous avions autrefois des surnuméraires. Depuis quelque temps ces surnuméraires sont devenus tellement nombreux qu'on a créé une nouvelle classe de surnuméraires ; on a créé des aspirants surnuméraires.

Il y a, messieurs, de ces jeunes gens qui sont aspirants surnuméraires, qui travaillent gratuitement, sans indemnités, pendant deux ou trois ans, non pas pour eux-mêmes dans une école du génie civil, mais dans les bureaux de l'administration. Quand ensuite ils obtiennent ce grade si désiré, de surnuméraire, ils travaillent encore deux ou trois ans ; j'en connais même qui ont travaillé cinq ans comme surnuméraires dans les bureaux d'un inspecteur sans recevoir un centime, sauf à obtenir un intérim à de rares intervalles.

Si vous accordez des indemnités aux aspirants du génie civil, il faudra en accorder pour ceux qui aspirent à entrer dans d'autres administrations. On ne peut avoir deux poids et deux mesures.

Le gouvernement nous a dit qu'il destinait une partie du corps des ponts et chaussées à entretenir des missions à l'étranger. Je vous avoue que je ne suis pas contraire à ce système, pourvu qu'il ait des bornes. Mais je ne sais pas trop quelles seront ces bornes ; vous venez encore d'entendre l'honorable M. d'Hoffschmidt nous entretenir de l'éventualité d'envoyer des ingénieurs en Russie. Je ne crois pas que le budget belge doive être chargé d'entretenir des ingénieurs dans plusieurs Etats de l'Europe. Si cela continue, ce sera un corps diplomatique d'une nouvelle espèce dont on veut nous imposer les charges, et c'est ce que je ne puis admettre.

M. le ministre des travaux publics vous a dit qu'il prêtait aussi les ingénieurs aux compagnies concessionnaires de chemins de fer en Belgique ; et là-dessus l'honorable M. Rodenbach d'appuyer et de dire qu'il trouvait cela très bien. Je vous avoue que je ne sais jusqu'à quel point le gouvernement a le droit de céder à des compagnies des ingénieurs dont nous payons le traitement.

M. d’Elhoungne. - C'est une erreur.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - On accorde à ces ingénieurs un congé avec suspension de payement.

M. de Man d’Attenrode. - Je suis charmé d'entendre cette déclaration. Mais quand leur mission près des compagnies est terminée, ces ingénieurs reviennent à la charge de l'Etat, et les congés qu'on leur accorde, deviennent des motifs d'en nommer de nouveaux, ce qui augmente insensiblement le personnel.

Il me paraît, d'ailleurs, que M. le ministre des travaux publics a entièrement oublié une disposition du cahier des charges avec les compagnies, qui déclare que tous les frais de surveillance de l'exécution des travaux seront à charge des compagnies. Or, si la surveillance des travaux publics est à charge des compagnies, à plus forte raison l'exécution doit-elle être à leur charge. (Interruption.)

On me répète toujours que l'Etat n'intervient pas dans la dépense. C'est fort bien ; mais je réponds encore que cela finit par devenir une charge indirecte ; car ces ingénieurs appartiennent toujours au corps des ponts et chaussées ; ils sont de nouveau payés par l'Etat lorsque leur mission est terminée ; de plus, le temps qu'ils travaillent pour les compagnies leur compte pour la pension.

Je saisirai, au reste, cette occasion pour faire une autre observation.

L'année dernière l'honorable M. Osy nous a fait connaître qu'une somme de 75,000 fr. avait été versée par la compagnie du Luxembourg pour indemnités à des ingénieurs de l'Etat qui avaient travaillé à son service. La proposition que l'honorable membre nous a faite à cette occasion pour qu'il fût rendu compte de l'emploi de cette somme, a été renvoyée à la section centrale. Je suis étonné que celle-ci ne nous ait pas fait son rapport sur ce point. La question me paraît assez importante pour que l'on s'en occupe.

Le trésor public ne doit contribuer à subventionner le service du personnel des travaux publics, que pour autant que ce service concerne l'intérêt public, que représente le gouvernement ; nous ne pouvons imposer aux contribuables des charges résultant de travaux qui ne les concernent pas.

Je le répète, en terminant, le personnel doit être limité aux besoins des services de l'Etat belge. Je ne puis aller au-delà.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, je viens répondre quelques mots aux différentes considérations par lesquelles on a essayé de justifier la réduction que propose la section centrale, du chiffre de 6,000 fr. destiné à indemniser les élèves de l'école du génie civil qui sont employés sur les travaux de l'Etat.

L'honorable rapporteur de la section centrale a cru devoir réfuter ce que j'avais dit quant à la manière inexacte dont le rapport qualifie les indemnités payées aux élèves de l'école du génie civil. Je persiste à croire que la section centrale n'a pas bien apprécié la nature de ces indemnités, et son erreur, sur ce point, est si réelle, que l'orateur qui vient de se rasseoir l'a commise de nouveau.

Il ne s'agit nullement, à l'aide de ce chiffre de 6,000 fr., d'accorder un subside aux élèves de l'école du génie civil, pour les encourager dans leurs études ; il ne s'agit pas de leur conférer une nouvelle espèce de bourses ; mais il s'agit, alors que l'Etat tire des services gratuits de ces élèves une utilité évidente, de les indemniser partiellement de leurs frais de voyage et de séjour dans des provinces éloignées de leur domicile et où le gouvernement les envoie. Voilà quelle est la destination de cette somme de 6,000 fr. ; elle n'en a pas d'autre.

Or, je ferai remarquer qu'il serait souverainement injuste de vouloir exiger, d'abord, que les élèves de l'école du génie civil donnassent gratuitement leur temps aux travaux publics de l'Etat, et d'exiger, ensuite, qu'ils fussent obligés de voyager et de séjourner à leurs frais dans des provinces éloignées.

Je rappellerai de nouveau que ce serait créer entre les élèves des inégalités de position choquantes ; car il peut y en avoir parmi eux qui ne soient pas favorisés de la fortune ; et il peut se faire que ce ne soient ni les moins intelligents, ni les moins aptes à devenir d'excellents ingénieurs.

Le gouvernement, dit l'honorable rapporteur de la section centrale, a fait beaucoup pour l'enseignement polytechnique qu'il proclame si digne de ses sympathies et de celles de la chambre, lorsque le gouvernement a créé à Gand l'école du génie civil, où il a appelé l'élite des professeurs du pays et de l'étranger.

Certes, le gouvernement et les chambres ont beaucoup fait pour l'enseignement polytechnique ; mais c'est précisément pour cela que la section centrale ne devait pas à la légère porter la main sur cet édifice, fruit de tant de sacrifices, objet d'une si juste sollicitude.

L'enseignement polytechnique qui se donne à notre école du génie civil ne serait plus complet, ne serait plus ce que nous avons voulu qu'il fût, s'il était uniquement théorique.

Pour que cet enseignement reste ce qu'il doit être, il faut à côté de l'enseignement théorique un enseignement pratique ; il faut qu'à côté de l'école scientifique, se trouve aussi l'école d'application. Or si vous mettez le gouvernement dans l'impossibilité de donner une modeste indemnité aux élèves qui doivent séjourner sur les travaux, loin de leur résidence, vous démembrez en réalité l'enseignement polytechnique ; vous en retranchez la pratique et l'application. En effet, comme l'a fait remarquer l'honorable M. d'Hoffschmidt, on ne peut admettre que l'indemnité sera accordée à certains élèves, à l'exclusion de tous les autres ; il faut la maintenir pour tous, ou la supprimer pour tous ; on ne peut créer entre eux des inégalités de position, ouvrir là encore une porte au favoritisme ; créer une nouvelle espèce de bourses qui souvent n'iront trouver ni les plus intelligents, ni les plus dignes d'intérêt. Il faudra donc (page 1512) supprimer complétement et pour tous l'indemnité de voyage. Eh bien ! je le répète encore, messieurs, c'est vouloir supprimer de fait l'enseignement pratique ; c'est désorganiser l'enseignement polytechnique de notre école du génie civil.

Personne, dit l'honorable rapporteur de la section centrale, n'est obligé de se rendre à l'école du génie civil ; personne parmi ceux qui fréquentent l'école du génie civil, a-t-il ajouté, n'est obligé de se rendre sur les travaux de l'Etat.

Personne n'est obligé de se rendre à l'école du génie civil ! Cela est vrai. Mais puisqu'il y a un enseignement polytechnique qui a toutes nos sympathies parce qu'il dote le pays d'hommes capables et utiles, ne devons-nous pas encourager les jeunes gens à le suivre ? Lorsqu'il y a là une carrière scientifique, pleine de ressources, ouverte à la jeunesse, irez-vous les en détourner, et préférez-vous les pousser, par un luxe de bourses et d'encouragements, dans les carrières si obstruées du barreau et de la médecine ? Ne vaut-il pas mieux qu'ils reçoivent comme ingénieurs civils une éducation scientifique, une instruction à la fois théorique et pratique, qui leur assure avec bien plus de certitude une place honorable dans la société, et les dispense d'aller grossir les rangs des solliciteurs qui assiègent les abords de toutes les places possibles et impossibles.

On n'est pas obligé, quand on fréquente l'école du génie de se rendre sur les travaux ! C'est une erreur qui déjà a été relevée. D'après le règlement de l'école, d'après les dispositions prises et sagement prises par M. le ministre des travaux publics, les élèves sont obligés de suivre l'enseignement pratique, de se rendre sur les travaux. Je le demande, en présence de cette obligation, peut-on leur refuser une modeste indemnité pour leurs frais de voyage ?

D'ailleurs (et l'observation en a déjà été faite plus d'une fois dans cette discussion) les élèves, qui sont en mission sur les travaux, y rendent des services réels ; ils consacrent gratuitement au gouvernement leur temps, leur intelligence, l'instruction qu'ils ont déjà acquise. N'est-ce pas assez ? Peut-on exiger d'eux, de leurs familles, un sacrifice de plus ?

Veuillez, messieurs, remarquer que le crédit dont il s'agit a été demandé par le gouvernement en exécution d'un vœu de la chambre. Dans la discussion du budget des travaux publics de 1845 et 1846, plusieurs membres ont fait sentir à M. le ministre des travaux publics la nécessité de donner une indemnité aux élèves employés sur les travaux. La chambre entière a paru accueillir avec faveur ces réclamations. C'est sous l'empire du vœu ainsi exprimé et accueilli que M. le ministre prit l'engagement de demander un crédit. Et maintenant que le gouvernement le demande, on le rejetterait ! on porterait atteinte à cet établissement que tous nous devons encourager de nos éloges, que tous nous voulons protéger, heureux de voir qu'il prospère et réponde aux espérances du pays !

Et de quelle économie s'agit-il ? D'une misérable somme de 6,000 fr. Voulez-vous qu'à l'occasion d'un établissement, comme celui de Gand, notre seul établissement polytechnique, on dise encore de la chambre qu'elle n'est bonne qu'à voter de grosses dépenses et à faire de petites économies ?

L'honorable préopinant n'a pas été heureux dans ses efforts pour soutenir la réduction proposée par la section centrale. Il s'est plaint d'abord de la proportion dans laquelle les élèves du génie civil de Gand sont admis dans le corps des ponts et chaussées.

Mais si j'ai bien compris M. le ministre des travaux publics, il a dit qu'on avait fixé le nombre des admissions à deux, par année, parce que ce nombre est égal aux pertes que fait ce corps par les décès.

L'honorable M. de Man s'est ensuite écrié : Si vous donnez des indemnités aux élèves de l'école du génie civil, il faut en donner aux aspirants surnuméraires et aux surnuméraires des différentes administrations. Mais veuillez remarquer qu'il s'agit de donner des indemnités non pas aux élèves qui suivent les cours à l'école du génie civil, comme l'honorable M. de Man le suppose, mais seulement à ceux qui se rendent sur les travaux, qui donnent sans salaire leur travail et leur temps au gouvernement.

Je me permettrai d'ajouter que l'honorable M. de Man a été bien malheureux en choisissant l'exemple des surnuméraires. En effet, dans les différentes administrations, lorsque le surnuméraire est appelé à remplir des fonctions actives, il ne le fait pas gratuitement ; il reçoit non seulement une indemnité de déplacement, mais encore un traitement, qui, dans certains cas, est considérable.

Les élèves de l'école du génie civil de Gand sont loin d'être aussi favorisés, et ils ne demandent pas à l'être, ils demandent seulement le remboursement, et rien que le remboursement, de leurs frais de déplacement et de séjour. Cependant, c'est en invoquant l'exemple des surnuméraires que l'honorable M. de Man veut faire repousser la demande de crédit pour les élèves de l'école du génie civil. Evidemment, il y a là une fausse appréciation des faits, et plus encore, fausse logique.

Je ne puis passer sous silence ces récriminations qu'on prodigue, depuis quelque jours, et aux ministres et aux ingénieurs qui vont à l'étranger, à la demande des gouvernements étrangers, et avec l'autorisation du gouvernement belge, récriminations qu'on fait remonter jusqu'à l'école du génie civil.

J'ai toujours cru que lorsque nos ingénieurs se trouvaient appelés à diriger de grands travaux à l'étranger, c'était quelque chose d'honorable et de glorieux pour eux comme pour le pays. J'ai cru que ces ingénieurs portaient dignement et utilement à l'étranger le nom belge ; qu'ils y faisaient apprécier et connaître notre industrie, notre commerce, les produits de notre sol, l'aptitude des Belges dans toutes les branches de la production. Je le répète, je trouvais cela honorable, utile, national. Je le croyais d'autant plus que, pendant le temps de ces absences, on ne paye pas les ingénieurs, qu'ils cessent donc d'être une charge pour le trésor dont l'honorable M. de Man se préoccupe à tout propos. Et cependant voici que l'honorable M. de Man voudrait maintenant lier les mains au gouvernement, l'empêcher de faire un échange de bons procédés avec les gouvernements étrangers, lui défendre tout à coup de mettre à leur disposition, des ingénieurs dont on peut se passer chez nous.

M. de Bonne. - Mes observations se borneront à l'arrêté du 11 mars. Il a, je le crois, obtenu l'honneur d'un blâme, d'une réprobation générale. J'ajouterai quelques considérations à ce qu'a dit l'honorable M. d'Hoffschmidt, pour démontrer que l'arrêté est une véritable expropriation de l'intelligence des employés.

Je conviens qu'un employé du chemin de fer doit à son administration : son temps, son zèle, son intelligence ; mais lui doit-il aussi le fruit de cette intelligence en dehors de l'accomplissement de ses devoirs ?

Je ne le pense pas, et si l'on sanctionnait une exigence de ce genre, ce serait un véritable malheur.

Pour vous donner la preuve de mon opinion, il suffira de vous proposer une comparaison, ce qui, dit-on, fait aisément comprendre une raison. Un écrivain est attaché à un journal, il remplit ses devoirs et fait tout ce qu'il doit faire, ne pourra-t-il composer un ouvrage de droit public, de critique, ou de littérature, sans être accusé d'avoir manqué à ses devoirs ?

Je suppose qu'un de MM. les sténographes découvre, invente un procédé qui permette de rendre de suite et sans le secours de composition typographique les séances de la chambre, ce sténographe manquerait-il à ses devoirs, à ses obligations, à ses engagements, s'il demandait un brevet d'invention ?

Pourrait-on lui dire : Vous devez toute votre intelligence à la chambre, au gouvernement qui vous emploie ?

Je vous abandonne la décision de cette question : la négative est certaine.

Je crois donc que l'arrêté du 11 mars dernier, qui déclare que tout employé du chemin de fer n'aura droit à aucun brevet pour une découverte, procédé ou invention faits par lui est une injustice, pour ne pas dire un non-sens.

Sommes nous arrivés à l'apogée de la science ? N'y a-t-il plus rien à apprendre ? Aucune amélioration n'est-elle possible ?

Que M. le ministre veuille bien nous le dire. Il en sait, il doit en savoir plus que nous, puisqu'il ferme la porte à toute découverte, et que la science sera désormais immobile, en Belgique s'entend.

Je dis que c'est fermer la porte aux inventions, au progrès que de mettre hors de ligne, en un mot d'exclure tous ceux qui par leur position, leur travail de tous les jours et la pratique sont le plus à même de faire des découvertes, des améliorations, de trouver des simplifications.

S'ils ne peuvent obtenir la récompense de leurs efforts, de leurs veilles, de leurs méditations, ils ne feront rien ou, s'ils réussissent, ils porteront à l'étranger le résultat de leurs études.

Nul homme ne travaille s'il n'a l'espoir soit d'améliorer son sort, soit d'acquérir des honneurs, de la gloire. C'est le stimulant le plus actif et le plus naturel. C'est un sentiment juste et louable lorsque, sans nuire à autrui, il contribue au bien-être de la société.

L'administration du chemin de fer demande des hommes dans la force de l'âge, actifs et d'action, et l'on veut arrêter, fixer à tout jamais leur intelligence ! Cela est impossible à moins que cette administration ne devienne un hôtel des invalides, et qu'on n'y place que des hommes dont les forces et l'intelligence seront ou décroissantes ou usées.

Cela n'est pas possible, M. le ministre en conviendra, je l'espère ; car ce serait vouloir mettre des limites à la science, ce serait vouloir empêcher la terre de tourner.

Je dois maintenant faire la part de ce que cet arrêté aurait de bon, s'il avait interdit l'usage ou l'emploi du matériel du chemin de fer. Certes, il ne doit pas être permis de faire des essais qui peuvent abîmer, dégrader et peut-être détruire une partie de ce matériel. Et pour ces essais, j'aurais, exigé et requis l'autorisation du ministre.

Et cela se conçoit ; avant de donner une semblable autorisation, le ministre se fait rendre compte de l'invention, et ce n'est qu'après en avoir reconnu l'utilité et la probabilité d'exécution, qu'il accorderait la permission.

Je crois donc pouvoir appeler l'attention de M. le ministre sur la mesure qu'il a prise, et l'inviter à peser mûrement les conséquences déplorables qu'elle peut avoir. Je l'engage, non pas à laisser cet arrêté sans exécution, mais à le retirer, et je crois qu'il fera bien.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, l'honorable préopinant vous a dit que l'arrêté du 11 mars a eu l'honneur d'un blâme et d'une réprobation générale ; si cela est, je crois pouvoir dire que c'est un blâme, une réprobation non méritée.

L'honorable préopinant est parti toujours de l'idée qu'il y avait une espèce de prohibition pour les inventions ou plutôt une espèce de confiscation des inventions au profit de l'Etat. Je crois avoir établi le contraire. Je crois avoir dit qu'à côté de l'interdiction de faire breveter une invention due à l'employé de l'Etat, il y avait le principe de la rémunération, par l'Etat, pour les inventions vraiment utiles ; le principe de la rémunération est donc maintenu ; tout ce qu'il y a dans cet arrêté, c'est une régularisation pour la rémunération. Ainsi que je l'ai dit, il est irrégulier que l'employé taxe lui-même la rémunération que l'Etat lui (page 1513) donnera pour une invention faite par lui à l'occasion ou dans l'exercice de ses fonctions ; il a là quelque chose d’inconvenant.

Je dirai de plus qu'un employé qui est intéressé dans une exploitation de brevet, pour un objet relatif à la branche de services à laquelle il est attaché, n'est plus dans une position convenable d'impartialité ; ce point est, à mes yeux, capital, et je n'admettrai jamais de transaction à cet égard.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je dois encore revenir sur l'arrêté du 11 mars. J'attache à cet arrêté une grande importance, parce qu'il me semble y voir un obstacle, en quelque sorte, au génie des inventions. Ensuite, je crains qu'il ne contribue à repousser de notre administration des hommes distingués, des hommes qui voudraient conserver toute liberté à cet égard.

En effet, je ne pense pas que dans d'autres administrations, entre autres dans celle des sociétés concessionnaires, on se soit jamais avisé de prétendre que toutes les inventions faites par les employés appartiendraient soit au pays, soit aux sociétés elles-mêmes. Je crois que nous avons eu l'honneur de l'initiative d'une semblable mesure, et que nous serons probablement les seuls à la conserver.

Messieurs, je ne crois pas que M. le ministre des travaux publics ait parfaitement justifié tout ce qu'il y a d'absolu dans l'arrêté. M. le ministre n'a pas justifié d'abord le premier considérant qui est tellement absolu qu'il ne devrait pas s'appliquer seulement aux employés du chemin de fer, mais à tous les fonctionnaires publics ; ce principe n'aurait pas dû être posé par un seul membre du cabinet ; mais s'il est juste, il doit être admis par tous les ministres. Il ne faudrait pas, en effet, qu'on fît une exception malheureuse pour les employés du chemin de fer seulement.

Ainsi, je blâme d'abord le principe sur lequel l'arrêté est basé ; je le blâme ensuite dans son application ; parce que quelques abus peuvent se présenter, faut-il pour cela exproprier, en quelque sorte, le produit de l'intelligence, qu'un employé aura obtenu en dehors de son service. Mais ces abus, tels que les a signalés M. le ministre des travaux publics, il est très facile de les réprimer. S'il s'agit, par exemple, d'une invention dans l'administration du chemin de fer, s'il s'agit de juger cette invention ; et bien, que ceux qu'on croit trop favorables à l'inventeur, ne fassent pas partie du conseil qui sera appelé à décider ; que, dans l'application, on soit rigoureux, qu'on empêche les faveurs, qu'on réprime les abus, mais qu'on ne pose pas un principe absolu, capable d'empêcher de naître l'invention elle-même.

M. le ministre des travaux publics voit une position difficile pour les fonctionnaires dont il s'agit ; il craint leur partialité. Mais il est à remarquer d'abord que l'arrêté du 11 mars est général ; qu'il ne fait aucune distinction dans les inventions, qu'il ne distingue pas les inventions qui concernent le chemin de fer d'avec celles qui y sont étrangères ; M. le ministre conviendra du moins qu'il y a là quelque chose de trop général ; que si un employé de son administration faisait une invention en dehors de l'administration même, celle-ci ne pourrait pas venir la confisquer, pas plus qu'on ne pourrait confisquer à un employé, étranger à l'administration du chemin de fer, une invention qui s'appliquerait au mode d'exploitation des chemins de fer en général.

Ainsi, d'abord M. le ministre des travaux publics n'a pas justifié ce qu'il y a d'absolu dans l'arrêté. Ensuite, il n'a pas expliqué pourquoi cet arrêté n'est pas applicable à tous les fonctionnaires publics indistinctement.

Dans tous les cas, je partage l'opinion qui a été émise par l'honorable M. de Bonne ; on ne peut admettre un principe tel que celui que contient l'arrêté du 11 mars. Ce principe ne tend à rien moins qu'à dégoûter les fonctionnaires en posant comme règle que tout l'emploi de leur temps, le produit de leur intelligence, même en dehors du service, doit être consacré au profit de l’Etat.

M. Brabant. - Messieurs, l'article en discussion s'élève à 463,800 francs. Il se subdivise en deux littera. Le premier comprend le traitement des ingénieurs et conducteurs, les frais de bureau et de déplacement, les indemnités et les dépenses éventuelles 451,800 fr. ; le second, les frais des jurys d'examen de l'école du génie civil et voyage des élèves 12,000 fr.

La section centrale propose sur le premier littera une réduction de 8,700 fr., et sur le second une réduction de 6,000 fr. ; je crois devoir dire à la chambre que l'article ne représente pas toute la dépense du corps des ponts et chaussées, il n'en représente pas les deux tiers. La section centrale a proposé la première réduction de 8,700 fr. sur les indications émanées du ministère des travaux publics lui-même.

Les 451,800 fr. du littera A se subdivisent en : 1° 367,000 fr., pour traitements fixes ; 2° une petite somme de 700 fr., pour traitements supplémentaires ; 3° 55,400 fr. pour frais fixes et 28,700 fr. pour frais de déplacements extraordinaires. Remarquez que la plupart des ingénieurs ont une espèce d'abonnement pour leurs frais de bureaux et de déplacement fixe, partie à la charge du gouvernement, partie à la charge des provinces ; mais quand il y a un déplacement extraordinaire qui ne rentre pas dans leurs attributions communes, ils reçoivent une indemnité fixée à 2 fr. 50 c. pour les ingénieurs en chef, et à 2 fr. pour les ingénieurs ordinaires.

Dans la note annexée au développement du budget des ponts et chaussées, je lis : Les frais de déplacement extraordinaire en 1846 se sont élevés à 20,000 fr. en prenant pour base les mêmes frais payés en 1845. Eh bien ! ce qui a suffi en 1845 et dans les prévisions de 1846 paraît devoir suffire dans les prévisions de 1847 ; et les 8,700 fr. dont la section centrale demande la réduction ne portent que sur les frais extraordinaires de déplacement dont j'ai fait sentir l'exorbitance à la séance de samedi dernier.

J'ai cité un exemple ; j'avais supposé qu'un ingénieur fît un certain déplacement dont les frais se seraient élevés à 55 fr., et j'avais dit que les frais qu'il aurait eu à faire n'auraient été que de 13 fr. Les 20 mille francs qui ont suffi pendant les années précédentes supposent un déplacement tous les jours chacun des 365 jours de l'année.

Je sais que le même ingénieur ne se déplacera pas tous les jours, mais nous avons quatorze ingénieurs en chef ; pour épuiser la somme de 20 mille francs, il faudrait que chacun d'eux fût pendant près d'un mois en tournée extraordinaire. La réduction de 8,700 fr. que nous proposons est donc justifiée par l'expérience des années 1845 et 1846.

M. le ministre des travaux publics maintient la somme qu'il a proposée, non pas à titre de frais de déplacement extraordinaire,, mais afin de parer aux rentrées éventuelles qui pourraient avoir lieu de la part des ingénieurs aujourd'hui en congé et employés à l'étranger.

Messieurs, si le budget éprouvait une réduction proportionnelle au montant des congés accordés, je trouverais juste qu'il y eût une somme éventuelle pour ceux qui rentreraient ; mais c'est qu'à mesure qu'un ingénieur obtient la permission d'offrir ses services à l'étranger, il est remplacé à l'intérieur. Voyez où pourrait nous conduire l'éventualité de la rentrée des ingénieurs en congé, avec le système qui est suivi. Nous avons en congé sept ingénieurs-adjoints et douze conducteurs-adjoints des ponts et chaussées ; et leur traitement normal s'élève à la somme de 75,600 fr. Je sais qu'ils ne reviendront pas tous à la fois ; il en est qui ont entrepris des travaux de longue haleine, qui seront encore fort longtemps hors du pays ; mais ils peuvent revenir, il en reviendra un certain nombre.

Nous ne pouvons pas voir aggraver nos charges pour des services rendus à l'étranger. Personne plus que moi ne désire voir s'étendre la renommée de la Belgique, personne plus que moi ne désire voir mon pays retirer lustre et profit du talent et de la probité de ses enfants. J'ai une raison toute particulière de voir avec plaisir nos ingénieurs appelés à l'étranger, car parmi eux se trouve un enfant de Namur comme moi, et c'est celui qui jette le plus de lustre sur notre ville. Eh bien, je suis persuadé, je suis de l'opinion de l'honorable M. Rogier, qu'il aurait beaucoup mieux valu pour la Belgique de garder M. Maus à son service que de le voir aller en Sardaigne. Je n'insisterai pas d'avantage sur cet article ; je pense que nous pouvons très bien retrancher les 8,700 francs du littera A.

Quant aux 6,000 fr. du littera D, quoique l'honorable M. d'Elhoungne ait persisté à croire que la section centrale n'avait pas compris ce dont il s'agit, moi je persiste à dire que nous avons très bien su ce que nous faisions. L'honorable membre a envisagé l'indemnité sous deux points de vue dont un, prétend-il, a échappé à la section centrale. L'honorable membre a envisagé l'indemnité légère, je le reconnais, qu'on accorde aux élèves de l'école des ponts et chaussées, partie comme bourse, partie comme traitement, comme salaire.

Il a dit : L'Etat tire profit du travail de ces jeunes gens ; il est juste qu'il les en indemnise. Si l’Etat tirait profit du travail de ces jeunes gens et que ce travail fût indispensable, je dirais : Il faut les payer et les payer suivant toute la valeur de leur travail. Mais il y a une chose qui me crève les yeux, c'est que nous avons beaucoup plus d'ingénieurs qu’il ne nous en faut ; nous n'avons pas besoin de recourir aux soins, à l'intelligence des jeunes gens de l'école des ponts et chaussées, pour que nos travaux soient convenablement conduits.

Je reconnais que j'étais dans l'erreur en disant que les travaux de campagne n'étaient pas obligatoires pour les élèves de l'école

Il est de fait qu'ils ne sont pas libres de ne prendre que l'instruction théorique ; ils doivent profiter des moyens qui leur sont offerts par le gouvernement. Mais, messieurs, théorique ou pratique, quand on veut suivre une instruction, on sait ce qu'elle doit coûter, on doit se résoudre à faire les sacrifices qu'elle exigera.

Certes, je ne veux pas écarter des éludes polytechniques les jeunes gens dont les parents, à cause de la modicité de leur fortune, ne peuvent pas faire les frais extraordinaires qu'elles nécessitent ; c'est pour cela que de grand cœur j'accorde l'indemnité allouée jusqu'à ce jour. Qu'on n'accorde l'indemnité qu'à ceux qui sont peu favorisés de la fortune et qui font preuve d'un mérite supérieur ; mais qu'on ne l'accorde pas à ceux qui ont de la fortune ou qui n'ont pas de chance de réussir, et surtout d'entrer dans le service public ; alors la somme votée jusqu'à ce jour suffira.

M. le président. - La parole est à M. de Mérode.

M. de Mérode. - L'honorable M. Brabant vient île faire valoir les observations que je voulais présenter.

M. d’Elhoungne. - Je demande la parole.

M. le président. - Vous avez déjà parlé deux fois ; je dois consulter la chambre pour savoir si elle vous accorde une troisième fois la parole.

- La chambre décide qu'elle entendra M. d'Elhoungne.

M. d’Elhoungne. - Je n'ai qu'une seule observation à développer.

L'honorable M. Brabant s'est trompé complétement sur la nature des services que les élèves de l'école du génie civil sont appelés à rendre sur les travaux de l'Etat. On ne les appelle pas sur ces travaux pour augmenter le nombre déjà très grand des ingénieurs, mais on les y fait passer par les fonctions les plus modestes ; et c'est précisément parce que ces (page 1514) élevés passent ainsi par les fonctions les plus modestes, qu'ils sont susceptibles de rendre à l'Etat des services pour lesquels ils remplacent des employés subalternes, mais salaries. Ainsi, l'honorable M. Brabant doit convenir que, bien loin qu'il y ait là ce motif évident et qui lui crèverait les yeux (selon son expression) de ne pas payer les élèves de l'école du génie civil, il y a précisément un motif d'équité de les indemniser.

Oui, messieurs, il y a précisément le motif que M. Brabant invoquait tout à l'heure, de les indemniser non seulement des dépenses qu'ils sont obligés de faire pour des voyages et des séjours dans des provinces éloignées de leur domicile, mais aussi à raison des services très réels qu'ils rendent.

Je pose en fait que les élèves envoyés sur les travaux ne remplissent pas les fonctions que devraient remplir d'autres employés déjà trop nombreux ; mais qu'ils y remplacent les fonctionnaires qui manquent à l'Etat, et par conséquent économisent pour l’Etat un nombre plus grand d'employés soit supérieurs, soit inférieurs.

Il est donc de toute justice, non pas de leur donner une rémunération, mais de leur rembourser au moins une partie des frais auxquels ils sont assujettis.

Je n'ai jamais demandé pour eux de rémunération ; mais j'ai dit que puisqu'ils n'avaient pas de rémunération, c'était une raison de plus pour les indemniser de leurs frais de route et de séjour. Peut-on exiger de ces jeunes gens, pour la plupart sans fortune, qu'ils se rendent sur les travaux où ils sont très utiles, et qu'ils fassent à leurs frais des voyages, qu'ils fassent à leurs frais un séjour prolongé en province ? Ne suffit-il pas qu'ils donnent à l'Etat tout leur temps, qu'ils lui consacrent leur travail et l'instruction qu'ils ont déjà acquise ?

« Mais, dit l'honorable M. Brabant, lorsque vous entrez à l'école, vous devez calculer d'avance ce que cela vous coûtera. » Messieurs, si les élèves sont obligés de payer des frais de déplacement, des frais de voyage, c'est précisément alors que leurs familles ne pourront plus calculer ce que coûtera leur instruction. Car elles ne pourront prévoir dans quelle ville, dans quelle province on enverra leurs fils, et dès lors aussi, les familles les moins aisées se trouveront placés dans l'impossibilité absolue de faire parcourir à leurs enfants la carrière polytechnique.

Messieurs, je fais un appel à vos précédents ; vous ne voudrez pas, pour une misérable somme de 6,000 fr., jeter la désorganisation dans un établissement qui a produit les plus beaux, les plus utiles résultats pour le pays. S'il s'agissait d'une grande économie, suffisante pour alléger les charges trop lourdes du contribuable, je concevrais l'instance qu'on apporte dans ce débat. S'il s'agissait de ces bourses universitaires et autres que l'on multiplie et qu'on donne le plus souvent à la médiocrité pour la refuser au mérite, je concevrais que la chambre voulût exercer un contrôle sévère. Mais ici il n'est pas question d'une faveur ; il s'agit d'une faible indemnité que l'on vous demande pour rembourser aux élèves de l'école du génie civil une partie des frais de voyage et de séjour auxquels ils sont obligés de se soumettre. Je ne pense pas, messieurs, que la chambre voudra réaliser, sur un article aussi évidemment justifié, aussi inattaquable, une misérable économie de 6,000 fr.

M. de Mérode. - Messieurs, on vous dit qu'une économie de 6,000 fr. est une misérable économie. Mais la somme que l'on donne est déjà, je crois, de 6,000 fr. cette somme a été accordée pour faciliter aux élèves qui n'ont que peu de fortune, pour lesquels militaient des circonstances particulières, le moyen de se rendre sur les travaux. Mais de ce que l'on donne 6,000 fr., il ne s'ensuit pas qu'il faille y ajouter six autres mille francs, et porter ainsi la dépense à 12,000 fr.

Comme vous l'a dit l'honorable M. de Man, tous les surnuméraires travaillent gratuitement pour l'Etat, et cependant lui rendent des services réels.

Lorsqu'un surnuméraire de l'enregistrement est envoyé pour occuper momentanément un bureau dont le titulaire est absent, il est payé ; mais s'il est employé à l'administration, il travaille gratuitement ; et cependant, je le répète, il rend des services ; car si les surnuméraires n'existaient pas, il faudrait des employés pour les remplacer.

Les aspirants du génie reçoivent de l'Etat l'instruction gratuite ; c'est déjà un très beau service que l'Etat leur rend ; de plus, un certain nombre d'entre eux reçoivent un traitement. Il me paraît, messieurs, que le génie civil coûte déjà assez cher sans que l'on augmente encore chaque année le crédit qui le concerne. Voyez combien nous dépensons pour les membres de ce corps, non seulement pour ceux qui restent dans le pays, mais encore pour ceux qui vont dans les pays étrangers. Et à l'égard de ces derniers, je ferai une observation ; leurs postes ici sont utiles ou ils sont inutiles ; s'ils sont inutiles, il faut les supprimer ; s'ils sont utiles, ils doivent être remplis ; il est évident qu'il faut mettre un autre à la place de celui qui s'absente, et c'est l'Etat qui paye tout cela.

On nous dit que c'est glorieux pour la Belgique ; c'est possible ; mais comme je vois qu'on n'emploie pour payer toutes ces dépenses que des bons en trésor, il m'est impossible d'accueillir une nouvelle augmentation de 6 mille francs, car, en définitive, c'est avec des bons du trésor que l'on payera encore ces 6 mille francs.

M. le président. - M. d'Hoffschmidt ayant demandé une troisième fois la parole, je consulte la chambre pour savoir si elle lui sera accordée.

- La chambre décide qu'elle entendra M. d’Hoffschmidt.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, j'ai demandé la parole, parce qu'il me semble qu'il importe, avant que la chambre émette son vote sur la réduction proposée, qu'on se rende bien compte de la position de la question.

Or, l'honorable comte de Mérode n'a pas apprécié d'une manière juste le montant du chiffre que reçoivent, dans l'état actuel des choses, les élèves de l'école du génie civil, lorsqu'ils se rendent sur les travaux. L'honorable comte pense qu'il y a déjà 6000 fr. alloués à cet effet. C'est une erreur. Comme nous l'avons dit déjà plusieurs fois, mais probablement l'honorable membre ne l'aura pas entendu, 3,280 fr. sont consacrés aux frais du jury d'examen. Il ne reste donc pour les 20 ou 25 élèves qui sont envoyés annuellement sur les travaux de l'Etat que 2,750 francs. C'est sur ce point que j'appelle surtout l'attention de la chambre.

On ne se rend pas non plus un compte exact de l'origine de cette indemnité.

Cette indemnité provient, non pas d'une proposition faite depuis quelques années par le département des travaux publics, mais elle trouve son origine dans les arrêtés sur l'école du génie civil.

Déjà l'arrêté organique de 1831 prescrivait l'envoi sur les travaux d'un certain nombre d'élèves de cette école. En second lieu, l'arrêté du 1er octobre 1838, contresigné par l'honorable M. de Theux, a déclaré qu'on pourrait accorder des indemnités à ces élèves pour frais de déplacement.

Il s'agit donc ici de payer surtout des frais de déplacement. On sait, messieurs, que parmi les élèves qui fréquentent l'école du génie civil, il y en a dont les familles ne sont pas en mesure de pouvoir faire de grands sacrifices ; plusieurs de ces élèves appartiennent même à des familles pauvres. Ainsi il y a un acte de justice de la part de l'Etat, lorsqu'il exige le déplacement de ces élèves, à les indemniser.

Or, qu'arrive-t-il si vous adoptez la réduction qui vous est proposée ? C'est que quelques élèves seulement reçoivent l'indemnité, que le plus grand nombre ne la reçoivent pas, et qu'ainsi les dispositions des arrêtés royaux ne reçoivent pas complétement leur exécution.

J'aurais trouvé plus rationnel de la part de la section centrale de proposer la suppression de l'indemnité, que de s'élever contre un chiffre qui aura pour résultat de mettre le gouvernement à même d'accorder une très légère indemnité à chaque élève qui se rendra sur les travaux. C'est surtout sur cette considération que j'appuie ; c'est que, dans l'état actuel des choses, il y a une inégalité choquante entre les élèves qui sont envoyés sur les lieux ; c'est qu'il y a même possibilité d'arbitraire, puisque ceux qui reçoivent l'indemnité sont désignés par les ingénieurs ; aussi chaque année des plaintes à cet égard sont adressées au département des travaux publics. Vous comprenez que soit des élèves, soit même leurs familles, ne peuvent pas admettre une décision qui les prive de l'indemnité et qui favorise leurs condisciples.

Chacun croit mériter mieux l'indemnité que l'autre. C'est pour éviter que cela ne se répète encore qu'on a proposé d'allouer un crédit en proportion avec le nombre de ces jeunes gens qui se rendent sur les travaux.

Je ne reviendrai pas sur les considérations qui ont été si bien développées par l'honorable M. d'Elhoungne ; mais j'insiste, avec lui, sur la faible quotité de l'indemnité dont il s'agit, et sur la considération que mérite notre corps des ponts et chaussées.

On peut bien peut-être signaler quelques abus dans le service des ponts et chaussées. Mais n'oublions pas que ce corps fait l'honneur du pays dans toute l'Europe.

Demandez aux voyageurs qui ont parcouru l'Europe si ce n'est pas surtout par ses travaux publics que la Belgique est connue et respectée. Et d'un autre côté, combien de relations utiles au pays ne sont-elles pas dues à la présence de nos ingénieurs dans les pays étrangers ?

Nous faisons des dépenses considérables pour avoir des consuls dans l'intérêt de notre commerce. Mais nos ingénieurs rendent au pays les mêmes services.

Nous ne devons donc pas chercher à économiser une aussi faible somme que celle dont il s'agit, lorsque nous reconnaissons l'importance de cette école, où se recrutent des talents qui font tant d'honneur à leur pays.

-La discussion est close.

M. le président. - M. Rogier vient d'envoyer au bureau la proposition suivante :

« Il est interdit aux agents de l'administration de participer à toute société, entreprise, exploitation quelconque, qui se trouverait soit en concurrence avec les chemins de fer et canaux de l'Etat, soit directement intéressée à des travaux dont lesdits agents auraient la direction ou la surveillance. »

J'accorderai tout à l'heure la parole à M. Rogier pour développer cette proposition.

- Sur la proposition de M. Osy, il est proposé au vote par division.

Littera A traitement des ingénieurs et conducteurs, frais de bureau et de déplacement, indemnités et dépenses éventuelles.

Le chiffre 451,800 proposé par le gouvernement est mis aux voix et rejeté après une épreuve douteuse.

Le littera A est adopté avec le chiffré de 443,100 proposé par la section centrale.

Littera B frais des jurys d'examen de l'école du génie civil. Voyages des élèves.

Le chiffre de 12,000 fr. proposé pour ce littera par le gouvernement est mis aux voix par appel nominal.

Voici le résultat du vote :

Nombre de votants, 61.

49 membres votent pour l'adoption.

(page 1515) 12 votent contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l'adoption : MM. Henot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos, Lys, Malou, Mast de Vries, Orban, Orts, Pirson, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Troye, Van Cutsem, Verhaegen, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Anspach, Biebuyck, Cans, Clep, d'Anethan, David, de Baillet, de Bonne, Dechamps, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Lannoy, Delehaye, Delfosse, d'Elhoungne, de Muelenaere, de Naeyer, de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny et Goblet.

Ont voté contre : MM. Huveners, Osy, Sigart, Simons, Van den Eynde, Vandensteen, Brabant, de Foere, de Man d'Attenrode, de Mérode, Eloy de Burdinne et Liedts.

L'ensemble de l'article 48 est adopté avec la réduction admise au littera A.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Comme, dans la discussion de l'article qui vient d'être adopté, on a critiqué la position de l'ingénieur Kummer à la société de Postel, je crois devoir donner communication à la chambre de la lettre que je viens de recevoir de ce fonctionnaire.

Elle est ainsi conçue :

« Monsieur le ministre,

« En acceptant les fonctions honorifiques d'administrateur de la société anonyme du domaine de Postel, je n'ai été guidé par d'autres considérations que celles d'être utile, de prêter mon concours au défrichement des bruyères appartenant à des particuliers, simultanément avec les bruyères communales ; en vue enfin de la fertilisation du sol de la'Campine, la plus prochaine et en même temps la plus complète possible..

« Guidé par ces seules considérations lorsque j'ai accepté la position d'administrateur, je ne puis plus la vouloir, dès le moment où elle fait l'objet de quelque critique de la part de membres de la chambre des représentants.

« Veuillez donc, M. le ministre, agréer ma démission desdites fonctions d'administrateur de la société anonyme du défrichement du domaine de Postel.

« L'ingénieur en chef en service spécial,

« Kummer. »

Plusieurs membres. - Bien ! très bien !

M. Rogier. - La lettre qu'on vient de lire me met parfaitement à l'aise quant à la proposition que j'ai déposée sur le bureau. J'éprouvais quelque répugnance à présenter, même au nom de l'intérêt général, une proposition qui pouvait paraître avoir un but plus ou moins personnel. Maintenant que l'ingénieur dont il s'agit a compris lui-même la convenance de décliner la mission que M. le ministre de l'intérieur lui avait offerte, qu'il lui avait peut-être en quelque sorte imposée, la proposition que j'ai l'honneur de faire est complétement dépouillée de toute apparence de question personnelle. Sous ce rapport, je crois qu'elle doit être à plus forte raison adoptée par la chambre.

Si la proposition reste sans effet quant au passé, elle préviendra pour l'avenir les abus qu'on a cru devoir signaler. J'y persiste donc, et je demande maintenant à la chambre d'en délibérer sans aucune préoccupation de personne.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je crois devoir relever une expression qui est échappée à l'honorable membre. Il dit que M. l'ingénieur Kummer a reconnu la convenance de donner sa démission. C'est dire qu'il y aurait eu une sorte d'inconvenance à accepter. Or, je suis convaincu que M. Kummer n'a reconnu en aucune manière une inconvenance dans son acceptation. Mais il a pensé que le mandat gratuit et honorifique qui lui avait été donné devenant l'objet de critiques, il était bien libre de décliner la mission que je l'avais engagé à accepter.

Voilà la véritable position.

Pour mon compte, je ne désire qu'une chose, c'est que la société de défrichement de la Campine puisse trouver à remplacer M. Kummer d'une manière aussi convenable et aussi utile.

- Sur la proposition de M. le président, la discussion de cette proposition est renvoyée après la discussion sur les articles du tableau annexé au budget.

Article 48bis

« Art. 48 bis. Traitement et indemnité du personnel chargé de la surveillance des chemins de fer concédés. Chiffre proposé par le gouvernement : fr. 118,600 ; chiffre proposé par la section centrale : fr. 109,100. »

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, j'espère parvenir à assurer le service dont il est question ici avec la somme proposée par la section centrale ; je déclare donc me rallier à sa proposition.

M. Osy. - A cette occasion, je prendrai la confiance de rappeler que l'année dernière j'ai eu l'honneur de faire une proposition au sujet d'une recette analogue à la dépense dont il s'agit ici. La société concessionnaire du Luxembourg avait payé à l'Etat une somme de 75,000 fr. J'ai demandé que cette somme rentrât au trésor et que tous les fonctionnaires qui avaient travaillé au chemin de fer du Luxembourg fussent payés par le gouvernement dans la proportion de leurs services, mais sans que les 75,000 francs leur fussent attribués. Sur la demande de M. le ministre des finances, cette proposition a été renvoyée, il y a près d'un an, à l'examen de la section centrale. Je demande que cette section s'en occupe et que M. le ministre lui communique, moi présent, tous les renseignements nécessaires. J'espère que cette communication ne sera plus faite en mon absence comme la dernière fois.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Cette proposition a été renvoyée à la section centrale qui a examiné le projet de loi concernant le chemin de fer du Luxembourg. Lorsqu'elle jugera convenable de reprendre cette discussion, je me tiendrai à sa disposition pour lui fournir les renseignements dont elle croira avoir besoin.

Je ne me suis pas opposé à ce que l'honorable M. Osy assistât aux séances de la section centrale. J'y venais au même titre que l'honorable M. Osy, pour y donner des renseignements. Je n'étais pas plus que lui chargé de faire la police de la section centrale.

M. d’Hoffschmidt. - M. Dumont, qui préside cette section centrale, est absent. Je suis persuadé qu'à son retour il s'empressera de la convoquer. L'honorable M. Osy, auteur de la proposition, sera invité à se rendre à la séance ; cela ne peut pas souffrir de difficultés.

- L'article 48 bis est mis aux voix et adopté avec le chiffre de 109,100 francs proposé par la section centrale.

Chapitre III. Chemin de fer

M. Osy (pour une motion d’ordre). - Nous voici arrivés au chapitre III, chemin de fer. Je crois que, pour éviter toute confusion dans la discussion, on ferait bien d'avoir une discussion séparée sur les chemins de fer concédés et sur le chemin de fer de l'Etat.

M. Rodenbach. - Dans une discussion générale, on a le droit de parler sur ce qu'on veut. La proposition de l'honorable député d'Anvers n'est pas admissible ; elle est, d'ailleurs, contraire au règlement, et je pense qu'il n'en retirera aucun fruit ; au lieu d'avoir une discussion générale, il y en aura deux ; la proposition de l'honorable M. Osy nous fera perdre au moins une séance ; je combats formellement cette proposition pour gagner du temps.

M. de Garcia. - Messieurs, je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Rodenbach. La proposition de l'honorable M. Osy est inadmissible. Comment voulez-vous limiter la discussion générale, où l'on peut parler de tout ? Comment pouvez-vous tracer d'une manière absolue le cercle d'une discussion qui, par sa nature et nos usages, est indéfini, tellement indéfini, qu'à propos de travaux publics, on peut parler de toute autre branche de service public qui n'y a aucun rapport ? Comment, ensuite, séparer des choses qui sont connexes, telles que les concessions de chemin de fer, l'administration du chemin de fer, la construction du chemin de fer ? Vouloir dans la discussion diviser ces objets, ce serait, selon moi, rendre impossibles ou illusoires les devoirs de celui qui préside à nos discussions et doit les diriger ; à tout instant naîtrait la question de savoir si l'on se trouve dans le cercle de la discussion. Indubitablement, chacun de nous en argumentant prétendrait ne pas en sortir et les débats qui s'engageraient sous ce rapport, nous feraient perdre beaucoup plus de temps qu'on ne peut en gagner par la division proposée.

D'après ces considérations, je pense que la proposition de l'honorable M. Osy est réellement inadmissible.

M. de Mérode. - Messieurs, je crois qu'on peut diviser une discussion en deux parties et convenir qu'on discutera d'abord les chemins de fer qui concernent l'Etat, et ensuite ceux qui concernent les concessions. En suivant cet ordre, la discussion ira plus vite.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, je pense d'abord qu'on peut parfaitement diviser une discussion, de même qu'on peut diviser le vote ; le règlement ne s'y oppose nullement. Mais dans cette circonstance, il y a un motif de plus pour diviser le débat. Il est très probable qu'il s'ouvrira une discussion assez longue sur le projet du chemin de fer direct de Bruxelles à Gand ; je crois donc que pour l'intelligence de cette question si importante, la chambre ferait chose utile en adoptant la proposition faite par l’honorable M. Osy, et en permettant tout au moins une discussion séparée sur la question que je viens d'indiquer.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, les honorables préopinants qui demandent deux discussions générales, paraissent savoir ce qui sera dit dans la discussion ; car s'ils ne le savent pas, la division proposée est abstraite et insuffisante. Il faudra faire autant de discussions générales qu'il y a de questions. On en a indiqué deux, j'en citerai une troisième : c'est l'espèce de conseil d'Etat des travaux publics qui a été improvisé par l'honorable M. de Man. Evidemment si vous divisez la discussion générale du budget des travaux publics, vous devez faire à cette proposition l'honneur d'une nouvelle discussion générale.

Je crois que pour arriver au vote du budget des travaux publics, il faut rester dans les termes du règlement, avoir une discussion véritablement générale sur le chapitre du chemin de fer.

M. Lys. - Je renonce à la parole. M. le ministre des finances vient de dire ce que j'avais l'intention d'énoncer.

M. de Garcia. - Messieurs, je crois qu'il n'est guère nécessaire d'insister davantage sur la proposition de division faite par l'honorable M. Osy. Pourtant, je ferai observer que l'exemple cité par l'honorable député de Bastogne n'est pas heureux. Il invoque la question du chemin de fer direct de Bruxelles à Gand ; cet exemple, dis-je, n'est pas heureux, et il établit précisément la nécessité de ne pas diviser la discussion générale, comme l'a proposé M. le baron Osy, qui voudrait une discussion générale séparée sur les chemins de fer de l'Etat et sur ceux en concession ou à concéder. En effet, l'examen de cette question se rattache nécessairement autant aux chemins de fer de l'Etat qu'aux chemins de fer à concéder. Soit qu'il s'agisse de sa construction, soit qu'il s'agisse (page 1516) de ses effets, il faudra nécessairement examiner la question sous un double rapport et voir s'il y a lieu de faire construire cette voie nouvelle aux frais de l'Etat ou par voie de concession. Mais toujours est-il qu'il faudra voir cet objet au double point de vue que je viens de signaler.

- La proposition de M. Osy n'a pas de suite.

La séance est levée à 4 heures et demie.