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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du vendredi 5 juin 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives aux droits sur le bétail (Huveners),
et au chemin de fer du Luxembourg (David)
2) Projet de loi accordant
un crédit supplémentaire au budget du département des travaux publics, pour
l’inauguration du chemin de fer de Bruxelles à Paris (de Bavay)
3) Motion d’ordre relative
à la composition de la commission d’industrie (David, Malou)
4) Projet de loi relatif à
la concession du chemin de fer du Luxembourg (de Bavay, (+canal de
l’Ourthe, chemin de fer de l’Etat) Osy, (+chemin de fer de l’Etat centré sur
Bruxelles et projet de chemin de fer de Bruxelles à Gand) (de Naeyer,
de Bavay,
d’Elhoungne,
(ordre des travaux de la chambre) (Delfosse, de Renesse, Huveners)),
(+chemin de fer de Wavre à Landen) de La Coste, Mast de Vries,
Zoude,
Osy,
Zoude,
Dechamps,
d’Hoffschmidt,
Pirson,
de Bavay)
(Annales parlementaires de
Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Vilain XIIII.)
(page 1552) M. Huveners fait l'appel nominal à une heure un
quart, et lit le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est
adoptée.
Il présente ensuite l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Les conseils communaux de Peer et de Wychmael
demandent que le gouvernement ne consente pas à une réduction de droits
d'entrée sur le bétail hollandais. »
« Même demande du conseil communal et de plusieurs habitants de Hechtel.
»
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Huveners demande que la commission soit invitée à faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
________________
« La chambre des avoués près le tribunal de Nivelles prie la chambré de
discuter pendant la session actuelle le projet de loi qui modifie les tarifs en
matière civile. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen du projet.
« Les membres du conseil communal de Spa présentent des observations
contre le paragraphe 2 de l'art. 47 du cahier des charges de la concession du
chemin de fer de Luxembourg. »
« Mêmes observations des membres du conseil communal de Stavelot. »
M. David. - Messieurs, la discussion relative au chemin de fer du Luxembourg
étant commencée, je ne vois d'autre moyen que de déposer ces deux pétitions sur
le bureau. Je demanderai en outre que la chambre veuille bien en ordonner
l'insertion au Moniteur.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, j'ai
l’honneur de déposer sur le bureau de la chambre un projet de loi tendant à
ouvrir au gouvernement un crédit de 40,000 fr. pour l'inauguration du chemin de
fer belge-français.
La chambre comprendra qu'il m'importe à un haut degré d'être
prochainement fixé sur le sort de ce projet. Je demanderai en conséquence que
la chambre veuille bien le renvoyer à la section centrale du budget des travaux
publics, considérée comme commission spéciale. Cette commission pourrait faire
son rapport à l'ouverture de la séance de demain ; le projet, qui ne donnera
probablement pas lieu à une discussion prolongée, pourrait alors être voté
demain même. (Interruption.)
Des
membres. - La lecture.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). donne
lecture de l'exposé des motifs du projet de loi. Ils sont ainsi conçus :
Messieurs, en exécution de l'engageaient que j'ai pris devant la
chambre, dans sa séance du 2 de ce mois, j'ai l'honneur de présenter un projet
de loi tendant à ouvrir au département des travaux publics, un crédit pour
l'inauguration des chemins de fer belges-français.
(page 1553) Je n'insisterai pas, messieurs,
sur la nécessité d'une inauguration internationale. La chambre comprendra, j'en
ai la conviction, qu'un devoir de bienséance nous commande de répondre par des
invitations, aux invitations qui nous seront adressées de France. La chambre
comprendra aussi qu'il peut être utile de rehausser par une fête nationale,
digne du pays, l'hospitalité que nous offrirons à nos voisins du Midi.
Le crédit demandé s'élève à 40,000 francs.
Ce chiffre paraîtra peut-être élevé, mais il est rigoureusement
indispensable pour faire les choses convenablement, ce que j'établirai au
besoin.
Actuellement, je me borne à faire remarquer que l'inauguration
internationale belge-rhénane, pour laquelle le gouvernement a été si
puissamment secondé, d'abord, par le commerce et la ville d'Anvers, et ensuite
par des sociétés et l'administration communale de Liège, a coûté cependant à
l'Etat, en dépenses directes et définitives, une somme de 28,000 francs.
A cette somme est venue se joindre la dépense du double transport des
invités, dépense qui, pour la prochaine inauguration, sera en presque totalité
à la charge de la société du chemin de fer du Nord.
- La chambre ordonne l'impression et la distribution du projet ainsi que
de l'exposé des motifs, et le renvoie à l'examen de la section centrale du
budget des travaux publics.
MOTION D’ORDRE
M. David. - Messieurs, par suite de l'avènement de l'honorable M. de Theux au
ministère de l'intérieur, nous avons à le remplacer dans la commission
d'industrie. Je demanderai qu'il soit procédé sans délai à ce remplacement, car
l'examen de plusieurs questions est suspendu parce que la commission est
incomplète. Je demanderai que la chambre veuille bien fixer un jour pour la
nomination d'un membre de la commission d'industrie.
Plusieurs
membres. - C'est inutile. La
session touche à sa fin.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, cette nomination prendrait quelque temps et l'utilité en
est au moins douteuse à l'époque actuelle de la session. La commission d'industrie
est encore composée de 8 membres, tandis que le règlement n'en exige que 7.
M. David. - C'est que bien des questions peuvent se décider, tantôt dans un sens,
tantôt dans un autre, selon que telle ou telle opinion se trouve en majorité
dans la commission. Quoiqu'il en soit, la chambre ne me paraît guère disposée à
adopter ma proposition, et je n'insisterai pas. La commission ne sera plus en
nombre impair et alors comment prendre une décision en cas de partage de voix ?
PROJET DE LOI RELATIF
A LA CONCESSION DU CHEMIN DE FER DU LUXEMBOURG
Discussion générale
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs,
l'honorable M. Pirson m'a adressé hier deux questions. Il m'a demandé d'abord
si je me suis assuré, de manière à en avoir une conviction profonde, que la
société étrangère, sollicitant la concession du chemin de fer du Luxembourg,
n'est pas une société d'agioteurs.
Je crois devoir faire remarquer, en premier lieu, que le projet en
discussion qui, je le déclare, a toutes mes sympathies, n'est cependant pas mon
œuvre ; ce n'est pas moi qui ai eu l'honneur de le présenter, ce n'est pas moi
par conséquent qui ai eu à examiner la question sur laquelle l'honorable M.
Pirson désire une explication.
Je ferai remarquer en second lieu qu'il est fâcheux que l'honorable M.
Pirson ait attendu l'ouverture de la discussion publique, pour appeler
l'attention du gouvernement et de la chambre sur une question de ce genre. ; je crois que cette question est, de sa nature, une de celles
qu'il nous eut été utile de traiter en section centrale, et on devait d'autant
moins s'attendre à la voir surgir aujourd'hui, qu'on s'est adressé au ministre
pour des questions moins importantes, lesquelles, dès lors devraient être
regardées comme les seules à l'égard desquelles la chambre désirât des
renseignements ultérieurs.
Quoi qu'il en soit, je déclare que, dans ma conviction, les personnes
avec lesquelles le gouvernement a traité, ne sont pas des agioteurs. Je puis
déclarer à la chambre qu'avant de traiter avec ces messieurs, le gouvernement a
eu soin de prendre des renseignements, et que ces renseignements ont été
entièrement favorables.
Je dirai en second lieu que dans toutes les relations que j'ai eu
l'honneur d'avoir avec ces personnes, j'ai toujours reconnu en elles des hommes
sérieux, honorables et auxquels on ne peut supposer aucune pensée d'agiotage.
Je ferai remarquer encore que si les directeurs de la Société du
Luxembourg étaient des agioteurs, ils n'auraient aucun intérêt à insister sur
le vote de la loi en discussion. Les actions du chemin de fer du Luxembourg,
comme beaucoup d'actions semblables, se sont négociées, à une certaine époque,
avec primes ; mais cette époque est passée ; aujourd'hui, il n'y a plus de
primes, il y a une certaine perte. Il s'ensuit que le vote de la loi mettra les
directeurs de la société dans l'obligation de compléter leurs versements, pour
ce qui les concerne personnellement, et d'exiger des versements ultérieurs des
personnes qui se sont intéressées à l'entreprise ; tandis que si la loi en
discussion est rejetée, le remboursement des fonds versés serait de droit ;
dans ce cas les actionnaires auraient la chance d'obtenir, à titre de
remboursement une somme supérieure à la valeur réelle actuelle des actions.
Je dis donc que si les directeurs du chemin de fer du Luxembourg étaient
des agioteurs, leur intérêt devrait les pousser à désirer la non-adoption du
projet. Au lieu de cela, ils demandent l'adoption du projet, ils la demandent
de la manière la plus instante.
Je ne terminerai pas sans déplorer ce que la question posée par
l'honorable M. Pirson a de véritablement fâcheux. L'opinion s'est généralement
répandue à l'étranger, en Angleterre surtout, qu'il y a en Belgique peu de
bienveillance pour ceux qui viennent y apporter leurs capitaux, pour ceux qui
viennent, au moyen de leurs capitaux, mettre notre sol en valeur. Cette opinion
n'est pas une chose heureuse, il faudrait travailler à la déraciner plutôt qu'à
la renforcer.
L'honorable M. Pirson a demandé en second lieu, si je puis
« prendre l'engagement qu'un chemin de fer partant de la vallée de la
Meuse, de Namur à la frontière française, et venant aboutir au railway du
Luxembourg sur la partie comprise de Ciney à Neufchâteau, pourrait être
exécuté, sans que la compagnie fût en droit de réclamer le bénéfice de la
clause prohibitive insérée dans l'article 47 du cahier des charges. »
Je ne pense pas, messieurs, que la compagnie aurait un intérêt réel à
demander l'exclusion de la branche de chemin de fer indiquée par l'honorable M.
Pirson. Je conçois même que cette branche de chemin de fer, considérée comme
affluent, puisse, à certains égards, être utile à la ligne même du chemin de
fer du Luxembourg ; mais là n'est pas la question. La difficulté tient à ce que
l'on ne pourrait répondre affirmativement à l'honorable M. Pirson, sans
établir, dès aujourd'hui, une interprétation restrictive de l'article. 47, si
pas même une dérogation à cet article.
Cette dérogation, appliquée au chemin de fer, indiqué par l'honorable
membre, n'a pas une fort grande importance ; mais je pense qu'elle renfermerait
un danger pour l'entreprise, en ce sens que les actionnaires se basant sur ce
que le cahier des charges aurait été modifié, pourraient, de ce chef, demander
la dissolution de la société et la restitution de leurs versements.
Voilà, messieurs, quelle est, suivant moi, la difficulté réelle soulevée
par cette seconde question de l'honorable M. Pirson.
J'aurai à revenir un instant sur la première question de l'honorable
membre, pour un fait que j'ai omis de signaler à l'attention de la chambre.
L'honorable M. Pirson désire savoir si l'opération du chemin de fer du
Luxembourg n'aurait pas été montée et organisée au détriment des actionnaires,
et si, par suite, les actionnaires ne pourraient pas retirer leur concours à
l'entreprise.
Je puis faire connaître à l'honorable membre et à la chambre qu'une
assemblée générale des actionnaires a été provoquée, il y a peu de temps, par
quelques membres dissidents de la société. Cette assemblée générale a eu un
résultat tout contraire à celui attendu par les propriétaires de la réunion.
Dans cette assemblée générale la gestion des administrateurs a été approuvée
par la presque unanimité des intéressés présents.
Cette circonstance prouve parfaitement, selon moi, qu'on ne peut
considérer les actionnaires comme ayant été lésés.
L'honorable M. Pirson a insisté hier sur ce que le gouvernement aurait
assigné au chemin de fer du Luxembourg un but grandiose en dehors des réalités.
Je pense que l'honorable membre a mis dans cette assertion une immense
exagération.
J'ai vérifié ce matin que le seul passage qui assigne au chemin de fer
du Luxembourg le caractère de ligne de jonction entre la mer du Nord et la mer
Adriatique, n'occupe en tout qu'une ligne dans un exposé des motifs de douze
pages.
Voici ce passage :
« La ligne primitive de !a Meuse à Arlon devient aujourd'hui une ligne
de Bruxelles à Metz et à Trèves ; l’avenir lui assigne sa place dans la ligne
européenne de la mer du Nord à l’Adriatique.»
Le gouvernement s'est borné à indiquer, en une seule ligne, ainsi que je
viens de le faire remarquer, une éventualité.
Ce qui, aux yeux du gouvernement, constitue l'utilité la plus réelle, la
plus grande, la plus immédiate du chemin de fer du Luxembourg, c'est qu'il sera
une voie de communication très importante pour une grande partie de la province
de Namur, pour le Luxembourg, et pour le pays tout entier, et qu'il nous créera
des relations faciles avec l'Allemagne méridionale, la Suisse et les
départements de l'est de la France.
Voilà quels ont été pour le gouvernement les résultats certains,
immédiats de l’établissement du chemin de fer du Luxembourg.
La jonction de la mer du Nord avec l'Adriatique n'est, pour le
gouvernement, qu'une éventualité, sur laquelle il n'a pas insisté, et qu'il
s'est borné à indiquer.
L'honorable M. Pirson pense qu'il est nécessaire qu'on n'accueille pas,
sans discernement ni sans mesure, toutes les demandes de concessions de chemins
de fer, qui pourraient être fermées.
A ce point de vue, messieurs.je suis heureux de le dire, je suis
entièrement d'accord avec l'honorable membre. C'est chez moi une conviction
très arrêtée que toutes les demandes de concession de chemins de fer actuellement
pendantes doivent être examinées de très près et qu'il doit y avoir plutôt
tendance à ajourner et à rejeter qu'à accueillir avec une facilité très grande.
Mais je ne pense pas, messieurs, que cette considération soit applicable
au chemin de fer du Luxembourg, qui a fait l'objet d'études très sérieuses,
études qui sont connues de tous les membres de la chambre.
(page 1554) Il
est, du reste, évident que le chemin de fer, considéré dans son ensemble, est,
pour le pays, une des plus belles conceptions possibles, conception tellement
belle, messieurs, que si elle eût été indiquée il y a quelques années, on l'eût
regardée comme absolument irréalisable.
Je ne me dissimule pas, messieurs, que cette entreprise est hardie,
qu'elle demandera à être conduite avec prudence et avec esprit de suite,
qu'elle demande le déploiement de grands efforts de la part de ceux qui seront
appelés à la conduire. Mais j'ai aussi la conviction que, sagement conduite,
elle est susceptible de se réaliser et que, réalisée, elle sera un fort beau
titre de gloire pour mes honorables prédécesseurs qui s'en sont occupés, et en
particulier pour l'honorable M. d'Hoffschmidt qui l’a présentée à la chambre.
M. Osy. - Messieurs, je commencerai par vous dire que la concession du chemin
de fer du Luxembourg étant une affaire très importante, j'ai pris des
renseignements pour savoir si les concessionnaires étaient véritablement des
personnes sérieuses, si nous pouvions espérer de voir cette route achevée par
la compagnie demanderesse. Eh bien, messieurs, mes renseignements sont tout à
fait favorables. Je crois donc que l'honorable M. Pirson peut être complétement
rassuré. S'il y a agiotage, ce sera à Londres sur les actions. Mais la
direction est sérieuse, et je crois qu'elle dispose de capitaux suffisants pour
mener à bien cette affaire.
Nous voyons, en outre, que la compagnie a déjà déposé un cautionnement
de 5 millions dans les caisses de l'Etat. La même compagnie s'engage à achever
le canal de l'Ourthe ; déjà elle a repris des anciens actionnaires la partie du
canal achevée, et a déboursé de ce chef plusieurs millions. De sorte que je
crois que la Belgique peut dire qu'elle a une garantie d'au moins 10 millions
pour cette entreprise.
Etant donc complétement rassuré de ce côté, je crois que nous pouvons
examiner avec attention le projet qui nous est soumis.
Je crois que plus nous pouvons donner des voies de communication à la
Belgique, et plus nous amènerons chez elle de prospérité, et j'applaudis beaucoup
à la création de la nouvelle voie qu'on propose ; voie qui doit fertiliser une
province pour ainsi dire oubliée et y amener la richesse et l'augmentation de
la population.
Mais, messieurs, avant de donner mon assentiment à ce projet, je me
demande où nous allons.
Il est bien décidé que le gouvernement ne fera plus de chemin de fer aux
frais de l'Etat et que nous sommes définitivement entrés dans la voie des
concessions. Je crois que telle est l'opinion de la chambre et du pays.
Messieurs, l'année dernière nous avons voté différentes concessions qui,
d'après moi, devront faire un très grand mal au chemin de fer de l'Etat. Car on
pourra traverser le pays par les chemins de fer concédés sans presque toucher
au chemin de fer de l'Etat. Je citerai seulement quelques exemples qui vous en
donneront la preuve.
On pourra venir de Calais, par les chemins de fer concédé, de la
Flandre, jusqu’à Gand, sans toucher au chemin de fer de l'Etat ; de Gand
jusqu'à Wetteren, il y a 15 kilomètres, ce trajet se fera par le chemin de fer
de l'Etat ; mais si nous concédons la route de Wetteren à Bruxelles, comme on
le demande et comme je désire qu'on le fasse, c'est par cette route que les
voyageurs venant de Calais se rendront à Bruxelles ; arrivés à Bruxelles, pour
aller aux Indes, comme on l'a dit hier, ils se rendront à Arlon par le chemin
de fer concédé du Luxembourg. Ainsi, on pourra aller de Londres aux Indes en ne
parcourant que 15 kilomètres du chemin de fer de l'Etat.
En arrivant de France pour aller en Allemagne, on pourra également ne
pas même toucher au chemin de fer de l'Etat. Il est question de faire une route
de Paris par Saint-Quentin ; si le gouvernement consent à ce que cette route
passe par Maubeuge pour se relier au chemin de fer concédé l’année dernière,
par Manage, on ira de là à Namur, à Liège et à Arlon sans toucher au chemin de
fer de l'Etat. Je dirai, ici, en passant, que si jamais cette route se fait, le
gouvernement devra avoir bien soin de ne permettre le passage de la route de
St-Quentin, que par Bavay.
Vous voyez donc, messieurs, que les chemins de fer qui ont été concédés,
je dois le dire, avec beaucoup de légèreté, peuvent, dans un temps donné,
devenir très préjudiciables au chemin de fer de l'Etat. Je crois que le
gouvernement, avant d'entrer dans le système des concessions, aurait dû faire
un plan général du pays et prendre toutes les précautions nécessaires pour ne
concéder des chemins de fer qu’avec la certitude qu'ils ne nuiraient pas au
chemin de l'Etat. Je ne sais pas si aujourd'hui il n'est pas trop tard. Mais,
véritablement, je crois qu'après ce qui a été fait l'année dernière, nous ne
devrions plus avoir que le système des concessions.
Je dirai à ce sujet mes idées ; elles n'ont pas encore été produites à
la tribune ; elles heurteront, je le sais, quelques personnes ; mais comme j'ai
l'habitude de dire toute ma pensée, je les présenterai.
Je sais qu'il se trouve au ministère des travaux publics des
propositions par lesquelles on offre de reprendre le chemin de fer de l'Etat au
prix coûtant. Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de nous donner
des renseignements à cet égard. Il doit y avoir des propositions tant par écrit
que verbales et émanant de personnes très sûres, de la manière dont nous
procédons je suis persuadé que d'ici à quelques années, avec les chemins de fer
déjà concédés et ceux qui se trouvent encore dans le portefeuille du ministère
des travaux publics, les revenus du railway de l'Etat, loin d'augmenter,
pourraient très bien aller en diminuant, tandis que si nous le concédions pour
90 ans, au prix coûtant, au lieu d'avoir, comme l'a dit, il y a quelques jours,
M. le ministre des travaux publics, 4 1/2 p. c, nous aurions 6 p. c, car si on
nous payait le chemin de fer au prix coûtant, nous rembourserions les emprunts
qui nous coûtent 5 p. c. d'intérêt et 1 p. c. d'amortissement.
Mais, messieurs, une semblable concession ne pourrait certes avoir lieu
qu'à des conditions très sévères. Le cahier des charges devrait fixer un
maximum pour les tarifs des voyageurs et des marchandises. Il faudrait la
garantie que tous les fonctionnaires aujourd'hui au service du gouvernement
seraient employés par la compagnie. Nous avons un personnel beaucoup trop
nombreux ; la société le réduirait nécessairement, mais on pourrait s'arranger
de manière que ceux dont les fonctions seraient supprimées fussent employés sur
d'autres lignes concédées. II faudrait également que la compagnie garantît une
pension aux fonctionnaires que l'Etat emploie aujourd'hui, afin que jamais ils
ne pussent réclamer une pension à la charge du trésor. Il faudrait de plus que
le gouvernement eût la surveillance de l'exploitation et que les plus grandes
précautions fussent prises dans l'intérêt de la sécurité des voyageurs.
Je crois, messieurs, que c'est là une idée que le gouvernement devrait
mûrir. J'ai été d'autant plus amené à la soumettre à la chambre, que bien que
nous ayons été les premiers sur le continent, à construire des chemins de fer,
nous sommes cependant, il faut bien le dire, les plus arriérés pour l'exploitation.
(Nombreuses dénégations.) L'année
dernière, au commencement de la session, nous avons voté des fonds pour les
doubles voies ; nous avons insisté alors pour que notre railway fût achevé lors
de l'ouverture du chemin de fer de Paris à la frontière belge ; cette année
encore nous nous sommes déclarés prêts à voter des crédits pour cet objet ; eh
bien, le gouvernement ne nous en a pas demandé, le chemin de fer de Paris va
être livrés à la circulation, et nos doubles voies ne sont pas faites sur une
partie de la ligne du Midi.
Ensuite, messieurs, lorsque le chemin de fer de Paris sera ouvert, vous
verrez quelle différence il existe, pour le matériel, entre les chemins de fer
français et les nôtres. Je parle des chemins de fer français, parce que ceux-là
tout le monde pourra les examiner, tandis que nous n'avons pas autant de
communications avec l'Angleterre, parce que beaucoup de personnes iront à Paris
et qu'il en est peu qui se rendent à Londres. L'année dernière, dans la
discussion du budget des travaux publics, j’ai engagé l'honorable M. Dechamps à
envoyer des fonctionnaires à l'étranger pour voir les perfectionnements qu'on y
a apportés à l'exploitation des chemins de fer. Il faut en convenir, messieurs,
lorsqu'on voyage aujourd'hui en Belgique pendant 6 ou 8 heures, on est roué ;
rien n'est plus fatigant que d’aller, par exemple, à Cologne par le chemin de
fer. Je n'en fais pas de reproche au gouvernement ; nous avons été les premiers
à construire des chemins de fer, mais malheureusement nous n'avons pas marché
avec le progrès, nous sommes restés stationnaires en ce qui concerne
l'exploitation ; nous avons même rétrogradé, car au commencement on voyageait
beaucoup plus vite que maintenant ; c'est ainsi que presque toujours on allait
de Bruxelles à Anvers en une heure, tandis qu'il faut maintenant une heure et
demie ou une heure trois quarts ;
Il en est de même sur les autres lignes. Sous ce rapport donc nous
n'avons pas progressé. En Angleterre, la première année, on allait de Liverpool
à Londres en 11 heures ; peu après en 9 heures ; et aujourd'hui en 5 heures et
demie ; ces deux villes sont distantes de 70 lieues de 5 mille kilomètres.
Je dis que, sous le rapport de la commodité, de l'accélération et du
nombre des convois, nous sommes restés au même point où nous étions auparavant,
tandis que nos voisins ont réalisé une foule d'améliorations à cet égard.
Pourquoi n'avons-nous pas de convois de nuit ? Dès que le chemin de fer
sera livré à la circulation, vous aurez des convois de nuit pour Paris, convois
qui partiront le soir de Bruxelles et arriveront le matin à Paris.
Mais en Belgique, pour le moment, vous n’avez presque pas de convois de
nuit pour les marchandises ; aussi, en résulte- t-il beaucoup de retard dans le
transport des marchandises.
Si le gouvernement veut donc continuer à accorder des concessions, sans
faire en sorte que les voyageurs qui passent par les voies concédées doivent
passer par notre chemin de fer ; si le gouvernement ne veut pas suivre les
progrès de nos voisin ; je crois que dans ce cas nous ferions chose utile en
réalisant l'idée que j'ai indiquée, je veux parler de la cession de nos chemins
de fer.
C'est une idée neuve que j'émets ici, je le sais ; mais je crois que
beaucoup de personnes, dans la conversation, sont du même avis ; mais on n'en a
jamais rien dit à la tribune ; moi, j'énonce franchement cette opinion à cette
tribune ; je ne fais pas de proposition formelle à cet égard ; mais je pense
que le gouvernement doit examiner cette idée ; je crois même qu'il y a des
membres du gouvernement qui partagent mon opinion, mais qui sont trop timides,
et qui pensent que ce serait mal vu.
Messieurs, j'arrive maintenant à l'objet spécial en discussion.
Je dirai d'abord que j'ai étonné de ne pas voir, dans l'exposé du
projet, les plans des ingénieurs de la société. Lorsqu'une compagnie fait une
demande de concession, elle dresse ses plans et les soumet au gouvernement, et
le gouvernement désigne des ingénieurs pour contrôler les travaux de cette
compagnie ; ici je ne vois que les travaux de nos ingénieurs, de manière qu'il
n'y a aucun contrôle.
Je dirai ensuite que la confection des travaux dans un pays aussi étendu
et aussi accidenté que le Luxembourg, doit avoir coûté infiniment d'argent. Je
demanderai au gouvernement qui est celui qui paye ces travaux préliminaires.
Je m'exprimerai encore ici avec franchise ; l'on m'a assuré que la (page 1555) compagnie a payé 100,000 fr.
pour ces travaux ; je demanderai à M. le ministre des travaux publics de nous
dire d'une manière catégorique si ces 100,000 fr. sont entrés dans les caisses
de l'Etat. Dans les cahiers d'observations de la cour des comptes, vous voyez
que souvent on s'est plaint de ce que nos ingénieurs sont employés par des
sociétés concessionnaires à faire des travaux, et que jamais on n'a renseigné
la moindre somme pour ces frais.
.La grande observation que j'ai à faire contre le projet de loi,
s'applique à l'article 47 paragraphe 2 de la convention ; permettez-moi,
messieurs, de vous en donner lecture.
« Toutefois, pendant les douze premières années, à dater de la
promulgation de la loi de concession, il ne pourra être construit, entre la
Meuse, à l'amont de Liège et le chemin de fer de Liège vers Cologne, aucun
railway qui puisse faire concurrence au chemin de fer du Luxembourg, soit
qu'ils s'arrêtent l'un et l'autre dans la province de ce nom, soit qu'ils
s'étendent au-delà des frontières de France, de Prusse ou du grand-duché de
Luxembourg. »
Par cette clause, on nous enlève la faculté de faire parcourir aux
voyageurs et aux marchandises une route plus courte, route qui pourrait
devenir, pour l'Etat, la source d'un énorme revenu. Eh bien, messieurs, avant
que le projet de loi eût vu le jour, avant qu'il fût connu du public ; je puis
vous garantir qu'en Prusse, on a demandé au gouvernement une concession, pour
faire une route, partant de Pepinster par Spa, touchant à Stavelot et à
Malmédy, allant à Trêves, et se dirigeant de Trêves vers le Rhin, pour faire
ainsi la véritable communication, avec l'Inde, communication qui aurait été
raccourcie de 150 kilomètres ; tandis qu'aujourd'hui, avec un détour de 150
kilomètres, vous avez même à traverser des territoires étrangers. Qui vous
garantit qu'il sera possible de faire la route ? Vous devez traverser le
territoire du grand-duché ; or vous savez qu'en Hollande on n'accorde pas même
à des Hollandais le droit d'expropriation.
Eh bien, dans le Luxembourg on ne l'accordera pas davantage ; vous
n'avez aucune garantie que la route d'Arlon ira plus loin, tandis que le projet
par Pepinster, Spa, Stavelot vous conduisait à Trêves avec une distance moindre
à parcourir, sans avoir aucun territoire étranger à emprunter. Si maintenant
nous devons emprunter le territoire français, passer par Metz et Strasbourg et
rejoindre ainsi le Rhin, notre commerce ne se trouvera-t-il pas entravé de
toutes les manières ?
Je suis enchanté pour le Luxembourg qu'il ait trouvé moyen d'avoir un
chemin de fer, mais je trouve que le gouvernement a eu tort d'accorder le
deuxième paragraphe de l'article 47 du cahier des charges. La société a été
très adroite de l'obtenir ; mais par la même raison le gouvernement a eu tort
de l'accorder. Mais y a-t-il nécessité, pour favoriser une contrée, de faire
tort à l'autre ? Car toute la province de Liège préférera aller directement à
Trêves et de là à Manhiem par la route la plus
courte, que d'y aller par Arlon, sans avoir la certitude d'atteindre Trêves. Je
vais faire le calcul de la distance de Liège à Trêves par Pepinster, Spa et
Stavelot.
Je trouve par cette voie 150 kilomètres ; par Namur et Arlon, je trouve
306 kilomètres. Voilà une différence de 150 kilomètres. Vous me direz qu'il ne
faut pas calculer la distance de Liège à Namur, je l'admets ; de Namur à Liège,
il y a 12 lieues, soit 60 kilomètres ; il reste encore 96 kilomètres de
différence, ce qui fait encore 19 lieues. Vous voyez qu'en favorisant une
partie du pays, on fait un très grand tort à l'autre. Car la consommation des
produits de son commerce, à Malmedy, Stavelot et dans toutes les provinces
rhénanes, sera plus grande que dans le Luxembourg. Je trouve que le
gouvernement a commis une faute énorme en consentant à admettre une condition
qui fait un tort infini, non seulement à la province de Liège, mais à toute la
Belgique et à son commerce, et nous empêche la communication la plus courte, Manheim, par exemple, pour nous relier avec les voies
ferrées vers la Suisse et l'Italie, et celles vers Vienne et Trieste.
Je réserve mon vote sur le projet de chemin de fer dans le Luxembourg
jusqu'à ce que le gouvernement nous ait donné des renseignements sur cet
article ; car j'ai beau chercher dans l'exposé des motifs, je n'y trouve rien
qui justifie cette concession. Je lis à la page 11 :
« C'est aussi en raison de l'importance de l'entreprise qu'il a cru
pouvoir admettre, sauf ratification de la législature, une disposition tout
exceptionnelle, destinée à protéger la société contre la concurrence
d'entreprises rivales, disposition insérée à l'article 17 du cahier des charges
et portant que, pendant les douze premières années, à dater de la promulgation
de la loi de concession, il ne pourra être construit, entre la Meuse, à l'amont
de Liège et le chemin de fer de Liège vers Cologne, aucun railway qui puisse
faire concurrence au chemin de fer de Luxembourg, soit qu'ils s'arrêtent l'un
et l'autre dans la province de ce nom, soit qu'ils s'étendent au-delà des
frontières de France, de Prusse ou du grand-duché du Luxembourg. »
Voilà donc la seule raison pour laquelle on ne pourra pas faire cette
route...
Un
membre. - Pendant 12 ans.
M. Osy. - Pendant 18, parce que les 12 ans expirés, il faudra bien six ans
pour qu'une société se forme et obtienne la concession.
. Je sais qu'on me répondra qu'il ne se présente pas de société pour
faire le chemin de Pepinster à Trêves. Il s'était formé, au commencement de
mai, une société dont j'ai ici le prospectus ; elle a reculé devant le projet
de loi présenté à la chambre. Si la chambre confirme l'article 47 du cahier des
charges, en présence de l'impossibilité de rien faire avant dix-huit ans, cette
société abandonne son projet. C'est donc une faute énorme qu'on a là commise.
Vous, me direz : Cette ligne, on ne l'aurait pas faite sans cette condition. L'année
dernière vous auriez obtenu, le chemin de fer du Luxembourg sans cette
condition. Aujourd'hui, si nous la supprimons, les actionnaires seront
enchantés de pouvoir se retirer, commet l'a dit M. le ministre des travaux
publics. Vous vous rappelez l'empressement qu'on mettait alors à demander des
concessions.
Pour le chemin de fer
d'Entre-Sambre-et-Meuse, on demandait une garantie d'intérêt, mais en présence
de la plus petite opposition la compagnie s'est empressée de retirer cette
demande. Si l'honorable M. Dechamps avait tenu ferme et bien pesé les
conséquences de l'article 47, il aurait vu le tort qu'il faisait au pays en
procurant à cette condition un chemin de fer au Luxembourg. Aujourd'hui la
position est changée. Je réserve donc mon vote en attendant que le gouvernement
nous donne des renseignements autres que ceux insérés à la page 11 de l'exposé
des motifs. Je demande ensuite si les travaux des ingénieurs ont été payés par
la société et si les fonds sont entrés dans le trésor.
M. de Naeyer. - Mon intention, en demandant la parole, n'a pas été de m'occuper des
détails de la convention qui nous est soumise. Je n'ai pas une connaissance
suffisante des localités pour traiter la question de savoir si le tracé proposé
est le meilleur et le plus convenable, s'il satisfait aux exigences et aux
intérêts des localités autant que possible sans blesser l'intérêt général ou
sans faire échouer toute l'entreprise. Des observations ont été présentées à la
séance d'hier ; j'ai entendu l'attaque, j'écouterai la défense et je tâcherai
de me prononcer d'après l’intérêt du pays.
C'est en me plaçant à un point de vue plus général, que j'ai pris la
liberté de présenter à la chambre quelques observations. Je veux parler du
chemin de fer du Luxembourg-, en me plaçant au point de vue de l'ensemble du
système dont ce projet est une application.
Deux pensées me paraissent avoir présidé à la conception de ce projet ;
« L'idée qui a dominé d'abord les concessionnaires me paraît celle.de
faciliter, d'améliorer les relations de la capitale avec les centres de
population considérables du pays.
C'est ainsi que le chemin de fer du Luxembourg aura pour résultat de
relier, par une voie de communication plus directe que celle qui existe
aujourd'hui, non seulement le Luxembourg même, non seulement la province de
Namur, mais encore une partie notable du Brabant et peut-être même
l'arrondissement de Charleroy, et par conséquent toute la vallée de la Sambre
et même l'Entre-Sambre-et-Meuse.
Une autre pensée qui a dominé l'esprit des concessionnaires, c'est de
créée une grande ligne internationale destinée à mettre l'Angleterre en
communication sinon avec Pékin, au moins avec l'Est de la France, avec
l'Allemagne méridionale, avec la Suisse et même avec l'Italie.
C'est là évidemment le double caractère de ce projet.
On se demande ici naturellement s'il doit résulter un grand bien,, un grand avantage pour la Belgique, du passage des
voyageurs étrangers que nous amènent les lignes internationales, mais qui ne
font qu'effleurer notre territoire avec la rapidité de nos locomotives. Si l'on
ne devait faire entrer en ligne de compte que les dépenses que font les
voyageurs étrangers, en passant dans le pays, il faut avouer que l'avantage ne
serait pas considérable.
Je dis plus, c'est que l'avantage se réduit à des proportions assez
minces, quand on ne prend en considération que les produits de notre chemin de
fer, en admettant même que le passage ait lieu exclusivement sur les lignes de
l'Etat. En effet, si nous consultons la statistique de notre chemin de fer,
nous voyons que le mouvement des voyageurs de transit, tant de l'Allemagne et
de la France vers l’Angleterre, que de l'Angleterre vers l'Allemagne et France,
n'a pas produit, la centième partie des recettes du chemin de fer ; et il ne
pouvait guère en être autrement, parce qu'il y a une vérité évidente
aujourd'hui pour tout le monde, c'est que le principal élément de prospérité
des chemins de fer, considérés comme opérations financières, réside dans les
relations des centres de population séparés par des petites distances, parce
qu'en fait de chemins de fer, comme en fait d'impôts, ce sont les masses qui
produisent, et les masses ne feront jamais des voyages de long cours.
Mais je pense que la question que je viens d'aborder doit être envisagée
à un autre point de vue plus élevé.
Les lignes internationales ont surtout pour résultat d'effacer les
distances qui séparent les nations, et de rapprocher les hommes quel que soit
le pays auquel ils appartiennent. C'est ainsi qu'elles contribuent puissamment
au progrès de la civilisation qui est un peu l'affaire de tout le monde.
Les lignes internationales établies sur notre territoire ont encore pour
résultat de familiariser l'étranger avec la Belgique, de lui faire étudier le
pays par lui-même, de lui faire apprécier par lui-même les ressources, les
besoins du pays ; et cette appréciation c'est la source la plus féconde des
relations fructueuses, parce qu'elles sont fondées sur des intérêts réciproques.
Les grandes lignes internationales ont encore peur effet de multiplier
en Belgique les moyens de transport, chose extrêmement utile pour le pays, afin
de faciliter les relations des divers centres de population entre eux et avec
les pays qui nous avoisinent, car l'utilité des chemins de fer ne dépend pas
seulement de leur établissement ; elle est entièrement subordonnée au service
de leur exploitation, au nombre des convois qui y circulent. Sous ce rapport,
le passage des voyageurs étrangers vient puissamment en aide aux éléments de
locomotion dont le pays est doté, afin de donner de l'activité au service
d'exploitation de nos chemins de fer, et de nous faire jouir ainsi de nouvelles
facilités tant pour nos relations intérieures que pour communiquer avec les
pays étrangers.
(page 1556)
Je crois que ce peu de mots suffisent pour vous faire comprendre que ce
serait singulièrement amoindrir l'utilité d'une ligne internationale que de la
réduire à une simple question de dépenses que les étrangers seraient amenés à
faire dans le pays, ou même à une question de revenus pour les lignes de notre
railway.
Je viens à l'autre but de la création du chemin de fer du Luxembourg. On
a eu en vue d'établir les relations directes entre notre capitale et les
principaux centres de population. Ce but, je dois le signaler spécialement à la
chambre, parce qu'il me paraît éminemment national, et digne à ce titre de nos
encouragements, de notre sympathie.
Ne vous y trompez pas, notre capitale, c'est la condition sine qua non
de notre existence comme nation indépendante ; c'est notre ville à nous tous ;
c'est la ville de tous les Belges. Sans une capitale vraiment digne de ce nom,
point de Belgique indépendante possible. Nous devons, dans l'intérêt de notre
unité nationale, faire toujours en sorte que Bruxelles soit le centre réel de
nos relations intérieures, le lien qui resserre entre elles toutes les parties
de la Belgique, la source de notre communauté d'idées et de sentiments, le
rendez-vous général où tous les Belges apprendront à se connaître, à se
considérer comme les enfants d'une même patrie, quelle que soit la province ou
la ville qui les ait vus naître, quel que soit le langage qu'ils aient parlé
dès leur enfance.
La capitale c'est le cœur du pays. Il faut donc que les forces vives du
pays affluent constamment vers Bruxelles, non pour y être absorbées, car tel
n'est pas le rôle que la nature a attribué au cœur ; mais pour y être
retrempées en quelque sorte, pour y être pénétrées du caractère d'unité
national, afin que toutes nos provinces, tous nos centres de population soient
animés aussi d'un même esprit de patriotisme, d'un même sentiment de dignité
nationale, j'allais dire d'un même sentiment d'orgueil national.
Voilà le vrai organisme du pays que nous devons avoir à cœur, messieurs,
de corroborer et de développer sans cesse, surtout dans l'établissement de nos
voies de communication qui sont considérées à juste titre comme les grandes
artères destinées à porter la vie, le mouvement, la civilisation dans toutes
les parties du pays.
Or, sous ce rapport, il nous reste beaucoup à faire. En effet, Bruxelles
n'est touché aujourd'hui que par une seule ligne de nos chemins de fer, celle
dirigée du nord au midi, et l’on doit parcourir 4 lieues au nord et 6 lieues au
midi avant de rencontrer aucune autre branche de railway. La capitale, vers
laquelle devraient converger directement toutes les grandes lignes destinées à
desservir nos relations intérieures, se trouve ainsi dans un état d'infériorité
vis-à-vis de plusieurs autres villes d'une importance secondaire. C'est une
véritable entrave au jeu régulier de l'organisme du pays.
Messieurs, il y a deux périodes dans l'histoire de nos chemins de fer,
quoiqu'elle ne date pas de douze ans.
Lorsqu'en 1834 l’honorable M. Rogier, à force de persévérance, d'énergie
et de talent, est parvenu à faire adopter par nos chambres belges un réseau de
chemins de fer, on était en quelque sorte effrayé en présence de ce nouveau
mode de transport. Mais d'un autre côté on était subjugué par une nécessité
impérieuse, résultant en grande partie de notre séparation d'avec la Hollande.
On sentait qu'il était devenu indispensable de relier la Belgique commerciale,
de relier nos deux ports de mer à l'Allemagne et à la navigation du Rhin.
Le système fondé alors fut donc avant tout un système de lignes
commerciales et internationales, et le centre de ce système fut placé à
Malines. Pourquoi ? Parce que la situation topographique du pays indiquait
Malines comme pouvant servir de liens entre nos deux ports de mer dans leurs
rapports avec Cologne et l'Allemagne.
Mais bientôt on se familiarisa avec ce nouveau mode de transport, avec
les chemins de fer. En voyant fonctionner parmi nous cet agent si puissant de
civilisation, le pays en apprécia les résultats et les bienfaits ; les
premières frayeurs cessèrent et l'on comprit qu'il s'agissait tout bonnement
d'un immense progrès dans l'industrie qui a pour objet le transport des
personnes et des choses, et le chemin de fer fut adopté définitivement comme le
moyen le plus efficace de desservir des communications intérieures, et c'est
ainsi que la pensée de relier par la voie ferrée le plus de centres de
population possibles dicta la loi de 1837 qui marque une nouvelle période dans
l'histoire de nos chemins de fer. Dès ce moment un résultat était inévitable.
Messieurs, le centre réel de nos chemins de fer devait inévitablement se
déplacer. Et en effet, que Malines soit la métropole ecclésiastique de la
Belgique, je n’y trouve rien à redire ; qu'elle reste le centre des grandes
relations de nos deux ports de mer avec l'Allemagne, cela n'est que juste.
Mais vouloir que Malines, ville d'une importance secondaire, puisse être
adoptée comme le centre d'un système de communications intérieures du pays,
exiger en quelque sorte, que tous les voyageurs de l'est et de l'ouest viennent
saluer Malines, avant de se rendre à Bruxelles, je dis que c'est une prétention
exorbitante, et l’honneur du pays, je voudrais qu'elle ne trouvât plus un seul
défenseur dans cette enceinte.
Le centre de nos relations intérieures, mais c'est notre capitale. Le
cœur de la Belgique indépendante, mais c'est Bruxelles et non Malines. C'est
donc de Bruxelles que doivent rayonner directement toutes nos grandes lignes.
C'est à Bruxelles que doivent avoir leur origine les grandes artères destinées
à répandre dans toute la Belgique l'esprit de la civilisation belge.
Messieurs, les efforts qu'on pourrait faire pour contrarier ce résultat
seraient sans doute bien déplorables, puisqu'ils tendraient à dénaturer, à
entraver l'organisme de la Belgique. Mais ces efforts seraient encore stériles
et impuissants. En effet la statistique de nos chemins de fer constate qu'en
1845, 3,425,000 voyageurs ont circulé sur notre
railway. Or, sur ce nombre, il y a 614,900 voyageurs qui avaient Bruxelles pour
lieu de destination.
Examinons maintenant l'ordre d'importance de chacune de nos grandes
villes en ce qui concerne les arrivées de voyageurs. Nous trouvons qu'après
Bruxelles, vient Gand ; après Gand, Anvers ; après Anvers, Liège ; après Liège,
Ostende ; après Ostende, Herbersthal ; après Herbesthal, Bruges, et enfin après Bruges, Malines.
Malines, le grand centre de nos chemins de fer, et qui sans doute croit avoir
reçu des promesses d'immortalité pour conserver cette position, est placé au
huitième rang.
Vous voyez donc, messieurs, que le centre véritable de nos chemins de
fer, c'est nécessairement Bruxelles, puisque c'est vers Bruxelles qu'affluent
le plus grand nombre de voyageurs. Il ne pouvait en être autrement, du moment
où l'on a adopté les chemins de fer pour desservir les relations intérieures du
pays, parce que ce serait un contre-sens de dire que les relations intérieures
du pays puissent avoir un autre centre que la capitale.
Messieurs, en émettant cette opinion, nous n'entendons rien démolir.
L'œuvre de 1834 peut rester debout. Le centre, je le répète, des lignes
commerciales et internationales qu'on a votées en 1834, restera
debout. Mais qu'on ne dénature pas les intentions du créateur de cette œuvre.
En posant une borne miliaire à Malines, il n'a pas entendu, lui homme du
progrès, mettre un obstacle au développement régulier, progressif de nos
relations intérieures ; il n'a pas voulu substituer Malines à Bruxelles comme
capitale de la Belgique.
Messieurs, il n'est pas sans intérêt, je pense, de décomposer ce chiffre
de 014,900 voyageurs que les chemins de fer ont amenés à Bruxelles et d'en
faire la répartition entre nos quatre grandes lignes.
Or, je trouve que la ligne du Nord a amené à Bruxelles 232,209
voyageurs. Si j'en déduis les voyageurs qui ont eu pour point de départ la
station de Vilvorde, si j'en déduis en outre les voyageurs étrangers qui ont
pris leurs coupons à Anvers, il reste 170,725 voyageurs fournis ou envoyés par
la province d'Anvers, soit un voyageur sur 2 1/4 habitants.
La ligne du Midi a amené à Bruxelles 183,513 voyageurs. Si j'en déduis
encore une fois les voyageurs ayant pour point de départ les stations du
Brabant, et si j'en déduis en outre les voyageurs venant de France, il restera
90,874 voyageurs ; en ajoutant d'un autre côté les 3,220 voyageurs venus de
Tournay par la ligne de l'Ouest, je trouve 102,094 voyageurs envoyés à
Bruxelles par la province de Hainaut et par les provinces de Namur et du
Luxembourg, et en faisant encore une répartition je trouve 88,236 voyageurs pour
la province de Hainaut, soit un voyageur par 7 1/2 habitants et 13,858
voyageurs pour les provinces de Namur et du Luxembourg, soit un voyageur par 30
1/2 habitants.
Ces chiffres, messieurs, méritent quelque attention. Vous voyez que les
deux provinces de Namur et de Luxembourg n'ont envoyé à la capitale que 13 à
14,000 voyageurs. Evidemment, messieurs, cette infériorité de proportion ne
peut provenir que de ce que les relations de ces deux provinces ne sont pas
suffisamment desservies.
Cela provient évidemment du détour que les voyageurs venant des
provinces de Namur et de Luxembourg et se dirigeant vers la capitale, sont
obligés de faire par Braine-le-Comte. Une fois qu'il existera une communication
directe, le nombre de ces voyageurs augmentera considérablement, les relations
de ces provinces avec la capitale seront plus suivies. C'est une considération
puissante à l'appui du projet que nous discutons.
La ligne de l'Etat a envoyé à Bruxelles à peu près 100,000 voyageurs. En
déduisant encore les voyageurs qui ont pour point de départ les stations du
Brabant et les voyageurs venant de l'Allemagne, il ne reste plus que 55,000
voyageurs venant des provinces de Liège et de Limbourg ; ou un voyageur par 17
habitants.
La ligne de l'Ouest, messieurs, a amené à Bruxelles 94,865 voyageurs ;
si je déduis.de ce nombre ceux qui ont eu leur point de départ dans les
stations du Brabant, ceux qui viennent de l'Angleterre, ainsi que les voyageurs
de Tournay, qui appartiennent au Hainaut, il ne reste plus que 73,497 voyageurs
pour les deux Flandres, soit un voyageurs par vingt habitants. Ces chiffres
prouvent qu'il n'existe pas d'égalité proportionnelle entre les avantages que
notre railway rend à nos différentes provinces pour desservir leurs relations
avec la capitale ; d'où cela provient-il ? Sans doute cela provient en grande
partie de ce que les distances qui séparent nos différentes provinces de la
capitale ne sont pas les mêmes ; mais si les distances plus ou moins grandes
résultant de la situation topographique du pays exercent cette influence sur
Bruxelles seulement, le mouvement des voyageurs que l'allongement de parcours
résultant de la direction du chemin de fer doit produire le même effet, et
c'est sous ce rapport que notre réseau actuel exige des rectifications et des
améliorations. Deux de nos provinces, celle d'Anvers et celle du Hainaut, sont
aujourd'hui reliées directement (au moins en partie) à la capitale, et il
résulte des chiffres posés plus haut, qu'elles ont envoyé à Bruxelles,
proportionnellement à leur population, un nombre de voyageurs beaucoup plus
considérable que les autres. L'allongement de parcours qui existe encore
aujourd'hui au détriment de six de nos provinces, est un véritable grief pour
ces provinces, et ce grief pèse en même temps de tout son poids sur Bruxelles.
Messieurs, je viens de dire que les deux Flandres qui forment le tiers
du pays sous le rapport de la population et sous le rapport de la production
des richesses nationales, n'ont envoyé en 1845 à Bruxelles que 73,500 voyageurs,
c'est-à-dire, seulement 16,000 voyageurs de plus que (page 1557) la petite ville de Vilvorde ; ce résultat, si
extraordinaire, s'explique cependant naturellement par l'état incomplet et
imparfait de nos voies ferrées, surtout en ce qui concerne les communications
des deux Flandres avec Bruxelles. D'abord on a isolé entièrement du réseau de
notre railway, un des arrondissements les plus importants des Flandres, un
arrondissement qui a une population de 140 mille habitants, où l'on compte
trois centres considérables d'industrie et de commerce, savoir : Alost,
chef-lieu ayant une population de 15,000 âmes, Grammont ayant une population de
8,000 habitants et Ninove ayant une population de 3 à 6,000 habitants. Or,
c'est justement cet arrondissement qui aurait dû fournir un nombre considérable
de voyageurs à Bruxelles, par cela même que c'est celui des deux Flandres qui
est le plus rapproché de la capitale.
Il suffit en effet de jeter les yeux sur la carte pour reconnaître que
l'arrondissement d'Alost... (Interruption.)
Je ne puis prononcer le nom de l'arrondissement qui m'a envoyé ici, sans
exciter des murmures sur certain banc, alors je n'ai plus qu'à renoncer à la
parole et à me retirer de la chambre. (Non
! non ! parlez ! parlez !)
Eh bien ! messieurs, cet arrondissement on l'a
isolé de la manière la plus complète par la direction qu'on a donnée au chemin
de fer ; il n'est pas la moindre partie de cet arrondissement qui soit
traversée par le chemin de fer, il semblerait qu'on a eu peur d'y passer.
Un autre vice, messieurs, consiste dans le détour que l'on est obligé de
faire par Malines. Gand ne se trouve qu'à 10 lieues de Bruxelles et le tracé
qui a été suivi pour le chemin de fer met ces deux villes à 13 lieues l’une de
l'autre. Aussi Gand, qui a une population de 100,000 âmes, n'envoie à Bruxelles
que 39,000 voyageurs, tandis que Malines, avec une population de 24,000
habitants, y envoie plus de 70,000 voyageurs, tandis que Vilvorde y en envoie
57,000.
Vous voyez donc, messieurs, que le prolongement de la distance réelle
exerce l'influence la plus pernicieuse sur les relations des deux Flandres avec
la capitale, et qu'il y a, sous ce rapport, un changement radical à opérer, un
système nouveau à substituer au système actuel.
M. Rogier. - Il ne s'agit pas d'un système nouveau ; il s'agit d'un simple
embranchement. !
M. de Naeyer. - Je ne viens pas dire que l'honorable M. Rogier a eu en 1834 une
conception malheureuse ; loin de là, personne plus que moi ne rend hommage au
service signalé que l'honorable membre a rendu au pays dans cette circonstance.
A cette époque, il s'agissait de créer des relations commerciales et
internationales, et le centre de ces relations, d'après la situation
topographique du pays, devait nécessairement être Malines. Malines est le
centre naturel entre nos deux ports de mer et l'Allemagne.
Telle était la situation des choses en 1834, parce qu'alors il
s'agissait uniquement de relier l'Océan et l'Escaut au Rhin dans un intérêt commercial
; on ne songerait alors qu'accessoirement à la circulation intérieure ; on
avait peur alors des chemins de fer ; mais il n'en est plus de même aujourd'hui
; aujourd'hui les chemins de fer sont considérés comme un immense progrès ;
aujourd'hui on les demande pour mettre en rapport les différentes localités du
pays, et dès qu'on les examine sous ce point de vue, Bruxelles doit
nécessairement en être le centre ; c'est la capitale qui doit être le point de
départ de toutes les grandes artères du pays.
Messieurs, la nécessité de cette amélioration à apporter au système de
notre chemin de fer, en tant qu'il est destiné à desservir les relations
intérieures, cette nécessité ne peut plus être sérieusement contestée.
Messieurs, j'appuie de toutes mes forces le chemin de fer du Luxembourg,
en tant qu'il est une application de cette amélioration à nos voies de
communication. Mais d'autres applications de ce même système sont exigées par
des besoins bien impérieux, par des intérêts au moins aussi puissants que ceux
qui militent en faveur du projet.
Le projet sur lequel j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention de la
chambre, lors de la discussion du budget des travaux publics, en 1844, celui
d'un chemin de fer direct entre Bruxelles et Gand ; ce projet est une application
du même système ; si vous reconnaissez l'utilité du chemin de fer sur lequel
nous discutons, vous devez, par les mêmes motifs, reconnaître la haute utilité
du chemin de fer direct de Bruxelles vers Gand par Alost.
Messieurs, une chose qui m'étonne, c'est que le projet dont je parle ne
nous ait pas été présenté simultanément avec celui qui est en discussion. Je
vous expliquerai le motif de mon étonnement.
D'abord, notre projet est plus ancien ; je dirai même que l'idée de ce
projet émane d'un homme qui est assis aujourd'hui sur les bancs du ministère ;
lorsque M. de Theux est venu, en 1839, présider dans la ville d'Alost, à une
fête intéressante, on lui a fait une peinture bien réelle, mais en même temps
très sombre de la situation de la ville d'Alost. On lui a fait voir comment
tous les éléments de prospérité lui avaient été en quelque sorte enlevés par la
construction du chemin de fer de Malines à Gand, comment elle a été pour ainsi
dire retranchée de la Belgique, par suite de cette construction, et l'honorable
M. de Theux, qui a pu se convaincre par lui-même de la réalité de ces plaintes,
a dit aux administrateurs : « Prenez encore un peu de patience ;
laissez-nous achever nos lignes de chemins de fer actuellement décrétées ;
demandez alors la construction d'un chemin de fer direct de Bruxelles à Gand
par Alost ; insistez fortement, et vous l'obtiendrez. » Eh bien, nous venons
aujourd'hui, au nom de la loyauté et de l'honneur, demander l’accomplissement
de cette promesse, gravée profondément dans la mémoire de nos populations.
Messieurs, notre projet est donc plus ancien ; je dirai aussi qu'il a
été étudié d'une manière plus complète et plus approfondie ; je suis autorisé à
faire cette déclaration, quand j'ai sous les yeux le travail si remarquable de M.
l'ingénieur Desart. Il n'est pas de question, se
rattachant à cette voie de communication, qui n'ait été exposée avec le plus grande lucidité et avec le plus grand talent.
L'honorable M. Pirson a indiqué hier plusieurs points relatifs au chemin
de fer du Luxembourg, sur lesquels il serait désirable d'avoir des
éclaircissements plus complets ; eh bien, je prierai cet honorable membre
d'examiner avec attention le travail de M. Desart, et
il y trouvera tous les renseignements dont il croira avoir besoin pour se
former une conviction sur le chemin de fer de Bruxelles à Gand par Alost ; il
n'aura guère besoin ici de demander un supplément d'instruction pour former sa
conviction sur toutes les questions qui peuvent se rattacher à ce projet.
Comment se fait-il donc que notre projet n'ait pas eu l'honneur de
marcher simultanément avec le projet de chemin de fer du Luxembourg ? Nous ne
demandons pas à marcher avant les autres, mais nous demandons qu'au moins on
nous laisse marcher à côté des autres.
Dira-t-on que le chemin de fer du Luxembourg intéresse deux provinces ?
II en est de même du nôtre ; le nôtre intéresse les deux Flandres qui ont une
population presque quintuple de celle des provinces de Luxembourg et de Namur.
Dira-t-on que dans le chemin de fer du Luxembourg il s'agit d'une ligne
internationale ? Eh bien, notre projet fait aussi partie de cette même grande
ligne internationale qui doit relier Londres à l'Adriatique, notre chemin de
fer doit en former une des sections les plus importantes, il suffit de jeter
les yeux sur la carte pour s'en convaincre. Or, nous avons pu remarquer par la
discussion qui a eu lieu jusqu'ici qu'en ce qui concerne ces grandes lignes on
attache beaucoup d'importance à avoir le chemin de fer en ligne directe ; eh
bien sous ce rapport encore, il est indispensable d'opérer la rectification que
je viens réclamer.
Dira-t-on que le Luxembourg a été privé jusqu'ici d'un chemin de fer, et
que c'est un motif pour mettre quelque célérité à amener l'exécution du projet
qui a été présenté ?
Mais nous sommes encore dans le même cas ; l'arrondissement d'Alost a
été aussi privé jusqu'ici d'un chemin de fer, et comme j'ai déjà eu l'honneur
de le dire dans d'autres circonstances, notre arrondissement à lui seul est
presque aussi important que telle et telle de nos provinces. Je prouverai,
quand on voudra, qu'il existe en Belgique plus d'une province qui certainement
ne verse pas au trésor des revenus aussi considérables et surtout aussi nets
que l'arrondissement d'Alost, car les frais du service public se réduisent à
bien peu de chose dans notre arrondissement ; nous n'avons pas même de
tribunal, nous ; nous sommes obligés d'aller chercher la justice ailleurs ; le
traitement de quelques juges de paix, d'un commissaire de district, voilà les
principales dépenses que le gouvernement a à faire dans le pays d'Alost qui
contribue si largement à alimenter les caisses de l'Etat.
Mais, messieurs, si le Luxembourg n'a pas eu de chemin de fer jusqu'ici,
il a reçu en compensation deux millions pour la construction de routes
nouvelles. Je ne me plains pas de ce vote ; si j'avais eu alors l'honneur de
siéger dans cette enceinte, j'aurais adopté la proposition, parce que je veux
favoriser partout les voies de communication. Mais toujours est-il que nous
n'avons reçu, nous, aucune compensation ; on n'a rien fait en notre faveur ; au
contraire, on nous a tout enlevé, on nous dépouille des avantages que nous
procurait depuis si longtemps la belle chaussée de Gand à Bruxelles, avantages
que nous devions à notre situation topographique, à notre position au cœur du
pays et sur la ligne droite entre nos deux plus grands centres de population,
et tout cela sans compensation aucune. Une telle position, je le dis avec douleur,
est devenue intolérable.
Ainsi, la considération que le Luxembourg n'a pas eu jusqu'ici de chemin
de fer, est bien plus puissante en ce qui nous concerne ; elle devait avoir une
influence plus forte sur le gouvernement, pour l'engager à accélérer la
construction de la ligne dont je parle.
On dira peut-être que le chemin de fer que nous demandons est trop
important pour être abandonné à une compagnie. Mais, messieurs, le chemin de
fer du Luxembourg doit être aussi une de nos grandes artères, c'est aussi un
affluent direct vers la capitale. Sous ce rapport donc, encore une fois, il n'y
avait pas plus de raison pour retarder la présentation d'un projet de loi.
D'ailleurs, messieurs, la combinaison même qu'on a présentée pour
l'exécution de notre ligne, détruit complétement les objections que paraît
soulever le système de concession à l'égard des grandes lignes de l'Etat,
système adopté cependant pour le projet du Luxembourg.
Ce n'est pas à proprement parler une concession, le gouvernement serait
aussi maître de cette ligne que des lignes de l'Etat proprement dites. Suivant
la combinaison dont je parle et qui est exposée dans le travail si remarquable
de M. Desart, le chemin de fer entre Bruxelles et
Gand par Alost entrerait dans le domaine de l'Etat immédiatement après son
exécution, puisque le gouvernement pourrait l'exploiter avec tel tarif qu'il
jugerait convenable ; la compagnie n'aurait aucun droit quelconque sur la route
même, tous ses droits seraient limités aux produits des stations nouvelles.
On avait constamment objecté que la concession de cette ligne causerait
un immense préjudice au trésor, mais par la combinaison qu'on propose aucun
préjudice n'est plus possible.
Il n'en est pas de même de la concession du chemin de fer du Luxembourg,
elle aura pour résultat de faire diminuer certaines recettes actuelles du
chemin de fer de l'Etat, cela est incontestable ; car le voyageur (page 1558) qui prenait la route de
l’Etat pour aller à Namur et qui prendra à l’avenir la route de la compagnie
payera à la compagnie et vice-versa. Je sais qu’il y aura des compensations ;
aussi, j'avoue que cette diminution ne m'effraye pas, parce que je pense
qu'elle sera compensée par le produit de l'accroissement du nombre de
voyageurs- que le chemin du Luxembourg amènera comme affluent aux lignes de
l'Etat et notamment à la ligne du Hainaut, à celle d’Anvers et à celles des
Flandres, et qui circuleront sur les lignes de l'Etat.
Or, voyez encore ici la différence qu'il y a entre nos positions
respectives. Nous n'avons pas besoin de compensation, pourquoi ? Parce que nous
ne voulons abandonner aux concessionnaires aucune partie quelconque de nos
recettes actuelles mais seulement le produit des stations nouvelles.
Quant à l'influence sur les autres lignes, c'est une considération que
je puis invoquer aussi pour la ligne directe de Bruxelles à Gand ; je n’en ai
pas besoin parce que nous ne devons pas donner de compensation au trésor, ne
lui enlevant rien : cette influence sur les autres lignes de l'Etat sera donc,
en ce qui concerne notre ligne,, un bénéfice tout net
au profit de l'Etat. De manière que je ne vois aucune raison qui puisse
m'expliquer pourquoi le gouvernement n'a pas apporté à la présentation du
projet dont je parle autant d'ardeur que pour celui du Luxembourg. Je ne viens pas me plaindre de ce qu'on ait
fait trop pour cette province ; elle a toutes mes sympathies ; mais je me
plains de ce qu'on ne fait pas assez pour nous.
Nous demandons qu'on fasse quelque chose pour nous. Nous n'avons pas des
exigences exorbitantes, car depuis 12 ans nous souffrons ; on nous enlève nos
éléments de prospérité, les facilités de communication qui étaient la vie,
l'âme de notre commerce et de notre industrie. En compensation de ces pertes,
demandons-nous aujourd'hui qu'on impose des sacrifices au trésor, qu'on
construise pour nous une ligne aux frais de l'Etat ? Non ; nous demandons
seulement qu'on laisse faire une chose qui, non seulement ne peut pas nuire au
revenu de l'Etat, mais doit amener une augmentation de recettes.
: Je répète que je ne puis pas
m'expliquer la lenteur que le gouvernement apporte à la présentation du projet
que nous réclamons. Je ne révoque pas en doute les bonnes dispositions de
l'honorable ministre des travaux publics. J'ai eu souvent lieu de m'en convaincre
; elles ont été manifestées clairement dans cette enceinte, quand l'honorable
M. d'Elhoungne a interpellé M. le ministre sur la conduite que se proposait de
tenir le gouvernement relativement au chemin de fer de Bruxelles à Gand, et a
fait entendre que si le gouvernement ne présentait pas le projet de loi, il
userait de son droit d'initiative.
M. le ministre a répondu que la question était si bien étudiée qu'on
pouvait la considérer à peu près comme résolue ; il al reconnu que c'était une
affaire importante et urgente, et il a ajouté que le gouvernement ne la
perdrait pas de vue et prendrait une résolution qui dispenserait l'honorable
membre d'user de son droit d'initiative. Voilà des paroles bien rassurantes, et
cependant l'on est resté dans l'inaction.
Vraiment, on serait tenté de croire que les bonnes dispositions du
ministre des travaux publics sont paralysées, qu'il y a parmi ses collègues des
hommes obstacles qui ne veulent pas qu'on soit juste et impartial envers nous,
qui trouvent toujours des prétextes pour ajourner nos réclamations les plus
justes et les plus légitimés ;
Voilà des suppositions que certaines
circonstances légitiment ; J'attendrai les résultats ultérieurs pour savoir si
c'est là la position que le gouvernement entend prendre envers nous, et si mes
craintes se réalisaient à cet égard, je déclare que je ne cesserai de flétrir
une pareille conduite de toute l'énergie de mon âme.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, je dois
commencer par relever l'observation qui termine le discours de l'honorable
préopinant. Je pense que c'est aller fort loin, que c'est faire une supposition
au moins hasardée que de dire qu'il y a dans le ministère des hommes obstacles.
Je ne pense pas que mes honorables collègues méritent cette qualification. Je
pense qu'il eût été désirable que l'honorable membre se fût abstenu de cette
observation, même hypothétiquement.
Messieurs, je n'ai pas perdu de vue les explications que j'ai eu
occasion de donner sur le chemin direct de Bruxelles- à Gand par Alost, dans la
discussion du budget des travaux publics.
Depuis cette discussion j'ai fait de cette question l'objet de mes
méditations. Je puis dire qu'elle n'a pas été un instant perdue de vue. Mais
malgré ma bonne volonté, ma volonté très sérieuse dé ne pas laisser en suspens
une question qui est, on le peut dire, brûlante, je n'ai pu jusqu'ici arriver à
une solution.
: Vous vous souvenez, messieurs,
que dans la séance de samedi dernier la chambre a entendu la lecture d'une
pétition de la ville d'Alost, dans laquelle on insistait sur la prompte
exécution de ce chemin de fer direct. Vous vous souvenez également qu'il a été
décidé que cette pétition me serait renvoyée avec demande d'un rapport. Je me
suis dès lors considéré comme saisi delà pétition et j'ai formulé le rapport
que je comptais présenter à la chambre.
Si vous, voulez me le permettre, j'en donnerai lecture. (Lisez ! Lisez !)
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, j'ai
l'honneur de donner à la chambre des explications sur une pétition couverte
d'un grand nombre de signatures d'habitants de la ville d'Alost et relative à
l'exécution du chemin de fer direct de Bruxelles vers Gand par Alost.
Cette pétition tend à ce que l'on mette un terme à l'inquiétude des
populations par la présentation d'un projet de loi dans la session actuelle.
Je reconnais, messieurs, toute l'utilité du raccordement sollicité par
la ville d'Alost ; je reconnais également que les études-ont été faites avec
soin et que la question a été discutée, d'une manière approfondie, par un des
membres les plus distingués du corps de ponts et chaussées, dont le travail est
entre vos mains ; je reconnais enfin que, par l'établissement de nos chemins de
fer la ville d'Alost s'est trouvée dépossédée d'une partie des avantages
commerciaux qu'elle devait à sa position entre Bruxelles et Gand, et qu'à ce
point de vue surtout, la réclamation dont la chambre est saisie mérite toute sa
sollicitude.
Mais, messieurs, cette question du chemin de fer direct, de Bruxelles
vers Gand n'en est pas moins une question grave qui touche à des intérêts
divers, celui du trésor de l'Etat y compris ; et je ne pense pas qu'elle soit
du nombre de celles qui puissent recevoir une solution immédiate, du nombre de
celles sur lesquelles les chambres puissent, statuer avant la fin de la
session.
Cette question, messieurs, en renferme deux autres :
1° Etablira-t-on un chemin de fer direct de Bruxelles sur Gand ?
2° Comment ce chemin de fer sera-t-il établi ?
En d’autres termes, il faut que l’on se fixe d'abord sur le principe
même de l'établissement de la ligne nouvelle, de la rectification du système de
chemin de fer, décrété par la loi du ler mai 1834, et
ensuite sur le mode d'exécution.
Le principe, il faut bien le reconnaître, ne sera pas admis sans
difficulté ; il inspirera des défiances aux uns et sera vivement combattu par
les autres ; les localités les plus intéressées à son adoption doivent, dès
lors, désirer avant tout qu'il ne soit pas compromis, soit à défaut
d'instruction suffisante, soit par la présentation d'une proposition
incomplète.
Pour ce qui est du mode d'exécution, il me paraît démontré qu'entre
Bruxelles et Gand, au cœur même du réseau des chemins de fer de l'Etat, on ne
peut songer à intercaler le service d'une société concessionnaire.
Cette ligne devrait donc être exécutée par l'Etat, ou au moins à des
conditions qui laissassent l'exploitation aux mains du gouvernement.
Il serait même hautement désirable, pour une ligne de cette importance,
que la société concessionnaire n'eût pas même à intervenir dans, le règlement
des tarifs.
Fût-on
entièrement fixé sur le principe de la ligne nouvelle, il resterait à résoudre
la question de l'exécution par l'Etat ou de la concession à des conditions
toutes nouvelles, inusitées.
Avant de formuler une proposition à cet égard, le gouvernement doit
avoir le temps de la mûrir, il doit avoir la presque certitude non seulement
que sa proposition sera admise par les chambres, mais encore qu'elle pourra
conduire à un résultat d'exécution.
La chambre sait que les adversaires du projet demandent une enquête
préalablement à toute décision, à toute présentation de projet de loi.
J'ignore, messieurs, si cette enquête est destinée à jeter un jour nouveau sur
la question. Mais je reconnais qu'en la demandant, on élève une prétention
légitime. Je dirai plus, c'est que les partisans du projet doivent vouloir que
les observations de leurs contradicteurs puissent se faire jour en toute
liberté.
La discussion la plus libre et la plus complète est, au fond, ce qui
prépare le mieux la solution des questions controversées.
Certainement, messieurs, le gouvernement manquerait à un devoir s'il
opposait de l'indifférence, de l'inertie, aux inquiétudes de l'arrondissement
d'Alost. Mais c'est aussi pour lui un devoir impérieux de traiter une affaire
de cette importance sans précipitation et de ne soumettre aux chambres que des
propositions bien méditées, bien mûries.
(Pendant la lecture de ce rapport,
M. d'Elhoungne demande la parole pour une motion d'ordre.)
Cette note résume les observations que j'avais à présenter à la chambre
sur cette question.
Je reconnais que, d'après le discours que j'avais prononcé lors de la
discussion du budget des travaux publics, on pouvait s'attendre à la
présentation d'un projet de loi avant la clôture de la session ; mais un examen
plus approfondi de la question m'a convaincu que cette présentation ne pouvait
avoir lieu immédiatement.
Je ne suis pas, messieurs, un homme aventureux. Je pèche peut-être par
trop de circonspection. Le reproche m'en a été adressé.
Quoi qu'il en soit, je ne crois pas pouvoir déférer actuellement au
désir de l'honorable représentant d'Alost. Je puis néanmoins faire la
déclaration que je continuerai à m'occuper activement de cette affaire.
J'espère que tôt ou tard les honorables représentants d'Alost
reconnaîtront que j'ai porté à la situation de leur arrondissement un véritable
intérêt et qu'en ajournant cette question on arrivera à un résultat plus sûr et
meilleur peut-être que celui qu'on obtiendrait en voulant la trancher
immédiatement.
M. le président.
- J'accorderai à M. d'Elhoungne, qui l'a demandée, la parole pour une motion
d’ordre ; mais il est de mon devoir de rappeler à la chambre que ce qui est en
discussion, c'est le projet de loi relatif à la concession du chemin de fer du
Luxembourg, et que, si l'on s'occupe des chemins de fer d'Alost et de Louvain,
la discussion deviendra confuse et interminable. (Adhésion.)
M.
d’Elhoungne. - L'observation que
M. le président, vient de faire à la chambre m'était précisément venue à la
pensée lorsque j'ai (page 1559)
demandé la parole pour une motion
d'ordre. La chambre ne veut pas assurément, à propos de la concession du
chemin de fer du Luxembourg, discuter le chemin direct entre Bruxelles et Gand.
Cependant comme sur l’interpellation de l'honorable M. de Naeyer, M. le
ministre des travaux publics, satisfaisant à l'engagement qu'il avait pris dans
une séance précédente, a présenté un rapport sur ce projet de chemin de fer, je
demande par motion d'ordre que la chambre ordonne l'impression du rapport et,
mette la discussion de ces explications à la suite des objets qui sont à
l'ordre du jour.
C'est ainsi que l'on procède lorsqu'un
ministre, par suite de la demande de la chambre, donne des explications sur une
pétition.
De cette manière, la discussion pourra s'engager d'une manière régulière
et opportune.
M. Delfosse. - Je ne m'oppose pas à la proposition de l'honorable M. d'Elhoungne.
Mais je demande que la chambre mette aussi à l'ordre du jour la discussion du
rapport de l'honorable M. Zoude sur la pétition de Liége, relative à l'entrée
du bétail.
M. de Renesse. - Je demande alors que l'honorable M. Zoude dépose son rapport sur la
pétition de la Campine, qui demande qu'on, ne sacrifie pas à la Hollande les
intérêts de l'agriculture. Il ne s'agit pas d'entendre un seul intérêt ; il
faut les entendre tous.
M. Zoude. - Ainsi que je l'ai déclaré, mon rapport est prêt ; mais la commission
a jugé prudent d'en retarder le dépôt. La chambre n'a pas pris de décision en
sens contraire.
M. de Renesse. - C'est une erreur : la chambre a demandé un prompt rapport. Il y
aurait d'ailleurs injustice à entendre le rapport sur certaines pétitions et à
ne pas l'entendre sur les pétitions en sens contraire.
M. Huveners - Je suis fort surpris que la commission des pétitions trouve quelque
inconvénient à déposer le rapport sur les pétitions de la-Campine. Il y avait
les mêmes inconvénients, s'il n'y en avait pas de plus grand, à faire rapport
sur les pétitions de Liège ; car elles appuient les prétentions de la Hollande,
Je demande donc que la commission des pétitions présente son rapport et
que la discussion ait lieu simultanément sur ces deux catégories de pétitions.
M. Delfosse. - Soit, cela me paraît raisonnable. Mais alors il est nécessaire que
le rapport soit fait sans délai.
M. Zoude. - Il est prêt.
M. Delfosse. - Dans ce cas, je demande qu'il soit présenté à l'ouverture de la
séance de demain. (Adhésion.)
M. Desmet. - Sans doute ; car pour qu'on discute ce rapport, il faut qu'il soit
présenté.
- La chambre, adoptant ces propositions, ordonne l'impression et la
distribution du rapport de M. le ministre des travaux publics et en fixe la
discussion ainsi que celle des rapports sur les pétitions de la province de
Liége et de la Campine relatives à l'entrée du bétail, après les objets à
l'ordre du jour.
M. le président.
- La discussion continue sur le projet de loi relatif à la concession du chemin
de fer du Luxembourg. D'après l'assentiment que la chambre a donné à
l'observation que j'ai faite tout à l'heure, je ne permettrai que la discussion
s'égare que très incidemment sur des lignes autres que celles du Luxembourg.
- La parole est à M. de la Coste.
(page 1561) M. de La Coste. - M. le président a
semblé pressentir que j'avais un mot à dire du chemin de fer direct de Louvain
à Bruxelles. Je n'ai cependant, messieurs, aucun motif de croire qu'on s'y
intéresse particulièrement à Louvain. Mais, je serai conduit à m'en occuper par
l'examen des propositions que nous fait le gouvernement. J'en parlerai
d'ailleurs très incidemment. Croyez bien qu'à Louvain il n'y a pas de
popularité à gagner en traitant cette question ; et pourquoi, messieurs ? C'est
qu'à la vérité, comme l'a dit l'honorable préopinant, Bruxelles nous envoie ses
idées ; c'est que Bruxelles nous envoie ses modes, ses voitures, ses habits ;
mais que Bruxelles ne veut pas recevoir les produit de notre industrie. Il
résulte de là qu'il règne beaucoup de tiédeur à Louvain, relativement à cette
question.
Si donc j'en parle, messieurs, ce sera moins comme député de Louvain que
comme représentant de la nation.
Messieurs, le chemin de fer du Luxembourg a toutes nos sympathies, et
néanmoins, je suis fâché de devoir ajouter des objections à celles qui ont déjà
été faites, et j'ai besoin, non pas que les députés du Luxembourg qui, je n'en
doute pas, sont prêts à répondre à tout ce que je pourrai dire, mais que le
gouvernement me donne satisfaction sur ces points.
Messieurs, le chemin de fer, qu'on appelle le chemin de fer du
Luxembourg, se compose de deux parties très distinctes. L'une met en
communication la province de Luxembourg avec la ville de Namur, l'autre s'étend
entre Namur et Bruxelles.
Messieurs, le chemin de fer de Luxembourg jusqu'à Namur, voilà l'objet,
l'objet propre et spécial de la proposition. Car, arrivés de Namur, les
habitants du Luxembourg, j'ajouterai même, si l'honorable M. Pirson l'exige,
les Indiens et les Chinois trouvent des lignes concédées, ou des lignes du
gouvernement qui les conduisent au centre du pays.
Messieurs, d'où vient-il donc qu'il ait fallu donner à cette société un
embranchement de Wavre à Bruxelles, pour conduire les voyageurs que je
désignais tout à l'heure, d'après l'honorable député de Dinant, jusqu'à la
capitale ? Etait-ce une condition indispensable de la construction du chemin de
fer du Luxembourg à Namur ?
Je demande là-dessus des explications au gouvernement. J'expose mes
doutes. En effet, messieurs, l’affaire se présentait si favorablement, qu'on a
pu lier à cette concession celle d'un canal inexécutable jusqu'alors et que les
actionnaires de ce canal, ce dont je leur fait mon compliment bien sincère, ont
vu leurs actions qui étaient tombées assez bas remboursées intégralement par la
société. Mais si l'affaire se présentait si favorablement, au moins à cette
époque, fallait-il donc y lier cette faveur spéciale d'un embranchement de
Wavre à Bruxelles ?
Messieurs, supposons que le gouvernement me donne sur ce point toute
satisfaction. Je tirerai cependant de ce que je viens de dire cette conséquence
; c'est qu'il ne s'agit pas ici d'un chemin de fer de Namur à Bruxelles. Ce
chemin de fer peut avoir son utilité spéciale, mais ce n'est pas là l'objet de
la concession. S'il en avait été uniquement question, certainement la société
du Luxembourg n'y avait aucun droit.
Ainsi donc, messieurs, ne perdons pas de vue que le chemin de fer de
Namur à Bruxelles n'est qu'une dépendance, une annexe du chemin de fer du
Luxembourg, annexe qui n'en peut être séparée. C'est donc à tort, selon moi,
que dans plusieurs passages des documents relatifs au chemin de fer du
Luxembourg on a parlé de la ligne directe de Namur à Bruxelles. Ce n'est pas
cela, c'est la ligne du Luxembourg qui est rattachée à Bruxelles au moyen du
chemin de fer concédé de la Sambre à Louvain et de l'embranchement de Wavre.
Messieurs, les embranchements qui ont été concédés à la société du
Luxembourg entre Namur et Bruxelles font naître des questions de la plus haute
gravité, tant sous le rapport de l'intérêt public que sous celui de la
légalité.
Voici, messieurs, ce qui est dit dans le cahier des charges : « Le
chemin de fer du Luxembourg partira de Bruxelles, d'une station située au
quartier Léopold ; il se dirigera vers le chemin de Louvain à la Sambre, qu'il
atteindra à Wavre et avec lequel il pourra, en outre, être relié au moyen d'un
raccordement aboutissant à l'une des stations intermédiaires de la section de
Wavre à Gembloux. »
Ainsi, messieurs, voilà, non pas un embranchement, mais deux
embranchements.
Examinons les conséquences de chacun de ces embranchements.
Messieurs, le premier de ces embranchements, celui de Bruxelles à Wavre,
combiné avec la concession qu'on nous demande du chemin de fer de Manage,
chemin qui pourra se diriger vers Landen, ou combiné avec telle autre
concession ultérieure du même genre qui mettrait Wavre en relation avec Landen
condamnerait toute la route de l'Etat entre Bruxelles et Landen à n'être plus
qu'une route secondaire.
Messieurs, c'est là une conséquence fort grave pour le chemin de fer de
l'Etat, et je pense que je rends service au pays en fixant très
particulièrement l’attention et du gouvernement et de la chambre sur cette
conséquence.
Messieurs, je me préoccupe de plus, quant à moi, je vous l'avoue, des
conséquences que cela doit avoir pour les localités qui bordent la partie du
chemin de fer dont je viens de parler, et c'est par ce motif que, quoique je
n'aperçoive pas dans ces localités les inquiétudes qui s'élèvent dans mon esprit,
je crois de mon devoir de les exprimer à la chambre. Car enfin c'est aussi
quelque chose que la prospérité ou la décadence de localités aussi importantes.
J'entrevois donc la possibilité que les villes qui se trouvent sur cette
partie du chemin de fer de l'Etat entre Bruxelles et Landen soient condamnées à
l'isolement, qu'elles soient placées en dehors d'une grande partie du mouvement
du commerce et des voyageurs ; et alors me préoccupant, non pas de la
popularité locale du moment, mais des intérêts de cette partie du pays, de ce
qui pourra arriver plus tard, lorsque peut-être même je ne serai plus sur ces
bancs, je crois devoir rattacher cette question à celle d'un chemin de fer
direct entre Louvain et Bruxelles et voici comment :
Je pense que dans l'intérêt de la principale ligne de l'Etat et pour
remédier partiellement à cet isolement qui pourrait être la conséquence des
faits que je viens de décrire, il faudrait au moins abréger le parcours entre
Landen et Bruxelles par un chemin de fer direct entre cette dernière ville et
Louvain, afin de pouvoir mieux soutenir la concurrence avec la ligne rivale.
C'est là, vous en conviendrez, messieurs, tout autre chose qu'un appel à
la popularité, c'est un double intérêt, public et local, très réel, très
important, et qui mérite bien de fixer notre attention. Toutefois, messieurs,
je n'irai pas si loin que l'honorable député d'Alost, je ne demanderai pas la
construction immédiate d'un semblable ouvrage. Mais je demande que cette
question soit étudiée avec le même soin qu'on a mis à étudier celle du tracé
direct entre Bruxelles et Gand.
II est vrai que pendant la discussion du chemin de fer du Luxembourg, il
vous est tombé presque du ciel un chemin de fer atmosphérique. Mais je ne crois
pas que ce soit là une réponse sérieuse à ma demande. Certainement, messieurs,
je ne repousse pas ce procédé. Nous sommes habitués à voir des choses qui
étaient condamnées à leur origine, se développer, acquérir un degré d'utilité
qu'on ne leur supposait pas. Mais, jusqu'à présent, les notions que j'ai sont
très peu favorables aux chemins de fer atmosphériques. D'ailleurs, sans vouloir
me prononcer sur ce projet, je n'y aperçois pas ce que je cherche. Je n'y
aperçois pas une continuation des grandes lignes de l'Etat. C'est en quelque
sorte un chemin de fer vicinal de clocher à clocher. Cela ne répond pas à ce
que je désire, et, je le répète, je demande que cette question soit étudiée
avec le même soin, et, s'il le faut, par les mêmes hommes qui oui étudié le
tracé entre Gand et Bruxelles.
Je viens, messieurs, au deuxième embranchement, et ici la question est
délicate sous tous les rapports, sous le rapport de l'intérêt public, comme
sous celui de !a légalité. Ce deuxième embranchement vient encore relier
Bruxelles avec le railway de la Sambre à la Dyle, à un point qui pourrait être
plus ou moins rapproché de Gembloux. Eh bien, je dis que, dans le cas de
l'exécution de la route ferrée de Paris par St-Quentin, vous rapprochez encore
ainsi Bruxelles de cette ligne. Elle fera la corde de l'arc fort étendu que
décrit le chemin de fer passant par Valenciennes, Arras, etc., et je crains dès
lors que par là nous condamnerions notre chemin de fer du Midi à devenir en
partie stérile. C'est encore là, messieurs, un point de vue sous lequel il est
important d'examiner la question, et je me demande quelle est donc la nécessité
de ce nouvel embranchement ?
Maintenant, messieurs, je me demande aussi quelle en est la légalité ?
Voici ce que porte le cahier des charges de la société qui a obtenu la concession
du chemin de fer entre Louvain et la Sambre, société du reste, avec laquelle,
je m'empresse de le dire, je n'ai pas la moindre relation d'intérêt ; ce cahier
des charges porte :
« Le gouvernement se réserve également de décréter l'exécution
d'embranchements accessoires au chemin de fer concédé. »
« La compagnie aura la préférence pour l’exécution de ces
embranchements, qui feront, le cas échéant, l'objet de concessions nouvelles
octroyées par arrêté royal et d'après les bases de la concession primitive. »
Ainsi, messieurs, il est bien clairement stipulé que si l'Etat autorise
des embranchements, la préférence appartient à la société du chemin de fer
entre la Sambre et Louvain.
Il a été fait à cette stipulation une exception ; il a été convenu que
la société dont je viens de parler consentirait à ne pas opposer à la société
du chemin de fer du Luxembourg, son droit de préférence à la concession de
l'embranchement de Wavre à Bruxelles dérogeant ainsi exceptionnellement au bénéfice du paragraphe 3 de l'article 46 du cahier des charges. Il
est inutile de dire, messieurs, que cette concession de la part de la société
du chemin de fer de Louvain à la Sambre, que cette concession a été
préalablement une des conditions auxquelles elle a été obligée de se soumettre.
Quoi qu'il en soit, cette concession ne peut pas être étendue ; elle s'applique
exclusivement à l'embranchement de Wavre à Bruxelles, et la législature
blesserait un droit acquis, si elle l’étendait, en approuvant le cahier des
charges du chemin de fer du Luxembourg, à un deuxième embranchement qui n'est
pas prévu dans la convention dont je viens de parler.
Messieurs, j'appelle toute l'attention du gouvernement sur les
inconvénients qui pourront résulter des embranchements dont il s'agit. Je lui
demande des explications à cet égard et je lui demande surtout comment il
concilie l'article 46 du cahier des charges du chemin de fer de Louvain à la
Sambre, avec les stipulations qu'il nous propose d'approuver maintenant.
(page 1559) M. Mast de Vries. - Messieurs,
nous possédions et nous possédons encore un magnifique joyau, c'est le chemin
de fer de l'Etat. Malheureusement, depuis quelque temps, on s'évertue de toutes
parts à nous en enlever quelques parties. Tantôt on nous demande une concession
dans tel sens, tantôt on nous demande une concession dans tel autre sens, et en
définitive c'est le chemin de fer de l'Etat qui doit y perdre et qui, d'ici à
quelques années, ne pourra plus couvrir ni les intérêts du capital qu'il a coûté,
ni les frais de son exploitation.
La concession du chemin de fer du Luxembourg portera atteinte aux
intérêts du chemin de fer de l'Etat ; aussitôt que l'embranchement de Wavre
sera construit, la ligne de l'Etat de Bruxelles à Namur sera complétement abandonnée.
Pour mon compte, messieurs, j'étais fier du railway national ; j'étais
heureux, pour mon pays, de cette grande entreprise ; mais je dois le dire, dans
la discussion d'aujourd'hui, on a un peu touché au bonheur que je ressentais.
L'honorable M. Osy est venu nous dire que nous sommes tout à fait arriérés dans
l'Europe. Il est possible que cela soit vrai pour les parties de l'Europe que
l'honorable membre a probablement parcourues ; mais j'ai aussi parcouru
quelques parties de l'Europe et je puis assurer, comme beaucoup d'autres
l'assureront, que notre chemin de fer l'emporte de beaucoup, et sous le rapport
de l'exploitation et sous le rapport des tarifs, sur tous les chemins de fer
que je connais.
Mais, dit l'honorable député d'Anvers, voyez ce qui se passe en
Angleterre ; là on parcourt telle distance en moitié moins de temps qu'on en
met ici à parcourir une distance moitié moindre. Vous savez, messieurs, qu'en
Angleterre il n'y a pas de chemins de fer de l'Etat ; tous les chemins de fer
sont concédés à des sociétés ; toutes ces concessions s'accordent à la
condition que la ligne concédée ne passera jamais à niveau sur un autre chemin
de fer ou sur une route ; il n'y a donc jamais le moindre obstacle au passage
des convois.
Eh bien, messieurs, malgré cet avantage il arrive en Angleterre des
malheurs- sans nombre ; est-ce que M. Osy voudrait acheter un peu plus de
vitesse au prix des grands malheurs qui arrivent en Angleterre ?
En Belgique les accidents sont nuls, ou à peu près, tandis qu'en
Angleterre il y a tous les jours des malheurs à déplorer. Sous ce rapport
encore, notre chemin de fer peut être donné comme exemple. Quant à moi, si un
accroissement de vitesse devait être acheté au prix du sang, je préférerais
aller un peu moins vite. Ce n'est pas parce qu'on restera un quart d'heure de
plus en route, qu'on se plaindra, de l'exploitation du chemin de fer.
Ensuite, en Angleterre les prix sont doubles et même triples. Tout doit
être en rapport ; les distances y sont aussi plus grandes ; mais ce ne sera pas
pour notre chemin de fer un si grand malheur, s'il emploie quelques minutes de
plus à vous transporter, jusqu'à Anvers, par exemple.
J'avais l'intention de répondre aux observations qui ont été présentées
par un honorable député d'Alost qui siège à ma gauche ; mais, d'après la
décision que la chambre vient de prendre, j'ajournerai, mes explications
jusqu'au moment où nous discuterons le rapport dont M. le ministre des travaux
publics vient de donner lecture.
Messieurs, la convention provisoire du chemin de fer du Luxembourg
renferme dans le § 2 de l'article 47 une clause qui, si elle était admise,
exercerait la plus fâcheuse influence sur les intérêts du pays.
D'après ce paragraphe, il serait interdit au gouvernement belge
d'établir en amont de Liège une nouvelle route en fer, soit sur Coblentz, soit sur Trêves. Et chose remarquable, c'est que
la section centrale, composée de manière à ce que le chemin de fer du
Luxembourg y comptera de chauds défenseurs, a exposé dans son rapport les
motifs impérieux qui doivent engager le gouvernement à ne pas se dessaisir de
la faculté de faire construire un chemin de fer dans cette direction. La
section centrale manifeste la crainte que le marché de Cologne ne nous échappe
; mais, dans cette hypothèse, il n'y a qu'un seul chemin qui puisse nous
conserver ce marché, c'est une ligne sur Coblentz.
Quoi ! la section centrale dit elle-même que ce n'est
pas un bénéfice qui peut nous échapper, et l'on se prive du moyen de ne pas
perdre cet avantage.
Je sais bien que dans le rapport on déclare que c'est là une condition
sine qua non ; que si le gouvernement ne veut pas passer sous les fourches
caudines, la compagnie n'acceptera pas la concession. Messieurs, nous ne devons
pas nous laisser influencer par cette considération ; chaque fois qu'on a voulu
nous arracher quelque chose de semblable, on est venu avec cet argument des
conditions sine qua non. Dans une autre circonstance, ne disait-on pas à la
chambre que si l'on n'accordait pas un-minimum d'intérêt, la concession devait
être considérée comme non avenue ? L'honorable M. Zoude était encore
rapporteur.
Qu'a fait la chambre ? La chambre a montré les dents ; elle a dit : «
Nous ne donnerons pas un minimum d'intérêt. » Qu'a fait la compagnie ?
S'est-elle retirée ? Oh ! non ; elle a baissé
pavillon, et elle a accepté la concession sans un minimum d'intérêt. Il en sera
encore de même aujourd'hui si la chambre décide avec fermeté qu'elle n'accepte
pas la clause insérée dans le paragraphe 2 de l’article 47 ; soyez-en certains,
messieurs, la concession ne sera pas mise par-là en péril.
En effet, croit-on que dans l'occurrence il s'agisse simplement de dire
: « Je veux retirer les fonds du cautionnement ? » Pas du tout ; la société du
Luxembourg est dans une position tout à fait exceptionnelle ; elle a racheté
pour cinq ou six millions les canaux de cette province ; je vous le demande, après une semblable opération, que deviendrait la société,
si la concession n'avait pas lieu ? Sachez-le, messieurs, on veut vous faire
peur ; et des votes émis sous une pareille influence peuvent nous conduire à
l'anéantissement complet de notre ligne nationale. Je ne veux pas donner mon
appui à des transactions grosses de telles conséquences ; l'année dernière j'ai
repoussé par mon vote des concessions qui avaient ce caractère ; si l'on ne
veut pas aujourd'hui modifier l'article 47 de la nouvelle convention, malgré
toute ma bonne volonté' pour le Luxembourg, je ne pourrai donner ma voix à la
concession du chemin de fer de cette province.
Si le gouvernement ne prend pas l'initiative d'une modification, je
proposerai d'ajouter au deuxième paragraphe de l'article 47 ce qui suit :
« A l'exception toutefois des lignes dans la direction de Coblentz ou Trêves, qui serviraient à prolonger les lignes
nationales vers l'Allemagne centrale. »
M. Zoude, rapporteur. - Je
répondrai aux attaques dirigées contre l'article 47, et je dirai que le rapport
de la section centrale insinue qu'il a été l'objet de négociations diplomatiques
qui nous ont été communiquées confidentiellement, et que le résultat en est
favorable à la concession qui vous est soumise.
J'ajouterai, si mes renseignements sont vrais, et je crois pouvoir les
garantir bien exacts, c'est qu'un haut personnage du cabinet de Berlin a
déclaré que le chemin sur Trèves par Pepinster était une chimère, était un
chemin irréalisable, qui ne s'exécuterait jamais ; que ce chemin, si on devait
le créer, il ne pouvait l'être que par la voie du Luxembourg.
Voilà le vrai motif pour lequel la société du chemin de fer de Pepinster
s'est dissoute, et non pas, comme le dit M. Osy, parce que l'article 47
l'interdisait.
Il ne s'agit plus maintenant que de savoir si la chambre donnera la
préférence au chemin de Pepinster qui ne s'exécutera pas et qui n'aurait eu
qu'un parcours de 3 à 4 lieues sur notre territoire, ou bien si cette
préférence sera accordée au chemin de fer du Luxembourg, qui doit traverser une
partie des provinces de Brabant et de Namur, et tout le (page 1560) Luxembourg, un chemin dont la construction sur notre
territoire coûte de 40 à 50 millions, capital qui sera exclusivement employé en
main-d’œuvre et en achat de produits belges ; un chemin qui créera pour ainsi
dire une nouvelle province, où il développera un degré de prospérité qui lui
est inconnu jusqu'ici et qui accroîtra la richesse des autres parties du
royaume, et notamment du Hainaut et du pays de Liège,
Veuillez, messieurs, nous accorder toute
votre attention et vous persuader que si cette occasion venait encore à nous
échapper, il est fort à croire qu'elle ne se reproduira plus, et que la
province de Luxembourg, qui est encore la plus étendue du royaume, serait à
jamais déshéritée d'un chemin de fer.
Cependant nous étouffons au milieu de produits naturels qui sont trop
pondéreux, pour pouvoir supporter les frais de transport par les routes
ordinaires, et tandis que dans l'intérieur on a besoin de ces produits, tels
sont les mines de fer qui sont en profusion chez nous, les chênes pour billes
dont le prix élevé force à recourir aux billes de mauvais bois en hêtre ou
sapin. En présence de tous ces faits, nous sommes dans la confiance que le vote
de la chambre nous sera favorable.
M. Osy. - Dans le discours que j'ai eu l'honneur de prononcer, je n'ai pas
voulu parler des réclamations de la Prusse. Puisque l'honorable rapporteur a
jugé convenable d'en parler, je demanderai au gouvernement s'il y aurait des
inconvénients à ce qu'il nous communiquât ces réclamations. L'honorable
rapporteur a dit ensuite qu'un diplomate avait déclaré que la route de
Pepinster ne pouvait pas se faire. Je ferai observer que ce diplomate, comme
l'honorable rapporteur, est luxembourgeois, de manière que nous ne devons pas
nous en tenir à cette déclaration. Je demande s'il y a des inconvénients à nous
communiquer les réclamations de la Prusse. La Prusse doit savoir si la route
est faisable ou non, ce n'est pas un diplomate luxembourgeois qui doit décider
la question.
M. Zoude. - J'ai dit que c'était un haut diplomate, appartenant au cabinet de
Berlin, qui avait fait cette déclaration. Or, un haut diplomate du cabinet de
Berlin n'est pas un Luxembourgeois.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - L'honorable M. Osy a demandé la communication des réclamations de la
Prusse à l'égard du chemin de fer du Luxembourg. Je lui répondrai que la Prusse
n'a fait aucune réclamation officielle à ce sujet. Je pense donc que je n'ai
rien à communiquer à la chambre. Il y a eu des communications officieuses, des
correspondances entre notre ministre à Berlin et moi, relativement à cet objet,
mais aucune réclamation officielle n'a été adressée au cabinet belge par le cabinet
de Berlin, relativement à la construction de ce chemin de fer.
M. d’Hoffschmidt. - Il y a eu, en effet, quelques conversations en ce qui concerne
l'article 48. Mais il n'y a pas eu de résistance de la part de la Prusse. Si je
ne me trompe, des faits nouveaux sont venus démontrer qu'il n'y a jamais eu de
projet avec plan arrêté de cette ligne de Trêves à Pepinster, qu'il n'y a eu
qu'une idée conçue relativement à la construction d'une ligne dans cette direction,
que beaucoup d'ingénieurs l'ont considérée comme inexécutable.
Ne croyez donc pas, messieurs, que nous
soyons en présence d'un projet élaboré, étudié, et d'une compagnie, mais en
présence seulement d'une idée conçue par quelques personnes honorables,
combattue par le comité des chemins de fer de Trêves, qui préfère se relier à
nous par un projet complétement étudié que par un projet qui ne l'est pas et
qui nécessite le nivellement de montagnes tellement fortes, que celles du
Luxembourg n'en approchent pas.
La chambre ne doit donc pas perdre de vue
qu'elle n'est pas en présence de deux projets complétement étudiés, mais d'un
seul, qui est celui que nous présentons.
M. Pirson. - Je désirerais savoir si M. le ministre se rallie à l'amendement que
j'ai présenté, et dans le cas de la négative, je le prierai de nous en faire
connaître demain les motifs.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Je crois ne pas
pouvoir me rallier à l'amendement proposé par l'honorable M. Pirson, par la
raison qu'il établirait une dérogation à la convention soumise à la
ratification de la chambre et mettrait en péril l'opération tout entière.
- La discussion est renvoyée à demain.
La séance est levée à quatre heures et demie.