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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 24 juin 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative au projet de concession ferroviaire de Wavre à
Manage (Osy)
2) Rapports sur des pétitions
relatives à la période de révision des listes électorales (de
Bonne, Dumortier, Delfosse)
et aux travaux de la concession ferroviaire de Courtray à Tournay (Zoude, Dumortier, de Garcia, Dumortier)
3) Projet de loi sur les sucres.
Discussion des articles. Droit pour le gouvernement de fixer l’impôt pour
assurer une recette de 3 millions au trésor (Malou, Dumortier, Malou, de Corswarem, Lebeau, Eloy de Burdinne, Malou, de La Coste, Osy, Malou,
Dumortier, Malou), lutte contre
la fraude et délégation par le législateur de son pouvoir fiscal) (de La Coste, Malou, Dumortier, de La Coste, Malou, Dumortier), date d’entrée
en vigueur et rétroactivité (Malou, Dumortier,
de Corswarem, Malou, Eloy de Burdinne)
4) Fixation de l’ordre des travaux
de la chambre, notamment pétitions relatives au chemin de fer de Bruxelles à
Gand (Desmet), droits sur les cordages (Lejeune)
5) Projet de loi relatif au
traité de commerce conclu avec la France (Desmaisières,
Dechamps, de Haerne, Rodenbach, de Tornaco)
(Annales parlementaires de
Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Vilain XIIII, vice-président.)
(page 1743) M. Dubus (Albéric) procède à l'appel
nominal à 1 heure et quart. La séance est ouverte.
M. Huveners donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. Dubus (Albéric) présente l'analyse
des pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur
Guillaume Muller, maréchal ferrant au 2ème régiment de lanciers, né en France,
demande la naturalisation. »
- Renvoi à M. le
ministre de la justice.
________________
« Les membres de
l'administration communale et plusieurs habitants de Meerbeke demandent
l'exécution du chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost. »
- Renvoi à la
commission des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
________________
« Plusieurs
habitants de la commune de Poucques demandent l'union douanière avec la France.
»
- Renvoi à M. le ministre
des affaires étrangères avec demande d'explications.
________________
« Le sieur
Wadeleux, notaire à Brée, présente des observations concernant le projet de loi
sur le notariat. »
- Renvoi à la section
centrale chargée de l'examen du projet de loi.
« Le sieur
Merville, administrateur et délégué de la compagnie concessionnaire du chemin
de fer de Charleroy à Erquelinnes, demande une loi qui autorise la cote des
actions aux bourses de Bruxelles et d'Anvers, des compagnies concessionnaires
du chemin de fer dont les travaux sont en pleine voie d'exécution. »
M. Osy. - Je demande le
renvoi de cette pétition à la section centrale qui est chargée de l'examen du
projet de loi relatif au chemin de fer de Wavre à Manage ; je propose également
d'inviter cette commission à faire un rapport avant la discussion du projet.
- La proposition de
M. Osy est adoptée.
_________________
« Le sieur Peeters,
avoué à la cour d'appel de Bruxelles qui a sollicité une pension pour le sieur
de Wargny, déclare ne pouvoir accepter un secours en faveur de ce magistrat,
comme le propose le rapport de la commission. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du rapport.
_________________
« Le sieur P. A. A.
Rousseau, avocat à Arlon, né à St-Hilaire (France), demande la naturalisation.
»
- Renvoi à M. le
ministre de la justice.
RAPPORTS SUR DES PETITIONS
M. de Bonne., rapporteur. - « La
députation permanente du conseil provincial de Liège, par pétition du 9 mai de
cette année, prie la chambre de changer l'époque des élections générales et
provinciales, ou celle de la révision des listes électorales. »
Pour justifier la
nécessité de ce changement, elle allègue qu'il arrive fréquemment que les
divers degrés ouverts à la réclamation ne sont pas épuisés lorsque les
élections doivent avoir lieu. C'est ainsi que, quelque soin d'ailleurs,
dit-elle, qu'elle ait mis dans cette branche importante du service public, elle
n'a pu, en 1844, statuer sur les pourvois dont elle était saisie que
l'avant-veille des élections provinciales qui eurent lieu alors.
On comprend, du
reste, que la voie de la réclamation contre les listes révisées, étant, aux
termes des articles 7, 8 et suivants de la loi électorale, ouverte devant le
conseil communal jusqu'au 5 mai et devant le collège de la députation à peu
près jusqu'à la fin dudit mois, et les élections provinciales devant se faire
le quatrième lundi de mai et les élections générales le deuxième mardi de juin,
il n'est guère possible qu'il en soit autrement.
Le recours en
cassation, dans de pareilles circonstances, devient donc illusoire, et le but
de la loi qui a voulu ouvrir ce degré à la réclamation se trouve manqué.
Votre
commission a reconnu la vérité de ces inconvénients et croit devoir vous faire
remarquer qu'ils sont d'autant plus graves qu'ils sont généraux et s'étendent à
tout le royaume.
C'est
pourquoi votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi au ministre de
l'intérieur avec demande d'explications.
- Personne ne
demandant la parole, ces conclusions sont mises aux voix et adoptées.
M. Dumortier. - Quelles
explications M. le ministre pourra-t-il donner ? Il nous dira qu'il exécute la
loi.
M. le président. - Il n'y a pas lieu
à discuter ; la décision est prise.
M.
Delfosse. - Je demande la
parole uniquement pour prier M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien donner,
dans la présente session, les explications que la commission demande.
______________
M. de Bonne., rapporteur. - J’ai l'honneur de
présenter le rapport sur la pétition des habitants de Senonchamps, hameau de
l'arrondissement de Bastogne.
Une section de la
commune de Longchamps, Senonchamps est une section de Sibret, a été réunie à
une section de la commune de Sibret pour en faire une commune appelée
Mont-Saint-Etienne.
Des réparations
étaient nécessaires à la tour de l'église, mais au lieu de faire ces
réparations, le desservant et la fabrique ont décidé d'agrandir l'église.
La dépense est
évaluée à 4,585 fr. 50 c. Le conseil communal de Sibret s'y est opposé comme
inutile et parce que l'église est suffisante pour la population.
Une commission
composée d'habitants de l'autre section, Longchamps, a décidé l'agrandissement.
La part que ce
hameau, Senonchamps, doit payer, est de 1,444 francs. Il n'est composé que de
16 habitations.
Si toutes les
formalités légales et prescrites par les lois sur la matière ont été
accomplies, la chambre ne peut s'occuper de cette pétition, mais cela est à
vérifier.
Votre commission vous
propose le renvoi au ministre de la justice pour qu'il donne des explications.
- Ces conclusions
sont adoptées.
___________________
M. de Bonne., rapporteur. - J'ai enfin
l'honneur de présenter le rapport sur la pétition des secrétaires de diverses
communes de la province de Liège qui demandent des modifications aux articles
109 et 111 de la loi communale.
Ils se plaignent que
la dissidence d'opinion dans bien des communes fait que les membres de la
majorité du conseil retranchent, diminuent tellement les appointements du
secrétaire d'une opinion opposée, qu'il lui est impossible de remplir ses
devoirs. Ils allèguent ensuite que la proposition d'llIouer 50 centimes par
habitant inscrit sur les rôles, sera un correctif à un vice signalé depuis
longtemps, savoir :
1" D'avoir un
tableau exact des habitants ;
2" D'une répartition
plus juste des charges, telles que le contingent pour la milice, pour la garde
civique, etc.
Votre commission
propose le renvoi au ministre de l'intérieur, avec demande d'explications.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M.
Zoude
(au nom de la commission des pétitions). - Messieurs, j'ai l'honneur de
présenter le rapport de la commission, sur la pétition du sieur Castellain,
cultivateur à Estaimpuis, réclame le payement de terres expropriées lors de la
construction du chemin de fer de Courtray à Tournay.
Par une expression
inusitée jusqu'ici, vous avez demandé un rapport immédiat sur la pétition du
sieur Castellain qui vous expose que le gouvernement a été condamné, le 2 juin
1845, par le tribunal de Tournay, à lui payer une somme de 5.663 fr., pour
emprise de terrain employé à la construction du chemin de fer de Courtray à
Tournay, qu'il a été condamné en outre à lui payer les intérêts de cette somme
à partir du 15 avril même année.
Cependant
que, malgré ses sollicitations réitérées, il n'a rien pu obtenir jusqu'ici et
qu'outre le préjudice que lui cause ce retard, il éprouve encore un autre
dommage par le défaut d'exécution de travaux qui lui ont été formellement
promis pour rendre sa ferme abordable et pour empêcher ses caves d'être
inondées.
Votre commission fait
remarquer à regret que des plaintes de même nature surgissent assez souvent, et
elle croit devoir engager le gouvernement à apporter plus d'empressement à
satisfaire aux réclamations, surtout à celles dont la légitimité est reconnue
par les tribunaux.
Votre commission a
l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition au département des travaux
publics.
M. Dumortier. - Messieurs, la pétition dont il s'agit est
celle dont j'ai déjà eu l'honneur d'entretenir la chambre lorsqu'elle a été
présentée ; Il s'agit d'un cultivateur qui a été exproprié de ses terres, lors
de la création du chemin de fer de Courtray à Tournay. Indépendamment de cela,
la ferme du pétitionnaire a été rendue inhabitable ; pour y remédier, rien n'a
été fait jusqu'ici, rien ne paraît devoir être fait. Voici que nous arrivons à
la fin de la session, et jusqu'à présent on ne voit pas qu'on veuille payer ces
arriérés. Je connais, dans les environs de Tournay, plusieurs propriétaires qui
ont été aussi expropriés à l'occasion de la création du chemin de fer, et qui
ne sont pas encore payés. C'est là un véritable abus que nous devons regretter.
Je propose donc à la chambre de renvoyer la pétition à M. le ministre des
travaux publics, en y joignant une demande d'explications. Le gouvernement ne
doit pas tarder à satisfaire à ces réclamations ; s'il ne paye pas ces dettes,
dettes légitimes puisque le chemin de fer est en possession des terres depuis
plusieurs années, la chambre, un jour ou l'autre, pourra être accablée de
pétitions de ce genre.
M. de Garcia. - Messieurs,
lorsqu'on a discuté la loi de comptabilité générale de l'Etat et celle
d'organisation de la cour des comptes, il n'est parti qu'une voix de cette
assemblée, pour demander que les créanciers de l'Etat soient payés promptement
et sans embarras. J'insiste donc sur (page
1744) les considérations qui viennent d'être présentées par l'honorable M.
Dumortier, j'y insiste d'autant plus qu'on nuit au crédit de l'Etat, en
différant ces payements.
Si souvent l'on
rencontre des obstacles et de mauvaises conditions dans les actes
d'expropriation et d'adjudication de travaux faits dans l'intérêt de la chose publique,
ces résultats fâcheux doivent être attribués à ce que l'exproprié et
l'adjudicataire ne sont pas régulièrement soldés de leurs travaux.
Je convie donc de
toutes mes forces le gouvernement à payer ce qu'il doit sans entraves et dans
les délais les plus courts possible, ce mode d'agir est dans l'intérêt bien
entendu des affaires du pays.
M. Dumortier. - J'entends M. le
ministre des finances qui dit qu'il y a des motifs. J'ai appuyé de démarches
plusieurs demandes de ce genre de propriétaires des environs de Tournay, il m'a
été répondu par M. le ministre des travaux publics que les délais pour prendre
sur les emprunts les fonds nécessaires pour ces payements étaient écoulés,
qu'il fallait une loi, pour pouvoir opérer ces payements.
Je demande d'autant
plus le renvoi, que nous arrivons à la fin de la session, que si la loi n'était
pas votée avant la clôture, ces malheureux devraient encore attendre près d'une
année. Ces retards portent également préjudice au trésor public qui doit payer
les intérêts à raison de 5 p. c. Ainsi, au point de vue de l'intérêt de l'Etat,
comme au point de vue de l'intérêt des particuliers, il est urgent de faire
cesser de pareils abus.
- La proposition de
M. Dumortier et celle de la commission sont adoptées.
__________________
M. de Corswarem, rapporteur. - Messieurs, dans
votre séance du 19 juin courant, vous avez renvoyé à la commission de
circonscription une pétition du bourgmestre, des échevins, des membres du conseil
communal, du secrétaire et du receveur de la commune, ainsi que de vingt-six
électeurs d'Alken, demandant que cette commune soit distraite du canton de Looz
et réunie à celui de Hasselt (Limbourg).
Sur votre invitation
de prompt rapport, la commission s'est occupée aujourd'hui de l'examen de cette
pétition et vous propose à l'unanimité, de vouloir la renvoyer à M. le ministre
de la justice, avec demande de renseignements.
- Ces conclusions
sont adoptées.
PROJET DE LOI SUR LES SUCRES
Discussion des articles
Article additionnel
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, dès l'origine de ce débat, je crois avoir pris à l'égard des trois
intérêts qui sont en cause une position d'impartialité ; c'est même ainsi que
je m'explique les accusations de partialité qui sont parties des deux côtés
opposés. quelquefois pendant une même séance. Cette position, je désire la
maintenir dans l'examen de la question nouvelle soulevée à la séance d'hier par
l'honorable M. Verhaegen.
L'honorable membre a
demandé si l'industrie du sucre indigène supporterait d'une manière permanente
une aggravation d'impôt qui aurait été le résultat d'une cause accidentelle ;
en d'autres termes, si, lorsque la production décroît, le droit d'accise serait
réduit dans une proportion égale à celle de l'aggravation d'accise qui a lieu
lorsque la production augmente. Pour maintenir cette position d'impartialité et
la traduire en disposition de loi, tout avantage qu'on accorde à l'une des deux
industries appelle une augmentation pour l'autre. Tout ce qui change le système
de pondération, puisqu'on conteste le mot avantage, doit amener un contrepoids
en faveur de l'autre industrie. Depuis la séance d'hier, j'ai encore examiné
s'il est possible de rassurer l'industrie indigène sans fausser le système de
la loi.
Si la législation des
sucres reposait sur un système gradué en augmentations, et susceptible de
varier chaque année en diminution, en ce qui concerne quatre de ses bases,
cette législation n'aurait aucune fixité ; il y aurait une instabilité telle
qu'aucun intérêt ne serait garanti. Que l'on me permette une comparaison. Ce
serait établir un édifice sur quatre piliers, que l'on ébranlerait chaque jour.
Il ne faut pas que
toutes les bases puissent sans cesse être remises en question ; qu'il y ait
incertitude permanente. Cette incertitude résulterait du jeu simultané de deux
gradations ascendantes et descendantes pour chacune des deux industries.
Le projet primitif
contenait un rendement de 72-58 et un droit d'accise de 38 fr. La chambre, par
son vote, en abaissant le rendement et en abaissant le chiffre de l'accise, a
en quelque sorte admis un état transitoire ; elle a voulu que, par le progrès
de l'industrie du sucre exotique, le rendement pût être élevé et il le sera :
elle a voulu qu'en cas de progrès de l'industrie du sucre indigène, on arrivât
à ce résultat définitif qu'il y eût un rendement plus élevé et une différence
d'accise notablement réduite.
Si de ces deux termes
l'un doit constamment varier, tandis que l'autre ne peut changer, le système de
pondération sera détruit. Ainsi, en supposant que chaque année, pour une
production en moins de 100,000 kil., l'industrie du sucre indigène obtienne une
réduction d'impôt, alors que le chiffre de la décharge resterait invariable, la
pondération n'existerait plus.
L'on doit donc
chercher ailleurs le remède, ou plutôt le moyen de rassurer l'industrie du
sucre indigène contre des craintes que je ne puis du reste partager.
Veuillez remarquer
d'abord, que si une augmentation considérable de la production du sucre
indigène est un signe certain, incontestable de sa prospérité, une réduction
même très forte peut être accidentelle et beaucoup plus accidentelle qu'une
augmentation. En effet, ainsi que la remarque en a déjà été faite, une mauvaise
récolte a beaucoup plus d'importance en mal qu'une bonne récolte n'a
d'influence en bien.
Si une réduction de
l'accise était admise en principe, en raison d'une seule récolte, il y aurait
une grande instabilité, on prendrait une disposition en vue d'un accident.
Une réduction de
prise en charge pour l'industrie du sucre indigène pourrait même être la cause
non d'une influence atmosphérique, mais d'un autre fait qui n'aurait aucun
rapport avec sa décadence.
Ainsi nous avons un
certain nombre de fabriques. II y en a qui produisent des quantités
considérables, un événement quelconque, un décès, une retraite des affaires,
pourraient amener la fermeture d'une ou deux fabriques.
Alors, bien que
toutes les conditions fussent restées les mêmes, l'industrie obtiendrait un
dégrèvement de l'accise, en raison d'un fait qui n'aurait pas changé ses conditions
relativement à l'industrie concurrente.
Il y a un troisième
motif pour ne pas admettre de changement à la réduction de l'accise, à raison
d'une seule récolte ; je veux parler de l'intérêt qu'auraient les fabricants de
sucre indigène à se coaliser pour limiter leurs produits.
Ainsi, je suppose
qu'ils aient produit 4,200,000 kil. D'après l'article 5 que vous avez adopté
hier, ils produiront jusqu'à cette quantité un droit de 38 fr.
En produisant
4,300,000 kilog., ils auraient à payer un droit de 40 fr.
Messieurs, la
différence entre ces deux chiffres, relativement aux quantités, est de 124,000
fr. Vous voyez donc que dans cette circonstance les personnes qui fabriquent le
sucre indigène auraient un très grand intérêt à ne pas dépasser telle
production, parce qu'en dépassant de 100,000 kil. la production, elles
devraient payer 124,000 fr. de droits en plus. Là encore il n'y aurait aucune
espèce de corrélation entre l'abaissement du droit et l'état réel de
l'industrie.
Il ne faut donc pas
qu'un accident puisse élever d'une manière permanente le chiffre de l'accise
lorsque l'industrie dépérit. Mais il ne faut pas non plus qu'un accident puisse
réduire le droit d'accise lorsque l'industrie prospère.
Il m'a paru,
messieurs, que pour se tenir à une égale distance de ces deux inconvénients,
l'on devrait n'avoir égard, pour l'abaissement du droit, qu'à une décadence
bien constatée, qu'à une absence de prospérité résultant de faits certains.
Pour arriver à ce
résultat, il faut d'abord qu'il y ait une réduction notable dans la production
du sucre indigène ; il faut en second lieu que cette réduction ne porte pas sur
une seule année. Ainsi, supposons que pendant deux années consécutives, alors
que le droit aurait été porté au-delà de 30 francs, l'industrie du sucre indigène
ne soutînt pas sa production, mais que cette production fût au contraire
notablement réduite, alors il y a un motif fondé d'abaisser le droit pour
rétablir l'équilibre qui aurait disparu dans les faits.
En prenant ainsi un
chiffre assez réduit pour les quantités et en le combinant avec le temps ou
deux années consécutives, on empêche aussi ces manœuvres dont je parlais tout à
l'heure, et qui pourraient avoir accidentellement réduit la fabrication.
Je proposerai donc à
la chambre de faire, en ce qui concerne l'industrie du sucre indigène, cette
réserve pour le cas où cette production tomberait à un chiffre inférieur de
beaucoup à celui qui est indiqué dans l'article 5. La disposition serait ainsi
conçue :
« Le droit
d'accise augmenté en vertu de l'article 5 sera réduit à 30 fr., si la moyenne
des prises en charge inscrites pendant deux campagnes consécutives est
inférieure à 3 millions de kil. »
Messieurs, cet
amendement, je le répète encore, est une garantie morale donnée à l'industrie
du sucre indigène. Les conditions que lui fait cette loi, conditions
aujourd'hui reconnues, sont telles que, bien loin d'avoir à craindre sa chute,
on doit redouter beaucoup plus qu'elle n'envahisse complétement le marché
intérieur. C'est une garantie morale ; ce n'est pas autre chose, je fais la
part des préjugés.
Je disais tout à
l'heure, messieurs, qu'un avantage accordé à l'industrie du sucre indigène
appelait aussi le rétablissement de l'équilibre en faveur de l'industrie du
sucre exotique.
Dans l'article 4, que
la chambre a adopté, on a admis le principe que toute augmentation du rendement
resterait acquise au trésor, c'est-à-dire que si, par exemple, le rendement
était porté à 72-58, si le mouvement commercial venait à se restreindre, le
trésor pourrait, d'une manière permanente, percevoir, en vertu du rendement
ainsi élevé, une recette non pas de 3, mais même de 4 millions. J'ai donc été
amené, par esprit de justice et d'impartialité, à admettre aussi, en faveur du
sucre exotique, une éventualité dans laquelle le rendement pourrait être
réduit, c'est-à-dire la décharge augmentée.
Ici encore,
messieurs, l'on ne doit pas s'attachera un fait accidentel, il ne faut pas que
l'on puisse dire : le trésor a perçu pendant une année 3,100,000 fr., il a donc
reçu 100,000 fr. de trop et il faut et augmenter de 1 fr. le chiffre de la
décharge. Ce serait, en ce qui concerne l'industrie du sucre exotique, donner
une trop grande instabilité à la loi et produire un mauvais résultat pour
l'industrie elle-même. II y aurait un autre inconvénient encore : au lieu
d'avoir le chiffre de 3 millions comme minimum en quelque sorte, on aurait fait
contracter par l'industrie envers le trésor public une espèce d'abonnement ; ce
serait inscrire dans la législation un très mauvais principe. Ne nous attachons
donc ni au (page 1745) fait accidentel, ni à
une variation insignifiante, mais attachons-nous aussi à une décadence réelle
et constatée. Je fais intervenir, pour constater cette décadence, les mêmes
éléments : le temps et une grande augmentation de recette.
Le temps. Je
proposerai à la chambre que deux années consécutives doivent aussi avoir donné
une forte recette pour qu'il y ait lieu à augmenter le chiffre de la décharge.
Il peut paraître étrange, au premier abord, que le chiffre de la recette soit
en quelque sorte le thermomètre de la décadence de l’industrie du sucre
exotique ; cependant, messieurs, rien n'est plus vrai, plus évident, dans le
système de la loi. Plus le mouvement commercial s'étend, plus l'industrie du
sucre exotique prospère, plus la recette est vite et fortement entamée. Si
donc, dans l'hypothèse donnée, nous réalisons d'une manière permanente une
recette très forte, nous devons en conclure que l'industrie du sucre exotique
souffre, que le mouvement commercial est notablement restreint.
Supposons donc,
messieurs, que la recette de trois millions, minimum, a été dépassée pendant
deux années, et d'une somme assez forte, supposons que le mouvement commercial
est par conséquent restreint, et que l'équilibre est sur le point d'être rompu
; alors, messieurs, j'adopte dans les mêmes termes, dans le même esprit, dans
la même proportion, une disposition qui permettra au gouvernement de rétablir
l'équilibre, en vertu de la lot actuelle.
Pour l'industrie du
sucre exotique, je proposerai donc à la chambre d'autoriser le gouvernement à
rétablir la décharge de 66 fr., lorsque pendant deux années consécutives, les
recettes auront été de plus de 3,500,000 fr.
Il y a, messieurs,
une autre observation que je dois faire sur ce système.
D'une part, j'accorde
à l'industrie du sucre indigène la possibilité d'obtenir un dégrèvement de
l'accise, lorsque sa décadence sera bien constatée, lorsqu'il sera démontré par
les faits que l'équilibre est rompu. J'accorde la même faveur, quant au
rendement ; mais veuillez remarquer, messieurs (et la discussion générale l'a
établi à l'évidence), que le rendement est d’un intérêt commun pour les deux
industries et proportionnel à leur développement, d'où il suit que par
l'amendement, je satisfais, sous deux rapports différents, l'intérêt du sucre
indigène, tandis que l'industrie du sucre exotique n'a de dégrèvement à espérer
que d'un seul côté.
Qu'on me permette de
le redire, je propose cette double atténuation beaucoup moins en vue d'un
résultat que je prévois, que pour faire la part des préjugés ou d'une
éventualité qui, selon moi, ne se réalisera pas.
J'ai pleine confiance
dans l'avenir de la loi, les avantages accordés à l'industrie du sucre indigène
sont tels, qu'à moins de circonstances qu'il n'est pas donné à la prudence
humaine de prévoir, elle ne décroîtra pas au point d'avoir besoin de ce remède.
Pour l'industrie du
sucre exotique, à moins que des circonstances aussi impérieuses ne se
produisent, le mouvement commercial le développera et l'éventualité, quant à
lui, ne se réalisera pas non plus.
Le système de la loi,
tel que je l'ai défini, n'est pas détruit par ces propositions, seulement on
prévoit une éventualité, on assure ce système pour cette éventualité quelque
éloignée qu'elle soit.
En
vous soumettant ces propositions, messieurs, je désire insister de nouveau sur
l'esprit dans lequel elles ont été conçues. J'ai cru reconnaître chez beaucoup
de membres une appréhension contre les résultats inflexibles qu'aurait pour les
deux industries cette élévation qui ne serait jamais compensée, quels que
fussent les faits qui vinssent à se produire. J'ai cherché un remède qui ne fût
pas destructif de la loi, et je crois l'avoir trouvé.
La disposition qui
concerne le sucre exotique est conçue absolument dans les mêmes termes que
celle que j'ai proposée dans l'intérêt du sucre indigène. Cette proposition est
formulée dans un esprit de conciliation, pour satisfaire à des appréhensions
que j'ai vues naître dans l'esprit de quelques membres de la chambre.
M. Dumortier. - Messieurs, je
ferai d'abord remarquer qu'on n'a pas mis hier aux voix l'amendement que j'ai
eu l'honneur de déposer et qui est le meilleur remède, pour établir cette
pondération que M. le ministre des finances vient de prôner si haut. Nous
n'avons pas demandé autre chose que cette pondération.
Ce qui me frappe,
c'est cette double position que prend M. le ministre des finances. Au sujet de
la betterave, il regarde comme dangereux pour le trésor public que l'Etat ne
perçoive pas assez de revenus ; et au sujet de la canne, il regarde comme un
malheur pour l'Etat qu'il perçoive trop de revenus. Voilà une impartialité
d'une nouvelle espèce ; jugez par là tout le système qui a dominé la discussion
depuis le commencement du débat ; cette pensée s'est encore fait jour hier ;
elle se reflète, dans le discours que vous venez d'entendre, d'une manière trop
claire, pour qu'on ait besoin d'avoir des explications ultérieures.
Ainsi, si le droit
sur la betterave rapporte trop peu, il faut que le trésor le voie augmenter, on
le portera de 30 à 32, de 32 à 34, de 34 à 36 et même à 40. Mais pour la canne,
si le produit du droit rapporte les trois millions, ou un peu plus, ah !
messieurs, il faut porter remède à ce grand malheur, il faut à l'instant
réduire le bénéfice du trésor public, il faut diminuer considérablement le
rendement.
Voilà à quoi se
réduit le système de M. le ministre des finances. Vous le voyez ; il y a bien
ici deux poids et deux mesures : un poids très favorable et une mesure de faveur
pour le sucre exotique, mais toutes les défaveurs, toutes les rigueurs pour le
sucre de betterave, pour le produit du travail indigène.
Maintenant M. le
ministre des finances est saisi d'un nouveau sentiment de tendresse pour le
sucre de betterave ; que propose-t-il ? Il demande que le droit d'accise une
fois augmenté, soit réduit à 30 francs, si la moyenne des prises en charge
pendant deux campagnes, est inférieure à 3 millions.
Il faudra donc que
l'industrie indigène, pour revenir au droit de 30 francs, tombe à 800,000 kil.
au-dessous du chiffre autorisé par la loi, puisque vous admettez que la somme
de 3,800,000 kil. est le produit limité de l'industrie indigène.
Quand il s'agissait
d'appliquer le chiffre de majoration, on disait. : A 3,800,000 kil. vous avez
tout ce que vous pouvez désirer. Aujourd'hui quand le droit aura été élevé, on
veut que la production tombe à 3 millions de kilog. et cela pendant deux années
consécutives pour ramener le droit au taux de 30 fr. Ce n'est qu'à ces
conditions impossibles à réaliser, à moins de la ruine de plusieurs
établissements, qu'on consentira à remettre le droit à 30 fr.
Je suppose que dans
la présente année, avec la situation si heureuse de la température, le sucre de
betterave produise 4,200,000 kil., le droit est porté d'emblée à 40 fr., au
maximum ; si l'an prochain la production rentre dans ses limites normales de
3,800,000 kil., vous vous imaginez que le droit rentrera aussi dans ses limites
? Non, il reste fixé à 40 fr. ; tant et si longtemps que l'industrie à
demi-ruinée ne sera pas tombée au-dessous de trois millions de kil.,
c'est-à-dire 1,200,000 kil. de moins que ce qui aura donné lieu à la
majoration, tant qu'elle n'aura pas réduit sa production de plus du tiers,
c'est-à-dire tant qu'une part notable des établissements ne sera pas anéantie,
et, deux ans après, elle ne pourra pas obtenir un adoucissement à ses maux.
Quoique je n'aie pas l'honneur d'être avocat, j'ai souvent entendu dire :
cessante causa, cessat effectus.
Un
membre. - Ce n'est pas du droit, c'est de la logique.
M. Dumortier. - Je n'ai pas
l'honneur d'être avocat, j'ai souvent entendu des brocards...
Un
membre. - C'est de la logique, cela appartient à tout
le monde.
M. Dumortier. - Si cela
appartient à tout le monde, j'en prendrai ma part, et si c'est de la logique,
j'espère que vous comprendrez la nécessité de l'appliquer.
Quand la cause cesse,
les effets doivent cesser. Ici pas du tout, la cause qui a occasionné l'augmentation
d'accise cesse ; qu'elle cesse pendant dix ans, vous restez frappé comme si
vous restiez dans un état constant de prospérité. Mais que dis-je ? Est-ce que
l'article 5 repose sur la prospérité de l'industrie ? Non, c'est sur
l'impossibilité où se trouveront les sucriers de s'entendre pour ne produire
tous ensemble que le chiffre de 3,800,000 kil. On a prononcé le mot
« coalition » ; pour moi, j'invite les sucriers à se coaliser pour ne
pas dépasser ce chiffre, sans cela leur ruine est certaine ; je sais que cette
coalition est difficile ; je pense même qu'elle est impossible ; mais je leur
dis du haut de la tribune, que le seul moyen de se sauver, est de se coaliser,
de manière à ne jamais dépasser la production de 3.800,000 fr., afin de rester au
droit de 30 fr. ; c'est la seule ancre de miséricorde qui leur reste pour
éviter le naufrage au milieu de la tempête qui gronde autour d'eux. Vous
prêchez, me dit-on, la coalition ! Eh ! messieurs, c'est celui qui
présente un système rendant la coalition nécessaire pour échapper à la mort,
qui provoque la coalition. Or, le système qui vous est soumis n'est que
l'expression de la coalition des intérêts opposés.
On parle du progrès
des sucres indigènes, mais tous les progrès consistent-ils dans une plus grande
quantité de terre cultivée en betteraves ? Non, messieurs, la quantité de terre
cultivée en betterave ne dépend pas de l'industrie. Il en est de même de
l'augmentation de la matière sucrée : elle ne dépend pas de l'industrie, mais
de la température. Qu'arrivera-t-il si la Providence nous accorde une année
favorable ? Par ce seul fait la sucrerie indigène sera perpétuellement frappée
; le bienfait de la Providence sera, grâce au gouvernement, un malheur
perpétuel pour la Belgique.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- L'article 5 est voté.
M. Dumortier. - Je n'en ai pas
moins le droit de le critiquer, la loi n'est pas votée. La plus grande critique
qu'on puisse en faire, c'est de dire que si la Providence donne une seule année
un bienfait à la Belgique, la Belgique sera frappée pendant toute la durée de
la loi, par le fait du gouvernement. Or, une loi qui frappe le citoyen par ce
fait seul que la Providence jette sur lui un regard favorable est une loi
immorale, une loi fatale au pays.
Maintenant ne vous y
trompez pas, j'adjure les honorables collègues de bien comprendre cet
amendement dicté par une tendresse punique dont on ne peut rien espérer,
puisqu'il faut que l'industrie soit ruinée avant de pouvoir obtenir un
soulagement.
Voulez-vous une
pondération, un moyen de maintenir l'équilibre, je vous en proposerai un qui
donnera des ressources au trésor : toutes les fois que le droit sur le sucres
indigène est augmenté, qu'il soit augmenté proportionnellement sur le sucre
exotique. Laissez les deux industries dans les mêmes conditions d'existence,
c'est là ce qu'on vous demande. Si on augmente d'un franc le droit sur le sucre
indigène, on augmentera d'un franc le droit sur le sucre exotique,
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- C'est rejeté.
(page 1746) M. Dumortier. - Cela n'a même pas été proposé, je
le ferai, voici comment j'ai formulé ma proposition :
« L'augmentation
successive sur le sucre indigène, sera appliquée franc par franc à l'accise sur
le sucre exotique. »
Par-là quand vous
augmenterez le droit sur l'un vous l'augmenterez sur l'autre, si vous frappez
l'un vous frapperez l'autre, vous conserverez aux deux industries le même degré
de protection. Il me semble que M. le ministre a une peur excessive du
développement du sucre indigène qui produit des recettes au trésor, et il a une
peur excessive du non-développement du sucre exotique qui enlève en primes les
recettes du trésor.
On appelle cela des
préjugés de notre part. Les préjugés sont dans la bouche du ministre. Le
système qu'il présente ne peut pas tenir. Vous voulez 3 millions de recettes,
le progrès du sucre exotique et le progrès du sucre indigène. Comment cela
peut-il arriver ? Avec 3 millions de recettes vouloir développer l'industrie du
sucre indigène et l'industrie du sucre exotique, c'est se bercer de chimères.
Les produits seront absorbés par le système de la loi. C'est un fait que les
raffineurs de sucre exotique n'oseraient pas contester. Ils connaissent trop
bien tous les moyens de tirer parti de la loi pour n'être pas convaincus que le
pays ne recevra jamais les 3 millions qu'on lui promet.
On dit qu'on a
démontré que la question du rendement était avantageuse aux deux industries. Je
maintiens qu'il a été démontré, au contraire, que la question du rendement
n'était favorable qu'à une industrie, à celle qui exporte, et que l'autre
n'avait rien à en tirer. L'industrie qui livre ses produits à la consommation
n'a que faire de votre prime. Je désirerais encore qu'elle fût supprimée.
Tous les orateurs qui
ont parlé en faveur du sucre de betterave se sont élevés contre cette prime.
Pour moi, quel que soit l'intérêt que je porte à l'industrie du sucre indigène,
le jour où cette industrie devra vivre de primes, je lui retirerai mon appui,
parce que je ne veux d'aucune industrie qui ne se soutienne que par des primes.
Pourquoi donc a-t-on
introduit ce système de primes en faveur du sucre de betterave ? Pour en
faire bénéficier le raffinage et parce que c'était le principal grief que la
betterave eût contre la canne. On a voulu l'empêcher de se servir à l'avenir de
cet argument. Voilà le seul motif de la proposition de primes en faveur de la
betterave qui les repousse et n'en veut pas.
C'est là ce que j'ai
le droit d'appeler une tendresse punique, parce qu'elle n'est pas vraie, parce
qu'elle est un mensonge.
Je le répète donc, si
l'on veut la pondération réelle entre les deux industries, comme l'a dit M. le
ministre des finances, il n'y a qu'un moyen, c'est d'augmenter ou de réduire
simultanément le droit franc par franc sur chaque industrie, en un mot, c'est
de faire suivre la même échelle aux deux industries.
Quant à l'amendement
du ministre, j'ai démontré qu'il est illusoire. On veut avoir l'air de faire
quelque chose pour la betterave ; mais cela ne fait absolument rien, puisqu'il
faut une réduction de 1,300,000 fr. pour que le résultat soit obtenu.
Si pareille chose
arrivait, la chambre n'attendrait pas longtemps pour modifier une loi qui
serait devenue odieuse aux populations.
Cet
amendement est sans valeur. C'est un palliatif en vue de satisfaire certains
membres. Mais il ne sera jamais efficace, je l'ai démontré à la dernière
évidence.
J'insiste donc pour
qu'on ne perde pas de vue mon amendement. II s'applique aux trois systèmes, à
ceux de MM. de Corswarem et de la Coste et à celui de M. le ministre des
finances. Je désire qu'il soit mis aux voix. J'espère que la chambre n'y
refusera pas son adhésion. En effet, il faut que l'industrie, qui est la cause
du préjudice porté au trésor, soit seule frappée. C'est le but de mon
amendement.
Il serait injuste
d'adopter un système différent.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- L'amendement que j'ai soumis à la chambre est, dit l'honorable membre, une
tendresse pour le sucre indigène. Je dois avouer que l'accueil fait à cette
tendresse me rendrait une récidive assez difficile. Aussi longtemps que je
n'aurai pas pour l'une des deux industries une tendresse exclusive, on
m'accusera toujours de vouloir la détruire. Ici l'accusation de partialité se
produit sous d'autres termes ; mais c'est toujours la même accusation. C'est
celle que j'ai rencontrée dès le début, et que je suis destiné à rencontrer
jusqu'à la fin, et même après la fin.
L'honorable M.
Dumortier demande deux choses. II demande d'abord qu'on mette aux voix son
amendement. Ensuite, il propose un amendement nouveau.
Le premier amendement
de l'honorable M. Dumortier se rattache à l'article 5 qui a été voté hier. Cet
amendement, je crois l'avoir démontré, est complétement inexécutable. S'il
était admis par la chambre, je prierais l'honorable M. Dumortier de vouloir
bien prendre ma place et d'appliquer cet amendement. Il est impossible qu'un
ministre des finances, lorsqu'un déficit sera produit, puisse dire laquelle des
deux industries en est la cause. Je ne m'oppose pas à ce qu'on mette
l'amendement aux voix. Mais je déclare que je ne pourrais l'exécuter.
Je prie la chambre de
prononcer la question préalable sur le nouvel amendement.
Il est directement
contraire au vote déjà émis. La chambre entière, en votant sur l'article 5, a
résolu la question de savoir s'il y aura corrélation entre le déficit et
l'augmentation du droit d'accise sur le sucre indigène. Cette corrélation n'a
pas été admise.
En faisant cette
préposition l'on rouvrirait la discussion qui dure depuis 15 jours.
L'adoption de
l'article 5 suppose que la corrélation entre l'aggravation de l'accise a été
établie à raison du développement de la fabrication, et non par suite de la
diminution des recettes ; or, l'honorable membre veut appliquer le droit franc
pour franc (dent pour dent, la peine du talion) lorsqu'il y aura déficit.
L'honorable membre
est revenu encore sur l'argument tiré d'une bonne récolte. Je croyais que, dans
les discussions précédentes, on avait complétement épuisé cet argument. La
production actuelle, je le répète, est tout au plus de 3 millions. L'honorable
M. Eloy de Burdinne, si j'ai bien compris, a paru hier encore admettre ce
chiffre de 3 millions. Ainsi, même en supposant cette année une récolte
extraordinaire, on ne pourrait arriver, par les résultats connus, pour la
culture de la betterave, à un droit de plus de 30 fr. Si on le subit plus tard,
c'est parce qu'on aura reconnu les avantages de la loi, et parce que la culture
se sera étendue.
L'honorable M.
Dumortier dit encore que les fabricants feront bien de se coaliser. Depuis
longtemps, je pense, ils se sont aperçus de l'intérêt qu'ils ont à limiter leur
production à 3,800,000 fr. Si cette limitation est produite, c'est ce que la
loi désire ; ce résultat sera atteint sans qu'ils aient à subir aucune
augmentation d'impôt. Cette coalition est très naturelle ; je me hâte d'ajouter
qu'elle est très légitime.
M. Dumortier. - C'est un acte d'hostilité.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je m'étonne à bon droit de ces interruptions qui rouvrent toute la discussion
générale. N'ai-je pas démontré à toute évidence que si l'on veut le système de
la coexistence, il faut employer, non une limitation de quantité, mais une
limitation de faveur au sucre indigène. La chambre n'a-t-elle pas voté
l'article 5 ? Cette interruption ne suppose-t-elle pas que l'article 5 ne
serait pas voté ?
M. de Corswarem. - Messieurs, un
fait vraiment curieux à observer, c'est l'adresse de M. le ministre des
finances à saisir toutes les occasions pour favoriser l'industrie étrangère et
nuire à l'industrie nationale. Ce qu'il vient de vous proposer aujourd'hui en
est encore une preuve bien palpable. Il avait commencé, messieurs, par proposer
une décharge à l'exportation de 62 fr. pour le sucre exotique ; puis il a
trouvé une occasion pour porter cette décharge à 65 fr. et enfin pour la porter
à 66 fr. et pour augmenter ainsi de 4 fr. par 100 kil. la faveur accordée au
sucre étranger. Il avait au contraire commencé par proposer un droit d'accise
sur le sucre indigène de 38 fr. ; quelque temps après il l'a porté à 40 fr. en
augmentant ainsi de 2 fr. l'impôt sur le sucre produit du sol belge.
Aujourd'hui que
fait-il ? Il dit : Dès que les recettes dépasseront 3,500,000 fr.. on
augmentera la décharge à l'exportation de 4 fr. par 100 kil. et il prend pour
base de ses prévisions une somme de 3 millions. Son raisonnement est donc
celui-ci : dès que les 3 millions seront dépassés d'un sixième, la décharge
sera augmentée de 4 fr. par 100 kil. en faveur du sucre étranger.
Messieurs, si ce
système est admis pour le sucre exotique, il me paraît qu'il devrait aussi être
admis pour le sucre indigène. Mais pas du tout, M. le ministre n'admet pas ce
système pour le sucre indigène. Il dit : Nous voulons laisser produire au sucre
indigène 3,800,000 kil. Par la même raison il devrait dire : Dès que cette
production baissera d'un sixième, le droit d'accise sera réduit à 30 fr. Or, la
production de 3,800,000 kil. baissant d'un sixième, se trouve réduite à
3,166,666 kil.
Voilà donc encore
166,666 kil. de production que M. le ministre vient soustraire à l'industrie
indigène, avant de lui accorder le retour au droit primitif. C'est une nouvelle
preuve de cette partialité en faveur de l'autre industrie.
Il est impossible,
dit M. le ministre, que l'amendement de l'honorable M. Dumortier puisse être
mis en pratique. Hier encore je vous ai dit que cet amendement peut être très
facilement mis en pratique.
Il a été établi que
pour atteindre le chiffre de 3 millions de recettes, il faudrait que la
production indigène montât à 3,800,000 kilog. et la production du sucre
exotique à 16,200,000 kil. Eh bien, dès que l'une de ces industries aura
dépassé ces quantités, ce sera celle-là qui aura fait diminuer la recette, et
le fait sera constaté tout naturellement par les prises en charge.
Cet amendement ne
présente donc pas la moindre difficulté dans son application. Je le trouve au
contraire très facile à appliquer et je ne vois pas qu'il soit nécessaire que
M. le ministre cède sa place dans le cabinet à un autre membre de la chambre pour
le mettre en pratique.
L'honorable ministre
nous dit aussi qu'une coalition entre les fabricants serait légitime, dès que
cette coalition aurait pour but de ne pas dépasser la production de 3,900,000
kil. Mais il ne nous dit pas jusqu'à quel point serait légitime une coalition
de raffineurs qui s'entendraient pour établir une fabrique de sucre de
betterave, et au moyen des produits que leur procurerait cette fabrique,
dépasser la production de 3,900,000 kil. et la porter jusqu'à 4,300,000 kil.
pour imposer ainsi à l'industrie nationale le droit maximum de 40 fr. Voilà un
point sur lequel M. le ministre ne s'est pas expliqué.
Si ces raffineurs
devaient maintenir cet établissement pendant un long espace de temps,
uniquement en vue de nuire à leurs adversaires, je conçois que la chose serait
fort difficile. Mais ils n'ont qu'à louer une fabrique pour une seule année, à
produire pendant cette seule année la quantité nécessaire pour atteindre une
seule fois la production de 4,300,000 kil. pour que le droit soit porté à 40
fr. et qu'il reste toujours à 40 fr., jusqu'à ce que la production de
l'industrie indigène retombe au-dessous de 3 millions de kilogrammes.
(page 1747) Ainsi vous voyez que si d'un côté il peut y avoir une
coalition légitime, d'un autre côté il peut y en avoir une qui ne serait pas
légitime du tout.
Je
demanderai donc aussi que la chambre vote sur l'amendement que l'honorable M.
Dumortier nous a présenté dans la séance d'avant-hier.
Quant à celui qu'il
nous a présenté aujourd'hui, je ne le comprends pas très bien. C'est d'ailleurs
assez naturel, je n'ai pas cet amendement sous les yeux ; je l'ai entendu lire
une seule fois, et l'honorable M. Dumortier lit ordinairement assez vite. Je
n'énonce donc pas d'opinion sur cet amendement avant que je n'aie eu le temps
de l'examiner plus mûrement.
M. Lebeau. - Messieurs, j'avais demandé en même temps
que l'honorable M. Verhaegen, que M. le ministre des finances voulût bien
éclairer quelques doutes qui étaient nés dans mon esprit à la lecture de
l'article qui a été adopté dans la séance d'hier. Je désirais savoir ce qui en
serait, lorsque l'accroissement qui aurait amené une augmentation de droit pour
le sucre indigène, aurait cessé.
M. le ministre a
compris qu'il y avait quelque chose de fondé dans les doutes que nous avions
émis, et c'est pour y donner satisfaction qu'il a présenté aujourd'hui un
amendement.
J'avais d'abord
pensé, messieurs, que l'on pourrait, pour rester dans les déductions logiques,
établir à cet égard une sorte d'échelle ascendante et descendante. Mais je
reconnais que la pratique s'accommode fort mal de ce qui peut satisfaire la
logique, et que l'inquiétude qu'une semblable disposition jetterait dans la
situation des deux industries ferait plus de mal que de bien.
Je suis donc porté à
me rallier à l'amendement de M. le ministre, et je crois que c'est surtout le
sucre indigène qui doit se féliciter de la présentation de cet amendement. Je
pense que si M. le ministre des finances prenait au mot l'opposition très vive
que semble rencontrer cet amendement, et s'il le retirait, ce ne serait pas
l'industrie du sucre exotique qui serait désappointée, mais l'industrie qui
livre à cet amendement les plus violentes attaques.
Je crois que si les
défenseurs du sucre indigène se félicitaient du retrait de cet amendement, ceux
au nom desquels ils parlent, ne leur sauraient pas beaucoup de gré de leur
opposition.
Messieurs, je dirai
deux mots en réponse à quelques considérations que vient de présenter
l'honorable M. Dumortier.
Cet honorable membre
a signalé beaucoup de bizarreries, beaucoup de conséquences singulières
dérivant de l'exécution de la loi que nous faisons. Mais, messieurs, c'est que
je crois que jamais la législature ne s'est occupée de la recherche du problème
qui est posé devant elle.
Que faisons-nous ?
Faisons-nous une loi purement fiscale, purement industrielle, purement
commerciale ? Non. Nous sommes à la poursuite d'un problème qui peut être est
insoluble.
Que voulons-nous ?
Nous voulons la coexistence de deux industries qui se disputent le marché du
pays. Nous voulons inscrire cette coexistence dans la loi, et nous voulons que
tous les développements que les industries intéressées donneront à la loi,
laissent debout la coexistence des deux industries. De sorte que non seulement
il faut ici veiller à l'intérêt du trésor public, mais il faut encore veiller à
ceci, que si une industrie, par les progrès qui lui sont propres, par des
circonstances qui tendent à favoriser son développement, menace de tuer
l'autre, la loi doit immédiatement intervenir pour rétablir l'équilibre, pour
maintenir la coexistence. Voilà, messieurs, comment nous faisons quelque chose
de bizarre, parce que le principe même de la loi est bizarre, parce que nous
faisons une loi qui est peut-être sans exemple.
Eh bien, messieurs,
en partant du principe de la coexistence, vous ne pouvez pas admettre
l'amendement de l'honorable M. Dumortier, car si une diminution des revenus du
trésor public nécessite l'aggravation des charges de l'industrie, cette
diminution peut avoir pour cause la décadence de l'une des deux industries et
la prospérité excessive de l’autre, et dès lors il est tout naturel de frapper
celle qui jouit de cette grande prospérité et de ménager celle qui souffre. Or
l'honorable M. Dumortier voudrait que l'on frappât en même temps celle qui a
une santé trop grande et celle qui est atteinte de phtisie. Cela serait
absurde.
J'ai dit, messieurs,
que tout est bizarre dans la loi dont nous nous occupons. Cela est si vrai que
nous débutons par accorder à l'industrie du sucre indigène une protection de 30
p. c. tandis que les autres industries n'obtiennent jamais que 10 p. c. On dit
: Non, la protection n'est pas de 30 p. c. ; il faut tenir compte de la
moins-value des bas produits. » Mais on ne tient pas compte de pareilles
circonstances lorsqu'il s'agit des autres industries.
Lorsqu'il s'agit des
draps, des toiles, on ne va pas comparer les conditions de travail de
l'industrie nationale à celles de l'industrie étrangère ; on se borne à donner
à l'industrie nationale une protection de 10 ou de 15 p. c. Eh bien, ici on
débute par une protection de 30 p. c. et cette protection ne paraît pas
suffisante.
Je dis donc,
messieurs, que s'il y a de la bizarrerie dans certaines dispositions de la loi,
il faut s'y résigner parce que ces bizarreries dérivent du principe même de la
loi. Nous faisons autre chose qu'une loi fiscale ; nous entrons en quelque
sorte dans le règlement des industries, nous posons presque un jalon de
l'organisation du travail.
Je voterai pour
l'amendement de M. le ministre des finances.
M. Eloy de Burdinne. - M. le ministre
des finances en a appelé tout à l'heure à mon témoignage en ce qui concerne le
chiffre de la production du sucre indigène ; il a dit que de mon aveu cette
production ne s'élevait qu'à 3 millions de kil. Si M. le ministre avait lu ou
écouté mes discours, il aurait vu que j'évaluais à 3 millions la production du
sucre raffiné, et que j'ai établi que pour obtenir 3 millions de sucre raffiné,
il fallait 5,000,000 kil. de sucre brut. Or, messieurs, les bas produits du
sucre indigène ne peuvent pas se consommer ; ils ne peuvent servir qu'aux
distilleries, et lorsque les distilleries en font usage, ils sont soumis à un
impôt ; on en fait de l'alcool, et l'alcool est frappé de droits.
Si maintenant je
compare le sucre indigène au sucre exotique, je trouve que ce dernier, pour
produire 3 millions de sucre propre à être livré à la consommation, n'a besoin
que de 3,060,000 kil. de sucre brut ; car la mélasse et le vergeois du sucre
exotique sont propres à la consommation. Il y a donc, sous ce rapport, un
déficit de 540,000 kil. sur 3 millions, au préjudice du sucre indigène. Qu'on
ne vienne donc pas dire que le sucre indigène jouit d'une protection de 10, de
15 et même de 30 pour cent.
L'honorable M. Lebeau
a eu raison de dire que ce projet est tellement compliqué qu'il donne matière à
mille et une interprétations, de la part de ceux qui le défendent et de la part
de ceux qui l'attaquent.
L'honorable M. Lebeau
a dit également qu'on donne ordinairement à l'industrie nationale une
protection de 15 p. c. Eh bien, messieurs, qu'est-ce que je vous ai proposé ?
J'ai proposé d'assurer au sucre indigène une faveur de 6 fr. sur le sucre
étranger importé par navires belges et de 12 fr. sur le sucre étranger importé
par navires étrangers.
M. le président. - M. Eloy de
Burdinne, vous rentrez complétement dans la discussion générale.
M. Eloy de Burdinne. - J'aurai l'honneur
de vous faire observer, M. le président, que je réponds à un argument de M.
Lebeau. Si l'honorable M. Lebeau a pu rentrer dans la discussion générale, il
me semble que je devrais avoir le droit de le suivre. Mais enfin, puisque cela
déplaît à M. le président....
M. le président. - Rien ne me
déplaît. Je fais exécuter le règlement.
M. Eloy de Burdinne. - Mais je ne fais
que répondre à M. Lebeau.
M. le président. - M. Lebeau s'est
borné à indiquer quelques observations sans les approfondir.
M. Eloy de Burdinne. - Je passerai à un autre
point, je répondrai à M. le ministre des finances.
M. le ministre des
finances dans chaque discours, je dirai presque dans chaque phrase, nous
annonce toujours son impartialité ; il me semble que quand on croit être
impartial on ne s'en vante pas si souvent. Je vais, messieurs, vous citer un
fait qui vous donnera la mesure de l'impartialité de M. le ministre des
finances.
Vous le savez,
messieurs, le commerce anversois a été accusé, à tort ou à raison, d'avoir
rédigé le premier projet qui nous a été soumis par M. le ministre, ou, au
moins, d'y avoir contribué....
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- C'est inexact.
M. Eloy de Burdinne. - Eh bien, dans ce
projet on ne demandait pas tout ce qu'on demande maintenant ; le commerce est
trop adroit pour dévoiler tout d'un coup toutes ses exigences ; mais à mesure
qu'il a obtenu des concessions, il a exigé des concessions nouvelles. C'est
ainsi que font les enfants gâtés ; plus on leur donne, plus ils veulent avoir.
M. le ministre dit
qu'il n'est pas plus porté pour le sucre exotique que pour le sucre indigène ;
or, j'en reviens au bruit qui a circulé, à savoir que le commerce anversois
avait rédigé le projet de loi.
Je fus étonné de
cette nouvelle ; j'allai trouver M. le ministre des finances, et je lui dis que
je le priais de m'accorder une audience, afin que je pusse m'expliquer aussi
dans l'intérêt du sucre indigène ; M. le ministre était très pressé en ce
moment, j'aime à croire qu'il l'était réellement ; il me dit : « Nous pourrions
parler pendant mon déjeuner ; le voulez-vous ? » M. le ministre des finances,
vous vous rappelez sans doute ces détails.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Très bien.
M. Eloy de Burdinne. - Or, voici ce qui
s'est passé pendant le déjeuner de M. le ministre : nous parlâmes du sucre, je
fis valoir l'intérêt du sucre indigène ; M. le ministre me laissa aller très
longtemps et ne me répondit rien ; je lui dis alors : « Qu'en pensez-vous ? »
Eh bien, messieurs, voilà la réponse que m'a faite M. le ministre des finances
; sur l'observation que je lui fis qu'en 1836, il avait défendu le sucre
indigène, il me répondit : « En 1836, j'étais betterave ; en 1846, je suis
canne. »
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, la chambre me permettra, je l'espère, de lui expliquer à mon tour
l'histoire de mon déjeuner.
Messieurs, depuis que
la loi qui vous est soumise a été présentée, j'ai reçu très souvent des
personnes intéressées aux deux industries et d'autres personnes, notamment
l'honorable M. Eloy de Burdinne ; et presque toujours, messieurs, j'ai pris le
rôle d'écouter les observations qui m'ont été faites ; ce qui a pu arriver à
l'honorable membre, est arrivé à beaucoup d'autres qui ne s'en sont pas
plaints.
Je crois me rappeler
que la discussion que j'ai eue avec l'honorable membre a été assez longue, mais
je désavoue complétement, ou du moins je ne me rappelle pas avoir tenu ce
propos, qu'en 1836 j'étais betterave et qu'aujourd'hui je suis canne ; il y a
pour cela plusieurs raisons excellentes ; en 1836 je n'étais pas né à la vie
parlementaire, j'étais complétement étranger à la question des sucres : je suis
entré à la chambre en 1841.
(page 1748) M. Eloy de Burdinne. - J'ai voulu dire en
1843.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Dans la discussion de 1843, à laquelle je n'ai pas pris part, si ce n'est par
mes votes ; dans cette discussion, je le reconnais sans peine, beaucoup de ces
votes ont été très favorables à l'industrie du sucre indigène. Je dirai sans
détour que l'une des choses qui m'ont le plus impressionné dans la discussion
de 1843, était qu'on voulait consacrer dans la loi un principe que je
combattrai toujours, le principe d'expropriation d'une industrie sous prétexte
d'utilité publique.
Quand les premières
émotions seront passées, quand les faits auront fait justice de tant
d'exagérations, toute cette discussion démontrera que j'ai été fidèle à mon
vote de 1843, que j'ai fait pour l'industrie du sucre indigène plus et mieux
que ce qu'elle a aujourd'hui ; je ne répudie donc pas mes votes ; je vous
propose aujourd'hui, messieurs, de les consacrer dans la loi.
M. Rodenbach. - L'industrie
indigène payera moins que rien !
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je remercie l'honorable M. Rodenbach de l'interruption ; d'après le projet, l'industrie
du sucre indigène payera moins que rien, c'est-à-dire qu'il apurera toute sa
dette, soit qu'il reste dans le pays, soit qu'il soit matériellement exporté.
L'honorable
M. Eloy de Burdinne a parlé d'un bruit qui avait couru, à savoir que le projet
de loi avait été rédigé par le commerce d'Anvers. Messieurs, il a couru
beaucoup de bruits, il en court tous les jours encore, on en met beaucoup en
circulation ; mais celui-là ne doit pas avoir obtenu grande créance ; il n'est
pas parvenu jusqu'à moi, et les faits qui se sont passés, même postérieurement
à la présentation du projet de loi, démontrent combien ce bruit était peu
vraisemblable et peu fondé ! En effet, la chambre se rappellera que les
premières et les plus vives réclamations contre le projet primitif, sont venues
de la part du commerce d'Anvers.
Je n'insisterai pas
davantage sur ce point ; je ne sais jusqu'à quel point même il est
parlementaire de venir rapporter des bruits à la tribune et de m'obliger à les
réfuter.
M. de La Coste. - Messieurs, je
serais très fâché de ne pas inviter M. le ministre des finances à rechercher
quelques moyens d'adoucir les dispositions de la loi qui frappent le plus
fortement sur l'industrie indigène ; je l'adjure même d'y réfléchir encore
d'ici au vote définitif de la loi.
Pour moi, le vice que
je vois dans la loi, si elle est votée, comme elle vient d'être adoptée
provisoirement article par article, ce sont les oscillations trop brusques qui
peuvent, certainement contre l'intention du ministre, faire des faveurs qu'il
vient accorder à l'industrie indigène une sorte de piège ; et qui doivent
amener ces coalitions que M. le ministre des finances semble même avoir
approuvées en quelque sorte, lorsqu'il a dit : « Si l'industrie se coalise
pour restreindre ses opérations, c'est ce que nous voulons. » Mais vraiment, ce
n'est pas là ce que l'on voulait hier ; on disait hier que si l'on mettait aux
voix le mot de limitation, tout le monde serait d'accord pour dire non.
Messieurs, si l'on voulait
réellement la coexistence, si on voulait le principe que M. le ministre des
finances a posé hier, et qui consiste à dire que, quand il est constant que
l'industrie se développe, il en résulte qu'elle est en état de supporter un
droit plus élevé, et qu'elle a moins besoin de protection ; si l'on était resté
sérieusement fidèle à ce principe, j'aurais voté alors pour la loi.
Mais je ne vois pas
cela, je vois que la transition sera si brusque, que des circonstances purement
accidentelles, qui ne démontrent nullement la prospérité de l'industrie,
peuvent faire monter l'échelle tout d'un coup, de manière à rétroagir gravement
sur cette industrie. Je suis de l'école d'économie politique et en cela, je
suis d'accord avec les plus grands partisans de la liberté du commerce, qui
enseignent que quand on ravit à une industrie une protection dont elle a
longtemps joui, il faut procéder par gradation. Si le vice que je trouve, sous
ce rapport, dans le projet n'est pas corrigé, ce sera pour moi un motif
déterminant pour voter contre la loi. Je désire que M. le ministre y
réfléchisse mûrement.
Nous nous trouvons
placés dans une position difficile ; j'aurais désiré trouver quelque terme
moyen, quelque accommodement. Cependant n'étant pas mandataire des industriels,
j'aurais craint de poser un principe qu'ils n'auraient pas admis. Je devais me
tenir dans une grande réserve. Si on avait admis le chiffre d'un franc pour la
gradation, cela devenait très acceptable en mettant une certaine limitation
pour éviter une augmentation trop rapide. Je crois qu'en voulant aller trop
vite, on a ôté à la loi ce caractère de conciliation que voulait lui donner M.
le ministre.
Pour en venir à
l'amendement, je sais gré à M. le ministre de cette proposition ; cependant, je
suis d'avis qu'il n'y a pas là égalité de traitement pour les deux industries.
Pourquoi ne
portons-nous pas, sur-le-champ, le rendement au taux que le ministre avait
d'abord eu en vue ? C'est pour céder au vœu du commerce d'Anvers. Mais sur quel
motif les réclamations ont-elles été fondées ? Sur le motif que l'industrie des
raffineurs n'est pas parvenue à ce point de perfection que les Hollandais ont
atteint, qu'elle a plutôt marché à reculons qu'en avant, qu'il fallait quelque
temps pour reprendre assez d'essor pour pouvoir lutter avec un rendement plus
élevé.
Quand nous serons
arrivés au rendement de 72 1/2 ou 73, il sera prouvé que notre industrie est
capable de concourir, ; mais pourquoi ne pourra-t-elle pas lutter ? Ce sera
parce que la lutte sera devenue impossible, que les marchés étrangers se
ferment. Nous voudrons donc alors lutter à force d'argent contre cette
impossibilité ! Il y a là une grande disparité avec ce qu'on veut faire à
l’égard de l'industrie indigène. On doit reconnaître qu'on s'est trop pressé.
Puisqu'on veut faire
une nouvelle faveur à l'industrie du sucre exotique, je ne veux pas m'y
opposer. J'ai perdu trop de procès pour vouloir plaider encore longuement. Je
demande seulement à M. le ministre s'il ne veut pas rendre la faveur un peu
plus réelle pour l'industrie indigène.
Quand nous arrivons à
la limite de 3,900,000 kil. et que nous allons jusqu'à 4,300,000, nous sommes
au droit de 40 fr. C'est un espace de 400,000 kil. ; ne pourriez-vous pas agir
en rétrogradant de la même manière, prendre 400,000 kil. au-dessous de
3,900,000 kil., vous auriez pour limite 3,500,000 kil. Alors il y aurait une
sorte de garantie.
Partant de ce point
de vue, si toutes les faveurs que vous avez cru accorder au sucre indigène
n'ont aucun effet, on ne dépassera pas la limite, puisqu'on en est encore fort
éloigné. Ce que nous disons est parfaitement inutile, parce qu'on ne fabriquera
jamais 3,900,000 kil.
Nous supposons le
contraire, nous supposons que, par les stimulants que la loi renferme, nous
aurions atteint le droit de 40 fr., mais qu'il serait prouvé que ce droit
écrase l'industrie indigène, si au lieu de la limite de 3,800,000 kilogrammes,
nous venions pendant deux années à 3,500,000, ce serait une preuve suffisante
que l'élévation du droit est insupportable. Vous avez encore une distance de
400,000 kilog. entre ce terme et celui que vous avez assigné. Il me semble que
là il y aurait quelque chose de réel.
M. Osy. - L'honorable M. de
la Coste dit qu'il ne comprend pas pourquoi on pourrait diminuer le rendement
du sucre exotique. Je vais en dire plusieurs raisons. Si d'ici à quelques
années nous avons porté la prise en charge à 30 millions et qu'il arrivât ce
qu'on a vu l'année dernière, que le sucre brut montât de 12 à 20 sch., il
serait impossible au sucre exotique de lutter avec le sucre indigène. Nous
avons encore le marché étranger des villes hanséatiques. Si les villes
hanséatiques entraient dans le Zollverein, ce marché nous serait fermé, car
aujourd'hui nous ne pouvons pas envoyer nos sucres raffinés, nos lumps dans les
Etats du Zollverein.
La
Russie, depuis deux ans, admet les lumps au même droit que les sucres de la
Havane. Voilà un marché qui nous sera ouvert ; mais dans deux ans, il pourra
nous être encore fermé. Vous voyez que si nous pouvons arriver à 30 millions,
nous pouvons descendre à 20. Nous avons le même droit pour demander une
réduction de rendement, que le sucre indigène pour avoir la réduction de droit
que nous lui accordons.
Je trouve que
l'opinion manifestée, hier, qu'il fallait chercher une compensation à la
réduction de production, doit trouver une entière satisfaction dans l'heureuse
combinaison de M. le ministre des finances. Je crois qu'il est très juste de
dire que si la production de la betterave tombe à 3 millions de kilogrammes, le
droit doit être ramené à 30 francs. Mais il est aussi juste de dire que si la
recette tombe au-dessous de 3,500,000 fr., il faut réduire le rendement.
Je trouve que ces
deux propositions sont extrêmement justes, et j'y donnerai mon assentiment.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je remercie l'honorable M. de La Coste des observations bienveillantes qu'il
a faites sur l'article nouveau que j'ai présenté à la chambre.
Je demanderai à la chambre
d'adopter cet amendement au premier vote, tel qu'il a été formulé. Je m'engage,
d'ici au second vote, à examiner d'une manière approfondie les deux
observations de l'honorable M. de La Coste.
La première, je la
considère comme essentielle. Il est évident que, pour l'une comme pour l'autre
industrie, nous devons éviter tout ce qui pourrait produire une perturbation,
tout ce qui pourrait nous empêcher d'arriver aux résultats que nous voulons
tous produire.
Si
donc il y avait moyen d'éviter pour le sucre indigène et éventuellement pour le
sucre exotique une trop brusque oscillation soit du rendement, soit du droit
différentiel de l'accise (je reproduis toujours la question avec les deux
termes qui sont réellement connexes), s'il était possible d'éviter tout danger
à cet égard, j'en accepterais volontiers les moyens. J'examinerai aussi si l'on
peut fixer un chiffre intermédiaire entre 3,000,000 et 3,900,000 kilog.
Une seule pensée me
dirige ; je voudrais démontrer par les faits cette impartialité que l'on
conteste toujours, je voudrais aider à faire la meilleure loi possible dans les
circonstances actuelles.
M. Dumortier. - Je modifie
l'amendement que j'ai eu l'honneur de déposer. Comme j'ai vu que cet amendement
n'était pas compris, j'ai voulu mettre la chambre à même de voter sur un
amendement qui fût compris par tout le monde.
J'ai donc modifié mon
amendement en ces termes :
« Le droit
d'accise, augmenté en vertu de l'article 5 sur l'industrie du sucre de
betterave, sera réduit, lorsque la cause qui avait donné lieu à la majoration
aura cessé d'exister. »
Voilà, messieurs, la
question posée bien clairement.
On veut, dit-on,
établir une pondération ; on veut être juste envers tout le monde. Dès lors il
est juste aussi, lorsque le droit aura été majoré en vertu de l'article 5, et
que la cause de la majoration aura cessé d'exister, qu'à l'échéance du terme le
droit rentre dans les limites primitives. C'est la seule application juste des
principes qu'on veut poser.
C'est la seule
manière de prouver que l'on n'a pas une sympathie factice en faveur de la
betterave.
(page 1479) Si c'est une sympathie réelle, je suis sûr de l'adhésion
de M. le ministre des finances ; le refus de cette adhésion prouvera la
sincérité de sa sympathie.
Par l'article 5, on
augmente le droit sur la betterave lors d'une majoration de production. Mais si
l'année suivante, la production rentre dans l'état normal, il est évident qu'il
doit alors en être de même pour le droit à percevoir.
Rien de plus clair,
de plus intelligible que cet amendement. Si M. le ministre des finances ne
l'adopte pas, nous saurons ce que nous devons penser de tous ses élans de
tendresse pour le sucre indigène.
M. le ministre des
finances, en me répondant tout à l'heure, a prétendu que l'industrie indigène
serait le mieux favorisée, que, sous l'empire de la loi actuelle, elle ne
payerait rien, moins que rien au trésor. C'est là, messieurs, le démenti le
plus formel de cette assertion répétée vingt fois par M. le ministre des
finances, qu'au moyen de son système l'industrie du sucre de betterave aurait
payé 1,200,000 fr.
J'ai eu l'honneur de
faire remarquer quelle sera la condition du sucre de betterave. Elle sera telle
que les raffineurs de sucre exotique chercheront à obtenir, fût-ce même à
prime, le plus possible de prises en charge de sucre de betteraves pour les
appliquer à l'exportation du sucre de canne. Mais qui en profitera ?
L'exportateur ; pas le sucre indigène. En réalité le sucre indigène sera
consommé dans le pays. Il n'obtiendra pas plus d'avantages, parce que vous
aurez fait une mauvaise loi, une loi d'imprévoyance, parce qu'au lieu de
supprimer, comme vous le prétendez, la prime de mévente, vous l'avez étendue
sur une plus grande échelle.
En réalité le sucre
de canne sera seul avantage.
Cela est tellement
évident que tous les défenseurs du sucre exotique se lèvent pour appuyer toutes
les propositions de M. le ministre des finances. Tout à l'heure encore
l'honorable M. Osy, le plus chaud partisan du sucre de canne, vient d'appuyer
l'amendement de M. le ministre des finances.
M. Osy. - Qui est également
à l'avantage de l'industrie du sucre indigène.
M. Dumortier. - Un avantage !
mais nous n'en voulons pas, car c'est une mystification, c'est un piège tendu à
la législature pour paraître porter intérêt à l'industrie que l'on sacrifie. Il
est indigne d'un ministre du Roi de se servir de pareils moyens.
M. le président. - M. Dumortier, je
vous ai laissé finir votre phrase. Mais je vous engage à ne pas aller plus
loin.
M. Dumortier. - Vous avez raison,
M. le président. Mais je crois que j'ai eu raison aussi dans ce que je viens de
dire.
Il ne faut pas
simuler de la tendresse pour une industrie que l'on veut sacrifier.
En
effet, c'est l'industrie du sucre exotique qui a reçu depuis plusieurs années
des primes s'élevant à plus de 60 millions, c'est cette industrie que vous,
ministre des finances, vous entourez de toutes vos tendresses.
Si réellement vous
avez un sentiment de justice pour le sucre de canne, vous devez admettre
l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer. Car il ne consiste qu'en une
seule chose, en l'application du principe que j'ai rappelé tout à l'heure :
cessante causa, cessante effectus. Le jour où le préjudice cesse d'être
occasionné au trésor, ce jour-là la majoration doit cesser d'exister.
Je m'arrêterai,
messieurs, à ce peu de mots. Je vois que la chambre est impatiente d'en finir.
Mais je dis que voter la proposition de M. le ministre des finances, c'est
voter une mystification pour la betterave, et qu'une pareille mystification
n'est pas digne de figurer dans une loi.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- J'ai déjà d'avance combattu l'amendement de l'honorable M. Dumortier, dans
les explications que j'ai données sur ma proposition. J'ai démontré que le
système d'échelle, c'est-à-dire, la délimitation de l'impôt, dans la même
proportion que celle de la production, était contraire aux intérêts de
l'industrie elle-même.
M. Dumortier. - Cela n'est pas
exact.
- La discussion est
close.
L'amendement de M.
Dumortier est mis aux voix par appel nominal.
71 membres répondent
à l'appel nominal.
23 votent l'adoption.
47 votent le rejet.
1 (M. de Garcia)
s'abstient. En conséquence, l'amendement n'est pas adopté.
Ont voté l'adoption :
MM. Dolez, Dubus (aîné), Dumont, Dumortier, Eloy de Burdinne, Huveners, Jonet, Lange,
Savart, Sigart, Simons, Thyrion, Vanden Eynde, Biebuyck, Castiau, Clep, de
Baillet, de Breyne, de Corswarem, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Renesse,
de Sécus.
Ont voté le rejet :
MM. Donny, Dubus (Albéric), Fallon, Fleussu, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Loos,
Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Orban, Orts, Osy, Pirmez, Rodenbach,
Rogier, Scheyven, Van Cutsem, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude,
Anspach, Cans, Coppieters, d'Anethan, David, de Bonne, Dechamps, Dedecker, de
Haerne, Delfosse, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de Roo,
de Saegher, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, de
Villegas.
Le membre qui s'est
abstenu est invité à faire connaître les motifs de son abstention.
M. de Garcia. - Messieurs, les
articles précédents ont été adoptés par la majorité. Je n'ai pas voté pour eux.
Cependant comme ils existent et que je n'ai pu me rendre compte de la partie de
l'amendement de l'honorable M. Dumortier, ni m'assurer s'il ne détruisait pas
l'harmonie dans des dispositions admises, j'ai pensé devoir m'abstenir.
- L'article nouveau,
présenté par M. le ministre des finances, est mis aux voix et adopté.
Article 5 (primitif)
M. le président. - Nous arrivons à
l'article 8 primitif :
« Art. 5. Le taux de
la décharge, réglé conformément à l'article 4, sera appliqué aux prises en
charge ouvertes aux comptes au moment de la publication de l'arrêté royal.
« Toutefois, le
montant de l'accise à décharger aux comptes du chef des permis d'exportation ou
de dépôt en entrepôt, levés avant la date de l'arrêté, sera calculé d'après le
taux de la décharge précédente, si l'exportation a été consommée ou le dépôt
effectué avant ladite publication. »
- Adopté.
« Art. 6 (ancien). Le
gouvernement pourra, selon que l'exigeront les changements des procédés de
fabrication, modifier les dispositions de la loi du 4 avril 1843, pour assurer
la perception intégrale de l'accise sur le sucre de betterave.
« De même, il pourra
prescrire un mode spécial de vérification concernant la qualité des sucres et
des sirops, présentés à l'exportation avec décharge de l'accise.
« Toute contravention
à ces mesures sera punie d'une amende de 50 à 800 fr.
« Les arrêtés royaux,
pris en vertu du présent article, seront soumis à l'approbation des chambres
dans l'année qui suivra leur mise à exécution. »
M. de La Coste. - Messieurs, il me
paraît que cet article a extrêmement d’étendue. On pourra modifier les
dispositions de la loi, c'est-à-dire, que le gouvernement pourra faire une loi
nouvelle, pourra établir, un système tout nouveau. Il me semble que la
proposition dépasse même de beaucoup les vues que M. le ministre semblait s'être
proposées.
M. le ministre des
finances a motivé sa proposition à peu près ainsi ; il a dit : Il y a un
article semblable dans la loi actuelle. Mais le précédent ministre des finances
en a ôté la force par une concession qu'il a faite. Cette concession,
messieurs, paraît avoir été faite à la personne qui vous parle. Je ne me
rappelle pas au juste dans quels termes cette concession a été provoquée, ni en
quels termes elle a été faite, mais il me semble que c'est déjà une preuve
assez forte de l'importance des motifs par lesquels elle a été appuyée, que la
circonstance que cette concession a été faite par l'honorable M. Smits,
défenseur zélé du sucre exotique.
Maintenant,
messieurs, je n'ai pas le texte des deux lois sous la main, mais je crois que
le projet actuel va beaucoup plus loin que l'ancienne loi, car dans l'ancienne
loi il n'est question que des formalités et ici il est question de modifier
toute la loi. Ainsi donc, messieurs, on pourra rétablir pour ce sucre le
système des droits réunis, on pourra changer les prises en charge, on pourra
établir des préférences entre les sucres raffinés, premier jet et les autres.
Voilà autant de conséquences contre lesquelles je voudrais que M. le ministre
des finances voulût bien nous prémunir.
Messieurs, je m'étonne
vraiment que d'honorables membres qui, dans d'autres occasions, sont, par leur
position même, les défenseurs des libertés publiques, gardent le silence sur
une semblable proposition.
Je puis dire que,
dans ma longue carrière et quoique homme du gouvernement depuis longtemps, je
n'ai jamais laissé passer une disposition semblable sans la combattre. Je ne
puis concevoir que le gouvernement lui-même veuille prendre un pouvoir qui
appartient aussi essentiellement à la législature, un pouvoir tellement illimité
qu'en France même, dans ce pays dont on invoque l'exemple, ce pouvoir a été
déclaré publiquement inconstitutionnel. Voici ce qui s'est passé en France : M.
Jolivet, commissaire des colonies, a proposé d'abandonner au gouvernement le
droit de fixer la proportion de sucre dans les prises en charge. M.
Lestiboudois a fait un long discours dans lequel il a expliqué à combien
d'erreurs on était exposé dans ces matières.
Il a expliqué entre
autres combien la densité des jus est une base peu sûre, parce que la densité
des jus indique non seulement la quantité de parties sucrées qui s'y trouvent,
mais aussi les différents acides qui y sont en dissolution. M. le ministre des
finances a pris, à son tour, la parole ; il a dit qu'il s'était demandé si le
pouvoir qu'on voulait lui faire prendre, on le lui accorderait dans d'autres
occasions, si on le lui accorderait pour les brasseries et les distilleries, et
il a répondu qu'on ne le lui accorderait point ; que par conséquent, il ne
croyait pas pouvoir le réclamer. M. Jolivet, commissaire des colonies, a dit
alors qu'il approuvait les scrupules du ministre, qu'il ne voulait pas être
moins constitutionnel que le ministre et qu'il retirait sa proposition.
Messieurs,
quant à moi, je ne puis pas adopter une proposition qui met le gouvernement à
la place des chambres. M. le ministre des finances pourra vous faire le tableau
des fraudes qu'il croit exister ; il pourra le rendre tel que la chambre sera
persuadée qu'il faut apporter remède à l'état de choses qu'il aura signalé ;
mais qu'est-ce que cela prouve ? Cela prouve-t-il qu'il faille y porter remède
par arrêté ? Non, cela prouve que : M. le ministre aurait dû venir avec des
propositions que nous puissions accepter, et s'il ne le fait pas, il nous
permet de croire ou qu'il n'a rien (page
1750) à proposer ou qu'il craindrait de soumettre ses propositions à la
sagesse de la chambre.
La proposition qui nous
est faite, messieurs, je la repousserais de toutes mes forces, quand elle
serait faite dans un intérêt que je défendrais, et je la repousse maintenant
bien plus dans l'intérêt des principes, dans l'intérêt des prérogatives de
cette assemblée, que dans aucun autre intérêt quelconque.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je n'ai pas l'intention, messieurs, de faire un tableau sombre des moyens de
fraude qui pourraient avoir été employés dans les fabriques ou dont l'administration
soupçonnerait l'emploi. Je vais justifier l'article 6 par d'autres
considérations. La chambre a admis une différence de droit d'accise, elle doit
vouloir que cette différence soit réelle, égale pour tous. Du moment,
messieurs, que vous laissez subsister une protection de fait, votre loi cesse
d'être juste, elle cesse d'être morale. Elle cesse d'être juste et morale,
parce que si le contrôle est imparfait, si l'industriel qui est moins sévère
envers lui-même, moins soucieux de remplir ses fonctions envers le trésor peut
trouver à cela du profit, c'est lui que la loi a favorisé.
Ainsi nous pouvons
différer d'opinion sur le chiffre de la différence à établir, mais lorsque la
différence est établie, nous devons désirer tous que la différence soit la même
pour tous les industriels, qu'il n'y ait pas de protection de fait, et, si nous
ne pouvons arriver là, nous devons désirer, au moins, que la protection de fait
soit réduite autant qu'il est possible.
Je reconnais qu'il
s'agit ici d'une délégation du pouvoir législatif. Il s'agit de confier au
gouvernement le droit d'établir des moyens de contrôle, sauf à en référer à la
législature. Cette délégation du pouvoir législatif est nécessaire en ce moment
comme elle était nécessaire lorsque la loi du 4 avril 1843 a été votée. La loi
du 4 avril 1843, semblable en cela à toutes les autres lois d'accise, établit
des formalités, des moyens de contrôle, mais elle admet que le gouvernement
pourra prendre ou prescrire d'autres dispositions et d'autres formalités que
celles qui sont prévues par la loi même. Ainsi, malgré les formalités définies
dans la loi, on a compris alors qu'il fallait donner au gouvernement des
pouvoirs plus étendus si on voulait que l'accise fut intégralement perçue. On a
été beaucoup plus loin : par l'article 70 de la loi de 1843 on a autorisé le
gouvernement à établir le chiffre de l'impôt et le régime entier de l'accise
pour toutes les autres espèces de sucre qui viendraient à être inventées ans le
pays, et c'est en vertu de l'article 70 que l'année dernière, un impôt, dont la
quotité a été déterminée par le gouvernement, a été mis sur les glucoses.
La délégation du
pouvoir législatif est nécessaire, parce que les moyens de contrôle ne sont pas
actuellement tous connus, parce que les procédés de fabrication sont variables.
Je vais en donner un exemple.
La loi de 1843 avait
voulu deux modes de contrôle : les procédés ont changé de telle manière dans
certaines fabriques que le deuxième mode de contrôle est devenu inapplicable,
et il a fallu, pour compenser l'absence du contrôle, que le gouvernement
contractât un abonnement qui augmentait la prise en charge.
L'industrie du sucre
indigène n'a pas encore dit son dernier mot ; il y aura encore des
perfectionnements dans les procédés, des changements qui pourraient avoir pour
effet d'éluder complétement le régime de la loi, si le gouvernement n'avait pas
le pouvoir de mettre ses moyens de surveillance en harmonie avec les procédés
nouveaux.
Nous ne voulons pas
interdire le progrès ; mais on ne peut pas vouloir non plus que le progrès des
procédés devienne une cause d'exemption partielle de l'impôt ; ce qui
arriverait inévitablement, si le gouvernement ne pouvait pas suppléer aux
dispositions de la loi, s'il ne pouvait pas suivre pas à pas les changements de
procédés qui permettraient d'éluder partiellement l'impôt.
Messieurs, veuillez
remarquer encore que par l'article 6 cette délégation est limitée. Ainsi le
gouvernement peut modifier les dispositions de la loi de 1843 ; mais pourquoi
peut-il les modifier ? Uniquement pour assurer la perception intégrale de
l'accise. S'il arrivait que les dispositions prises par le gouvernement eussent
pour conséquence de détruire ou de compromettre l'équilibre, le gouvernement
n'aurait pas fait une application légitime des pouvoirs que nous demandons pour
lui, il aurait fait tourner contre l'industrie une disposition qui est
exclusivement prise pour protéger le trésor contre les changements éventuels
des procédés de la fabrication.
Messieurs, je n'ai
pas présents à la mémoire tous les faits qui se sont passés en France ;
cependant le vote de la dernière loi que j'ai déjà citée, démontre qu'en France
où cette industrie est beaucoup plus ancienne, on a aussi commencé par laisser
au régime des ordonnances le soin de fixer le mode de surveillance des
fabriques de sucre indigène ; cette loi, en effet, n'est autre chose que la
régularisation des dispositions que le gouvernement avait prises, en vertu
d'une délégation faite par la loi.
Il y a dans l'article
6 une autre disposition que je considère comme parallèle à celle qui intéresse
surtout le sucre indigène. La loi permettra un grand développement
d'exportation : il faut donc se prémunir aussi contre les fraudes possibles à
l'exportation des sucres, et le gouvernement, à l'égard du sucre exotique,
recevra, en vertu de l'article 6, le droit d'empêcher aussi qu'on ne fît passer
frauduleusement des sucres d'une catégorie dans une autre.
L'on a déjà parlé
plusieurs fois des droits réunis ; l'on a rappelé à la chambre ce qui s'était
passé lors de la discussion de la loi des tabacs.
Nous avons en
Belgique plusieurs industries qui sont soumises au régime de l'accise, ce
régime est d'autant plus sévère que la nécessité en a été même démontrée. Mon
but n'est pas d'aller au-delà des nécessités qui seront démontrées, et si le
gouvernement allait au-delà, les dispositions qu'il aurait prises et qui
doivent être soumises aux chambres, n'obtiendraient certainement pas leur
assentiment. Vous avez dans ce recours aux chambres une garantie nouvelle dont
l'importance est très grande.
La différence
essentielle qui existe entre ce qu'on a appelé autrefois les droits réunis et
le régime de l'accise, consiste en ce que l'accise porte sur les industriels à
raison de leur profession, tandis que l'impopularité des droits réunis, et
l'impopularité que je redoutais, lorsqu'il s'est agi d'établir une accise sur
le tabac, consistait à faire peser ce régime sur des populations entières.
C'est à ce point de vue que je l'ai combattu et que je le combattrai toujours.
Ici, au contraire, on
n'est pas forcé d'être fabricant de sucre de betterave ; mais lorsqu'on exerce
cette industrie et que la loi établit un droit de consommation, toutes les
opinions, je le répète encore, quelque divergentes qu'elles soient sur d'autres
points, doivent vouloir que l'impôt établi par la loi soit réellement et
intégralement perçu.
Les faits ont
démontré la nécessité de cette délégation. Je ne lirai pas les notes que je
possède sur les moyens de fraude, constatés en très petit nombre, soupçonnés en beaucoup plus
grand nombre ; je ne les lirai que quand les attaques dirigées contre l'article
6 m'y obligeront.
M. Vanden Eynde. - C'est une menace
!
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je ne fais jamais de menaces, je donne quelquefois des avertissements ?
Messieurs, si cette
délégation essentiellement temporaire m'était refusée, voici la position dans
laquelle je me trouverais : Il faudrait, à la session prochaine, lorsque
l'expérience serait incomplète, vous apporter les mesures les plus rigoureuses.
En effet, lorsqu'il s'agit de consacrer le régime de l'accise par une loi, il
faut qu'on soit certain que la loi sera efficace. Si on me contestait cette
délégation temporaire, alors que je suis encore occupé de rechercher des moyens
moins rigoureux que ceux qu'on a adoptés en France, et avant que j'eusse achevé
l'expérience à faire dans la campagne prochaine, on me forcerait de présenter
une loi qui contiendrait des moyens efficaces, et, pour avoir ces moyens
efficaces, il faut des mesures rigoureuses....
M. Dumortier. - La chambre
apprécierait ces mesures !
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Oui, la chambre les apprécierait ; mais la question que j'agite dans ce
moment est de savoir s'il n'est pas de l'intérêt du sucre indigène que cet
examen vienne lorsque le gouvernement aura essayé d'autres moyens moins
rigoureux que ceux qui ont été établis en France par la loi du mois de mai
dernier.
Ces
mesures consistent principalement dans le contrôle des quantités produites ; eh
bien, s'il n'est pas démontré à l'évidence par les essais qui seront faits
encore, que ce contrôle est le seul moyen d'assurer l'impôt, je serai amendé ou
mes successeurs seront amenés, lorsque l'expérience sera complète, à venir
présenter, en vertu de l'article 6, pour être converties en lois, les
dispositions réglementaires qu'ils auront prises.
L'on disait tout à
l'heure à côté de moi : « Les chambres apprécieront. » Mais, messieurs,
l'examen des chambres n'est pas exclu par l'article 6, il est, au contraire,
formellement réservé ; et de ce que cet examen est réservé, il résulte pour le
gouvernement la nécessité de n'user qu'avec ménagement et modération du pouvoir
qui lui est accordé.
M. Dumortier. - Vous venez
d'entendre M. le ministre des finances, il a déclaré que l'article qu'il
propose est une délégation du pouvoir législatif, et l'a déclaré d'une manière
formelle. Sous ce rapport il n'a pas biaisé. Ainsi, il est bien reconnu que
c'est une délégation du pouvoir législatif qu'on demande à la chambre. Pour
justifier cette délégation, on se prévaut de l'article 67 de la loi du 4 avril
1842. Comparez, messieurs, le texte de l'article 67 avec le texte de l'article
qu'on vous propose, et vous verrez toute la différence qu'il y a entre l'une et
l'autre disposition.
L'article 67 de la
loi du 4 avril 1843 porte :
« Le
gouvernement est autorisé à prendre ou à prescrire d'autres dispositions et
formalités que celles prévues par la présente loi, pour assurer la perception
du droit d'accise sur le sucre de betterave, sauf à soumettre lesdites mesures
aux chambres législatives dans la session qui suivra la campagne pendant
laquelle elles auront été mises à exécution.
« Toute contravention
à ces mesures sera punie, suivant sa nature, d'une amende de 50 à 800 fr. »
En vertu de cet
article, le gouvernement est autorisé à prendre d'autres mesures, c'est-à-dire
des mesures complémentaires ; mais il ne peut modifier aucune des dispositions
de la loi. La loi reste telle qu'elle a été votée par le pouvoir législatif, le
gouvernement n'est autorisé à la modifier en rien. Que dit-on dans l'article 6
qu'on vous propose ?
« Le
gouvernement pourra, selon que l'exigeront les changements des procédés de
fabrication, modifier les dispositions de la loi, pour assurer la perception
intégrale de l'accise. »
Ainsi, le
gouvernement pourra modifier les dispositions de la loi de 1843. Je dis qu'un
pareille disposition est contraire à tous les principes constitutionnels ; car
le premier principe de droit constitutionnel est que celui-là seul peut changer
la loi qui l'a faite. Par cette disposition, le ministre vient déclarer qu'une loi
émanée des trois branches du pouvoir législatif, peut être modifiée par une
seule branche. Cela est, je le répète, contraire à tous les principes
constitutionnels.
Messieurs, si vous
aviez la faiblesse d'introduire dans la loi une (page 1751) pareille disposition, vous auriez posé un acte qui, dans
l'avenir, peut avoir les plus graves conséquences. Je demanderai aux honorables
députés qui ont pris la défense de la loi sur les distilleries ce qu'ils
diraient si le gouvernement venait proposer relativement aux distilleries une
disposition ainsi conçue ; je lis le texte présenté par M. le ministre : « Le
gouvernement pourra, selon que l'exigeront les procédés de fabrication,
modifier les dispositions de la loi sur les distilleries. »
Tous et notamment MM,
Rodenbach et Desmet se lèveront contre une pareille disposition.,
Si le gouvernement
proposait la même disposition à, l'égard des brasseries :
« Le gouvernement
pourra, selon que l'exigeront les changements des procédés de la fabrication,
modifier les dispositions de la loi sur les brasseries. »
Tous les députés qui
ont pris la défense de la loi sur les brasseries se lèveraient contre une
pareille disposition.. Nous verrions se lever M. Mast de Vries ? Comment
se fait-il qu'il ne se lève pas pour protester contre une disposition qui, si
elle était votée, pourrait être étendue aux industries qu'ils ont
défendues ?
C'est au reste, on
l'a reconnu, une délégation du pouvoir législatif ; or, nous ne pouvons
pas, sans manquer à nos devoirs, faire une délégation du pouvoir législatif ;
ce serait poser un acte inconstitutionnel, puisque la Constitution veut que les
lois soient votées par les chambres, ; la conséquence logique est que les lois
ne peuvent être modifiées que par les chambres, que les chambres ne peuvent pas
déléguer ce pouvoir.
Il faut avoir une
bien grande confiance dans le vote de la chambre, l'escompter d'avance, pour me
servir des expressions de M. le ministre, pour présenter à une chambre élue par
le peuple une disposition aussi contraire aux principes constitutionnels.
Mais, dit-on, nous
voulons des dispositions relatives au contrôle. Pourquoi ne les demandez-vous
pas à la législature, ces dispositions ? La législature, qui s'est montrée si
dure à l'égard de l'industrie indigène, accordera, ce que vous demanderez de
contraire. Mais ce n'est pas un motif pour demander à la législature de se
dépouiller de ses droits pour vous en investir. Pourquoi, d'ailleurs,
n'établirait-on pas le même contrôle à l'égard des produits de la canne ?
Pourquoi ne demandez-vous pas les moyens de contrôler les quantités qu'elle
produit ?
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- On ne peut pas le faire !
M. Dumortier. - C'est-à-dire que
vous ne voulez pas le savoir, parce que vous voulez lui accorder prime sur
prime. Si vous avez un motif pour contrôler le sucre indigène, le même motif
doit exister pour contrôler le sucre exotique, afin de savoir le rendement
réel, le produit de la décharge à laquelle nous accordons des primes, et ce qui
reste de chacun dans le pays. Si donc un contrôle est établi pour l'un, il faut
qu'il le soit pour l'autre.
Moi, qui me suis
montré l'adversaire des prétentions exagérées du sucre de canne dans cette
discussion, si on proposait contre le sucre de canne la disposition dont il
s'agit, je la combattrais avec la même chaleur, parce qu'au-dessus du sucre de
betterave et du sucre de canne, il y a quelque chose de plus sacré, c'est le
pouvoir que nous tenons de la nation ; nous ne devons pas nous en dépouiller en
faveur de ministre. La disposition qu'on propose est en opposition formelle
avec le texte de la Constitution.
L'article. 67 porte :
Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois,
sans pouvoir jamais, ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur
exécution.
Vous le voyez, le
gouvernement est le pouvoir qui exécute les lois non celui qui les modifie. On
demande pour le gouvernement le pouvoir de modifier la loi, quand, aux termes
de la Constitution, il ne peut que les exécuter. C'est une violation manifeste
de la Constitution, vous ne pouvez y prêter les mains sans abdiquer votre
mandat, sans manquer au serment que vous avez prêté en entrant dans cette
enceinte. Si des fraudes sont commises, qu'on demande le moyen de les réprimer,
mais nous ne pouvons pas déléguer les droits que la
Constitution nous a réservés, ni mettre entre les mains du gouvernement un
précédent qu'on pourrait étendre à tous les droits d'accise, car le motif qu'on
invoque ici peut s'appliquer à tous les droits d'accise ; on viendra vous dire
: On fraude dans les distilleries, dans les brasseries, dans les salines ; on
finira par demander un blanc-seing pour faire une loi sans l'intervention de la
chambre. On dit : La chambre examinera l'année suivante. Mais, ne voyez-vous
pas la différence : au lieu de faire la loi, la chambre sanctionnera, elle ne
la fera pas ; et encore on dit : La chambre examinera, mais on ne dit pas que
si la chambre n'approuve pas, l'arrêté cessera d'être exécuté, que si la
chambre rejette le projet de loi, l'arrêté cessera d'être en vigueur ; niais ce
n'est pas là la question, la question fondamentale est que la chambre ne peut
pas déléguer son pouvoir, l'article 67 de la Constitution s'y oppose, et
l'article qu'on nous présente est une violation évidente, manifeste de
l'article 67 de la Constitution.
M. de La Coste. - Dans tous les cas,
je voterai contre l'article. Il faudrait cependant que M. le ministre des finances
fît connaître si nous lui donnons le droit de faire payer quels impôts il
jugera à propos.
En
France, au mois de mars, quand cette question a été débattue, et que le
ministre a élevé la prétention de modifier la base de l'impôt, c'est-à-dire de
la prise en charge, on a dit au ministre des finances de France, comme nous
pourrions dire au ministre des finances de Belgique : « Nous avons confiance en
vous. Mais nous ne connaissons pas vos successeurs, qui pourraient, au moyen de
cette disposition, anéantir à leur volonté le sucre indigène. »
Je demande donc si le
gouvernement élève jusque-là ses prétentions.
Certainement vous
n'admettriez pas cette disposition pour toute autre disposition que celle pour
laquelle vous auriez un germe d’hostilité.
Je demande à la
chambre de ne pas se prononcer par hostilité et par colère. C'est ainsi que
s'obtiennent les plus mauvaises lois.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Il s'agit de reproduire en d'autres termes la disposition de la loi de 1843.
Il n'y a aucune idée d'hostilité dans cette proposition. J'en ai défini le but,
les motifs et le résultat.
Le gouvernement (pour
répondre à la question de l'honorable M. de La Coste) n'a pas le droit de
détruire l'industrie du sucre indigène, pas même d'aggraver sa condition. Mais
il doit prendre toutes les mesures que les faits rendront nécessaires pour
qu'une partie de l'impôt ne soit pas éludée.
Telle
est la portée de la disposition. Tel est le mandat du gouvernement.
Les industriels doivent
tous s'applaudir de voir que le gouvernement a le moyen de neutraliser la
protection de fait et d'égaliser les conditions de la concurrence. Il ne faut
pas que la déloyauté, la fraude soit un moyen de nuire aux concurrents qui
remplissent strictement leurs devoirs envers la loi.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. Dumortier. - Véritablement il
s’agit ici d'une disposition exorbitante. Je pense que la chambre ne peut
clôturer, surtout quand le ministre dit qu'il veut reproduire la disposition de
la loi, alors que j'ai démontré que dans la première loi il n'était question
que d'une disposition complémentaire, tandis qu'ici il s'agit de modifier la
loi tout entière.
- La clôture est mise
aux voix et prononcée.
L'article 6 est mis
aux voix par appel nominal. Voici le résultat du vote.
Nombre des votants,
65.
45 membres votent
pour l'adoption.
20 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour
l'adoption : MM. Donny, Dubus (Albéric), Fallon, Huveners, Lebeau, Lejeune,
Lesoinne, Loos, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Orban, Orts, Osy,
Pirmez, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Van Cutsem, Verwilghen, Veydt,
Vilain XIIII, Wallaert, Anspach, Cans, Coppieters, d’Anethan, David, de Bonne,
Dechamps, Dedecker, de Haerne, Delfosse, de Man d'Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Mérode, de Naeyer, de Roo, de Saegher, Desmaisières, Desmet, de
Terbecq et de Villegas.
Ont voté contre : MM.
Dumortier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Lange, Savart, Sigart, Thyrion, Vanden
Eynde, Biebuyck, Castiau, Clep, de Breyne, de Corswarem, de Garcia de la Vega,
de la Coste,, de Meester, de Renesse, de Sécus, de Tornaco et Zoude,
Article 7 (disposition transitoire)
« Art. 7. L'apurement
des prises en charge aux comptes ouverts pour sucre de canne ou de betterave,
résultant de documents délivrés antérieurement au 1er juillet 1846, aura lieu
conformément à la loi du 4 avril 4845. n
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Une question a été réservée., celle de la date d'exécution de la loi. Je
propose d'insérer la date du 1er juillet prochain. Cette loi, fût-elle votée
par le sénat à une date postérieure, ne serait pas encore rétroactive. D'abord,
j'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer que le seul point de départ qu'on
puisse prendre, en fait de législation sur les sucres, est la date de prise en
charge, alors seulement le sucre entre réellement dans le système de l'impôt.
Je citerai un fait
qui est tout en faveur de l'industrie du sucre indigène. Depuis que la
betterave existe en Belgique, on n'a jamais eu de prise en charge à faire à
cette époque de l'année.
Ce fait résulte des
registres de l'administration.
En France, messieurs,
presque toujours l'on a reporté à la date du 1er juillet les lois relatives à
l'industrie du sucre indigène.
Si la question de
rétroactivité devait être agitée, je dirais qu'il y a à cet égard un précédent
digne de toute l'attention de la chambre.
En
1838, la loi du 8 février a reporté la législation nouvelle au 30 décembre
précédent à midi, et la chambre a terminé le vote de la loi seulement au 31
décembre.
En effet, messieurs,
il s'agit ici de régler la redevabilité et la résiliation. Or, on conçoit fort bien
qu'à une date déterminée, puisse et doive même naître dans son entier le régime
de la loi. Toutes les parties en sont tellement liées ensemble qu'il serait
impossible de donner deux dates différentes à des ordres différents, à des
dispositions diverses.
M. Dumortier. - Messieurs, après
ce qui vient de se passer, il me faut beaucoup de courage pour prendre encore
la défense du sucre indigène. Mais je remplirai mon devoir jusqu'à la fin et je
dirai quelques mots en réponse aux observations de M. le ministre des finances.
Vous savez tous, cela
a été constaté dès l'origine des débats, que cette année, par suite des
circonstances qui vous ont été indiquées, on a planté beaucoup plus de
betteraves que les années précédentes. Ces plantations (page 1752) ont eu lieu ; et il ne peut dépendre de personne que la
chose ne soit pas ainsi.
Non seulement les
fabricants de sucre qui cultivent leurs propres terres, mais une foule de
cultivateurs ont planté des betteraves. Ces derniers ont agi ainsi dans la
double perspective de vendre d'une part leurs produits aux sucreries indigènes,
et de pouvoir, d'une autre part, si la maladie des pommes de terre avait
recommencé, se servir de betteraves pour nourrir leurs bestiaux. C'est là le
motif principal pour lequel cette année la betterave a été plantée en beaucoup
plus grande quantité que les autres années.
Jusqu'ici, la maladie
des pommes de terre ne s'est pas déclarée ; dès lors la betterave devra
nécessairement être livrée aux sucreries.
Il me paraît donc
incontestable qu'en adoptant la date que propose M. le ministre des finances,
vous voterez, dès aujourd'hui, le droit de 40 fr.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- C’est de l'exagération.
M. Dumortier. - De l'exagération
! Toutes les exagérations sont chez M. le ministre des finances. Les
exagérations sont dans la bouche de ceux qui, comme le ministre, viennent le
lendemain donner un démenti à leurs paroles de la veille : les exagérations
sont chez ceux qui viennent demander à la chambre de se dépouiller de son droit
législatif : les exagérations sont dans les erreurs qu'on n'a cessé de faire
valoir, dans le système de mauvais avocat qu'on n'a cessé de défendre.
Je vous ai indiqué, messieurs, les motifs pour
lesquels la plantation de la betterave a été beaucoup plus considérable cette
année que les précédentes.
Si vous voulez tuer
la betterave, ayez le courage d'adopter le système de l'honorable M. Smits, que
vous avez combattu. Car l'honorable M. Smits, en tuant la betterave, proposait
de lui accorder une indemnité. Il rachetait les sucreries de betterave. Mais
tuer une industrie sans lui donner d'indemnité, c'est manquer de loyauté. Or,
je dis que l'adoption de la date proposée serait manifestement la mort du sucre
indigène.
Je voterai donc
contre cette date, qui ferait de la loi une véritable loi rétroactive, car les
plantations ont eu lieu avant le vote de la loi, et puisqu'elles ont eu lieu,
il faut qu'elles puissent servir à leur destination.
M. de Corswarem. - Messieurs, je ne
puis que répéter en d'autres termes ce que vous a dit l'honorable M. Dumortier.
Les fabricants de
sucre de betterave ne possèdent pas assez de terres pour produire toutes les racines
dont ils ont besoin, d'autant plus qu'on ne peut faire produire tous les ans
ces racines aux mêmes pièces. Il faut au moins deux années d'intervalle. Ainsi
il a été constaté qu'en moyenne on plantait chaque année 1,900 hectares de
betterave. Il faudrait donc que les fabricants possédassent 5,700 hectares pour
pouvoir retirer de leurs propres terres les produits dont ils ont besoin. Aussi
n'en est-il pas ainsi.
Ils font accord avec
des fermiers dès le mois de septembre ou d'octobre ; ce sont de vrais forfaits.
Ces fermiers s'engagent à fournir dans la saison telle ou telle quantité de
betteraves. C'est donc depuis le mois de septembre ou d'octobre dernier qu'on a
préparé les terres pour récolter sur le pied des engagements qui ont été pris.
Aujourd'hui, que les
fabricants veuillent mettre ou non les betteraves en œuvre, les cultivateurs,
qui se sont engagés à les fournir, les obligeront à les prendre, ils en
exigeront le payement. Si donc la loi est immédiatement applicable, il est
évident qu'elle aura un effet rétroactif, et je propose formellement de
reporter la date de la mise à exécution au 1er juillet 1847.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Qu'est-ce qu'il y aura dans l'intervalle ?
M. de Corswarem. - La loi de 1843.
La loi en vigueur restera en vigueur. Ceux qui ne voudront plus fabriquer sous
le régime de la loi nouvelle ne feront plus d'accord avec les fermiers au mois
de septembre prochain. Mais ceux qui ont fait de ces accords au mois de
septembre dernier ont cru qu'ils fabriqueraient non seulement sous le régime de
la loi de 1843, mais sous le régime d'une loi beaucoup plus favorable, tandis
que le contraire est arrivé.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Messieurs, l'impôt, quel qu'il soit, atteint
toujours des faits existants. Ainsi on parle des betteraves qui sont semées ;
mais si, par exemple, un commerçant a acheté des sucres à la Havane et si ces
sucres sont en mer, est-ce que vous n'atteignez pas un fait actuel ?
Messieurs,
veuillez-vous rappeler ce qui s'est passé pour la loi de 1843. Un navire n'a pu
atteindre le port assez tôt, par suite de circonstances de force majeure
démontrées, et la chambre à l'unanimité dans les sections a demandé le rejet
d'une proposition qui tendait à prendre en considération ces circonstances.
Ainsi on a atteint des faits qui s'étaient passés antérieurement à la loi et
qui n'avaient pu se réaliser complétement par suite de force majeure.
J'ajoute que la
culture, d'après tous les renseignements que l'administration possède, ne s'est
pas développée, qu'elle est restée stationnaire et que le régime de la loi
nouvelle est plus favorable à la betterave que ce qui existait auparavant.
M. Eloy de Burdinne. - L'honorable
ministre des finances est dans l'erreur, messieurs, lorsqu'il soutient que la
loi n'aura pas d'effet rétroactif. Elle aura certainement un effet rétroactif,
car des engagements sont pris envers les cultivateurs de betterave, à raison de
tant par mille kilogrammes, et il en résultera de nombreuses contestations
entre les fabricants et les cultivateurs. Il y a plus, messieurs, à l'heure
qu'il est, les dispositions sont déjà faites pour la culture des betteraves qui
doivent être récoltées en 1847 ; les engrais sont préparés ,et ces engrais sont
d'une espèce particulière, c'est un mélange de chaux et de terre qui ne peut
servir qu'à la culture de la betterave parce qu'il coûte trop cher pour être
employé à une autre culture.
L'honorable ministre
dit aussi que les conditions de l'industrie indigène seront meilleures, il
trouve que la loi actuelle sera un bienfait pour le sucre de betteraves ; oui,
messieurs, elle sera un bienfait, comme c'est un bienfait pour celui qui est en
proie à de grandes souffrances, de trouver la mort. (Aux voix ! la clôture !)
- La discussion est
close.
L'amendement de M. de
Corswarem est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
La chambre décide
ensuite que la loi recevra son application à partir du 1er juillet prochain.
L'article 7 est mis aux voix et adopté. Il est ainsi conçu :
« Disposition
transitoire.
« Art. 7. L'apurement
des prises en charge aux comptes ouverts pour sucre de canne ou de betterave,
résultant de documents délivrés antérieurement au 1er juillet 1846, aura lieu
conformément à la loi du 4 avril 1843.»
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le président. - A quel jour la
chambre veut-elle fixer le second vote ?
Plusieurs membres. - A demain !
D'autres membres. - A après-demain !
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, je ferai une motion relativement à l'ordre du jour. La chambre a
fixé à la suite de la loi des sucres, le projet de loi relatif à la fabrication
des espèces d'or ; je demanderai que dans tous les cas la discussion de ce
projet ne vienne qu'après le vote définitif de la loi des sucres.
On pourrait utiliser
la séance de demain en s'occupant, par exemple, de la loi relative à la vente
de biens domaniaux, de la loi relative au transit des cordages et de quelques
autres lois de moindre importance.
M. Dumortier. - De rapports de
pétitions.
M. le président. - Il y a le rapport
concernant le chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Il peut donner lieu à une longue discussion.
M. le président. - Nous mettrons en
premier lieu le projet relatif à la vente des biens domaniaux, à l'égard duquel
il n'y a pas de contestation. (Assentiment.)
M. Desmet. - Si l'on juge
convenable de ne pas discuter demain le projet de loi relatif à la fabrication
des monnaies d'or, je ne m'oppose pas à ce qu'on diffère cette discussion, mais
je ne vois aucun motif pour ajourner la discussion du rapport de M. le ministre
des travaux publics sur le chemin de fer direct de Bruxelles à Gand.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Dans tons les cas, je demande que le second vote de la loi des sucres soit
mis à jour fixe ; il est de l'intérêt de toutes les opinions qu'il en soit
ainsi ; je désirerais donc qu'il fût entendu que si la discussion dont
l'honorable M. Desmet vient de parler, n'était pas terminée demain, on
commencerait néanmoins la séance de vendredi par le second vote de la loi des
sucres. (Adhésion.)
M. Lejeune. - J'insiste pour la
mise à l'ordre du jour du projet de loi relatif aux cordages ; ce projet ne
donnera lieu à aucune discussion, et la législation actuelle viendrait à cesser
si le projet n'était pas voté avant la fin de la session.
M.
Desmet. - Je demande que ce projet ne vienne qu'après
la discussion du rapport sur le chemin de fer d'Alost.
- La chambre décide
qu'elle s'occupera demain du rapport sur le chemin de fer direct de Bruxelles à
Gand, et ensuite du projet de loi relatif au transit des cordages.
PROJET DE LOI RELATIF AU TRAITE DE COMMERCE CONCLU
AVEC LA FRANCE
M. Desmaisières. - Messieurs, par
suite du mauvais état de la santé de notre honorable collègue, M. d'Elhoungne,
je suis chargé de vous présenter le rapport concernant la convention
commerciale avec la France.
Des membres. - Quelles sont les
conclusions ?
M. Desmaisières. - Le projet a été
adopté par cinq voix contre deux.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je demanderai que cet objet soit mis à
l'ordre du jour de lundi prochain, en tant toutefois que le second vote de la
loi des sucres soit terminé, ce qui me paraît extrêmement probable.
M. de Haerne. - Je désire que l'on commence le plus tôt
possible la discussion de la convention conclue avec la France. Cependant je
crois qu'il ne serait pas conforme aux antécédents de la chambre d'entamer une
discussion aussi importante un lundi. Ordinairement la séance du lundi commence
tard, et peu de membres sont présents. Je proposerai de fixer cet objet à
mardi. Tous les projets à l’ordre du jour ne seront pas terminés lundi, et dès
lors ce que je propose n'entraînerait aucune perte de temps.
(page 1752) M. Rodenbach. - Je crois, messieurs,
que nous devons fixer cette discussion a lundi prochain. L'objet est très
urgent. L'honorable député de Courtray dit qu'on ne peut pas examiner le traité
lundi ; mais, messieurs, la discussion ne sera pas terminée en une seule
séance. II y aura une discussion générale qui sera nécessairement longue ; il y
aura même comité secret, car le gouvernement a annoncé qu'il nous ferait des
communications diplomatiques. Je demande que la discussion commence lundi
prochain à 2 heures.
M. de Tornaco. - Messieurs, je
ferai remarquer qu'il est d'usage de ne pas fixer l'ordre du jour, avant qu'on
ait pris connaissance du rapport. Nous ne savons pas encore quelles sont les
pièces qui sont annexées au rapport ; les membres seuls de la section centrale
peuvent en avoir un aperçu. Je désire que la chambre ne s'écarte pas de l'usage
qui a été suivi jusqu'à présent. Je demanderai que l'ordre du jour ne soit fixé
qu'après que la distribution du rapport aura été faite.
- La chambre n'était,
plus en nombre, il n'est pas pris de décision.
La séance est levée à
4 heures 3/4.