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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 22 mars 1847

(Annales parlementaires de Belgique, session 1846-1847)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1249) M. Huveners fait l'appel nominal à une heure et un quart.

M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Pasque demande l'institution d'un conseil supérieur de milice, et exemption du service militaire pour ses deux fils Isidore et Henri. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion relative au voie définitif du projet de loi modifiant la législature sur la milice. »


« Les sieurs Mathieu et Beckert, maréchaux de logis de gendarmerie, réclament l'intervention de la chambre pour obtenir le payement de leur boni de la masse d'habillement et de fourrage en leur qualité de maréchaussées de la compagnie du grand-duché de Luxembourg. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Plusieurs ateliers d'Anvers et de Boom demandent le retrait de l'arrêté qui accorde le transport gratuit sur les chemins de fer de l'Etat, des céréales et autres denrées alimentaires. »

- Même renvoi.

Composition des bureaux de section

Les sections de mars se sont constituées comme suit :

Première section

Président : M. Lejeune

Vice-président : M. de Corswarem

Secrétaire : M. de Breyne

Rapporteur de pétitions : M. Clep


Deuxième section

Président : M. Osy

Vice-président : M. Dubus (aîné)

Secrétaire : M. Lesoinne

Rapporteur de pétitions : M. Vanden Eynde


Troisième section

Président : M. de Garcia

Vice-président : M. de Lannoy

Secrétaire : M. Veydt

Rapporteur de pétitions : M. Loos


Quatrième section

Président : M. Fleussu

Vice-président : M. Sigart

Secrétaire : M. de Roo

Rapporteur de pétitions : M. A. Dubus


Cinquième section

Président : M. Mercier

Vice-président : M. Lange

Secrétaire : M. de Villegas

Rapporteur de pétitions : M. Zoude


Sixième section

Président : M. de Mérode

Vice-président : M. Wallaert

Secrétaire : M. Van Cutsem

Rapporteur de pétitions : M. Pirmez

Rapports sur des pétitions

M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, vous avez renvoyé à voire commission d'industrie l'examen d'une pétition par laquelle le sieur Denis Crayen réclame la restitution d'une partie du droit qu'il a payé à l'entrée de certaine quantité de bois de cèdre en septembre 1844.

Le pétitionnaire fonde sa demande sur le texte de la loi du 21 juillet 1844, qui frappe du droit de 50 c. par 100 kil. le cèdre introduit du lieu de provenance par navire national.

Mais, par suite, dit-il, d'une instruction particulière, inconnue des contribuables comme de la législature, et qui aurait été copiée des instructions françaises qui n'ont jamais été mises en vigueur, ce bois a été considéré comme acajou femelle ou cèdre odorant, et soumis, comme bois d'ébénisterie, au droit de fr. 1 50.

Cependant l'administration, mieux instruite, décida, à la suite de plusieurs réclamations, qu'il y avait lieu d'assimiler le bois d'acajou femelle, cèdre odorant, au cèdre ordinaire, quant au droit d'entrée.

Fort de cette décision, le pétitionnaire réclama le remboursement de son trop payé ; mais il lui fut répondu que les instructions qui avaient été données pour la perception du droit étaient fondées au point de vue de la légalité, et que les dispositions qui avaient été prises depuis ne stipulant que pour l'avenir, il n'y avait pas lieu de donner h cette mesure un effet rétroactif.

Cependant la loi, en employant le mot « cèdre », s'est servie d'une expression générique, qui devait être applicable à toutes les espèces de cèdres, odorant ou non ; et, à cet égard, aucune distinction n'a été établie dans la loi, ni dans les discussions qui l'ont précédée.

Mais, dit M. le ministre, l'administration a été amenée à faire connaître aux employés qu'il ne fallait pas confondre l'acajou femelle, cedrela odorata, avec le cèdre.

Mais où la loi ne distingue pas, est-il bien loisible au gouvernement de distinguer ? Et, à ce sujet, on a soulevé la question de savoir si le gouvernement n'avait pas empiété sur le pouvoir, législatif, soit lors de la première décision, qui a porté le droit à fr. 1 50, soit lors de la seconde qui l'a réduit à 50 centimes.

La majorité de la commission n'a pas voulu résoudre cette question, et, sans appuyer ni rejeter la pétition, elle a voté pour son renvoi pur et simple à M. le ministre des finances.

Telle est, messieurs, la conclusion que la commission d'industrie m'a chargé de vous présenter.

M. Osy. - Messieurs, l'objet dont il s'agit dans la pétition sur laquelle il vient d'être fait rapport, cet objet n'est pas important en lui-même, mais il s'agit d'un principe. Sous le ministère de l'honorable M. Mercier, lors de l'exécution de la loi sur les droits différentiels, on avait taxé les bois de cèdre comme les autres bois, à un taux beaucoup trop élevé ; les pétitionnaires avaient réclamé contre cette application de la loi, mais l’honorable M. Mercier n’avait pas cru pouvoir faire droit à leur réclamation ; sous le ministère de l’honorable M. Malou, on a trouvé que les pétitionnaires avaient raison, que le tarif avait été mal appliqué ; le gouvernement a décidé alors qu'à l'avenir ces bois payeraient un droit de... Maintenant le pétitionnaire dit qu'il est juste qu'on lui restitue ce qu'il a payé illégalement. Si le changement avait été fait par une loi, la loi ne pouvant pas avoir un effet rétroactif, ce qui avait été payé aurait été acquis au trésor, mais c'est le gouvernement qui a fait le changement par arrêté royal ; or, le gouvernement ne pouvait pas modifier la loi ; il a pu seulement décider que la loi avait été mal appliquée et dès lors ce qui a été perçu en trop doit être restitué.

Je demande donc que la pétition soit renvoyée non seulement à M. le ministre des finances, mais aussi à M. le ministre des affaires étrangères, qui. est chargé du commerce, et que le renvoi ail lieu avec demande d'explication.

- Cette proposition est adoptée.


M. Zoude, rapporteur. - Le conseil communal d'Ath demande une loi qui ordonne le recensement immédiat des denrées alimentaires existant dans le pays.

Plusieurs fabricants, négociants et ouvriers de la commune de Mozet demandent qu'on fasse le relevé des grains qui se trouvent dans le pays et qu'une loi en ordonne la vente.

Ces deux pétitions sur lesquelles vous avez demandé un prompt rapport, réclament de la chambre une mesure d'urgence, indispensable, disent les pétitionnaires, pour soulager la misère résultant du prix excessif des céréales ; cette mesure consiste dans un recensement général et immédiat de toutes les denrées alimentaires, d'où résulterait, dit le conseil communal de la ville d'Alh, que les populations seraient rassurées contre la crainte de la famine, parce qu'on acquerrait la preuve que les approvisionnements excèdent de beaucoup les besoins de la consommation, et qu'une baisse sensible aurait lieu bientôt sur les mercuriales de tous nos marchés.

La pétition de la commune de Mozet (Namur) va beaucoup plus loin, elle demande qu'après le recensement on ordonne la vente des céréales à un prix tel que la spéculation des accapareurs soit déjouée.

Votre commission déplore, avec les pétitionnaires, la profonde misère dans laquelle les classes les plus nombreuses de la population sont plongées, mais elle ne croit pas bien efficaces les moyens proposés pour y apporter du soulagement.

D'abord, les accapareurs qui sont signalés, comme spéculant particulièrement sur la misère du peuple, chercheront à se soustraire à l'indignation de leurs concitoyens, en cachant leurs grains, de manière à être à l'abri de toute recherche, même au risque de leur faire subir de l'altération, ce qui, au lieu de soulager, augmenterait encore la détresse ; il en serait de même de la plupart de ceux dont les approvisionnements ne surpassent guère les besoins, et à qui serait confiée la mission de déterminer la mesure de ces besoins, sans exposer ces individus à un effrayant arbitraire.

Et puis, quel est le négociant qui en présence d'une loi telle que celle que sollicitent les pétitions, oserait se hasarder de répondre à l'appel que le gouvernement fait au commerce pour lui faciliter l'introduction des grains étrangers auxquels il accorde la circulation gratuite par le chemin de fer, et lorsque cette protection vient d'être renforcée par la restitution des droits de tonnage, qui sera faite aux navires qui auront importé les denrées ?

Les mesures proposées par les pétitionnaires ont été certainement dictées par des sentiments d'une patriotique philanthropie ; mais leur exécution ne tarderait guère à faire éprouver à la Belgique les maux que la loi du maximum a fait peser sur la France.

Toutefois, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions au département de l'intérieur.

M. Lebeau. -Messieurs, je crois que les conclusions sur cette (page 1250) pétition sont très graves et je demanderai que le rapport soit imprimé. Je crois que c'est la première pétition de ce genre que nous recevions. Il s'agit de faire intervenir le gouvernement dans le règlement du prix des subsistances ; c'est une espèce de projet de loi de maximum, autant qu'il m'a été possible de saisir le sens de la pétition. Je craindrais que le renvoi, même sans discussion, à un département ministériel, n'emportât, aux yeux des pétitionnaires, une sorte d'acquiescement de la part de la chambre. Si j'avais quelque chose à proposer immédiatement ce serait l'ordre du jour ; mais je ne veux pas faire cette proposition ; je demande simplement que la chambre ne statue que lorsque le rapport aura été imprimé et distribué.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Quelle que soit la décision de la chambre, je ne la considérerai pas comme une invitation à donner suite à la mesure signalée par le pétitionnaire.


M. Zoude, rapporteur. - Le sieur Libert, fermier de la barrière n° 1, sur la roule de Jemeppe à HolIogne-aux-Pierres, réclame l'intervention de la chambre pour obtenir une indemnité du chef des pertes qu'il subit par suite du mauvais état de cette route, et demande que le gouvernement la fasse réparer.

Le pétitionnaire expose à la chambre qu'il éprouve un préjudice notable qu'il évaile même à 6 fr. 50 par jour, résultant du mauvais état dans lequel on laisse la route de Jemeppe à Hollogne-aux-Pierres. dont il occupe à ferme une des barrières principales ; que c’est en vain qu'il a appelé l'attention de l'administration des ponts et chaussées sur l'urgence des réparations à y faire, surtout que son état de dégradation est tel que les petits charretiers peu chargés l'abandonnent pour aller à travers champs, tandis que le gros roulage fait un long détour pour ne pas se risquer dans une route devenue presque impraticable.

Votre commission estime qu'il suffit de signaler cet état de choses à M. le ministre des travaux publics, pour qu'il y soit bientôt porté remède.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition au département des travaux publics.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Zoude, rapporteur termine en faisant rapport sur la requête du sieur Vanmuysewinckel, ancien militaire de l'empire, qui réclame l'intervention de la chambre pour obtenir les arrérages de sa pension.

La commission conclut au renvoi à M. le ministre des finances.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi relatif à l'augmentation du personnel du tribunal de première instance de Nivelles

Rapport de la section centrale

M. Jonet. - Messieurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la section centrale, relatif à l'augmentation d'un juge au tribunal de Nivelles.

- Le rapport sera imprimé et distribué ; la chambre en fixera ultérieurement la discussion.

M. Jonet, rapporteur. - Messieurs, à cette occasion, la section centrale a été saisie d'une pétition des avoués du tribunal de Nivelles qui demandent en premier lieu que la chambre adopte le plus tôt possible le projet de loi sur lequel je viens de déposer le rapport de la section centrale ; en second lieu, qu'on nomme un commis de plus salarié par l'Etat ; en troisième lieu qu'on révise le tarif des frais et dépens en matière civile.

La section centrale propose à la chambre de déposer cette requête pendant la discussion du projet de loi, et de renvoyer la pétition à M. le ministre de la justice pour le surplus.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. le président. - Messieurs, dans une séance précédente vous avez chargé le bureau de nommer une commission pour examiner le projet de loi relatif à l'aliénation de quelques biens domaniaux. Un projet de la même nature a été examiné dans une session antérieure par MM. Vilain XIIII, président, Sigart, Kervyn, de Brouckere, de Terbecq, Mast de Vries et de Villegas ; le bureau confirme cette commission dans ses fonctions, sauf qu'elle remplace M. de Brouckere, qui est indisposé, par M. Orts.

Projet de loi portant remise du droit de tonnage; interdiction de la distillation des pommes de terre et des fécules de pommes de terre

Discussion générale

M. le président. - La discussion générale s'ouvre sur l'ensemble du projet, tel qu'il a été amendé par le sénat.

M. Osy. - Messieurs, dans la séance de samedi, l'honorable M. Loos avait demandé la remise à aujourd'hui de la discussion du projet de loi amendé par le sénat. Je viens de recevoir une dépêche télégraphique qui m'annonce que malheureusement M. Loos a manqué le convoi. Il était nécessaire de motiver l'absence de cet honorable membre ; il aurait pu paraître extraordinaire que celui qui avait demandé l'ajournement de la discussion à lundi, ne se trouvât pas à son poste.

Nous devons regretter que cette loi ait dû être amendée au sénat. Si on nous avait laissé vingt-quatre heures pour l'examiner, cela n'aurait pas eu lieu. Il y a quinze jours que la loi nous a été présentée ; je n'avais entendu que les développements du ministre qui demandait qu'on accordât la remise du droit de tonnage à ceux qui mettraient des denrées alimentaires en consommation ; la rédaction de la loi était contraire aux développements du ministre. C'est là un précédent qui doit engager les ministres à nous laisser le temps d'examiner les lois ; il est vraiment fâcheux d'être obligé d'amender du jour au lendemain une loi aussi simple ; il aurait été si facile de rédiger la loi comme elle aurait dû être rédigée, sans qu'on fût obligé de la recevoir amendée des mains du sénat.

Messieurs, la loi amendée maintenant par le sénat, atteint le but que nous nous proposions, d'engager les importateurs à mettre le plus tôt possible en consommation les denrées alimentaires importées.

Il ne faut pas croire que cette loi soit si importante qu'on le suppose. J'ai entendu dire au sénat que le droit de tonnage équivalait à 1 franc par hectolitre. J'ai examiné la loi et j'ai trouvé que, pour les navires les moins favorisés, le droit était de 18 centimes par hectolitre.

Les navires les plus favorisés payent 45 cent, par an et par tonneau, qu'ils entrent une ou plusieurs fois ; les moins favorisés payent 1 fl. 50, ce qui fait 18 centimes par hectolitre. Vous voyez que c'est fort peu de chose.

Comme je le disais tout à l'heure, la manière dont la loi est rédigée est conforme à l'intention du gouvernement. Je l'appuierai. Cependant, s'il y avait eu une discussion, j'aurais demandé une faveur plus grande, car 18 centimes sont une faveur illusoire. Maintenant que la loi a déjà été votée au sénat, je crois qu'il convient de l'adopter telle qu'elle est présentée.

Je donne donc mon assentiment au projet de loi en exprimant le vœu qu'à l'avenir on nous donne le temps d'examiner les lois qu'on nous présente avant de nous demander de les voter. Je les examine pour le moment où on les met en discussion ; nous en avons tant que si nous les étudions avant, nous les aurions perdues de vue quand on en tiendrait à la discussion.

L'amendement introduit à l'article 3 ne fait que le rendre plus explicite ; il allait sans dire qu'en déclarant que les effets de la loi pourraient être prorogés, on devait entendre : par le gouvernement.

- On passe à la discussion des articles.

Vote des articles et sur l’ensemble du projet

« Art. 1er. Les personnes qui, avant le 1er octobre 1847, déclareront pour la consommation des denrées alimentaires, obtiendront, au prorata des quantités, la restitution du droit de tonnage payé par les navires qui auront importé ces denrées. »

- Adopté.


« Art. 2. Jusqu'au 1er septembre 1847, il est interdit d'employer des pommes de terre où des fécules de pommes déterre pour la distillation.

« Toute contravention au présent article sera punie d'une amende de 500 à 1,000 fr.

« En cas de récidive, l'amende pourra être portée au double. »

- Adopté.


« Art. 3. Les effets de la présente loi pourront être prorogés, par le gouvernement, en tout ou en partie, jusqu'au 1er décembre 1847. »

- Adopté.


« Art. 4. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa publication. »

- Adopté.


Il est procédé par appel nominal au vote sur l'ensemble. Le projet de loi est adepte à l'unanimité des 54 membres qui ont répondu à l'appel. En conséquence il sera soumis à la sanction royale.

Ont répondu à l'appel : MM. de Renesse, Desmet, de Theux, de Tornaco, de T'Serclaes, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, Dubus (Albéric), Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Lys, Malou, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, d'Anethan, de Baillet, de Bonne, de Breyne, de Corswarem, Dedecker, de Garcia, de Haerne, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester, de Mérode et Liedts.

Projets de loi de naturalisation

La chambre adopte sans discussion les projets de loi suivants :

« LÉOPOLD, Roi des Belges, A tous présents et à venir, salut.

« Vu la demande du sieur Jean-Henri Hartz, capitaine en second de navire de commerce, à Gand, né à Marne (Danemark), le 25 décembre 1809, tendant à obtenir la naturalisation ordinaire ;

« Attendu que les formalités prescrites par les articles 7 et 8 de la loi du 27 septembre 1835 ont été observées ;

« Attendu que le pétitionnaire a justifié des conditions d'âge et de résidence exigées par l'article 5 de ladite loi ;

« Les chambres ont adopté et nous sanctionnons ce qui suit :

« Article unique. La naturalisation ordinaire est accordée audit sieur Jean-Henri Hartz. »

- La formule qui précède est applicable à chacune des demandes des sieurs :

Philippe-Gothard Bechtold, tapissier décorateur, né à Mayence (Hesse), le 14 mars 1818, demeurant à Liège.


Bernard-Woldemar Von Carlowitz, capitaine de première classe au premier régiment de chasseurs à cheval, né à Dresde (Saxe).


Eppe Pot, sergent à la compagnie sédentaire d'artificiers, né à Appingadam (Pays-Bas), domicilié à Huy.


Alexandre-Louis Cousin, chef de musique au 2ème régiment de ligne, né à Pau (France).


Chrétien-Guillaume Schirmer, musicien-gagiste au 2ème régiment de ligne, né à Kleinenhausen (Saxe-Weimar).


(page 1251) François-Barthélémy Ferrand, préposé de première classe des douanes, né à Saint-Zacharie (France), le 17 nivôse an X, demeurant à Groot-Brogel (Limbourg).


Jens-Jean Michaelsen, capitaine de navire, né à Morsum (Danemark), le 30 août 1800, domicilié à Anvers.


Jean-Christophe Schroder, chef de musique au 7ème régiment de ligne, né à Leyde (Pays-Bas).


Henri Jessen, ex-gendarme à cheval, pensionné et cabaretier, né à Susterzeel (Prusse), domicilié à Zoersel (Anvers).


Jacques-Antoine Karski, maréchal des logis au 3ème régiment d'artillerie, né à Lisakow (Pologne).


Isaac-Simon Kinsbergen, musicien-gagiste au 6ème régiment de ligne, né à Amsterdam (Pays-Bas).


Joseph Vinkelmeyer, musicien-gagiste, décoré de la croix en métal et de la médaille de bronze des Pays-Bas, au 6ème régiment de ligne, né à Flessingue (Pays-Bas).


Thomas-Alphonse Gillet, instituteur, né à Brandeville (France), le 2 septembre 1807, demeurant à Neerheylissem (Brabant).


George-Frédéric-Conrard Raupers, lieutenant d'infanterie pensionné, né à Ilten (Hanovre), domicilié à Liège.


Achille Charpiny, lieutenant au 8ème régiment de ligne, né à Paris (France).


Jean Deppé, garde d'artillerie de troisième classe, né à Groningue (Pays-Bas), le 15 février 1798.


Eugène-Barthélémy Baillet, sous-lieutenant au 1er régiment de chasseurs à pied, né à Bordeaux (France), le 7 octobre 1819.


Louis-Frédéric Dratz, sous-lieutenant au 1er régiment de ligne, né à Bâle (Suisse), le 27 juin 1811.


Adrien Tak, caporal au 5ème régiment de ligne, né à Oud-en-Nieuw-Gastel (Pays-Bas), le 11 février 1808.


Hipolyte-Louis-Georges de Wacquant, maréchal des logis chef au 9ème régiment de chasseurs à cheval, né à Villers-devant-Orval (Luxembourg), le 2 août 1815.


Antoine-Louis Fluc, gardien de première classe à la maison de force, né à Courrendlin (Suisse), le 23 mars 1792, demeurant à Gand.


Pierre-Ignace-Joseph Vaillant, employé comptable et teneur de livres, né à Lompret (France), le 4 mai 1807, demeurant à Bruxelles.


Jean Nuyens, soldat au 9ème régiment de ligne, né à Geldorp (Pays-Bas), le 30 mars 1815.


François Fuzelier, premier commis à l'administration du chemin de fer, né à Abbeville (France), le 31 décembre 1777, demeurant à Bruxelles.


Chrétien Van den Berck, professeur au collège communal, né à Uden (Pays-Bas), le 3 mai 1803, demeurant à Tongres.


Pierre-Philippe-Edouard-Natalie le Bouc de Beaudignies, propriétaire, né à Prague (Bohème), le 17 novembre 1794, demeurant à Cruybeke (Flandre orientale).


Edgard Neave, propriétaire, né à Londres, le 10 décembre 1810, demeurant à Gand.


Evrard Veldhuis, lieutenant au 1er régiment de ligne, né à Aalten (Pays-Bas), le 12 août 1797.


Charles-Joseph-Fortuné Sordelli, lieutenant au 4ème régiment d'artillerie, né à Milan, le 24 septembre 1800.


James Woods, chef d'atelier à la station du chemin de fer, né à Prescott (Angleterre), le 26 mars 1815, demeurant à Ans (Liège).


Thomas Stobbart, conducteur-constructeur à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Barnard-Castle (Angleterre), le 31 juillet 1799, demeurant à Malines.


Benoît Saltsherr, contrôleur à la manufacture d'armes de guerre du gouvernement, né à Culenborg (Pays-Bas), le 19 février 1791, demeurant à Liège.


Auguste-Joseph Lambelin, propriétaire et cultivateur, né à Ennevelin (France), le 2 nivôse an IV, demeurant à Pecq (Hainaut).


Joseph Krolikowski, professeur de langue allemande et de dessin, né à Przybïszewo (Pologne), le 11 janvier 1811, demeurant à Bruxelles.


John Robinson, chef d'atelier à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Bishop-Wearmouth (Angleterre), le 28 janvier 1809, demeurant à Liège.


Thomas Embleton, chef d'atelier à la station du chemin de fer à Tirlemont, né à Starnington (Angleterre), le 18 octobre 1800.


Paul Muller, employé à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Gerolstein (Prusse), le 11 floréal an XI, demeurant à Saint-Josse-ten-Noode (Brabant).


Paul-Ernest Feer, maréchal des logis au 2ème régiment d'artillerie, né à Canteleu (France), le 2 octobre 1824.


Harm-Henri Wagener, capitaine de navire, né à Grosholen (Hanovre), le 12 septembre 1790, domicilié à Anvers.


Teunis Douwes, capitaine de navire, né à Schiermonnikoog (Pays-Bas), le 1er mai 1789, domicilié à Anvers.


Chrétien Devries, capitaine en second de navire, né à Carolinen-Syhl (Hanovre), le 20 août 1814, domicilié à Anvers.


Joachim-Frédéric-Christophe Barckentien, capitaine de navire, né à Lubeck (Allemagne), le 7 août 1803, domicilié à Anvers.


Jean-Henri Kruse, capitaine en second de navire, né à Damme (Oldenbourg), le 25 février 1815, domicilié à Anvers.


Niels-Jean Falk, capitaine en second de navire, né à Bergen (Norwège), le 1er janvier 1792, domicilié à Anvers.


Clément Sahlfeld, capitaine de navire, né à Steinfeld (Oldenbourg), le 21 juillet 1810, domicilié à Anvers.


Bernard Vulhopp, capitaine de navire, né à Lohne (Oldenbourg), le 20 octobre 1817, domicilié à Anvers.


Hilderik Visser, capitaine en second de navire, né à Ditsum (Hanovre), le 7 novembre 1818.


Jean-Corneille Brarens, capitaine de navire en second, né à Oldsum ( Danemark), le 3 octobre 1813, domicilié à Anvers.


Otto-Albert Ninteman, capitaine de navire, né à Papenbourg (Hanovre), le 3 décembre 1808, domicilié à Anvers.


Jean-Herman Weyerts, capitaine de navire, né à Carolinen-Syhl (Hanovre), le 27 janvier 1813, domicilié à Anvers.


Michel-Chrétien Michaelsen, capitaine de navire, né à l'Ile de Sylt (Danemark), le 11 septembre 1787, domicilié à Anvers.


Eugène Le Bègue, surveillant des travaux de la Meuse, né à Nemours (France), le 18 fructidor an II, domicilié à Liège.


Antoine-Joseph-Louis Lacroix, commissaire de police, né à Bruxelles (Belgique) (a perdu la qualité de Belge pour avoir pris du service militaire à l'étranger), domicilié à Gand.


Benoit-Ernest Tahon, garde-convoi à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Quievrechain (France), le 4 janvier 1806, domicilié à ; Bruxelles.


Jean-Baptiste Ovide, sergent au 5ème régiment d'infanterie, né à Mézières (France), le 31 août 1816.


Gottlieb-Gottschalck Gluge, docteur en médecine, professeur à l'université libre de Bruxelles, né à Brakel (Prusse), domicilie à Saint-Josse-ten-Noode-lez-Bruxelles.


Philippe-Théodore Dassonville, employé à l'administration des chemins de fer de l'Etat, né à Lille (France), le 26 septembre 1795, domicilié à Malines.


Pierre-Alexandre Fournel, négociant teinturier, né à Paris, le 23 avril 1813, domicilié à Bruxelles.


Luc-Jean Dalleu, cultivateur et boulanger, né à Waalwyck (Pays-Bas), le 1er juillet 1814, domicilié à Poppel (Anvers).


Charles-Théodore Timm, capitaine de navire, né à Gosen (Prusse), le 17 août 1812, domicilié à Anvers.


Corneille Zoetelief, capitaine de navire, né au Texel (Pays-Bas), le 14 janvier 1799, domicilié à Anvers.


Martin-Charles Schmidt, capitaine de navire, né à Wolgast (Prusse), le 4 septembre 1805, domicilié à Anvers.


Jurgen-Frédéric Jepsen, capitaine de navire, né à Oldsum (Danemark), le 19 avril 1808, domicilié à Anvers.


Jean-Joachim Schulz, capitaine en second de navire, né à Stralsund (Prusse), le 19 mars 1803, domicilié à Anvers.


Dierk Stinze, capitaine de navire, né à Rahde (Hanovre), le 25 décembre 1791, domicilié à Anvers.


Jean Musing, capitaine en second de navire, né à Papenbourg (Hanovre), le 2 juillet 1814, domicilié à Anvers.


Adrien-Jacques Adriaansen, capitaine de navire, né à Zierikzee (Pays-Bas), le 8 avril 1804, domicilié à Anvers.


Nicolas Nolting, capitaine en second de navire, né à Embden (Hanovre), le 27 juillet 1817, domicilié à Anvers.


Diederich Stinze, capitaine de navire, né à Rahde (Hanovre), le 12 novembre 1816, domicilié à Anvers,


- Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble de ces projets.

55 membres répondent à l'appel nominal.

1 membre (M. Dumortier) s'abstient.

54 votent l'adoption.

En conséquence, ces projets sont adoptés ; ils seront transmis au sénat.

Les membres qui ont pris part au vote sont : MM. de Renesse, Desmet, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dolez, Donny, A. Dubus, Eloy de Burdinne, Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Le Hon, Lejeune, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Mercier, Nothomb, Orban, Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Sigart, Simons, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck, Cans, Castiau, Clep, d'Anethan, de Baillet, de Bonne, de Breyne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de Haerne, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meester.


M. Dumortier. - Messieurs, parmi les personnes auxquelles on vient d'accorder la naturalisation, il est des capitaines de navires, auxquels je n'aurais pas hésité à l'accorder, mais il y a aussi un grand nombre de fonctionnaires publics, et il m'était impossible de voter ainsi 70 ou 80 naturalisations eu faveur de fonctionnaires. Depuis quelques années nous avons accordé dix fois autant de naturalisations qu'on en avait accordé pendant toute la durée du royaume des Pays-Bas. On commence par donner des emplois à des étrangers, notamment dans l'administration des chemins de fer, et ensuite on se prévaut de leur nomination pour leur accorder la naturalisation. C'est une chose que je ne puis assez déplorer lorsqu'il est tant de personnes en Belgique qui sollicitent de petits emplois sans pouvoir en obtenir.

Je désirerais que M. le ministre de la justice voulût bien nous présenter un tableau des naturalisations qui ont été accordées depuis la révolution, et de celles qui l'ont été sous le royaume des Pays-Bas. Il est temps, messieurs, que nous mettions un terme à toutes ces naturalisations.

Projet de loi autorisant la prorogation du délai d'exécution du chemin de fer du Luxembourg

Discussion générale

(page 1252) M. Vandensteen. - Messieurs, le projet de loi qui nous est fourni porte sur un seul article du cahier des charges conclu entre la Société concessionnaire du Luxembourg. D'après le projet, il semblerait qu'il n'y eût que le seul article 12 qui contiendrait une clause de déchéance pour non-exécution de condition ; il n'en est cependant rien, car les articles 19 et 20 stipulent aussi la même garantie. L'article 19 porte : « Si dans le délai d'une année, à partir de la promulgation de la loi de concession, les concessionnaires n'ont pas commencé leurs travaux, ils seront par ce seul fait, et de plein droit, déchus de leur concession, sans qu'il soit besoin d'aucune mise en demeure quelconque ». Art. 20. « Les concessionnaires sont également déchus de tous leurs droits, si tous les travaux n'étaient pas complètement achevés endéans le délai fixé par l'article 12 et au vœu de cet article, comme aussi dans le cas où les travaux ne seraient pas à moitié terminés à l'expiration de la troisième année ». Je n'ai point à m'occuper de l'article 19, puisque les travaux sont commencés ; mais quelle sera la portée du dernier paragraphe de cet article dans le cas de prolongation qui est stipulé dans le nouveau projet en discussion ? Si je consulte le rapport de la section centrale, il semblerait que cette partie de l'article 20 ne recevrait aucune modification, car on ne parle que de l'article 12, on ne fait aucune mention de l'article 20. Il y est dit qu'en accordant à la Société la prolongation qui est demandée : « il ne sera porté atteinte à aucune des garanties homologuées par la loi du 18 juin 1846 et qui doivent conserver toute leur force. » Il est donc de toute nécessité que M. le ministre nous dise sur ce point sa manière de voir pour éviter toute difficulté par la suite. Le projet en discussion s'applique-t-il aussi bien à l'article 20 qu'à l'article 12 ?

M. Dumortier. - Messieurs, j'ai demandé la parole quand un honorable membre a parlé du chemin de fer de Jurbise. Mon but était d'apprendre du gouvernement où en sont les travaux de ce chemin de fer.

Dans les environs de Tournay on ne travaille nullement, et dans l'intérêt des classes ouvrières, ainsi que dans l'intérêt de la loi que nous avons votée, il importe que ces travaux soient poussés avec activité. Je désirerais savoir à quel point ils sont arrivés, et quand nous pourrons espérer de voir ce chemin de fer mis en exploitation.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, les cas de déchéance sont effectivement ceux qui ont été indiqués par l'honorable M. Vandensteen.

L'article 19 prévoit le cas où les travaux ne seraient pas entamés dans l'année à partir de la publication de la loi de concession. Les travaux sont entamés. Il s'ensuit que cet article ne peut plus recevoir son application.

L'article 20 prévoit la déchéance pour le cas où les travaux ne seraient pas à moitié terminés à l'expiration de la troisième année. Ce cas de déchéance doit être envisagé comme ayant été réglé, eu égard au temps accordé pour l'exécution.

Il me semble donc que la prorogation du délai fixé à l'article 20 doit être considérée comme étant la conséquence nécessaire et logique de la prorogation du délai d'exécution.

M. Nothomb. - Ce sera la sixième année.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Précisément ! Le délai d'exécution étant double, le terme de trois ans, fixé à l'article 20, doit être considéré comme étant également doublé.

L'honorable M. Dumortier a désiré savoir quel est le degré d'avancement des travaux du chemin de fer de Tournay à Jurbise. J'ai sous les yeux un rapport que j'ai reçu ce matin et où est indiqué le degré d'avancement de ces travaux. Je le comprendrai dans l'annexe au budget des travaux publics que je publierai pour faire droit à la demande que m'a adressée l'honorable M. Rogier à la dernière séance.

M. Osy. - Lors de la discussion du projet de loi relatif à la concession du chemin de fer du Luxembourg, je me suis, avec un honorable député de Liège, fortement opposé à l'article 47, qui interdisait de faire un chemin de fer très avantageux pour nos relations commerciales avec le Rhin (de Pepinster sur Trêves).

Cependant j'ai voté pour le projet de loi, parce que je voyais un avantage pour le pays à faire un chemin de fer de Namur à Arlon. Mais si l'on accorde une prorogation à la société du Luxembourg, peut-être aurait-on pu, en négociant, obtenir de faire tomber l'article 47, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de faire faire ce chemin de fer, dont la concession a été demandée par une société de Trêves.

J'engage le gouvernement à s'occuper, dans les négociations qui vont avoir lieu, de ce chemin de fer de Trêves.

Mais je ne puis donner mon assentiment au projet de loi ; je le trouve trop vague ; je ne puis accorder au gouvernement le droit de changer le cahier des charges.

L'article porte :

« Art. unique. Le gouvernement est autorisé, sous les garanties qui lui paraîtront nécessaires, à proroger le délai fixé par l'article 12 du cahier des charges de la société du chemin de fer du Luxembourg, sans toutefois que le terme puisse excéder dix ans. »

Il y avait, pour la construction du chemin de fer et du canal, un cautionnement de cinq millions. Mais il y avait également dans le cahier des charges une disposition d'après laquelle il fallait, pour que la restitution du cautionnement eût lieu, que les travaux exécutés représentassent une somme double du montant de ce cautionnement Or, le chemin de fer de Bruxelles à Wavre coûtera 10 millions. Lors donc qu'il sera exécuté, le cautionnement devra être restitué et vous n'aurez plus de cautionnement pour l'exécution du chemin de fer de Namur à Arlon.

Vous aurez, me dira-t-on, le chemin de fer de Wavre ; mais ainsi vous n'aurez rien ; la province de Luxembourg, qui désire le chemin de fer n'aura rien.

J'aurais désiré qu'au lieu du projet de loi on soumît à notre ratification une convention ; nous aurions pu apprécier les modifications apportées au cahier des charges et savoir si nous avions toutes garanties que le chemin de fer se fasse ; car, que le chemin de fer se fasse jusqu'à Wavre, je le répète, la province de Luxembourg n'y gagnera rien, car ce ne sera qu'un moyen de transport de la capitale vers Namur et pas plus loin.

Je pense donc qu'il serait préférable que le gouvernement fît avec la société un arrangement et qu'il soumît cet arrangement à notre ratification ; nous verrions alors s'il y a des garanties suffisantes pour avoir la certitude que le chemin de fer sera achevé. Il n'y a aucun péril en la demeure. Les 30 p. c. qu'on a demandés aux actionnaires suffiront à peine pour arriver jusqu'à Wavre : la construction de la route jusqu'à Wavre ne nous donne aucune garantie que le chemin de fer sera continué.

Je demande donc l'ajournement du projet de loi jusqu'à ce que le gouvernement ait fait une convention avec la société concessionnaire et ait soumis à notre ratification cette convention ; cette mesure rendra le gouvernement beaucoup plus fort vis-à-vis de la société ; elle est dans le véritable intérêt du Luxembourg, qui acquerra par là une certitude que le chemin de fer sera achevé.

Je suis persuadé que le gouvernement n'obtiendra pas l'assurance que 2 millions et demi (la moitié du cautionnement) seront laissés dans les caisses du gouvernement comme garantie de l'achèvement du chemin de fer. La société dira : « Vous avez le chemin de fer de Bruxelles à Wavre pour caution. »

Quant au canal de Meuse et Moselle, le terme est encore plus considérable que pour le chemin de fer. Quelle garantie le gouvernement aura-t-il que ce canal se fera ? Pour ma part, je ne vois aucune garantie pour la construction du canal et même pour le commencement des travaux du chemin de fer du Luxembourg.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je ne pense pas que l'article en discussion puisse donner au gouvernement le pouvoir de substituer en quelque sorte au cahier des charges actuel un autre cahier des charges. Cet article autorise uniquement le gouvernement à proroger le délai d'exécution, et de plus, il met, comme condition à cette prorogation du délai d'exécution, des garanties nouvelles ; par conséquent, il est impossible que cet article de loi conduise à modifier le cahier des charges d'une manière qui soit préjudiciable à l'intérêt général. Les modifications ne peuvent porter que sur deux points, sur la prolongation du délai d'exécution, et sur les nouvelles garanties à exiger ; hors de là, le cahier des charges doit être maintenu dans toutes ses dispositions.

L'honorable préopinant semble croire qu'une partie du cautionnement serait affectée au canal. C'est là une erreur. D'après le cahier des charges, annexé à la loi du 18 juin 1846, le cautionnement de 5 millions est affecté exclusivement au chemin de fer du Luxembourg. Si aujourd'hui on devait diviser ce cautionnement, en affecter une partie à une autre entreprise que celle du chemin de fer du Luxembourg, les garanties d'exécution de ce chemin de fer en seraient affaiblies.

Je pense qu'un cautionnement spécial pour le canal n'est pas nécessaire ; la société a engagé un capital considérable dans cette opération du canal de Meuse et Moselle ; il est impossible qu'après une avance aussi forte, cette affaire soit abandonnée. Je répète donc qu'un cautionnement pour le canal n'est nullement indispensable : ce cautionnement viendrait en déduction de celui du chemin de fer du Luxembourg. La disposition indiquée serait donc contraire au chemin de fer du Luxembourg ; de plus, ce serait une dérogation qui ne rentre pas dans les termes du projet de loi actuellement en discussion.

L'honorable M. Osy a indiqué un moyen d'augmenter les garanties d'exécution du chemin de fer luxembourgeois proprement dit, ce serait d'y affecter spécialement une partie du cautionnement. Eh bien, je puis donner l'assurance que c'est précisément ce qui sera fait ; le cautionnement, au lieu d'être affecté à l'entreprise dans son ensemble, sans aucune distinction, sera affecté, partie au chemin de fer luxembourgeois proprement dit, et partie au chemin de fer entre Bruxelles et Namur, de manière que le chemin de fer de Namur à Arlon aura des garanties qu'il n'a pas aujourd'hui.

M. Vandensteen. - Messieurs, je crois que si la proposition de l'honorable M. Osy était acceptée, elle serait très préjudiciable au chemin de fer du Luxembourg ; car évidemment c'est parce que cette société se trouve dans une position plus ou moins périclitante, qu'elle est venue demander au gouvernement un nouvel appui.

Demander, d'un autre côté, comme certains collègues semblent le désirer, que le cautionnement puisse être divisé et affecté à un travail qui ne se rattache que d'une manière indirecte au chemin de fer du Luxembourg, ce serait s'exposer à un refus de la part de la société, car ce serait modifier essentiellement le cahier des charges. Je veux dans l'intérêt du Luxembourg, pour être certain que les travaux se feront dans une province où la classe ouvrière a le plus grand besoin d'emploi, où des travaux de cette nature ne sont pas exécutés par le gouvernement ; je veux, dis-je, que le désir manifesté timidement par la section centrale, soit stipulé dans la loi, c'est-à-dire, qu'une partie du cautionnement soit affectée aux travaux du chemin de fer de Namur à Arlon ; de cette (page 1253) manière le Luxembourg aura une garantie réelle pour l'exécution de son chemin de fer auquel il a droit.

L'achèvement du chemin de fer de Bruxelles à Wavre vers Namur, n'est point pour moi une garantie d'exécution pour celui du Luxembourg ; et sur ce point encore je ne puis partager l'opinion de ceux qui me combattent.

Aussi, c'est pour ce motif que je veux faire stipuler une garantie, uniquement dans l'intérêt de la province de Luxembourg, c'est-à-dire pour la partie la plus chanceuse de la ligne, qui sans cela peut-être ne serait jamais exécutée.

M. d’Hoffschmidt. - J'ai toujours envisagé le projet de loi qui nous est soumis comme ne portant atteinte qu'à un seul article du cahier des charges ou plutôt à deux articles dont l'un est la conséquence de l'autre, c'est-à-dire que ce projet donne au gouvernement seulement la faculté de proroger le délai primitivement accordé pour l'exécution des travaux et de le porter à 10 ans, par conséquent de proroger également les diverses époques de déchéance établies dans la loi.

Ce qui a engagé la compagnie à demander que le délai de 5 ans fût porté à 10, c'est que, d'après le cahier des charges, si au bout de trois années elle n'avait pas exécuté la moitié de la ligne elle était exposée è voir proclamer la déchéance. Une de ces trois années est écoulée ; il lui restait deux années pour construire la moitié de la grande ligne qui lui est concédée. On conçoit facilement que, dans les circonstances financières qui pèsent sur l'Angleterre comme surtout l'occident de l'Europe, une telle menace pouvait faire une grande impression sur les actionnaires et les empêcher de continuer leurs versements.

Il fallait leur donner l'assurance que plus de latitude serait accordée à la compagnie concessionnaire. Voilà ce qui justifie la demande adressée au gouvernement. Et c'est là un acte de sagesse et de prudence de la part de la compagnie.

Du reste je ne pense pas que l'exécution de la partie productive de la ligne puisse compromettre la partie à exécuter dans le Luxembourg à laquelle nous devons principalement tenir. En effet, c'est pour provoquer l'exécution de cette partie de la ligne qui doit traverser le Luxembourg qu'on a accordé la concession de la section de Bruxelles à Wavre.

Si la compagnie n'exécutait que cette dernière section, elle ne remplirait pas la condition de la loi, elle ne remplirait ni le vœu du gouvernement, ni le vœu de la législature, ni surtout celui des Luxembourgeois ; elle ne serait pas dans les termes de sa concession. J'admets donc volontiers que M. le ministre, dans l'arrangement à conclure avec la compagnie, réserve une partie du cautionnement pour l'affecter à la partie de la ligne comprise dans le Luxembourg. Ce sera là une bonne mesure. D'après ce que vient de dire M. le ministre, il est disposé à imposer cette condition. Cette réponse doit donner, ce me semble, satisfaction à l'honorable M. Osy.

Je ne partage pas, messieurs, l'opinion émise par les honorables préopinants, que l'exécution et l'exploitation de la ligne de Bruxelles à Namur ne serait pas une garantie de l'exécution de la partie allant de Namur à Arlon, Je considère que, si la société du Luxembourg, de commun accord avec celle de Louvain à la Sambre, parvient, malgré des circonstances difficiles, à mettre en exploitation, d'ici à peu d'années, la ligne de Bruxelles à Namur, on aura l'assurance à peu près positive d'obtenir l'exécution de la partie traversant le Luxembourg.

En effet, messieurs, ce serait d'abord une preuve nouvelle de la solidité de la compagnie. Si cette compagnie, au bout de quelques années, peut mettre en exploitation une ligne aussi importante, c'est une preuve de force et du bon vouloir de ses actionnaires. Ces actionnaires déjà engagés ainsi dans une entreprise aussi importante rapportant un revenu considérable ; ces actionnaires, dis-je, ne feront plus de difficulté de verser la totalité de leurs actions. Il ne feront certes pas la faute d'abandonner une propriété aussi importante que la ligne de Bruxelles à Namur. D'ailleurs cette section, d'après le cahier des charges, devient un gage pour l'achèvement de toute la ligne. Loin de voir donc dans l'exécution de cette section un indice de l'abandon de la ligne du Luxembourg, je verrais, au contraire, une puissante considération pour l'achèvement de tout le chemin de fer concédé.

Il est d'autres considérations qui me donnent le plus grand espoir que nous verrons cette partie du pays traversée par un chemin de fer. Si nous examinons ce qui se passe au centre de l'Allemagne, nous voyons de toutes parts se construire des chemins de fer se dirigeant vers le Rhin. Je lisais dernièrement encore dans la Gazette d'Augsbourg que le gouvernement autrichien exécute la ligne de Vienne vers Trieste, avec beaucoup d'ardeur et qu'il a décidé qu'un embranchement partant de cette ligne, à Bruck, serait construit vers Munich par Salz-Beeren.

De Munich à Augsbourg le chemin de fer est en exploitation ; et Augsbourg ne tardera pas à être relié à Stuttgard par Ulm, Stutlgard et Hanheim.

Quand le chemin de fer sera terminé entre Trieste et Vienne, on pourra se rendre de Trieste à Hambourg par voie ferrée, et de Trieste à Manheim par la ligne que j'ai indiquée. Cette ligne sera la plus directe du cœur de la Belgique et de l'Angleterre pour se diriger sur le centre de l'Allemagne, la Bavière et la mer Adriatique. Dès lors, le chemin de fer à travers le Luxembourg est décidé, car il est impossible de croire qu'on laissera subsister une lacune dans une communication d'une si haute importance. Craindrait-on la longueur du chemin de fer du Luxembourg ? Mais on en construit de plus étendus et de plus coûteux dans ce moment. La ligne traversant le Luxembourg a, de Namur à Arlon, une étendue de 27 lieues. Le chemin de Paris à Strasbourg aura 120 lieues, coûtera 200 millions et traversera des pays moins importants moins populeux et aussi accidentés que le Luxembourg. La concession n'est que de 41 ans. On m'objecte les difficultés de terrains, mais l'art de la construction et de l'exploitation des chemins de fer a fait d'immenses progrès.

On croyait naguère qu'on ne pouvait construire de chemin de fer qu'avec une pente de cinq millimètres par mètre ; par suite des perfectionnements introduits dans la construction des locomotives, on peut gravir maintenant une pente au moins de 20 millimètres par mille, et il est probable qu'on ira plus loin, de sorte que les pays de montagnes n'offrent plus d'obstacles insurmontables aux chemins de fer. Il est encore une autre circonstance favorable au chemin de fer du Luxembourg : c'est que la Sardaigne fait des travaux et des démarches tendant à avoir une ligne de chemins de fer vers Stuttgard et le Rhin, qui se relierait naturellement à la ligne du Luxembourg. Du moment où ces lignes seront construites, je ne comprends pas pourquoi on ne ferait pas un chemin de fer dans le Luxembourg, comme on en fait dans toute l'Europe.

On pensait naguère que les chemins de fer ne devaient relier que les villes importantes et avoir peu d'étendue. Il s'en crée maintenant partout, au point qu'ils tendent à remplacer les routes ordinaires. On a eu raison de le dire : Les chemins de fer belges ne sont plus qu'une section des chemins de fer européens.

Le chemin de fer du Luxembourg sera donc inévitablement construit dans l'avenir ; et si la compagnie concessionnaire ne le faisait pas, une autre le ferait. Mais j'ai confiance dans les hommes importants, loyaux et éclairés qui sont à la tête de la compagnie. Je suis convaincu que ce n'est qu'à la dernière extrémité qu'ils abandonneraient l'entreprise. Mais il faut aussi que le gouvernement leur accorde des facilités et que dans les circonstances financières où nous sommes on leur donne le temps d'exécuter leur grande entreprise. C'est dans ce sens, quant à moi, que j'adopterai le projet qui nous est soumis. Or, nous sommes évidemment les plus intéressés, nous autres Luxembourgeois, à ce que le chemin de fer s'exécute et à ce qu'il s'exécute le plus promptement possible. Mais je suis parfaitement de l'avis d'un honorable membre que nous avons entendu dans la séance de samedi : c'est qu'on ne doit pas se borner dans tous les cas à la section de Bruxelles à Namur, mais qu'on doit par tous les moyens possibles obtenir l'exécution de la section de Namur à Arlon.

M. Nothomb. - Messieurs, je crois qu'il faut saisir cette occasion pour réparer ce que j'appellerai une faute du cahier des charges annexé à votre loi du 18 juin 1846.

D'après l'article 18 de ce cahier des charges, le cautionnement est stipulé sans division, de manière qu'on peut l'imputer en entier, comme l'a très bien fait remarquer l'honorable M. Osy, sur la ligne de Bruxelles à Namur. Comme cette ligne doit coûter à peu près 10 millions, et que le cautionnement doit être remboursé à raison du double des travaux exécutés, vous voyez que les concessionnaires pourraient rentrer dans leur cautionnement de 5 millions en faisant la ligne d'ici à Namur, sans s'occuper de la ligne de Namur à Arlon. Ceci est incontestable.

C'est une faute qui se trouve dans le cahier des charges. Je crois tout au moins qu'il faudrait partager le cautionnement et en reporter une partie sur la ligne de Namur à Arlon. M. le ministre des travaux publics vous a déclaré que telle était son intention. Nous pourrions nous contenter de cette assurance. Cependant si l'on veut aller plus loin, on pourrait insérer dans la loi un paragraphe portant que les deux cinquièmes au moins du cautionnement versé en vertu de l'article 18 du cahier des charges annexé à la loi du 18 juin 1846, seront affectés à la ligne de Namur à Arlon.

Les deux cinquièmes, c'est-à-dire deux millions.

M. Osy. - Il faut mettre la moitié.

M. Nothomb. - J'étais d'abord aussi disposé à mettre la moitiés Mais je crois que dans l'état actuel des travaux, et surtout des achats de terrain, enfin que dans l'état des dépenses faites par les concessionnaires, ces deux cinquièmes équivalent à la moitié du cautionnement encore entièrement dans les mains du gouvernement. Si le gouvernement peut aller plus loin, je ne demande pas mieux ; mais je ne veux pas l'embarrasser ni rendre trop difficile la position de la compagnie.

Je ne partage cependant pas l'opinion de l'honorable M. Osy lorsqu'il vous dit que nous serions désarmés, si les concessionnaires se bornaient à faire la ligne de Namur à Wavre. Nous ne serions pas désarmés. La ligne de Namur à Wavre sert de caution réelle pour l'entreprise.

M. Osy. - C'est une autre société.

M. Nothomb. - Je désire précisément relever cette erreur de l'honorable membre, qu'il me pardonne l'expression, parce que je ne veux pas que les concessionnaires prennent le change sur mes intentions, sur les intentions du gouvernement et des chambres.

Les lignes de Namur à Arlon et de Bruxelles à Wavre forment un tout indivisible, à tel point que si la compagnie faisait la ligne de Bruxelles à Wavre, qu'elle en eût même commencé l'exploitation, et qu'il y eût lieu à déchéance pour la ligne de Namur à Arlon, il y aurait également déchéance pour la concession de la ligne déjà en cours d'exploitation de Bruxelles à Wavre. Je dois même dire que je consentirais très volontiers à laisser au gouvernement la plus grande latitude en ce qui concerne le cahier des charges, sauf sur un seul point sur lequel je me déclare intraitable, c'est la question de l'indivisibilité, de la non-disjonction de la ligne de Namur à Arlon d'avec la ligne de Bruxelles à Wavre. Je vois même là une garantie beaucoup plus forte que celle du cautionnement.

(page 1254) Néanmoins, je me félicite de voir qu'on peut diviser le cautionnement, parce que j'ai une probabilité de plus qu'on travaillera entre Namur et Arlon. Mais je le déclare, que les concessionnaires ne se fassent pas illusion ; ils doivent savoir dès aujourd'hui qu'ils trouveront le gouvernement, qu'ils trouveront les chambres inébranlables sur ce point ; s'ils font la ligne de Bruxelles à Wavre, et s'ils pouvaient même laisser le montant de la caution des deux millions reportée désormais sur la ligne de Namur à Arlon sans emploi, il en résulterait que nous aurions à offrir aux concessionnaires futurs qui se présenteront, et il s'en présenterait : 1° la ligne achevée de Bruxelles à Wavre, et 2° la caution de deux millions affectée désormais à la ligne de Namur à Arlon. On pourra dire que c'est là une clause rigoureuse. Mais nous en prévenons dès à présent les concessionnaires.....

M. de Garcia. - C'est le contrat.

M. Nothomb. - C'est la loi du contrat, et l'on ne pourrait accuser le gouvernement et les chambres d'user de rigueur, car c'est un grand sacrifice que l'Etat belge a consenti à faire. On avait d'abord demandé la concession de la ligne de Namur à Arlon isolément. On a ensuite reconnu que cette ligne ne serait peut-être pas financièrement possible. On s'était en quelque sorte trop avancé. On a alors demandé que le chemin de fer ne fût pas un chemin de fer de Namur à Arlon, mais que ce fût un chemin de fer de la capitale de la Belgique à Arlon.

C'est ainsi que le projet primitif a été changé, agrandi et amélioré au profit de la compagnie,

L'Etat belge a fait un grand sacrifice en consentant à la concession de la ligne de Bruxelles à Wavre ; mais c'est en considération de la ligne de Namur à Arlon que nous avons consenti à ce sacrifice.

Plusieurs membres. - C'est évident.

M. Nothomb. - Dès lors, que tout le monde en soit prévenu. Si les concessionnaires se bornent, contre toute attente, à faire le chemin de fer de Bruxelles à Wavre, ils seront déclarés déchus, et ce chemin de fer deviendra avec la caution spéciale la subvention que l'on donnera à la compagnie nouvelle qui se chargera du chemin de fer de Namur à Arlon resté sans exécution de leur part.

M. le président. - Voici un amendement déposé par MM. Orban, Osy et Vandensteen :

« Ajouter à l'article du projet les mots : Et sous la réserve que la moitié du cautionnement sera spécialement affectée à la partie du chemin de fer entre Namur et Arlon. »

M. Nothomb propose l'amendement suivant :

« Les deux cinquièmes au moins du cautionnement versé en vertu de l'article 18 du cahier des charges annexé à la loi du 18 juin 1845 seront affectés à la ligne de Namur à Arlon. »

- L'amendement de M. Nothomb est appuyé.

La parole est à M. Orban pour développer l'amendement qu'il a présenté conjointement avec MM. Osy et Vandensteen.

M. Orban. - L'honorable M. Nothomb vous a déjà développé les motifs qui militent en faveur de l'amendement qui vient d'être déposé par lui et qui, à la quotité de la somme près, est le même que celui que nous vous proposons avec les honorables MM. Osy et Vandensteen.

Mais je crois que ces motifs, il les a atténués et donnés d'une manière incomplète. Ainsi, messieurs, l'honorable membre pense que l'exécution de la partie du chemin de fer entre Bruxelles et Wavre serait une garantie suffisante pour l'exécution de la ligne entière, quand bien même le cautionnement total serait affecté à la première de ces sections, parce que, dit-il, si cette dernière est exécutée et qu'elle le soit seule, la société se trouvant en demeure de remplir toutes ses obligations, on pourrait faire de cette portion de chemin de fer achevée, la prime à accorder à la société qui se porterait concessionnaire pour la ligne de Namur à Arlon.

Mais évidemment c'est raisonner dans la supposition qu'une nouvelle société se présenterait et consentirait à exécuter avec cette prime le chemin de fer de Namur à Arlon. Or, je dois le dire, cette garantie ne me paraît pas rassurante. Autre chose est d'avoir une prime en réserve à donner à une société qui se porterait concessionnaire, si la société première n'exécutait pas cette partie du chemin de fer ; autre chose est d'affecter dès à présent une portion de ce cautionnement et du capital social aux travaux de cette section.

Une fois commencée par la société actuelle, nous avons la chance de la voir achevée. Nous n'avons pas la chance de voir une nouvelle société se constituer pour l'entreprendre, quelle que soit la prime qu'on lui offre.

Voilà en quoi la réserve d'une partie du cautionnement est une garantie supérieure à l'exécution de l'une de ses sections.

Sous un autre rapport, la réserve d'une partie du cautionnement me paraît tout à fait nécessaire. Sans cela, la somme de 5 millions destinée à garantir l'exécution d'une ligne qui doit coûter 30 millions, deviendrait applicable à une faible portion de cette ligne, que l'on exécuterait la première et peut-être seule, parce que, d'une part, elle est de beaucoup la plus avantageuse, et que, de l'autre, elle permettrait à la société de rentrer dans la disposition entière de la somme déposée. De cette manière, vous arriveriez à cette conséquence, que la ligne de Namur, concédée comme prime, en quelque sorte, pour l'exécution de celle du Luxembourg, serait seule réalisée.

Au surplus, l'adoption de cet amendement n'apportera pas la moindre perturbation dans les affaires de la société. La société a déclaré à M. le ministre qu'elle était disposée à accepter cette condition. On peut donc la prendre au mot. Du moment qu'une déclaration semblable a été faite, je ne vois point de motif de ne pas en prendre acte dans la loi même.

J'aurais quelques mots à dire relativement au canal de l'Ourthe, affaire qui se lie au chemin de fer du Luxembourg ; mais je dois prévenir la chambre que je m'écarte ainsi de l'amendement proposé. (Parlez, parlez.)

Le sort de ce canal se rattache désormais à celui du chemin du fer de Luxembourg ; mais je dois le dire, des préoccupations trop exclusives en faveur du dernier lui ont enlevé la part de la faveur qui lui appartenait à juste titre. Puisque la chambre veut bien me le permettre, je rappellerai en peu de mots les antécédents de cette affaire.

Lorsque le projet de chemin de fer du Luxembourg a été pour la première fois demandé en concession, le ministre qui dirigeait à cette époque les travaux publics résolut de rattacher cette entreprise à un autre projet d'un intérêt non moins grand pour le Luxembourg, au canal de Meuse et Moselle.

Plusieurs concessionnaires s'étant présentés à la fois, M. le ministre des travaux publics résolut de donner la préférence à celle des sociétés qui consentirait, en même temps, à s'engager à exécuter le canal de Meuse et Moselle et à se substituer, à cet effet, à la société concessionnaire de ce canal. Cet engagement fut accepté par la société Clossman à laquelle la concession fut accordée. Dans la convention provisoire conclue à cet effet, non seulement la société prenait cet engagement et s'obligeait à se désister du pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour de Bruxelles, mais encore elle rendait son cautionnement applicable et au canal et au chemin de fer. Postérieurement on a changé ces dispositions et l'on a rendu le cautionnement exclusivement applicable au chemin de fer. Je ne sais si l'on doit approuver la marche qui a été suivie à cet égard. Je crois qu'on a fait la part du chemin trop large, et que l'on a négligé d'autres intérêts, non moins dignes d'attention.

La section centrale avait éveillé l'attention de la chambre à cet égard, et dans la discussion publique, lorsque l'honorable M. Lesoinne ayant demandé la parole pour développer un amendement dont le but était de rendre le cautionnement applicable en partie au canal conformément à la première convention provisoire, il lui fut répondu que c'était une chose entendue, que cela allait de soi. D'après cette déclaration qui, malheureusement, était sans fondement, l'honorable M. Lesoinne a renoncé à sa proposition, de manière qu'aujourd'hui, non seulement il n'y a pas de cautionnement spécialement affecté à l'exécution du canal, mais le canal est en dehors du cautionnement affecté précédemment aux deux entreprises.

Mais, messieurs, si nous sommes sans cautionnement pour cet important travail, nous ne sommes pas sans droits. Voilà ce que je veux rappeler à M. le ministre des travaux publics pour que lui-même ne le laisse pas oublier à la société.

La société doit savoir que, sous ce rapport, elle est obligée, en vertu d'un double titre, en vertu de l'arrêt de la cour de Bruxelles, qui a ordonné que cet ouvrage serait exécuté dans le terme de cinq ans, qui s'applique à la société du chemin de fer depuis qu'elle a assumé sur elle les obligations de l'ancienne société du canal, et en vertu de l'acte de concession du chemin de fer du Luxembourg lui-même, dont une des clauses lui impose l'obligation d'exécuter le canal de l'Ourthe.

S'il en est ainsi, je ne m'explique guère l'inaction de la société quant à l'exécution du canal ; car le délai dans lequel elle doit l'exécuter expire en 1848, et jusqu'à présent on n'a pas commencé les travaux bien qu'aucun obstacle sérieux ne s'y oppose ; car, à la différence du chemin de fer, toutes les études préparatoires sont faites depuis longtemps, et il n'existe aucune excuse pour avoir tant tardé à se mettre à l'œuvre.

J'ignore quelles démarches ont été faites, à cet effet, par le gouvernement ; mais je crains qu'il n'y ait eu de sa part une négligence compromettante pour le canal de l'Ourthe, et pour lui-même, et qu'il n'ait pas fait le nécessaire pour éclairer la société sur les obligations qui pèsent sur elle, et que, j'ai quelque raison de le croire, elle n'a jamais très bien comprises.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois devoir faire remarquer, en réponse à l'honorable M. Orban, qu'il y a eu deux conventions pour le chemin de fer du Luxembourg ; que la première supposait un cautionnement commun pour le chemin de fer et pour le canal et que, dans la dernière convention, le cautionnement a été affecté uniquement à l'exécution du chemin de fer. La raison de cette différence est que dans l'intervalle de la première convention à la seconde, la société du Luxembourg s'était substituée à l'ancienne société du canal de Meuse et Moselle et s'était désistée, envers le gouvernement, du procès pendant entre parties, de telle sorte que l'arrêt de la cour de Bruxelles était passé en force de chose jugée. C'est cette circonstance qui a motivé la modification dans la stipulation relative au cautionnement. La société avait déjà donné une garantie en ce qu'elle avait fait cesser le procès et en ce qu'elle avait consacré une forte partie de son capital à acquérir le actions de la société du canal de Meuse et Moselle ; il semblait donc qu'on pouvait, sans inconvénient, reporter tout le cautionnement sur le chemin de fer du Luxembourg, afin d'assurer d'autant mieux l'exécution de ce chemin de fer.

J'ai été le premier à faire remarquer, dans une précédente séance, que le délai d'exécution courait contre la société depuis 1844, et que dès lors la société se trouvait sous l'empire de circonstances très impérieuses. L'observation que j'ai faite ici, j'aurai soin de la faire aussi à la compagnie.

(page 1255) En terminant, messieurs, j'annonce à la chambre que je me rallie à l'amendement déposé par l’honorable M. Nothomb. J'ai la certitude d'obtenir de la société une stipulation conforme à cet amendement. S'il m'était possible d’obtenir que la division du cautionnement se fît d'une manière plus favorable à l'intérêt du chemin de fer du Luxembourg proprement dit, je m'empresserais d'accepter cette stipulation ; mais je n'ai pas de certitude à cet égard. Je désire donc que l'amendement de l'honorable M. Nothomb soit admis, de préférence à celui qui a été déposé par les honorables MM. Osy, Orban et Vandensteen.

M. Osy. - L'honorable M. Orban vous a dit, messieurs, pour quel motif nous avons proposé d'affecter au chemin de fer du Luxembourg un cautionnement spécial. Dans la discussion du projet de loi de concession, le gouvernement avait dit que le cautionnement de 5 millions était affecté au chemin de fer et au canal ; vous voyez aujourd'hui qu'il n'en est pas ainsi, que le cautionnement n'est affecté qu'au chemin de fer seul. (Interruption.)

Eh bien, messieurs, nous proposons d'affecter la moitié du cautionnement au chemin de fer de Namur à Arlon et ce n'est pas trop exiger puisque ce chemin coûtera 40 millions, tandis que la section de Bruxelles à Wavre ne coûtera que 10 millions.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, d’après la convention primitive conclue avec la société concessionnaire et approuvée par la chambre, le cautionnement en entier est affecté au chemin de fer. Quant à moi, je crois que c'est là une bonne mesure. Je pense que le canal s'exécutera sans cautionnement, c'est-à-dire qu'il n'est pas nécessaire de la garantie d'un cautionnement pour amener l'exécution du canal. D'abord, messieurs, remarquez que la société nouvelle se trouve tout à fait dans la même position où se trouvait la société ancienne ; mais la société nouvelle a fait de grands sacrifices pour acheter les actions de la société ancienne, et elle a délivré le gouvernement d'un procès qui était pendant devant la cour de cassation.

Je considère aussi l'exécution du canal comme une bonne affaire ; je pense que cette voie de communication doit rapporter des bénéfices assez considérables, et c'est ce que la compagnie sait elle-même ; je regrette seulement qu'elle ait dû payer un peu cher le droit de se substituer aux anciens concessionnaires. Du reste, messieurs, la compagnie a déjà mis en adjudication une partie du canal de Meuse et Moselle, mais pourquoi cette adjudication n'a-t-elle pas eu de suite ? C'est parce que le devis estimatif, fait par des ingénieurs très capables, parmi lesquels se trouvait, je crois, M. Kummer, que ce devis a été dépassé par les soumissions, de plus du quart. Il est tout naturel que de semblables soumissions n'aient point été acceptées. Dans le moment actuel, de nouvelles propositions, beaucoup plus favorables, ont été remises à l'administration et, selon toute apparence, la première section du canal sera mise incessamment en adjudication, et on ne tardera pas à commencer les travaux.

Je crois donc, messieurs, que ceux qui attachent un intérêt tout particulier à l'exécution du canal ne doivent pas voir une cause de non-exécution dans la circonstance que le cautionnement tout entier a été reporté sur le chemin de fer. Ce qui prouve d'ailleurs que ces honorables membres n'attachent pas à ce point une très grande importance, c'est qu'ils ne viennent plus proposer d'affecter une partie du cautionnement au canal.

Je tenais, messieurs, à dire ces quelques mots, parce que l'honorable préopinant a paru blâmer ce qui a été fait dans les conventions conclues avec la société.

M. le ministre des travaux publics vous a déjà fait connaître les motifs qui ont guidé le gouvernement ; c’est l'importance et le haut intérêt pour le pays du chemin de fer de Namur à Arlon qui l'ont déterminé à reporter tout le cautionnement sur la voie ferrée.

Quant à l'amendement proposé par MM. Osy, Orban et Vandensteen, je le trouve fort utile et je m'y rallierais volontiers ; mais je crois que M. le ministre des travaux publics a été à même d'avoir des conférences avec les administrateurs de la compagnie lorsqu'il a été question de la présentation du projet, et comme il se rallie à l'amendement de M. Nothomb, je crois qu'il serait plus sage d'adopter cet amendement, auquel les honorables membres feraient bien de se rallier.

M. Lesoinne. - M. le ministre vient de nous dire que si la société ne commençait pas les travaux du canal de Meuse et Moselle, elle serait déchue de ses droits quant à cette partie de sa concession ; mais quant à l'exécution du canal, cela ne lui donne aucune garantie, la société serait déchue voilà tout, mais il ne resterait aucune somme comme compensation de la non-exécution du contrat ; s'il avait accepté les propositions de la compagnie, une certaine somme aurait été affectée à la garantie de l'exécution du canal. Les concessionnaires étaient d'accord pour distraire une somme de 500,000 fr., si je ne me trompe. Je ne sais pas pourquoi M. le ministre des travaux publics a jugé convenable d'affecter tout le cautionnement au chemin de fer.

La garantie de l'exécution des chemins de fer, si j'ai bien compris l'honorable M. Nothomb, n'est pas tant dans le cautionnement déposé que dans les travaux déjà exécutés ; c'est-à-dire qu'alors même que le chemin de fer de Bruxelles à Wavre serait construit, si la société n'achevait pas le chemin de Namur à Arlon, outre le cautionnement qui resterait alloué pour cette partie de son chemin de fer, elle serait obligée d'abandonner au gouvernement la ligne déjà construite par elle de Bruxelles à Wavre....

M. Nothomb. - Certainement.

M. Lesoinne. – Cette garantie est donc bien plus forte que celle du cautionnement, puisque cette ligne doit coûter 10 millions. M. le ministre aurait donc pu, sans inconvénient, distraire une partie du cautionnement pour la construction du canal. Je croyais même que cela avait été fait ; ainsi que l'honorable M. Orban vient de le rappeler, j'avais fait la proposition lors de la discussion du projet de concession, l'année dernière, d'affecter une partie du cautionnement, un million ou cinq cents mille francs pour garantir l'exécution du canal.

J'engage même M. le ministre à renouveler cette proposition ; je pense que la compagnie y consentirait.

- La discussion sur l'article unique du projet de loi est close.

Vote de l’article unique

M. Osy, en son nom et en celui des cosignataires de son amendement, déclare se rallier à l'amendement de M. Nothomb.

L'amendement de M. Nothomb est mis aux voix et adopté.

L'article unique du projet de loi, avec cet amendement, est mis aux voix et adopté.

La chambre décide qu'elle passera séance tenante à l'appel nominal.

On procède à l'appel nominal. Le projet de loi est adopté à l'unanimité des 53 membres présents. Il sera transmis au sénat.

Projet de loi réprimant les offenses à la personne royale

Discussion des articles

Personne ne demandant la parole dans la discussion générale, on passe aux articles.

Article premier

« Art. 1er. (Projet du gouvernement ) Quiconque aura offensé la personne du Roi, soit dans des lieux ou réunions publics, soit dans un acte authentique ou public, soit par des écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques, qui auront été affichés, distribués, vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans, et d'une amende de 300 à 5,000 francs. »

« Art. 1er. (Projet de la section centrale.) Quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés, soit dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques, qui auront été affichés, distribués ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public, se sera rendu coupable d'offense envers la personne du Roi, sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans, et d'une amende de 300 à 5,000 fr. »

M. le président. - Le gouvernement s'est rallié au projet de la section centrale, avec cette modification-ci :

« Quiconque, soit dans des lieux ou réunions publics, par discours, cris ou menaces, soit par des écrits (le reste comme au projet de la section centrale.) »

La discussion est ouverte sur l'article premier et les amendements ; la parole est à M. Verhaegen.

M. Verhaegen. - Messieurs, je suis forcé de combattre le projet de loi dans l'intérêt même de la royauté que le ministère vient de découvrir d'une manière si imprudente.

Le ministère a commis trois lourdes fautes dont il ne se lavera jamais aux yeux du pays. La première faute, c'est d'avoir attendu tout un mois avant d'avoir entamé des poursuites contre les auteurs de certaines publications, qui dans son opinion constituaient un outrage contre la personne du Roi, et d'avoir choisi précisément le moment du retour de Sa Majesté en Belgique pour poser le premier acte de ces poursuites.

Une seconde faute non moins grave est la conduite que M. le ministre de la justice a tenue lors de la discussion qui s'est engagée naguère sur l'intempestivité de l'acte qu'il venait de poser : vous vous rappellerez, messieurs, le discours prononcé par M. d'Anethan en réponse aux attaques dont il avait été l'objet de ma part, vous vous rappellerez qu'il s'est défendu, sur le reproche de tardiveté, en soutenant que la publication des caricatures incriminées ne présentait dans le principe aucun caractère de gravité et qu'elle n'a acquis ce caractère que par les commentaires dont les journaux l'avaient entouré. Or les auteurs de la publication des caricatures n'étant pas les auteurs des commentaires qui seuls y ont imprimé le caractère de délit devaient nécessairement échapper à toute condamnation, et on peut dire que le jury dans son verdict d'acquittement n'a fait que suivre la voie qui lui avait été tracée par le ministre de la justice.

Une troisième faute tout aussi lourde que les deux autres est la présentation du projet de loi que nous discutons, précisément le lendemain du verdict du jury, et remarquez-le bien, ce projet que rien ne justifie est présenté non pas dans l'intérêt de la royauté, que tout le pays respecte et vénère, mais dans l'intérêt du ministre qui a voulu se justifier aux dépens de celui qu'il avait mission de protéger et de défendre, et qu'il a compromis d'une manière si imprudente.

Je ne parlerai pas, messieurs, d'autres fautes commises par le ministre et qui se rattachent encore à la poursuite dirigée contre les auteurs des caricatures ; je les passe sous silence parce que je ne les considère que comme accessoires.

Dans tous les cas, le projet de loi va directement à l'encontre du but que le gouvernement a en vue. Le gouvernement veut éviter des acquittements à l'avenir, et pour moi il est évident que si le projet est converti en loi, les acquittements n'en seront que plus nombreux.

D'abord on n'a pas interdit, on n'a pas osé interdire au juge qui doit connaître du délit l'examen de l'intention criminelle.

Si la loi nouvelle n'exige pas qu'on détermine spécialement le degré d'intention criminelle en la qualifiant de méchanceté, la discussion sur l’intention coupable reste toujours ouverte et la comparaison de la loi (page 1256) nouvelle avec la loi actuelle demeure un moyen efficace pour exciter la défiance du jury.

En bonne législation on ne comprend de loi nouvelle que pour autant qu'il y ait insuffisance dans la loi existante ; or il est faux de dire que la loi actuelle soit insuffisante : elle prévoit l'injure ou la calomnie contre la personne et la famille du Roi ; elle la punit.

Il est évident que c'est l'acquittement dans l'affaire des caricatures qui a provoqué le projet de loi. On fait donc moins le procès à la loi existante qu'à la décision du jury elle-même.

Avant le verdict, on ne songeait pas à une loi nouvelle ; on n'y eût pas songé davantage s'il y avait eu condamnation, et il y aurait eu condamnation, et condamnation aussi sévère que sous la loi nouvelle si le jury avait déclaré constante l'intention coupable, seule chose qu'il y avait à rechercher et à déclarer.

Tout crime, tout délit se compose du fait et de l’intention. Le fait seul ne peut jamais donner lieu à l'application de la loi ; ce n'est qu'exceptionnellement en matière de simple contravention que le fait seul peut faire l'objet d'une poursuite. Tous les criminalistes sont d'accord sur ce point.

Le projet de loi est donc inutile puisqu'il restera sans résultat ; ce n'est qu'un acte de colère dirigé contre le verdict du jury dont il n'est séparé que de 24 heures. C'est ce verdict qui seul est l'origine et la cause de la démarche ministérielle.

Mais si la loi nouvelle est inutile, elle est encore dangereuse : loin de mieux garantir la répression des délits qu'elle prévoit, il est à craindre qu'elle n'y provoque. Entourer de garanties spéciales et exceptionnelles une institution, une autorité, c'est constamment appeler sur elle l'attention.

Si ces garanties sont telles par leur origine, par leur étendue, qu'elles excitent la défiance ou froissent les idées reçues, l'impopularité qui les frappe rejaillit sur la chose ou les personnes qu'elles protègent. Qu'on essaye de rétablir la mainmorte par une loi nouvelle, on criera plus encore contre le clergé que contre la loi elle-même, parce qu'il est naturel de faire porter la critique sur ceux qui profitent de la mesure exceptionnelle.

La loi nouvelle, exorbitante dans la plupart de ses dispositions, loin donc d'ajouter au respect pour le Roi, pourrait bien amener un résultat diamétralement opposé, et moi qui veux sincèrement et sérieusement que la royauté soit respectée, je ne puis pas y donner mon assentiment.

Les délits que prévoit la loi nouvelle sont mal définis, ou plutôt ils ne sont pas définis du tout. De là le danger fort grave de fréquents acquittements. Il ne faut commettre la personne du Roi qu'à coup sûr. Si le délit est réellement défini, la poursuite n'aura lieu que pour autant qu'il se rencontre d'une façon précise. On risquera donc moins d'exposer la personne du Roi à devenir l'occasion de poursuites qui, par une issue favorable aux prévenus deviennent blessantes pour la royauté.

Le vague de la loi, loin d'être favorable à la royauté, le sera plutôt aux prévenus, et par cela même il sera funeste à l'institution qu'on veut protéger.

D'un autre côté, cette absence de précision dans la définition des délits prévus par la loi nouvelle offre un danger public. « C'est assez, dit Montesquieu, livre XIL, chapitre VIII, que le crime de lèse-majesté soit vague pour que le gouvernement dégénère en despotisme. »

Si, avec nos institutions modernes, on n'a pas précisément à redouter le despotisme, il faut craindre néanmoins l'arbitraire dans la poursuite d'un délit qui, faute d'une définition, peut être trouvé partout.

L’exposé des motifs du projet de loi dit qu'on a voulu saisir jusqu'à l'allusion offensante. C'est tout aussi vague que les fameuses lois de lèse-majesté qui ont donné lieu, sous les empereurs romains, aux plus odieuses persécutions.

Certes nos institutions sont une puissante barrière contre de pareils abus, qui ne sont guère possibles ; mais il est regrettable qu'à l'occasion de la personne du Roi, on puisse dire qu'elle a dû être protégée par une loi qu'on peut comparer aux plus détestables lois dont l'histoire fasse mention.

Le projet de loi n'est, après tout, qu'une flatterie à l'adresse de la royauté en Belgique. A défaut de pouvoir apporter au palais un verdict de culpabilité, un verdict de condamnation dans l'affaire des caricatures, le ministre a voulu faire voter une loi par les chambres ; mais comme toutes les flatteries exagérées, elle est essentiellement maladroite.

Les députés de la Rochelle ayant offert à Henri IV, à l'occasion de la naissance du dauphin, un présent de cent mille écus en or, somme énorme alors : « C'est trop, mes amis, répondit-il, c'est trop pour de la bouillie ; gardez cela et n'écoutez jamais ceux qui vous parleraient de me faire des présents, car telles gens m sont ni vos amis ni les miens. » Si l'on avait proposé à Henri IV une loi pour protéger spécialement sa personne, nul doute qu'il n'eût répondu de même : « Telles gens ne sont ni mes amis ni ceux du peuple. » Ce serait aussi le langage de notre Roi, j'en ai l'intime conviction, si le cabinet ne l'avait pas induit en erreur sur les faits qui servent de prétexte à la mesure et qui sont autant de fautes que nous reprochons à M. le ministre de la justice.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Verhaegen a terminé son discours en disant que la loi qui vous est présentée est une loi de flatterie, qu'en général la flatterie est maladroite, et que la présentation de la loi, est de la part du ministère, une maladresse.

L'honorable membre avait commencé par dire que, dans l'intérêt de la royauté, il combattrait le principe de la loi. Je constate d'abord que nous sommes d'accord, l'honorable membre et moi, sur ce point que tous deux nous voulons agir dans l'intérêt de la royauté, seulement nous différons sur les moyens ; je veux réprimer plus efficacement et plus sûrement les offenses. L'honorable membre croit la répression suffisamment garantie.

Je dois maintenant protester contre ce qu'a dit l'honorable préopinant, quand il a attribué à une idée de flatterie la présentation de la loi qui vous est soumise. Le gouvernement a eu un devoir à remplir, il l'a rempli ; il ne s'est pas préoccupé des suppositions auxquelles la présentation de la loi pourrait donner lieu ; je ne suis nullement touché de ces suppositions. Elles ne m'empêcheront pas plus à l'avenir qu'elles ne m'ont empêché maintenant de présenter un projet de loi que je croirai utile.

Messieurs, un décret du 20 juillet 1831 existe, ce décret a été fait par une assemblée qui probablement, en le faisant, n'était pas guidée par le désir de flatter les rois, et pourtant ce décret de 1831 contient des dispositions spéciales relatives aux injures et aux calomnies contre la personne du Roi. Ce décret (le congrès lui-même l'a déclaré) n'était pas destiné à être la législation définitive de la presse ; il devait être soumis à la révision de la législature.

Tel était le vœu de notre assemblée constituante, vœu dont l'expérience qui a été faite de ce décret a prouvé la sagesse aux yeux de toutes les personnes chargées d'appliquer ses dispositions.

Qu'avons-nous proposé ? Non une législation nouvelle, mais des modifications utiles à une législation. Nous n'avons donc fait que satisfaire en quelque sorte au vœu du congrès.(Interruption.)

Un membre. - Cela date de seize ans.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Soit, mais qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve qu'il y a un retard dans l'accomplissement du vœu du congrès, et que s'il y a des reproches à adresser, ils doivent s'adresser à tous les cabinets qui nous ont précédés, pour n'avoir pas présenté la révision, que je viens maintenant vous soumettre.

Quoi qu'il en soit, il est constant, il est connu de toutes les personnes qui ont étudié le décret de 1831, qu'il laisse beaucoup à désirer, notamment sons le rapport de la procédure. Les inconvénients signalés sont tellement grands que l'application des dispositions de ce décret pourrait être facilement éludée par les prévenus, s'ils connaissaient les moyens de procédure et de forme que ce décret peut leur fournir.

J’expliquerai, lorsque nous arriverons à la discussion des autres articles, les motifs des modifications que je propose de faire subir au décret.

Je me borne, pour le moment, à l'article premier.

L'honorable M. Verhaegen, quoique la discussion générale ait été close, a semblé la rouvrir en critiquant la présentation du projet de loi. Je n'en fais pas un reproche à l'honorable membre, puisqu'il me fournit ainsi l'occasion de justifier la conduite du cabinet, en répondant aux griefs articulés par l'honorable membre. Mais avant tout, examinons l'article premier du projet de loi. L'honorable M. Verhaegen dit que cet article définit mal le délit, et que la définition beaucoup trop vague produira des acquittements, au lieu de produire des condamnations. L'honorable membre trouve sans doute préférable la définition du décret de 1831 ; j'espère qu'il nous fera connaître sa raison de préférence.

Il est bon de rappeler que déjà, en 1834, une définition semblable avait été présentée, elle se trouve dans le projet de révision du Code pénal soumis alors à vos délibérations. (Interruption.)

Il est fort difficile de discuter, quand on vous interrompt à chaque instant ; je réclame donc un moment de silence.

L'honorable M. Verhaegen critique la définition donnée par le projet actuel. Je réponds que semblable définition se trouve dans un projet de loi présenté par l'honorable M. Lebeau, ministre de la justice alors que l'honorable M. Rogier, qui m'a interrompu, était ministre de l'intérieur. L'honorable M. Rogier ne soutiendra pas sans doute qu'une définition dans un projet de loi générale doit être différente d'une définition dans un projet spécial ; qu'on critique la présentation du projet de loi, au point de vue de son opportunité ; mais qu'on ne prétende pas qu'une définition, excellente dans un projet de loi générale présenté en 1834, soit devenue mauvaise dans un projet de loi spéciale, présenté en 1847 ; dans un projet de loi générale se trouvent des délits spéciaux qu'il faut également définir.

D'après le document que j'ai trouvé au ministère de la justice, la même définition avait été adoptée par une commission nommée par un de mes honorables prédécesseurs, commission qui était composée de magistrats éminents et justement considérés.

Avant d'examiner les motifs des changements que j'ai, conformément à l'opinion de deux de mes prédécesseurs, cru convenable d'introduire dans le décret de 1831, je dois aborder les griefs que l'honorable M. Verhaegen a allégués contre le ministère. La réfutation de ces griefs justifiera déjà en partie les modifications proposées. L'honorable membre m'attribue sur le jury de Bruxelles une influence bien grande. Il pense que les paroles que j'ai prononcées à cette tribune étaient de nature à faire tant d'impression sur le jury qu'il a suffi de les invoquer devant la cour d'assises pour donner au jury la conviction qu'il n'y avait ni crime ni délit dans les faits qui lui étaient déférés.

Je dirai d'abord que les paroles que m'attribue l'honorable M. Verhaegen, je ne les ai pas prononcées. Je n'ai pas dit qu'il n'y avait ni crime ni délit dans le fait des infâmes publications qui avaient motivé les poursuites ; et aurais-je pu tenir ce langage sans me donner à moi-même un démenti formel, puisque j'avais moi-même donné l'ordre de poursuivre ? (page 1257) Mais j'ai dit, et je répète, que le gouvernement, fidèle au système qui avait été suivi depuis seize ans, n'avait pas cru d'abord devoir faire intenter des poursuites. Mais en m'exprimant ainsi, j'ai ensuite sévèrement qualifié ces publications ; j'ai expliqué pourquoi les poursuites n'avaient pas été plus promptes ; j'ai dit pourquoi le gouvernement avait cru pouvoir s'abstenir de faire poursuivre d'abord, pourquoi il avait ensuite jugé la poursuite nécessaire ; mais d'aucune de mes paroles on ne peut conclure que j'ai considéré comme peu coupables ces scandaleuses publications. J'ai dit positivement le contraire.

Mes paroles n'étaient donc pas de nature à déterminer le jury à prononcer un acquittement ; elles auraient à le déterminer dû reconnaître la culpabilité si elles avaient sur le jury l'influence que l'honorable M. Verhaegen a attribuée à mon discours.

Ce que j'ai répondu lors de la discussion politique au commencement de cette année au reproche d'avoir fait intenter tardivement ces poursuites, ce que je viens encore d'ajouter, me semble prouver combien ce grief est peu fondé.

Je n'adopte pas, en matière de presse, le système de l'honorable membre. Je n'admets pas qu'à l'apparition de chaque article, il faille à l'instant le poursuivre, ou être frappé de déchéance pour toute poursuite ultérieure du même article. On peut fermer les yeux sur un article qui n'a pas reçu une grande publicité, et plus tard le faire, poursuivre, soit parce qu'une publicité nouvelle lui a été donnée, soit parce qu'il a été suivi d'autres articles de nature à constituer un système de dénigrement et de calomnie. L'ensemble de semblables articles fait alors un devoir au ministre d'ordonner des poursuites.

Cette marche a toujours été suivie. Je n'en citerai qu'un exemple.

Pendant un an à peu près (en 1837 et 1838) il avait paru dans le journal le Lynx de nombreux articles contre l'administration de la guerre. Ce journal étant peu répandu, on avait cru pouvoir s'abstenir de poursuivre.

Mais lorsque ces articles furent réunis dans une brochure répandue à profusion dans le pays et à l'étranger, des poursuites furent ordonnées et une condamnation fut prononcée en raison de ces articles qui étaient restés un an impoursuivis.

M. d’Elhoungne. - Preuve que la loi était mauvaise.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Mais il ne s'agissait pas, que je sache, dans l'affaire des Turpitudes du département de la guerre, d'offenses envers la personne du Roi. Il ne s'agissait pas de délits semblables à ceux à l'égard desquels la loi actuelle est présentée.

Ainsi l'on ne peut pas argumenter de la condamnation dans l'affaire des Turpitudes pour soutenir qu'une modification au décret de 1831 n'est pas nécessaire.

Quant à la procédure, quant à la nécessité d'une répression plus prompte, je pense que cette nécessité existe, non seulement pour les délits spéciaux qui font l'objet de l'article premier, mais même pour tous les délits de presse. Il y est pourvu par le dernier article du projet.

Lorsque nous en serons à cet article, il me sera facile de le justifier. Après avoir réfuté l'allégation que le ministère devrait s'imputer à lui-même^ l'acquittement prononcé, j'aborde l'art. 1er. Je vais établir la nécessité de la modification proposée.

D'après les dispositions actuellement existantes, des peines sont comminées pour réprimer les injures et les calomnies envers les particuliers et les outrages envers les fonctionnaires publics. Les particuliers se trouvent garantis, par les articles 367, 375 et 373 du Code pénal. Les fonctionnaires publics sont garantis par les articles 222, 223 et 224 du même Code.

Remarquez, messieurs, que dans aucun de ces articles, il n'est exigé que les injures, pour être punies, soient dites méchamment, que les calomnies, les outrages aient été dictées par la méchanceté.

Dans ces différents cas, on ne demande pas quel est le sentiment qui a fait agir, on se borne à demander : Y a-t-il injure ? Y a-t-il calomnie ? Y a-t-il outrage ? Sans doute (et je réponds ici à un argument de l'honorable M. Verhaegen), sans doute, s'il n'y a pas eu intention, il n'y aura pas de délit ; cela est élémentaire en droit criminel. Mais autre chose est d'exiger intention de commettre le fait, autre chose d'exiger que l'intention ait été produite par la méchanceté.

Il y a là une énorme différence. L'intention peut ordinairement se prouver par le fait même ; mais comment établir quel a été le mobile de cette intention ? Ainsi, en matière de coups et blessures qui ont amené la mort, on ne demande pas si l'accusé a eu l'intention de donner la mort, on demande s'il a eu l'intention de donner des coups dont la mort a été la suite. Ainsi (les criminalistes sont d'accord sur ce point), il ne peut y avoir de délit sans intention. Mais on ne doit pas examiner si, dans l'intention de celui qui a commis le délit il est entré plus ou moins de méchanceté, plus ou moins de perversité.

Quand il a été commis une offense envers le Roi, que ce soit par raillerie, par dérision ou par tout autre motif, il faut que ce délit soit puni ; on ne doit pas faire dépendre la criminalité, de l'intention plus ou moins méchante, qui a dirigé le prévenu. On ne recherche pas cette intention pour les injures envers les particuliers et les outrages envers les fonctionnaires publics. A plus forte raison ne doit-on pas la rechercher pour les offenses envers le Roi.

Cette différence existant dans la loi, doit donner à penser au jury ; il doit se dire : Il y a quelque chose de plus quant au délit d'injure envers le Roi. Pour un particulier on demande seulement si l'injure a été prononcée ; pour le Roi, on me demande si l'injure a été prononcée méchamment.

N'est-il donc pas évident que la législation actuelle, destinée à protéger le» fonctionnaires publics et les particuliers, les protège davantage que le décret de 1831 ne protège la royauté ? (Interruption.) L'honorable M. d'Elhoungne me parle des chambres. (Interruption.) Il me parle également de l'inviolabilité royale et de l'autorité constitutionnelle du Roi. (Interruption.) Les expressions du décret de 1831 sont les suivantes : (M. le ministre lit l'article 3. )

Eh bien, messieurs, il y a une distinction capitale à faire : lorsqu'il s'agit d'attaque contre la force obligatoire des lois, lorsqu'il s'agit d'attaque contre l'inviolabilité de la personne royale, les droits constitutionnels du Roi, les droits de sa dynastie, les droits des chambres, dans ce cas l'on conçoit que, pour pouvoir punir, on exige qu'il y ait eu méchanceté de la part de celui qui s'est permis l'attaque, et le motif en est excessivement simple. Si on supprimait le mot méchamment, en ce qui concerne par exemple la force obligatoire des lois, toute discussion deviendrait impossible : or, il est évident que ces points, peuvent faire le sujet de discussion ; supprimer le mot méchamment en ce qui concerne ces matières, ce serait empêcher tout examen, interdire aux jurisconsultes de discuter la question de savoir si certaines lois ne sont plus obligatoires. (Interruption.) La loi n'est pas faite pour les jurisconsultes plus que pour d'autres, mais l'honorable membre, qui m'interrompt, avait demandé comment on pouvait supprimer le mot méchamment dans les cas prévus par l'article en discussion et le maintenir pour d'autres cas. Force m'a bien été d'expliquer les distinctions qu'il faut faire à cet égard.

Je dis, messieurs, que la différence entre les deux natures de délits dont j'ai parlé, que cette différence est sensible et que si l'on effaçait le mot méchamment dans l'article 2 et dans la première partie de l'article 3 du décret, on pourrait, en appliquant à la rigueur ces articles, empêcher toute espèce de discussion relativement à la force obligatoire des lois, et relativement à l'étendue des droits de la Couronne.

Le décret de 1831 punissait l'injure et la calomnie contre la personne du Roi. Quelques sections avaient pensé qu'il aurait été convenable de substituer au mot offenses proposé par le gouvernement, le mot outrages ; nous avons pensé, messieurs, devoir maintenir le mot offenses parce qu'il semble rendre plus exactement la pensée qui doit présider à la rédaction d'une loi de cette espèce. Le décret de 1831 parle d'injures ; si vous substituez le mot d'outrages, vous donnez une garantie moins grande, car l'outrage est une injure grave, et par conséquent vous faites le contraire de ce que je désire faire par le projet de loi maintenant soumis à vos délibérations. Le mot offenses est très général, j'en conviens ;, mais il me semble qu'en pareille matière il faut un terme qui prévienne toute impunité. Il me semble que toute espèce d'irrévérence envers le personnage auguste qui doit rester entouré du respect de tous, que toute irrévérence quelconque doit être punie, et que le mot le plus large qu'on puisse employer est nécessairement celui qu'il faut choisir. C'est, d'ailleurs, le mot qui a été adopté en France depuis 1819. C'est aussi le mot qui se trouvait dans le projet de 1834, et qui se trouve également dans l’avant-projet d'une commission de jurisconsultes distingués. Ce mot est celui qui convient le mieux pour qualifier le délit que nous croyons nécessaire de punir d'une manière exemplaire.

Je pense, messieurs, que la loi présentée est infiniment préférable au décret de 1831. Aussi l'honorable M. Verhaegen a-t-il principalement insisté sur la considération que la loi a été présentée d'une manière inopportune ; que la loi a été présentée à la suite d'un récent verdict du jury, et qu'il aurait été préférable de ne point se hâter autant pour ne pas donner à la loi le caractère qu'on lui prête maintenant Ce que j'ai déjà dit, messieurs, répond suffisamment au reproche d'avoir mis trop de précipitation dans la présentation de cette loi, puisque depuis longtemps les éléments s'en trouvaient réunis au ministère, et que depuis longtemps on avait signalé les vices auxquels il s'agit de porter remède. Mais, enfin, messieurs, ce verdict devait-il empêcher le gouvernement de présenter la loi ? Là est, ce me semble, toute la question. Quoi ! parce qu'un jury aurait rendu un verdict que l'honorable M. Verhaegen déplore probablement avec moi, le gouvernement devrait s'abstenir de proposer à la chambre les modifications qu'il croit nécessaire de faire apporter à une loi ! Mais, messieurs, fallait-il attendre deux, trois, quatre verdicts avant de se déterminer à présenter un projet de loi, alors que les vices de la législation qu'il s'agissait de modifier n'étaient méconnus par personne ?

Mais, messieurs, à peine ce verdict avait-il été rendu que, fort de l'impunité dont ils se croyaient assurés, d'autres individus ont fait reproduire dans un autre journal les articles qui avaient été déférés au jury ; de nouvelles poursuites ont été intentées à raison de cette nouvelle publication ; aurait-il donc fallu attendre encore que cette publication eût été suivie d'un acquittement nouveau, avant de présenter le projet de loi qui est maintenant soumis aux délibérations de la chambre ? Eh bien, si immédiatement après un second acquittement un projet de loi avait été présenté, il est probable que les critiques dont la loi est actuellement l'objet auraient été produites et qu'on aurait dit qu'il fallait attendre un troisième verdict.

Messieurs, le verdict ne doit avoir aucune influence sur l'examen auquel vous aurez à vous livrer ; il s'agit de savoir uniquement si la loi améliore la législation actuelle ; s'il y a des améliorations, la chambra ne (page 1258) doit pas hésiter à les voter, alors même qu'elle penserait que la présentation du projet de loi n'est pas opportune.

Mais, messieurs, puisqu'on m'a appelé sur le terrain du verdict du jury, je me demande : Que prouve ce verdict ? L'honorable M. Verhaegen reconnaît sans doute avec moi que les caricatures et les articles qui ont donné lieu aux poursuites ne peuvent rester impunis dans un Etat bien constitué. Or, de deux choses l'une : ou la loi était impuissante, n'avait pas prévu le cas ; ou bien le jury a été induit en erreur ; eh bien ! dans l'un et dans l'autre cas, il est important de porter une loi nouvelle, soit pour faire cesser l'impuissance de la loi, soit pour prévenir le retour d'une erreur semblable à celle qui a été commise. Sans doute, on n'ira pas jusqu'à dire que le jury a manqué sciemment à ses devoirs et qu'il a volontairement acquitté, alors qu'il croyait qu'il n'y avait pas lieu à acquittement. Si l'on tenait ce langage, ce ne serait pas nous alors qui pourrions être accusés de faire injure au jury, mais bien les personnes qui manifesteraient cette opinion. Je le répète, dans les deux cas que j'ai prévus, c'était un devoir pour le gouvernement de faire cesser la possibilité d'un abus, et j'espère que l'honorable M. Verhaegen qui, au début de son discours, a déclaré qu'il voulait protéger la royauté, s'associera à moi pour faire passer le projet de loi qui est en discussion.

Messieurs, en toutes circonstances, dès l'instant où par suite d'une décision judiciaire, ou de faits qu'on croyait ne pas pouvoir punir d'après la législation existante, l'insuffisance de la loi a été reconnue, le législateur s'est empressé de combler la lacune par le vote d'une loi. Je pourrais citer plusieurs exemples empruntés à l'ancien gouvernement des Pays-Bas, mais je me bornerai à citer ce qui s'est passé en Belgique.

En avril 1834, des troubles avaient éclaté ; l'on a pensé que la loi pour les réprimer, était insuffisante, et le 28 juillet 1834 on a voté une loi sur les démonstrations orangistes, ainsi que sur le port des décorations, de signes de ralliement, etc. C'est l'honorable M. Lebeau, qui, obéissant à un impérieux devoir, a présenté le projet de loi auquel je fais allusion. Il suffit de lire l'exposé des motifs de ce projet pour se convaincre qu'il était motivé sur les mêmes raisons qui ont amené la présentation du projet de loi en discussion maintenant.

Il y a un an, la cour de cassation de Belgique avait reconnu que diverses ordonnances qu'on appliquait jadis pour la désertion des sujets de la marine marchande, n'étaient plus en vigueur dans le pays ; quelques jours après, le gouvernement est venu présenter un projet de loi pour combler cette lacune.

Ainsi, toutes les fois que l'insuffisance de la législation s'est manifestée, le gouvernement s'est empressé de présenter un projet de loi, et en cela il a rempli son devoir.

Messieurs, je pense avoir, à l'aide de ces considérations justifié, la présentation du projet de loi, ainsi que les modifications introduites par l'article premier au décret de 1831.

M. Verhaegen. - Messieurs, M. le ministre de la justice a eu parfaitement raison lorsqu'il vous a dit que, comme lui, je voulais que la royauté fût respectée, que, comme lui, je voulais que les outrages contre la personne du Roi fussent réprimés. J'irai même plus loin, je dirai que, d'après moi, la vie privée doit rester murée et que je condamne la presse, quelle qu'elle soit, du moment qu'elle franchit les limites de la vie publique qui seule est de son domaine.

Des membres. - Très bien !

M. Verhaegen. - De sorte que je ne puis pas être suspecté de partialité à raison des observations que j'ai eu l'honneur de vous soumettre contre le projet, dans l'intérêt même de la royauté. J'ai combattu, messieurs, le projet, parce que j'ai cru qu'il allait à rencontre du but que l'on se proposait. J'ai dit à M. le ministre de la justice que j'avais à reprocher au gouvernement trois fautes graves, et M. le ministre ne m'a pas suivi sur le terrain de ces reproches : il a eu de très bonnes raisons pour cela.

M. le ministre voudrait en vain donner un autre sens au discours auquel j'ai fait allusion tantôt et qui a servi de règle de conduite au jury dans son verdict d'acquittement. Le Moniteur, l'inexorable Moniteur est là pour lui donner un démenti. C’est de ce discours que les défenseurs des prévenus se sont emparés avec beaucoup d'habileté et leurs moyens de défense ont été accueillis aux applaudissements du public.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - L'affaire a été jugée à huis clos,

M. Verhaegen. - Le public n'en a pas moins été initié à tous les détails, car les journaux ont rendu un compte exact des débats. D'ailleurs, messieurs, voulez-vous vous faire une opinion personnelle sur cette question ? ouvrez le Moniteur et vous direz avec le public que c'est M. le ministre de la justice qui a été le premier défenseur des prévenus et qui par les vérités qu'il a laissées tomber de la tribune a amené leur acquittement.

Aujourd'hui pour échapper à la responsabilité qui pèse sur lui, M. le ministre voudrait donner un tout autre sens à ses paroles. S'il faut l'en croire, il aurait voulu dire qu'en matière de presse un seul fait ne suffit pas pour amener une condamnation, mais qu'il faut une série de faits d'où l'on puisse induire un système arrêté de diffamation. Mais c'est en revenir aux procès de tendance d'odieuse mémoire, et si tel est le sens du discours de M. d'Anethan, dont les défenseurs des prévenus ont fait usage devant le jury, il n'est pas étonnant que le jury en ait fait bonne et prompte justice.

Ceci, messieurs, me conduit à répondre à une autre observation de M. le ministre. Elle se résume dans un dilemme. De deux choses l’une, a-t-il dit : où le jury s'est trompé ou la loi est impuissante ; si le jury s'est trompé, dans ce cas, à moins de saper l'institution du jury, il faut une loi nouvelle pour qu'à l'avenir il ne se trompe plus, c'est-à-dire, pour qu'il soit infaillible ; ou la loi est impuissante, et, dans ce cas encore, il faut une loi nouvelle.

La réponse est facile et je l'ai donnée d'avance : le jury ne s'est pas trompé et la loi n'est pas impuissante. Le jury ne s'est pas trompé, car le ministre de la justice l'a complètement éclairé par son discours. Il a répondu en pleine connaissance de cause, et son verdict se trouve justifié par le Moniteur.

Je ne puis voir rien de politique dans ce verdict qui n'est dû qu'à la conviction qu'avait le jury que les faits reprochés aux prévenus ne constituaient pas le délit défini par la loi, et la loi n'était pas impuissante, car si le jury avait constaté l'existence des conditions qu'elle exige pour la criminalité, il aurait condamné.

Maintenant, si, contrairement à mon opinion, le verdict d'acquittement pouvait avoir un côté politique, qu'on en soit bien convaincu, ce verdict serait dirigé non pas contre la royauté que le pays respecte et veut voir protéger, mais contre le ministère, en haine des fautes qu'il a accumulées.

Messieurs, il est évident que le projet de loi ne peut amener aucun résultat avantageux. Les hommes sont ainsi faits. Si le ministère croit avoir à se plaindre du verdict du jury, par des raisons que je n'ai plus à examiner, qu'il en soit bien convaincu, l'occasion se présentant de nouveau, la loi ne sera qu'une raison de plus pour amener des acquittements nouveaux. C'est toujours là le résultat d'une réaction, si je puis m'exprimer ainsi.

Je termine, messieurs, en répondant à une dernière observation qui m'a été faite par M. le ministre de la justice. La loi nouvelle est nécessaire, a-t-il dit, parce que dans le décret de 1831 se trouve le mot méchamment et que ce mot peut mettre le jury dans le cas de se tromper ; mais M. le ministre doit admettre avec moi qu'il n'y a ni crime, ni délit sans intention ; que pour le délit de calomnie, comme pour le délit d'injure, comme pour tout autre délit quelconque, il faut l'intention, et certes l'intention dans le sens de la loi pénale est bien l'intention méchante ; car, en matière de délit, je ne connais pas de bonne intention. La distinction qu'a voulu faire M. d'Anethan, entre la mauvaise et la bonne intention, est trop absurde pour que je veuille y répondre. C'est l'intention qui imprime au fait matériel sa moralité, et, certes, cette intention ne peut être qu'une intention méchante.

Dans tous les cas, la discussion qui naîtra de la comparaison des deux lois, et qui se résumera toujours en une question d'intention, amènera, j'en ai l'intime conviction, beaucoup plus d'acquittements que n'en aurait amené la seule loi de 1831, et ainsi la loi nouvelle ira directement à l'encontre du but que se propose le gouvernement, outre qu'il aura très inutilement et très mal à propos découvert la royauté.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable M. Verhaegen a prononcé deux mots qu'il a cru de nature à faire quelque impression sur la chambre, le mot de tendance et le mot de réaction. Dans tout ce que j'ai dit relativement à la nécessité de poursuivre dans certains cas, et à la possibilité de ne pas poursuivre dans certains autres, il n'y a rien qui ressemble le moins du monde à l'intention d'intenter des procès de tendance. L'honorable membre n'a pas compris mes paroles. Qu'appelle-t-on, en général, un procès de tendance ? Un procès basé sur des intentions supposées, résultant indirectement d'articles combinés. Mais, ai-je fait allusion à un procès de tendance en disant qu'il faut une grande publicité, pour poursuivre certains délits, et que, si la publicité n'a pas eu lieu d'une manière fort étendue, on peut souvent se dispenser de poursuivre ?

Il ne s'agit pas du tout là de procès de tendance dans le sens qu'on attache à ces mot, il s'agit uniquement d'examiner dans quel cas la publicité a été assez grande pour nécessiter une poursuite ; il ne faut pas multiplier les poursuites du chef d'injures ou de calomnies, ces procès peuvent souvent avoir un côté dangereux. Entre un semblable langage et celui qui tendrait à justifier des procès de tendance, il y a, messieurs, une distance infinie, et je le répète, l'honorable M. Verhaegen n'a pas compris mes paroles.

L'honorable membre a dit aussi que la loi sera considérée comme réactionnaire. Je vous avoue, messieurs, que je ne comprends pas quelle idée de réaction l'honorable membre peut attacher à cette loi, lorsqu'il est d'accord avec moi que les offenses quelconques envers la personne du roi doivent être punies, et que la loi ne demande pas autre chose. La loi pourrait être réactionnaire si elle enlevait au prévenu quelques garanties écrites dans la loi actuelle ; mais, lorsque nous arriverons aux autres articles, je me fais fort d'établir qu'aucune des garanties établies par le Code d'instruction criminelle n'est enlevée au prévenu.

M. Castiau. - Vos amendements n'ont pas d'autre but.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - Eh ! messieurs, d'après le projet que j'avais présenté, le pourvoi en cassation ne pouvait être formé qu'après l'arrêt définitif, et, cette disposition, je l'abandonne dans le nouvel article 7. Mes amendements ont donc un but tout à fait contraire à celui que leur attribue l'honorable M. Castiau.

M. Castiau. - Et la condamnation en cas d'absence ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan). - C'est une nécessité constitutionnelle que j'établirai de la manière la plus évidente.

Je demande pardon à la chambre d'occuper encore ses moments, mais je dois ajouter un mot de réponse à l'honorable M. Verhaegen.

(page 1259) (manque quelques mots) que j'ai prononcé dans la discussion politique, l'honorable membre s'acharne, qu'il me passe cette expression, à considérer mes paroles comme la cause de l'acquittement des prévenus. S'il a plu à un avocat, devant la cour d'assises, d'argumenter de mes paroles pour établir l'innocence de son client, je ne suis pas responsable de l'abus qui a pu être fait de mon discours.

L'honorable M. Verhaegen ne soutiendra pas que je doive accepter comme évangile l'interprétation donnée par cet avocat à mes paroles ; si j’avais mon discours sous la main j'établirais facilement que, loin de déclarer qu'il n'y avait ni crime ni délit dans les articles incriminés, j'ai dit, au contraire, que ces articles étaient coupables, scandaleux : ce sont les expressions dont je me suis servi. Je ne conçois donc pas qu'on puisse supposer que le jury a trouvé dans mes paroles un motif pour prononcer un verdict d'acquittement.

L'honorable M. Verhaegen va plus loin : il dit que le jury a pu très consciencieusement déclarer les accusés non coupables, que c'était pour lui une affaire de bon sens, et pourquoi ? Parce que le ministre de la justice avait déclaré à la tribune nationale que le libelle n'était point criminel. D'abord, messieurs, je n'avais point déclaré cela, mais, l'eusse-je fait, je vous demande si une opinion semblable émise par moi, eût dû influencer le jury lorsqu'il avait sous les yeux les articles dont le ministère public lui faisait voir la criminalité. Comment ! les paroles d'un ministre auraient pu engager un chef de jury à violer le serment qu'il avait prêté, à prononcer un verdict d'acquittement alors qu'il aurait pensé que les accusés étaient coupables ! L'honorable membre n'a pas réfléchi à la portée de ses paroles !

L'honorable membre a dit que le dilemme que j'ai posé n'en est pas un, que tout ce que j'ai dit se réduit à affirmer que la loi est insuffisante. Eh ! bien, messieurs, je persiste à présenter le dilemme que j'ai posé, et ce dilemme je voudrais le voir aborder par l'honorable membre. J'ai dit : ou la loi est inefficace, ou le jury a été induit en erreur par les termes de la loi, et, dans l'un comme dans l'autre cas, il faut modifier la loi ; il faut pourvoir à l'inefficacité de la loi ou il faut empêcher que le jury se trompe de nouveau. J'ai dit que l’erreur du jury pouvait résulter non pas de l'inefficacité de la loi, mais de la complication des questions, de la comparaison faite entre les dispositions qu'il s'agissait d'appliquer et celles qui sont relatives aux délits de même nature commis contre des simples particuliers.

Encore un mot, messieurs, relativement à l'intention.

L'honorable M. Verhaegen dit : « Le ministre de la justice a reconnu lui-même qu'il n'y a pas de délit sans intention, et je ne sache pas qu'en fait de délit, jamais l'intention puisse être bonne. Il faut toujours, a-t-il ajouté, une intention méchante pour constituer un délit. » Que la chambre me permette de citer un exemple. Je suppose qu'un individu en insulte un autre et que celui-ci, armé d'un bâton, en porte un coup au premier ; cette personne aura été entraînée par la passion, elle aura volontairement donné le coup, elle sera coupable. Eh bien, posez au jury la question de savoir si le coup a été donné volontairement, le jury répondra oui ; demandez-lui si l'intention a été méchante, il répondra non. Eh bien, ce qui arrive pour des faits de cette nature arrivera et est arrivé déjà pour les délits dont il s'agit dans le projet de loi.

- La séance est levée à 4 heures 3/4.