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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du jeudi 4 juin 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative aux droits sur le sucre (Dumortier,
Malou,
Eloy de
Burdinne)
2) Motion d’ordre
relative à l’exploitation du chemin de fer, notamment à Liège (Delfosse,
de Bavay,
Delfosse,
Lesoinne,
Osy,
de Bavay)
3) Projet de loi portant
le budget du département de la guerre pour l’exercice 1846. Mise à l’ordre du
jour (de
Garcia, de Tornaco, de Garcia, de
Brouckere)
4) Projet de loi
accordant un crédit supplémentaire au budget du département des finances.
Fabrication de la monnaie d’or (Osy, Malou, Pirmez,
Malou,
(+administration des postes) Lebeau, Rodenbach, Pirmez,
(+administration des postes) Malou, Dumortier, Malou,
Dumortier,
Manilius,
Malou,
Verhaegen,
Malou,
(+administration de la poste) (Lebeau, Malou), Verhaegen,
Malou,
Osy)
5) Projet de loi
accordant un crédit supplémentaire au budget du département des affaires
étrangères. Dépenses des agents diplomatiques (+établissement de Santo-Tomas) (Osy,
Dechamps,
Osy,
Lebeau,
Dechamps,
Lebeau)
6) Projet de loi relatif
à la concession du chemin de fer du Luxembourg (Pirson, d’Hoffschmidt)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Vilain XIIII.)
(page 1538) M. Huveners procède à l'appel nominal
à 1 heure.
- La séance est ouverte.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction
est approuvée.
M. Huveners
fait connaître l'analyse des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A LA
CHAMBRE
« Le sieur Luc-Jean Dalleu, cultivateur
et boulanger à Poppel, né à Waalwyck
(Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
________________
« Les sieurs Mairesse, L. et H. Brihay
prient la chambre d'accorder au gouvernement le crédit qu'il s'est engagé de
demander pendant la session actuelle, pour satisfaire à leurs prétendons à sa
charge du chef de pertes essuyées par suite des inondations tendues aux abords
de la place de Mons en 1815. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Les candidats notaires de
l'arrondissement de Mons demandent l'adoption du projet de loi sur
l'organisation du notariat. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
________________
« La chambre des avoués, établie
près la cour d'appel de Liège, prie la chambre de ne point se séparer avant
d'avoir discuté le projet de loi qui modifie les tarifs en matière civile. »
« Même demande de la chambre des avoués établie près le tribunal de
Louvain. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Les fabricants de sucre
indigène dans l'arrondissement de Tournay présentent des observations contre le
projet de loi sur les sucres. »
M. Dumortier. -
Messieurs, cette pétition est d'une grande importance pour la discussion qui va
s'ouvrir ; vous savez que deux intérêts vont se trouver en présence, celui du
sucre exotique et celui du sucre indigène. Je demanderai à la chambre de
vouloir bien ordonner la lecture de cette pétition ; ou, si le temps manque
pour cette lecture, d'ordonner l'impression de la pièce an. Moniteur, car il
importe que chacun de nous puisse connaître les arguments qu'on fait valoir en
faveur de l'industrie du sucre indigène.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait imprimer en-même temps la pétition des armateurs
d'Anvers ; ou aurait de cette manière le résumé des arguments présentés par les
deux intérêts.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, hier on a décidé que la section centrale serait 'invitée
à faire un rapport sur les diverses pétitions qui lui ont été renvoyées.
Veut-on revenir sur cette décision ?
Un
membre. - Non ! La proposition ne tend pas à
infirmer cette décision.
- La chambre ordonne l’impression des deux pétitions au Moniteur ; elle
ordonne en outre le renvoi de la pétition de Tournay à la section centrale, qui
fera rapport sur celle pétition en même temps que sur les autres pétitions
qu'elle a déjà reçues.
MOTION D’ORDRE
M. Delfosse. -
Plusieurs industriels m’ont écrit pour se plaindre de ce que le département des
travaux publics a laissé inachevé un débarcadère qui doit faciliter les
communications entre la Meuse et la station du chemin de fer dite des Guillemins à Liége.
Il paraît que l’achèvement de ce travail, qui est commencé depuis
longtemps, n’occasionnerait pas une très forte dépense et qu’il serait d’une
grande utilité pour l’industrie ; dans l’état actuel des choses, les frais
de chargement et de déchargement des matières pondéreuses, telles que les
minerais, les fers, les fontes, les charbons, etc., sont extrêmement
considérables.
Les mêmes industriels se plaignent aussi de
ce que M. le ministre des travaux publics n’ait pas établi de tarif spécial
pour la station de Dolhain-Limbourg ; on paye
autant pour les transports de Dolhain à Liège que
pour les transports d'Herbesthal à Liège, autant pour
trois lieues de moins que pour trois lieues de plus ; cela n'est pas juste.
Je prie M. le ministre des travaux publics d'expliquer pourquoi il n'a
pas donné suite aux réclamations pressantes qui lui ont été adressées à ce
sujet.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je reconnais que la réclamation faite par l'honorable
membre qui vient de se rasseoir, en ce qui concerne l'achèvement du
raccordement de la station des Guillemins à la Meuse,
est fondée. Il est à ma connaissance que les travaux sont exécutés en très
grande partie, et qu'il ne reste que peu de chose à faire pour les achever.
Je reconnais aussi que cet embranchement serait
très utile. J'ai demandé cet égard un rapport qui ne m'est pas encore parvenu.
Si j'avais plus de latitude pour disposer de mon temps, je me serais rendu sur
les lieux pour examiner l'état des choses et rechercher le moyen de lever les
difficultés qui ont pu surgir.
Pour ce qui est du tarif à la station de Dolhain,
je crois qu'il n'y a pas de mesure spéciale à prendre relativement à cette
station. Le principe général en vigueur veut que le prix des transports pour
les stations non tarifées soit celui de la station qui précède, au départ et
celui de la station qui suit, à l'arrivée. Ce qui existe à Dolhain
existe aussi sur d'autres points : je pense que pour être juste envers tout le
monde, l'on ne doit modifier cet état de choses que par une mesure générale.
Cette question a été soulevée dans la discussion du budget. J'ai dit qu'elle
serait examinée et qu'elle serait tranchée dans la loi sur l'exploitation du
chemin de fer.
M. Delfosse. -
Puisque M. le ministre des travaux publics reconnaît l’utilité du débarcadère,
j'espère qu'on ne tardera pas à remettre la main à l'œuvre pour l'achever. M.
le ministre des travaux publics vient de nous dire qu'il n'a pas eu le temps de
se rendre sur les lieux. Il me semble que quand on a du temps à consacrer à des
fêtes, on devrait bien en avoir pour s'occuper des travaux que l'industrie
réclame impérieusement.
Je reconnais avec M. le ministre des travaux publics que l'on ne
pourrait guère établir un tarif pour la station de Dolhain,
sans prendre la même mesure pour d'autres stations qui ne sont pas encore
tarifées ; nuis je ne vois pas pourquoi une mesure juste serait écartée, parce
qu'elle devrait s'étendre à plusieurs stations.
M. Lesoinne. -
Je prie M. le ministre de faire en sorte que ce débarcadère provisoire ne nuise
en rien à la traverse par la ville de Liége ; car ce débarcadère ne se
rattache à aucun système, il est purement provisoire ; je demande qu'il soit
achevé de manière à ne nuire à aucun des travaux projetés.
M.
Osy. - La motion de
l'honorable M. Delfosse me donne l'occasion de dire à M. le ministre que j'ai
reçu encore des plaintes de la part du commerce à cause de manque de waggons à
Anvers. L'honorable M. d'Hoffschmidt vous a parlé de la nécessite de
transporter des céréales à bon compte dans le Luxembourg. On doit désirer la
même chose pour Liège et le Hainaut. Les grains restent en plein air à Anvers
parce que les waggons sont retenus à Malines et à Louvain. On aurait besoin de
100 waggons par jour à Anvers, et on en a tout au plus quinze ou vingt. Je
désire que M. le ministre fasse accélérer le retour des waggons vides à Anvers
pour le transport des marchandises et surtout des céréales dont le pays a
besoin.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je n'ai reçu depuis longtemps aucune réclamation du chef du manque
de waggons à Anvers ou ailleurs. Le travail de la répartition des waggons s'est
beaucoup amélioré Quoi qu'il en soit, je prendrai des renseignements sur le
fait qui m'est signalé par l'honorable membre, et je ferai tout ce qui dépendra
de moi pour y faire droit.
L'honorable M. Delfosse s'étonne que je puisse avoir du temps à
consacrer à des fêles et que je n'en aie pas pour me
rendre à Liège.
Jusqu'ici, j'ai personnellement consacré fort peu de temps aux fêtes
d'inauguration ; et c'est parce que je me trouvais dans l'impossibilité de
m'occuper de cette affaire par moi-même que j'ai dû en déléguer le soin à
d'autres.
Les fêtes de ce genre ne sont pas pour les ministres ou leurs agents un
objet d'agrément ; c'est une nécessité qu'il faut savoir accepter quand elle se
présente.
Je ferai remarquer du reste, que des fêtes de ce genre contribuent à
nous maintenir de bonnes relations avec des voisins dont les sympathies ne
peuvent nous être indifférentes.
Elles constituent un objet d'intérêt général. Mais elles ne sont une
source d'agrément personnel ni pour le ministre, ni pour ses agents.
PROJET DE LOI PORTANT
LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1846
M. de Garcia, rapporteur, donne
lecture du rapport suivant. - Messieurs, la section centrale du budget de la
guerre pour l'exercice 1846 m'a chargé de vous faire la communication suivante.
Sur la demande de diverses explications, le chef du département de la
guerre s'est rendu au sein de la section centrale.
Il lui a fait connaître qu'il présente, comme amendement au budget de
1846, forme par son prédécesseur. les différences existant
entre le budget de 1847 et celui de 1846, sauf à compléter ultérieurement ces
demandes.
M. le ministre de la guerre a communiqué en outre à la section centrale
des tableaux relatifs aux vivres et fourrages et à l'augmentation de la
gendarmerie, qui sont de nature à augmenter le chiffre du budget (page 1539) de l’exercice 1846 d’une
somme de cinq cent soixante et seize mille francs (576,000 francs).
Cette somme est indispensable si ce budget est voté en détail, puisque,
dans ce cas, le ministre est tenu de se renfermer dans les allocations votées
pour chaque article Mais si la législature était disposée à accorder un crédit
global jusqu'à concurrence de 28,000,000 de fr., le
gouvernement pourrait s'engager, au moyen de cette allocation, à subvenir à
tous les besoins de l'exercice courant, et même à appliquer à cet exercice les
changements proposés au budget de 1847.
Les crédits provisoires accordés au département de la guerre expirent le
15 de ce mois, et si le crédit global dont s'agit n'est pas accordé, le court
espace qui nous sépare de cette époque nécessitera la présentation d'une
nouvelle demande de crédit provisoire. Il est à observer aussi que la chambre
est saisie du budget de la guerre pour l'exercice 1847, et que, si les sections
veulent s'en occuper incontinent, il fournira à ta législature l'occasion de
traiter prochainement les questions qui peuvent se rattacher au département de
la guerre.
L'on doit ajouter que l'exercice actuel est
tellement engagé, que, tout en le votant article par article, il serait très
difficile, pour ne pas dire impossible, qu'il reçût une exécution complète sous
divers rapports, et notamment au point de vue de la réduction de la solde.
La section centrale, après avoir délibéré sur cette question, décide que
l'alternative du budget de 1846, voté par articles, ou de crédit global avec
l'économie mentionnée plus haut, sera soumise à la chambre.
Elle
décide aussi qu'elle proposera à la chambre l'adoption d'un crédit global de 28,000,000 de francs pour l'exercice 1846.
(page 1540) M. le président.
- Quand la chambre veut-elle en fixer la discussion ?
M. de Tornaco. - Apres le projet de loi sur les sucres.
M. de Garcia. -
Comme j'ai eu l'honneur de le faire connaître, il est urgent que la chambre
s'occupe de cette proposition. Car si elle décidait qu'il faut voter le budget
pour l'exercice courant, article par article, la section centrale devrait se
livrer incontinent à l'examen des articles.
M. de Brouckere. -
Je voulais faire précisément l'observation que vient de présenter M. le
rapporteur. Je crois qu'il est urgent que la chambre s'occupe de la proposition
qui lui est faite par la section centrale, car, si vous n'adoptiez pas le
système d'un crédit global, il faudrait que la section centrale se mît
immédiatement à l'œuvre et fît l'examen détaillé du budget, afin que nous
puissions le discuter avant la fin de la session.
Je crois donc que cet objet devrait venir à l'ordre du jour
immédiatement après celui dont nous allons nous occuper.
M. de Garcia. -
L'observation que vient de présenter l'honorable M. de Brouckere se trouve
appuyée par une autre considération ; c'est que vous n'avez voté des crédits
pour le département de la guerre que jusqu'au 15 de ce mois, et que si vous ne
vous occupez pas immédiatement de la proposition qui vous est faite, il faudra
voter de nouveaux crédits provisoires. Je propose donc de fixer la discussion
des conclusions du rapport que je viens de vous présenter après la discussion
du projet de loi relatif au chemin de fer du Luxembourg.
- La proposition de M. de Garcia est mise aux voix et adoptée.
_________________
M. le président.
- M. Vandensteen, par suite de l'événement malheureux survenu dans sa famille,
demande une prolongation de congé.
- Ce congé est accordé.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES POUR
L’EXERCICE 1846
Discussion de
l’article unique
M.
Osy. - Messieurs, je vois avec
plaisir qu'on va enfin s'occuper de la monnaie qui depuis bien des années n'a pour
ainsi dire pas été occupée.
Je veux bien adopter le crédit qui nous est demandé par M. le ministre
des finances, mais je ne puis approuver la marche suivie par ce membre du
cabinet.
En 1837, l'honorable M. d'Huart a présenté un projet de loi sur la fabrication
de la monnaie d'or. Dans la session dernière, l’honorable M. Cogels nous a fait un rapport contraire à ce projet. Depuis
lors, M. le ministre des finances a formé une commission qui vient de terminer
son travail, et nous en connaissons le résultat.
Il y a eu dans cette commission partage des voix, ou au moins, il y a eu
une majorité et une minorité. Quelques-uns des membres ont été d'avis qu'il
fallait battre de la monnaie d'or, d'autres s'y sont refusés ou n'ont pas voulu
adopter les chiffres proposes par la majorité.
M. le ministre des finances propose de mettre ce projet de 1837 et le
projet de la commission en discussion dans quelques jours. Nous avons,
messieurs, ici la seconde édition de ce qui s'est passe pour le projet de loi
sur l'instruction moyenne. Nous avons demandé au gouvernement de connaître son
opinion sur cette question avant de nous en occuper. Le gouvernement n'a pas
voulu s'expliquer. La majorité des sections a insisté, et aujourd’hui le
gouvernement nous propose ses amendements.
Je demande, messieurs, que le gouvernement
nous fasse aussi connaître son opinion en ce qui concerne la fabrication de la
monnaie d'or ; qu'il nous dise s'il se rallie à l'avis de la majorité de la
commission, ou à l'avis de la minorité, afin que, lorsque le jour de la
discussion sera venu, nous sachions au moins sur quoi nous discutons. Je
demande donc que le gouvernement veuille bien nous présenter soit son projet
nouveau, soit les amendements qu'il entend proposer au projet présenté par M.
d'Huart, en 1837. Je crois que M. le ministre trouvera cette marche plus
rationnelle.
Du reste, comme j'espère que nous pourrons faire quelques changements à
la loi de 1832, je voterai le crédit demande pour qu'au moins l'hôtel des
monnaies soit prêt au moment où nous pourrons battre de la monnaie d'or. Mais
je dis que la marche que M. le ministre propose de suivre ne convient
nullement, car les membres de la chambre ne sauront pas sur quoi s'appuyer lors
de la discussion.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, dans diverses occasions, lorsque des projets présentes par le gouvernement ont été mis en discussion,
j'ai soumis à la chambre, au début de la discussion, les amendements qui me
paraissaient nécessaires. C'est ainsi, pour ne citer que deux lois, que j'ai
agi pour les lois relatives aux entrepôts et à la comptabilité ; et
l’expérience même de nos débats a prouvé qu'il n'en résultait aucun embarras.
Je me propose, messieurs, en ce qui concerne la monnaie d'or, d'agir de la même
manière. La discussion s'établira naturellement sur le projet du gouvernement
dont la commission a proposé le rejet et sur les amendements que j'aurai
l'honneur de proposer au début de la discussion.
Cependant, messieurs, puisque l'honorable membre le désire, je dirai que
si je n'avais pas une opinion conforme à celle de mon honorable prédécesseur et
ami M. d'Huart, je n'aurais pas demandé la mise à l'ordre du jour de ce projet,
en présence du rapport de l’honorable M. Cogels. Je
me propose donc de défendre devant la chambre le système de la majorité de la
commission nouvelle que j'ai instituée, sauf quelques points accessoires, en
d'autres termes, de défendre le système qui permettra à la Belgique d'avoir une
monnaie d'or.
M.
Pirmez. - Je dois, messieurs,
renouveler l'observation que j'ai faite il y a quelques jours. Nous avons sur le
même billet de convocation un projet qui tend à faire frapper une nouvelle
espèce de monnaie et un projet de crédit pour préparer des instruments
nécessaires à la fabrication de la monnaie ; n'était-il pas naturel de voter le
projet qui a pour objet la création des instruments, après la loi qui permettra
de frapper une nouvelle espèce de monnaie. Et cette observation, messieurs,
n'est pas aussi futile qu'elle pourrait le paraître au premier abord. Lorsque
nous donnons notre assentiment à un projet de loi, nous sommes parfois mus par
des considérations différentes ; ainsi, par exemple, quelques-uns d'entre nous
pourraient dire : Puisque nous avons déjà voté 80,000 fr. pour établir un
affinage de métaux précieux, puisque nous avons fait cette dépense, nous battrons
de la monnaie d'or. Cette considération pourrait induire quelques membres à
voter en faveur du projet relatif à la monnaie d'or.
Je ne vois pas quel inconvénient il peut y
avoir à ajourner de deux ou trois jours l'emploi du crédit de 80,000 fr. : dans
deux ou trois jours, vous vous occuperez de la question de savoir si vous
voulez, oui ou non, qu'il soit frappé une nouvelle espèce de monnaie, et il
serait raisonnable de ne statuer sur le crédit de 80,000 fr. que lorsque vous
aurez décidé cette question. Remarquez, messieurs, que quand vous examinerez la
question de la monnaie d'or, vous vous occuperez probablement en même temps de
plusieurs questions qui touchent à la fabrication de la monnaie d'argent.
Vous traiterez une foule de questions dont la solution peut exercer une
grande influence sur le projet de loi de crédit de 80,000 fr. Je ne vois donc
pas pourquoi l'on veut absolument voter ce crédit avant le projet relatif à la
monnaie d'or.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, les observations que vous venez d'entendre, ont déjà été
produites, et malgré ces observations, la chambre a maintenu le projet à
l'ordre du jour, à la place qu'il y occupe ; je pourrais donc proposer la
question préalable. J'insiste, parce que je crois à l'urgence des travaux
d'appropriation de la Monnaie, dans toute hypothèse, soit qu'on rejette, soit
qu'on adopte la fabrication de la monnaie d'or.
En effet, je ne pense pas qu'un grand nombre, de membres de cette
chambre soient d'avis de mettre en contestation le système monétaire tout
entier, de se demander s'il est nécessaire pour la Belgique d'avoir de la
monnaie d'argent et de la monnaie de cuivre. Or, en supposant même qu'il ne
fallût à la Belgique que des monnaies d'argent et de cuivre, le crédit demandé
serait nécessaire, parce que, dans l'état actuel des choses, il est impossible
de rien faire. J'ai vu par moi-même la Monnaie ; beaucoup d'ustensiles, pour
qu'on puisse fabriquer, doivent être renouvelés en tout ou en partie. Le crédit
est donc nécessaire, dans toute hypothèse.
Quant aux motifs d’urgence, j'ai déjà eu
l'honneur de les indiquer ; le sénat se réunit aujourd'hui ; il est probable
qu'une autre réunion n'aura lieu que beaucoup plus tard. Or, le projet de loi
relatif à la monnaie d'or, en supposant qu'il ne soit pas primé ultérieurement
par d'autres projets de loi plus importants, se trouve à l'ordre du jour après
la loi des sucres. II ne s'agirait donc pas d'un retard de deux ou trois jours,
mais d'un retard, en quelque sorte, indéfini.
M.
Lebeau. - Messieurs, je voulais
aussi présenter l'observation que vous a faite l'honorable M. Pirmez. Je
reconnais pourtant que sur la motion de M. le ministre des finances, la chambre
a passé outre, et a maintenu l'ordre du jour qui était demandé par lui. M. le
ministre vient de déclarer itérativement que, dans tout état de cause, il faut
des frais d'appropriation à l'hôtel de la Monnaie, ne fût-ce que pour continuer
la fabrication de l'argent et du cuivre. Il ne me semble pas indifférent,
cependant, pour la fixation du taux du crédit, de savoir si l'un fabriquera ou
non de la monnaie d'or, car en cas d'affirmative, il en résulterait un accroissement
de dépenses, et le crédit à accorder devrait s'en ressentit.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Ces dépenses sont comprises dans le crédit.
M.
Lebeau. - Si elles y sont
comprises, c'est prématurément ; c'est préjuger le vote de la chambre, quant à
la fabrication de la monnaie d'or. Si elles n'y sont pas comprises, il faudra
donc un crédit supplémentaire.
Du reste, je n'insiste pas sur cette observation.
Je dois appeler l'attention de M. le ministre des finances sur un autre
point. J'ai entendu divers négociants émettre une idée que je crois devoir
porter à cette tribune ; ces négociants ont pensé que la translation de
l'administration des postes à l'hôtel de la Monnaie serait fort utile pour ceux
qui ont des relations avec cette administration. Les
relations avec l'hôtel actuel de l'administration des postes sont difficiles ;
l'hôtel est situé dans une rue étroite, encombrée de voitures, tandis que
l'hôtel des monnaies est admirablement disposé pour une administration des
postes ; l'approche en est très facile ; et il se présente une circonstance
tout exceptionnelle qui paraît futile au premier abord, mais qui n'est pas sans
importance : c'est que, si je suis bien informé, personne n'est logé à l'hôtel
de la Monnaie en ce moment. (Interruption.)
Je ne croyais pas que la partie de l'hôtel des monnaies affecte au logement du
directeur, fût déjà occupée ; on m'avait dit le contraire.
Quoi qu'il en soit, j'ai cru devoir me rendre l'écho des réclamations
que j'ai entendues de la part d'un certain nombre de négociants de Bruxelles,
ces négociants, je le répète, se plaignent de la situation actuelle de l'hôtel
des postes, et ils pensant que puisqu’il s'agit de faire des dépenses
d'appropriation à l'hôtel de la Monnaie, on pouvait très bien saisir cette
occasion pour déplacer la Monnaie, et pour céder l'hôtel qu'elle occupe
maintenant, à une administration qui doit être dans une situation tout à fait
centrale, puisqu'elle est en rapport continuel avec un public nombreux.
(page 1541) M. Rodenbach. - Lors de la discussion
du budget des finances, je me suis élevé très souvent contre le chiffre des
traitements qu'on accordait au président et aux membres de la commission des
monnaies. J'ai dit que la besogne de ces fonctionnaires n'était pas
proportionnée à leur salaire ; j'ai également critiqué la demande qu'on fait annuellement, d'allocations très considérables pour la
fabrications de coins, livraisons de coussinets, etc. ; or, avec une
administration immensément chère, nous avons battu seulement environ deux
millions par an ; deux millions par an, cela ne fait à peu près que 40,000 fr.
par semaine. La monnaie de Lille bal jusqu'à 5 à 400,000 fr. par semaine.
Il me semble donc que si nous voulons, comme dans les pays voisins,
conserver un hôtel de Monnaies, nous devons voter les 80,000 fr. qu'on nous
demande, pour ne pas perdre le fruit des sommes énormes que nous avons déjà
dépensées depuis 13 ans.
Ces 80,000 fr. ne sont pas seulement destinés à l’établissement d'un
atelier d'affinage ; il faut encore d'autres travaux d'appropriation. Si je
suis bien instruit, le président directeur s'est plaint souvent, à juste titre,
que le ministère ne l'a pas suffisamment soutenu pour introduire des
améliorations et établir un atelier d'affinage. Nous avons voulu une monnaie,
nous devons être conséquents avec notre vote, et nous devons voter les 80,000
fr.
Messieurs, si le directeur doit faire affiner de l'argent en France, il
a à supporter des frais d'affinage et de transport ; il est impossible qu'il
soutienne la concurrence ; je crois qu'il est d'autant plus nécessaire de voter
80,000 fr. que sous peu, je pense, la monnaie de Lille sera supprimée ; c'est
en motif de plus pour que nous battions enfin véritablement de la monnaie en
Belgique. Car la suppression de la Monnaie de Lille contribuera à la prospérité
de la nôtre.
Ces diverses raisons justifient le crédit demandé. Ou a parlé de la
monnaie d'or ; je pense que le système que propose le gouvernement pour en
battre triomphera et que nous aurons également de la monnaie d'or dans le pays.
Un honorable membre a exprimé dans la section centrale l'opinion qu'on
pourrait se passer en Belgique d'un hôtel de Monnaie. C'est une théorie
spéculative, j'aurais été porte à l'admettre si je n'avais vu que dans tous les
pays on bat monnaie. Mais si le système français qui existe en Belgique peut
s'exécuter en France, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas l'exécuter
chez nous.
D'ailleurs, d'après la convention, insérée
dans l'exposé du projet de loi, passée entre le directeur et le ministre des
finances, le directeur s'engage à battre de l'argent plus tard ; quand le
projet de loi qui est déjà à l'ordre du jour sera voté, tout porte à croire que
nous pourrons battre de l'or.
Je pense qu'il est de la dignité du pays d'en battre, d'autant plus que
nous avons fait d'immenses dépenses pour n'avoir fabriqué en tout que 24
millions en treize ans, tandis qu'à Lille, je le répète, on bat parfois pour 4
à 500 mille fr. par semaine. Il est ridicule d'avoir un établissement qui coûte
des sommes énormes en émoluments, car les commissaires et une foule d'autres
employés doivent être payés annuellement quelque minime que soit la somme de
monnaie qu'on batte. C'est pour ces divers motifs qui je voterai les 80,000
francs.
M.
Pirmez. - M. le ministre des
finances vous a dit qu'il y avait urgence de voter le projet qui nous occupe ;
M. le ministre des finances sait fort bien qu'avec le système français et le
voisinage de la France, nous n'aurons ni plus ni moins de monnaie d'or et
d'argent, que nous en battions ou que nous n'en battions pas. Ainsi il n'y a
pas urgence à faire passer cette loi avant l'autre.
On a dit que dans la section centrale j'avais prétendu que nous pouvions
nous passer d'hôtel des monnaies. J'ai pu dire que si nous n'avions pas d'hôtel
de monnaie, notre système étant le système français, nous n'aurions pas un
franc monnayé de plus ou de moins en Belgique et que nous épargnerions les
frais ou primes de fabrication. Si je n'ai pas dit cela en section centrale, je
le dis ici ; mais je n'ai pas prétendu pour cela que nous ne devions pas avoir
d'hôtel des monnaies. On attache généralement une idée de dignité nationale à
battre de la monnaie, et je ne l'ai pas attaquée.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Les dépenses qu'il s'agit de faire à la Monnaie, d'après l'exposé
des motifs et le devis, consistent, d'une part, en appropriation de locaux, en bâtisses,
et d'autre part, en renouvellement ou amélioration du matériel qui,
aujourd'hui, appartient à l'Etat. Ce serait une erreur de croire que même,
quant au matériel, la solution qui sera donnée par la chambre à la question de
la fabrication de la monnaie d'or, puisse avoir quelque influence. On conçoit
que dans un pays comme la Belgique, la simultanéité de la fabrication de la
monnaie d'or et d'argent pendant une année entière, est presque impossible.
Ainsi, la presse qui servira aux pièces d'un et de deux francs, servira aussi à
faire, s'il y a lieu, des pièces d'or. Ainsi, qu'on frappe de l'or ou qu'on
n'en frappe pas, le renouvellement du matériel est nécessaire en toute
hypothèse. Quant aux instruments d'affinage, c'est presque exclusivement pour la
fabrication de la monnaie d'argent qu'on les établirait. Il n'est pas d'usage,
m'assure-t-on, d'affiner l'or. Quand il est à un titre inférieur ou supérieur
au titre monétaire, on l'y amène en y ajoutant soit de l'alliage soit de l'or
pur. L'affinage est donc surtout nécessaire pour la fabrication de la monnaie
d'argent.
Je viens à un autre point, l’hôtel de la poste est rue de l'Evêque
presque vis-à-vis de l'hôtel des monnaies. Si l'hôtel des monnaies pouvait être
transformé en hôtel des postes, l'accès en serait plus facile et le commerce y
trouverait quelque avantage.
Je me suis occupé du transfert de l'hôtel des postes dans un autre
local, parce que celui où il se trouve est tenu à bail et que nous trouvions
quelque difficulté à renouveler ce bail. Il m'a été impossible d'arriver à une
solution.
Je me proposais d'atteindre un autre but,
auquel je ne désespère pas cependant de parvenir, le voulais réaliser quelques
économies en réunissant dans un seul hôtel les bureaux dissimulés dans un
certain nombre de locaux à Bruxelles. Je continuerai à agir dans ce sens. Si je
réussis, le résultat sera l'acquisition d'un immeuble où je pourrai réunir les
différentes administrations disséminées dans la ville de Bruxelles et qui
occasionnent des dépenses trop considérables.
Le bail de l'hôtel de la poste est renouvelé, le transfert de
l'administration de la poste à l'hôtel de la Monnaie et de la Monnaie à l'hôtel
de la poste ou ailleurs occasionnerait une dépense considérable, car il y a une
foule de dépenses en constructions qui devraient être faites à l'hôtel des
postes, et on ne pourrait pas faire de pareilles dépenses dans un hôtel dont
l'Etat serait seulement locataire.
M. Dumortier. -
Messieurs, je ne suis pas partisan de la loi qui vous est présentée. Je regarde
la dépense qu'on vous propose d'autoriser comme devant être faite en pure
perte. Quel est le principe en matière de fabrication de monnaie ? Que la
dépense du matériel et tous les frais de fabrication doivent être supportés par
l'entrepreneur. Il a les bénéfices, il doit faire les dépenses. Sous le
gouvernement hollandais, c'était M.de Bourgogne qui était directeur de la
Monnaie.
Il avait fait des dépenses pendant sa direction ; quand il a cessé
d'être directeur, l'honorable M. de Brouckere a repris, sur inventaire, le
matériel qui avait été payé par M. de Bourgogne. L'honorable M. Ch. de
Brouckere retiré des fonctions de directeur, son successeur a repris également
de son prédécesseur le matériel sur inventaire. Je ne vois pas pourquoi le
gouvernement viendrait faire des dépenses qui incombent au nouveau titulaire.
Vous avez une entreprise du Moniteur, fournissez-vous à l'imprimeur les
presses et les caractères ? Quand il aura fini son contrat, il cédera son
matériel à son successeur. De même, vous avez la poste, fournissez-vous les
écuries et les chevaux à celui qui a entrepris les transports de la poste ?
Il a le bénéfice de l'opération ; il doit également en supporter la
perte. Les dépenses dont il s'agit doivent donc incomber au directeur de la
monnaie. Lorsqu'il cessera ses fonctions, il présentera l'inventaire à son
successeur qui en payera le montant. Voilà comment les choses se sont passées
jusqu'à présent. Il n'y a aucun motif pour innover à cet égard.
Les opérations de la fabrication de la
monnaie, quand elles sont bien conduites, donnent d'énormes bénéfices. En
France, la plupart des directeurs des monnaies ont fait de très grandes
fortunes. Un homme, éminent en matière de finances, me disait il y a peu de
jours que s'il n'était pas à la tête de plusieurs opérations, il aurait
sollicité la direction de la monnaie, attendu qu'en faisant une dépense de
60,000 fr. pour l'établissement d'un atelier d'affinage, il était sûr de gagner
annuellement de 60 à 80 mille fr. '
D'après cela je ne vois pas pourquoi l'Etat ferait pour le directeur de
la monnaie la dépense de rétablissement d’un atelier d'affinage, évidemment à
la charge de ce dernier. Il y a un arrangement à forfait. Le gouvernement ne
fait pas les bénéfices ; il ne doit pas supporter les dépenses.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Les raisonnements de l'honorable préopinant seraient parfaitement
justes, si les faits étaient tels qu'ils les présente.
Mais d'abord, quant à la nature du contrat entre le gouvernement et le
directeur de la monnaie, l'honorable membre est dans une erreur complète. Le
bénéfice de la fabrication de la monnaie de cuivre appartient à l'Etat ; le
budget de cette année en offre la preuve. D'après le projet présenté par
l'honorable M. d'Huart, projet que je défendrai en principe, le bénéfice de la
fabrication de l'or appartiendrait également à l'Etat. Quant à l'argent, en
Belgique, comme dans d'autres pays, on a jusqu'à présent admis que le directeur
de la monnaie fabriquait à son compte. Cependant ce n'est pas un principe
invariable.
J’ai de grandes réductions à opérer sur les bénéfices que l'on suppose
avoir été réalisés par le directeur de la monnaie. Ces
bénéfices ont été parfaitement nuls. C'est-à-dire que le prix de l'argent et la
position de la Belgique relativement aux marchés de métaux a été telle, que
pour avoir de la monnaie d'argent, pour fabriquer seulement 21 millions de
monnaie d'argent dans l'espace de quatorze années, il a fallu accorder des
primes au directeur de la monnaie.
Ce malin, j'ai vu le compte d'une fabrication considérable. Il résulte
de ce compte que, malgré la prime payée par l'Etat, le directeur, sur une
fa-bricalioridel,500,0t,0 fr., a perdu environ 5,000
fr. Voilà ces énormes bénéfices que l'on prétend avoir été faits
depuis 18501
Vous voyez de quelle manière est faite la répartition des bénéfices.
Pour deux espèces de monnaie, le bénéfice revient au gouvernement ; pour
l'argent, si bénéfice il y a, il revient au directeur.
Le matériel est également partagé. Il existe à la Monnaie deux matériels
: l'un cédé par M. de Bourgogne a M. de Brouckere, l'autre appartenant à
l'Etat. Ce dernier est presque exclusivement celui qui est établi à demeure
fixe ; les presses, la machine à vapeur sont les objets les plus importants.
Le contrat passé avec le nouveau directeur, maintient la distinction
dans la propriété du matériel, telle qu'elle existe en Belgique et ailleurs.
Ainsi le nouveau directeur s'est engagé à compléter et à améliorer la
partie du matériel appartenant au directeur de la fabrication de la monnaie ;
le gouvernement s'est engagé de son côté à compléter et améliorer le matériel
qui lui appartient. Je le répète, c'est en général le matériel qui tient à
perpétuelle demeure à l'hôtel des monnaies.
Une autre dépense doit être faite. Je ne comprends pas comment on pourra
l'imposer au directeur de la monnaie, qui est un fonctionnaire (page 1542) révocable. Il s'agit de
changer l’état des locaux, de bâtir un atelier d’affinage. Evidemment, cette
dépense ne peut être imposée au directeur.
M. Dumortier. -
Quel est le montant de cette dépense ?
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Voici l'emploi approximatif du crédit tel qu'il est indiqué à la
page 2 de l'exposé des motifs :
« Démolition partielle et reconstruction pour l’atelier
d'affinage : fr. 30,000
« Déplacement des essayeurs et graveurs, fr. 8,000
« Rehaussement d'un bâtiment pour la commission, fr. 6,000
« Réparation et renouvellement partiel des machines (cylindres, presses,
machines à vapeur, etc.), fr. 36,000
« Total : fr. 80,000. »
Il ne résulte pas de là que le gouvernement va créer un atelier
d'affinage pour le nouveau directeur de la monnaie, mais seulement que le
gouvernement va créer le local pour l'affinage. Le nouveau directeur, pour
mettre l'atelier en activité, devra faire, de son côté, une dépense qu'on
évalue de 75 à 80 mille francs.
Après avoir fait ces dépenses, le. directeur
qui est révocable, qui peut renoncer à son mandat, conservera la propriété de
cette partie du matériel, comme aussi la propriété du matériel qu'il a repris à
son compte.
J'ai relu, depuis quelque temps, les discussions qui ont eu lieu à
diverses époques sur la fabrication de la monnaie en Belgique. Presque toujours
ou a ajouté foi à des bénéfices immenses sur la fabrication de la monnaie. La
réalité ne répond pas à ces appréciations.
La liberté de l'industrie existe en Belgique
; s'il est vrai qu'un atelier d'affinage dont l'établissement coûte 80,000 fr.
puisse donner un bénéfice de 60 à 80,000 fr. par an, c'est-à-dire rembourser le
capital en un an, je m’étonne que personne n'ait jusqu'à présent établi un
affinage, puisque la création en est évidemment libre.
On m'a assuré, au contraire, que la société générale, qui avait établi,
avant 1830, un atelier d'affinage, avait été bien loin d'y trouver ces énormes
bénéfices.
M. Dumortier. -
Je répondrai d'abord à la dernière observation de M. le ministre des finances.
Il demande comment, avec la liberté d'industrie, on n'a pas encore construit un
atelier d'affinage qui rapporterait annuellement la somme de 60,000 fr. qu'il
coûterait à établir. La raison en est simple, c'est qu'un atelier d'affinage
est une dépendance d'un établissement de fabrication de monnaie. Si la Société
générale n'a plus son atelier d'affinage, c'est précisément parce qu'elle ne
bat pas monnaie.
Dans tous les pays l’établissement d'affinage est attaché à la monnaie,
et dans tous les pays l'établissement d'affinage, comme le reste de la monnaie,
est à la charge de l'entrepreneur. C'est une entreprise à forfait, dans
laquelle l’entrepreneur doit trouver des bénéfices, mais dans laquelle il doit
aussi supporter la perte.
Mais, dit M. le ministre des finances, ces bénéfices ne sont pas aussi
considérables qu'on le prétend : ils ne sont que négatifs. Messieurs, je n'ai
certainement pas entendu parler des bénéfices qui auraient pu être faits depuis
1830.Vous savez tous que depuis 1830 c'est à peine si l'on a battu monnaie en
Belgique, ce qu'il faut surtout attribuer à ce que nous n'avons pas
d'établissement d'affinage. C'est à cette absence d'un établissement d'affinage
qu'il faut attribuer la position d'infériorité dans laquelle la Monnaie de
Belgique s'est constamment trouvée vis-à-vis des autres établissements du même
genre. Mais que fallait-il faire en concluant un nouveau contrat ? Il fallait
faire de la création d'un établissement d’affinage une condition de
l'entreprise.
On a aussi parlé d'une perte de 3,000 fr. sur 1,500,000
fr. de monnaie battue, qu'aurait éprouvée l'ancien directeur de la monnaie.
Messieurs, je conçois très bien cette perte. Alors qu'il s'agissait de la
conversion de 1,500,000 fr. de vieilles monnaies de
billon, un établissement d'affinage devenait surtout nécessaire ; il n'en
existait pas. Que fallait-il faire ? Il fallait envoyer les lingots à
l'étranger pour les affiner ; et il en résultait des frais considérables. Du
reste, messieurs, cela ne prouve qu'une choc : c'est
qu'il faut avoir en Belgique un établissement d'affinage, mais cela ne prouve
pas que le gouvernement doive en supporter les frais.
On dit encore : il y a deux inventaires :
l'un pour le matériel du gouvernement, l’autre pour le matériel de
l'entrepreneur. Mais je ne vois pas de motifs d'augmenter l'inventaire de
l'Etat. Que l'entrepreneur augmente le sien. S'il ne reste que quelque temps à
la tête de l'établissement, il passera son matériel à son successeur qui lui en
payera le prix. Si, au contraire, il reste longtemps à la tête de
l'établissement, si celui-ci marche bien et s'il y a réduction sur la valeur de
ce matériel par suite de détérioration, cette réduction sera couverte et
au-delà par les bénéfices. Dès lors, je le répète, je ne conçois pas comment on
fait supporter des frais à l'Etat pour l'établissement d'une entreprise qui n'est
autre chose qu'un forfait. Je maintiens que cette dépense doit incomber au
directeur ; et quoi qu'on en puisse dire, en France et en Belgique les
directeurs des monnaies ont fait d'assez beaux bénéfices pour croire que cette
opération est bonne lorsqu'elle est bien dirigée et lorsque celui qui est en
charge en fait son unique affaire.
M. Manilius. -
Messieurs, je ne m'occuperai pas de la question de savoir si c'est le directeur
de la monnaie ou le gouvernement qui doit aviser aux moyens d'établir les
usines peur l'affinage. Mais une déclaration faite tout à l’heure par M. le
ministre des finances me préoccupe tout particulièrement, et je me lève pour
lui demander des éclaircissements sur cette déclaration.
Il semble que dans l'opinion du gouvernement l'hôtel actuel des postes
ne répond pas suffisamment à sa destination, ou tout
au moins qu’il se trouve placé dans une rue fort incommode. Il semble aussi
que, d’après un examen auquel s’est livré M. le ministre des finances, l’hôtel
de la monnaie conviendrait parfaitement pour y établir les bureaux de la poste,
pour lesquels il cherche un nouveau local.
Dans cette situation, messieurs, je ne crois
pas qu'il serait prudent, que ce soit pour le compte du directeur de la Monnaie
ou pour celui du gouvernement, de faire de bâtisses et des dépenses
considérables, et par conséquent de voter le crédit de 80,000 francs, dans
l'incertitude où nous sommes si la dépense ne se fera pas inutilement.
Je pense donc que nous ferons bien de ne pas voter aujourd'hui le
projet, sans pour cela repousser le principe de la création d'un établissement
d'affinage, et d'attendre que le gouvernement ait trouvé un local convenable
soit pour y établir la Monnaie, soit pour y établir les bureaux de la poste.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je me serai sans doute mal expliqué, car les observations
que j'ai faites à la chambre tendaient précisément à démontrer qu'il n'y avait
aucun avantage à déplacer la Monnaie et qu'il en résulterait de grandes
dépenses.
Messieurs, si je poursuivais le déplacement de la Monnaie et si je vous
demandais en même temps l'autorisation de construire de nouveaux locaux pour
l'affinage, je ferais (pardonnez-moi cette expression, puisqu'elle
s'adresserait à moi-même), deux choses contradictoires et parfaitement
absurdes. C'est donc en prenant pour point de départ le fait dès à présent
acquis, que la Monnaie doit rester où elle est, que je viens demander ce
crédit.
Mes recherches ont eu un tout autre objet ; c'était, ainsi que je l'ai
dit, de procurer à l'Etat une économie, en trouvant un local où l'on puisse
établir des bureaux et diverses administrations éparses aujourd'hui et qui
coûtent au gouvernement beaucoup plus qu'ils ne doivent coûter. Ce projet, je
le rattachais, au déplacement des bureaux de la poste, déplacement pour le
moment abandonné puisque le bail est renouvelé.
Les inconvénients que présente le local actuel ne sont d'ailleurs pas
très grands. A peine y a-t-il quelques pas de distance entre l'entrée de
l'hôtel des monnaies et l'entrée de l'hôtel des postes. La circulation, ainsi
que l’a fait remarquer l'honorable M. Lebeau, serait à la vérité beaucoup plus
facile, si les postes étaient transférées dans l'hôtel des monnaies. Mais ce
motif n'est pas décisif, loin de là, puisqu’il en résulterait une dépense
immense et qu'aujourd'hui la poste a une position centrale, la seule que le
commerce doive désirer.
L’honorable M. Dumortier pense que si l'on n'a pas établi d'affinage en
Belgique, c'est parce qu'on n’avait pas le droit de faire battre monnaie au
moyen de l'argent ou de l'or produit par l'affinage. Je me bornerai, en réponse
à cette observation, à vous donner lecture de l'article 27 de la loi monétaire
du 5 juin 1832 : « Il ne pourra être exigé de ceux qui porteront des
matières d'or ou d'argent à la Monnaie que les frais de fabrication. Ces frais
sont fixés à 9 fr. par kilogramme pour l'or et à 3 fr. par kilogramme pour
l'argent. »
Vous voyez donc que si l'on avait pu compter, en créant un établissement
d’affinage, de couvrir les frais d'établissement en un ou deux ans, on ne se
serait pas fait faute de le créer, puisqu'on aurait pu porter tous les jours à
la Monnaie les lingots affinés pour les faire convertir en pièces d'or ou
d'argent.
L'opération dont j'ai parlé n'est pas du tout
celle qui a suivi la démonétisation des anciennes monnaies. Cette opération date
du premier semestre de1835 ; il s'agissait exclusivement de la conversion des
lingots en pièces de 5 francs ou autres monnaies
d'argent.
J'ai déjà indiqué à la chambre les motifs de la division du matériel
telle qu'elle existe. Ce motif est précisément le partage des bénéfices. Les
bénéfices pour la fabrication du cuivre et pour la fabrication éventuelle de
l'or appartiendront à l'Etat, et le directeur aura seulement le bénéfice
éventuel de la fabrication de l'argent.
M. Verhaegen. -
Il résulte, messieurs, des discours qui viennent d'être prononces (et
d’ailleurs cela est conforme à la loi sur notre système monétaire), que la fabrication
de la monnaie, au moins des espèces d'argent, est une opération purement
matérielle, purement mercantile, une entreprise ordinaire en un mot. Mais si
c'est une opération purement matérielle, à laquelle sont attachés des bénéfices
considérables, au dire d'un honorable préopinant, pourquoi donc cette opération
ne fait-elle pas l'objet d'une adjudication publique, comme toutes les autres
opérations qui se font pour le compte de l'Etat ? Pourquoi ne cherche-t-on pas,
au moyen d'une mise au rabais, à concilier les charges qui incombent au
gouvernement, relativement à la fabrication des espèces de cuivre et des
espèces d’or, avec les avantages qui résultent pour l'entrepreneur de la
fabrication des espèces d'argent.
Aujourd'hui, messieurs, le gouvernement est tenu de remplir certaines
obligations très onéreuses sans compensation aucune ; le crédit de 80.000 fr.
qu'on nous demande est même destiné à doubler les bénéfices de l'entrepreneur ;
pourquoi ne ferait-on pas cesser cet étal de choses ? Pourquoi dans un cahier
des charges dans lequel le gouvernement stipulerait d'ailleurs toutes ses
garanties, ne pourrait-on pas concilier les obligations de l'Etat avec les
avantages accordés à l'entrepreneur ? De cette manière rien ne serait laissé
dans le vague : les droits du gouvernement et ceux de l'entrepreneur seraient
établis par le cahier des charges ; et celui qui, dans l'adjudication publique,
offrirait le plus d'avantage au gouvernement obtiendrait la préférence.
Je comprends, messieurs, qu'il eût été difficile de prendre une
semblable mesure, lorsqu’il y avait un directeur en titre, un directeur qui
aurait succédé à feu M.de Bourgogne ; qu'il eut été difficile de déplacer
l'homme qui était là, envers lequel on était lié par contrat ; mais ce
directeur ayant donné sa démission, il y avait table rase et dès lors, on
pouvait, sans inconvénient, tenter la voie d’adjudication publique, toujours
favorable à l’Etat.
Ainsi que vient de le dire M. le ministre, une partie du matériel
appartient au gouvernement, et c'est pour augmenter cette partie qu'il demande
un crédit de 80,000 fr. ; une autre partie du matériel appartient à (page 1543) l'entrepreneur ;
l'entrepreneur n'est chargé pour son compte que de la fabrication des espèces
d'argent, le gouvernement se réserve la fabrication des espèces d'or et des
espèces de cuivre et c'est pour la fabrication dis espèces d'or et de la
monnaie de cuivre que le gouvernement doit avoir son matériel.
Il me semble qu'on pourrait stipuler dans un cahier des charges que
l'entrepreneur serait chargé à forfait pour compte du gouvernement de la
fabrication que le gouvernement s'est réservée, en même temps qu'il exécuterait
l'entreprise dans son propre intérêt, pour les espèces d'argent ; dans ce cas,
le gouvernement n'aurait plus besoin de matériel, et des économies assez
notables seraient la conséquence de cette mesure.
Du reste, messieurs, si l'entreprise de la monnaie présente tant
d'avantage, je ne vois pas pourquoi le gouvernement ne prendrait pas pour cette
entreprise l'offre la plus avantageuse, pourquoi il ne tenterait pas
l'adjudication publique.
Nous avons malheureusement, messieurs, un grand vice dans plusieurs de
nos administrations, et ce vice porte des fruits amers, c'est qu'on substitue
toujours les arrangements particuliers à l'adjudication publique.
Quant à l'hôtel de la Monnaie, je ne sais pas s'il pourrait convenir,
plus que tout autre, à l'administration des postes, j’en doute ; c'est une
question que je n'examinerai pas, mais ce qui me paraît certain, c'est que pour
fabriquer de la monnaie, n'importe de quelle espèce de monnaie, il ne faut pas
un grand hôtel situé au centre de la ville L'hôtel actuel des monnaies pourrait
présenter de grands avantages au gouvernement ; s'il ne veut pas y placer la
poste, il pourrait y donner bien d'autres destinations. C'est un établissement
d'une valeur considérable, et je ne vois pas qu'un semblable établissement soit
nécessaire pour y faire des opérations purement matérielles. On peut fabriquer
de la monnaie n'importe à quel bout de la ville, à la porte de Hal, par
exemple, tout aussi bien que dans un quartier du centre, où les propriétés ont
le plus de valeur Ce n'est pas pour avoir le plaisir de dire : « Nous
avons un hôtel des monnaies », que nous devons faire des sacrifices de cette
nature.
En résumé, messieurs, je pense que si l'on
voulait réellement soigner les intérêts de l'Etat, on ferait une adjudication
publique ; alors celui qui offrirait le plus d'avantages aurait l'entreprise.
Je pense ensuite qu'il n'est pas nécessaire, pour fabriquer de la monnaie,
d'avoir un hôtel comme celui que nous avons maintenant. Cet hôtel, si on ne veut pas y transférer la poste, pourrait recevoir toute
autre destination.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, la question n'est pas seulement de savoir si l'hôtel des
monnaies doit être au centre de Bruxelles ou s'il ne doit pas y être. Si la
monnaie n'était pas où elle se trouve, je ne viendrais très probablement pas
proposer à la chambre de l'y mettre ; mais l'on doit se demander quelle somme
il en coûterait à l'Etat, pour la déplacer, Pour faire les bâtiments
nécessaires à la Monnaie, alors même qu'on les établirait dans un quartier où
les terrains sont le moins cher, à la porte de Hal, par exemple, en supposant
qu'il fût prudent de placer la Monnaie à l'extrémité de la ville, je pense que
la dépense totale serait à peu près d'un million, et j’engagerai les honorables
membres qui en doutent à aller voir l'hôtel des Monnaies.
Je suis en principe grand partisan de l'adjudication publique des
travaux public- ; mais je pense que ce serait un principe tout nouveau à
introduire dans notre législation que de mettre des fonctions publiques en
adjudication au plus offrant et dernier enchérisseur. Or, messieurs, je dis que
les fonctions du directeur de la monnaie sont réellement des fonctions
publiques ; le directeur de la monnaie est fonctionnaire, prête serment comme
tel, a ses obligations définies comme tel ; et s'il n'est pas fonctionnaire
public comme tous les autres, c'est parce qu'il y a des arrangements
particuliers pour le payement des salaires et pour les droits qui sont accordés
au public à l'égard du directeur de la monnaie. Ainsi, par exemple, toute
personne peut aujourd'hui porter des matières à la monnaie, à des conditions
que la loi détermine.
Maintenant, le gouvernement a le bénéfice de telles opérations, le
gouvernement a le bénéfice de telles autres espèces de
fabrication ; mais c'est là une espèce de traitement qui est accordé au
directeur et cette convention qui est, du reste, révocable même quant à
l'argent, n'a nullement pour effet d’ôter au directeur le caractère de
fonctionnaire public.
J'ai écouté attentivement les observations de l'honorable M. Verhaegen,
et il m'a été impossible de comprendre sur quoi porterait l'adjudication ;
l'adjudication porterait-elle exclusivement sur la reprise du matériel de
l'Etat ? Si l'adjudication ne porte pas sur ce point, portera-t-elle sur les
conditions légales de la fabrication ? Mettra-t-on en question, par un cahier
des charges, les principes de la loi de 1832 ? Si l'on ne fait ni l'un ni
l'autre, je ne sais plus sur quoi on adjugera.
L'honorable M. Verhaegen suppose que la
division du matériel est faite de telle façon que le matériel du gouvernement
serve aux fabrications qui profitent au gouvernement, et que le matériel du
directeur serve aux autres fabrications. Eh bien, cela n'est pas ainsi, la
distinction est faite d'après la nature du matériel, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur
de le faire remarquer ; ainsi les presses et la machine à vapeur qui
appartiennent au gouvernement servent également et pour les opérations dont le
gouvernement retire le bénéfice direct et pour les autres opérations, comme le
matériel du directeur sert aussi à préparer la monnaie qui est fabriquée pour
le compte et au bénéfice du gouvernement.
M.
Lebeau. - Messieurs, un honorable
préopinant vient de faire remarquer avec raison, et c'est une circonstance qui
m'avait échappé, que rien n'oblige à avoir pour la fabrication de la monnaie
une espèce de palais, placée au centre de la ville ; la fabrication de la
monnaie peut très bien se faire dans tout autre quartier et dans des parties de
la ville où il est facile de se procurer des locaux à bon marché.
S'il est vrai qu'on puisse indifféremment placer la Monnaie dans telle
ou telle localité, cela n'est pas vrai pour la poste ; il est certain que la
poste qui est en rapport continuel avec la partie; la plus nombreuse et là plus
riche de la cité, il est évident que la poste doit être nécessairement au
centre ; cela est incontestable. Eh bien, voyez dans quelle situation vous étés
placés quant à la poste !
Vous n'avez pas de local ; vous êtes locataires, et vous êtes locataires
avec un bail à court terme, si je ne me trompe ; vous pouvez d'un instant à
l'autre être congédiés de l'hôtel de la Poste ; or. en
pareil cas, je demande s'il sera facile au gouvernement de trouver, dans le
centre de la ville, un local qui soit aussi merveilleusement adapté au service
de la poste que l'hôtel de la Monnaie. M. le ministre des finances dit qu'il
faudrait peut-être une dépense d'un million pour créer un établissement destiné
à la fabrication de la monnaie ; cela me paraît extraordinairement exagéré ;
mais ce que M. le ministre ne prévoit pas, c'est ce qui arrivera le jour où
nous serons congédiés de l'hôtel de la poste que le gouvernement ne détient
qu'à titre précaire ; le gouvernement paye 10,000 francs ;
et je crois savoir que dans l'administration des postes, tout le monde est
d'accord que le local est insuffisant. Encore une fois, si vous étiez
propriétaire de l'hôtel actuel de la Poste, vous pourriez vous prévaloir de la
proximité du centre, mais vous devriez encore tenir compte des embarras de la
circulation, de la difficulté que présente aujourd'hui l'accès de l'hôtel de la
Poste, tandis que l'hôtel des Monnaies est merveilleusement disposé pour un
accès continuel, facile, à toutes les distributions de la poste ; il est en
dehors de la circulation des voitures et des chevaux ; il est dans une
situation analogue à celle des hôtels des Postes dans différentes villes, et
notamment à Francfort.
Je me demande pourquoi on ne prendrait pas en considération les observations
que j'ai présentées à cet égard, et je ne vois pas qu'on y ait répondu d’une
manière satisfaisante.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, sans doute je voudrais bien qu'on mît les postes à
l'hôtel de la Monnaie, pourvu que l'honorable membre me dît où l'on placera la
Monnaie ; c'est la seule question que je me permets de lui faire.
M.
Lebeau. - Où mettez-vous les
postes ?
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Avant de déplacer la Monnaie je dois savoir où je l'établirai, et
combien me coûterait le transfert. J'admets un instant que la dépense d'un
million, que j'ai indiquée, soit exagérée ; prenons seulement 800,00 fr. ;
n'est-ce pas là une dépense considérable, lorsque nous sommes aujourd'hui en
possession d'un hôtel dont la loyer est de 10,000 fr.
On me demande ce que je ferai lorsque le bail de l'hôtel des postes
expirera ; le gouvernement fera ce qu'il a fait jusqu'ici ; il renouvellera le
bail, et s'il ne peut pas le renouveler, il cherchera aux abords de la Place de
la Monnaie un hôtel assez vaste pour y placer les postes. Il y a ici deux choses
distinctes ; il ne faut pas croire qu'il sort nécessaire de réunir dans un
hôtel tous les bureaux qui se trouvent dans le bâtiment que le gouvernement a
loué.
Ainsi, pour être sûrs de pouvoir résilier un bail
de 10,000 fr., nous irions faire une dépense de 800,000 fr. ; je livre une
semblable opération à l'appréciation de la chambre ; je ne croirai pas devoir
la proposer : je rencontrerais certainement une plus forte opposition que celle
qui repousse le crédit de 80,000 francs demandé pour pouvoir faire de la
monnaie en Belgique.
J'ai entendu dire, il y a longtemps, que des plaintes avaient en lieu,
lorsque l'hôtel des postes était situé Place des Wallons, au-delà de la Grande
Place, dans la direction de la station des Bogards :
s'il y a des plaintes depuis que l’hôtel des postes a une situation centrale,
j'avoue qu'elles me sont inconnues.
La différence entre ce qui est et ce que désire l'honorable membre,
c'est que maintenant on fait vingt pas de plus dans une rue moins large et
moins commode ; mais la situation actuelle de l'hôtel des postes satisfait aux
intérêts des habitants de Bruxelles et du commerce ; je désire qu'on puisse la
lui conserver toujours. :
M. Verhaegen. -
Je ne sais si M. le ministre des finances ne m'a pas compris eu s'il n'a pas
voulu me comprendre.
Je vais tâcher de m'expliquer d'une manière plus claire. M. le ministre
trouve extraordinaire que je veuille mettre en adjudication publique les
fonctions publiques.
Il ne s'agit pas, messieurs, du tout de cela. Le directeur des monnaies,
tel qu'il est d'après la loi, n'a aucune autorité. Nous avons notre commission
des monnaies ; c'est la commission des monnaies qui veille aux intérêts du
gouvernement, qui contrôle les actes de l'entrepreneur ; nous ne pouvons donc
pas donner au directeur de la monnaie la qualification de fonctionnaire public.
Messieurs, je n'aurais pas pris part à cette discussion, si je n'avais
pas entendu l’honorable M. Dumortier parler de bénéfices considérables pour
l’entrepreneur et de cirages lourdes imposées au gouvernement ; mais, en
entendant ces paroles, je me suis dit : « S'il y a des bénéfices considérables
pour l'entrepreneur, et des charges lourdes pour le gouvernement, ne serait-il
pas possible, au moyen d’un plan bien combiné, de compenser ces charges avec
ces bénéfices, c’est-à-dire de battre monnaie sans qu’il nous en coûte un
obole ?
Vous me demandez comment je formulerais mon cahier des charges, le voici
: Je dirais que je vais mettre la fabrication de la monnaie, pour les pièces
d'argent, en adjudication publique. J'aurais des conditions générales dans
lesquelles j'établirais convenablement des garanties pour le gouvernement ;
puis, je dirais que l'entrepreneur devrait avoir le matériel nécessaire, en lui
laissant toutefois l'usage du matériel qui appartient aujourd’hui à l’Etat.
Quant à la fabrication des espèces d'or et de cuivre, il établirait un
prix (page 1544) à forfait, en
stipulant toutes les garanties nécessaires dans l’intérêt du gouvernement.
Après avoir fait mon cahier des charges, je ferais une adjudication
publique ; je mettrais au rabais le prix de la fabrication des espèces d'or et
de cuivre. Celui qui offrirait le prix le plus bas en calculant les avantages
qu'il aurait sur la fabrication des espèces d'argent, serait adjudicataire,
sous réserve encore au gouvernement du droit d'approuver et de ne pas
approuver.
Par ce moyen nous aurions notre fabrication
des espèces d'or et de cuivre pour rien, parce que les frais seraient compensés
par les bénéfices que l'entrepreneur ferait pour son compte particulier sur la
fabrication des espèces d'argent. Nous n'aurions pas besoin de demander de
crédit pour la fabrication de notre monnaie, et notre bénéfice serait clair et
net.
Je crois cette fois m'être suffisamment fait comprendra et j'ose espérer
que M. le ministre saura tirer profil de mes observations dans l'intérêt de
l'Etat.
M.
le ministre des finances (M. Malou). - Je comprends maintenant un peu mieux l'innovation proposée par
l'honorable membre. La Belgique en aurait l'initiative dans l'univers entier
depuis qu'on bat monnaie. Le directeur de la monnaie n'est pas un fonctionnaire,
dit l'honorable membre ; sans doute il est sans juridiction ; en ce sens
l'observation est fondée, mais d'après la nature de ses fonctions, c'est un
agent de l'Etat. Si l'honorable membre le veut, je dirai un employé plutôt
qu'un fonctionnaire. Mais une pareille position, bien qu'elle ne donne pas de
juridiction, exige des garanties : elle exige qu'il existe, entre le
gouvernement et le directeur de la monnaie, ce lien hiérarchique qui se trouve
entre le gouvernement et ses agents. Sous un autre rapport, les vœux de
l'honorable membre sont dépassés de beaucoup.
Nous avons en Belgique les combinaisons analogues à celles qui existent
dans les pays où l'on bat monnaie, et l'Etat fait celle année même un bénéfice
assez important.
Le budget des recettes pour la fabrication de la monnaie de cuivre
contient un produit de 300 mille francs, tandis qu'au budget des dépenses figure seulement une somme de 210,000 fr. Un bénéfice de 90
mille fr. sur 300 mille est assez important. Si nous parvenons à fabriquer de
la monnaie d'or, comme je l'espère, les bénéfices seront bien plus
considérâmes.
Que la chambre me permette d'ajouter un mot
encore, bien que cette discussion ait été assez longue. Je ne vois qu’une seule
alternative : il faut déclarer nettement qu'on ne veut fabriquer de la monnaie
d'aucune espèce ou mettre le gouvernement en mesure de donner à la fabrication
de la monnaie une activité telle que les bénéfices soient réels et que l'Etat
trouve dans l'établissement de la monnaie nationale l'utilité qu'il doit en
attendre. Telle est donc l'alternative : ou décréter la suppression de la
Monnaie ou mettre le gouvernement en mesure de la faire marcher avec une
activité qu'elle n'a pas eue jusqu'aujourd'hui.
- La discussion est close.
Sur la proposition de M. Osy, la chambre ordonne la
réimpression et la distribution du projet de loi relatif à la fabrication de la
monnaie d'or présenté le 10 octobre 1837.
Vote sur l’article
unique et sur l’ensemble du projet
« Article unique, il est ouvert au département des finances (exercice
1846), un crédit supplémentaire de quatre-vingt mille francs (fr. 80,000), pour
appropriation des locaux de l'hôtel des monnaies à l'établissement d'un affinage
et pour réparation et renouvellement partiel des machines.
« Ce crédit formera l'article unique du chapitre VIII du budget des
finances pour l'exercice 1846. »
- Adopté.
__________________
Il est procédé au vote par appel nominal sur l'ensemble du projet de loi
; en voici le résultat :
62 membres sont présents.
1 (M. Jonet) s’abstient, parce qu'il n'a pas assisté à toute la
discussion ;
61 prennent part au vote.
47 votent pour l'adoption.
14 volent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l'adoption : MM. Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Brabant, Clep, Coppieters, de Breyne,
Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Garcia de la Vega, de La Coste,
d'Elhoungne, de Man d Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Naeyer, de
Roo, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus (aîné), Dubus
(Albéric), Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Kervyn, Lange,
Lejeune, Loos, Malou, Mast de Vries, Osy, Orban, Orts, Pirson, Rodenbach,
Rogier, Simons et Thienpont.
Ont voté contre : MM. Troye, Verhaegen, Biebuyck, de Bonne, Delfosse, de
Renesse, de Tornaco, Dumortier, Lebeau, Lesoinne, Lys, Manilius, Pirmez et
Sigart.
PROJET DE LOI
ACCORDANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES AFFAIRES
ETRANGERES POUR L’EXERCICE 1846
Discussion de
l’article unique
M.
Osy. - Par le budget de 1845,
le gouvernement avait demandé au chapitre VI pour les missions extraordinaires
une somme de 50,000 fr. Sous l'administration de l'honorable général Goblet, on
lui a fait observer que celle somme était peut-être trop considérable ; il
avait donc consenti à réduire la somme à 40,000 fr. Aujourd'hui, le
gouvernement nous demande sur le même chapitre VI une augmentation de 39,000
fr.
Ainsi, au lieu de 50,000 fr. qui vous avaient été demandés précédemment,
somme qui avait été réduite à 40,000 fr., la dépense s'élèvera à 80,000 francs.
M. le ministre dit dans l'exposé des motifs : « Cette somme a été insuffisante
aux besoins du service, par suite des négociations commerciales avec la France,
de la conclusion et de l'échange de plusieurs traités, conventions, etc. »
La section centrale, dont j'ai l'honneur d'être rapporteur, s'est fait
produire les étals ; elle a trouvé qu'au lieu de 39,000 fr., pour la convention
avec la France, on n'avait dépensé que 28,000 fr. Reste une somme de 28,000 fr.
sur laquelle on a alloué 7,920 fr. à notre envoyé au Mexique. qui a fait un détour par Santo-Thomas. Ce diplomate a fait
le voyage par un navire de l'Etat. Nonobstant, on demande pour son voyage une
somme de 80,000 fr.
En outre, nous avons trouvé que les dépenses extraordinaires s'élèvent à
des sommes excessives.
En outre, pour le seul transport des meubles d'un de nos agents
diplomatiques de Berlin à La Haye, on a payé 6,000 fr., alors que, d'après
l'état, on paye largement les frais de voyage.
Déjà dans le rapport qu'a fait l'honorable M. Dedecker sur le budget de
1845, il est dit :
« M. le ministre s'est engagé à rédiger un nouveau règlement pour fixer
les frais de voyage des agents diplomatiques, règlement qui pourra être mis à
exécution en 1846. Il est permis d'espérer que ce nouveau règlement apportera
quelques économies au chiffre du chap. VI.
Loin de là, vous voyez qu'il y a eu de grandes augmentations.
Je dois engager M. le ministre à remplir les promesses de ses
prédécesseurs, de faire paraître l'arrêté, pour que chacun sache ce qu'il a à
recevoir pour ses frais de voyage. Aujourd'hui que l'Europe est sillonnée de
chemins de fer et de bateaux à vapeur, on ne peut accorder des frais de séjour
aussi considérables. D'après l'état qui a été mis sous nos yeux, il a été
alloué pour un séjour de 56 jours, jusqu'à 80 fr. par jour. Le règlement qui a
été promis peut seul mettre fin à ces abus. Sinon il n'y aurait, pour
contraindre le gouvernement à réduire les dépenses, d'autre moyen que de
rejeter les crédits demandés.
Lors du budget. on promet de réduire les
dépenses. Puis on présente des crédits supplémentaires.
Je demande donc à M. le ministre s'il est enfin décidé à faire paraître,
dans le courant de l'année, un règlemenl non seulement
pour les frais de voyage, mais aussi pour les frais de séjour de nos agents
diplomatiques.
Messieurs, l'année dernière je vous ai présenté quelques observations
relativement à notre agent diplomatique près la cour de Hanovre. Cet agent
était en même temps accrédité auprès des villes hanséatiques. Mais si je suis
bien informé, on veut introduire dans cet état de choses une modification d'où
il résultera encore de nouvelles dépenses. Car au lieu de laisser la mission du
Hanovre attachée à celle des villes hanséatiques, on veut l'en séparer pour la
réunir à celle de la Haye : et, dès lors, au lieu de payer les frais de voyage
et de séjour d'un chargé d'affaires, vous devrez payer les frais de voyage et
de séjour d'un ministre plénipotentiaire.
On pourra me répondre que le Hanovre avait à Bruxelles un ministre
plénipotentiaire et non un chargé d'affaires. Mais je viens de voir, dans le
Moniteur, que le Hanovre fait des économies, et qu'il nous envoie plus qu'un
chargé d'affaires. Je demande donc que la mission du Hanovre reste réunie à
celle des villes hanséatiques.
Messieurs, nous avons voté l'année dernière
une très forte somme pour un envoyé au Mexique. Vous savez que la guerre est
déclarée entre ce dernier pays et les Etats-Unis. C'est donc le moment pour notre
envoyé de se trouver à son poste, au lieu d'être dans cette misérable colonie
de Santo-Thomas. Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères si les
excursions de cet agent arriveront bientôt à leur terme et si nous pouvons
espérer de le voir prochainement à son poste. Car si nous payons un diplomate
pour nous représenter au Mexique, c'est dans ce pays qu'il doit se trouver et
non dans une colonie.
Je demanderai des renseignements sur ces divers points.
(page 1550) M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l'honorable M. O-y a rappelé qu'on avait réduit en 1845 le
chiffre de 50,000 fr. à celui de 40,000 fr. que mon honorable prédécesseur avait
jugé suffisant pour couvrir les dépenses de cette nature. Je ferai d'abord une
remarque générale : c'est qu'à mesure que les relations extérieures de la
Belgique s'étendent, on devrait croire que les frais des missions
extraordinaires auraient dû s'augmenter dans la même proportion. Mais,
messieurs,, le contraire est arrivé. En 1840, les
dépenses imprévues et pour missions extraordinaires se montaient à 84,000 fr.
et en 1841, à 50,000 fr. C'est alors, messieurs, que mon honorable prédécesseur
a consenti à ce que ce chiffre fût réduit à la somme de 40,000 fr. Mais déjà
j'avais eu l'honneur, de dire à la chambre, lors de la discussion du budget,
qu'à cause des négociations commerciales avec la France et avec d'autres Etals,
de l'échange de diverses ratifications et de quelques missions extraordinaires
qui avaient été ordonnées, je serais dans l'obligation de demander à la chambre
un crédit supplémentaire pour ces dépenses qui déjà étaient effectuées. Sans
ces circonstances tout à fait exceptionnelles, le chiffre de 40,000.,
fr. aurait suffi.
Je veux seulement faire cette remarque, c'est que ces dépenses ont
plutôt été en diminuant qu'en augmentant depuis 1840.
L'honorable M. Osy a examiné quelques-uns des détails dont il s'agit
dans ce projet de loi.
Il a trouvé exorbitante la somme de 7,920 fr. qui était demandée pour
couvrir les frais de la mission extraordinaire, confiée à M. Blondeel, à Santo-Thomas et à Guatemala. Messieurs, déjà
dans le rapport de l'honorable M. Osy, la chambre a pu voir que cette dépense
avait été payée sur déclaration appuyèe par des
pièces justificatives et conformément au tarif du 28 décembre 1838.
Du reste, messieurs, la chambre sait que dans ces contrées de l'Amérique
centrale et de l'Amérique du Sud, la vie est extrêmement chère, que les
dépenses sont à un taux tel qu'aucun point de comparaison ne peut être pris
dans nos usages européens. Ainsi pour ne citer qu'un fait, les transports à
l'intérieur dans ces contrées se font tous à dos de mules, et exigent par
conséquent des dépenses considérables. Messieurs, j'ai voulu m'assurer
moi-même, par des renseignements que j'ai pu puiser récemment, que ces dépenses
n'avaient rien d'exagéré. Les officiers de la marine royale qui avaient été
envoyés dernièrement dans ces parages, ont justifié de dépenses qui sont
correspondantes à celles de notre envoyé.
L'honorable M. Osy a aussi attiré l'attention de la chambre sur un
chiffre qui lui paraissait élevé, concernant le transport du mobilier de notre
ministre de Berlin à La Haye, et qui se monte à une somme de 5,512 fr. Encore
là, messieurs, ces dépenses ont été faites sur déclarations ; des pièces
justificatives ont été soumises au gouvernement à l'appui de ces déclarations,
et elles ont été liquidées en vertu de l'arrêté de 1838.
Du reste, messieurs, je ferai remarquer à la chambre, en ce qui concerne
les transports du mobilier, qu'en France, par exemple, les agents diplomatiques
ont la coutume, lorsqu'ils quittent leur résidence pour se rendre dans une
autre, de vendre leur mobilier dans leur ancienne résidence. Mais, messieurs,
en France comme dans d'autres pays, les agents diplomatiques
oint, pour chaque déplacement, des frais de déplacement nouveaux, frais
qu'on n'accorde pas en Belgique aux agents du corps diplomatique.
Messieurs, j'avais fait la promesse à la chambre, comme l'a rappelé
l'honorable M. Osy, de faire paraître un tarif sur des bases nouvelles, pour
fixer les frais de voyage et de séjour des agents du corps diplomatique. J'ai
en effet fait préparer un projet, et ce n'est qu'à cause des circonstances qui
se sont passées depuis la discussion du budget, circonstances à l'intérieur,
négociations à l'extérieur qui ont pris presque tout mon temps, que ce travail
n'est pas encore termine. Mais je puis ratifier la promesse que j'ai faite, et
sous très peu de temps ce tarif sera publié.
Messieurs, notre envoyé au Mexique a en effet été chargé d'une mission
spéciale à Guatemala et à Santo-Thomas.
Je pense que cette mission était dans les vœux de la chambre. La chambre
a témoigné plusieurs fois le désir, que le gouvernement du reste a (page 1551) partagé, de connaître quels
étaient les faits relatifs à cette colonie de Santo-Thomas. Sous très peu de
jours, demain ou après-demain, je déposerai la première partie du rapport que
M. Blondeel a soumis au gouvernement, et la chambre
pourra connaître, à la lecture de ce rapport, que celle mission n'a pas été
sans résultat.
L'honorable M. Osy a attiré l'attention de la chambre sur la question
relative à notre mission à Hanovre.
Messieurs, voici les faits tels qu'ils se font passés. Après le départ
de M. Dujardin de Hanovre, on a jugé qu'il était convenable, pour user d'une
complète réciprocité envers le Hanovre, de charger notre ministre à La Haye, de
représenter la Belgique près de ce gouvernement. Je dis, messieurs, que c'était
pour user d'une complète réciprocité. En effet un ministre plénipotentiaire, M.
de Kielmansegg, était accrédité en même temps à La
Haye et à Bruxelles. Sa résidence ordinaire était La Haye, sa résidence
exceptionnelle était à Bruxelles. Usant de réciprocité, comme c'est d'usage
relativement au rang des agents diplomatiques, le gouvernement belge a cru
qu'il était de son devoir, que les convenances exigeaient que notre ministre
plénipotentiaire à La Haye fût chargé aussi de représenter la Belgique à
Hanovre. C'est la raison pour laquelle cette décision a été prise, et la
chambre reconnaîtra qu'elle est parfaitement justifiable.
L'honorable M. Osy a fait connaître un fait nouveau et tout récent ;
c'est le remplacement de M. le comte de Kielmansegg
par un chargé n'affaires, accrédité en même temps près des cours de La Haye et
de Bruxelles. Messieurs, je dois dire d'abord que le départ de M. de Kielmansegg n'est nullement dû à des motifs politiques ;
qu'il n'est dû qu'à des raisons de famille. Les seuls motifs du remplacement de
ce ministre plénipotentiaire par un chargé d'affaires sont des difficultés
personnelles que l'on a rencontrées dans le Hanovre pour trouver dans le corps
diplomatique un membre de ce corps, ayant des titres suffisants pour être nommé
ministre plénipotentiaire près des cours de La Haye et de Bruxelles. C'est là
la seule cause pour laquelle un ministre plénipotentiaire a été remplacé par un
chargé d'affaires auprès des cours de La Haye cl de Bruxelles, et dès lors il
n'y a là aucun acte de désobligeance envers les deux cours de Bruxelles et de
La Haye ; le choix récemment fait est dû à une cause toute exceptionnelle et
purement personnelle.
Ainsi,
messieurs, si le gouvernement belge avait fait ce que conseille l'honorable
membre, s'il avait chargé le général Willmar de présenter ses lettres de
rappel, il aurait attaché un caractère politique à un acte qui n'a nullement ce
caractère ; il aurait donné à cet acte des proportions qu'il a cru ne pas
devoir y donner.
Voilà, messieurs, le motif pour lequel rien n'a été changé en ce qui
concerne la mission de notre ministre à La Haye près de la cour de Hanovre.
M. Osy. -
L'honorable M. Dujardin était accrédité dans le temps à Hambourg et à Hanovre
en qualité de chargé d'affaires ; je ne conçois réellement pas pourquoi l'on a
changé cet état de choses, alors surtout que Hambourg et le Hanovre ne font
presque pas de dépenses. Je crois qu'il y a là une économie réelle à faire ;
et, sans vouloir faire ici de l'administration, j'appelle sur ce fait toute
l'attention de M. le ministre.
(page 1544) M.
Lebeau. - Je ne puis m'empêcher de faire remarquer à la
chambre que le ministère finit toujours par avoir raison des résistances
qu'elle lui a opposées dans la discussion des budgets ; il finit par en avoir
raison au moyen de la ressource des crédits supplémentaires. Il y a vraiment un
singulier contraste entre l'esprit d'économie, je ne voudrais pas dire de
parcimonie, avec lequel on discute parfois les traitements et les dépenses
diplomatiques lorsqu'il s'agit des budgets, et la facilité avec laquelle, quand
il s'agit de crédits supplémentaires, on vote ces mêmes dépenses, bien qu'elles
concernent la partie la moins populaire de nos budgets.
Ainsi, messieurs, on resserre dans les proportions de la plus sévère
économie les traitements de nos envoyés à l'étranger, et je n'hésite pas à dire
que dans quelques localités ces traitements sont même au-dessous de ce qu'exige
le rang que doivent tenir ces fonctionnaires et au-dessous de ce que commande
l'importance du pays, mise en rapport avec beaucoup d'autres pays qui
accréditent des agents chez nous ; mais il arrive, d'un autre côté, que la
chambre se prête avec une merveilleuse facilité à voter, sous le titre de
crédits supplémentaires, de véritables augmentations de traitement, ou tout au
moins des augmentions considérables dans les frais d'une légation. Ainsi,
lorsqu'il s'agit, par exemple, de la mission la plus importante que notre
diplomatie ait à remplir, lorsqu'il s'agit de la conclusion d'un
traite de commerce, presque toujours une légion d'envoyés extraordinaires vient
au secours de nos ambassadeurs ou de nos ministres plénipotentiaires. C'est (page 1545) précisément au moment où
ceux-ci sont appelés a
remplir un rôle pratique, utile, qu'on semble les considérer comme n'étant à
leur poste que pour représenter.
Vraiment à la vue d'un tel spectacle on est conduit à croire que notre
diplomatie n'a à s'occuper ordinairement que de représentation, et que dès le
moment où elle deviendrait utile, il faut que le titulaire s'efface et
abandonne sa besogne aux diplomates qu'on lui envoie en quelque sorte ad hoc.
Il en résulte que dans le pays on sera de moins en moins disposé à faire aux
diplomates à résidence la position qui leur convient et que d'autre part vous
diminuez aux yeux des cours auprès desquelles ces diplomates sont accrédités,
et à leurs propres yeux, l'importance du râle qu'ils tiennent de la confiance
du gouvernement. Il semble véritablement, je ne saurais assez le redire, qu'ils
ne sont à l'étranger que pour représenter, et que quand il y a quelque chose
d'utile à faire, ils reçoivent une sorte de brevet d'impuissance de la part du
gouvernement. Dès lors, je le répète, l'on risque de porter atteinte à leur
considération auprès des gouvernements étrangers ; on les déconsidérer à leurs
propres yeux ; vous les indisposez contre le gouvernement, vous les blessez ;
et je dois le dire, j'ai été quelque fois témoin de ces dispositions de
quelques titulaires de nos légations.
Il est, messieurs, quant aux autres objets du crédit supplémentaire, des
réflexions qui naissent tout naturellement, mais sur lesquelles il est
difficile de s'appesantir parce qu'elles touchent à des questions de personnes.
Ces réflexions, du reste, se présentent à peu près à tous les esprits.
L'honorable M. Osy a parlé de la nécessité d'adopter un tarif des frais de
voyage pour nos agents diplomatiques. M. le ministre des affaires étrangères
est tout prêt, dit-il, à préparer et à promulguer un pareil tarif ; mais il y a
autre chose, messieurs, à réformer que le tarif, c'est la manie de déplacer les
agents, c'est la facilité avec laquelle les déplacements ont lieu, non pas,
j'en suis convaincu pour mon compte et cette opinion n'est pas exclusivement la
mienne, je la crois assez générale dans cette chambre ; ce n'est pas toujours
dans l'intérêt du pays, dans l'intérêt du gouvernement, mais plus souvent pour
obéir à des convenances personnelles, que ces déplacements, ces permutations
ont lieu.
Ainsi il est très difficile de faire comprendre comment, au point de vue
du l'intérêt général, il y a eu nécessité d'opérer, l'année dernière, un déplacement
de diplomate qui a entraîné peut être une dépense supérieure à un traitement de
ministre ; car enfin si pour transporter des meubles d'un de nos employés d'une
ville d'Allemagne à une autre destination, il a fallu 5,500 fr., il est évident
que pour transporter les meubles de celui qui est allé remplacer ce titulaire,
il a fallu une somme à peu près pareille ; joignez à cela les frais de
transport des ministres et de leurs familles qui ne se transportent pas, comme
des meubles, par des voitures de rouage, mais par de bonnes voitures de poste ;
et vous arrivez à une dépense de 20,000 fr. peut-être... pour faire une chose
utile au pays ? Non, ou bien, je serais dans la plus complète erreur sur ce
point ; mais pour faire une chose utile, selon l'opinion générale, à quelques
convenances personnelles.
Voilà comment on rend difficile la tâche de ceux qui ont toujours
cherché à défendre ici, dans l'intérêt du pays, les allocations destinées au
service de la diplomatie, tâche qu'on rendra plus difficile que jamais, si ou
ne se hâte pas de sortir d'un pareil système.
Et puisque je parle de convenances personnelles, je dirai encore un mot
d'un fait qui vient d'être porte à ma connaissance, et j'ai hâte de le dire, ce
n'est point par l'intéressé.
Il y avait, depuis cinq ou six ans, dans une légation fort lointaine un
homme estimable qui représentait la Belgique près d'un gouvernement que nous
avions blessé, avec lequel nous avons eu le malheur de signer deux traités de
commerce que nous avons laissé tomber en désuétude. Grâce à ses relations, à
son caractère conciliant, à l'estime dont il avait su s'environner, notre
envoyé est parvenu à triompher des légitimes préventions de ce gouvernement, et
à opérer un rapprochement qui a permis à notre cabinet de conclure un nouveau
traité. Ce traité nous a été soumis, nous l'avons approuvé tout d'une voix ; et
pour récompenser le négociateur qui avait tout au moins prépare les voies, on
donne son poste à un autre et on l'envoie à plus de deux mille lieues de là,
dans un poste au moins aussi délicat, sinon plus difficile ; on l'y envoie
malgré lui, et malgré le gouvernement auprès duquel il était accrédité et qui a
vainement réclamé pour le conserver.
Voilà, si je ne me trompe, des abus ; ces
abus engendrent des dépenses, et c'est pour faire face à ces dépenses souvent
inutiles qu'on demande des crédits supplémentaires.
Je le répète, personne n'est plus convaincu que moi de l'utilité de la
diplomatie. Je crois qu'une diplomatie, bien organisée, convenablement
rétribuée, peut rendre de grands services à un pays qui ne peut pas en imposer
par sa population, par ses armées ; mais je crois que par la complaisance avec
laquelle on accueille des exigences purement personnelles, des exigences
souvent étrangères au bien du service en rend presqu'impossible en Belgique la
tâche des défenseurs de la diplomatie.
(page 1551) M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, l’honorable préopinant s'est plaint de ce que les
ministres cherchaient dans les crédits supplémentaires une ressource contre la
résistance qu'ils rencontraient dans les chambres lors de la discussion des
budgets. Messieurs, pour ce qui me concerne, je n'ai pas trouvé de résistance,
lors de la discussion du budget, sur l'article dont il s'agit maintenant, et
qui se rapporte aux missions extraordinaires et aux dépenses imprévues.
Connaissant les dépenses qui forment l'objet du crédit supplémentaire, j’ai
pris soin alors d'avertir la chambre que le chiffre devrait être augmenté par
cette demande de crédit supplémentaire. Veuillez remarquer, messieurs, que
cette dépense résulte de faits qui, en partie, ont précédé mon entrée au
département des affaires étrangères ; il s'agit de frais de voyage qui ont eu
lieu en vertu de missions confiées à nos agents à l'étranger, missions dont
l'utilité n'est pas contestée, et la chambre ne peut pas se dispenser d'en
ordonner la liquidation par le vote du crédit supplémentaire.
Du reste, je partage l’opinion de l'honorable membre, qu'il faut tâcher
d'éviter les demandes de crédits supplémentaires ; mais je ferai observer que
la réduction qu'on a opérée sur ce littera du budget en 1845, a créé la
nécessité de cette demande de crédit. Réduire le chiffre des dépenses
extraordinaires et imprévues à un taux trop restreint, c'est poser la cause des
demandes de crédits de ce genre.
L'honorable M. Lebeau a semblé blamer l'envoi
des commissaires spéciaux près de nos agents à l'étranger, lorsqu'une
négociation importante est entamée entre la Belgique et ces gouvernements ; il
a cru que l'envoi des commissaires spéciaux était de nature à discréditer, pour
ainsi dire, nos agents diplomatiques.
Messieurs, dans toutes négociations, l'envoi de commissaires spéciaux
est une nécessité. On comprend qu'un diplomate, quelle que soit sa capacité,
quelles que soit ses connaissances spéciales, ne peut pas mener une négociation
difficile où les questions de détail dominent, sans l'adjonction de
commissaires spéciaux ; on ne donne pas pour cela un brevet d'ignorance à nos
ministres plénipotentiaires ; car la nécessité de cette adjonction résulte de
la nature même des choses.
Ainsi dans le cours de nos négociations à Londres, on a envoyé dans cette
ville des hommes les plus éminents, MM. Nothomb, Devaux, etc., pour être
adjoints à notre ambassadeur à Londres : a-t-on donné par là un brevet
d'impuissance et d'incapacité à M. Van de Weyer ?
M.
Lebeau. - M. Van de Weyer n'était
pas alors ministre à Londres.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - C'est une erreur ; pendant la mission de M. Van de Weyer à Londres,
des commissaires spéciaux lui ont été adjoints plusieurs fois. Je pourrais
citer d'autres précédents relatifs à nos négociations avec la Hollande où MM.
Smits, Dujardin et d'autres encore ont été envoyés, à nos négociations avec la
France en 1833 et en 1841. Les autres pays en usent toujours ainsi.
L'honorable préopinant a parlé des déplacements qui ont eu lieu dans le
personnel de la diplomatie. La chambre me permettra de protester contre
l'allégation de l'honorable membre, à savoir que ces déplacements auraient été
opérés plus en vue de convenances personnelles que par des motifs d'intérêt
public. Il est impossible de discuter de pareilles questions à la tribune ;
mais le gouvernement pourrait certainement faire valoir des raisons d'intérêt
public pour justifier complétement les déplacements qui ont eu lieu.
L'honorable membre a fait allusion à un fait que j'ignore ; il a affirmé
que notre ministre au Brésil....
M.
Lebeau. - Ce n'est pas à lui que
j'ai fait allusion.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J'ai dès lors mal compris. Du reste, je le répète, il est impossible
de porter à la tribune une discussion sur les motifs qui ont nécessité tels ou
tels déplacements dans le corps diplomatique.
Je regrette d'avoir dû présenter cette demande de crédit supplémentaire
; je ne l'ai fait que pour couvrir des dépenses effectuées pour des missions
dont personne ne conteste l'utilité, et ces dépenses sont constatées par les
pièces justificatives exigées par l'arrêté de 1838.
M.
Osy. - Je prie M. le ministre
de nous dire si la mission à Guatemala finira bientôt et si notre agent
retournera à son poste au Mexique.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Cette mission sera bientôt terminée, je pense ; la première partie du
rapport de notre agent a été communiquée au gouvernement, elle sera déposée sur
le bureau. Le gouvernement attend la deuxième partie de ce rapport, qui
comprend la question commerciale.
Je ferai observer que notre ministre qui a été chargé de cette mission a
été malade assez longtemps à Santo-Thomas, ce qui ne lui a pas permis de
terminer sa mission aussi vite que lui-même l'avait espéré. Cette mission avait
assez d'importance pour ne rien négliger afin de la rendre sérieuse.
(page 1545) M.
Lebeau. - Je veux seulement dire que je n'ai pas blâmé en
principe, quand il s'agit de négociations difficiles et compliquées, l'envoi de
commissaires spéciaux ; je n'ai pas entendu me livrer à une pareille
exagération. Toutes les fois qu'il s'est agi de négociations complexes,
difficiles, il a fallu entourer le négociateur principal d'hommes spéciaux ;
mais je me suis récrié contre ce que je crois l'abus de ce système ; pas la
moindre négociation ne s'engage sans que notre plénipotentiaire à l'étranger ne
reçoive un renfort considérable. C’est ainsi que nous avons, il y a quelques
années, malgré la présence d'une haute capacité sur les lieux, une ambassade
commerciale extraordinaire, organisée avec un luxe qui a étrangement contrasté
avec l'inanité des résultats obtenus.
Voilà les abus que j'ai voulu critiquer.
Vote de l’article
unique et de l’ensemble du projet
M. le président.
- Je vais mettre aux voix par appel nominal l'article unique du projet qui est
ainsi conçu :
« Il est ouvert au département des affaires étrangères un crédit
supplémentaire de trente-neuf mille six cent dix-huit francs huit centimes (fr.
39,618 08 c), destiné à couvrir des dépenses arriérées de 1845.
« Cette somme sera ajoutée à l'allocation votée pour le chapitre VI. article unique, du budget de 1845, intitulé : Allocation
extraordinaires, traitements d'agents politiques et consulaires en activité et
dépenses imprévues. »
Voici le résultat du vote :
53 membres répondent à l'appel.
33 membres répondent oui.
20 membres répondent non.
En conséquence, le projet de loi est adopté ; il sera transmis au sénat.
Ont répondu non : M.M. Verhaegen, Cans, de Bonne, Delfosse, d’Elhoungne,
de Meester, de Renesse, de Tornaco, Dubus (Albéric), Eloy de Burdinne, Fleussu,
Jonet, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Orts, Osy, Rogier et Sigart.
Ont répondit oui : MM. Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen,
Zoude, Biebuyck Brabant, Clep, Coppieters, de Breyne, Dechamps, de Corswarem,
Dedecker, de Garcia de la Vega, de La Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Naeyer, Desmet, de Terbecq, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dubus (aîné),
Fallon, Huveners, Loos, Mast de Vries, Orban, Pirmez, Pirson, Rodenbach,
Simons, Thienpont et Vilain XIIII.
PROJET DE LOI RELATIF
A LA CONCESSION DU CHEMIN DE FER DU LUXEMBOURG
Discussion générale
M. Pirson. -
Messieurs, les faits sont là qui les constatent, la révolution de 1830 a
imprimé à la Belgique une bien grande énergie ; elle a donné aux esprits et aux
bras une bien grande activité. Depuis 1830, la Belgique, sous la direction
éclairée du chef de la dynastie appelée désormais à la gouverner, a montré ce
beau spectacle d'une nation développant au plus haut degré sa prospérité
matérielle, tout en fondant son indépendance. Au milieu des embarras, des
difficultés, des périls même qui l'entourèrent dans les premières années de son
émancipation politique, on l'a vue alors calme déjà, sage, prudente,
laborieuse, et conseillée par un de ces hommes de cœur dont le dévouement lui
était bien connu, compléter son œuvre de régénération, par la réunion du
perfectionnement industriel, à la conquête de ses libertés. Et parmi les causes
qui firent si rapidement progresser son industrie, s'il en est une surtout qui
a contribué à amener ce résultat, c'est ce réseau de chemins de fer qui couvre
son territoire, c'est ce beau système de voies de communication qu'elle doit à
l'initiative persévérante de l'un de nos honorables collègues, de l'honorable
M. Rogier. Honneur au Roi et à la Belgique, qui surent si habilement faire
fructifier cette grande conception, honneur ensuite au conseiller dévoué et
intelligent qui sut si utilement inspirer son Roi et son pays. Je m'estimerais
bien heureux, si je pouvais adresser des compliments, également mérités, à tous
les ministres qui se sont occupés de questions importantes de chemins de fer,
et si, pour l'acquit consciencieux de mon mandat, je ne me trouvais dans la
position désagréable de devoir, comme je serai obligé de le faire tantôt,
critiquer sévèrement la conduite d'autres ministres des travaux publics.
Admirateur aussi, partisan zélé des voies ferrées, parce qu'elles sont
un auxiliaire puissant pour étendre les relations internationales et
intérieures et faciliter les transactions commerciales ; parce qu'elles
profitent à tous et principalement aux classes moyennes et aux basses classes,
il faudrait des circonstances particulières et exceptionnelles pour que je
pusse me déterminer à voter contre une demande de concession de chemin de fer
sérieuse. Cependant, avant d'octroyer à une compagnie les pouvoirs immenses,
les espèces de privilèges que d'ordinaire les entrepreneurs de ces compagnies
réclament en échange de leurs peines et de leurs risques, nous avons, nous
législateurs, des devoirs à remplir, des précautions à prendre pour nous
assurer que les intérêts du pays seront sauvegardés. Croire que parce que
l'Etat n'exécuterait pas, nous ne devrions pas nous préoccuper des intérêts
généraux, qui nous devrions accepter au hasard tous les projets qui nous
seraient présentés par les compagnies, serait une grave erreur qui pourrait
avoir des suites funestes pour le pays. Lorsqu'il s'agit d'une question aussi
importante que celle d'une concession de chemin de fer d'une certaine étendue,
nous avons beaucoup de choses à examiner ; et si nous imitions l'exemple de
l'Angleterre si souvent un bon modèle à suivre, nous agirions avec plus de
circonspection que nous l'avons fait jusqu'à présent. Ce ne serait pas en une ou
deux réunions que les sections centrales termineraient l'examen d'une
concession importante, et ce ne serait pas non plus sans une discussion
approfondie que nous prononcerions l'adoption d'une semblable concession.
En Angleterre, ce n'est pas sur des études ébauchées, sur des projets
incomplets, sans données statistiques aucunes, sans renseignement sur le
chiffre de la population, sur la circulation des voyageurs et sur le mouvement
des marchandises que les comités et les chambres adoptent une demande de
concession.
Non, messieurs, dans ce pays on comprend très bien que les chemins de (page 1546) sont plutôt destinés à faire
fructifier la civilisation qu’à la créer, que leur objet principal doit être de
rapprocher les producteurs des consommateurs, qu’avant toute autre
considération, ils doivent être faits pour les populations, et que pour être
autre chose qu’un moyen d’agiotage, que pour avoir des conditions d’existence,
ils doivent être placés là où se trouvent des populations et non dans des lieux
déserts.
Partant de ces principes, le parlement anglais, lorsqu'on soumet à sa
sanction des demandes de concession, ne se borne pas à examiner les dépenses
probables d'un chemin du fer ; il en examine aussi les recettes probables. Et
relativement au chemin de fer du Luxembourg, quand je considère qu'on ne nous a
pas donné le moindre renseignement sur ses produits, que vraisemblablement il y
a préméditation dans cet oubli, quel que soit mon désir de voir réaliser son
exécution, s’il doit être avantageux au pays,, je ne
puis ne pas craindre que cette exécution soit problématique, je ne puis ne pas
appréhender une grande déception.
Je vous ai dit tout à l’heure qu’en Angleterre, la législature ne
procédait pas à l'examen des projets de concession de chemins de fer, avec la
même précipitation qu'en Belgique.
Pour vous le prouver, permettez-moi de vous donner lecture d'un extrait
des conditions que le parlement exige de la part des compagnies qui sollicitent
des concessions. Dans un bill du 1er mars 1835
on trouve:
Il est ordonné que les comités de la chambre sur les chemins de fer
constatent :
« 1° Les fonds de la compagnie qui demande la loi ;
« 2° Le montant des emprunts proposés ;
« 3° Le nombre des actions ;
« 4° La somme mise en dépôt par chaque actionnaire ;
« 5° Les noms et les domiciles des directeurs et des comités provisoires
;
« 6° Le nombre des actions appartenant à chaque directeur ;
« 7° Le nombre des actionnaires intéressés au terrain par où doit passer
le chemin ;
« 8° Le nombre de leurs actions ;
« 9° Le nombre des autres actionnaires ;
« 10° Le nombre de leurs actions ;
« 11° Le nombre des actionnaires qui souscrivent pour 50,000 francs et
au-delà, leurs noms, leurs domiciles et la somme que chaque individu souscrit ;
« 12° La suffisance ou l’insuffisance des voies de transport actuelles
sur la ligne proposée, pour l'agriculture, le commerce, les manufactures et
pour autres demandes ;
« 13° Le montant, le prix et le temps des moyens de transports
actuels ;
« 14° Le nombre des voyageurs, le poids et l'espèce de marchandises
qu'on propose de transporter par le chemin de fer ;
« 15° Les revenus anticipés de ce chemin ;
« 16° La proportion entre les revenus anticipés des frais des
voyageurs et des frais des marchandises :
« 17° L'espèce de marchandises sur lesquelles le calcul est le plus
fondé ;
« 18° Si le chemin de fer projeté finit à la ligne proposée, ou si on
propose de le prolonger, si une prolongation est rentable, et jusqu’à quel
point les profits sont calculés sur la ligne ultérieure.
« 19° Si des chemins de fer rivaux à celui qui est projeté existent
déjà ou sont proposés ;
« 20° Quelles sous les bases de supériorité du chemin proposé ;
« 21° Quelles sont les distances où les machines accessoires seront
indispensables pour franchir des hauteurs.
« 22° Quelles sont les difficultés spéciales du terrain pour les
ingénieurs, et quels sont les moyens proposes pour vaincre ces
difficultés ;
« 23° Quelle est la longueur, la largeur, la hauteur des tunnels,
quels font les moyens de leur ventilation, et quel est le genre de terrain
qu’ils percent ?
« 24° Si les pentes et les courbes sont généralement favorables ou
non ?
« 25° Quelle est la rapidité exacte de la pente la plus escarpée,
indépendamment des pentes où les machines seront indispensables ?
« 26° Quelle est la longueur ou rayon de la courbe la plus courte ?
« 27° Quelle est la longueur de la ligue principale proposée, et
celle des embranchements ?
« 28° Si le tracé proposé est avantageux pour le chemin de fer à l'égard
des facilités du travail ?
« 29° Si on propose de traverser une des grandes routes publiques à
son niveau, cette circonstance doit être expliquée particulièrement à la
Chambre ;
« 30° Les frais calculés jusqu'à ce que le chemin de fer soit fini, et
si les bases de ces calculs sont satisfaisantes ;
. « 31° Les frais d’entretien du chemin de fer, et s'ils sont calculés
avec habilité ;
« 32° Si les rapports ont été prouvés être assez considérables pour
couvrir les frais, et pour donner des bénéfices suffisants aux entrepreneurs.
« 33° Le nombre des individus qui soutiennent le chemin de fer proposé,
de ceux qui s'opposent, et de ceux qui sont neutres, parmi les propriétaires
des terrains que traverse ce chemin. Dans ces listes il faut distinguer les
propriétaires des locataires. Si un second projet change le tracé, les listes
additionnelles seront faires pour les nouvelles lignes.
« 34° Les noms des ingénieurs qui déposent en faveur de la ligne
proposée, et de ceux qui déposent contre cette ligne.
« 35° Les arguments principaux des pétitions remises au comité en
opposition aux bases du projet, ou à ses dispositions particulières, et les
comités doivent déclarer si les arguments ont été le sujet d’un examen
spécial ; autrement pourquoi les comités n'ont pas voulu les examiner.
« 36° Le secrétaire de chaque comité doit noter le nom de chaque membre
qui assiste à ses séances, et les noms des votants sur chaque chef des
résolutions ci-dessus présentées. Il doit distinguer l'opinion pour et contre
les conclusions du comité. Les listés des noms doivent être rapportées à la
chambre avec le rapport général du comité. »
Si, messieurs, l'on comparaît cette nomenclature de conditions avec
notre mode de procéder, ce serait, dans certains cas, une critique fondée
peut-être de ce qui se passe dans le sein de vos sections centrales, quand il
s'agit de l'examen des demandes de concession de chemins de fer. Quoi qu'il en
soit, en ce qui concerne le chemin de fer du Luxembourg, il doit être
avantageux au pays et si la compagne qui en demande la concession est
constituée dans des conditions qui en permettent l’exécution, ne voulant pas
chercher à retarder cette exécution, surtout si elle est possible avec une
direction meilleure que celle qui nous est soumise, je me bornerai à présenter
quelques considérations sur son tracé et à réclamer de M. le ministre des
travaux publics deux explications qui devront être satisfaisantes toutefois,
pour que je puisse adopter le projet de loi en discussion.
Je prie M. le ministre des travaux publics de vouloir répondre d'une
manière catégorique aux deux questions suivantes :
1° M. le ministre s'est-il assuré, de manière à en avoir une conviction
profonde, que la société étrangère sollicitant la concession du chemin de fer
du Luxembourg n'est pas une société d'agioteurs, qu’elle n'est pas une société
constituée pour faire la fortune de quelques faiseurs, de quelques directeurs,
de quelques administrateurs, de quelques privilégiés, de quelques amis, au
détriment des actionnaires qui, venant plus tard à refuser le concours de leurs
fonds, empêcheraient l'exécution du chemin de fer projeté ; mais au contraire
que cette compagnie, ainsi que je le désire et l'espère, est une compagnie
puissante, recommandable, considérée et donnant des garanties telles que l'on
puisse avoir foi dans l'exécution pleine et entière de son contrat ?
2° La seconde question est celle-ci : M. le ministre des travaux publics
peut-il prendre l’engagement qu'un chemin de fer parlant de la vallée de la
Meuse de Namur à la frontière française, et venant aboutir au railway du
Luxembourg sur la partie comprise de Ciney à Neufchâteau pourrait être exécuté,
sans que la compagnie fût en droit de réclamer le bénéfice de la clause
prohibitive insérée dans l'article 47 du cahier des charges.
J'espère que M. le ministre des travaux publics est en position de
pouvoir répondre d'une manière nette et satisfaisante à ces deux questions.
Maintenant, messieurs, député d'un arrondissement que le chemin de fer du
Luxembourg doit traverser, je crois qu'il est dans mon rôle, qu'il est de mon
devoir de chercher à vous éclairer sur le moyen de faire produire à ce railway
l'utilité la plus grande. C'est dans ce but que je vous présenterai quelques
observations sur son tracé, afin que vous exigiez celui qui favorisera le plus
d'intérêts possible, celui qui lésera le moins d'intérêts possible.
Ainsi que vous l'aurez lu dans l'exposé des motifs du projet de loi
déposé le 4 mars dernier par celui de nos honorables collègues, alors ministre
des travaux publics, le chemin de fer du Luxembourg n’est pas une de ces voies
de communications modestes, destinées simplement à réunir quelques provinces.
Non, messieurs, le railway du Luxembourg a pour objet principal un but bien plus
grandiose ; c'est, dit l'exposé des motifs, un chemin de fer qui a sa place
assignée dans la ligne européenne de la mer du Nord à l'Adriatique ; c'est un
chemin de fer qui, après avoir traversé la Belgique, se prolongeant par la
France ou par la Prusse, puis par le duché de Bade, le Wurtemberg, la Bavière,
la Suisse, la Lombardie, franchissant les chaînes de montagne et les grands fleuves, est destiné à relier la mer
du Nord à la mer Adriatique. Tel est, d'après l'exposé des motifs du projet de
loi, l'objet principal du chemin de fer du Luxembourg.
C’est un chemin de fer européen, c'est un railway anglo-continental
dont le point de départ est Londres et le point d'arrivée Trieste. Dans le
rapport de votre section centrale, les proportions de ce chemin de fer
grandissent encore, c’est bien plus qu’un chemin de fer européen, c’est, dit
l’honorable rapporteur de votre section centrale, « un chemin de fer dont
le but principal est de mettre Londres, centre du commerce du monde, en
communication avec les Indes orientales, en empruntant le territoire de la
Belgique, comme la voie la plus courte pour arriver à Triste, d’où, saluant
l’Europe, il se dirigera vers les Indes. » C’est donc un chemin de fer en
quelque sote universel qui de Trieste, mis en rapport
avec l’Egypte, l’isthme de Suez, la mer Rouge, la mer des Indes, arrive à
Bombay, puis à Calcutta et finit par atteindre la Chine. C’est un chemin de fer
commun aux deux hémisphères du globe. Faire disparaître les barrières qui nous
séparent des pays lointains, rompre au moyen de nos locomotives cette grande
muraille qui protège le Céleste Empire, battre une brèche dans cette célèbre
enceinte jusqu’aujourd’hui presque intacte, faire venir directement les Chinois
en Belgique, à Bastogne, et je voudrais même à Dinant, c’est là, sans
contredit, un projet gigantesque, c’est un projet conçu avec grandeur, c’est là
une grande raison pour nous déterminer à adopter le projet de loi qui nous est
présenté.
Aussi, messieurs, de même que l'honorable ministre qui a déposé le projet
de loi que nous discutons, de même que l'honorable rapporteur de votre section
centrale, la convention provisoire du 25 février 1846, envisagée de cette
manière, me séduit beaucoup, et peut-être n'aurais-je eu que des éloges à
adresser à l'honorable ministre qui l'a signée, si cet honorable ministre, trop
absorbé par la grande raison dont je viens de vous parler, n'avait pas négliger
une de ces raisons probablement imperceptible, au point de vue exclusif où il
s'était placé, mais qui ne peut être ni secondaire, ni sans (page 1547) importance au point de vue
d’un député belge. Cette raison si petite, i infime pour l’honorable ministre
signataire de la convention du 26 février 1846, si grande cependant pour l’un
des principaux arrondissements du pays, c’est la direction du tracé entre Namur
et Ciney, c’est l’omission volontaire dans la convention que nous discutons des
conditions avantageuses pour le pays qui s trouvaient
insérés dans les conventions primitives des 17 mai et 8 août 1845. L’honorable
ministre signataire de la convention du 26 février 1846, trop ébloui par l’idée
grandiose de mettre Londres en relation directe avec Pékin, s’est, je ne sais
comment, laissé aveugler par l’éclat de ces deux
astres qui ne brillent cependant pas sur notre firmament, et, se préoccupant
trop des intérêts étrangers, ne s’est pas assez préoccupé des intérêts
nationaux. C’est ce qui résulte des modifications apportées par lui à la
convention conclue par son honorable prédécesseur.
En effet, messieurs, aux termes des deux conventions conclues d’abord
avec la compagnie sous les dates des 17 mai et 8 août 1845, le chemin de fer du
Luxembourg, de Namur. On y devait longer la vallée de la Meuse sur une étendue
d’environ 3 lieues 1/2, jusqu’à village d’Yvoir, puis remonter la vallée du Boucq et avoir un embranchement sur Dinant. Ces conditions
y éraient obligations. Si l’on modifiait ces conventions, l’on aurait dû
s’attendre que c’eût été dans l’intérêt du pays, que c’eût été pour faire jouir
une plus grande fraction de nos populations des avantages que procurent les
chemins de fer. Eh bien ! pas du tout, messieurs,
les modifications introduites dans la convention du 26 février 1846 ne peuvent
s’expliquer que par des considérations favorables, car dans cette convention on
a supprimé la clause d’un embranchement obligatoire sur Dinant, et l’on a rendu
facultatif le tracé par la vallée du Boucq,
d’obligatoire qu’il était aussi dans la première convention.
Je suis fondé à dire que le ministre signataire de la convention du 26
février 1846, ne s'est pas montré le défenseur intelligent et consciencieux des
vrais besoins du pays, et je le prouverai. D'après cette convention, « de Namur
le tracé de la ligne du Luxembourg sera conduit sur Arlon, par Ciney et Recogne », et d’après les explications données dans
l'exposé des motifs, page 3, pour la partie comprise entre Namur et Ciney, il
n’est question que de deux tracés, l'un direct vers Ciney, qui paraît être
celui qui sera adopté par la compagnie, l’autre longeant la Meuse jusqu’au village
d’Yvoir et remontant la vallée du Boucq. Ce dernier
tracé beaucoup plus favorable au pays que le premier, et qui était obligatoire
dans les conventions des 17 mai et 8 août 1845, a été non seulement rendu
facultatif dans sa convention du 26 février 1846, mais semble aujourd’hui
abandonné par la compagnie. Une troisième tracé qui, longeant la Meuse, aurait
eu son point de départ au faubourg de Leffe près de Dinant, trace qui sans
contredit aurait été le plus avantageux au point de vue de l’intérêt général,
n’a pas même été étudié par les ingénieurs du gouvernement.
Il l’a bien été par les ingénieurs de la compagnie qui ont déclaré que
ce tracé ne serait pas plus long que celui par la vallée du Bourg, parce qu’il
présenterait moins de sinuosités et de difficultés de terrain. Mais quant au
ministre signataire de la convention du 26 février 1846 qui aurait dû l’imposer
ou tout au moins maintenir celui qui avait été exigé par son prédécesseur, ne
voyant plus sur la carte que des lignes droites, depuis qu’on lui avait parlé
des Indes et de la Chine, satisfait d’avoir obtenu pour la province du
Luxembourg deux nouveaux embranchements, l’un vers l’Ourthe, l’autre dans un
désert de Recogne, à Bastogne, il n’a pas cru devoir
s’éclairer sur l’importance ce qu’il pouvait présenter, sur la nécessité qu’il
pouvait y avoir de le suivre. C’est un des oublis contre lesquels je viens
protester, et j’en développerai les motifs.
En conduisant le chemin de fer de Namur à Arlon par le faubourg de Leffe
et la vallée de ce nom, on rattachait la ville de Dinant à ce railway, et
assurément cette considération n’aurait pas dû être négligée.
De Namur à Arlon et au-delà, sur une étendue de plus de 32 lieues,
Dinant est le plus grand centre de population, de production et de
consommation.
Voici la description exacte de sa position, description que mentionne la
pétition qui vous a été adressée par l’administration communale de cette ville.
Dînant, qui a une population de 6 à 7,000 âmes, est située sur la Meuse,
est la seconde ville de la province de Namur, est entourée de communes
populeuses et dont plusieurs sont pour ainsi dire ses faubourgs, possède un
pont reliant les deux rives du fleuve, est le point de jonction de cinq grandes
routes.
Son territoire est couvert d'usines, de manufactures, de papeteries et
de cartonneries, de scieries et de polissoires à marbre, de carrières de
pierres et de marbre, de forgeries, de moulins à farine et à écorces mus par
l'eau, de moulins à farine et à chicorée, mus par la vapeur, de tanneries et de
corderies, etc., etc., etc.
On peut affirmer, sans crainte de blesser la vérité, qu'il n'y a pas en
Belgique de cours d'eau pareils a ceux qui se
rencontrent à Dinant et dans les environs.
En effet, les eaux qui activent ses usines présentent ensemble une force
de 825 chevaux environ ; sur le ruisseau de Leffe seul, territoire de Dînant,
elles ont une forte de 200 chevaux.
Cette force motrice représente une dépense annuelle de 400 mille francs.
Dinant seul, par son mouvement commercial fait, année commune, des cendres
dans le restant de la Belgique, des marchandises ouvrées et non ouvrées
présentant un poids de plus de 40,000,000 de
kilogrammes.
De son côté, Dinant reçoit aussi beaucoup de marchandises. Il présente
donc tout ce qui doit faire fructifier un chemin de fer.
De Namur à Ciney, la distance n’est pas plus grande, en suivant le
projet dinantais qu’en suivant la vallée du Boucq, à cause des nombreuses sinuosités qu’elle
présente ; par cette vallée, il y aurait à faire des travaux d’art
extrêmement dispendieux, dont on serait dispensé par les fonds de Leffe.
Si ensuite on fait attention au mouvement commercial de Dinant et de ses
environs, au nombre des voyageurs qui y arrivent de France et descendent en
Belgique, on sera convaincu qu’il sera évidemment de l’intérêt des
entrepreneurs du chemin de fer d’adopter le tracé par Dinant.
On ne peut méconnaître, messieurs, que ces considérations sont telles
que, sous tous les rapports, le tracé par Dinant satisfait mieux aux besoins
généraux des populations, de l’agriculture, de l’industrie et du commerce. Vous
ne l’ignore pas, les meilleures lignes sont celles qui satisfont au plus grand
nombre d’intérêts, sont celles qui se rattachent aux points les plus importants
du territoire, sont celles enfin qui produisent le plus d’utilité possible.
Se laissant aller à une fascination déplorable, on n'a voulu voir dans
le railway du Luxembourg, que le chemin direct de Londres à Calcutta, comme si,
sur notre territoire, il ne se trouvait pas des positions, des communautés
importantes qui ne pouvaient être négligées et que le passage par Dinant
pouvait seul seconder. C’est cette vue incomplète et tronquée de la question
que j’attaque, parce qu’elle vicie le projet qui nous est présent. Avec des
études mieux faites, plus sérieuses, plus approfondies, on se serait aperçu que
Dinant étant le point de jonction de cinq routes de l’Etat, suivies par un
roulage considérable, ne pouvait être délaissé, et qu’on se serait convaincu
que le tracé que nous indiquons était le préférable.
J'ai lu quelque part, et cette comparaison est très juste, qu'un chemin
de fer ne doit pas ressembler à une corde tendue, mais au contraire a une corde
lâche, devant circuler entre les vallées et les groupes de population. Cette
comparaison repose sur le principe élémentaire qu'un chemin de fer doit dévier
de la ligne droite pour aller chercher les centres de population, principe dont
vous avez fait l'application à tous les chemins de fer qui ont été exécutés en
Belgique jusqu'à ce jour. Ainsi, le chemin de fer de Bruxelles à Anvers, point
d'embarquement et de débarquement pour l'Angleterre, dévie de la ligne droite
pour passer à Vilvorde, Duffel et Contich ; le chemin de fer de Bruxelles à
Ostende, autre point d'embarquement et de débarquement pour l'Angleterre, dévie
de la ligne droite pour passer à Malines, Termonde, Wetteren, Gand et Bruges.
Le chemin de fer de Bruxelles à la frontière de Prusse, railway
international, dévie de la ligne droite pour passer à Louvain, Tirlemont,
Waremme et autres localités ; le chemin de fer de Bruxelles à Valenciennes,
aussi railway international, dévie de la ligne droite pour passer à Hal, Tubise, Braine-le-Comte, Soignies, Jemappes et Quiévrain.
Prenez la carte du pays et tout en consultant sa topographie, vous
verrez que les chemins de fer que je viens de citer, comme tous les autres au
reste, s'écartent de la ligne droite pour passer par les localités de quelque
importance.
Pourquoi donc ferait-on une exception préjudiciable à la vallée de la Meuse
supérieure et surtout à la ville de Dinant ? Pourquoi laisserait-on cette ville
à l'écart ? Pourquoi condamnerait-on à une décadence certaine une localité
aussi importante ?
J'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, je ne crois pas que le parcours
par la vallée de la Leffe soit plus long que par la vallée du Boucq, et en ce qui concerne l'allongement du tracé par
cette dernière vallée, voici l'opinion de M. l'inspecteur divisionnaire De Moor. Je l'extrais de son rapport du 6 février 1846, page
34 du projet de loi qui nous est soumis :
« Les plan indiquent plusieurs directions, entre le confluent du Boucq, à Yvoir et Arlon. La plus longue a 28 1/2 lieues de
5,000 mètres, qui, réunies à la distance de 3 1/2 lieues, d'Yvoir à Namur,
porteraient à 32 lieues l’étendue du railway de Namur à Arlon, tandis que par
la route ordinaire la plus courte, l'intervalle qui sépare ces deux chefs-lieux
de province n'est que de 25 à 26 lieues. L'allongement est donc du quart au
tiers du parcours.
« Cet allongement qui est moindre pour les autres directions étudiées,
ne présente aucune exagération en Belgique, où il est :
« De près du quart, pour le chemin de fer de Mons à Tournay,
« De plus du tiers, pour le chemin de fer de Mons à Namur,
« De plus de la moitié, pour le chemin de fer de Bruxelles à Gand,
« De près des trois quarts, pour le chemin de fer de Bruxelles à
Namur ;
« De près de trois quarts, pour le chemin de fer de Bruxelles à
Louvain. »
Ainsi que l'écrit lui-même, M. l'inspecteur divisionnaire des ponts et
chaussées, vous voyez, messieurs, que l’allongement du parcours par la vallée
de la Meuse et celle du Boucq ou celle du fonds de
Leffe qui est à peu près la même, n'aurait rien d'exagéré. Je soutiens que le
chemin de fer du Luxembourg comme tous les autres chemins de fer qui ont été
exécutes dans le pays, doit dévier de la ligne droite,
alors même qu'il devrait allonger un peu son parcours, pour venir chercher la
ville de Dinant qui, de Namur à Arlon sur une étendue de 32 lieues, est la
ville la plus importante. Je propose eu conséquence la rédaction suivante pour la deuxième paragraphe de l'article premier du cahier des
charges :
« De Namur, le tracé de la ligne du Luxembourg sera conduit sur Arlon,
par Ciney, Rochefort et Recogne, en passant par la
vallée de la Meuse et en remontant soit la vallée du Fonds-de-Leffe, soit celle
du Boucq.
« Le chemin de fer du Luxembourg aura deux embranchements obligés, l'un
vers l'Ourthe, l'autre sur Bastogne ; s'il ne suit pas la direction de la (page 1548) vallée du Fonds-de-Leffe, un
troisième embranchement sur Dinant, sera de plus obligatoire. »
Messieurs, il n’est pas une seule raison alléguée en faveur du tracé
direct de Namur à Ciney, qui se rattache aux intérêts nationaux ; il n’y a
que des considérations étrangères aux besoins du pays qui militent en faveur de
ce tracé. Eh bien ! je vous le demanderai, ne
sont-ce pas les intérêts généraux du pays que nous devons d’abord consulter, et
irions-nous les sacrifier par pure condescendance pour l’étranger, pour que la
malle de Indes arrivât pour être cinq minutes plus tôt à Londres ?
D’ailleurs, veuillez-le remarquer, le tracé direct de Namur à Ciney
présente beaucoup d’inconvénients sous le rapport des conditions d’art. D’abord
la lieue coûtera 1,800,000 francs, au lieu de 705,000
francs, terme moyen, ainsi qu’elle est estimée par la vallée de Boucq ;
Ensuite il y aura 742 mètres de souterrains de plus ;
Des tranchées de 25 à 30 mètres ;
Un parcours de 14,500 mètres avec une pente et contre-pente de 12
millimètres ;
Un autre parcours de 6,375 mètres avec 16 millimètres de pense et
contre-pente ;
Les rayons de courbure ne se trouvaient pas indiqués sur le plan qui
nous a été remis, de sorte que je n'ai pu les apprécier.
Or, vous ne l’ignorez pas, messieurs, les souterrains comme les grandes
tranchées, les fortes courbures et les pentes rudes offrent toujours quelque
danger, et de plus les pentes et contrepentes trop fortes diminuent beaucoup la
vitesse des convois et par conséquent allongent le temps de durée du parcours.
Plus la question est examinée et retournée sur toutes ses faces, plus il
est évident que les tracés longent la Meuse, et remontant soit la vallée de la
Leffe, soit celle du Boucq avec embranchement sur
Dinant, seraient les meilleurs.
Messieurs, Dinant est un point central autour duquel gravite un grand
mouvement agricole, commercial et industriel. Le tracé vers lequel le
gouvernement semble incliner, loin de favoriser ce mouvement, porte un
préjudice notable à tous les intérêts existants. Il trouble toutes les relations
actuelles, et tend à déplacer brusquement beaucoup d'intérêts en détruisant des
positions anciennement et légitimement acquises ; il prive des localités
importantes des avantages de leur position. Eh bien, je dis que l'intérêt
purement belge doit l'emporter sur toute autre considération, que la vallée de
la Meuse supérieure a des droits aussi à être reliée au railway du Luxembourg,
qu'en conséquence il importe de prendre un tracé qui lui soit profitable et de
l'imposer comme condition dans le cahier des charges.
Il y aurait injustice et imprévoyance à ne pas adopter l'un des tracés
que nous vous proposons. Le gouvernement ne peut vouloir engendrer des
inégalités choquantes entre des localités de même importance ; et ce qu'il a
fait pour les voies ferrées précédemment exécutées, il doit le faire également
pour le chemin de fer du Luxembourg. J'espère que. M. le ministre des travaux
publics actuel verra, dans le projet qui nous est soumis, autre chose que deux
points extrêmes hors du pays et le point intermédiaire de Bastogne. Ce n'est
pas que je veuille attaquer l'embranchement de Recogne
à Bastogne. Je félicite, au contraire, ces localités d'avoir obtenu une voie de
communication qui leur sera si avantageuse. Mais je dis que si l'on inscrit
dans la convention un embranchement obligé de Recogne
à Bastogne, il y a cent fois plus de raison de faire passer le chemin de fer du
Luxembourg par la vallée de Leffe, ou d'exiger aussi un embranchement obligé de
Leffe au tronc principal ; mais je dis que si on retranche Dinant du railway du
Luxembourg, c'est lui faire un tort incalculable ; ce à quoi nous ne devons pas
concourir.
Mais je dis qu'on doit rattacher aux chemins de fer toutes les villes
intermédiaires de quelque importance, et qu’en fait de chemins de fer, c'est
une théorie aussi fausse que dangereuse de ne tenir compte que des points
extrêmes.
Je dis que dans la direction des chemins de fer, on doit procéder avec
la plus grande circonspection ; qu'un homme d'Etat, qu'un ministre doit veiller
avec la plus grande attention à conserver les richesses acquises, et à ne pas
porter inutilement le trouble et la perturbation dans les relations
commerciales consacrées par le temps. Comment, M. le ministre signataire de la
convention provisoire du 26 février 1846, avec l'intelligence qui vous
distingue, vous ne pouviez ignorer combien les meilleurs chemins de fer
froissent et déplacent d'intérêts, et à ces causes inévitables de perturbation,
vous avez ajouté des causes de perturbation volontaires. De Namur à Ciney,
modifiant la convention conclue par votre prédécesseur, vous avez abandonné le
tracé par la vallée du Boucq qui était obligatoire,
et non seulement vous l'avez rendu facultatif dans votre convention, mais
encore on paraît se prononcer pour le tracé direct, tracé qui doit jeter une
quantité de fortunes dans une véritable révolution. Vous vous êtes montré d'une
générosité allant jusqu'à la prodigalité pour certaine localité, et la
nécessité de relier la ville de Dinant à la ligne principale, non seulement ne
vous est pas apparue, mais volontairement vous l'avez privé des avantages qui
avaient été stipulés pour elle. C'est réellement inexplicable, car pour les
deux localités si vous aviez examiné la densité et l'importante des
populations, la circulation des voyageurs, le mouvement des marchandises, vous
auriez trouvé des raisons décisives pour doter d’un railway la ville de Dinant
tout aussi bien que la ville de Bastogne. Quelque pénible que cela me soit à
dire, je ne sautais m’empêcher de le proclamer dans la question du chemin de
fer du Luxembourg, vous ne vous êtes pas signalé par un esprit de justice
distributive, par un esprit de véritable équité, et votre intelligence
habituelle vous a fait défaut dans l'appréciation des vrais besoins du pays.
Messieurs, les intérêts
agricoles, commerciaux et industriels de la vallée de la Meuse, depuis Namur
jusque la frontière française, réclament l'un des tracés que nous vous
proposons. Pour sacrifier les intérêts qui se trouvent concentrés dans cette
province, il faudrait des considérations d'ordre supérieur d'une évidence qui
convainque tout le monde. Je doute fort que les plus chauds partisans du projet
de loi que nous discutons puissent faire passer cette conviction dans vos
esprits. J'espère donc que vous adopterez mon amendement, parce qu'il rendra
obligatoires les tracés propres à satisfaire les intérêts considérables et
divers dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir.
Plusieurs
voix. - A demain ! à
demain !
M. d’Hoffschmidt. - Je ne dirai que quelques mots à cause de l'heure avancée, mais je
dois exprimer ma surprise et la peine que j'ai éprouvée en entendant le langage
plein d'amertume que l'honorable préopinant a tenu envers mot, envers moi qui
ai toujours eu avec lui de si bonnes relations. L'honorable préopinant aurait
dû me connaître assez pour savoir que je suis au-dessus des suppositions qu'il
a laissé percer. D’après M. Pirson, il semblerait que j'ai sacrifié l'intérêt
du pays, en cette occasion, à je ne sais quel intérêt.
Messieurs, je ne crains pas de le dire, de pareilles insinuations ne
peuvent pas m'atteindre. Mais, messieurs, un sentiment aussi bas que celui de
sacrifier sciemment l'intérêt du pays à un intérêt particulier n'a pu approcher
de mon âme.
Il me sera d'ailleurs facile de démontrer que la modification qu'a reçue
la première convention et qui provoque une si vive irritation de la part du
préopinant est entièrement dans l'intérêt du pays. L'intérêt du pays était
d’assurer l'exécution de cette grande voie de communication. Eh bien, je
n'hésite pas à le dire, sans les modifications apportées à la première
convention, cette voie ne se serait pas exécutée ; et, par conséquent, quel
avantage Dinant, cette ville qui semble si vivement intéresser l'honorable
préopinant, ce dont je ne le blâme pas, aurait-il obtenu ? D'après la première
convention, le chemin de fer du Luxembourg devait aboutir d'un côté à un petit
village de la vallée de la Meuse, au village d'Yvoir, et de l'autre à Arlon.
Sans entrer dans la discussion des détails, ce que je ferai demain, il suffit
de citer ce fait pour que le simple bon sens fasse reconnaître qu'une pareille
voie de communication ne pouvait avoir aucun avenir. Par les raisons mêmes qu'a
avancées l'honorable préopinant, si on n'avait pas donné plus d'extension à
cette convention, elle aurait inévitablement échoué. Je pourrai à ce sujet
citer les paroles d'un honorable membre dont l'opinion doit avoir un très grand
poids dans cette question : il vous disait naguère que le gouvernement ne
devait accorder que des concessions présentant des avantages réels aux
actionnaires, parce que, sans cela, elles devaient nécessairement échouer dans
l'avenir. C'est cette considération puissante qui m'a déterminé à modifier la
convention. Je n'ai aucun intérêt à chercher à empêcher Dinant d’obtenir les
avantages qu'elle désire.
Mais, messieurs, Dinant sera relié au chemin de fer de l'Etat et à celui
de la société. La compagnie du chemin de fer de Namur à Liége a le droit de
prolonger son chemin de fer jusqu'à Dinant, et si je suis bien informé, son
intention est d'user de ce droit.
Dinant aura donc son chemin de fer. Il possède déjà une grande voie de
communication, la Meuse ; il a de plus une route qui le relie à Namur, un
chemin de fer, dès lors je ne vois pas que Dinant soit à plaindre, et que
surtout son intérêt doive grandement peser dans la balance lorsqu'il s'agit
d'une voie de communication destinée à traverser les trois quarts du royaume,
et à être prolongée jusqu'à l'Adriatique ! Oui, messieurs, jusqu'à
l'Adriatique ! Croyez-vous que des capitalistes étrangers viendraient exposer
75 millions de francs pour construire un chemin de fer dont le principal mérite
serait de rattacher Dinant au réseau de l'Etat ? Mais n'en déplaise à Dinant,
cette perspective ne leur suffirait pas.
Je m'arrête, messieurs, et je borne à ce peu de mots que j'avais à dire
pour le moment. Demain j'entrerai dans les détails de la question.
J'ajouterai cependant quelques mots de réponse à une question qui a été
adressée au ministre des travaux publics.
On a demandé si les hommes qui sont à la tête de l’entreprise étaient
des hommes considérables ; si ce n'étaient pas des hommes n'ayant d'autre but
que l'agiotage. Je dirai que le gouvernement n'a reçu sur ces hommes que les
renseignements les plus favorables. Ceux qui ont conçu cette grande entreprise
sont des hommes considérables de l'Angleterre, des hommes d'une grande puissance
financière.
Ces hommes s'exposent à des pertes peut-être pour créer des voies de
communication éminemment utiles dans notre pays ; nous devons leur en savoir
gré, et gardons-nous surtout de les décourager par des paroles amères. Quant
aux calculs qu'ils ont pu faire vis-à-vis de leurs amis, je n'ai pas à m'en
occuper, ils ne me concernent pas.
- La séance est levée à 5 heures.