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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 juin 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Fixation de l’ordre des travaux
de la chambre (de Corswarem, Malou)
3) Projet de loi accordant un
crédit global de 28 millions de francs au département de la guerre pour
l’exercice 1846
4) Motion d’ordre relative au
traité commercial conclu avec la France (Rodenbach, Dechamps, Delehaye, Osy, Rodenbach)
5) Motion d’ordre relative à
l’examen du budget de la guerre pour 1847 ((+avancement des officiers dans le service
de santé de l’armée) de Garcia, Lebeau,
Malou, Rodenbach)
6) Rapport sur la situation
de l’établissement de Santo-Tomas au Guatemala (Dechamps,
Sigart, Dechamps, Sigart, de Mérode, Sigart)
7) Projet de loi sur les sucres.
Discussion générale. Concurrence entre l’industrie exotique (sucre de canne) et
l’industrie indigène (sucre de betterave), fixation du rendement et du droit
d’accises, etc. (Malou, Osy, Malou, Osy, Mast de Vries,
Eloy de Burdinne)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 1605) M. Huveners fait l'appel nominal
à une heure et quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.
M. de Villegas fait
connaître l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les membres de
l'administration communale d'Audeghem présentent des observations contre le
projet d'établir un chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost et prient la
chambre, si elle décidait la construction d'une nouvelle voie ferrée, d'adopter
le tracé de Bruxelles vers Assche et Merchtem sur Termonde. »
« Même demande
des membres de l'administration communale de Moerzeke. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
________________
« Plusieurs habitants
d'Iseghem demandent l'union douanière avec la France. »
« Même demande du
collège échevinal et des membres du comité de l'industrie linière à Keyem, de
plusieurs habitants de Deuterghem et Marckeghem. »
- Même renvoi.
________________
« Plusieurs habitants
de la ville de Spa présentent des observations contre le paragraphe 2 de
l'article 47 du cahier des charges de la concession du chemin de fer du Luxembourg. »
- Dépôt au bureau des
renseignements.
________________
« Les notaires de
Dinant déclarent adhérer au mémoire adressé à la chambre par les notaires de
diverses villes contre le projet de loi sur l'organisation du notariat. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet.
________________
« Le conseil communal
d'Achel demande que le gouvernement ne consente pas à une réduction des droits
d'entrée sur le bétail hollandais. »
- Dépôt sur le bureau
pendant la discussion du rapport sur les pétitions de même nature.
_______________
« Le sieur
Rutgeerts, professeur à l'université de Louvain, adresse à la chambre des
observations sur le projet de loi relatif à l'organisation du notariat. »
- Renvoi à la section
centrale chargée de l'examen du projet.
________________
Le sieur Raingo
adresse à la chambre quelques exemplaires de deux brochures sur le défrichement
des bruyères. »
- Dépôt à la
bibliothèque.
M. de Corswarem. - Messieurs, demain
c'est un jour de fête, mais ce n'est pas un jour de fête réservée. Lundi et
mardi ce seront des jours de fêtes nationales. Si nous ne siégeons pas demain
et si nous ne siégeons ni lundi ni mardi, nous allons perdre un temps
extrêmement précieux à l'époque actuelle de la session. Je propose donc à la
chambre de décider qu'elle siégera demain, mais qu'elle ne siégera pas lundi ni
mardi.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Il me semble qu'on pourrait décider sans inconvénient qu'on siégera demain ;
mais pour lundi et mardi, je pense qu'il convient d'attendre jusqu'à samedi..
M. de Corswarem. - Je me rallie à
cette proposition.
- La chambre décide d'abord
qu’elle se réunira demain.
Elle décide ensuite
qu'elle se prononcera samedi sur la dernière partie de la proposition de M. de
Corswarem.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN CREDIT GLOBAL DE 28
MILLIONS DE FRANCS AU BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1846
Vote sur l’ensemble du projet
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'ensemble de ce projet ; 55 membres sont présents.
48 adoptent. 7 rejettent.
1 membre (M. Sigart)
s'est abstenu.
Ont voté l'adoption :
MM. de Corswarem, de Garcia de la Vega, de Haerne, de Meer de Moorsel, de
Meester, de Mérode, de Naeyer, de Renesse, de Saegher, Desmaisières, de
Terbecq, de Theux, Donny, Dubus (aîné), Dumont, Eloy de Burdinne, Goblet,
Huveners, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Lys, Malou, Manilius, Mast de
Vries, Osy, Pirmez, Pirson, Rodenbach, Scheyven, Simons, Vanden Eynde,
Verwilghen, Zoude, Anspach, Biebuyck, Brabant, Clep, Coppieters et d'Anethan.
Ont voté le
rejet : MM. de Bonne, Delehaye, Delfosse, de Tornaco, Jonet, Loos et
Veydt.
M. Sigart déclare s'être
abstenu parce qu'il n'a pas assisté à la discussion.
MOTION D’ORDRE
M. Rodenbach. - La chambre est saisie depuis plusieurs
semaines du traité que nous avons conclu avec la France ; les sections s'en
sont occupées ; la section centrale s'en est également occupée et elle doit
avoir à peu près terminé son travail.
Je dois supposer que
tous les renseignements qu'on a demandés à M. le ministre des affaires
étrangères, ainsi que tous les documents relatifs à ce traité ont été fournis à
la section centrale. Si le travail de la section centrale est fort avancé, je
crois que M. le rapporteur ferait bien de soumettre promptement son rapport à
la chambre, car vous devez vous apercevoir qu'il y a dans les Flandres une
grande agitation commerciale ; une foule de requêtes vous sont adressées ; un
pétitionnement. est organisé ; l'industrie est en souffrance, la misère
continue à accabler ces provinces. On devrait présenter promptement le rapport,
afin que nous puissions discuter cette convention dont nous sommes saisis
depuis longtemps déjà. Si M. le rapporteur est présent, je le prierai de nous
dire à quoi en est son travail et s'il pense pouvoir déposer prochainement son
rapport.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, pour ce
qui me concerne, j'ai fourni depuis quelque temps déjà tous les renseignements
que la section centrale m'a demandés. J'ai été appelé plusieurs fois pour
discuter avec les membres qui la composent les faits principaux relatifs au
traité. Cette discussion est terminée, ma mission est épuisée. Je pense que le
motif pour lequel la section centrale n'a pas pu se réunir aujourd'hui est
l'indisposition, passagère j'espère, de l'honorable rapporteur.
Pour ma part, je
désire vivement que le rapport puisse être présenté dans le plus bref délai
possible. S'il était possible qu il fût présenté avant les fêtes de lundi et
mardi, l'impression pourrait en être ordonnée et la discussion pourrait suivre
celle que nous allons entamer, celle des sucres.
M. Delehaye. - Je suis étonné
d'entendre M. le ministre émettre l'espoir que le rapport pourra être présenté
avant la fin de cette semaine. M. le ministre doit savoir que c'est la semaine
dernière seulement qu'il a été entendu pour la dernière fois dans la section
centrale. Ce n'est qu'après l'avoir entendu que le rapporteur, qu'une
indisposition a empêché aujourd'hui de se rendre à la section centrale, a pu
commencer sou rapport.
En réponse à
l'opinion émise par l'honorable M. Rodenbach, je dirai que si le rapport sur la
convention avec la France est vivement sollicité par ceux qui vivent de
l'industrie linière, c'est un motif de plus pour que ce rapport renferme le
plus de renseignements, le plus de détails possibles. M. Rodenbach ne doit pas
oublier que des pétitions ont été faites contre ce traité ; M. Rodenbach ne
doit pas ignorer que l'opposition la plus violente qu'a rencontrée ce traité,
que je considère, moi, comme très favorable au pays et aux Flandres en
particulier, est venue d'une localité de la Flandre qui, par une conception
inqualifiable, en a demandé le rejet. C'est un motif puissant pour examiner le
traité dans tous ses détails, de ne rien négliger pour faire voir que ceux qui
avaient pétitionné contre ce traité se trompaient, alors que leurs intérêts
auraient dû les engager à demander sa prompte adoption.
J'ai dit.
M.
Osy.
- J'aurai peu de chose à ajoutera ce qu'a dit l'honorable M. Delehaye. La section
centrale a reçu la semaine dernière tous les renseignements dont elle désirait
s'entourer. Depuis, elles s’est réunie plusieurs fois ; elle devait se réunir
encore aujourd'hui ; une indisposition de M. le rapporteur est cause que cette
réunion n'a pas eu lieu.
Comme l'a dit
l'honorable M. Delehaye, en Flandre on est opposé à la convention. Il y a
également de l'opposition dans la section centrale. II est donc nécessaire de
faire un rapport motivé et même assez étendu.
Sans l'indisposition
de l’honorable M. d'Elhoungne, nous aurions eu le rapport pour le 20 : mais il
était impossible de l'avoir avant cette époque.
M. Rodenbach.- Je n'ai pas
prétendu que le rapport ne devait pas être très bien fait. Sou ce rapport, nous
avons toutes garanties dans le mérite, bien connu, de l'honorable rapporteur.
Je sais que dans une
partie des Flandres, il y a de l'opposition contre (page 1606) le traité ; on en a même demander le rejet par des
requêtes adressées à la. chambre ; mais l'opposition vient, plutôt de la classe
des négociants, de la classe riche,,que de la classe ouvrière, de la classe
pauvre..
J'ignorais que
l'honorable M. d'Elhoungne fût indisposé. C'est assurément une cause légitime
de retard. Mais j'espère que cette indisposition ne se prolongera pas, et que
notre honorable collègue aura bientôt mis la dernière main à son rapport.
MOTION D’ORDRE RELATIVE A L’EXAMEN DU BUDGET DU
DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1847
M. de Garcia. - Ce n'est pas sans
regret que j'ai donné mon appui au crédit global pour le département de la
guerre, j'ai déduit les circonstances particulières et impérieuses qui ont
déterminé mon vote. Je désire.ne plus me trouver dans une position semblable.
Je demande donc que les sections de la chambre soient invitées à s'occuper de
suite de l'examen du budget de la guerre, pour l'exercice 1847. Nous sommes
saisis de ce budget ; nous avons devant nous un temps suffisant pour examiner
cet objet ; et si on veut l'employer utilement, l'on atteindra un autre devoir
qui est autant dans l'intérêt du pays que dans celui des convenances, l'on
mettra le sénat à même de pouvoir porter un examen sérieux sur cette branche du
service public.
En agissant ainsi,
nous ferions disparaître les justes griefs du sénat qui s'est plaint
constamment que les budgets lui étaient transmis tardivement et que par suite
il ne pouvait les examiner avec la maturité désirable.
Je fais donc la
proposition que les sections et la chambre s'occupent le plus tôt possible de
cet examen.
Il y a une autre loi
en section centrale. A la séance d'hier, j'y ai fait allusion. C'est la loi sur
les conditions d'avancement dans le service de santé de l'année. Je crois que
cette loi devrait contenir les dispositions qui doivent régler la position des
officiers de ce corps. Comme je l'observais hier, en réglant cet objet dans une
loi, on simplifierait singulièrement cette partie du budget de la guerre. Je
dois ajouter qu'il est urgent de s'occuper de cette matière importante.
Personne ne peut ignorer que le corps des officiers de santé de l'année se
trouve dans un état déplorable, par suite de la mauvaise position dans laquelle
il a été laissé jusqu'à ce jour. Ce corps pointant rend des services éminents, il
est digne de toute la sollicitude de la législature.
Je demande donc aussi
que la section centrale soit invitée à s'occuper le plus tôt possible de la loi
qui est soumise à la législature sur cet objet.
Plusieurs membres. - Mais n'en
faites-vous pas partie ?
M. de Garcia. - Certainement ;
mais je ne la préside pas ; je n'ai pas le droit de la convoquer.
M. le président. - Les présidents
des sections seront convoqués pour régler l'ordre du jour des sections.
M. de Garcia. - J'insiste donc
pour que la section centrale, chargée de l'examen de ce projet de loi, soit
convoquée le plus tôt possible, il est urgent que la position des officiers de
santé soit réglée et améliorée.
M. le président. - C'est très
désirable.
M. de Garcia. - Assurément !
M.
Lebeau.
- Il est extrêmement désirable qu'il soit fait droit à la demande de
l'honorable M. de Garcia. Non pas qu'on puisse se flatter d'espérer discuter le
budget de 1847 dans cette session. Mais ce serait une avance si les travaux
préparatoires qui entraînent le plus de retard pouvaient avoir lieu avant notre
séparation. On, pourrait ainsi singulièrement abréger le temps que nous devrons
consacrer, lors de notre prochaine session, à l'examen du budget de la guerre
et de la loi accessoire dont on a parlé et qui s'y rattache intimement.
J'appuie donc la motion
de l'honorable membre.
M. le président. - J'engage MM. les
présidents des sections d'avril à ne pas s'en aller avant la fin de la séance.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je demande que la motion de l'honorable M. de Garcia s'étende à tous les
budgets qui ont été présentés. Ce serait évidemment beaucoup de temps de gagné,
si l'on avait nommé les rapporteurs à la section centrale et si les rapports
sur les budgets étaient déposés avant notre séparation.
M. Rodenbach. - Je pense, comme
l'honorable M. Lebeau, qu'on peut s'occuper des travaux préliminaires. Mais
dans ce moment de cherté excessive des vivres et des fourrages, qui, il faut
l'espérer, ne se maintiendra pas, il serait impossible d'arrêter, avec quelque
certitude, les évaluations du budget. Il est donc beaucoup plus rationnel
d'ajourner ce travail au mois de novembre prochain.
RAPPORT SUR LA COLONIE DE SANTO-THOMAS
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps) dépose le rapport de M. Blondeel sur la colonie
de Santo-Thomas.
M. Sigart. - Messieurs, dans la
communication que vient de nous faire le gouvernement, je ne puis voir qu'une
véritable mystification.
Je n'ai pas besoin de
beaucoup de pénétration pour découvrir la tactique du gouvernement. Il est
évident que la tactique du gouvernement a été d'empêcher une discussion sur
cette affaire. Vous vous rappellerez que le gouvernement nous a promis qu'il
nous donnerait une analyse du rapport. Avec cette promesse, il a gagné du
temps. A présent il renonce à l'analyse, et alors que nous n'avons plus que
quelques jours à siéger, il vient nous mettre en face, d'un rapport effrayant
par son volume, et encore ce n’est qu'une première partie.
Quant à moi,
messieurs, je prends l’engagement de lire ce rapport quelque volumineux qu'il
soit.
Le
gouvernement vient de nous faire un exposé, mais il ne nous a pas donné de
conclusions et cependant c'étaient ces conclusions que j'attendais. Car je ne
suis pas extrêmement curieux de voir le rapport de M. Blondeel. Je devine à peu
près ce qu'il peut être.
Je n'étais pas non
plus désireux de voir l'analyse de ce rapport ; car je savais dans quel esprit
cette analyse pouvait être faite. Ce que j'étais curieux de voir c'étaient les
conclusions du gouvernement. Je voulais savoir si notée ministère catholique
aurait au moins un peu d'humanité.
Je suppose que la
chambre va ordonner l'impression du rapport. Que si la discussion ne peut avoir
lieu ou si elle est stérile, si des malheurs en résultent, j'en rejette à
l'avance sur le gouvernement toute la responsabilité.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je dois avouer, messieurs, que je ne
comprends pas quelle est la tactique que l'honorable membre reproche au
gouvernement.
J'avais fait,
messieurs, l'analyse du rapport de M. Blondeel ; je l'ai entre les mains. Mais
je me suis aperçu que cette analyse était aussi volumineuse que le rapport
lui-même, sauf les annexes.
Le gouvernement,
messieurs, a voulu présenter à la chambre un rapport fidèle et sérieux sur les
faits dont l'honorable M. Sigart a souvent entretenu la chambre. Un résumé du
travail remarquable de M. Blondeel n'aurait pas eu ce caractère ; mieux valait
le communiquer à la chambre sans en rien altérer.
Je suppose,
messieurs, que je vous lise le résumé que j'ai entre les mains. Mais une
discussion ne pouvait évidemment s'élever, avant que le rapport lui-même fût
imprimé. La chambre aurait exigé, et elle aurait bien fait, que le rapport de
M. Blondeel fût imprimé et distribué, avant qu'une discussion quelconque pût
avoir lieu.
Je ne sais quel sens
l'honorable M. Sigart a voulu attacher à ses expressions, lorsqu'il nous a dit
qu'il savait d'avance ce que le rapport de M. Blondeel devait être. Ces paroles
sont presque, offensantes pour notre agent diplomatique.
M. Sigart. - Ce n'est pas dans
ce sens que je l'ai entendu.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Alors je ne comprends pas le sens de vos
paroles.
Le gouvernement a
fait choix de M. Blondeel...
M. Sigart. - Je n'accuse pas
M. Blondeel.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je suis heureux d'avoir mal interprété vos
paroles.
L'honorable membre,
messieurs, demande quelles sont les conclusions que le gouvernement a prises
après l'examen du rapport. Mais je demanderai à l'honorable membre quelle est
la conclusion que le gouvernement pourrait prendre.
Il
y a cependant une conclusion prise et la voici : Le but que le gouvernement a
eu, en envoyant M. Blondeel à Santo-Thomas, c'était d'abord de reconnaître et
d'apprécier, les faits, de s'éclairer lui-même et d'éclairer le pays. En dehors
de ces considérations générales, il avait un but particulier et d'humanité.
C'était de connaître si les circonstances n'étaient pas telles que le
gouvernement, qui a voulu jusqu'à présent rester étranger à cette entreprise
coloniale, ne dût pas prendre des mesures extraordinaires et d'urgence à
l'égard des colons et des orphelins. Eh bien, la conclusion du rapport est
celle-ci : c'est que la position des colons et des orphelins est telle que ces
mesures extraordinaires et d'urgence n'ont pas dû être prises.
Voilà la première
conclusion, la seule, jusqu'à présent, que le gouvernement ait pu prendre à la
lecture et à l'examen du rapport de notre agent. C'est, du reste, une
conclusion heureuse. Car, d'après les faits qui avaient été signalés par
l'honorable M. Sigart en particulier, des craintes très sérieuses avaient pu se
répandre dans le pays. Le rapport, de M. Blondeel ne les confirme pas.
Sous le rapport
commercial, M. Blondeel annonce des conclusions favorables. Le gouvernement les
étudiera avec soin.
M. Sigart. - Le rapport sera-t-il imprimé ?
M. le président. - Il sera imprimé
et distribué.
M. Sigart. - Dans ce cas je
remettrai jusqu'après cette impression les observations que j'ai à présenter.
M. de Mérode. - Je demande à dire
un mot.
M. le président. - Sur quoi ? Si
nous allons discuter sur un rapport qui n'est pas imprimé et distribué, nous
discuterons dans le vague.
M. de Mérode. - Je désire faire
une observation sur ce qu'a dit l'honorable M. Sigart.
Cet honorable membre
prétend que toute cette affaire est une mystification ; je ne suis pas amateur
des mystifications. Je me suis occupé de l'affaire de Santo-Thomas dans un
intérêt d'utilité publique, et je déclare qu'il n'y a pas la moindre
mystification dans tout ce que rapporte M. Blondeel. Je suis fort étonné que
l'honorable M. Sigart puisse deviner ainsi tout ce qui se passe, en quelque
sorte, aux antipodes.
M. Sigart. - M. le comte, je
ne devine pas. Vous avez reçu des rapports de Santo-Thomas, j'en ai reçu aussi
; de manière que je savais parfaitement ce qui s'y passait.
Lorsque j'ai dit que
je savais ce qui devait se trouver dans le rapport de M. Blondeel, c'est que
moi-même j'avais reçu des rapports. Jusqu'à preuve contraire, je suppose que M.
Blondeel a dit la vérité.
Je dois donc
m'attendre à trouver dans son rapport ce qui se trouve dans les miens.
________________
M. le président. - Je dois donner à
la chambre communication de la lettre suivante :
« Monsieur le
président,
« Le rétablissement
complet de ma santé réclamant momentanément mon absence de Bruxelles, j'ai
l'honneur de solliciter de la chambre un congé dont je m'efforcerai, autant que
possible, d'abréger la durée.
« Veuillez
agréer, M. le président, l'expression de tous mes sentiments de la plus haute
considération.
« Goblet. »
- Ce congé est
accordé.
PROJET DE LOI SUR LES SUCRES
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Messieurs, si je prends la parole au début de cette discussion, c'est avec le
désir et l'espoir de l'abréger, en indiquant, dès à présent, d’une manière
sommaire, quels me paraissent devoir être les points principaux du débat.
En 1843, messieurs,
la discussion de la loi sur les sucrés a occupé, pendant plus de trois
semaines, les moments de la chambre. La chambre se rappellera qu'alors il
s'agissait surtout de la question de la coexistence des deux sucres et de l'intérêt
du trésor.
Aujourd'hui,
messieurs, et je m'en félicite, d'après les propositions faites, comme d'après
les résolutions de la section centrale, la question de la coexistence, comme
principe, peut se trouver en dehors du débat.
En effet, messieurs,
à l'unanimité, la section centrale, adoptant à cet égard la pensée du
gouvernement, a décidé que la loi serait combinée de manière à assurer la
coexistence des deux industries rivales.
Un autre point,
messieurs, a également occupé longtemps la chambre et aujourd'hui, il me
semble, d'après le résultat des délibérations des sections et de la section
centrale, ce point peut également être éliminé des discussions. On admet
généralement que la législation relative aux sucres doit faire une juste part
aux trois grands intérêts qui se trouvent en cause. En d'autres termes, la loi
doit être à la fois financière, commerciale et industrielle.
S'il en est ainsi,
messieurs, si la question est posée sur ce terrain, le débat me paraît devoir
surtout porter sur la recherche du véritable système de pondération des
dispositions qui peuvent procurer à chacun de ces trois intérêts la plus grande
somme d'avantages.
Il est évident,
messieurs, que si un de ces trois intérêts était éliminé, que si, par exemple,
on pouvait sacrifier complètement l'intérêt du trésor, il serait dès lors
possible de faire une part plus grande à chacun des deux autres intérêts. Ce
que je dis de l'intérêt du trésor, je dois le dire également de l'intérêt de
chacune des deux industries. Et ici, messieurs, ma pensée se reporte et sur la
manière dont le projet a été accueilli et sur le résultat des délibérations de
la section centrale. Jamais, messieurs, je ne me suis fait illusion au point de
croire qu'un projet de loi relatif aux sucres put être accueilli unanimement et
sans débats par chacun des intérêts qui sont en cause ; mais, messieurs, si
pour chacun de ces intérêts le projet laisse quelque chose à désirer, je
demande aussi que l'on tienne compte des avantages qui en résultent et que l'on
examine si ces avantages ne sont pas, dans le système d'une bonne législation,
les plus grands qu'il soit possible de concilier avec le principe de la
coexistence et avec une certaine recette pour le trésor.
La législation des
sucres repose sur trois principes essentiels : les retenues faites au profit du
trésor ; le rendement, ou, en d'autres termes, la décharge ; enfin la quotité
différentielle de l'accise sur les deux sucres. Jusqu'à présent, pour assurer
un revenu au trésor, on a successivement augmenté les retenues, en laissant,
pour ainsi dire, invariable le chiffre du rendement. Selon moi, messieurs, c'a
été là une erreur : on n'a pas complétement garanti, même en portant la retenue
au-delà de toute proportion, l'intérêt du trésor, en vue duquel seul ces
retenues ont été établies et en les portant jusqu'à 4/10, l'expérience a été
complète, on a froissé l'intérêt des industries.
Je dis, messieurs,
que l'intérêt dun trésor n'a pas été satisfait.
En effet, si la loi
de 1843 a produit pendant une année une somme supérieure a trois1 millions,
déjà l'année dernière et pour l'exercice courant aussi, la recette est tombée,
et elle resterait nécessairement, sous le système de la loi de 1843, au-dessous
du minimum de 3 millions. On le conçoit sans peine, messieurs ; si les retenues
étaient compatibles avec un grand mouvement commercial, si, en d'autres termes,
les 4/10 portaient sur les quantités mises en raffinage antérieurement à la loi
de 1843, la recette de 3 millions eût été assurée au trésor ; mais si le
travail diminue, les 4/10 portant sur une quantité moindre, la recette
disparaît en partie.
J'ai cherché,
messieurs, par un retour aux principes de la loi de 1822, à garantir d'une
autre manière les intérêts du trésor ; j'ai cherché à les garantir en élevant
le rendement dans une juste proportion.
J'ai fait plus encore
pour l'intérêt du trésor : j'espère que l'industrie du raffinage réalisera des
progrès, et alors le rendement qui serait vrai aujourd'hui et qui assurerait au
trésor une recette de trois millions, ce rendement se trouvant au-dessous du
rendement réel que l'on obtiendrait par le perfectionnement des procédés, il en
résulterait qu'une partie de la recette se trouverait absorbée. Pour éviter
cette lésion éventuelle des intérêts du trésor, j'ai inséré dans le projet, et
je m'efforcerai d'y faire maintenir, une disposition d'après laquelle le
gouvernement serait autorisé à élever le rendement si la recette venait à
disparaître en partie. Ces garanties, je n'hésite pas à le déclarer, seront
plus efficaces en faveur du trésor que ne l'était le système des retenues.
J'ajouterai,
messieurs, qu'elles sont meilleures pour l’industrie. En effet, l'industrie a
souffert surtout parce que les quantités soumises à la retenue, produisaient, sur
le marché belge, encombrement, malaise, avilissement des prix, tandis que
l'élévation du rendement réduisant successivement les quantités qu'on peut
présenter au marché belge indemne des droits, le mouvement d'exportation se
développe d'autant mieux, d'autant plus facilement et j’ajoute : se développe
d'autant plus que le rendement est plus élevé, que la quantité déversée indemne
de droits, sur le marché belge, est plus faible.
En 1843 on a voulu
assurer au sucre indigène une protection de 25 fr. Cette protection, le sucre
indigène ne l'a pas obtenue ; par l'effet même de la loi cette protection a
disparu quelque temps entièrement, et pendant toute la durée de la loi elle a
été considérablement réduite.
Si aujourd'hui l'on
propose de diminuer la différence entre les droits d'accise auxquels sont
soumis les deux sucres, l'industrie du sucre indigène trouvera dans ce chiffre
une protection réelle qui ne peut pas disparaître.
J'ai voulu faire plus
en faveur du sucre indigène. En proposant la décharge égale à l'exportation,
mon but a été d'assurer au sucre indigène un droit protecteur, non seulement
sur le marché intérieur, mais encore qu'il pût sérieusement prendre sa part sur
les marchés étrangers, au moyen de l'exportation. Plus la différence de
l'accise entre les deux sucres sera grande, plus sera certaine l'exportation du
sucre indigène.
Je crois avoir résolu
ainsi le principe de la coexistence des deux industries, en faisant à chacune
d'elles une juste part. Je crois aussi avoir fait en sorte que l'industrie du
sucre indigène nuisît le moins possible au grand, à l’utile développement de
l'industrie du sucre exotique.
Les propositions que
j'ai eu l'honneur de soumettre à la chambre pour le rendement et le chiffre
différentiel de l'accise ont été attaquées l’une par les partisans du sucre
exotique, l'autre par les partisans du sucre indigène. En effet, le chiffre du
rendement intéresse principalement, non pas exclusivement, le sucre exotique,
tandis que le chiffre différentiel de l'accise est le grand, le principal
intérêt du sucre indigène.
Pour le rendement,
j'ai soumis à la chambre une proposition qui tend à le porter à 72 58 soit la
décharge à 62 francs. Depuis la présentation du projet, j'ai examiné de nouveau
toutes les réclamations qui ont surgi ; je les ai examinées au point de vue de
la législation et surtout de l'intérêt du trésor.
Je me suis demandé
s'il n'était pas possible, sans dénaturer les principes de la loi, sans nuire
aux intérêts du trésor, de faire momentanément une position meilleure en Belgique
au sucre exotique, et si, pour atteindre le but essentiel de la loi, il ne
fallait pas lui assurer cette position meilleure.
La chambre voudra
bien remarquer qu'au rendement de 72-58, si l'industrie dans l'espace de 18
mois doublait seulement son travail, le trésor percevrait, d’après te tableau
joint au projet, la somme de 4,494,000 francs, si elle le triplait il
percevrait 3,496,000 fr. En présence de ces faits et surtout en présence de la
législation qui a été admise très récemment, dans un pays voisin avec lequel
notre pays a une concurrencé à soutenir, il m'a paru possible de réduire
quelque peu le chiffre du rendement établi sur les deux sucres, chiffre qui, je
le répète, intéresse principalement le sucre exotique.
Il y a ici encore une
fois, en ce qui concerne le sucre exotique, deux intérêts qui se combattent et
dont il faut concilier les tendances. Chaque réduction du rendement est une
restriction au mouvement commercial.
Pour rendre ce fait
sensible, je comparerai le mouvement qui devra résulter du chiffre de rendement
proposé au projet avec celui qui résulterait du rendement fixé à 68-18 comme le
demandent les intéressés.
Avec le chiffre du
projet on peut arriver au mouvement de 48,96,000 kil. ; d'après le projet
modifié en ce sens, que la décharge serai portée à 66 fr., c'est-à-dire le
rendement à 68-18, on ne pourrait arriver, en assurant une recette de 3
millions au trésor, qu’à 40 millions 642 mille kil.
Ainsi, une réduction
de 4 p. c. sur le rendement amènerait une réduction de près de 9 millions dans
le mouvement commercial. Si je cite ce fait, c’est pour démontrer que dans
l'intérêt du sucre exotique lui-même, il ne faut pas aller au-delà des
nécessités strictement démontrées pour le chiffre du rendement. Quelles sont
ces nécessités ? Pour bien les apprécier, examinons la législation établie en
Hollande. Le rendement moyen eu vertu de la loi du 1er avril1846, d'après les
calculs faits sur les candis et autres sucres, lorsque l'année de transition
sera écoulée, sera de 72-90, et pour les sucres autres que les candis, il sera
de 72-97.
Si en Belgique on
s’arrêtait au chiffre de 65 fr. pour la décharge à l'exportation ou au
rendement de 69-23, nos raffineurs obtiendraient sur leurs concurrents
hollandais, quant au rendement, une différence de 3-67 par 100 kil. Ces 3-67
d'après les derniers prix valent 5-28 en consommation.
Voilà donc quelle
serait à la décharge de 65 fr., la position respective de l'industrie belge et
de celle dont la concurrence est la plus intense. L’on objecte que les raffineurs
de ce pays travaillent habituellement des sucres d'une qualité supérieure et
d'une valeur intrinsèque beaucoup plus grande que celle des sucres mis en
raffinage par nos industriels.
J’ai sous les yeux le
tableau du commerce des sucres en Hollande, j'y remarque que les sucres Havane
ont en entrepôt en Hollande une valeur supérieure de trois francs à peu près à
celle des sucres Java de même nuance.
Je dis que c'est
seulement la valeur en entrepôt, parce qu’il me paraît (page 1608) en résulter que la
valeur entreposée de sucre Havane, à nuance égale, est supérieure à celle du
sucre Java.
Si l'induction que je
tire de ce tableau n'est pas concluante, mon erreur pourra être redressée ;
mais je ne puis m'expliquer autrement les chiffres que j'ai sous les yeux.
L'honorable M. Osy a
l'obligeance de me faire remarquer qu'il faut ajouter les droits d'entrée. En
effet, il faut les ajouter, mais pas également à tous deux, mais au sucre
Havane principalement ; d'où il résulte que la différence est plus grande ; car,
si je ne me trompe, le sucre Java a sur les autres sucres un avantage sur le
marché hollandais. Ainsi je remercie l'honorable membre d'avoir bien voulu
renforcer mon argument.
On fait sur la
question de concurrence une autre objection. On dit que les procédés de
l'industrie hollandaise sont plus perfectionnés que les nôtres. J'ai entendu
plusieurs industriels contester ce fait. Pour moi je l'admets. Je l'attribue au
changement de législation et notamment aux inconvénients graves qu'a produits
pour cette industrie la loi de 1843.
Mais lorsqu'il s'agit
d'établir les conditions futures de cette industrie, il faut tenir compte du
sort que lui fera la loi nouvelle. En effet, si nous voulons tous la
coexistence, la loi doit avoir un résultat : le premier doit être de
transformer l'industrie qui n'est pas au courant des procédés nouveaux, de
l'amener à se mettre en mesure de profiter par elle-même des conditions
favorables que lui ferait la législation.
Un honorable membre
me dit qu'il faut, à cet égard, un système gradué : sans doute, s'il ne fallait
pas un système gradué, je n'aurais pas hésité à soutenir le chiffre primitif de
72-68. C'est parce qu'il faut un chiffre gradué que je propose un chiffre qui
permette à notre industrie de lutter, par des efforts nouveaux, avec
l'industrie étrangère.
J'ai déjà eu
l'honneur de faire remarquer à la chambre que les trois intérêts étaient
connexes et qu'on ne pouvait, sans détruire le système de pondération, de
coexistence des deux industries, améliorer la position du sucre exotique, sans
améliorer aussi, en modifiant le projet primitif, la position de l'industrie
indigène.
Le projet primitif
tendait à établir un rendement qui fût très près du rendement réel, et pour le chiffre
de l'accise une somme approchant de l'égalité tout en tenant compte de la
moins-value des bas produits du sucre indigène.
Si maintenant on
portait la décharge à 65 fr., on améliorerait sur le marché intérieur et à
l'étranger la position du sucre exotique.
Mais il est
nécessaire, si l'on veut sincèrement la coexistence, d'améliorer aussi la
situation du sucre indigène.
Toutefois il est, je
n'hésite pas à le déclarer, un danger à éviter, c'est que le sucre de betterave
ne satisfasse, dans un intervalle assez rapproché, à toute la consommation de
la Belgique.
M. Eloy de Burdinne. - Quel malheur !
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Oui, ce serait un malheur, parce que dans notre état politique, dans notre
position géographique, il faut que le commerce soit un des éléments de la
prospérité de la Belgique. Si le sucre exotique déclinait d'une manière
sensible, cela compromettrait d'autres intérêts ; notre commerce, notre
position seraient singulièrement amoindris.
Aussi, dès le début
de ces débats, je tiens à déclarer franchement que l'accroissement illimité de
la production du sucre indigène serait, à mes yeux, un danger ou même, si l'on
veut, à certains égards, un malheur pour la Belgique.
J'ai donc cherché une
combinaison qui pût non seulement assurer la coexistence du sucre indigène,
mais qui pût lui assurer sur les marchés étrangers une bonne, une grande
position. Ce moyen, je crois le trouver dans la réduction du chiffre de
l'accise pour le sucre de betterave, réduction d'autant moindre, que le
développement de l'industrie indigène sera plus grand.
Ainsi, jusqu'à un
chiffre déterminé, l'on pourrait, sans nuire ni au trésor ni au sucre exotique,
réduire l'accise sur le sucre indigène à la somme de 30 fr.
Mais si, dans une
telle position, l'industrie du sucre indigène prenait un développement tel
qu'elle dût envahir le marché intérieur et détruire l'industrie du sucre
exotique, je pense qu'il serait d'une bonne législation de la restreindre, en
augmentant proportionnellement le chiffre de l'accise, sans toutefois l'amener
entièrement jusqu'à l'égalité des droits. La discussion qui s'ouvre portera
naturellement sur la limitation des quantités, aussi bien que sur le chiffre de
l'accise.
L'industrie du sucre
indigène a une production officielle et moyenne de 2,592,000 kil. On peut
admettre avec quelques membres de la section centrale que la fraude, ou ce
qu'on appelle, d'une expression plus douce, la protection « de
fait », s'élève à 25 p. c. Il en résulterait que la production réelle
serait de 3,240,000 kil.
Dans une pétition qui
vous a été remise et qui émane de personnes intéressées au sucre indigène, on
fait diverses évaluations sur un chiffre de 2,850,000 kil. Quelques membres de
la section centrale, dans une note jointe au rapport, raisonnent sur un chiffre
de trois millions. En recherchant une solution satisfaisante pour les deux
industries, on pourrait s'arrêter au chiffre de 3,850,000 fr., et à partir de
ce chiffre on pourrait élever l'accise de 2 fr. par chaque cent mille kilog.,
jusqu'à ce qu'on soit arrivé à 40 fr. d'accise, c'est-à-dire à une production
de plus de 4,200,000 kilog.
Il résulterait de là
que l'industrie du sucre indigène aurait assuré, avec un droit très favorable
le tiers de la consommation présumée de la Belgique.
Il en résulterait
aussi que la différence du chiffre étant plus considérable que je ne l'ai
proposée, et la décharge à l'exportation demeurant égale, le sucre indigène,
jusqu'à ce qu'il ait atteint ce maximum légal, pourrait prendre une grande part
à l'exportation des sucres raffinés.
La législation
actuelle, qu'il me soit permis de le redire en terminant, doit avoir un but,
des résultats.
Je conçois une
législation exclusivement commerciale, comme en Hollande, exclusivement
financière comme dans d'autres pays. Mais une législation qui ne pourrait avoir
ni l'un ni l'autre de ces résultats ne serait pas conforme aux véritables
intérêts du pays.
Si maintenant nous
cherchons à faire un projet juste, équitable envers chacun de ces intérêts, que
ce soit surtout en nous efforçant de combiner les principes, de manière à
donner aux deux sucres, non pas tous les avantages qu'ils réclament, ce qui est
impossible, mais au moins tous les avantages compatibles avec la coexistence
des deux industries et avec les recettes du trésor.
M. Osy. - Messieurs, lors
de la discussion de la loi des sucres de 1843, avec mes honorables amis de Gand
et d'Anvers, nous avons prédit ce qui est arrivé ; et quoiqu'il y eût encore
des illusions parmi quelques raffineurs, mon vote négatif à protesté d'avance
contre une loi qui devait amener la fermeture et même la ruine de nos
principaux établissements d'une belle industrie que nous avions dans le pays ;
et le découragement est devenu tel que les intéressés, presque tous morts ou
mortellement blessés, n'ont presque plus la force de se faire entendre.
Cependant, nous n'abandonnons pas la partie, et nous espérons que finalement
nous pourrons, par une bonne loi, leur procurer des jours meilleurs, et que
finalement on verra qu'il est plus avantageux à la Belgique de protéger cette
ancienne industrie et de relever le commerce d'importation et d'échange, que de
protéger outre mesure une industrie qui n'offre qu'une importance secondaire et
tout à fait négative ; ce qui a été démontré lors de la discussion de la loi de
1843, et qu'il est inutile de discuter de nouveau ; mais si on y revenait, je
me réserve de prendre la parole plus tard.
L'industrie indigène
est aussi paralysée dans son action que la raffinerie exotique, et le commerce
et la marine marchande.
Le plus grand
établissement, la raffinerie nationale, qui travaillait les deux sucres, a dû
fermer ses deux raffineries ; elle est en liquidation, va vendre ses domaines
et son établissement de Waterloo et de Bruxelles et on craint qu'à sa
liquidation les actionnaires perdront 70 pour cent au moins.
D'un autre côté, le
plus grand établissement de Gand a dû suspendre ses payements, et ne laisse
guère assez d'actif pour couvrir les droits du trésor. Il y a peu de jours, un
autre grand raffineur à Gand a dû suspendre ses payements, par suite des pertes
subies dans le cours d'une seule année. A Anvers, beaucoup de raffineurs ont
totalement cessé ou sont ruinés ; et s'il y en a encore qui travaillent, c'est
à cause de leurs grands capitaux et qu'ils ne veulent pas abandonner la partie
dans l'espoir de jours meilleurs.
Voilà le récit fidèle
de l'état actuel de cette belle et ancienne industrie. Et en même temps qu'elle
nous échappait, notre commerce d'importation et d'exportation diminuait tous
les ans ; et tandis que nos anciens frères du Nord se ressentent encore des
bienfaits de la loi de 1822, avec les seules modifications introduites par les
progrès de l'industrie, depuis l'introduction de cette législation, en
Hollande, tous les ans, il se forme de nouveaux établissements à la vapeur et
sur le plus grand pied ; et tandis que notre mouvement commercial est tombé à
10 millions de kilogrammes à l'importation et 5 millions à l'exportation, nos
anciens frères, sous une législation bienfaisante et bien entendue, ont pu
mettre en fabrication, en 1845, 68,000,000 de kilogrammes, et les exportations
en sucres raffinés ont monté à près de 42 millions. Voilà donc un mouvement de
près de 110 millions, tandis que chez nous le mouvement n'est plus que de 15
millions.
Avec la diminution de
notre mise en fabrication, nous avons aussi perdu notre grand marché
d'importation, car pour avoir un grand marché, il faut trouver des acheteurs du
pays et de l'étranger en concurrence et plus nos importations augmenteront,
plus les étrangers viendront s'approvisionner. En même temps que nous voyons
ainsi anéantir notre industrie, nos importations et exportations de sucre brut
diminuent et, dans les cinq premiers mois de cette année, la Belgique a exporté
en sucre brut seulement 930,000 kil., tandis que la Hollande exportait déjà
treize millions.
Aussi la marine
marchande hollandaise augmente, quoiqu'elle soit déjà si considérable, tandis
que la marine belge ne peut dépasser le nombre si restreint de 138 navires,
quoique la loi des droits différentiels soit déjà en vigueur depuis deux ans.
Ce sont les sucres
qui doivent principalement alimenter notre marine et la faire prospérer et
grandir.
L'augmentation de la
marine doit augmenter les exportations de notre industrie, allant chercher des
retours dans les colonies libres, car les étrangers se pressent de retourner
chez eux, soit sur lest ou avec des émigrants. Vous aurez tous lu, messieurs,
la pétition des armateurs déposée sur le bureau par l'honorable M. Dedecker et
vous verrez les mêmes cris d'alarme de cette branche de l'industrie nationale,
tandis que si nous faisons une bonne loi pour les sucres, nous avons espoir de
voir revivre toutes les industries, le commerce et la marine, tandis
qu'aujourd'hui pour maintenir le peu qui existe encore, il faut donner des
primes et des (page 1609) équipages
de l'Etat, et le découragement s'empare l'une après l'autre de toutes les
branches de la fortune publique.
Vous avez le plus
beau port du monde ; sa situation au centre de l'Europe, avec les plus belles
voies de communication, devrait nous attirer, si nous faisons de bonnes lois,
une masse d'affaires ; et alors, au lieu de retirer seulement trois millions
des sucres, vous recevriez des sommes importantes pour toutes les artères des
revenus, et votre agriculture, vos forêts et toutes les industries s'en
ressentiraient favorablement.
Je ne pourrais guère
ajouter quelque chose aux paroles de M. le ministre des finances, à l'appui de
son projet de loi, et tout ce qu'il nous a dit aujourd'hui dans les
explications qu'il vient de nous donner. Je citerai donc ses paroles à l'appui
du projet de loi : « Le trésor a obtenu des produits beaucoup plus élevés
qu'auparavant ; mais le mouvement commercial, loin de se développer, a été
notablement réduit, et les deux industries, surtout celle du sucre exotique,
ont été vivement atteintes par les effets de la législation nouvelle. »
M. le ministre,
parlant toujours de la funeste loi de 1843, dit encore plus loin : « Les effets
de ce régime sont connus. Il a produit à l'intérieur l'encombrement, la
dépréciation et la prime de mévente qui en est la conséquence ; il comprime et
restreint le travail pour l'exportation et le mouvement commercial ; sous son
influence, la différence du droit d'accise entre les deux sucres disparaît en
tout ou en partie. »
Je dois convenir, et
tout le monde rendra justice à M. le ministre, que le cadre de sa nouvelle loi
est bon ; mais, malheureusement, s'il maintenait ses chiffres, il ne pourrait
pas atteindre le but qu'il se propose et qu'il a si noblement et si franchement
avoué par les paroles que je viens de vous citer.
Celui qui veut la fin
doit vouloir les moyens ; M. le ministre, voulant la prospérité de l'industrie,
du commerce et de la navigation, ne doit pas exclusivement songer au trésor ;
mais, comme je l'ai dit, ses paroles ne ressemblent pas à ses propositions ; mais
j'espère que, mieux éclairé par la discussion, il nous aidera à atteindre le
même but que nous nous proposons.
Les discussions en
Hollande et les mémorables paroles de M. Van Hall, ministre des finances des
Pays-Bas, devront faciliter à le convaincre qu'il ne suffit pas de décréter un
impôt, mais qu'il faut le rendre profitable à toutes les branches de
l'industrie et je dirai même à tous les degrés de l'industrie ; car pour les
raffineurs, chez nous comme chez nos voisins, nous avons des industriels qui n'ont
pas encore abandonné l'ancien système de travail, et nous ne pouvons pas
écraser ceux-ci.
Il faut donc faire
une loi qui fasse vivre tout le monde ; et en commençant par un rendement même
un peu au-dessous de l'extraction réelle, vous donnez le temps aux petits
raffineurs de grandir et de se perfectionner, et alors, si l'industrie fait des
progrès et que votre chiffre pour le trésor vienne à diminuer, on pourra
accorder, jusqu'à une certaine limite, d'augmenter le rendement par arrêté
royal.
L'amélioration de
l'industrie développera l'exportation et doit diminuer le chiffre des recettes
; mais, dans ce cas, l'industrie pourra supporter une petite augmentation, et
le trésor aura toujours la somme qu'il exige, et toutes les branches de la
prospérité nationale pourront marcher. Mais commencerez-vous, comme le propose
M. le ministre, par un chiffre qui est au-delà du rendement réel ? Vous aurez
votre somme et même au-delà, mais vous vous éloignez du but que vous vouliez
atteindre, et votre industrie, votre commerce et votre marine tomberont de plus
en plus en décadence, et vous ferez des lois qui ne feront du bien qu'à vos
voisins et vous pourriez réveiller bien des regrets de ne pas avoir les mêmes
lois que nos anciens frères, tandis qu'il est facile de nous contenter et de
contenter les exigences du trésor.
Certainement en
Hollande les grands établissements retirent une plus grande quantité de sucre
raffiné que ceux qui, comme chez nous, emploient encore les anciens procédés.
Aussi M. Van Hall disait si justement :
« Si la législature
n'a exclusivement en vue que les premiers et règle en conséquence les bases de
la restitution, les seconds ne peuvent plus continuer à exister. Si, au
contraire, elle établit la restitution d'après les besoins des derniers et exige,
en outre, un prélèvement ou retenue sur l'accise, elle entrave les premiers
dans leur travail et les force à renoncer à la concurrence.
« Je mettrai tout en
œuvre pour conserver celle de ces industries qui peut marcher d'un pas égal
avec l'industrie des autres nations, cette industrie à laquelle nous devons un
vaste marché de sucre en Europe, industrie qui nous fournit les moyens de
conserver notre commerce et notre navigation vers le nord comme vers le midi de
l'Europe ; qui, d'après l'état qui a été soumis aux états généraux, a
travaillé, en 1844, 8/9ème et en 1845 presque 10/11ème de nos importations de
sucre brut, qui, enfin, emploie des capitaux considérables, je n'hésite pas à
dire, à respecter et conserver cette industrie. »
Le ministre continue et
dit :
« Le projet de loi a
néanmoins été établi de telle sorte, qu'il assure à la fois au trésor un
certain revenu, n'entrave pas la nouvelle industrie et fournit aux fabricants,
établis d'après l'ancien système, l'occasion de pouvoir continuer leurs travaux.»
Ainsi, en Hollande
même où l'industrie est si perfectionnée et malgré ses sympathies pour la
grande industrie, M. le ministre a encore compris la nécessité de procéder avec
ménagement.
La grande raffinerie
nationale, qui était la plus avancée en industrie, qui a cessé de travailler et
qui n'a aucun intérêt à cacher la vérité, a bien voulu nous donner les chiffres
de sa production ; elle nous fait connaître que son rendement, par moyenne, a
été 72 93/100 ; mais comme en Hollande, vous devrez convenir que nos
établissements, travaillant d'après l'ancien système, doivent avoir un
rendement beaucoup moindre, et dès lors, vous devez avoir pour ces
établissements les mêmes égards dont on les a entourés en Hollande.
En Hollande, on a
adopté, pour la première année, le rendement de 71-05 et celui définitif, 72-97
tandis que pour le candi, le rendement est fixé, pour la première année, à
64-29 et définitivement à 65-85.
M. le ministre nous
propose, pour les deux industries et pour tous les sucres, de porter le
rendement et de suite à 78-58 ; et aujourd'hui, par amendement encore, à 09
23/100 ; les lois de 1838 et 1843 avait fixé le rendement seulement à 57 et à
60, mais avec des retenues forcées, système condamné eu Hollande, par notre
gouvernement et par les intéressés ; je ne m'en occuperai donc pas.
Maintenant, si en
Hollande où l'on suppose un rendement effectif d'environ 80 p. c., on adopte
pour la seconde année seulement 72-97 (et beaucoup moins pour les candis), je
vous demande, messieurs, s'il est possible d'admettre le chiffre de M. le
ministre de 72 58 c. et même celui de 69 23/100 quand, de l'aveu de notre
premier établissement, le rendement réel n'est que de 72 93/100. On dira
peut-être que la Raffinerie nationale a travaillé beaucoup de sucres ordinaires.
Je tiens de source certaine que la majeure partie de son travail ne s’est
composée que de sucre indigène, Havane et Java, surtout dans les premières
années de son existence.
La Hollande n'ayant
pas de droits d'entrée à payer sur les sucres bruts, travaillant les sucres
Java, qui sont beaucoup plus riches que ceux que nous travaillons, et nous
venant de la Havane, du Brésil et de Manille, il est certain que de ce chef
seul nous devons adopter un rendement plus bas, et, ne perdons pas de vue que
depuis 1830, avec des lois tutélaires, l'industrie hollandaise a fait de grands
progrès, tandis que nous, à cause des lois de 1838 et 1843, nous n'avons vu que
dépérir cette industrie, et non seulement nous avons été obligés de rester
stationnants, mais nous sommes près de mourir. Mais il nous reste l'espoir que
l'on ne fera plus les mêmes fautes qu'en 1843, lorsque M. Smits s'est si
facilement rallié à l'amendement de l'honorable M. d'Huart,qui doit convenir
lui-même, quoiqu'il fût de la meilleure foi du monde, qu'il nous a porté, je
dois le déclarer, un coup mortel. Ainsi j'espère que cette fois il nous aidera
à réparer le mal fait.
Par toutes ces
considérations, il faudrait commencer par augmenter l'ancien rendement de 57 et
60 à 65 ou 66 p. c. avec la faculté, au gouvernement, d'augmenter, par arrêté
royal, et ce jusqu'à 72 58 ou restitution de 62 fr. pour avoir une recette
certaine de 3,000,000. Mais s'il fallait recourir à une augmentation par arrêté
royal, il faudrait donner le temps à l'industrie de se développer, et avant le
1er janvier 1848 on ne devrait pas faire de changements.
La loi de 1843 vous a
donné en 1844 un revenu de 3,660,000 fr. : déjà en 1845 la recette a diminué à
2,612,000 fr., et certainement avec la loi en vigueur, la recette de 1846 ne dépassera
pas 2,300,000 fr.
Avec un impôt sur la
betterave de 40 fr., et en calculant sur les résultats obtenus par la
Raffinerie nationale, et avec un rendement de 68, vous obtenez une recette de
4,168,000 fr., avec un mouvement commercial de 23 millions de kil.
Ce mouvement pourra
s'étendre jusqu'à 60 millions de kil. environ, avant que la recette ne tombe
en-dessous de trois millions et qu'il ne devienne nécessaire de majorer le
rendement ; et il ne faudra pas d'ici à trois ans venir à 69, tandis que le rendement
de 72 58 proposé, est le dernier coup de mort, et celui de 69 n'est pas encore
admissible et ne remédierait pas au malaise.
M.
le ministre des affaires étrangères, ayant dans ses attributions le commerce et
l'industrie, doit se joindre à nous pour relever ces branches de la fortune
publique ; et je ne doute pas qu'il ne se joigne à nous, pour engager M. le
ministre des finances à commencer par un rendement qui. puisse donner le temps
de développer et améliorer nos établissements, et ce n'est pas le but que se
propose M. le ministre, d'après les paroles que je vous ai citées à l'appui de
son projet de loi.
M. le ministre nous
propose pour la betterave un impôt de 38 francs, mais aujourd'hui par
amendement 30 fr. avec augmentation de 2 fr. par 100,000 kil. ; mais, comme,
par les intéressés eux-mêmes, nous avons la preuve que la différence des bas
produits ne peut être calculée à plus de 4 fr., je crois que nous pouvons
admettre le chiffre de 40 fr.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - La chambre me permettra d'expliquer encore le
système en ce qui concerne la betterave.
En diminuant le
rendement pour le sucre de canne, il faut, si l'on veut maintenir le système de
la coexistence des deux sucres, réduire le chiffre de l'accise pour la
betterave.
Voici le système qui
m'a paru le meilleur, c'est de faire à la betterave une large part à
l'intérieur et de lui donner en même temps les moyens de s'associer au
mouvement d'exportation.
La betterave produit
aujourd'hui 300 mille kil. et une fraction. Je propose de réduire l'accise sur
le sucre de betterave à 30 fr., jusqu'à ce que la production ait dépassé
3,800,000 kil., et ensuite pour chaque centaine de mille kilogrammes en sus de
3,800,000 kil., j'augmente l'accise de deux francs, jusqu'à ce que le droit ait
atteint 40 fr. C'est-à-dire que (page
1610) lorsque la betterave aura dépassé une production.de 4,200,000 kil.,
l’accise restera invariablement à 40 fr., c'est-à-dire qu'il n'y aura plus
qu'une différence de cinq francs. Aujourd'hui la différence serait de quinze
francs.
M. Osy. - Messieurs, je
trouve que la protection que M. le ministre des finances veut accorder à
l'industrie du sucre de betterave est beaucoup trop forte, surtout quand je
vois qu'il est démontré clairement par le tableau B, joint au rapport de la
section, centrale, que l'impôt décrété par la loi de 1843 n'est pas
intégralement perçu.
D'après les
discussions récentes en France, on voit que les fabriques y ont obtenu par
moyenne la densité de 5 1/4 pour la campagne de 1844-1845, et que la moyenne du
rendement a atteint 15 hectogrammes, abstraction faite des quantités qui ont
échappé par la fraude à la perception de l'impôt. Tandis que chez nous, par le
tableau fourni par le gouvernement, on voit que la densité constatée à la
défécation et du chef de laquelle les fabricants ont été pris en charge, ne
dépasse pas 5 88/00 degrés, et on y voit que la plupart de nos fabriques ont
obtenu un abonnement de 15 hectogrammes par 100 litres de jus.
Je crois donc que
nous pouvons décréter l'impôt de 40 fr. et le rendement de 65 ou 66 tout au
plus pour commencer ; et les deux industries pourront vivre et se développer,
et vous relevez le commerce et la marine marchande ; et ayant un grand
mouvement commercial d'importations et d'exportations, nous exporterons les
autres produits de notre industrie, lorsque nous irons chercher les sucres aux
colonies, ou lorsque nous porterons dans la Méditerranée ou dans le Nord nos
sucres raffinés. Ainsi toutes les branches de la prospérité nationale sont
intéressées à voir décréter une bonne loi des sucres, à rappeler à la vie cette
grande source de la prospérité de la Belgique.
En adoptant nos
propositions vous verrez aussi se développer notre marine marchande, et nous importerons
les sucres bruts sous pavillon national, tandis qu'aujourd'hui presque tout
nous arrive par navires étrangers, qui, lorsqu'ils ont touché dans un port
intermédiaire, payent cette année 3 fr. les 100 kilos ; et comme il y a
aggravation tous les ans, le droit d'entrée sera en 1848, 4 fr. 23 tandis que
la Hollande travaillant les sucres de ses colonies, n'a pas de droit d'entrée à
payer.
Cette aggravation est
un des grands griefs que l'industrie du raffinage reproche au commerce, mais il
disparaîtra forcément si nous faisons une loi qui relèvera en même temps notre
marine marchande et notre industrie des sucres prête à expirer.
La loi des sucres,
par ses ramifications, est une des lois les plus importantes à faire, car
d'elle dépend la possibilité d'avoir un grand marché pour la fabrication
indigène. Ainsi, grand commerce d'importation et grand commerce d'exportation
en produits bruts fabriqués, vous donne la certitude de voir finalement grandir
votre marine marchande, et à toutes les industries, depuis vos produits
liniers, de coton et de laine jusqu'aux produits de la clouterie et des
verreries, la certitude de faciliter les exportations vers les colonies et vers
le nord et le midi de l'Europe. Tout se donne la main ; mais le sucre étant la
marchandise la plus encombrante, sera la cheville ouvrière de l'activité et de
la prospérité de toutes les industries et du développement, comme je l'ai déjà
dit, du commerce et de votre marine.
M. Mast de Vries. - Messieurs, il y a
déjà un bon nombre d'années que j'ai l'honneur de siéger dans cette enceinte et
je ne pense pas qu'il s'en soit écoulé une seule, sans que la question des
sucres nous ait été présentée sous l'une on sous l'autre forme. Un jour,
messieurs, on a apporté des changements à la tare, plus tard on en a apporté au
rendement ; plus tard encore nous avons imposé la retenue des 2/10 ; ensuite on
a imposé la betterave ; ensuite encore on a fait la retenue des 4/10,et au
milieu de tout cela est venue la grande discussion des droits différentiels.
Et, messieurs, nous avons eu la main tellement heureuse qu'il a suffi que nous
fissions quelque changement pour que nous arrivions au résultat absolument
contraire de celui que nous désirions obtenir. Nous avons eu la main tellement
heureuse, que l'industrie du sucre se trouve dans le marasme le plus complet.
Nous avons eu la main tellement heureuse qu'aujourd'hui commerce et industrie,
navigation et agriculture, canne et betterave, tous paraissent être frappés par
une espèce de cataclysme.
La question des
sucres, messieurs, est-elle donc insolvable ? La coexistence des deux
industries est-elle impossible ? Il faudrait le croire quand nous voyons tout
ce qui s'est déjà passé dans cette enceinte. Car nous avons vu des projets faits
par les hommes les plus compétents dans la matière, venir échouer l'un après
l'autre contre l'expérience. Il faudrait le croire surtout, quand on voit
aujourd'hui le projet que nous présente le gouvernement et dans la rédaction
duquel il a eu les lois antérieures pour se guider, quand on voit, dis-je, ce
projet attaqué d'un côté par l'industrie exotique, attaquée de l'autre côté par
l'industrie indigène. D'un côté, on vous dit que le rendement, tel qu'il est
fixé par le gouvernement, n'est pas assez élevé ; de l'autre, on vous dit qu'il
l'est beaucoup trop ; et il serait possible, messieurs, que dans chacune de ces
hypothèses les deux opinions eussent raison.
Ainsi je crois que
lorsqu'on applique le rendement à certaines qualités de sucre, à des sucres extrêmement
riches, il peut être vrai que le rendement proposé n'est pas assez élevé.
D'un autre côté,
lorsque le sucre exotique vous dit que le rendement est trop élevé, il peut
aussi avoir raison ; car si on applique ce rendement aux sucres moins riches, aux
sucres de Manille, par exemple, alors bien certainement le chiffre proposé est
trop élevé.
Messieurs, il faut
une espèce de courage pour étudier la question des sucres. Il en faut surtout,
lorsqu'on n'appartient pas à l'industrie. Je conçois très bien la défiance que
doivent inspirer à la chambre les paroles d'un homme qui vient vous dire qu'il
n'appartient à aucune industrie. Cependant, messieurs, j'ai cru devoir étudier
cette question des sucres, dégagé de toute influence. L'arrondissement que j'ai
l'honneur de représenter dans cette chambre n'est pas intéressé, ou du moins
est un des moins intéressés dans la question. Nous n'avons plus
d'établissements de sucre exotique, et nous ne cultivons pas la betterave.
Dans mon opinion,
messieurs, la cause des difficultés que nous rencontrons, c'est que nous sommes
dans un système complétement vicieux, et que tout ce que nous pouvons faire, en
restant dans le système qui nous guide aujourd'hui, doit nous maintenir dans un
état provisoire et nous faire revenir, dans un temps plus ou moins éloigné, sur
ce qui s'est passé.
Je pense, messieurs,
que la question des sucres est tout à fait exceptionnelle, et que ce sont des
mesures exceptionnelles qu'il faudrait y appliquer. Ces mesures
exceptionnelles, voici comment je les entends.
Je crois qu'il faut
frapper le sucre pour ce qu'il contient, c'est-à-dire établir un droit pour la
partie de sucre propre à l'exportation, un second droit pour la partie de sucre
bâtard, pour la cassonade, et un troisième droit moins élevé encore pour le
sirop.
M. Dumortier. - C'est très juste.
C'est le seul moyen.
M. Mast de Vries. - De cette manière,
messieurs, voici les résultats auxquels on arriverait.
Je voudrais, messieurs,.
que l'on remboursât à l'industriel qui exporterait, tous les droits qu'il
aurait payés sur la quantité de sucre exportée, non seulement les droits
d'accise, mais aussi tous les autres qu'il aurait eu à payer.
Le gouvernement,
messieurs, n'aurait rien à perdre, car l'industrie des sucres morte, comme elle
est sur le point de l'être, il est évident que nous ne percevrons plus rien.
Cette restitution des droits aurait lieu sur les diverses espèces de sucre, à
l'exportation, sur le sucre bâtard, sur le sirop, comme sur le sucre en pain,
d'après ce qu'ils auraient payé, mais toujours de manière que la restitution
serait intégrale, proportionnellement aux parties exportées.
Permettez-moi,
messieurs, de faire une application. Je suppose qu’une quantité de 100 kil. de
sucre de Havane, par exemple, soit introduite, que dans ces 100 kil. il y en
ait 75 de sucre exportable pains lumps ou candis, tels qu'on les fournit pour
l'exportation. Je voudrais qu'on rendît tout ce qui a été payé sur ces 75 kil.
de sucre de premier choix, lorsqu'ils seraient exportés, et non seulement, je
le répète, les droits d'accise, mais aussi de douanes. Je suppose que ces 100
kil. de sucre en contiennent ensuite 15 de sucre bâtard, et 10 kilogrammes de
sirop ; je voudrais que les droits sur le sucre bâtard et sur le sirop fussent
aussi totalement restitués, lors de l'exportation de ces qualités.
Je sais, messieurs,
qu'on va me dire que ce système rencontrerait des difficultés dans
l'application. On soutiendra, je pense, qu'il est impossible de déterminer les
quantités de sucre de diverses espèces que contiennent telles et telles
qualités. Mais remarquez, messieurs, que vous n'échapperez pas aujourd'hui à
cette difficulté. Car votre rendement porte aussi sur différentes qualités de sucre,
et vous êtes obligés de prendre une moyenne.
Ainsi, M. le ministre
des finances vient de vous dire qu'il proposait de fixer le rendement à 69.
Mais il y a telle espèce de sucre qui ne contient pas 69 kilog. de sucre fin,
tandis que telle autre espèce en contient davantage. Ainsi, pour établir votre
rendement, vous êtes obligés de calculer comme je le fais.
Il y aurait une autre
difficulté, ce serait d'indiquer sur chaque déclaration à l'entrée les diverses
espèces de produits qui seraient retirés du sucre importé. Ainsi pour 100
kilog. de sucre de Manille, par exemple, il faudrait indiquer qu'il en sera
retiré tant de kilogrammes de sucre propre à l'exportation, tant de sucre
bâtard, tant de sirop. Mais ce serait là un travail d'employés qui ne prendrait
que peu de temps.
J'ai la conviction,
messieurs, que ce système, bien élaboré, bien appliqué, est le seul qui puisse
nous faire atteindre le but que nous désirons, et que nous serons obligés d'en
venir là.
Cette question, telle
que je la pose, est la même, messieurs, pour la betterave.
Nous connaissons,
d'après ce qui se passe à l'étranger, ce que peut produire la betterave. Eh
bien ! vous frapperiez la betterave, non, comme vous le faites aujourd'hui, en
établissant le droit sur le sucre brut, mais en l'établissant sur les produits
réels qu'on en retire.
Remarquez, messieurs,
que dans mon opinion, l'impôt serait le même pour les deux sucres. Toutefois si
vous vouliez que l'industrie du sucre prît des développements, vous pourriez
lui accorder une prime pendant quelques années.
Je crois, messieurs,
que le moyen que j'indique est le seul qui puisse rendre les deux industries
prospères. Vous n'auriez d'ailleurs aucune crainte à concevoir pour les revenus
du trésor. Car le sucre qui serait consommé dans le pays, payerait les droits,
et vous pourriez fixer ce droit à tel taux que vous voudriez, sans nuire à
l'exportation, puisque tout ce qui serait exporté ne payerait rien.
Voilà, messieurs,
l'opinion que j'ai sur la loi des sucres. Le projet que l'on vous soumet est
une nouvelle loi provisoire, et tellement provisoire qu'à peine vous est-elle
présentée, que M. le ministre des finances est obligé d'y apporter, des
changements. Cette loi, messieurs, nous la referons (page 1611) dans deux ans comme nous la refaisons aujourd'hui, avec
cette différence que vous aurez encore quelques-uns de vos industriels qui
seront restés sur le carreau/
Messieurs, la
question des sucres me paraît d'une telle importance, que je crois que chacun
doit faire connaître ce qu'il regarde le plus utile dans l’intérêt de la chose
publique. J'ai donc tenu à vous faire connaître mon opinion. Le système que
j'indique est peut-être nouveau ; je ne sais s'il a été étudié. Mais c'est chez
moi une conviction qu'il est le seul praticable ; et c'est tellement chez moi
une conviction, que je pense que quoi que vous puissiez faire, vous n'en
sortirez point ; ce sera aujourd'hui la betterave qui se plaindra, demain ce
sera le sucre exotique, et, malheureusement, ces plaintes seront fondées de
part et d'autre.
Voilà ce que j'avais
à dire dans la discussion générale ; je verrai si, dans la discussion des
articles, je dois encore prendre la parole. Au reste, je dois convenir que le
projet du gouvernement présente des améliorations à la législation actuelle ; mais
ces améliorations sont incomplètes et elles doivent toujours l'être avec le
système actuel ; elles pèchent, à mes yeux, par leur caractère provisoire. Nous
avons vu dépérir nos plus beaux établissements, la navigation, le commerce,
tous les principaux éléments de la prospérité nationale. Il est plus que temps
de remédier à un pareil état de choses.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, nous
abordons une question de la plus haute importance, tant dans l'intérêt du
trésor, de la classe ouvrière, de plusieurs industries, en même temps que dans
l'intérêt général, en fait d'économie politique.
Vous allez décider,
messieurs, entre les intérêts des producteurs de la Havane, du Brésil et autres
colonies qui produisent du sucre brut, d'un côté ; et de l'autre, des intérêts
des producteurs de sucre brut indigène belge.
Enfin, messieurs,
vous allez décider s'il est avantageux à la Belgique de favoriser les
producteurs indiens au détriment des producteurs belges. Vous allez décider :
1° Si nous devons
favoriser l'industrie étrangère au détriment de notre industrie.
2° Vous allez décider
enfin, si nous accorderons du travail à la classe ouvrière étrangère au
détriment de nos populations ouvrières.
3° Et, si nous
sacrifierons les intérêts des producteurs de houille, de noir animal, des
toiles, des poteries,, de l'industrie métallurgique qui fournissent les
mécaniques nécessaires à la fabrication du sucre tout à l'avantage des
habitants des colonies qui fabriquent le sucre de canne.
4° Consentirons-nous
à dépenser annuellement de 10 à 12 millions en faveur de l'étranger, quand nous
pouvons les distribuer à une industrie du pays et pour la plus grande partie à
la classe ouvrière belge ?
5° Accorderons-nous à
l'étranger la faveur de nous approvisionner de ses produits, d'une valeur de 10
à 12 millions, quand nous pouvons les produire nous-mêmes sans réduire les
autres produits, je dirai même en augmentant les produits ordinaires en grain
et en nourriture du bétail ?
6° Consentirons-nous
à ce que le trésor fasse le sacrifice de 2 à 3 millions annuellement, afin de
favoriser le placement du sucre de la Havane et du Brésil, concurremment avec
les sucres des colonies hollandaises ?
Telles sont,
messieurs, les principales questions que vous avez à résoudre.
Et je n'hésite pas un
instant à dire qu'à l'unanimité elle sera résolue dans l'intérêt du pays ;
tous, nous sommes dirigés par un esprit de patriotisme qui ne peut me laisser
le moindre doute sur la solution de cette grande question.
Elle sera résolue
dans l'intérêt de la Belgique, j'en ai la conviction ; car, messieurs,
prenons-y garde, ne donnons pas à l'Europe un bien triste spectacle en
représentant le parlement belge divisé en deux camps, l'un marchant sous le pavillon
brésilien, l’autre combattant sous le drapeau tricolore belge.
Les questions que je
viens de poser, si elles étaient justifiées, seraient résolues. L'intérêt belge
ne peut être sacrifié, je n'en forme pas le moindre doute.
Je vais chercher à
vous démontrer la vérité des faits que j'ai avancés en vous déclarant que s'il
m'était démontré que je suis en erreur, je n'hésiterais pas un moment à changer
d'opinion.
C'est-à-dire que si
l'on me prouvait que le commerce de sucre exotique est plus avantageux au pays
que la production indigène, je voterais avec les défenseurs des produits
étrangers, n'étant nullement intéressé personnellement ni dans l'une ni dans
l'autre de ces deux industries qu'on se permet de considérer, abusivement,
comme deux industries rivales.
D'abord je vais
démontrer qu'il n'existe aucune rivalité entre le raffinage du sucre et la
production. Pour qu'il y ait rivalité entre deux industries, il faudrait
qu'elles produisent les mêmes fabricats ou les mêmes choses.
Or, je vous le
demande, les raffineurs produisent-ils du sucre ? Non assurément, ils ne font
que rendre plus propre à la consommation une matière produite par une autre
industrie.
D'où il résulte qu'il
doit être indifférent au raffineur d'employer dans ses raffineries, soit le sucre
de canne, soit le sucre de betterave.
Si toutefois on se
bornait à raffiner, et telle est l'opinion des raffineurs qui travaillent pour
la consommation du pays, les sucres exotiques auxquels la loi qui nous est
soumise sera autant préjudiciable qu'aux fabricants du sucre indigène, ceux-ci
conviennent qu'il leur est indifférent de raffiner l'un ou l'autre sucre ; mais
il n'en est pas ainsi des raffineurs qui travaillent les sucres indiens pour
l'exportation.
Ceux-ci, aux termes
de la loi qui nous est soumise, au rendement de 72 58 centièmes, parmi
exportant cette même quantité de 72 et demi kilos de sucre de la catégorie A,
et sont liquidés envers le trésor de 100 kilos sucre brut pris en charge.
Il leur reste de 24 à
25 kilos de sucre et mélasse sur lesquels l'Etat n'a perçu aucun impôt et qui,
livrés à la consommation, indemne de droit, viennent concourir avec les sucres
indigènes, lesquels ont payé le droit intégralement.
Il est donc inexact
de prétendre que l'industrie du raffinage du sucre brut est rivale de
l'industrie qui fabrique le sucre.
La rivalité ne peut
exister qu'entre deux industries qui produisent des produits similaires ; on
doit donc considérer comme rivales les fabriques de sucres de la Havane qui
emploient la canne comme matière première, avec des fabriques de sucre qui
emploient la betterave. Si vous admettiez qu'il y a rivalité entre le raffinage
et la fabrication du sucre, vous devriez voir la même rivalité entre la
production et le raffinage du sel, et si un jour nous découvrions une mine de
sel brut, comme il en existe à Wielieza en Pologne, en proscririez-vous
l'exploitation sous le prétexte spécieux qu'elle est la rivale des raffineries
de sel exotique ? Dira-t-on que la forgerie qui raffine le fer est la rivale
des fourneaux qui produisent le fer brut ? On serait autant fondé dans ces
prétentions qu'on l'est en soutenant que la raffinerie des sucres est la rivale
des fabriques qui produisent le sucre brut.
Il est donc
incontestable que les fabriques de sucres étrangers sont les rivales des
fabriques belges ; accorderons-nous une protection à l'une ou à l'autre de ces
industries ?
A moins d'avoir deux
poids et deux mesures, nous accorderons une protection suffisante à l'industrie
belge qui fabrique des matières similaires aux fabriques étrangères en sucre,
comme nous en accordons à toutes les autres industries ; celle-ci y a d'autant
plus de droit que la matière première est le produit du sol.
Cette industrie
devrait être protégée au même degré que le sont les industries houillères et
métallurgiques ; et cette protection, vous la lui accorderez, j'en ai la
conviction, dussiez-vous faire un sacrifice bien minime, si je le compare à la
prime déguisée que vous avez accordée depuis 15 à 16 années aux raffineurs
belges qui rectifient le sucre de canne étranger et qui n'ont eu d'autre
avantage que le plaisir de lutter avec les raffineurs hollandais qui raffinent
les sucres de leurs colonies, et en faveur desquels le gouvernement peut faire
des sacrifices afin de favoriser le placement des sucres de canne qui sont la
propriété de l’Etat.
En somme, depuis 15
ou 16 ans, la Belgique a sacrifié, environ 3 millions annuellement, afin de
placer avantageusement les sucres de la Havane au détriment des sucres de Java.
Les producteurs du
sucre de canne de quelques colonies ont seuls profité du sacrifice fait par la
Belgique. Les raffineurs ne se sont pas enrichis ; ils n'ont pas partagé dans
plus de 50 millions de sacrifices qu'a faits le trésor, à partir de 1832
jusqu'en 1845, pour favoriser ce commerce.
J'en donne ci-dessous
le détail : en fixant la consommation de la Belgique à 13 millions de sucre
brut annuellement, sous le régime de la loi de 1842, droit dédouane compris,
l'impôt aurait dû rapporter :
(Note du webmaster : les Annales donnent ensuite, année par année,
une évaluation de la différence entre le montant annuel qui aurait dû être
perçu par l’Etat (5,5 millions de francs) et la recette effectuée. Ce tableau
n’est pas repris dans la présente version numérisée. Il se termine par les mots
suivants :)
(page 1612) Il devait rentrer au trésor sur l'accise sur les sucres
de 1832 à 1845, la somme de 78,000,000 de francs. L'Etat n'a perçu que
19,000,000 de francs : Prime pendant cette période en faveur des
raffineurs : 59,000,000 chiffre rond.
Il résulte des
calculs qui précèdent que l'Etat a fait un sacrifice annuellement, taux moyen,
de plus de trois millions en faisant une large part à la fraude, à partir de
1832 inclus 1845, et cela en faveur d'une industrie qui ne s'est pas enrichie,
mais en faveur du Brésil et de la Havane principalement ; en même temps que des
nations chez qui on a exporté ces sucres de canne raffinés en Belgique, et qui
ont été vendus à perte, afin de soutenir la concurrence avec les raffineurs
hollandais, qui raffinent les sucres de leurs colonies, tandis que nos
raffineurs raffinent des sucres étrangers. En mot, la Belgique a fait un
sacrifice d'environ 50 millions en 14 années, en faveur des producteurs de
sucre de canne et des consommateurs étrangers.
D'après ce que je
viens de démontrer, ne serez-vous pas tentés de croire que l'industrie du
raffinage du sucre exotique est une industrie factice qui ne peut se soutenir à
moins d'un subside de plus de 30 p. c. de la valeur des matières qu'elle
rectifie, venant de l'étranger, laquelle réclame en outre la mort d'une
industrie aussi importante que l'est la fabrication du sucre indigène ?
S'il s'agissait de
deux industries belges qui produiraient, l'une du sucre de navet, l'autre du
sucre de betterave, je voudrais les traiter sur le même pied en leur accordant
la même protection ; mais, ici il s'agit, d'après la loi qui est en discussion,
de protéger les producteurs étrangers au détriment des producteurs indigènes ;
en un mot, défendrons-nous les intérêts indiens contre les intérêts belges ?
Là est toute la
question. Vous êtes appelés à la décider.
Un autre point, fort
important, mérite votre sollicitude, c'est la nécessité, je dirai même le
devoir de donner du travail aux classes ouvrières, en encourageant la
fabrication du sucre indigène en quantité suffisante et nécessaire à la
consommation du pays.
Nous donnerons du
travail à plus de 20 mille individus, tant pour la culture de la betterave que
pour la fabrication de son sucre, et annuellement il serait distribué 4 à 5
millions de francs à la classe ouvrière si vous favorisez le sucre de
betterave.
Tandis que, si nous
consommons le sucre étranger, c'est aux populations étrangères que cette somme
est distribuée pour la fabrication des sucres.
Serons-nous assez
inhumains pour donner du travail aux classes étrangères au détriment des
classes pauvres de notre pays ?
C'est ce que je ne
puis croire. C'est ce qui ne sera pas.
Vous aurez plus de
sympathie pour vos concitoyens que pour l'étranger, en lui accordant du pain en
travaillant plutôt que d'en donner aux populations indiennes. C'est un devoir,
c'est une justice, et, je n'en doute pas, vous serez humains et justes.
Ajoutez à ces
considérations l'avantage que procure la fabrication du sucre indigène à
d'autres industries, telles que houillère, métallurgique, toilière, fabricants
de claies, de poterie, de noir animal et de chaux employés à la fabrication.
L'état de ces divers produits, employés et indispensables à la fabrication du
sucre, nous a été distribué : chacun de nous en a, j'en suis persuadé, une
parfaite connaissance. Surabondamment je vais en donner connaissance.
(Note du webmaster : Les Annales reprennent ensuite un tableau
intitulé : « comparaison entre les raffineries de sucre exotique et
la fabrication du sucre indigène en admettant le travail de 15 millions de
kilogrammes de sucre ». Ce tableau n’est pas repris dans la présente
version numérisée.)
J'ai établi que
chaque ouvrier employé dans les raffineries de sucre exotique promérite un
salaire annuel de 300 fr., taux moyen, tandis que je n'ai porté qu'à 150 fr. le
salaire de chaque ouvrier qui est employé à la fabrication du sucre indigène,
vu qu'il n'est pas employé toute l'année.
Il résulte de ce
compte que la fabrication de 15 millions de sucre brut nécessite une dépense de
6,723,500 fr., que le raffinage occasionne une dépense de 648,750 fr., et, en
admettant que nos fabriques de sucre indigènes approprient leurs établissements
à raffiner en même temps qu'ils fabriquent, il en résultera que les classes
ouvrières et les producteurs des matières nécessaires à la fabrication du
sucre, recevront annuellement la somme de 6,723,500 fr., tandis qu'en
anéantissant la fabrication du sucre indigène les classes ouvrières et les
diverses industries qui produisent les matières nécessaires au raffinage ne
recevront que la somme de 648,750 fr. différence en moins 6,074,750 fr. au
détriment du travail national ; en outre, l'industrie métallurgique sera privée
de la fourniture des mécaniques nécessaires aux établissements qui fabriquent
le sucre indigène, perte en capital, environ huit millions, et, en entretien et
en remplacement plus de 400,000 fr. annuellement.
C'est donc une
question de la plus haute importance que nous allons résoudre.
En adoptant le projet
du gouvernement, nous anéantissons une industrie belge à l'avantage d'une
industrie étrangère. Serons-nous étrangers avant d'être Belges ?
Non ! il n'en sera
pas ainsi, nous ne sacrifierons pas l'intérêt général, l'intérêt des classes
ouvrières, celui de diverses industries et l'intérêt du trésor, en faveur de la
navigation qui nous importe les produits étrangers et qui part de nos ports sur
lest.
Non, messieurs, nous
serons Belges avant d'être Brésiliens, nous soignerons les intérêts généraux
avant les intérêts de quelques spéculateurs qui se chargent de débiter les
produits étrangers au détriment des produits du pays.
Nous soignerons nos
intérêts et nous ne les sacrifierons pas en faveur de l'étranger.
J'ai eu l'honneur de
vous dire que la production du sucre est un produit nouveau qui ne diminue
nullement les autres produits et qu'au contraire il les augmente.
Je viens vous
administrer la preuve de ce que j'ai avancé.
Le compte du produit
d'un hectare de terre destiné à produire du petit trèfle, pour pâturage (et
c'est dans cette espèce d'assolement qu'on cultive la betterave), approprié et
ensemencé en betterave, parmi que cette terre soit bien défoncée et amendée
avec un compost de chaux et de terre mélangées, un hectare donnera de 30 à 50
mille kilos de betteraves, et taux moyen et année commune au minimum 55 mille
kilos déracines (betterave) qui, livrées à la fabrication :
1° rendent à raison
de 5 p. c. en sucre brut 1,750 kil.
2° On obtient en
outre en mélasse non cristallisable 1 et demi p. c, cette mélasse est destinée à
la distillation, soit 525 kil. les 1,750 kilos sucre brut, rendront au
raffinage en sucre (page 1613)
cristallisé, à raison de 75 p. c, soit 1312 1/2 kil., en vergeoises, à raison
de 7 p. c., 122 1/2 k. ; soit ensemble 1,435 kil. à livrer à la consommation.
Report en mélasse, 525 kil.
3° Au raffinage on
obtient encore à raison de 15 p. c, sur 1,730 kilos de sucre brut en mélasse
destiné à la fabrication de l'alcool, soit 262 kil. Total en mélasse 787 kil.
En résidu destiné à
la nourriture du bétail, 9,000 kilos, plus 1,000 kilogrammes de feuille. Si on
ajoute au résidu 187 kilos de mélasse, ils font une bonne nourriture pour le
bétail et qui remplace, et plus, la nourriture qu'aurait produite l'hectare
cultivé en betterave ensemencé en petits trèfles ou autre fourrage destiné au
pâturage du bétail, et veuillez bien le remarquer, c'est dans les terres
destinées à produire des fourrages de l'espèce qu'on cultive la betterave.
Ayant déduit des 787 kilos de mélasse la quantité de 187 kilos, destinés à
mélanger avec les résidus, il m'en reste 600 kilos qui distillés, rendent, à
raison de 50 litres par 100 kilos à 16 degrés, la quantité de 500 litres
d'alcool représentant le genièvre qu'on retirerait du produit d'un demi-hectare
ensemencé en seigle ; de manière que l'hectare cultivé en betterave a donné
pour la nourriture du bétail au moins la même quantité de matière nutritive que
s'il eût été ensemencé en fourrage ; plus le produit en alcool, représentant
une demie-récolte en seigle ;
Et en outre 1,435
kilos de sucre soit en sucre et en alcool pour plus de 1,800 fr., dont les deux
tiers, soit 1,000 fr., sont répartis entre les classes ouvrières et les
diverses industries que j'ai désignées plus haut. Si un hectare donne un
produit de 1,453 kilos de sucre propre à livrer à la consommation, voyons ce
que les 1,600 hectares que l'association commerciale d'Anvers nous annoncent
être cultivés en betteraves dans la Belgique donneraient :
1° En sucre à raison
de 1,435 kilos par hectare, l'hectare donnant 1,435 kilos, 1,600 hectares
donneront 2,296,000,soit deux millions deux cent quatre-vingt-seize kilos de
sucre.
2° En alcool à raison
de trois hectolitres par hectare, par 1,600 hectares, 4,800 hectolitres,
représentant l'emploi de 16,000 hectolitres de seigle, ou au moins la
nourriture de 8,000 individus pendant l'année à 2 hectolitres par tête et qui,
estimés au prix de 14 fr., donnent une augmentation de produit des terres
annuellement de 224,000 fr. Et en sucre, 2,296,000
Total. 2,520,000, soit plus de deux millions et
demi.
Tel serait le
résultat si, comme l'association commerciale d'Anvers était bien informée sur
la quantité d'hectares de terres qui sont cultivées en Belgique, destinées à
produire des betteraves ; ce n'est pas 1,600 hectares qui sont ensemencés en cette
denrée, mais c'est plus de 2,000 hectares, pour obtenir environ trois millions
de kilog. de sucre.. Admettons que par suite d'une protection suffisante on
parvienne à encourager la fabrication du sucre indigène, vingt mille hectares
de terres peuvent être destinés à la production de la betterave qui, destinées
à la fabrication du sucre, donneraient :
1° En sucre propre à
livrer à la consommation, à raison de 1,435 kil. par hectare, la quantité de
28,700,000 kilog. de sucre.
2° En alcool, 60,000
hectolitres, représentant la quantité de 200,000 hectolitres de seigle, qui
doivent être employés à la fabrication de l'alcool. Soit l'on aurait en sus de
l'approvisionnement en céréales, en plus la quantité nécessaire à pourvoir à la
nourriture de 100,000 individus, à raison de 2 hectolitres par tête
annuellement. Je passerai sous silence l'amélioration de ces vingt mille
hectares, qui donneront de 20 à 25 p. c. en plus de froment après la culture de
la betterave que s'ils avaient été cultivés en fourrage.
D'après ce qui
précède, si chacun de nous était bien pénétré de l'exactitude de mes calculs,
pas de doute que nous serions unanimes pour voter une loi protectrice de la
fabrication du sucre indigène.
La question étant
d'un intérêt majeur, je prie la chambre de ne rien précipiter. J'engage mes
honorables collègues qui ne partagent pas mes convictions, de se donner la
peine de vérifier mes chiffres avant de se prononcer sur la grave question qui
nous occupe. Je n'ai pas l'amour-propre de me croire infaillible. Si j'ai erré,
je reviendrai de mon erreur.
Par contre, si mes
calculs sont trouvés exacts, ou à peu près, je ne forme pas le moindre doute
que la chambre tout entière se lèvera comme un seul homme pour provoquer une
loi des sucres qui favorise la production de cette matière, laquelle a un
avenir certain, si nous lui accordons la protection qu'elle a droit de
réclamer.
En résumé, messieurs,
le parlement belge ne sacrifiera pas à l'avantage de l'étranger : 1° les
intérêts du trésor compromis par le projet de loi qui nous est soumis, projet
qui accorde une prime d'exportation de deux à trois millions aux raffineurs de
sucre exotique, au détriment du producteur belge et qui n'aura d’autre résultat
que de nuire à la production des sucres coloniaux hollandais, en même temps que
d'assurer la consommation à bon marché du sucre, aux pays où ils seront
envoyés, et cela au détriment du trésor belge.
C'est-à-dire que,
pour concourir avec la Hollande, on devra vendre le sucre raffiné à un prix
inférieur à celui du revient, perte qui sera réparée par l'impôt perçu sur le
consommateur belge, par les raffineurs sur les excédants livrés à la
consommation et sur lesquels l'Etat n'aura reçu aucun impôt.
En d'autres termes,
sacrifierez-vous tous les ans deux à trois millions pour nuire aux produits des
sucres hollandais en concourant avec les raffineurs des Pays-Bas, sur les
marchés étrangers, dont la concurrence leur procure l'avantage de
s'approvisionner de sucre à bon marché ?
2° Ferez-vous le
sacrifice de plus de six millions destinés à vos classes ouvrières et à
diverses industries en faveur des classes ouvrières et industrielles
étrangères.
3° Renoncerez-vous à
faire produire à la Belgique le sucre nécessaire à sa consommation, estimé de
10 à 12 millions annuellement, et cela sans diminuer en rien les autres
produits ?
Bien au contraire, en
améliorant le sol et en faisant produire de 20 à 25 p. c. les céréales
ensemencées à la suite de la culture de la betterave, tant sous le rapport de
la quantité que de la qualité.
4° En faisant produire
au sol belge une matière propre à remplacer le seigle employé à la fabrication
du genièvre.
En final,
donnerez-vous la préférence à l'étranger de vous fournir ce que vous pouvez
obtenir de votre sol, tout en augmentant les autres produits ? Accorderez-vous
du travail aux populations étrangères quand vos classes ouvrières vous en
réclament ? Non, messieurs, vous ne commettrez pas cet acte d'inhumanité. Cette
question étant d'une haute importance, je prie mes honorables collègues de ne
rien précipiter, de prendre tous les renseignements que l'industrie du sucre
indigène a droit de réclamer, devant un jour figurer au premier rang des
industries belges, et de ne se prononcer qu'après un mûr examen.
Je terminerai par
vous demander de nouveau un examen approfondi de cette question, en vous
assurant qu'aucun motif, autre que l'intérêt général, ne me guide ; c'est de
profonde conviction que je défends une cause que je considère comme étant d'une
haute importance pour la Belgique.
J'attendrai que tous les
orateurs qui se proposent de me combattre, aient fait valoir leurs moyens.
S'ils sont de nature à me convaincre, je reviendrai à leur opinion ; si au
contraire, ils ne me persuadent pas, je chercherai à me défendre et à soutenir
une cause que je considère d'une nationalité incontestable.
En adoptant que, par
suite d'un encouragement convenable à donner à l'industrie de la fabrication du
sucre indigène, on parvienne à obtenir la construction d'une quantité de
fabriques nécessaire à fabriquer 26 millions de kilogrammes de sucre indigène
en Belgique ; il suffirait de cultiver 18 mille hectares de terre en
betterave, soit à raison d'un p. c. de nos terres labourables.
N. B. Je connais un
cultivateur qui cultive en betterave plus de 30 p. c. des terres de son
exploitation et qui récolte une quantité supérieure en céréales, qu'il ne
récoltait avant cette culture, et qui nourrit plus de trente bêtes à cornes en
plus qu'il ne nourrissait avant la culture de la betterave destinée à la
fabrication du sucre.
On obtiendrait 15
millions de kil. de sucre nécessaire à la consommation ; en outre, 15 millions
destinés à l'exportation dont le commerce se chargerait du placement à
l'étranger au moyen d'une prime qui n'excéderait pas une dépense de la part du
trésor de plus d'un million en faveur de l'exportation, ce qui réduirait
l'accise à cinq millions, de 6 que doit percevoir l'Etat, s'il recevait le
droit intégralement sur la consommation du sucre ; de manière que l'Etat aurait
deux millions de recette en plus qu'il ne réclame, que la Belgique produirait
pour environ 20 millions de plus qu'elle ne produit en sucre, que la Belgique
produirait en alcool la quantité de 54 mille hectolitres de plus qu'elle ne
produit, d'une valeur de plus de 270,000 fr., que la navigation, au moyen de
cette prime d'un million, aurait le moyen de lutter sur les marchés étrangers
avec la Hollande ; qu'elle aurait des matières encombrantes pour compléter ses
chargements, et que par la suite au moyen d'encouragements qui ne
nécessiteraient aucun sacrifice de la part de l'Etat, la production du sucre de
betterave pourrait être quintuplée si le commerce trouvait le moyen de placer
l'excédant des produits sur la consommation à l'étranger, soit 117 millions de
kilogrammes. Alors si l'Etat voulait bien accorder deux millions de prime pour
l'exportation et conserver 3 à 4 millions d'impôt sur la consommation du sucre,
le pays produirait en sucre pour une valeur de 100 millions environ, en alcool
environ 1 million 300 mille francs en plus qu'il ne produit, augmenterait la
nourriture du bétail au moyen du résidu, augmenterait les produits en céréales
sur les terres cultivées en betterave à raison de 25 p. c. tant en qualité
qu'en quantité, ferait prospérer les diverses industries et procurerait du
travail à la classe ouvrière qui, jouissant de plus d'aisance, consommerait sur
une bien plus grande échelle les produits des autres industries et du commerce,
en même temps que des produits sujets aux droits d'accises.
Méditez et jugez.
La séance est levée à
4 heures 1/4.