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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 25 juin 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Vilain XIIII.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1755) M. Dubus (Albéric) procède à l'appel nominal à 1 heure et quart.

M. Huveners donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dubus (Albéric) présente l'analyse des pétitions adressés à la chambre.

« Les notaires des cantons de Beaumont, Binche, Charleroy, Chimay, Fontaine-l'Evêque, Gosselies, Merbes-le-Château, Seneffe et Thuin présentent des observations contre le projet de loi sur l'organisation du notariat. »

« Mêmes observations de la chambre des notaires de l'arrondissement de Charleroy. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet.


« Le sieur H. Eemans, ancien commis de l'hôpital militaire de Bruxelles, prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à ce que sa pension de réforme soit convertie en pension de retraite. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les membres de l'administration communale de Vleckem demandent l'exécution du chemin de fer projeté de Bruxelles à Gand par Alost.

« Même demande des membres de l'administration communale d'Aygem, d'Heldergem, d'Erpe, de Burst, d'Hofstade et d'Herdersem. »

- Renvoi à la commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.


M. de Renesse demande un congé de dix jours.

- Accordé.

Rapports sur des pétitions

M. Zoude., au nom de la commission des pétitions, fait le rapport suivant :

Messieurs, le projet d'un chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost a fait surgir jusqu'à ce jour 30 pétitions dont 9 sont en faveur, 4 sont contre et 17 demandent que le projet soit soumis à une enquête.

Ce n'est pas sans quelque surprise que, dans la pétition qui se prononce contre avec le plus d'énergie, on lit que les représentants qui désirent le bouleversement de l'état actuel des choses s'appuient sur le travail de l'ingénieur Desart, ce qui est un reproche dont ils n'ont pas à se plaindre ; mais on ajoute que ceux-là, sous le prétexte de plaider en faveur de quelques localités, veulent surprendre le vote de la chambre. Votre commission ne peut se refuser à vous signaler ces expressions comme injurieuses à ceux d'entre vous qui seraient favorables à la voie directe de Bruxelles à Gand par Alost.

Cette commune indique ensuite le tort considérable que cette nouvelle voie occasionnerait à tout son district, ainsi qu'au pays de Waes et à toutes les communes depuis Wetteren jusqu'à Malines et au-delà. Elle dit cependant que si cette nouvelle voie était ouverte, l'intérêt général exigerait qu'elle prît la direction par Merchtem sur Termonde.

Les pétitionnaires qui sont favorables au projet protestent contre les exigences d'une ville qui prétend s'y opposer, parce que, disent-ils, le tracé par Alost est le seul qui puisse convenir aux intérêts de leur ville et de leurs campagnards ; toute déviation les déshériterait à jamais des avantages que la proximité d'un chemin de fer doit leur procurer, tandis que l'adoption d'une autre direction ne servirait qu'à créer une ligne surabondante en faveur d'une localité déjà si richement dotée et qui, rattachée bientôt aux lignes de Lokeren, de Saint-Nicolas et d'Alost, se trouve irrévocablement en possession de son tribunal, conquête assez importante pour devoir être prise en considération ; et alors que, par un concours de circonstances heureuses, Termonde s'élève à un haut degré de prospérité, la ville d'Alost, la seconde de la province par sa population, son industrie et son commerce, décline à mesure que sa rivale s'élève.

C'est ainsi que son marché d'huiles, le plus considérable du pays, est passé avec le chemin de fer à Termonde.

Alost était traversé journellement par 40 à 50 voitures publiques, par un nombre à peu près égal de voitures particulières, et un gros roulage brisait continuellement son pavé.

Tout ce mouvement a cessé avec le railway de Termonde.

C'est pour faire sortir Alost de cet état de décadence, c'est pour rétablir les relations directes qui ont toujours existé entre Bruxelles et Gand, c'est pour leur rendre la vie et l'activité que les communes et les villes de ce district demandent l'exécution du chemin proposé par l'ingénieur Desart.

Votre commission a l'honneur de vous proposer le dépôt de toutes ces pétitions sur le bureau pendant la discussion du rapport fait par M. le ministre des travaux publics et son renvoi au même département, après la discussion.

- Ces conclusions sont adoptées.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Osy dépose le rapport sur une demande de crédit supplémentaire pour le département des affaires étrangères.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution.

Motion d'ordre

Retard dans le traitement d'une demande de naturalisation

M. Osy. - Il y a quelques jours, messieurs, le bulletin de convocation portait des naturalisations. Dès le commencement de la session, j'avais demandé à M. le ministre de la justice un rapport sur la demande d'un Belge qui était resté en Hollande jusqu'en 1837. M. le ministre s'est empressé de faire ce rapport qui est tout à fait favorable. La commission propose de faire droit à la demande de la personne dont je viens de parler. La session va à sa fin et je demande dès lors qu'on veuille bien s'occuper de cette demande dans un bref délai. L'auteur de la demande est rentré en Belgique en 1837, et alors il a été incorporé comme tailleur, dans un régiment belge ; mais en 1841 il en a été renvoyé sous prétexte qu'il n'était pas Belge et depuis lors il n'a pu obtenir de place (page 1756) dans aucun autre régiment. Cependant on conserve leurs emplois à des étrangers non naturalisés, mais demandant la naturalisation. Je ne vois pas pourquoi l'on traite plus mal un Belge que des étrangers.

Je demande, messieurs, que la naturalisation dont je viens de parler soit mise à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

M. de Garcia. - Je demanderai que la chambre mette à l'ordre du jour simultanément tous les feuilletons de naturalisation qui ont été déposés et distribués. Tous les jours on demande de l'argent ; eh bien, c'est là un moyen d'en créer. D'ailleurs, parmi les personnes qui demandent la naturalisation, il en est plusieurs qui remplissent des fonctions sans y avoir droit ; il me semble qu'il faut régulariser leur position, d'autant plus que beaucoup d'entre elles ont rendu de longs services au pays et ont contribué à fonder l'indépendance nationale.

Je demande donc instamment la mise à l'ordre du jour des feuilletons et des projets de loi de naturalisation qui ont été distribués.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi autorisant l'aliénation de biens domaniaux

Vote des articles et sur l'ensemble du projet

La chambre adopte successivement les deux articles du projet de loi suivant :

« Article 1er. Le gouvernement est autorisé à aliéner, par voie d'adjudication publique, les biens domaniaux désignés dans l'état annexé à la présente loi. »

« Art. 2. Le produit de la vente de ces biens sera affecté à l'amortissement de la dette publique. »


- Il est procédé à l'appel nominal sur l'ensemble de la loi.

La loi est adoptée à l'unanimité des 55 membres qui ont pris part au vote.

Elle sera transmise au sénat.

Ont pris part au vote : MM. Biebuyck, Castiau, Clep, Coppieters, d'Anethan, David, de Baillet, de Bonne, de Breyne, de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Roo, Desmet, de Terbecq, de Tornaco, de Villegas, Donny, Dubus (aîné), Dubus (Albéric), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Henot, Huveners, Lange, Lejeune, Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Simons, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Wallaert, Zoude et Vilain XIIII.

Projet de loi relatif à l'exportation, en transit, des cordages déposés en entrepôt

Vote de l'article unique

L'article unique du projet de loi est ainsi conçu :

« Article unique. L'exportation en transit par mer et par l'Escaut des cordages de toute espèce déposés en entrepôt, est prohibée par quantité inférieure à mille kilogrammes. »


- Personne ne demandant la parole, il est procédé à l'appel nominal sur ce projet de loi.

Il est adopté à l'unanimité des 54 membres qui ont répondu à l'appel.

Il sera transmis au sénat.

Rapport sur des pétitions

Projet de chemin de fer direct entre Bruxelles et Gand

M. de Terbecq. - Messieurs, depuis quelque temps, presque à chacune de vos séances, vous avez reçu des pétitions par lesquelles on demande qu'il soit procédé à une enquête sur le chemin de fer projeté de Bruxelles à Gand par Alost, par M. l'ingénieur Desart. Vous aurez remarqué, par le rapport que vient de vous faire l'honorable M. Zoude, que ces pétitions sont très nombreuses.

Malgré toutes les raisons exposées par les pétitionnaires et celles déjà données par M. le ministre des travaux publics dans son rapport du 5 juin en faveur d'une enquête administrative, on voudrait encore s'opposer à cette mesure, tandis qu'elle est destinée à jeter le jour sur une question qui n'a pas été étudiée sous toutes ses faces.

L'enquête, messieurs, intéresse une grande partie de trois provinces, celles de la Flandre orientale, d'Anvers et du Brabant.

Plusieurs communes importantes dont les intérêts sont étroitement liés à l'existence de la ligne de Malines à Schellebelle par Termonde, et beaucoup d'autres sollicitent vivement cette mesure qui est toute dans l'intérêt général.

Quel avantage voudrait-on obtenir en précipitant l'examen d'une question qui, selon M. le ministre lui-même, n'est pas suffisamment mûrie, sur laquelle nous n'avons point de données suffisantes ? Non, messieurs, vous ne sacrifierez point ainsi tant de localités, vous n'anéantirez point, par une décision précipitée, tant d'industries qui se sont élevées à la faveur de nos voies actuelles. Ces localités et ces industries réclament l'enquête promise par le gouvernement, convaincues qu'elles sont des suites fâcheuses que le projet aurait pour nos contrées s'il devait recevoir son exécution.

De cette enquête pourraient ressortir des faits, surgir des idées qui engageront le gouvernement à examiner de nouveau la question.

Je me prononce donc pour l'ajournement, et j'appuie de toutes mes forces l'enquête que nous avons constamment sollicitée.

M. Scheyven. - Dans les explications données à la séance du 5 de ce mois, sur la pétition de plusieurs habitants de la ville d'Alost, relative à l'exécution d'un chemin de fer direct de Bruxelles vers Gand par Alost, M. le ministre des travaux publics a formellement déclaré que la présentation d'un projet de loi décrétant cette nouvelle voie, ne pouvait avoir lieu maintenant.

J'engage beaucoup le gouvernement à ne pas mettre de la précipitation dans la solution de cette question, surtout à cause de sa grande importance et des intérêts divers qui s'y rapportent. L'équité, la justice même exigent que les intéressés puissent faire valoir leurs réclamations, aussi bien contre qu'en faveur de cette nouvelle voie. En effet, cette nouvelle ligne est certainement la plus importante de toutes celles dont la chambre a eu à s'occuper depuis la création de notre système de chemin de fer, parce qu'elle aura pour résultat de détruire ce système dans sa base. Car, ainsi que l'a dit un honorable député d'Alost dans une des séances précédentes, il s'agit d'opérer un changement radical, de substituer un système nouveau au système actuel ; en d'autres termes, de faire de Bruxelles le point central, dont Malines est en possession, en vertu de la loi du 1er mai 1834.

Il nous a été distribué un rapport de M. l'ingénieur Desart, favorable à cette voie, rapport très ingénieusement élaboré. Il est juste qu'on laisse au moins le temps aux intéressés d'examiner et de faire examiner ce rapport, et de communiquer et au gouvernement et aux chambres, si nécessaire, le résultat de cet examen, les observations auxquelles il (page 1757) donnera lieu ; de cette manière on jugera en connaissance de cause ; qu'une enquête soit faite préalablement à toute décision, nous sommes en droit de le demander, en nous appuyant sur l'arrêté royal du 29 novembre 1836, qui l'exige formellement. Les partisans du nouveau projet doivent aussi le désirer, car s'ils ont confiance dans la bonté de leur cause, il est de leur intérêt que les observations de leurs adversaires se fassent jour, afin que le pays sache de quel côté est le bon droit. Le pays n'est pas sans intérêt dans la question, car il ne s'agit pas seulement de l'intérêt de telle ou telle localité, mais aussi des intérêts du trésor de l’Etat, qui touchent de très près tout le pays. Il conviendrait aussi que le gouvernement soumît la question à l'avis du corps des ponts et chaussées, spécialement compétent dans cette matière. Quand il s'agit de commerce ou d'agriculture, on consulte les chambres de commerce et les commissions d'agriculture ; il est donc rationnel, quand on veut changer le système de notre chemin de fer, de consulter le corps des ponts et chaussées.

J'engage donc le gouvernement à persister dans sa résolution et à ne décider la question qu'après s'être entouré de tous les renseignements et avoir entendu ceux qui à juste titre se croient lésés par l'exécution du nouveau projet.

Qu'il me soit permis, en attendant, de soumettre quelques observations à ce sujet.

La voie directes pour objet de réduire la distance entre Bruxelles et Gand de 19 kilomètres, c'est-à-dire, de porter à 57 la distance qui est aujourd'hui de 76 kilomètres, ou de diminuer le temps de parcours de 27 à 28 minutes, et d'augmenter par la réduction de la distance le nombre des voyageurs. Le but principal est donc de mettre en rapport plus direct une partie des Flandres avec la capitale, et d'augmenter le mouvement des voyageurs.

Pour obtenir ce résultat, on voudrait faire une dépense de premier établissement de 8,281,000 fr., construire un chemin parallèle à celui qui existe d'une longueur de 45 kilomètres 933 mètres.

Il me semble que pour faciliter les relations des habitants des Flandres avec la capitale, d'autres moyens, moins dispendieux pour le trésor de l'Etat, peuvent être employés, et qui donneront à peu près le même résultat. Je vais les indiquer brièvement.

L'économie de temps et l'économie d'argent exercent sans contredit la plus grande influence sur le mouvement des voyageurs. Plus on facilite les relations en augmentant le nombre de départs, plus on augmente la célérité dans le transport, et qu'on réduise le prix des places, plus le nombre des voyageurs s'accroîtra. Ainsi trois moyens se présentent pour faciliter les relations des populations d'une partie des Flandres avec la capitale. D'abord une augmentation dans le nombre des départs des convois, car plus il y aura de départs, plus grand sera le nombre des voyageurs. 2° Plus de célérité dans le transport. Par ce moyen on abrégera la distance et on obtiendra le même résultat, sans faire la dépense aussi considérable qu'exige la construction de la nouvelle voie. Il faut pour cela avoir des convois de petite et de grande vitesse. Les premiers s'arrêtent à toutes les stations, les seconds vont directement et sans points d'arrêt de Gand, par exemple, à Bruxelles. M. le ministre des travaux publics vient de mettre en pratique ce système depuis le commencement de la période d'été, et je suis convaincu, d'après les renseignements qui m'ont été donnés, que les convois de grande vitesse augmenteront considérablement le nombre des voyageurs. Car, et chacun qui depuis cette époque a fait la route entre Gand et Bruxelles, a pu s'en convaincre, il y a à peu près une économie de temps d'une demi-heure, c'est-à-dire, que la diminution de 27 à 28 minutes que la nouvelle voie devrait donner en ce qui concerne le temps de parcours entre Gand et Bruxelles, est déjà obtenue par l'emploi des convois de grande vitesse ; que l'on met une demi-heure de moins à faire le parcours de l'une de ces deux villes à l'autre.

Ainsi, sans faire une dépense de près de 9 millions, on a déjà atteint le principal but que la ligne directe a pour mission d'atteindre, savoir de réduire la distance.

Le troisième moyen consiste dans l'économie d'argent. Il est constant que la diminution des prix fait augmenter le nombre des voyageurs.

On pourrait donc, si les deux moyens ne suffisaient pas, abaisser le tarif en proportion du détour sur la ligne existante, l'augmentation dans le nombre des voyageurs compensera la diminution résultant de l'abaissement du tarif.

Par l'emploi de ces trois moyens l'on obtiendra amplement ce que la nouvelle voie devrait produire, avec cette différence, que le système du chemin de fer, décrété en 1834, reste intact, et que l'Etat est dispensé de faire une dépense de plusieurs millions.

Je prie surtout M. le ministre des travaux publics, avant de prendre une décision définitive, de bien réfléchir sur les conséquences qu'entraînerait la nouvelle ligne pour le trésor de l'Etat. Ces conséquences, je les considère comme désastreuses. En effet, en déplaçant la station centrale de Malines à Bruxelles, l'Etat est exposé à faire des pertes et des dépenses considérables.

La station de Malines compte de nombreux bâtiments construits à grands frais ; le magasin central y est établi ; elle a plusieurs grandes remises pour les voitures ; il y a des ateliers qui donnent du travail à près de 700 ouvriers ; et tout cela parce que c'est la station centrale. Si donc on déplace la station centrale, il est probable, si pas certain, que ce qui est la conséquence de cette position disparaîtra ; que la cause cessant, l'effet cessera.

Ainsi, les millions employés pour la station de Malines ne produiront plus rien et auront été dépensés en pure perte pour l'avenir, et les ouvriers, qui jusqu'ici y trouvaient un moyen d'existence pour eux et leurs familles, n'auront plus de travail, et seront réduits à la misère. Ce n’est pas tout ; vous serez forcé de faire construire à la station de Bruxelles devenue alors centrale, pour des sommes à peu près doubles en vue des prix élevés et du terrain et de la main-d'œuvre, les bâtiments, et pour le magasin central, et pour les ateliers, et pour les remises des voitures. Enfin il faudra faire une nouvelle dépense de quelques millions, comme conséquence du nouveau système substitué à celui qui existe.

Mais, dira-t-on, et déjà dans une autre séance un membre l'a prétendu, « il ne s'agit pas d'un système nouveau, il s'agit d'un simple embranchement. » Oui, il ne s'agit pour le moment que d'un simple embranchement, mais d'un embranchement qui, avec ce qui existe et avec les conséquences qui doivent s'ensuivre, détruit tout le système existant et le remplace par un nouveau. En effet, bientôt, et cela du moment que le chemin de fer d'Anvers à Gand, qui est déjà achevé depuis longtemps jusqu'à St-Nicolas, sera fait, toutes les relations, toutes les communications entre Gand et Anvers s'établiront par cette voie, et le transport et des marchandises et des voyageurs entre ces deux villes se fera par cette ligne. C'est pour la direction d'Anvers vers les Flandres.

Par l'exécution du nouveau projet, toutes les communications de la majeure partie des Flandres avec Bruxelles se feront par la nouvelle ligne directe.

Quand cette ligne sera achevée, et peut-être avant, on demandera comme une conséquence un chemin en ligne directe de Bruxelles sur Louvain, simple embranchement ; et au moyen de tous ces simples embranchements, on ira de Gand à Anvers sans emprunter la ligne de l'Etat, sans passer par la station centrale.

Au moyen de la ligne directe dont il est actuellement question, on ira directement des Flandres à Bruxelles, sans suivre la voie existante, au moins celle à partir de Wetteren par Termonde, Malines et Vilvorde. Par l'exécution de l'embranchement de Louvain à Bruxelles toutes les communications de Liège et de l'Allemagne avec la capitale, avec Bruxelles, se feront par cette nouvelle voie. Enfin pour aller de l'est à l'ouest du pays, on abandonnera la voie de la station centrale, et on prétendrait qu'il ne s'agit que d'un simple embranchement ! Non, il s'agit de substituer un nouveau système au système existant, et de détruire cette grande œuvre créée par la loi de 1834. La station centrale actuelle sera encore la station centrale légale et nominale ; mais Bruxelles sera la station centrale de fait.

Aussi je voudrais, et j'insiste beaucoup sur ce point, qu'avant de prendre une décision sur la ligne dont il est question, le gouvernement nous présente un plan général des chemins de fer à construire et par concession et aux frais du gouvernement. Au moins saurions-nous à quoi nous en tenir pour l'avenir, et le pays connaîtra l'étendue des sacrifices qu'on réclame de lui pour des nouvelles voies ferrées.

Les nouvelles voies donneront à une partie de la population quelques facilités de communication de plus qu'elle n'a aujourd'hui, mais aux dépens du trésor public. Car, quoi que l'on puisse en dire, j'ai l'intime conviction que les nouvelles constructions, en proportion des capitaux engagés, diminueront les revenus du trésor de l'Etat. Cependant, chacun sait combien il est difficile de créer de nouvelles ressources ; on n'a qu'à se reporter aux discussions et aux votes annuels sur le budget des voies et moyens pour s'en convaincre. Le chemin de fer nous a donné à peine 4 p. c. du capital employé, et déjà on voudrait changer le système et rendre improductive une partie de notre chemin de fer existant.

Que le gouvernement y réfléchisse donc mûrement. Si les nouvelles lignes, quelles qu'elles soient, doivent diminuer les revenus du trésor, qu'il pense aussi aux moyens de combler le déficit ou la diminution des recettes.

Après avoir fait valoir quelques considérations dans l'intérêt du trésor, qu'il me soit permis de dire quelques mots en faveur de la ville qui m'a confié son mandat.

Malines doit, de posséder la station centrale, à sa position topographique et nullement à une faveur spéciale ou à une cause autre que celle résultant de sa situation ; cependant ne croyez pas qu'elle l'ait obtenue sans sacrifices de sa part, sans de grands sacrifices même. D'abord elle a cédé au gouvernement tout le terrain de la station, sans indemnité aucune, mais sur l'assurance qu'elle conserverait toujours la station centrale. Ce sacrifice s'élève, pour la ville, à près de 100,000 francs. Elle a dépensé, en outre, près d'un demi-million pour l'embellissement des alentours de la station, et tout cela en considération de la position que la loi du 1er mai 1834 lui faisait, et qu'il s'agit de détruire aujourd'hui. Serait-il juste de lui enlever ce qui lui a été accordé par la loi et pour ainsi dire à litre onéreux ?

Elle aurait pu, sans pouvoir être taxée d'ingratitude, se refuser à ce sacrifice ; mais elle a pensé qu'un bienfait en vaut bien un autre, et que les avantages qu'elle devait retirer de sa nouvelle position légitimaient et les sacrifices et les charges qu'elle s'imposait. Mais en s'imposant ces conditions onéreuses, elle comptait aussi que dans la suite cette positionne recevrait point d'atteinte, que la loi de 1834 serait une loi permanente, et non des dispositions transitoires, qui disparaîtraient à la moindre réclamation d'autres localités.

Je sais que quelques personnes partagent l'opinion de l'ingénieur Desart qui soutient « que la ligne directe de Bruxelles à Gand ne nuira point à la ville de Malines, qu'elle n'a aucun intérêt à ce que les voyageurs allant de Bruxelles à Gand, à Ostende et à Lille traversent la station, et qu'elle ne perdra pas un seul voyageur qu'elle envoie ou qu'elle reçoit (page 1758) maintenant. » Certes, pour les personnes qui ne font que passer, elles ne procurent aucun avantage à la ville ; mais bon nombre de voyageurs étrangers visitent Malines et y séjournent, parce qu'elle est sur leur passage, et qui n'y viendraient probablement pas du moment qu'il y aurait une ligne plus directe à suivre pour aller à Bruxelles.

Chacun sait, du reste, qu'un grand nombre de voyageurs visitent les villes qui se trouvent sur leur route, même celles qui ne tenteraient point leur curiosité s'ils devaient faire un détour pour les voir.

Les convois qui viendraient de France et des Flandres, au lieu de se diriger sur Malines pour venir à Bruxelles se rendraient dorénavant directement à Bruxelles par Alost et vice-versa, et Malines ne perdrait pas un seul voyageur ! Les convois qui viendront d'Allemagne et de Liège, au lieu de passer par Malines, se rendraient de Louvain directement à Bruxelles et vice-versa, et Malines ne perdrait pas un seul des voyageurs qu'elle envoie ou qu'elle reçoit aujourd'hui ! Quel que soit l'art au moyen duquel on soit parvenu à grouper les chiffres dans le rapport de cet ingénieur, il me semble que les arguments sont peu concluants.

Eh quoi, tous les convois, à l'exception de ceux d'Anvers, passeront, pour se rendre à Bruxelles et retourner, à côté au lieu de passer par Malines, et on ne perdra pas un seul voyageur qu'on envoie ou qu'on reçoit aujourd'hui !

Quant à moi, je partage l'opinion exprimée par l'ingénieur civil, M. Delaveleye, dans la pétition qu'il nous a adressée et dont la chambre a ordonné l'impression à la séance du 4 mai dernier.

« Si l'on accorde, dit cet ingénieur, une concession directe de Bruxelles à Gand, le parcours sur les lignes de l'Etat sera réduit à zéro. »

Enfin Malines sera encore la station centrale de nom et de par la loi du 1er mai 1834, mais il n'y aura plus de convois, et les rails seront bientôt couverts d'herbes si le sable doré de mer, qui couvre la route, n'y met obstacle.

Je termine par un passage de la pétition de M. l'ingénieur Delavelaye : « Il faut, dit-il, que le gouvernement adopte un plan raisonné, qui assure à jamais la prééminence des lignes gouvernementales ; un plan tellement conçu que jamais les concessions qu'il accordera ne viennent détruire cette propriété sacrée.

« Accordez des concessions, accordez-en beaucoup, mais faites en sorte qu'elles ne viennent pas heurter l'économie des lignes nationales.

« Les lignes nationales, semblables à un majestueux fleuve de fer, doivent recevoir, comme tributaires, les affluents des concessions particulières ; mais jamais les rôles ne doivent être intervertis ; ils le seraient complétement par le système proposé. »

M. Desmet. - Dans une séance précédente, M. le ministre des travaux publics, répondant à une interpellation de l'honorable M. de Terbecq, a dit qu'il donnerait communication à l'administration communale de Termonde du rapport de l'ingénieur Desart ; l'honorable M. de Naeyer a demandé communication des observations de cette administration et des études du corps des ponts et chaussées à ce sujet. Je demanderai si cette communication pourrait nous être faite.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J'ai annoncé à une séance précédente que je ferais une enquête sur le projet de chemin de fer direct de Bruxelles vers Gand. Je pense que, dans cette position des choses, toute discussion sur les détails de cette affaire serait sans objet. Je pense que, pour le moment, la seule question qui se présente est celle de savoir s'il sera passé outre à une discussion sans enquête, ou s'il y aura une enquête.

Je crois par conséquent qu'il serait utile que la chambre se fixât sur ce point.

Ce point étant fixé, la discussion deviendra plus simple ; elle pourra suivre un cours plus utile et plus logique.

M. Osy. - Il me semble que l'enquête est de droit.

Au commencement de l'année, on a demandé la construction d'un chemin de fer d'Anvers à Düsseldorf. Jusqu'à présent il n'a pas été pris de décision ; on a dit que l'on faisait une enquête. Cette enquête a eu lieu dans tous les arrondissements, dans tous les cantons. Il y a eu même une commission centrale qui a fait un rapport.

Le chemin de fer dont il s'agit aujourd'hui, est assez important pour les localités intéressées, pour que le gouvernement doive s'entourer de toutes les lumières ; car il y aurait des localités fortement compromises par ce tracé. Ensuite, si ce chemin de fer se fait, nous devons savoir à combien montera la dépense, et surtout quel préjudice éprouvera par suite le chemin de fer de l'Etat.

J'appuie donc l'enquête dont a parlé M. le ministre des travaux publics.

M. de Naeyer. - Ce n'est pas la question. La chambre a mis à l'ordre du jour le rapport de M. le ministre des travaux publics ; elle doit maintenir son ordre du jour ; on doit pouvoir discuter ce rapport.

M. Manilius. - Je crois aussi que c'est le rapport du ministre qu'on doit discuter.

M. le ministre témoigne le désir de sortir de cette discussion par la solution de la question de savoir s'il y aura ou non une enquête.

Je crois que l'on rendrait la solution plus facile si le ministre déclarait que, comme base de l'enquête, il déposera un avant-projet dans les chefs-lieux des trois provinces.

M. le ministre doit avoir un avant-projet dont il ne veut pas se résoudre à faire un projet définitif.

Eh bien, comme je viens de le dire, que M. le ministre fasse déposer cet avant-projet dans les divers chefs-lieux ; qu'il le dépose même à Alost et à Termonde, et ainsi il y aura une enquête régulière, enquête qui se fait, d'ailleurs, dans toutes les occasions où il s'agit de construire une route aux frais de l'Etat.

Vous voyez que de cette manière, messieurs, il serait facile au gouvernement de nous mettre tous d'accord et de faire cesser une discussion qui ne peut avoir une solution.

M. le ministre nous a donné des explications sur les pétitions qui lui ont été envoyées. Dans ces explications, il dit qu'il croit que c'est le gouvernement qui doit faire cette ligne. Il adopte donc, comme je viens de le dire, un avant-projet. Dès lors, il ne doit trouver aucune difficulté à déclarer qu'il déposera cet avant-projet. Quand il aura cette enquête, qui sera une enquête régulière, une enquête administrative dans laquelle tous les intéressés se seront fait entendre, il aura par devers lui tous les moyens de faire un projet définitif, de se décider soit pour la construction par l'Etat, soit pour la construction par une société. Si le gouvernement veut faire la déclaration que je lui demande, je suis persuadé que toute discussion viendra à cesser.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois devoir faire remarquer que la forme de l'enquête à instituer dans le cas présent, est déterminée par l'arrêté royal du 29 novembre 1836. Aux termes de cet arrêté royal, l'avant-projet sur lequel s'ouvre l'enquête doit être déposé à l'inspection du public et de tous les intéressés pendant un temps déterminé qui peut varier d'un mois à trois mois.

C'est cette forme que j'ai l'intention de suivre. Ici trois provinces me paraissent avoir un intérêt réel à la question : la Flandre orientale, la province d'Anvers et le Brabant. Mon intention serait de faire le dépôt des pièces aux chefs-lieux de ces trois provinces et d'instituer ensuite une commission dont des délégués de ces trois provinces feraient partie.

L'avant-projet du chemin de Bruxelles à Gand par Alost existe. Cet avant-projet pourrait être déposé. On y joindrait toutes les autres pièces, tous les documents qui seraient de nature à jeter quelque jour sur la question.

M. de Haerne. - Messieurs, si le gouvernement n'est pas décidé sur le projet de chemin de fer dont il s'agit, il est naturel qu'il institue une commission d'enquête ; qu'il lève dans les diverses provinces les renseignements qui pourraient lui être nécessaires. Cependant, messieurs, ce projet de chemin de fer a été apprécié dans un rapport qui nous a été communiqué depuis assez longtemps, et je pense que le gouvernement doit avoir une idée fixe à cet égard. Je crois que le gouvernement, en présence du rapport qui a été fait, doit avoir une opinion formée. C'est pourquoi je désirerais savoir si, dans l’opinion du gouvernement, ce chemin de fer est avantageux ou s'il doit en résulter des inconvénients, tels que ceux qui sont signalés par ses adversaires. Car toute la question est là.

Si nous connaissions l'opinion du gouvernement à cet égard, nous serions nous-mêmes très éclairés. Je pense que le gouvernement rendrait service à la chose publique, et au chemin de fer dont on demande la construction, s'il jetait quelques lumières sur la question, s'il nous éclairait sur le point de savoir si ce chemin de fer doit contribuer à la prospérité générale de l'Etat ou s'il doit lui être plus ou moins contraire. A cet égard, je prendrais la liberté d'entrer dans la discussion.

M. le président. - Vous ne pouvez vous occuper dans ce moment que de la motion d'ordre.

M. de Haerne. - Je demanderai si l'on veut discuter seulement dans ce moment la motion d'ordre de l'honorable M. Desmet, ou si l'on veut poursuivre la discussion telle qu'elle a été entamée par les précédents orateurs et entre autres par l'honorable baron de Terbecq et par l'honorable M. Scheyven.

M. le président. - Il s'agit uniquement de la motion d'ordre.

M. de Haerne. - S'il ne s'agit que de la motion d'ordre, je n'entrerai pas pour le moment dans la discussion générale.

M. de Terbecq. - Je n'ai pas touché le fond de la question. J'ai simplement appuyé l'enquête.

M. de Haerne. - Je n'entrerai pas non plus dans le fond de la question ; je me bornerai à répondre aux observations de l'honorable membre, et à celles de l'honorable député de Malines. Mais, puisqu'il ne s'agit maintenant que de la motion faite par l'honorable M. Desmet, je renonce pour le moment à la parole et je prie M. le président de m'inscrire pour la discussion générale.

M. Dedecker. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour examiner la motion d'ordre de l'honorable M. Desmet. Sur quoi doit porter la discussion actuelle ? D'après M. le ministre, toute la question se réduit au point de savoir s'il y a lieu, oui ou non, de faire procéder à une enquête. L'honorable M. Osy partage cette opinion. L'honorable M. Desmet croit que ce qui est en discussion c'est le rapport de M. le ministre des travaux publics ; au fond c'est encore la même chose, car les conclusions de ce rapport sont qu'il y a lieu de procéder à une enquête. Ainsi, messieurs, au fond, tout le monde est d'accord.

L'honorable M. Manilius voudrait que le gouvernement déposât dans les différents chefs-lieux un avant-projet ; mais alors le gouvernement prendrait déjà position dans la question et c'est précisément ce que nous voulons éviter ; nous demandons que le gouvernement ne prenne pas position avant que la question n'ait été examinée sous toutes ses faces, et jusqu'à présent elle ne l'a pas été. C'est tellement vrai que M. le ministre dit, dans son rapport : « cette question en renferme deux autres : 1° établira-t-on un chemin de fer direct de Bruxelles sur Gand ? 2° comment ce chemin de fer sera-t-il établi ? Si donc M. le ministre déposait aux chefs-lieux des provinces un avant-projet élaboré par le gouvernement, ce (page 1759) serait déjà résoudre la première question, sur laquelle M. le ministre déclare lui-même qu'il n'est pas suffisamment renseigné.

Je crois, messieurs, que la discussion doit se renfermer dans la question suivante : Y a-t-il lieu, oui ou non, de procéder à une enquête ?

M. Desmet. - Je crois, messieurs, que la discussion doit porter sur toutes les considérations qui figurent dans le rapport de M. le ministre des travaux publics. Il est bien vrai qu'il exprime l'opinion qu'il faudrait procéder à une enquête, mais il n'a pas toujours partagé cette opinion, car il y a quelque temps il a répondu à M. de Terbecq qu'il ne savait pas si une enquête était nécessaire, mais qu'il communiquerait le rapport de M. Desart aux administrations locales en leur demandant leur avis.

Mais si l'on fait une enquête qu'est-ce qui servira de base à cette enquête ? N'est-ce pas un avant-projet du gouvernement, ou bien est-ce le rapport et le projet de M. Desart ? Mais c'est encore là le projet du gouvernement. Il n'y a donc autre chose à soumettre à la commission d'enquête, que le projet du gouvernement et ensuite la question des moyens d'exécution.

Il est certain, messieurs, qu'aucun des chemins de fer exécutés par l'Etat, n'a été soumis à une enquête. On soumet à une enquête les projets de commission, voilà ce que porte l'arrêté royal ; mais on ne soumet pas à une enquête pour les chemins de fer à construire aux frais de l'Etat. Mais, messieurs, on a voté des chemins de fer par assis et levé, en quelque sorte sans renseignements, sans études, et maintenant qu'il s'agit d'un bout de chemin de fer qui sera de la plus haute utilité pour l'Etat aussi bien que pour une localité qui souffre depuis trop longtemps, maintenant on veut absolument une enquête. Eh bien, messieurs, dans mon opinion cette demande ne peut avoir qu'un seul but, c'est de faire ajourner le projet.

Quoi qu'il en soit, messieurs, si la chambre veut qu'une enquête ait lieu, je demande qu'elle décide que cette enquête portera sur l'avant-projet du gouvernement. Sans cela je ne vois pas moyen de faire l'enquête.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, il n'existe pas, relativement au chemin de fer direct de Bruxelles à Gand, de proposition du gouvernement, ni des travaux émanant du gouvernement ; il existe un rapport fait au ministère des travaux publics par un de ses agents ; le gouvernement ne s'est pas prononcé jusqu'ici sur ce travail, et dès lors ce n'est pas un acte du gouvernement. Toutefois, c'est un travail fort étendu, fort complet, qui peut servir de point de départ à une enquête et de base à la discussion. Ceux qui adopteront les propositions contenues dans ce travail, le diront ; ceux qui seront d'une opinion contraire feront sur ce travail les observations et élèveront les objections qu'ils croiront utiles. A ce point de vue donc, il n'y aurait rien d'insolite, rien de contraire aux principes dans l'institution actuelle d'une enquête.

L'honorable membre a fait remarquer que, pour beaucoup d'autres projets, il n'y a pas eu d'enquête, que les chemins de fer de l'Etat ont été décrétés sans enquête. Je crois, messieurs, que l'honorable membre est dans l'erreur sur ce dernier point. Il n'y a pas eu, à la vérité, une enquête dans les formes déterminées par l'arrêté de 1836, mais on a consulté les administrations communales et les chambres de commerce de presque toutes les villes du pays.

Dans le cas présent, messieurs, il s'agit d'une question d'un très haut intérêt, il faut le reconnaître, d'une question plus importante peut-être que la plupart des questions de travaux publics qui ont été résolues. Je pense donc, messieurs, qu'une enquête ne pourrait qu'être utile et que ce serait, s'il m'est permis de dire, un moyen de pacification dans cette gestion ; personne ne pourrait se plaindre de ne pas avoir été entendu.

M. le président. - Nous rentrons dans l'ordre du jour, qui est la discussion du rapport de M. le ministre. Nous mettrons ensuite aux voix les propositions que les membres de la chambre pourront faire.

(page 1761) M. de Naeyer. - Messieurs, c'est sur la motion de l'honorable M. d'Elhoungne que la question qui nous occupe a été mise à l'ordre du jour. Je regrette vivement qu'une indisposition empêche l'honorable membre d'assister, en ce moment, à nos travaux. Ses plus vives sympathies sont acquises au chemin de fer. Et vous vous rappellerez qu'il a annoncé l'intention à la chambre d'user de son droit d'initiative, dans le cas où le gouvernement ne nous ferait aucune proposition pour décréter pendant la session l'exécution de ce projet.

Dans une de nos séances précédentes, M. le ministre des travaux publics nous a donné des explications sur le projet de construire un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand. Je dois déclarer que ces explications ne m'ont pas paru satisfaisantes, et M. le ministre a reconnu lui-même (page 1762) que les paroles prononcées antérieurement par lui, dans cette enceinte, nous donnaient droit d'augurer mieux du gouvernement.

En effet, messieurs, dans la séance du 7 mai, M. le ministre disait que la question dont il s'agit était à peu près résolue ; il nous faisait entendre, en termes assez explicites, qu'un projet de loi serait présenté dans la session actuelle, pour décréter l'exécution de cette nouvelle ligne de chemin de fer.

Nous avons donc eu lieu d'être étonné quand, quelques semaines plus tard, il est venu nous déclarer que cette question, qui était à peu près résolue, était devenue insoluble pour le moment, que le gouvernement n'était pas assez éclairé pour pouvoir nous soumettre une proposition définitive. Voilà, dans la conduite du gouvernement, un mouvement de recul que nous avons bien de la peine à nous expliquer.

Pour ma part, je suis intimement convaincu des bonnes dispositions de M. le ministre des travaux publics ; les relations que j'ai eues avec cet honorable ministre ne me permettent pas de douter qu'il ne désire aussi vivement que moi-même la construction du chemin de fer dont il s'agit ; je ferais injure à son caractère si j'élevais le moindre doute à cet égard ; j'ai donc pu croire que ses bonnes dispositions ont été paralysées par ses collègues.

Quoi qu'il en soit, examinons les motifs qui nous sont donnés par M. le ministre des travaux publics, pour justifier la conduite du gouvernement à notre égard.

M. le ministre est venu dire qu'il s'agit d'une question extrêmement grave, qu'elle touche à des intérêts divers, y compris celui du trésor ; qu'il s'agit d'abord de décider le principe de l'établissement de la nouvelle ligne ; qu'il s'agit, en outre, de régler son mode d'exécution ; que le principe est de nature à inspirer des défiances aux uns et à être vivement combattu par les autres ; que, quant au mode d'exécution, il y a de grandes difficultés à résoudre ; qu'enfin une enquête a été demandée par des localités intéressées et que ces localités élèvent une prétention légitime.

Messieurs, ce n'est pas moi qui nierai qu'il s'agit d'une question grave, ce n'est pas moi qui révoquerai en doute les intérêts importants, nombreux et respectables qui y sont engagés ; mais est-ce un motif pour en retarder la solution, alors qu'il doit être démontré à la dernière évidence, aux yeux du gouvernement, par le travail d'un de ses ingénieurs les plus distingués, investi à juste titre de sa confiance, que cette solution peut avoir lieu, sans blesser aucunement les intérêts du trésor public, sans blesser les prétentions légitimes d'aucune localité, et tout en favorisant au plus haut degré les intérêts de la capitale des deux Flandres et spécialement d'un arrondissement important qui a été laissé trop longtemps dans un si injuste et si déplorable abandon.

M. le ministre reconnaît, dit-il, toute l'utilité de la nouvelle ligne. Cette utilité, en effet, est incontestable, en présence des immenses avantages qui doivent en résulter pour les relations de la capitale avec les deux Flandres qui forment le tiers du pays, sous le rapport de la population, des impôts versés au trésor public et de la production des richesses nationales.

M. Henot. - C'est le fond.

M. de Naeyer. - Je prie l'honorable M. Henot de ne pas m'interrompre, il n'en a pas le droit ; si j'ai le malheur de dire quelque chose de désagréable à son arrondissement, je le regrette fort ; mais il faut bien que j'élève la voix au nom des intérêts qui ont été trop longtemps méconnus par le gouvernement et que j'ai mission de défendre dans cette enceinte.

Messieurs, je disais donc que l'utilité du chemin de fer dont il s'agit était incontestable en présence des immenses avantages qui doivent en résulter pour les relations de la capitale avec les deux Flandres, en présence des grandes facilités que cette nouvelle voie de communication procurera, tant aux relations internationales de la Belgique avec l'Angleterre et la France qu'aux relations qu'il est si désirable de développer et d'étendre entre les provinces de Namur, de Limbourg et de Luxembourg d'un côté, et les deux Flandres de l'autre.

Mais il n'existe pas seulement, en faveur de ce projet, des motifs d'utilité publique ; il existe encore un motif plus puissant, un motif de justice et d'équité nationale, et, à cet égard, je suis heureux de pouvoir m'appuyer encore sur l'aveu de M. le ministre des travaux publics.

En effet, dans son rapport, M. le ministre a dû reconnaître que le chemin de fer de Malines à Gand avait été préjudiciable à l'arrondissement d'Alost, qu'il a dépossédé la ville d'Alost d'une partie des avantages commerciaux dont il jouissait ; et ces avantages, à qui les devions-nous ? Etait-ce à la faveur du gouvernement ou de la législature ? Non, messieurs. M. le ministre l'a reconnu encore, ces avantages étaient pour nous un bienfait de la Providence ; nous devions ces avantages à notre position au cœur du pays, à notre situation entre nos deux plus grands centres de population, entre Bruxelles et Gand. En effet, la ville d'Alost, placée sur la ligne droite entre Bruxelles et Gand, était depuis un temps immémorial le point intermédiaire, le point de passage obligé pour toutes les relations entre la capitale et nos provinces méridionales d'un côté, et la ville de Gand, les deux Flandres et l'Angleterre d'un autre côté. Cette position heureuse, que nous devions considérer comme un bienfait de la nature, avait rendu la ville d'Alost une des villes les plus animées et les plus florissantes du pays ; c'est un fait que tout le monde connaît.

Visitée chaque jour par de nombreux voyageurs étrangers, traversée chaque jour par 30 ou 40 voitures publiques, elle trouvait dans ces relations si faciles avec les autres parties du royaume, elle trouvait dans ces nombreux moyens de transport qui étaient mis à sa disposition, des éléments de vie et de prospérité pour son commerce et pour ses industries.

Eh bien, cet état de choses qui exerçait la plus heureuse influence sur l'arrondissement d'Alost a été complétement bouleversa et détruit par la construction du chemin de fer de Malines à Gand. Depuis lors, l'arrondissement et la ville d'Alost, quoique placés au cœur du pays, sont relégués dans l'isolement le plus absolu. Qu'en est-il résulté ? Une atteinte mortelle pour nos relations commerciales. Qu'en est-il résulté encore ? C'est que nos nombreuses industries, nos fabriques d'indiennes et de fil qui occupent près de 4,500 ouvriers, nos tanneries qui sont très importantes, nos fabriques d'huile qui sont peut-être les plus considérables du pays ; que toutes nos industries, dis-je, se sont trouvées placées dans un état d'infériorité vis-à-vis des industries rivales établies dans d'autres localités et favorisées au plus haut point par la construction de nos chemins de fer, à l'exécution desquels nous avons été obligés de contribuer de nos deniers.

Voilà l'état déplorable dans lequel se trouve aujourd'hui l'arrondissement d'Alost. En parlant ainsi, je ne fais que proclamer un fait connu de tout le monde, un fait notoire, un fait que l'opinion publique a signalé plusieurs fois. Cet état de souffrance qui pèse sur nous par suite de l'exécution de mesures gouvernementales, dure depuis dix à douze ans, amène d'année en année de nouveaux désastres, au point que bientôt il aura tari toutes les sources de prospérité et de bien-être dont la nature nous avait si richement dotés.

C'est là une position unique dans le pays. Impossible de citer aucune localité qui ait été blessée aussi profondément dans ses intérêts les plus vitaux et les plus palpitants par suite de la construction de notre railway, que la ville et l'arrondissement d'Alost. Maintenant que demandons-nous pour sortir de cette position devenue intolérable ? Demandons-nous des sacrifices aux localités qui se sont enrichies de nos dépouilles ? Voulons-nous leur enlever les voies de communication dont elles ont été si largement dotées aux frais du trésor public ? Aucunement, nous voulons laisser Malines et Termonde en possession de leurs chemins de fer ; il ne s'agit pas de les démolir ; ce sont là des craintes chimériques, sinon une tactique dont on fait usage pour faire repousser nos réclamations. Demandons-nous des sacrifices au trésor ? Certes, nous serions en droit de le faire. Cette demande de notre part ne serait bien légitime. N'avons-nous pas contribué et contribué largement à alimenter les caisses de l'Etat ? Il est positif que notre arrondissement seul verse annuellement au trésor des revenus plus considérables et surtout plus nets que telle ou telle de nos provinces. Je suis à même de prouver que les impôts que nous avons payés depuis la révolution, depuis 1830, s'élèvent au moins à 30 millions. Après avoir supporté des charges aussi considérables, rien ne serait plus juste, plus légitime que de demander au trésor des sacrifices pour apporter un remède à cet état de souffrance que j'ai signalé et qui est le résultat d'une mesure du gouvernement, lequel veut exiger une compensation en notre faveur.

Voilà cependant ce que nous ne faisons pas. Nous voulons reprendre la position que la nature nous avait faite, nous voulons nous relier directement à Bruxelles et à Gand par une voie de communication appropriée aux besoins de l'époque ; nous voulons nous relier à ces deux grands centres de population, parce que c'est vers ces deux grands centres que gravite, depuis un temps immémorial, le mouvement commercial et industriel de notre arrondissement.

Si le gouvernement ne veut pas exécuter lui-même les travaux nécessaires pour amener ce résultat, nous demandons qu'on laisse agir l'industrie privée. Nous lui disons : « Réparez le mal que vous nous avez fait, le préjudice immense, la ruine même que vous avez causés à notre commerce et à nos industries. Si vous ne voulez pas le faire vous-même, laissez faire l'industrie privée.» Je le demande à tout homme impartial : une pareille réclamation peut-elle être repoussée sans une injustice criante, révoltante même ?

Eh quoi ! le gouvernement fait exécuter en partie avec nos propres deniers des travaux qui ont rompu nos relations commerciales, et porté le coup le plus funeste à toutes nos industries, des travaux qui nous ont isolés en quelque sorte de la Belgique, et paralysent tous nos éléments de bien-être et de prospérité ; et quand nous demandons qu'on nous permette de nous relever de notre ruine, grâce au secours de l'industrie privée, on viendrait nous opposer un veto absolu ! On nous dirait en d'autres termes : Nous vous avons dépouillés des avantages que la nature vous avait accordés, et vous resterez dépouillés. Nous vous avons relégués dans l'isolement et vous n'en sortirez pas.

S'il en était ainsi, nous devrions répondre que le gouvernement de la Belgique indépendante ne nous est guère connu que par les impôts qu'il nous fait payer chaque année, et par le tort immense qu'il nous a causé, sans qu'il nous permette de le réparer ; nous serions forcés de dire encore que le chemin de fer, que la Belgique montre avec un juste orgueil à l'étranger, est souillé par la ruine d'un de ses arrondissements les plus importants et qu'il n'a profité aux uns qu'en écrasant les autres.

On objectera que cette entreprise est une entreprise trop brillante, qu'elle doit donner des produits trop considérables pour pouvoir être abandonnée à l'industrie privée. Mais alors, que le gouvernement s'en charge lui-même, sans cela cette objection n'est qu'une amère dérision.

On dira encore que la ligne de chemin de fer que nous proposons doit faire une concurrence redoutable au chemin de fer de l'Etat, et qu'il doit en résulter un grand préjudice pour les revenus du trésor. C'est là la grande objection, le cheval de bataille de nos adversaires.

Quand ils élèvent la voix, dans cette enceinte, ce ne sont pas des (page 1763) intérêts de localité qu'ils invoquent, cela ne vient qu'en passant, connue accessoirement, ce sont les intérêts du trésor menacés qu'ils mettent en avant. Je dois rendre hommage au talent avec lequel nos adversaires ont abrité derrière cette grande considération d'intérêt du trésor public, de petites, de mesquines considérations puisées dans de petits intérêts de localité.

Le chemin de fer que vous proposez doit faire, nous dit-on, une concurrence aux lignes de l'Etat. Mais n'est-ce pas parce qu'il est mieux approprié aux besoins de la capitale, aux besoins des deux Flandres, aux besoins du pays en général ? On fait donc un crime à ce projet des services qu'il est appelé à rendre au pays, des bienfaits qu'il est appelé à répandre !

Ce chemin doit faire concurrence au chemin de fer de l'Etat. Est-ce notre faute ? Est-ce que l'idée de faire desservir les relations entre Bruxelles et les Flandres, en passant par Malines, vient de l'arrondissement d'Alost ? Est-ce que l'arrondissement d'Alost la suggérée ?

Si les villes de Bruxelles et de Gand se plaignent hautement de l'allongement de parcours qu'elles ont à subir pour communiquer entre elles, est-ce notre faute ? Si les habitants de Bruges, d'Ostende, de Courtray et de tous ces grands centres de population des provinces flamandes se plaignent également de devoir passer par Malines pour arriver à la capitale, encore une fois est-ce notre faute à nous ? Pourquoi donc invoquer contre nous un fait complétement indépendant de notre volonté ?

On est effrayé ou plutôt on a l'air d'être effrayé des pertes immenses que la construction de ce chemin de fer entraînerait pour le trésor public.

Avant d'aborder plus au fond cette objection, permettez-moi de vous citer les paroles prononcées dans cette enceinte par l'honorable M. d'Hoffschmidt dans la discussion du projet de chemin de fer dans le Luxembourg. Voici ce que cet honorable ancien ministre disait à cette occasion.

Je crois que l'honorable M. Mast de Vries venait de se plaindre de ce qu'on ne conservait pas assez intact ce qu'il appelait le joyau de nos chemins de fer, il trouvait qu'on le gâterait sans doute en y ajoutant de nouvelles pertes. Il ne voulait pas qu'on établit de nouvelles lignes par concession, parce que, selon lui, on finirait par détruire complétement notre réseau national.

L'honorable M. d'Hoffschmidt, dont la parole peut certes être invoquée comme une autorité dans cette matière, s'exprimait alors en ces termes : « Si le chemin de fer de l'Etat était la cause que d'autres chemins de fer très utiles ne pussent se faire, s'il était un obstacle à ce que des voies de communication réclamées par les plus grands intérêts du pays pussent se construire, je dis qu'alors le chemin de fer de l'Etat ne mériterait plus au même degré l'intérêt que nous lui portons. Et, en effet, en profitant aux uns, il serait devenu un élément de ruine pour les autres.) Mais, ajoute l'honorable M. d'Hoffschmidt. j'ai plus de foi dans le chemin de fer de l'Etat ; je dis que quand toutes ces voies de communication seront faites, quand Bruxelles sera le centre de nos chemins de fer (l'honorable membre fait évidemment, ici, allusion au chemin de fer direct de Bruxelles à Gand), encore le chemin de fer de l'Etat aura des revenus plus considérables que ceux qu'il a maintenant ; quelques-unes de ces voies de communication peuvent lui faire concurrence, mais il y en a bien d'autres qui seront des affluents productifs. »

Je crois que ces paroles résument parfaitement les principes qui doivent guider le gouvernement et la chambre dans les concessions des nouvelles lignes de chemins de fer. Il est possible que quelques-unes de ces lignes portent préjudice aux recettes de l'Etat sur telle ou telle partie de notre railway national, mais les résultats doivent être envisagés dans leur ensemble ; s'il y a perte d'un côté, il faut examiner s'il n'y a pas compensation de l'autre ; s'il n'y a pas compensation par suite de l'influence favorable que les lignes concédées exerceront comme affluents sur les lignes de l'Etat.

Ce sont les principes qui ont prévalu dans la discussion du chemin de fer du Luxembourg. En effet, là aussi il y avait une perte certaine pour e trésor public. Evidemment, la construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Namur doit enlever à l'Etat ce qui est perçu aujourd'hui sur le mouvement de voyageurs et des marchandises entre ces deux villes, et cela à raison d'un parcours de 22 lieues.

Mais on a fait remarquer que cette perte pourrait être compensée par des recettes sur les autres lignes de l'Etat. Le même système nous est applicable.

Certainement si le chemin de fer en question était abandonné à une compagnie sans réserve aucune, il ferait subir une certaine perte à l'Etat sur la ligne de Gand à Malines ; mais cette perte, il ne faut pas la porter trop haut. Il ne faut pas dire que le chemin de fer de Gand à Malines deviendra complétement désert, qu'il ne produira plus assez pour couvrir ses frais d'exploitation, ce serait là une grave erreur qu'il est facile de détruire complétement.

Messieurs, le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand par Alost n'enlèverait à la ligne actuelle de Malines à Gand qu'une seule catégorie de voyageurs, savoir : les voyageurs des différentes stations de la ligne de l'ouest à partir de Wetteren en destination de Bruxelles et vice versa les voyageurs de la capitale en destination vers ces différentes stations, Or, le nombre total de ces voyageurs n'est que de 150,000 par an, payant annuellement, à raison du parcours entre Wetteren et Bruxelles une somme de 370,000 fr. tout au plus.

Si l'on ajoute encore 50 p. c. pour les produits, perçus sur le mouvement des marchandises et des bagages, on trouve que la recette brute qui serait enlevée au gouvernement, s'élèverait à environ 555,000 fr. ; en calculant les revenus nets, d'après les bases adoptées par le gouvernement pour le chemin de fer du Luxembourg, ainsi que pour celui de Manage à Wavre ; c'est-à-dire, en déduisant 50 p. c. pour les frais d'exploitation, il resterait une perte réelle d'environ 300,000 fr. par an. Or, il est évident que cette perte serait amplement compensée par l'influence que la nouvelle ligne exercera sur toute la ligne de l'Ouest, à partir de Wetteren jusqu'à Mouscron et jusqu'à Ostende, et aussi sur la ligne du Midi. C'est une vérité dont le ministre des travaux publics est intimement convaincu. Je ne crains pas de l'interpeller à cet égard.

Cette assertion, je m'engage, d'ailleurs, à la prouver à la dernière évidence, si elle est contestée. D'ailleurs nous n'avons pas besoin de voir quels seront les résultats de cette compensation, puisqu'on a présenté une combinaison qui rassurerait complétement les intérêts du trésor et qui aurait pour effet de conserver à l'Etat toutes ses recettes actuelles de manière qu'aucune compensation quelconque ne serait nécessaire. Qu'il me soit permis d'indiquer sommairement les bases de cette combinaison.

1° Une compagnie serait chargée de construire, exclusivement à ses frais, sans intervention quelconque du gouvernement, le chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost et la ligne de raccordement entre les lignes du Midi et du Nord.

2° Ces deux lignes de chemins de fer entreraient dans le domaine de l'Etat immédiatement après leur achèvement et le gouvernement pourrait les exploiter comme il jugerait convenable.

3° On n'abandonnerait à la compagnie, pour l'indemniser des dépenses qu'elle aurait à faire, que les produits des nouvelles stations entre Wetteren et Bruxelles. Le gouvernement conserverait les produits de toutes les stations actuelles, c'est-à-dire qu'on ne lui enlèverait aucune recette quelconque dont il jouit actuellement. Ainsi toutes les augmentations de recettes qui résulteront nécessairement du raccourcissement des distances, toutes les augmentations de recettes qui résulteront de l'influence que la nouvelle ligne exercera sur les lignes de l'Etat seraient, non pas une compensation, mais un bénéfice pour le trésor public.

Et il en serait de même de l'augmentation de produits très considérable qui résulterait de la jonction de la ligne du Nord et de la ligne du Midi. En faisant disparaître cette solution de continuité, il est évident, et cela est d'ailleurs démontré clairement dans le rapport de M. l'ingénieur Desart, qu'on obtiendrait une augmentation de produits considérable, parce qu'Anvers et Malines et les autres localités situées, sur la ligne du Nord enverront alors un bien plus grand nombre de voyageurs à la ligne du Midi et vice versa. La ligne du Midi enverra un nombre de voyageurs beaucoup plus considérable aux différentes stations de la ligne du Nord. Or, par la combinaison qu'on propose, le gouvernement obtiendrait encore cet avantage sans dépenser un seul centime.

N'est-ce pas là une combinaison qui rassure parfaitement les intérêts du trésor ? Les craintes sont-elles encore possibles ?

On dira : Cette combinaison n'est qu'une idée, n'est qu'un projet. A-t-on une compagnie pour l'exécuter ? Ici, messieurs, nous tournons dans un cercle réellement vicieux. Le gouvernement veut-il avoir une compagnie ? Veut-il entrer en négociation sérieuse avec les compagnies ?

Lorsque ce projet a été mis en avant, il y a un an si je ne me trompe, vingt ou trente compagnies se sont présentées. Que leur a-t-on répondu ? On leur a dit : Le gouvernement ne peut admettre vos propositions, parce que nous voulons nous-mêmes exécuter ce chemin de fer. Dans cet état de choses, est-il encore raisonnable de venir dire que cette combinaison n'est qu'une idée, que l'on n'a pas de compagnie pour la mettre à exécution ? Nous répondrons que si vous n'avez pas de compagnie, c'est que vous n'en avez pas voulu.

Ainsi, messieurs, lorsque les compagnies se présentaient, c'était le gouvernement qui devait exécuter. Mais demande-t-on au gouvernement d'exécuter, oh ! alors son langage est tout différent. Il répond : Je ne suis pas disposé à faire de nouveaux emprunts, à engager de nouveaux capitaux dans l'entreprise des chemins de fer. Le moment est venu de faire faire les chemins de fer par voie de concession. Prend-on cette observation au sérieux, des propositions vont-elles naître de la part des compagnies ? Le gouvernement reprend son premier rôle et dit que c'est lui qui doit exécuter ce chemin de fer. Messieurs, je répète que c'est là un cercle vicieux dont on ne peut sortir. Que le gouvernement fasse enfin connaître sa résolution définitive ; qu'il dise s'il veut faire ce chemin de fer lui-même ou s'il veut le laisser faire par une compagnie à des conditions qui ne puissent nuire aucunement aux intérêts de l'Etat. Car nous garantissons à l'Etat une ample compensation de tous les revenus dont il jouit aujourd'hui.

On peut faire facilement l'évaluation de ces revenus ; on peut calculer la perte que la construction de la ligne dont il s'agit pourra faire subir à la ligne de Gand à Malines par Termonde. Eh bien que le gouvernement stipule avec la compagnie concessionnaire qu'elle devra complétement l'indemniser sous ce rapport.

Si le gouvernement veut prendre cette attitude, nous lui garantissons qu'il recevra bientôt des propositions et que les intérêts du trésor seront complétement indemnisés.

Les craintes que l'on manifeste sur la perte que pourrait subir l'Etat, sont donc tout à fait chimériques. J'ai le droit de les qualifier ainsi, (page 1764) puisqu'on ne veut pas entrer en négociation avec des compagnies qui feraient disparaître complétement ces craintes.

Ainsi, messieurs, je crois que par les considérations que je viens de faire valoir, il est démontré que si la question dont il s'agit touche aux intérêts du trésor, le gouvernement doit avoir dès maintenant l'intime conviction qu'elle peut être résolue sans faire éprouver au trésor aucune lésion quelconque ; vraiment il suffît pour cela que le gouvernement y mette un peu de bonne volonté.

Y aura-t-il d'autre part une lésion quelconque pour les localités qui possèdent depuis si longtemps des chemins de fer et qui ont profité si largement de ces lignes construites aux frais de l'Etat ? Y aura-t-il lésion possible pour la ville de Termonde, pour la ville de Malines ? Il est clair comme le jour que non. Car quelles sont les prétentions légitimes que Termonde et Malines peuvent élever raisonnablement ? Sans doute il serait absurde de leur part de vouloir jouir des bienfaits du chemin de fer à l'exclusion des autres. Tout ce que ces deux villes peuvent raisonnablement demander, c'est qu'on ne leur enlève pas les facilités qu'elles ont maintenant de communiquer avec les autres localités du royaume. Que leur fait le passage des voyageurs qui ne s'arrêtent pas chez elles ? Ce passage ne leur laisse que de la fumée.

Mais, dira-t-on, le nombre des voyageurs va tellement diminuer sur la ligne de Gand à Malines, que l'on devra réduire le nombre des convois et que cette ligne deviendra ainsi complétement déserte.

Messieurs, vous aurez pu remarquer par le rapport de M. l'ingénieur Desart que l'on veut conserver sur la ligne de Gand à Malines le nombre de convois qui y circulent actuellement. Les évaluations des frais d'exploitation sont faites dans cette hypothèse. Mais il paraît que cela ne suffit pas encore aux exigences de Malines et de Termonde. Eh bien ! voulez-vous quelque chose de plus rassurant encore ? Je dis qu'il doit être évident pour tout le monde que le gouvernement n'abandonnera jamais la ligne de Wetteren à Malines, qu'il n'ira pas la démolir et en enlever les rails, que même il ne diminuera pas le nombre des convois qui y circulent aujourd'hui, du moment que le mouvement des voyageurs qui continuera à exister sur cette ligne sera suffisant pour couvrir les frais d'exploitation et d'entretien. Je crois que cette thèse ne sera niée par personne. Si le gouvernement agissait autrement, il commettrait un acte de démence, et quelles que soient les craintes de Malines et de Termonde, je ne crois pas qu'elles puissent être poussées assez loin pour croire que le gouvernement soit capable de poser un acte semblable.

Or, messieurs, après la construction de la ligne directe de Bruxelles à Gand, il me paraît évident qu'il restera à la ligne de Malines à Gand un nombre de voyageurs suffisant pour couvrir amplement les fiais d'exploitation, dans la supposition que l'on y fasse circuler, comme on devra le faire, quatre convois par jour dans chaque sens, et je suis à même de le prouver directement.

En effet les voyageurs qui circulent aujourd'hui sur cette ligne peuvent se diviser en trois catégories. D'abord les voyageurs des Flandres en destination pour Bruxelles et vice versa. Ceux-là abandonneront la ligne ancienne. En second lieu les voyageurs de transit venant de la station de Wetteren et des stations de l'Ouest situées au-delà de Wetteren et se dirigeant vers Malines et vers la ligne de l'Est et même vers la ligne du Nord, si on en excepte la station de Bruxelles. Cette catégorie comprend également les voyageurs ayant pour point de départ les stations de l'Est et du Nord que nous venons d'indiquer, et se dirigeant sur la station de Wetteren et sur toutes les stations de l'Ouest situées au-delà. Or, les voyageurs appartenant à cette catégorie, si l'on en excepte une faible partie de ceux en destination pour Anvers ou ayant Anvers pour point de départ, continueront évidemment à circuler sur la ligne actuelle de Gand à Malines ; et le nombre en est considérable, il s'élève à plus de 100,000.

Il restera en outre à la ligne dont il s'agit, les voyageurs qui ont pour point de départ ou pour point d'arrivée les stations situées entre Wetteren et Malines, si l'on excepte les voyageurs entre Termonde et Bruxelles. Eh bien, ici la statistique constate encore un mouvement de plus de 140,000 voyageurs par an. De sorte qu'il restera entre Malines et Gand 250,000 voyageurs environ. Ce nombre est-il suffisant pour couvrir les frais d'exploitation de la ligne de Malines à Gand ? Evidemment oui, car en adoptant une base de calcul très modérée, il nous donne plus de 9 millions de voyageurs kilomètres, et en évaluant les produits à raison de cinq centimes par voyageur kilomètre, il nous restera de ce chef une recette de 450,000 francs au moins ; vous avez en outre le produit des marchandises et des bagages qui, évalués à la proportion de 50 p. c. des produits du mouvement des voyageurs, nous donnera encore un revenu annuel de près de 225,000 fr. ; il restera ainsi pour la ligne de Gand à Malines une recette totale d'environ 700,000 francs.

Or, en admettant quatre convois par jour, dans chaque sens, ce qui est certainement très satisfaisant pour faire droit à toutes les prétentions raisonnables et légitimes, les frais occasionnés par le service de locomotion n'iraient pas encore à 200,000 fr. ; j'ajoute à cela les frais d'entretien de la route, personnel et matériel, et je les évalue aussi de 200,000 fr., évaluation certainement très large ; il y aura donc une dépense annuelle de 400,000 fr. tout au plus, et le produit des transports étant de près de 700,000 fr., il restera un bénéfice net de près de 300,000 fr. De manière qu'en aucun cas, il ne pourra être question de supprimer la ligne de Malines à Gand, ni même de diminuer le nombre des convois qui y circulent aujourd'hui. Il est évident d'ailleurs que le mouvement de voyageurs et de marchandises qui, ainsi que nous l'avons démontré plus haut, doit rester à la ligne de Gand à Malines, sera encore augmenté par la construction du chemin de fer de la vallée de la Dendre, par les lignes du railway qui sont en voie d'exécution dans la Flandre occidentale, par l'achèvement des chemins du Nord en France, ainsi que par les lignes projetées pour relier tout le pays de Waes à la ville de Termonde.

Messieurs, je crois que les considérations que je viens de faire valoir démontrent à l'évidence qu'aucun des intérêts engagés dans la question ne peut être lésé par l'exécution du projet que nous proposons, et que ce projet présente d'ailleurs des caractères incontestables d'utilité publique, qu'il est destiné à réparer une criante injustice et à faire cesser pour un arrondissement très important un état de souffrance qui est le résultat d'une mesure prise par le gouvernement et par la législature, et qui dure depuis dix à douze ans. Dès lors, le premier motif allégué par le ministre des travaux publics, pour justifier de nouveaux retards, me paraît complétement réfuté.

Le second motif mis en avant par M. le ministre consiste à dire qu'il s'agit d'un principe qui rencontrera beaucoup d'opposition. Certes, nous savons déjà, par les discours que nous avons entendus, que le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand rencontrera des adversaires qui combattront vivement ce projet ; mais c'est là le sort de toutes les lignes de chemin de fer.

Est-ce que l'honorable M. Rogier n'a pas rencontré une vive opposition en 1834, lorsqu'il est parvenu à faire décréter notre railway national ? Est-ce que tous les chemins de fer que nous avons discutés n'ont pas trouvé des adversaires dans cette enceinte ?

Mais il y a peu de jours encore, le chemin de fer du Luxembourg a été fortement critiqué dans cette enceinte et au sénat par les grands adversaires de notre projet de 1834. L'année dernière les chemins de fer de Jurbise et de Hasselt et tant d'autres que nous avons adoptés, ont rencontré la même opposition. Cela n'est pas étonnant : certaines localités de la Belgique sont largement dotées en fait de chemins de fer, et je ne suis pas étonné d'entendre les honorables représentants de ces localités, dire que les chemins de fer actuels satisfont à tous les besoins ; celui dont tous les désirs sont accomplis est porté naturellement à croire que tout va au mieux, il trouve étrange qu'il y ait des gens assez mal avisés pour oser se plaindre. Ce n'est pas là de la charité chrétienne, mais il paraît qu'en ce qui concerne les chemins de fer on n'écoute guère les préceptes de la charité chrétienne ; non seulement, on commence par soi-même ; mais on veut en outre exclure les autres.

Mais, messieurs, si le projet dont il s'agit rencontre de l'opposition, il rencontre aussi beaucoup de sympathie. Ainsi l'honorable M. d'Huart, ministre d'Etat, a hautement manifesté le désir de trouver l'occasion de voter notre chemin de fer. L'honorable M. d'Hoffschmidt a reconnu aussi que Bruxelles devait devenir le centre de nos chemins de fer, en ce qui concerne les relations intérieures. (Adhésion.) En cet instant même, mes paroles rencontrent la plus sympathie. L'honorable M. Osy a dit également dans la discussion du chemin du Luxembourg qu'il désirait que le chemin de fer direct de Bruxelles à Wetteren fût exécuté même par voie de concession :

M. Osy. - Oui, s'il ne doit pas porter préjudice aux revenus du trésor.

M. de Naeyer. - Eh bien, je viens de prouver que ce résultat sera facilement atteint du moment que le gouvernement le voudra sérieusement.

En dehors de nos discussions parlementaires, tous les membres de l'assemblée, à l'exception de ceux qui sont placés sous des influences locales que je respecte, nous ont témoigné les plus vives sympathies ; ils ont déclaré hautement qu'ils sont disposés à faire même des sacrifices en faveur de l'arrondissement d'Alost qui a été si maltraité par la répartition de nos travaux publics. L'opposition dont parle M. le ministre ne devait donc aucunement l'effrayer, il aurait dû compter davantage sur les sentiments de justice et d'équité dont la chambre est animée.

Le principe dont il s'agit, quel est-il ? Est-ce un principe qui tend à changer radicalement le système de chemins de fer qui a été décrété en 1834. En s'emparant de quelques lambeaux de phrases qui m'étaient échappées dans l'improvisation, on a dit que ce serait là le résultat que nous avons en vue ; mais, messieurs, c'est là une interprétation forcée donnée à mes paroles. J'ai dit qu'il fallait consacrer le système de 1834, en se plaçant au point de vue où l'on s'était placé alors. Quel système a été décrété en 1834 ? Que Malines a été érigé comme centre de nos grandes lignes commerciales et internationales, et qu'à cet égard rien ne doit être changé ni démoli. De quoi s'agit-il aujourd'hui ? Nous sommes habitués aux chemins de fer, nous en avons reconnu l'influence bienfaisante ; eh bien, nous avons adopté le chemin de fer pour nos relations intérieures ; n'est-il pas naturel dès lors, n'est-il pas nécessaire que toutes nos provinces soient reliées, directement à la capitale, et ne serait-il pas déraisonnable de vouloir substituer Malines à Bruxelles comme capitale de la Belgique et centre de nos relations intérieures.

Ce principe, messieurs, vous l'avez déjà consacré dans le projet de chemin de fer du Luxembourg. Là aussi il y avait un chemin de fer de l'Etat ; mais ce chemin de fer obligeait les voyageurs à un long détour ; l'on se dit : « C'est un inconvénient qui doit être rectifié, il faut que les provinces de Namur et du Luxembourg soient reliées directement à Bruxelles. «

Ce qu'on a fait pour la province de Namur et pour le Luxembourg, il s'agit de le faire pour les deux Flandres. Si le principe des relations directes avec la capitale doit être adopté, je dis que c'est surtout pour les deux Flandres ; c'est surtout alors qu'il s'agit de relier à la capitale, la ville de Gand qui après Bruxelles est le plus grand centre de population (page 1765) du pays. Les villes des Flandres renferment une population de près de 400,000 habitants. Nulle part vous ne trouverez en Belgique des populations aussi agglomérées ; et par conséquent il y a ici des motifs plus puissants que partout ailleurs, pour appliquer le système des communications directes avec la capitale. Donc les craintes qu'a manifestées M. le ministre pour ce qui concerne l'opposition que rencontrerait le principe ; ces craintes ne sont nullement fondées.

M. le ministre a dit « que le mode d'exécution soulève des difficultés » qui ne sont pas susceptibles d'une solution immédiate ; cette observation peut être fondée jusqu'à un certain point ; on peut être embarrassé sur le point de savoir quelle serait la combinaison la plus avantageuse au trésor, celle qui permettrait de réaliser les plus grands bénéfices ; mais, je le répète, il est impossible que le gouvernement ne soit pas pleinement convaincu que le projet dont il s'agit peut être mis à exécution sans léser les intérêts du trésor, sans diminuer nos revenus actuels. Or, cette conviction devait suffire au gouvernement pour marcher en avant et pour prendre au moins une résolution définitive en ce qui concerne le principe de l'établissement de la nouvelle voie de communication, sauf à délibérer ultérieurement sur la question de savoir quelle combinaison est de nature à donner le plus de bénéfices à l'Etat ; sauf à examiner s'il est de l'intérêt de l'Etat de faire construire le chemin de fer dont il s'agit aux frais du trésor, ou s'il est plus avantageux d'en abandonner la construction à une compagnie, sous des conditions qui garantiraient l'Etat contre toute perte possible.

Ce dont nous nous plaignons formellement, c'est que le gouvernement ayant la conviction intime que ce que nous proposons ne peut pas faire tort à l'Etat, ni blesser aucune prétention légitime, ne veuille pas prendre une résolution, quant au principe de l'établissement de la nouvelle voie, qu'il ne vienne pas demander à la chambre le pouvoir de faire cette ligne aux conditions les plus avantageuses au trésor, en éclairant la chambre sur ce point, en prouvant que toute perte est impossible, et qu'il s'agit uniquement de la question de savoir quelle sera l'augmentation du revenu, quelle est la meilleure combinaison pour amener ce dernier résultat ?

Messieurs, je terminerai par quelques mots sur l'enquête que l'on demande.

Ainsi qu'on l'a fait remarquer, les dispositions réglementaires qu'on invoque ne sont réellement pas applicables dans l'espèce. En effet, il ne s'agit pas ici d'un chemin de fer dont l'initiative appartient aux demandeurs en concession ; or, l'arrêté qu'on a invoqué ne s'applique qu'aux demandes en concession de chemin. Ici l'initiative est venue du gouvernement ; c'est le gouvernement qui a fait étudier le projet ; le gouvernement reconnaît lui-même qu'il n’existe pas même d'avant-projet ; et cependant l'arrête dont il s'agit exige un avant-projet pour qu'il y ait lieu à enquête. De plus, comme on l'a fait remarquer, l'enquête qu'on réclame s'écarte des précédents de la chambre. Lorsqu'en 1834 il s'est agi du chemin de fer de Malines à Gand, on n'a pas ouvert d'enquête, et l'administration de la ville d'Alost n'a pas seulement été consultée.

L'année dernière nous avons voté des chemins de fer, on n'a pas fait d'enquête ; l'autre jour nous avons voté le chemin de fer du Luxembourg, on n'avait pas fait d'enquête ; bientôt nous voterons le chemin de fer de Manage à Wavre, encore une fois sans enquête ; l'année dernière, nous avons voté les chemins de fer de Tournay à Jurbise et de Hasselt à St-Trond, sans enquête ; cependant, il y avait là de nombreuses réclamations ; je suis encore sous l'impression des discours énergiques prononcés par MM. Simons et de Renesse, qui réclamaient au nom de leurs localités, qu'ils prétendaient être sacrifiées. Malgré cela, aucune enquête n'a été faite ; il est vrai que M. Dechamps, ministre des travaux publics à cette époque, s'intéressait vivement au chemin de fer de Jurbise, et M. de Theux, aujourd'hui ministre de l'intérieur, portait la plus vive sollicitude au chemin de fer de Hasselt.

Votre projet, au contraire, a le grand tort, le grand malheur de déplaire singulièrement aux amis les plus intimes de ces deux ministres.

Un membre. - C'est une insinuation gratuite.

M. de Naeyer. - Je cite des faits. Est-il vrai ou non qu'on n'a pas fait d'enquête pour les chemins de fer de Jurbise et de Hasselt ? Vous ne nierez pas que MM. de Theux et Dechamps portaient une affection toute particulière à ces chemins. On n'a pas voulu d'enquête alors ; on en veut une aujourd'hui. Il s'agit aujourd'hui d'un projet qui, je le répète, a le malheur de déplaire singulièrement aux amis intimes des deux ministres que je viens de nommer.

M. Mast de Vries. - J'ai voté contre les chemins de Jurbise et de Hasselt.

M. de Naeyer. - Dans un cas on veut une enquête, tandis que dans d'autres on n'en a pas voulu. J'ai le droit de dire cela, je n'inculpe personne, je cite les faits ; si les faits vous gênent ce n'est pas ma faute.

Messieurs, cette enquête, quel résultat peut-elle amener ? M. le ministre lui-même a reconnu qu'elle n'était pas destinée à jeter un grand jour sur la question. Répondant, au mois de mai dernier, à cette demande d'enquête formée par la ville de Termonde, il disait que tout ce que la ville de Termonde pouvait désirer à cet égard c'était d'avoir la possibilité de présenter des observations sur le travail de M. Desart. Or, cette possibilité qui a été accordée depuis longtemps. D'ailleurs, si le gouvernement avait trouvé que l'enquête était nécessaire ou du moins utile, il aurait pu y faire procéder depuis longtemps. Quels sont d'ailleurs les points sur lesquels on veut obtenir de nouveaux éclaircissements à l'aide d'une enquête ? Ces points ne sont pas même indiqués. On demande vaguement une enquête, sans doute comme un moyen d'éviter une discussion approfondie. Les questions que soulève principalement le projet en question, sont la question d'utilité publique, la question financière, et en troisième lieu les questions d'art.

Sur la question d'utilité publique faut-il encore une enquête ? Les localités intéressées, Bruxelles, Gand, Alost et Termonde, n'ont-elles pas présenté leurs observations ? Les administrations communales de ces localités n'ont-elles pas fait entendre leur voix sur la question d'utilité publique ? Je vous demande quel autre éclaircissement l'enquête pourrait amener sur cette question d'utilité publique. D'ailleurs, la chambre a-t-elle besoin de consulter les localités pour apprécier l'utilité d'un pareil projet ? N'est-elle pas suffisamment éclairée pour former sa conviction à cet égard ?

Maintenant, sur la question financière, sont-ce les administrations des localités intéressées qui nous éclaireront beaucoup ? Ne pouvons-nous pas puiser nos convictions dans les documents que nous avons entre les mains, dans la statistique des chemins de fer ? Il est évident que ce sont là pour la chambre les véritables éléments d'appréciation en ce qui concerne les résultats financiers du projet en question, et sous ce rapport, encore une fois, l'enquête est une formalité complétement inutile/

Les questions d'art sont-elles de la compétence des administrations des localités ? C'est l'affaire des ingénieurs qui les décident par des opérations faites sur le terrain ; le gouvernement doit fonder sa conviction sur leur travail. Dès lors, je dois dire avec le ministre que je ne vois pas quelles lumières l'enquête qu'on demande pourrait répandre sur la question. S'il en était autrement, si l'enquête était autre chose qu'un moyen dilatoire, si elle était nécessaire ou utile pour éclairer la représentation nationale, je serais le premier à la provoquer. Quand j'ai réclamé la première fois l'exécution d'un chemin de fer direct entre Bruxelles et Gand, j'ai exprimé le plus vif désir que ce projet fût livré à un examen approfondi, parce que je voulais que tout le monde y vît clair, parce que j'étais pleinement convaincu que la question serait résolue en notre faveur par tous ceux qui l’étudieraient à fond dans une position d'impartialité. Mais aussi j'ai toujours craint les exceptions dilatoires, les formalités qui ne tendent qu'à ajourner dans l'espoir que le temps pourrait amener telle circonstance, tel incident fâcheux qui entraverait l'exécution d'un projet d'ailleurs éminemment utile sous tous les rapports. Or l'enquête qu'on propose d'une manière tout à fait vague et indéfinie, n'est autre chose à mes yeux. Il m'est impossible de ne pas dire franchement ma pensée à cet égard.

(page 1759) M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, mon intention n'est pas de suivre l'honorable préopinant en tout ce qui concerne le fond même de la question. Je dois cependant relever quelques-unes de ses observations. L'honorable membre a rappelé ce qui avait eu lieu lors de la discussion du budget des travaux publics. L'on doit se souvenir que la question du chemin de fer de Gand à Bruxelles par Alost a été soulevée alors d'une manière incidente, que j'ai été interpellé par un honorable député de Gand sur les intentions du gouvernement, et que j'ai dû me borner à rendre compte de mes premières impressions, à la lecture du travail remarquable de l'ingénieur en chef Desart. J'ai dit que le résultat de mes premières impressions était qu'une question traitée d'une manière aussi complète était à peu près résolue.

Mais évidemment rendre compte en ces ternies de mes premières impressions, ce n'était pas prendre un engagement au nom du gouvernement. J'ai eu soin, dans cette même séance, de faire mes réserves à cet égard.

Ce qui a motivé la position nouvelle que j'ai prise, c'est l'examen même de la question.

En me livrant à un examen ultérieur de la question, j'ai pu me convaincre qu'elle renfermait certaines difficultés qui n'avaient pas été résolues, et qu'on aurait eu tort de vouloir résoudre brusquement.

Je ne pense donc pas qu'il y ait dans ma conduite ce que l'honorable membre a appelé un mouvement de recul.

L'honorable membre a dit qu'il avait trouvé chez moi de bonnes dispositions qui avaient été paralysées par mes collègues. J'ai déjà relevé une assertion à peu près identique de l'honorable membre. Il n'y a eu de ma part ni tactique ni moyen dilatoire.

Je dois déclarer que jusqu'à présent j'ai eu seul à m’occuper de cette question importante. Je dois donc dire que s'il y a eu, comme le prétend l'honorable membre, des scrupules, des hésitations, ils viennent de moi et non de mes collègues.

On a demandé une enquête. J'ai fait connaître que c'était là à mes yeux une prétention légitime.

Je pense que la grande majorité de la chambre partagera à cet égard mon opinion.

Les questions importantes ne doivent être ni abandonnées, ni ajournées. Il faut s'en occuper, par cela même qu'elles sont importantes. Mais le moyen le plus sûr de résoudre les questions d'une manière satisfaisante, c'est de ne pas en brusquer le dénouement.

L'utilité la plus grande de l'enquête, sera de donner à tout le monde le moyen régulier de formuler ses observations.

Nous avons sur le projet de chemin de fer de Bruxelles à Gand un travail remarquable d'un ingénieur de l'Etat ; mais il faut bien reconnaître que ce travail est fait à un point de vue spécial et que, par cela même, il peut donner lieu à des observations, bien ou mal fondées, mais qui doivent avoir la latitude de se produire.

L'honorable membre a dû reconnaître qu'il y a une question qui prédomine, c'est celle du mode d'exécution.

Il est impossible que le gouvernement se prononce à la fois pour une concession et pour l'exécution par l'Etat. Ce sont deux choses qui s'excluent. Le gouvernement doit avoir une idée arrêtée sur le mode d'exécution ; lorsqu'il se sera formé une conviction à cet égard, il fera à la chambre une proposition dans un sens déterminé, mais non pas une proposition complexe.

La chambre comprendra que l'on ne peut ici procéder par tâtonnements. Pourrais-je, messieurs, venir vous dire : Je propose une concession, et pour le cas où les résultats n'en seraient pas conformes à mes prévisions, je propose l'exécution par l'Etat ? Evidemment non.

Le gouvernement doit proposer l'un ou l'autre de ces modes d'exécution, à des conditions déterminées d'avance et de l'efficacité desquelles il ne puisse douter sous aucun rapport.

A ce point de vue, l'affaire n'est ni simple, ni facile, ni susceptible d'une solution immédiate.

L'honorable membre a prétendu qu'il n'existait pas d'avant-projet. Il en existe un des ingénieurs de l'Etat. Tous les jours des enquêtes s'ouvrent sur les avant-projets dressés par les ingénieurs de l'Etat. Il y a aussi des propositions de demandeurs en concession, qui pourront être en même temps soumises à l'enquête.

Je crois donc que nous serons dans les termes des règlements et d'accord avec les précédents, en faisant une enquête.

L'honorable membre a supposé qu'il y avait intention de combattre le projet, et il a fait valoir beaucoup d'arguments en faveur du projet. Cela est, je pense, prématuré.

Fera-t-on une enquête ? Ne se présentera-t-on devant la chambre qu'avec les lumières qui peuvent résulter d'une enquête ? Telle est la seule question à résoudre aujourd'hui.

M. Vanden Eynde. - J'entends, par le discours que vient de prononcer l'honorable ministre des travaux publics, que le gouvernement persiste à être favorable à la demande d'enquête faite dans cette séance. Cette enquête intéresse trois provinces, le Brabant, la Flandre orientale et la province d'Anvers. Je crois donc qu'il conviendrait de la confier à une commission composée des délégués de ces provinces, qui devrait également s'occuper îles projets relatifs au chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain, qui ont été remis à M. le ministre des travaux publics.

La construction du chemin de fer direct de Bruxelles à Gand, a pour objet de rendre Bruxelles le centre des communications par chemins de fer vers l'intérieur ; or, ce centre n'existerait pas, si l'on ne construisait pas le chemin de fer direct de Bruxelles à Louvain.

Je demande donc, par motion d'ordre, que si l'enquête est décidée par la chambre, le gouvernement porte également ses investigations sur le point de savoir s'il n'y a pas lieu de construire un chemin de fer direct de Bruxelles vers Louvain.

M. Desmet. -C'est vraiment entraver la discussion. On discute quel objet sera soumis à l'enquête, et l'honorable M. Vanden Eynde demande que l'on comprenne dans l'enquête un projet qui n'existe pas.

M. Vanden Eynde. - Trois demandes sont déposées entre les mains du gouvernement. Si elles n'ont pas obtenu une instruction aussi complète que celle du projet de Bruxelles à Gand par Alost, elles sont cependant accompagnées de développements assez étendus pour mettre le gouvernement à même de poser des questions, de demander des renseignements qui l'éclaireront sur l'utilité de la construction de ce chemin de fer. Je ne viens donc pas demander quelque chose de chimérique, comme le prétend l'honorable député d'Alost.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

M. le président. - Sur quoi ?

M. Dumortier. Sur la motion d'ordre, pour en faire une semblable.

M. le président. - Si l'on va faire motion d'ordre sur motion d'ordre, la discussion ne finira pas.

(page 1766) M. de Haerne. - Messieurs, il me semble que si nous allons compliquer la discussion par des motions d'ordre, nous n'en finirons pas. Il est beaucoup plus simple que l'on prenne la parole dans la discussion générale, et que chacun fasse dans son discours les motions qu'il juge convenables.

M. Verhaegen. - J'appuie l'observation de l'honorable M. de Haerne. Nous ne pouvons nous occuper d'un objet tout à fait étranger à celui qui est à l'ordre du jour. Il faut que l'on se restreigne dans les limites de la discussion.

M. Dumortier. - Messieurs, on discute la question de savoir s'il faut rattacher la capitale par des lignes directes avec des points donnés, ainsi que vient de le faire remarquer M. Vanden Eynde, cette question n'est pas isolée ; elle s'applique à beaucoup de systèmes, et cet honorable membre vient d'en indiquer un ; il a demandé qu'on étudiât simultanément, au moyen d'une enquête, le projet d'une ligne directe entre Louvain et Bruxelles.

Je dirai, de mon côté, qu'il existe deux projets de ligne directe depuis Ath jusqu'à Bruxelles. Je prierai M. le ministre des travaux publics de vouloir bien faire étudier, au moyen d'une enquête, ces deux projets. Nous avons autant de droits de demander cette ligne que les députés d'Alost et les députés de Louvain de demander les lignes directes vers Gand et vers Louvain.

Je me joins donc à mes honorables collègues pour demander que tous ces projets soient examinés simultanément, parce qu'ils ont un seul et même but, celui de réunir de la manière la plus directe les diverses localités du pays à la capitale.

M. Verhaegen. - Messieurs, je comprends très bien la chaleureuse insistance des députés d'Alost ; car leurs prétentions sont légitimes. Mais je ne comprends pas du tout l'opposition des députés de Malines ; car leurs prétentions sont injustes.

Il est un point, messieurs, sur lequel il paraît maintenant que tout le monde est d'accord. C'est que l'on a commis une faute en obligeant les voyageurs à passer par Malines pour se rendre de Bruxelles à Gand, ou pour se rendre de Bruxelles à Louvain. Il s'agit aujourd'hui de faire mieux, et, je le répète, tout le monde paraît d'accord sur le point capital : c'est qu'il faut une ligne directe de Bruxelles à Gand et une ligne directe de Bruxelles à Louvain, sauf à examiner de quelle manière se feront ces lignes, si elles se feront pour compte de l'Etat ou si on les concédera à des compagnies, et, dans ce dernier cas, quel sera le mode de concession.

M. le ministre s'est posé deux questions : la première est relative au point de savoir si l'on établira un chemin de fer direct de Bruxelles sur Gand. Cette question, je le répète, me paraît décidée.

La seconde question est de savoir comment ce chemin de fer sera établi. Sur ce point il peut y avoir des doutes, et M. le ministre déclare, dans le rapport qu'il nous a soumis, qu'il n'a pas de renseignements suffisants ou qu'il n'est pas suffisamment éclairé pour présenter à la chambre un projet quelconque.

Peut-on se plaindre de la conduite de M. le ministre ? Je ne le pense pas, messieurs ; trop souvent nous avons reproché au ministère de se mettre à la remorque de la chambre, de laisser prendre aux chambres l'initiative, initiative qui est le résultat des discussions qui s'établissent dans leur sein. Trop souvent nous avons reproché au ministère de ne pas présenter lui-même certains projets.

Il paraît que, dans la circonstance actuelle, M. le ministre des travaux publics veut adopter l'opinion que toujours nous avons défendue, qu'il veut, usant de son initiative, nous présenter un projet ; mais il ne veut, avec raison, le présenter qu'après qu'il aura toutes les informations nécessaires, qu'après qu'il se sera suffisamment éclairé. Pour moi, je l'en félicite. Mais ces informations, ces éclaircissements ne peuvent, selon moi, tomber que sur la seconde question ; car encore une fois la première ne fait plus de doute pour personne.

Je dis : ne fait plus de doute pour personne. Il pourra certainement surgir une opposition ; mais je pense que la grande majorité de l'assemblée sera convaincue de la nécessité de mettre un terme à cet inconvénient de faire passer par Malines les voyageurs entre Gand et Bruxelles, et les voyageurs entre Louvain et Bruxelles.

Sur quoi portera l'enquête ? dit-on. Messieurs, l'honorable ministre des travaux publics vient de le déclarer ; elle portera d'abord sur le mode d'exécution ; c'est une question assez sérieuse pour que le gouvernement veuille s'éclairer ; ensuite sur le tracé lui-même, et de cette manière il sera fait droit à toutes les requêtes qui ont été successivement présentées à la chambre. Des localités intéressées ont demandé que le chemin de fer passât par telle localité plutôt que par telle autre. Alost est directement intéressé, Termonde est directement intéressé ; un point intermédiaire, une commune très populeuse, Assche, est directement intéressé. Le tracé se dirigera-t-il sur Alost en passant d'abord par Assche, ou se dirigera-t-il sur Termonde en passant par Assche, et dans ce cas y aura-t-il un embranchement pour Alost ? voilà toutes questions à examiner dans l'enquête, et à la suite de cette enquête on parviendra peut-être à concilier les divers intérêts. C'est un moyen, messieurs, de contenter tout le monde, autant que faire se peut. Si des exigences sont en présence, pourquoi ne pas les satisfaire autant que possible ? Pourquoi brusquer la solution de la question et donner lieu à des plaintes nombreuses ?

On vous dit que sur la seconde question même tout est jugé, qu'il y a un rapport remarquable de M. l'ingénieur Desart. Messieurs, je suis le premier à reconnaître le mérite de cet ingénieur. Mais je crois qu'on lui fait un trop beau piédestal. Je comprends que les localités intéressées qui ont trouvé que le rapport de M. Desart leur était favorable, ont fait de cet ingénieur un homme infaillible. Mais, messieurs, il faut y regarder de près. Un ingénieur qui travaille d'après ses propres idées, qui ne résout pas un problème qui lui est soumis, se trouve parfaitement à son aise ; il peut faire le plus beau travail du monde. Si l'on veut faire un discours sur un sujet que l'on choisit, il sera brillant, il sera éloquent ; mais qu'on donne le sujet, qu'on trace des limites, c'est tout différent. Si M. le ministre avait dit à M. Desart : Vous allez examiner telle et telle question, vous resterez dans telle et telle limite, vous allez résoudre tel ou tel problème, le rapport de cet ingénieur n'aurait peut-être pas été l'objet des éloges par lesquels il a été accueilli. M. Desart a fait un travail sur un sujet qu'il a choisi ; ce travail peut être très beau, il peut surtout convenir à ceux dont il sert les intérêts ; quant à moi, je ne veux rien retrancher des éloges qui ont été accordés à M. Desart, mais je ne puis pas le considérer comme infaillible, et je ne serais pas fâché de voir contrôler son œuvre par une enquête. Cette enquête pourrait se faire avec célérité ; on considérerait comme avant-projet ce qui existe, et alors le gouvernement pourra se former une opinion certaine et nous proposer en connaissance de cause un projet définitif.

Je crois, messieurs, que cette enquête donnerait satisfaction à toutes les localités, à Alost dont les exigences sont légitimes, car Alost a été trop longtemps oublié ; à Termonde, qui peut avoir des prétentions ; à, Assche, qui peut en avoir de très légitimes ; à d'autres localités encore ; tous les intérêts pourraient au moins se faire entendre, tous les intérêts présenteraient leurs observations ; le gouvernement les apprécierait et après les avoir appréciés il prononcerait conformément à ce que la justice exige et il soumettrait ses propositions à la chambre ; c'est le meilleur moyen, messieurs, de faire taire les passions ; et malheureusement dans cette question elles ne sont que trop vives. Lorsque l'on aura fait tout ce qui est possible pour s'éclairer, les localités qui n'obtiendront rien, auront au moins la considération de voir que leurs doléances ont été appréciées, que leurs réclamations ont été entendues.

Je crois donc, messieurs, que ce que nous avons à faire de mieux, c'est d'admettre l'enquête que M. le ministre se propose de faire, en recommandant au gouvernement de donner à cette enquête toute la célérité possible et, s'il y a moyen de faire droit, en même temps, à l'observation de l'honorable M. Vanden Eynde, j'y applaudirai pour mon compte, car je considère le chemin de fer de Bruxelles à Louvain comme le corollaire, en quelque sorte du chemin de fer de Bruxelles à Gand.

M. de Haerne. - Messieurs, lorsque j'ai pris lecture du rapport, qui nous a été présenté par l'honorable ministre des travaux publics, je me suis imaginé que M. le ministre ne désirait d'ouvrir une enquête que pour donner une satisfaction aux localités plus ou moins intéressées dans la question et qui réclament contre l'établissement du chemin de fer en question ; aujourd'hui, d'après les explications que nous avons entendues, il me semble que M. le ministre des travaux publics désire une enquêter pour s'éclairer lui-même. S'il en est ainsi, messieurs, je ne crois plus pouvoir m'y opposer formellement ; car enfin nous ne pouvons pas prétendre donner au gouvernement une conviction sur ces sortes de questions. Je crains cependant que cette enquête n'entraîne des retards, qu'elle ne dure bien longtemps, comme l'insinuait tout à l'heure l'honorable M. Verhaegen.

En effet, messieurs, s'il s'agit d'examiner toutes les questions qui ont été touchées par l'honorable membre, s'il faut, éplucher en quelque sorte dans chaque localité toutes les parties du rapport de M. Desart, je crois que cela pourrait nous mener singulièrement loin. Si, par exemple, il s'agit de changer le tracé, de le faire passer par tel village plutôt que par tel autre, de le faire passer par la hauteur d'Assche plutôt que par la vallée, je ne sais pas quand nous pourrons voir la fin de l'enquête. Une foule de localités réclameront, nous arrêteront et entraveront l'enquête.

Je crois que toutes ces questions ont été suffisamment discutées et notamment dans le beau rapport de M. l'ingénieur Desart, qui est un chef-d'œuvre destiné à faire sensation dans le pays et à l'étranger. En ce qui concerne la hauteur d'Assche, il est impossible d'y parvenir si ce n'est par un chemin de fer à traction, un chemin de fer atmosphérique, comme celui qu'on propose dans l'un des projets de chemin de fer de Bruxelles à Louvain.

Je ne m'opposerai pas à ce que l'enquête se fasse, pourvu qu'elle se fasse le plus tôt possible et qu’elle se fasse de la manière indiquée par l'honorable M. Manilius. Mais, messieurs, j'ajouterai un mot, quant aux localités qui seraient consultées dans l'enquête. Je crois que la province de la Flandre occidentale est suffisamment intéressée dans la question pour qu'elle soit entendue également. Il s'agit en effet d'établir une communication directe entre la capitale et la Flandre orientale et par suite aussi entre la capitale et la Flandre occidentale ; celle-ci doit donc être consultée.

Quant à la question générale, je n'y entrerai pas après les considérations remarquables présentées par l'honorable M. de Naeyer ; je dirai seulement un mot en réponse aux observations faites par un honorable député de Malines.

L'honorable M. Scheyven, dans sa préoccupation pour les intérêts du trésor, vous a dit, messieurs, qu'il y aurait trois moyens de satisfaire les localités que l'on veut favoriser par l'établissement du chemin de fer dont il s'agit ; ces moyens seraient, d'abord, d'établir un plus grand nombre de convois, afin de faciliter la circulation ; en second lieu, de créer des convois de vitesse, et enfin d'abaisser les tarifs. Je ferai d'abord observer (page 1761) que ces trois moyens ne feraient absolument rien pour Alost, et c'est là un grand inconvénient ; car la position de ce populeux district mérite qu'on ne le néglige pas.

Ensuite, quel serait le résultat de l'application de ces moyens ? En augmentant le nombre des convois on faciliterait la circulation ; mais supposons que le chemin de fer direct soit établi, rien n'empêcherait de multiplier également les convois sur cette ligne directe, et alors il y aurait une facilité de circulation non seulement double, mais triple ou quadruple. Ce moyen-là n'en est donc pas un. En second lieu, on pourrait aussi établir des convois de vitesse sur le chemin de fer direct ; on pourrait encore, pour certains convois, ne s'arrêter qu'aux stations principales. C'est là encore un avantage acquis dans tous les cas.

Quant au troisième moyen, il m'est permis de douter de son efficacité. Il s'agit de l'abaissement du tarif. En fait de chemins de fer, c'est une grande question que celle de savoir si, dans tous les cas, l'abaissement du tarif des voyageurs doit produire un avantage ou un inconvénient. Il est très vrai que dans certains cas et en partant de certains chiffres, l'abaissement du tarif peut amener un accroissement tellement considérable de voyageurs et de marchandises, qu'il en résulte une augmentation de revenus pour le trésor. Mais c'est un problème de savoir si notre tarif actuel n'a pas atteint la limite à laquelle il doit s'arrêter dans ce pays.

A cet égard, le taux du tarif, à mon avis, ne peut pas être baissé d'une manière arbitraire ; on ne peut pas prendre pour point de départ les calculs anglais ; les chiffres doivent être basés sur l'expérience du pays dans lequel il s'agit d'appliquer les tarifs. C'est ainsi qu'en Angleterre, le tarif est beaucoup plus élevé qu'il ne l'est en Belgique ; si on baissait le tarif en Angleterre, les compagnies n'y gagneraient pas, et c'est ce que l'expérience a démontré. En Ecosse, les tarifs ne sont pas aussi élevés qu'en Angleterre ; en Irlande, sur le chemin de fer de Belfast à Dublin, les tarifs ne sont pas plus élevés que chez nous. Savez-vous, messieurs, ce qu'on vous répond dans ces pays quand on demande la raison de cette différence ? On vous dit : « Si les tarifs en Irlande étaient aussi élevés qu'en Angleterre, les Irlandais, qui sont pauvres, ne voyageraient pas sur le chemin de fer, et l'on n'aurait rien. » Cette réponse m'a été faite non seulement par des voyageurs que j'ai rencontrés sur ces chemins de fer, mais même par des ingénieurs anglais.

C'est donc ici une question d'expérience spéciale à chaque pays ; et l'expérience seule peut apprendre si un tarif doit être plus ou moins bas, plus ou moins élevé, pour que les intérêts du trésor soient sauvegardés.

Il me semble que la grande question qui s'agite en ce moment et dont je reconnais toute l'importance, s'applique à d'autres cas encore. Les motions d'ordre qui ont été faites le prouvent suffisamment. Messieurs, on vous a parlé d'autres chemins de fer et notamment du chemin de fer qui relierait directement Bruxelles à Louvain, pour établir une communication plus facile, non seulement entre la capitale et la ligne de l'Est, mais aussi entre la ligne de l'Ouest et celle de l'Est. C'est là encore un projet fort important.

D'autres projets de chemins de fer ont été présentés ; je ne les examinerai pas tous, mais je crois que dans toutes ces questions c'est en premier lieu l'intérêt du trésor que l'on doit avoir en vue ; on doit examiner avant tout si l'Etat ne sera pas lésé dans ses intérêts par la construction d'un chemin de fer qui serait parallèle à l'une des lignes appartenant au réseau national. Si j'étais convaincu que l’établissement d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand nuirait d'une manière sensible aux intérêts du trésor, je ne pourrais pas m'en déclarer le partisan ; s'il ne devait en résulter qu'une lésion peu notable, je consentirais certainement à ce que l'Etat supportât ce sacrifice dans l'intérêt d'une localité bien importante qui a nos sympathies et qui a souffert considérablement par l'établissement même de notre chemin de fer.

Messieurs, il s'agit de savoir quelle est la base sur laquelle on doit fonder les raisonnements en fait de construction de nouveaux chemins de fer. Il s'agit de savoir dans quels cas, à quelles conditions et jusqu'à quel point le parallélisme d'un chemin de fer peut nuire à un autre chemin de fer.

Voilà la première question à poser. Il s'agit eu second lieu de savoir quels doivent être les effets de la réaction des nouveaux chemins de fer sur les railways déjà existants, et en combinant ces deux principes, on doit voir si la perte qui peut résulter, pour le trésor, du parallélisme des deux chemins, n'est pas compensée par le résultat de la réaction opérée par l'établissement du chemin de fer nouveau. C'est ainsi qu'on doit raisonner dans toutes les questions de ce genre.

Dans une pétition que des habitants de Termonde ont adressée récemment à la chambre pour réclamer contre l'établissement du chemin de fer d'Alost ; dans cette pétition il a été question d'un chemin de fer qui aurait pour but de rattacher directement les Flandres aux provinces wallonnes. La ligne principale serait entre Renaix et Enghien. Au point de départ de Renaix, il y aurait un embranchement vers Deynze par Audenarde ; un autre vers Courtray par Avelghem et Sweveghem. Au point de départ d'Enghien, il y aurait un embranchement sur Braine-le-Comte pour rattacher les provinces wallonnes aux provinces flamandes, et un embranchement sur Hal pour arriver plus directement à Bruxelles.

Ce projet a été jeté dans le domaine de la publicité depuis longtemps ; les feuilles s'en sont occupées, il a fait l'objet d'une étude sérieuse publiée par M. l'ingénieur Tarte. Eh bien, je crois qu'on doit raisonner sur ce chemin de fer comme sur celui d'Alost, et sur beaucoup d'autres chemins de fer qui sont dans le même cas, c'est-à-dire, nous devons nous demander si le parallélisme de ce chemin de fer, ou le rapprochement de cette voie par rapport au chemin de fer de l'Etat, peut nuire à celui-ci, en détournant les voyageurs et les marchandises, et si cet inconvénient n'est pas compensé par la réaction que les nouveaux chemins de fer doivent opérer sur le chemin de l'Etat. On doit considérer ici que la réaction se fait surtout sur de petites distances et que le mouvement des chemins de fer est en raison inverse des distances.

Cette question est très sérieuse, je m'abstiendrai de la résoudre d'une manière générale ; mais je dois l'avouer : d'après l'étude que j'ai faite du rapport de M. Desart sur le chemin de fer d'Alost, je pense qu'il y aurait une large compensation en faveur du trésor ; et à moins qu'on ne réfute ce rapport si lumineux, non par quelques considérations jetées pour ainsi dire à l'aventure, mais par des calculs et par des raisonnements approfondis, je pense que je dois donner la main à l'exécution du projet dont il s'agit.

J'ajouterai que si ce projet ne s'exécute pas, le mouvement de Lille sur Bruxelles se fera par Jurbise. Inutile de dire que l'Etat y perdrait. Le rapport de M. Desart le démontre à l'évidence.

Pour revenir à la question qui fait l'objet principal du débat actuel, à celle de savoir s'il y aura oui ou non une enquête, je me résume en disant que je ne m'oppose pas à une semblable enquête, pourvu qu'elle se fasse le plus promptement possible, d'après les bases qui ont été indiquées par l'honorable M. Manilius et que M. le ministre des travaux publics a déclaré accepter. Je demande aussi que la Flandre occidentale soit entendue.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Dans le rapport que j'ai déposé le 5 de ce mois, j'ai fait connaître à la chambre que, dans ma conviction, une affaire de l'importance de celle du projet du chemin de fer direct de Bruxelles sur Gand devait être traitée sans précipitation ; que le gouvernement, sur une question de ce genre, ne devait soumettre à la chambre que des propositions parfaitement étudiées, parfaitement mûries.

Je dois avouer que je ne suis pas encore en position de présenter une proposition à la chambre ; par conséquent, l'on ne peut compter actuellement sur une proposition de la part du gouvernement relativement à ce projet. Je déclare en même temps que je donnerai suite au projet d'enquête que j'ai annoncé. Je pense que la discussion actuelle ne peut pas avoir d'autre résultat et que la chambre se contentera de ma déclaration.

Plusieurs voix. - Oui ! oui ! la clôture !

M. Rodenbach. - La Flandre occidentale est également intéressée, il faut qu'elle soit comprise dans l'enquête.

M. Desmet. - Mais on ne sait pas ce que M. le ministre va soumettre à l'enquête, si c'est ce qu'a demandé M. Manilius, ou si c'est le projet de l'ingénieur Desart.

M. Dedecker. - Si j'avais eu quelques minutes seulement pour m'expliquer, la chambre serait fixée sur ce qui doit faire l'objet de l’enquête. L'enquête doit porter d'abord sur la question de savoir s'il y aura un chemin de fer de Gand à Bruxelles par Alost, sur la question de principe, ensuite sur le mode d'exécution. Mais cette enquête devra porter aussi sur les propositions de l'arrondissement de Termonde ; car, en regard du projet de M. Desart l'arrondissement de Termonde présente, de son côté, des propositions de conciliation, que je tiens beaucoup, pour ma part, à voir mûrement examiner dans l'intérêt général du pays.

M. Manilius. - Je ne m'oppose pas à la clôture, mais je dois dire que je n'ai pas fait de proposition ; je n'ai fait que demander à M. le ministre de nous déclarer si son intention était de faire une enquête ; M. le ministre nous a déclaré que telle était son intention, toute discussion vient à cesser.

- La chambre ferme la discussion.


M. le président. - Demain le second vote de la loi sur les sucres.

M. Osy. - Nous n'avons pas décidé si la discussion du traité avec la France serait fixée à lundi ou à mardi. Je proposerai de ne discuter ce traité qu'après le chemin de fer de Wavre à Manage, parce que si on commençait par la convention avec la France, on ne serait plus en nombre pour discuter la concession du chemin de fer de Wavre à Manage, et il faudrait rendre le cautionnement.

M. le président. - La chambre n'est plus en nombre, je ne puis la consulter sur votre proposition.

Je préviens la chambre que le rapport sur la convention avec la France sera imprimé et distribué samedi soir.

- La séance est levée à 4 1/2 heures.