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Chambre des représentants de Belgique
Séance
du samedi 30 mai 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives à une demande de remboursement d’un bail
accordé par l’Etat (Liedts), au droit d’entrée sur le bétail (Verhaegen),
au projet de chemin de fer entre Gand et Bruxelles (de Saegher, de Terbecq,
Dedecker,
Manilius,
de
Terbecq, de Bavay, Dedecker)
2) Projet de loi relatif
au canal de dérivation de la Lys. Lutte contre les inondations (service de l’Escaut
et de la Lys), port d’Ostende et canal de Bruges à Ostende (de Muelenaere,
de Bavay, Delehaye,
Donny,
de Bavay,
Dumortier,
de Bavay,
Huveners,
Savart-Martel,
Goblet,
Desmaisières,
Lejeune,
Verhaegen,
Liedts,
de Bavay,
Fleussu,
Delehaye,
Dumortier,
Malou,
Dedecker,
de
Renesse, (+service de la Senne) Verhaegen, Lejeune,
Malou,
Delehaye,
Dumortier,
Huveners,
Fleussu, Malou,
Huveners,
de
Muelenaere, Malou, Dumortier, de Bavay,
Huveners,
Dumortier,
Malou,
Dumortier),
droit pour le gouvernement de faire un règlement d’administration générale pour
l’organisation des wateringues)
(Présidence de M. Dumont.)
(page 1494) M. de Villegas procède à l'appel
nominal à midi et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en
est adoptée.
M. de Villegas présente l'analyse des pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs habitants d'Audenarde, locataires de parcelles de terre
labourables appartenant à l'Etat, qui ont été plantées de pommes de terre dont
la récolte n été nulle, demandent remise du prix de leur bail. »
M. Liedts. - Messieurs, les fortifications d'Audenarde sont louées presque
intégralement à de pauvres ouvriers qui y récoltent annuellement des pommes de terre.
Ces malheureux locataires n'ont pas seulement perdu leur récolte, mais tous les
engrais qu'ils avaient placés sur leurs terres. Aujourd’hui le département des
finances veut les forcer à payer le prix de location. J'ignore si dans nos lois
il se trouve une disposition qui fasse obstacle à ce qu'on leur accorde remise
de ce prix ; mais si cette loi n'existe pas, il me paraît que le gouvernement
ne doit pas se montrer plus dur que la plupart des autres propriétaires. Vous
savez que le roi des Pays-Bas lui-même a fait remise de la dîme sur tous les
terrains qui avaient été l'année dernière plantés de pommes de terre.
Je demande donc que la commission des pétitions soit invitée à faire un
prompt rapport sur la requête dont vous venez l'entendre l'analyse.
De
toutes parts. - Appuyé ! appuyé !
- Le renvoi à la commission des pétitions, avec invitation de faire un
prompt rapport, est ordonné.
« Plusieurs bouchers à Anvers demandent la libre entrée du bétail.
»
M. Verhaegen. - Je demanderai le renvoi de cette pétition à la commission des
pétitions, avec prière de faire un prompt rapport, et son dépôt sur le bureau
pendant la discussion du projet de loi sur les denrées alimentaires.
- Cette proposition est adoptée.
_______________
». Plusieurs habitants de Waeken demandent
l'union douanière avec la France. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_________________
« Les notaires dans l'arrondissement d’Ypres présentent des observations
entre le projet de loi sur l'organisation du notariat. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet.
________________
« La chambre des avoués près le tribunal d'Ypres prie la chambre de
ne point se séparer avant de s'être occupée du projet de loi qui modifie les
tarifs en matière civile. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi.
« Les membres de l’administration communale d'Alost et les notabilités
communales de cette ville, prient la chambre de demander la présentation d'un
projet de loi relatif à la construction d'un chemin de fer de Bruxelles à Gand,
par Alost et Wetteren.
M. de Saegher. - J'ai l'honneur de proposer le renvoi de cette pétition a la commission des pétitions avec prière de faire un prompt
rapport.
M.
de Terbecq. - Messieurs, à l'occasion
de la pétition de l'administration communale d'Alost et des négociants notables
de cette ville, dont on vient de donner l'analyse, je rappellerai que lors de
la discussion du budget des travaux publics j'ai rappelé à M. le ministre que
l'administration communale de Termonde l'avait prié de faire procéder à une
enquête administrative sur le projet d'un chemin de fer direct de Gand à
Bruxelles par Alost. Cette enquête avait déjà été promise par le prédécesseur
de M. le ministre des travaux publics, Il était en effet bien naturel,
messieurs, avant de donner suite au chemin de fer projeté, d'entendre la ville
de Termonde et les communes qui sont traversées par la ligne actuelle.
Aussi, M. le ministre, répondant à mon interpellation, a déclaré qu'il
ferait en temps utile consulter l'administration communale de Termonde sur le
travail de M. l'ingénieur Desart.
J'aurai l'honneur de demander à M. le ministre si l'enquête dont je
viens de parler est déjà commencée.
M.
Dedecker. - Je me joins à mon
honorable collègue, M. de Terbecq, pour demander qu’enfin la promesse faite si
souvent par divers ministres des travaux publics soit exécutée, c'est-à-dire
que le gouvernement prenne une position d’impartialité entre les différentes
localités dont les intérêts sont en jeu. La ville de Termonde ne demande pas
que le gouvernement se place seulement au point de vue des intérêts de Termonde
; mais elle demande aussi qu'il ne se place pas au point de vue exclusif de la
ville d'Alost, qu'il se place au point de vue de l'intérêt général.
Nous ne voulons, en ce moment, qu'une chose, c'est que le gouvernement
fasse procéder à une enquête complète, sérieuse, pour examiner si le projet mis
en avant par Termonde n'offre pas le plus d'avantages sous le rapport de
l’intérêt général, le seul que l’on doive consulter ici.
Je pense que le gouvernement ne peut se refuser à faire droit à notre
juste demande. La chambre pourra ensuite prendre telle décision qu'elle jugera
convenable ; mais au moins elle le fera en connaissance de cause ; tout ce que
nous désirons, c'est qu'on s'éclaire.
M.
Manilius. - Il ne s'agit maintenant
que de statuer sur le renvoi d'une pétition. L'honorable M. de Saegher demande
que cette pétition soit renvoyée à la commission des pétitions avec prière de
faire un très prompt rapport. Je crois que la motion faite par un honorable
député de Termonde ne tend pas à s'opposer à cette proposition.
Ils ont fait des interpellations à M. le ministre, je n'ai aucune
objection à y faire ; mais je ne crois pas que ces interpellations puissent
tendre à contrarier la proposition de l'honorable M. de Saegher, que j'appuie
de toutes mes forces.
M.
de Terbecq. - Je prierai M. le
ministre des travaux publics de bien vouloir répondre à ma demande concernant
l'enquête. Rien n'est plus (page 1495)
juste, plus naturel que cette enquête. On jette l'inquiétude dans tout
l'arrondissement de Termonde'. Je prie M. le ministre des travaux publics de
bien vouloir s'expliquer.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Je pense qu'il
serait convenable que la pétition me fût renvoyée avec demande d'un rapport.
J'aurai alors l'honneur de présenter ce rapport à la chambre.
M. Dedecker. - Je me rallie à cette proposition.
M. de Terbecq. - Je m'y rallie également.
M. Liedts remplace M. Dumont au fauteuil.
RAPPORTS SUR DES DEMANDES EN NATURALISATION
M. Desmet propose plusieurs rapports sur des demandes en naturalisation
ordinaire.
- La chambre en ordonne l'impression et la distribution.
PROJET DE LOI RELATIF AU CANAL DE DERIVATION DE LA LYS
Discussion générale
M. le président dépose lecture de l'amendement suivant,
déposé par M. de Muelenaere.
« Le gouvernement est autorisé à ouvrir un canal de dérivation des eaux
de la Lys, vers la mer du Nord, etc., (comme dans l'article).
« Avant de faire emploi de la première section du canal de Deynze à
Schipdonck pour l'écoulement des eaux de la Lys, un arrêté royal déterminera,
sur l'avis conforme des députations permanentes des conseils provinciaux des
deux Flandres, toutes les dispositions relatives à la manœuvre des écluses.
« Une commission composée de 15 membres, dont la majorité
appartiendra à la Flandre occidentale, surveillera l'exécution rigoureuse de ce
règlement. »
M. de Muelenaere. - Messieurs, je dois d'abord expliquer à la chambre les motifs qui
m'ont déterminé, de commun accord avec plusieurs de mes honorables collègues, à
présenter cet amendement.
La Flandre occidentale, messieurs, souffre trop cruellement du fléau des
inondations, pour qu'elle ne compatisse pas aux malheurs des autres. On nous
trouvera toujours disposés à prêter notre concours le plus efficace à toutes
les mesures qui auront pour but de préserver d'inondations plus ou moins
périodiques une contrée quelconque du pays Nous sommes loin surtout d'être
indifférents aux souffrances des vallées de la Lys et de l'Escaut, car ces
souffrances sont aussi les nôtres, et nous désirons les voir cesser le plus tôt
possible. Nous regrettions sincèrement qu'au lieu d'avoir à délibérer sur un
travail qui pût concilier tous les intérêts, nous fussions placés en face d'un
projet de constitution partielle qui excitait de très vives inquiétudes, et
qui, aux yeux de la plupart des intéresses, devait avoir les conséquences les plus
fâcheuses.
A l'appui de mon amendement, je dois entrer nécessairement dans quelques
observations à cet égard, et je dois particulièrement m'attacher à prouver à la
chambre que ces craintes n'étaient pas chimériques, qu'il y avait pour la
Flandre occidentale des dangers inhérents à la construction isolée du canal de
Deynze à Schipdonck aussi longtemps que ce canal n'aurait pas été mis en
rapport direct avec la mer du Nord, sans emprunter le canal d'Ostende. Dans
toutes les hypothèses nous devons consacrer dans la loi les moyens de conjurer
ces dangers.
Je ne sais que trop qu’il arrive fréquemment qu'en matière de travaux
hydrauliques, les prévisions les plus justes en apparence, celles qui
paraissent le mieux fondées, sont bientôt démenties par l'expérience ; je ne
sais que trop combien souvent les hommes les plus experts dans cette partie,
sont trompés dans tous leurs calculs, dans toutes leurs espérances. C'est là,
surtout que les hypothèses, les suppositions que l'on fait, sont loin de se
convertir toujours en réalités.
Ce n'est donc qu'avec une extrême réserve que j'aborde une question sur
laquelle, comme vous l'avez vu, les hommes de l'art sont loin d'être
d’accord ; ce n’est qu’avec une extrême réserve surtout que j'aborde une
question pour la solution de laquelle il faut une connaissance si approfondie
des besoins de toutes les localités intéressées, que peu d'hommes, je pense,
peuvent se féliciter de posséder cette connaissance à un degré suffisant.
Messieurs, je me bornerai à vous soumettre quelques observations,
appuyées sur des faits publics, notoires, que personne ne pourra révoquer en
doute.
Consultons d’abord la situation présente du canal de Gand à Bruges. Quel
est le rôle que ce canal est appelé à jouer en matière d’évacuation des
eaux ?
Ce canal sert à l'évacuation d'une partie des eaux de la Lys qui y sont
déversées à Gand ; il est grevé, en outre, comme tous les canaux, de la
servitude de ses affluents. Le canal de Gand à Bruges, pour l'écoulement de
toutes ses eaux, n'a d'autre bassin que le canal d'Ostende.
C’est ce canal qui doit conduire toutes ces eaux à la mer du Nord. Or de
quels moyens dispose le canal d’Ostende pour remplir
cette mission ? De quels moyens dispose-t-il pour jeter à la mer les eaux
de ses propres affluents d’abord, et ensuite les eaux qui lui arrivent par le
canal de Gand à Bruges ? Il ne dispose à cet effet que d’une seule écluse,
celle de Slykens, ressource très puissante à la
vérité, puisque ce canal offre une ouverture à la mer de plus de 24 mètres.
Mais je me suis demandé si, dans l’état des choses, l’écluse de Slykens excède les besoins actuels et si, en conséquence de
cela, on peut en aggraver la charge d’évacuation qui pèse sur le canal
d’Ostende.
J’ai examiné les faits, et il me semble qu’ils donnent à cette question
la réponse la plus péremptoire. A l’exemple d’un honorable membre, je ne
remonterai pas au XIIème siècle. Je n'invoquerai que des faits récents, des
faits présents à la mémoire de tout le monde et qu'au besoin une population
tout entière pourrait venir attester devant vous.
Dans l'hiver de 1840-1841, les eaux de Gand à Bruges se sont élevées à
la cote extraordinaire de 12 pieds et un quart, tandis que la cote de la
navigation de ce canal, en hiver, n'est que de 10 pieds.
Les eaux étaient donc montées dans ce canal à 2 pieds et demi au-dessus
de la plus haute cote de navigation. Quelles furent les conséquences de cet
état de choses ? La route de Bruges à Courtray, au-delà de Steenbrugge,
fut entièrement submergée. Moi-même, à cette époque, je passai sur cette route
à travers les eaux. Il existe dans cette contrée une espèce de petite rivière
qui devient en hiver un véritable torrent. Ce torrent constitue un des
affluents du canal de Bruges à Gand ; il doit déverser ses eaux dans ce canal.
A cette époque, cet affluent ne trouva plus aucune issue dans le canal
de Gand à Bruges, parce que ce canal s'était trop gonflé à Moerbrugge
; par son débordement, il inonda une grande partie du territoire de la commune
de St-Michel. Malgré l'ouverture de toutes nos écluses à Slykens,
malgré l'emploi le plus actif de tous nos moyens d'évacuation à la mer, le
canal d'Ostende resta plusieurs jours à la hauteur vraiment calamiteuse de 20
pieds, au point de nous inspirer les craintes les plus sérieuses pour la
conservation du pays ; car on sait que la cote la plus élevée de navigation du
canal n'est que de 18 pieds. La ville de Bruges fut par-là grandement menacée
d'inondation.
La Lieve qui déverse également ses eaux dans le canal d'Ostende déborda
dans une grande partie de son bassin.
Durant l'hiver dernier, des faits analogues, des circonstances peut-être
encore plus calamiteuses se sont fait jour. Le gonflement du canal d'Ostende
dans le cours de cet hiver fut tel qu'on se crut obligé d'essayer de faire
retenue des eaux du canal de Gand. Plusieurs rues de la ville de Bruges furent
mises instantanément sous eau.
Bientôt la situation devait tellement alarmante que l'ingénieur en chef,
directeur des ponts et chaussées, vint me proposer de procurer aux eaux une
voie d'évacuation supplémentaire, dont nous n'eussions plus été les maîtres.
C’était le percement de la digue près de l'écluse de l’Impératrice à Bruges.
Savez-vous quelles auraient été les conséquences de
ce percement de la digue ? Ce résultat immédiat aurait été la submersion de
toutes les terres basses des communes de Saint-Michel et d'Assebronck
; le débordement de la Lieve, dans une fraction considérable de son bassin, et
peut-être aussi le débordement du canal d'Ostende.
Bien que l'ingénieur en chef de la Flandre occidentale fût peut-être
l'homme le plus capable, dans tout ce qui a trait à l'évacuation des eaux de
cette province, bien qu'il eût une connaissance parfaite de ses besoins, la
mesure me parut si extrême que je n'osai pas ce jour-là en assumer la
responsabilité.
Mais je suis intimement convaincu que si les pluies avaient continué
pendant 24 heures, force eût été d'adopter la proposition de l'ingénieur en
chef, avec toutes ses conséquences les plus désastreuses. C'eût été le seul
moyen de sauver la ville de Bruges.
Je demanderai de bonne foi si, en présence de faits aussi graves qui se
sont renouvelés deux fois dans l'intervalle de mains de cinq ans, il y a un
seul membre de cette assemblée qui, sans les précautions reconnues suffisantes,
osât prendre sur lui d'aggraver encore la position déjà si précaire du canal
d'Ostende ?
Mais on a paru croire que la construction du canal de Zelzaete allait
beaucoup aider à l'évacuation des eaux supérieures par le canal d Ostende.
C'est une erreur que je dois relever. Dans quel but a été décrète le canal de
Zelzaete ? N'est-ce pas pour réparer un des malheurs de la révolution de 1830,
pour procurer aux terres du bassin du Zwyn une nouvelle voie d'évacuation, en
remplacement de celle que ces terrains ont perdue par le territoire hollandais.
Les eaux du bassin du Zwyn qui s'écoulaient par le territoire hollandais
vont s'écouler par le canal de Zelzaete à la mer du Nord. C'est là, j'en conviens, un immense bienfait pour tout
ce territoire. Mais l'évacuation de ces eaux vous permet-elle d'aggraver la
position du canal d’Ostende par rapport à l'écoulement des eaux
supérieures ? Evidemment non. Cela résulte, non pas de l'opinion de
quelques ingénieurs, mais de la nature même des choses. Voyons d'abord quelle
est la position des eaux de la Lys et des eaux qui nous arrivent par le canal
de Gand à Bruges, relativement aux eaux du canal d'Ostende ?
Les eaux du canal de Gand à Bruges ont sur les eaux du canal d'Ostende à
la cote ordinaire de navigation une chute d'un mètre 50 centimètres. Voilà la
différence de niveau entre les eaux du canal de Gand et les eaux du canal
d'Ostende.
Maintenant, quelle est la position des eaux du nord de Bruges
relativement au canal d'Ostende ?
Les eaux du nord qui vont s'évacuer par le canal de Zelzaete sont de
deux mètres plus basses que les eaux du canal d'Ostende a
sa cote de navigation à l'étiage ordinaire. Il résulte de la que les eaux du
bassin du Zwyn ne peuvent s'évacuer par le canal d'Ostende, que lorsque les
eaux dans le canal d'Ostende se trouvent réduites de 8 ou 10 pieds.
Quelle est la conséquence de cet état de choses ?
C'est que les eaux du nord de Bruges ne peuvent jamais s'écouler parle
canal d'Ostende qu'après l'écoulement des eaux de la Lys et de tous les
affluents du canal de Gand, parce que les eaux supérieures forment dans le
canal d'Ostende un barrage hydraulique à l'écoulement des eaux du nord de
Bruges.
(page
1496) Vous voyez donc que, sous ce point de vue, la position du canal
d'Ostende ne peut pas être aggravée, parce que cette aggravation causerait des
inondations. Les eaux du nord de Bruges, je le répète, n'ont jamais pu
s'écouler qu'après l'évacuation complète de toutes les eaux supérieures.
Cependant dans notre désir bien sincère de venir en aide à la vallée de la Lys
et du chef-lieu de la Flandre orientale, j'ai, d'accord avec plusieurs de mes
collègues, rédigé un amendement par lequel nous avons cherché à calmer les
inquiétudes que la présentation du projet de loi avait fait naître. Il n'entre,
j'en suis sûr, dans la pensée d'aucun de mes collègues, de vouloir déplacer le
mal et de transporter dans une autre province la calamité qui forme en quelque
sorte aujourd'hui une servitude naturelle du bassin de Gand. Dès lors je pense
que l'amendement que j'ai l'honneur de déposer sur le bureau recevra
l'approbation de tous les députés de la Flandre orientale.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs, nous
nous trouvons maintenant en présence de deux amendements, celui présenté hier
par l'honorable M. d'Elhoungne et celui que vient de présenter l'honorable M.
de Muelenaere.
Je pense, messieurs, que l'amendement de l'honorable M. de Muelenaere,
que je me réserve d'examiner encore dans ses détails de rédaction, peut
présenter un moyen de conciliation entre la Flandre orientale et la Flandre
occidentale. A ce point de vue, messieurs, l'amendement de l'honorable M. de
Muelenaere est un bien. Cet amendement ne doit soulever aucune objection, en ce
qu’il tend à assurer au canal une manœuvre impartiale et protectrice de tous
les intérêts.
M. Verhaegen. - Je demande la parole.
M.
le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ce but d'impartialité est entièrement dans les intentions du
gouvernement. Le gouvernement ne peut donc que se rallier à toute proposition
qui tend à convenir ses intentions en faits.
Mais, messieurs, à côté de l'amendement de l'honorable M. de Muelenaere,
nous avons l'amendement de l'honorable M. d'Elhoungne : cet amendement,
messieurs, présente au fond la plus grande analogie avec un amendement présenté
à une séance précédente par l'honorable M. Delehaye qui demande que l'on
décrète le canal entier de la Lys à la mer du Nord.
M.
Delehaye. - Je ferai connaître à M.
le ministre que nous retirons nos propositions pour nous rallier à celle de
l'honorable M. de Muelenaere.
M. Donny. - Je déclare que je retire également mon amendement, j'ai signé la
proposition de l'honorable M. de Muelenaere.
M. Delehaye. - Remarquez que la proposition de l'honorable M. du Muelenaere est
tout à fait conforme à la mienne ; seulement elle donne à la Flandre
occidentale des garanties qu'elle n'avait pas d'abord, et nous demandons aussi
que ces garanties soient données.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - D'après la
déclaration que vient de faire un honorable préopinant, l’amendement unique de
l'honorable M. de Muelenaere tend à
faire décréter le canal entier de la Lys à la mer du Nord, avec
certaines précautions pour la manœuvre de la première section de ce canal.
Je crois, messieurs, sauf rédaction, ainsi que je viens de le dire,
pouvoir me rallier à cet amendement en ce qui concerne les précautions à
prendre dans la manœuvre de la section de la Lys au canal de Bruges.
Mais, messieurs, pour ce qui concerne la partie de l’amendement, tendant
à faire décréter le canal entier, je crois devoir m’en référer aux observations
que j’ai eu l’honneur de présenter dans la séance d’hier.
L’amendement de M. le comte de Muelenaere tend, messieurs, ainsi que je
l’ai dit, à faire arrêter la première section du canal de la Lys à la mer du
Nord. Sous ce rapport, cet amendement n’est que la reproduction de celui qui a
été présenté hier par l’honorable M. d’Elhoungne. Il tend à faire décréter le
canal de Deynze à Schipdonck non comme ouvrage isolé, mais comme partie d’un
ensemble. Un vote en ce sens obligerait, dès maintenant, la législature à
poursuivre le canal de Schipdonck jusqu’à la mer.
Sous ce rapport, cet amendement soulève les objections auxquelles j’ai
déjà répondu hier. Il tendrait à faire décréter dès maintenant le principe d’un
ouvrage qui n’est pas encore étudié en totalité dans ses détails. Nous n’avons
jusqu’ici, ainsi que je l’ai dit, de projet formé que pour la partie de la Lys
au canal de Bruges. Pour la partie du canal de Bruges à la mer, le projet reste
à faire et, ainsi que je l’ai déclaré, je désirerais qu’avant de se prononcer
sur l’ensemble, la chambre pût prendre connaissance du projet qui serait au
préalable déposé sur le bureau.
Je pense, messieurs, qu’en présence surtout de l’amendement de M. le
comte de Muelenaere, il y a moins d’intérêt à insister actuellement sur le
principe du canal entier. J’ai déjà eu l’occasion de faire remarquer que
l’amendement primitif de l’honorable M. Delehaye, aujourd’hui reproduit par
l’honorable M. de Muelenaere, tendait à répondre aux objections des honorables
représentants de la Flandre occidentale. La disposition nouvelle proposée
aujourd’hui par l’honorable M. de Muelenaere a le même but.
Elle tend à donner aux députés de la Flandre occidentale la garantie que
le nouveau canal de la Lys à Schipdonck sera manœuvré de manière à ne léser
aucun intérêt, à ne pas amener de déplacement de calamité.
Je pense, messieurs, que cette garantie doit être regardée comme
suffisante et que, dans l’intérêt même des vallées de l’Escaut et de la Lys, il
n’est pas convenable d’insister pour obtenir actuellement un vote plus étendu.
Ainsi que je l’ai dit, la question, comme ensemble, demande des études
complémentaires. Le gouvernement ne pourrait pas préciser aujourd'hui un
chiffre d'évaluation pour le canal entier de la Lvs à
la mer du Nord.
Il serait également fort difficile de consacrer le principe du canal
entier sans se fixer sur certaines conditions de concours, chose qui est
impossible aujourd'hui.
Je crois donc, messieurs, que la chose vraiment praticable c'est d'en
revenir à l'adoption de la proposition faite par mon honorable prédécesseur,
sauf la partie de l'amendement de l'honorable M. de Muelenaere, qui tend à
donner des garanties aux représentants de la Flandre occidentale. De cette
manière, messieurs, nous ferons quelque chose dès maintenant pour les localités
qui souffrent des inondations, nous ferons ce qui a été reconnu praticable et
nous laisserons aux chambres toute liberté d'appréciation lorsqu'il s'agira de
consacrer un principe plus étendu.
M. le président. - Voici une proposition nouvelle :
« Après l'article 5, ainsi conçu : « Pour prévenir les inondations
de l'Escaut, il sera construit un canal de dérivation, destiné à déverser les
eaux du haut Escaut dans le bas Escaut, près de Gand.
« Une somme de 150,000 fr. est affectée à cette dépense »,
nous proposons d'ajouter :
« Ce canal ne pourra ni servir à l'écoulement des eaux du haut
Escaut, que lorsque l'état du bas Escaut le permettra, ni servir à la
navigation.
« (Signé) Dumortier, Liedts, de Villegas, Thienpont, Goblet, Dubus
(aîné) et Savart.
M. Dumortier. - Messieurs, vous venez d'entendre le moyen que nous proposons pour
porter remède aux désastres affligeants qui s'étendent sur toute la vallée de
l'Escaut. Il paraît que nos plaintes sont complétement stériles. Tandis que la
commission d'enquête a été instituée pour rechercher les moyens de porter
remède aux maux de la vallée de l'Escaut, c'est la vallée de la Lys seule qui
semble avoir aujourd'hui vos sympathies.
Quant à cette magnifique vallée de l'Escaut, sur laquelle plus de
vingt-cinq lieues, sur une demi lieue de largeur, c'est-à-dire environ treize
lieues carrées se trouvent sous les eaux, personne ne semble y songer ; on
fait rien pour elle ; toutes les sympathies sont concentrées sur la vallée de
la Lys où pas un seul point de terrain n'est inondé. J'ai peine, je dois le
dire, à retenir mon indignation lorsque je vois la discussion prendre cette
marche ; l'intérêt de la localité qui m'a envoyé dans cette enceinte, l'intérêt
de la justice m'imposent le devoir de protester de toutes les forces de mon âme
contre un semblable système, de protester de toutes les forces de mon âme entre
des mesures qui ne nous procureraient aucune espèce de soulagement et qui
seraient prises en définitive au moyen de nos malheurs.
Il s'agit d'abord, messieurs, de placer la question sur son véritable
terrain. Deux systèmes sont mis en avant pour remédier aux désastres de la
vallée de l'Escaut, car je le répète encore, c'est pour l'Escaut que la
commission a été instituée, c'est de l'Escaut qu'il faut s'occuper avant tout,
puisque dans la vallée de l'Escaut nous avons 10 lieues carrées de terrain sous
les eaux, tandis, que dans la vallée de la Lys il n'existe aucune, inondation.
C'est donc pour nous, et pour nous seuls, que la commission d'enquête a été
instituée. Eh bien, messieurs, deux systèmes sont mis en avant ; l'un consiste
à porter les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut ; l'autre consiste à
prendre les eaux de la Lys presque à mi-chemin entre Gand et Courtray pour les
déverser dans la mer.
El on prétend que c'est nous qu'on aura sauvés !
D'abord, je dois redresser une erreur qui a dominé une grande partie de
cette discussion.
L'honorable M. de Saegher le premier a présenté le système du canal de Zwynaerde comme étant celui de l'orateur qui vous parle en
ce moment ; il a dit : « Le système de M. Dumortier », et chacun a
dit que c'était mon système. Messieurs, je serais fier d’être l'auteur de ce
système, mais je ne veux pas me parer des plumes du paon ; ce système n'est pas
le mien, je l'ai accepté ; ce système est celui de M. l'ingénieur en chef Wolters, dont on a tant parlé ; il est surtout celui de la
commission d'enquête instituée et présidée par M. Desmaisières, et dont M.de
Saegher et Lejeune faisaient partie.
Voici ce que je lis à la page 64 du rapport de la commission : « C'est
ce qui a porté M l'ingénieur Walters à proposer dans son mémoire remarquable du
31 octobre 1845 les divers systèmes suivants :
« Troisième système. - Travaux à exécuter dans le bassin de
l'Escaut.
« On pratiquerait au cours du l'Escaut deux grandes coupures ou
redressements, l'une commençant à l'amont de Gand vers Zwynaerde
et aboutissant à Melle. »
Eh bien, c'est justement ce que nous demandons. Ce n'est pas tout. Que
fait la commission ? Dans le sein de la commission, et j'appelle sur ce point
toute l'attention de la chambre, les questions sont posées pour le vote. Voici
ces questions :
« Première résolution : Pour faciliter l'écoulement des eaux du l'Escaut
et remédier aux inondations intempestives, il sera construit un canal de
décharge destiné à déverser les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut, près de
Gand.
« Troisième résolution : Pour faciliter l'écoulement des eaux de la
Lys et des Flandres, il sera construit un canal de la Lys à la mer du Mord. »
Ainsi, pourquoi le canal de Deynze a-t-il été proposé ? Vous l'entendez,
le rapport le déclare, c'est pour faciliter l'écoulement des eaux de la Lys. (page 1497) Mais que voulait-on pour
l'écoulement des eaux du haut Escaut ? Un canal de dérivation des eaux du haut
Escaut vers le bas Escaut, à l'Est de Gand. Je continue la lecture :
« Cette première question est mise aux voix et adoptée par 6 membres
contre 3, un dixième membre s'est abstenu. »
Vous le voyez, messieurs, aux yeux de la commission qui avait examiné la
question des eaux de la Lys et de l'Escaut, le canal de Deynze, que l'on
propose aujourd'hui, n'avait qu'un seul but, celui de faciliter l'écoulement
des eaux de la Lys ; quant à l'Escaut, la commission proposait la construction
d'un canal de décharge du haut Escaut dans le bas Escaut en aval de Gand, et
c'est précisément ce que nous demandons aujourd'hui. Ainsi qu'on ne vienne pas
dire qu'aujourd'hui on fait quelque chose pour nous, pour l'asséchement de nos
magnifiques prairies qui sont inondées, alors que l'on ne propose que le
système adopté pour la Lys et que l'on repousse celui adopte pour l'Escaut,
Mais, dira-t-on, le système d'un canal de dérivation en aval de Gand
était complexe avec un système de portes à flot. Cela est inexact. A la vérité,
dans un système il était question des portes à flot ; mais tout le bas Escaut a
réclamé contre ce système ; on a prétendu que lorsque les eaux ne pourraient
plus passer au-delà de Termonde, dans les haines marées, les prairies entre
Termonde et Anvers seraient exposées à être inondées. Voilà le seul motif pour
lequel la commission d'enquête a repoussé le système des portes à flot. Mais
remarquez, messieurs, que la construction des portes à flot n'était pas
essentiellement connexe avec la dérivation de l'Escaut ; celui-ci était
tellement différent du système des portes à flot, que dans les votes de la
commission, il n'en est pas fait mention ; lorsque la commission a procédé au
vote, elle avait écarté les portes à flot ; qu'a-t-elle mis aux voix ? C'est le
système de dérivation pur et simple sans les portes à flot ; donc ce système
est indépendant de celui des portes à flot.
Vous le voyez, messieurs, les faits parlent aussi haut que possible. Le
système de M. l'ingénieur Wolters est celui que nous
défendons ; ce système n'est rien autre chose que le système qui a été adopté
par la commission à la majorité de 6 voix contre 3.
Et l'on vient prétendre que c'est pour la vallée de l'Escaut que l'on va
dépenser des millions ! Mais la vallée de l’Escaut vous remercie de votre
générosité et de votre appui ; je répéterai ce que j'ai déjà dit : Timeo Danaos et dona ferentes.
Gardez votre perfide tendresse, nous n'en voulons pas.
Messieurs, il n'est qu'un cri d'un bout de l'Escaut à l'autre, sur la
nécessité du canal dont il s'agit. Vous avez entendu hier ta lecture d'une
pétition émanée d'un grand nombre de bourgmestres, et des président et membres
de la commission de dessèchement des marais de l'Escaut. Que trouve-t-on dans
cette pétition ?
« La construction du canal de dérivation à l'est de Gand est le premier
travail à faire, c'est une mesure indispensable, qui seule permettra de dégager
le haut Escaut, tout en mettant Gand à l'abri des inondations. »
J'ai reçu ces jours derniers une pièce qui m'a été adressée par le collège
par le collège des bourgmestre et échevins de la
commune d'Eecke près d'Audenarde ; que la chambre me
permette de lui lire quelques ligues de cette pièce remarquable.
« Des ouvrages sont en projet pour l'évacuation des eaux de la Lys ;
l’on prétend que cela pourrait être favorable pour faciliter l'écoulement des
eaux de l’Escaut. Ni moi, ni en général les habitants des rives de ce dernier
fleuve ne partagent cette opinion. Il me paraît donc que le moyen le plus
efficace pour obtenir un résultat certain serait d'abord de rectifier l'Escaut
et ensuite de creuser un canal de décharge partant de la commune de Zwynaerde directement vers le bas Escaut. » Voilà donc
l'opinion du district d'Audenarde et celle du district de Tournay ; c'est
l'opinion de toutes les personnes qui habitent les bords de l'Escaut.
Nos contradicteurs, et l'honorable M. de Saegher lui-même ont reconnu
que l'obstacle est à Gand ; mais si les eaux trouvent un obstacle à Gand,
pourquoi ne pas faire une coupure qui verse les eaux dans le bas Escaut ? Si
c'est l'Escaut qui déborde, pourquoi ne pas apporter le remède à ce fleuve
lui-même ?
En effet, il est constant qu'à l'époque actuelle les eaux sont dans le
bas Escaut a 5 pieds au moins plus- bas que dans le
haut Escaut. Les honorables députés d'Anvers pourront vous le confirmer, la
chute d’eau dans le port d'Anvers, au temps des hautes marées, est de 16 pieds.
Quand on a une chute d'eau de 16 pieds à Anvers, n'avons-nous pas tous
les moyens possibles pour faire écouler nos eaux superflues ? Pourquoi dès lors
créer des dépenses inutiles, pour nous procurer prétendument un soulagement
indirect, alors que nous avons à notre portée, un moyen direct, si efficace et
si peu dispendieux ?
Permettez-moi de vous lire ce que m'écrivait un ancien membre des états
généraux dont la haute capacité est reconnue, un des hommes les plus entendus
dans cette matière.
« Les eaux de l'Escaut ne s'écoulent pas parce qu'on les retient à
Gand pour la navigation, parce qu'on remet les écluses sur le cours de l'Escaut
pour le service de la navigation et surtout pour faciliter la remonte, enfin
par le grand nombre de bateaux charges qui sont en rivière. Dans ce moment nos
prairies sont encore couvertes de 5 à 6 pieds d'eau ; nous n'avons pas plus de
30 à 60 mètres le long des rives qui soient découvertes et nous sommes à la fin
de mai ! »
Et c'est en présence de pareils faits qu'on viendra dénaturer la
question, soulager la Lys sans rien faire pour l'Escaut, quand l'Escaut souffre
et réclame tandis que la Lys ne souffre pas, quand il n'y a pas d'eau sur les
prairies qui bordent cette rivière, et tandis que nous en avons cinq à six
pieds sur les nôtres.
Un
membre. - Lesquelles ?
M. Dumortier. - Toutes les prairies basses qui avoisinent l'Escaut sont sous l'eau,
depuis la France jusqu'à mi-chemin entre Audenarde et Gand, c'est-à-dire sur un
parcours du fleuve de plus de vingt lieues.
Je viens de vous démontrer, messieurs, que c'était pour nous une chose
infiniment pénible que de voir ainsi dénaturer la question, et représenter
odieusement le bien qu'on veut se faire à soi-même comme devant nous être utile
; je viens de démontrer que le projet dont nous demandons l'exécution a été
proposé par l'ingénieur en chef Wolters, qu'il a été
le premier adopté par la commission, que dans le sein de la commission le
projet que présente le ministre a été considéré comme ne pouvant servir qu'à
une chose, à l'écoulement des eaux de la Lys. Pour l'écoulement des eaux de
l'Escaut on proposait, quoi ? le système dont nous
demandons l'exécution.
Voyons maintenant le discours de l'honorable M. de Saegher.
Messieurs, on a beaucoup parlé du discours de l’honorable M. de Saegher.
Ce discours repose sur une confusion et une grande exagération, exagération qui
constitue une véritable erreur. L'honorable membre reconnaît, il ne pourrait
pas faire autrement, car les pièces authentiques sont là ; il reconnaît que la
commission chargée du travail avait été nommée pour porter un soulagement aux
eaux de l'Escaut. Mais, dit-il, dès la début de ses
travaux, la commission a reconnu qu'il y avait une corrélation entre le régime
des eaux de la Lys et celui des eaux de l'Escaut.
Je ne sais ce qu'on veut dire par cette corrélation des eaux de la Lys
et des eaux de l'Escaut. Si l'on entend
par là qu'il faut mettre les navigations, de l'Escaut et de la Lys en rapport,
je reconnais qu'il y a une certaine corrélation, mais si on entend que, les
eaux de la Lys écoulées, le haut Escaut sera débarrassé, on prononce une
exagération, une erreur. C'est au moyen de cette corrélation inventée, poussée
à l'exagération, qu'on prétend que nous éprouverons un soulagement par la
construction du canal de Deynze à Schipdonck.
Remarquez que la Lys ne demande pas maintenant de moyen d'écoulement.
Elle a déjà beaucoup de moyens d'écouler ses eaux : elle a le canal de la
Lieve, le canal de Gand à Bruges et le canal de Terneuzen. L'Escaut n'a aucun
moyen d'écouler ses eaux, si ce n'est son lit qui reçoit encore une partie des
eaux de la Lys....
M. Dedecker. - Et les canaux !
M. Dumortier. - Puisqu'on veut équivoquer sur les termes, je prie les membres qui
ont en mains le rapport, de jeter les yeux sur la carte R annexée, on verra que
les canaux dont on parle sont séparés de l'Escaut par tout le cours de la Lys ;
par conséquent, pour porter les eaux de l'Escaut dans ces canaux, il faudrait
leur construire une route sous la Lys ou un aqueduc par-dessus.
M. Dedecker. - Les eaux se confondent !
M. Dumortier. - Les eaux ne peuvent pas se confondre. Pour le soutenir il faut
apprécier les faits avec l'illusion d'un égoïsme mal entendu.
Je répète que pour que l'Escaut puisse déverser ses eaux dans les canaux
dont on parle, il faudrait qu'il traversât le cours de la Lys.
A Gand, l'Escaut au moment où il arrive, se divise en deux grands bras.
L'un reçoit plusieurs affluents de la Lys, l'autre se jette dans le bas Escaut.. On prétend que ce second bras a été créé il y a quelques
années ; J'ai répondu que quand on a créé cette branche, on a laissé atterrer
l'ancien bras droit sur lequel on peut sauter à pieds joints.
M. Manilius. - Cela n'est pas exact.
M. Dumortier. - Quiconque est passé à la station de. Gand a pu s'en convaincre, car
le bras droit de l'Escaut passe dans la station.
Quand le bras droit s'est trouvé atterré, réduit à un simple ruisseau,
il a fallu, pour porter remède à cet atterrissement, déplacer cet ancien lit ;
le mettre en dehors des fortifications. C'est là le bras droit actuel. D'autre
part, depuis Tournay, les eaux.de l’Escaut descendent jusqu’à Gand sur les
prairies comme dans le lit du fleuve ; à Gand elles trouvent une ville qui empêche
de passer ce qui traversait, sur les prairies ; il .faut bien trouver un
écoulement nouveau, puisque le lit du fleuve est insuffisant. Il y a un seul et
unique obstacle, c'est Gand qui retient les eaux, il faut ou tourner la ville,
ou supprimer les obstacles qui s'y rencontrent, Jetez les yeux sur l'état des
moulins à eau dans la ville de Gand. Il y en a onze. Qui de vous, messieurs,
méconnaîtra que ces moulins retiennent les eaux ? Qu’on débarrasse l'Escaut des
entraves, nous ne demanderions pas davantage, ; mais
il est bien entendu qu'on le fera pas ; nous ne le proposons pas, de crante de
nuire au commerce ; alors toutefois il est juste qu'on, nous donne un autre
moyen d'écoulement. C’est donc par une véritable confusion des eaux de la Lys
et de l'Escaut que M. de Saegher est venu prétendre que le canal de Deynze à
Schipdonck pourra nous apporter quelque soulagement..
J’en appelle à votre jugement. Quel est l'homme sensé qui voudra croire qu'un
canal à mi-chemin de Courtray à Gand apportera du soulagement au haut Escaut ?
Certainement l'affluence des eaux de la Lys restant dans le bassin de
Gand sera toujours assez forte pour empêcher l'écoulement de nos eaux, comme
cela a lieu dans ce moment.
L'honorable M. de Saegher nous a dit que les causes d'inondations
étaient l'accroissement du volume d'eau qui nous arrive de France et les
défectuosités que présente le lit de l'Escaut. Messieurs, ce n'est rien là de
nouveau. Voilà quinze ans que nous le répétons. Je suis charmé de voir que
cette vérité ait enfin été comprise par l'honorable membre. Puisque les (page 1498) eaux de la France nous arrivent
avec une beaucoup plus grande abondance que par le passé, évidemment il faut
que nous ayons des moyens de les laisser passer.
Quant aux défectuosités de l'Escaut, nous avons réclamé depuis
longtemps. Mais savez-vous qui s'est opposé à ce qu'on y portât un remède ? Ce
sont les députés de Gand qui ont prétendu que si l'on remédiait à cet
inconvénient, les eaux arriveraient en trop grande abondance sur la ville de Gand.
Il faut d'ailleurs bien s'entendre sur ce que l’on entend ici par
défectuosités du fleuve ; il y a tel travail soutenu par les ingénieurs qui
pourrait être des plus préjudiciables aux propriétés avoisinantes.
Le grand argument que l'on met en avant, le voici ; quand nous aurons
débarrassé la ville de Gand d'une partie des eaux de la Lys, les eaux de
l'Escaut pourront s'écouler avec plus d'abondance. Mais je vous le demande,
quelqu'un peut-il comprendre la portée d'un pareil argument ? Permettez-moi de
faire quelques comparaisons. Je suppose que la vallée de la Meuse soit inondée
à Dinant, et qu'on vienne dire : Pour soulager la vallée de la Meuse à Dinant ;
nous allons retirer une partie des eaux de la Sambre à Charleroy, je demande
qui ne hausserait pas les épaules devant un pareil argument ? On se plaint des
inondations de la vallée du Demer. Que diriez-vous si des députes de Bruxelles
venaient répondre aux députes de Louvain : Vous vous plaignez des
inondations du Demer ; eh bien, la Senne se jette dans le Demer, nous allons
déverser une partie des eaux de la Senne ailleurs, et vous serez soulagés. Les
députés de Louvain ne hausseraient-ils pas les épaules ? C’est cependant ce que
l’on propose ; c'est là l'argument, le sophisme des honorables députés de Gand.
Car on vient proposer de prendre les eaux de la Lys à Deynze entre Courtray et
Gand, pour les porter à la mer, et on dit que la vallée du haut Escaut sera
soulagée.
Je crois, messieurs, qu'en présence de la comparaison que je viens de
faire, vous devez tous reconnaître que le système qu'on propose est condamné.
J'ai déjà en l'honneur de le dire, messieurs, et cet argument est resté
absolument sans réplique ; personne n'a tenté de l'aborder et je défie
quelqu'un de nos adversaires de l’aborder. Je suppose qu'au moyen du canal de
Deynze, vous ameniez les eaux dans !e bassin de Gand au niveau de la jauge
d'été. Qu'en résultera-t-il ? C'est que vous amènerez les eaux à l’état où
elles se trouvent maintenant dans cette ville, puisque les eaux de la Lys sont dans
ce moment à Gand au niveau de la jauge d'été ; et cependant, messieurs, toutes
les prairies de l'Escaut sont inondées. Ainsi au moyen de votre canal, vous
n'amènerez jamais un autre système que celui qui existe. C'est la démonstration
la plus évidente, la plus claire, la plus péremptoire, de la fausseté du
système, ou pour mieux dire, du sophisme qu'on vous présente. Ce n'est donc pas
ce remède qu'il faut apporter aux maux dont nous nous plaignons, mais c'est
celui que nous vous proposons.
Je le répète, je défie, messieurs, de répondre à cet argument. Dans
l'état actuel, les eaux de la Lys sont dans la ville de Gand au-dessous de la
jauge d'été. Je dis donc qu'au moyen du canal proposé on ne pourra qu'amener
l’état qui existe maintenant, et cependant les prairies de la vallée du haut
Escaut sont inondées. Cela se comprend très bien, messieurs. La ville de Gand
ne manque pas de moyens pour l'écoulement des eaux de la Lys ; elle a le canal
de Terneuzen, le canal de Bruges ; ce sont des moyens d’écoulement très
considérables ; et cependant avec tous ces
moyens d'écoulement, bien que dans le canal de Terneuzen les eaux soient
de 5 pieds plus basses que les eaux de la Lys dans la
ville de Gand, nous sommes toujours dans le même état d’inondation. Que faut-il
en conclure ? C'est que le système est vicieux, c’est qu’il est impuissant pour
nous soulager.
C'est d'ailleurs, messieurs, ce que la commission a reconnu. Veuillez
relire ses observations : « Pour porter, dit-elle, un remède à
l’écoulement de la Lys, on fera le canal de Deynze ; pour porter un remède
aux inondations de l’Escaut, on fera le canal de Zwynaerde. »
Vous le voyez donc, la commission a parfaitement distingué les remèdes à
apporter aux deux fleuves ; à la Lys, le canal de Deynze, à l’Escaut celui
de Zwynaerde.
Messieurs, plusieurs députés des Flandres et spécialement l’honorable M.
Dedecker m’ont adressé de très vifs reproches sur l’amendement que j’ai eu
l’honneur de déposer. Suivant cet honorable membre, les habitants des rives du
haut Escaut ne voudraient avoir de soulagements à leurs maux, qu’en inondant
les régions du bas Escaut. J’ai déjà protesté, messieurs, à plusieurs reprises
contre cette insinuation. Dès l’origine de la discussion, j’ai eu l’honneur de
dire, et je savais que c’était la volonté de tous nos collègues, que nous
n’entendions pas apporter la plus petite perturbation au bas Escaut, que nous
n’entendions pas inonder ceux qui ne souffrent pas aujourd’hui. Nous avons plus
de générosité dans le caractère. Mais je dois me plaindre et je me plains
vivement, de trouver aussi peu de générosité chez nos collègues, de trouver
aussi peu de générosité chez les habitants de la partie de l’Escaut qui,
d’après les lois impérieuses de la nature, doivent recevoir nos eaux.
Comment, messieurs, nous avons déclaré que nous ne voulions pas de canal
sans écluses, que nous voulions un canal avec des écluses et que ces écluses ne
pussent servir qu’autant que votre situation le permet ; et vous direz que
nous voulons vous inonder, et vous repousserez toute proposition !
N’est-ce pas là renouveler la parabole du mauvais riche qui refusait les
miettes de sa table à ceux qui étaient dans la souffrance ? je dis qu’un pareil système n’est pas un système chrétien,
n’est pas un système belge ; je dis que ce n’est qu’un système d’égoïsme,
rien de plus, et ce n’est pas avec un système d’égoïsme, ce n’est pas en
isolant les intérêts qu’on parviendra à former une nation. Nous ne voulons pas
vous inonder, nous le déclarons de la manière la plus formelle et l’amendement
que je viens de déposer avec mes honorables collègues en est la preuve
évidente. Mais si vous ne croyez pas nos paroles, puisque cet amendement nous
met d'ailleurs dans l'impossibilité de vous nuire, vous devriez permettre au
bas Escaut de recevoir nos eaux et ne pas vous opposer à notre proposition.
M. Delehaye. - C'est inexécutable.
M. Dumortier. - Voilà maintenant qu'on dit que c'est inexécutable.
« Si ce n'est toi, c'est donc ton frère,
« Ou bien quelqu'un des tiens. »
Vous voyez, messieurs, qu'il n'est pas de mauvais argument qu'on
n'emploie pour nous combattre. Ce canal est inexécutable ! Mais il a été
proposé par un ingénieur que vous proclamez une des gloires de la Belgique, et
vous le déclarez inexécutable ! Mais vous prétendez donc que l'ingénieur dont
vous faisiez l'éloge est un homme qui ne connaît pas son métier.
M. Desmaisières. - - Oui, mais il devient inexécutable.
M. Dumortier. - Ah ! il devient inexécutable ! Il ne
l’est pas, il le devient ! Et pourquoi devient-il inexécutable ? Parce que
ces messieurs n'en veulent point.
Je dis, messieurs, que l'ingénieur qui a proposé le canal sait son
métier et que cet ouvrage est d'une exécution tellement simple, tellement
facile, qu'elle n'exigera pas une dépense de plus de 150,000 fr.
Je ne comprends vraiment pas, messieurs, comment on peut venir proclamer
inexécutable un travail qu'une commission d'enquête a voté, un travail qui,
avant d'être propose à la commission, a été soumis à tout le corps des ponts et
chaussées, et que celui-ci a déclaré très exécutable. En vérité quand on se
sert de pareils arguments, on fait bien voir qu'on n'en a pas de bons à donner.
Toutefois, messieurs, lorsque je me plains du peu de générosité de mes
collègues, je dois faire une exception en faveur de l'honorable M. de Terbecq.
Cet honorable député de Termonde, tout en élevant des plaintes sur ce qu'un
canal semblable pourrait nuire à son arrondissement, a déclaré en termes
express que si l'on pouvait, au moyen d'écluses, faire disparaître les
inondations qu'il redoutait, et ne pas nuire au district qu'il représente, il
donnerait son assentiment à ma proposition. Voilà comment on se conduit
fraternellement, voilà comment on se conduit en Belges ; lorsqu'il est démontré
qu'on ne se nuit pas, on se prête les uns les autres. Je me plais à rendre
hommage à ces nobles paroles, et à les opposer à celles de l'égoïsme étroit qui
laisserait périr ses frères sans les soulager.
Vous le voyez donc, messieurs, nous arrivons, comme le disait hier mon
honorable ami M. Dubus, à une véritable déception. Tandis que nos prairies sont
couvertes de 5 à 6 pieds d'eau, tandis au contraire que la Lys est parfaitement
asséchée, on vous propose un canal d'écoulement pour la Lys, et on laisse
l'Escaut absolument dans le même état de souffrance. Cela est-il généreux ?
Cela est-il sincère ? Je vous laisse à en juger ; mais je dois, messieurs,
singulièrement regretter la conduite de M. le ministre des travaux publics dans
cette circonstance. Lui qui doit représenter ici les intérêts de l'Escaut,
puisqu'il est le ministre préposé à son maintien et à son amélioration, il
repousse notre amendement et n'en donne aucun motif. C'est là une conduite doit
j’ai droit de me plaindre. Quoi !vous venez défendre un système ruineux
pour la Belgique, un système qui vous entraînera dans une dépense de 7 à 8
millions sans résultats utiles, et vous ne voulez rien faire pour diminuer les
désastres qui, de votre propre aveu, produisent une perte de 6 millions par an.
Je dis que, comme député de mon pays, je dois désapprouver une pareille
conduite, et que je la désapprouve et la flétrie hautement. Une pareille
conduite est indigne d'un gouvernement qui doit vouloir le bien de tous.
Il y a, messieurs, comme vous le voyez, unanimité chez tous les députés
qui représentent ici le haut Escaut, comme il y a unanimité chez tous les
habitants du haut Escaut pour reconnaître que la principale entrave à
l'écoulement des eaux est à Gand, que le moyen que l'on propose est un
palliatif inutile pour nous, et que le seul qui puisse produire des effets
avantageux, est la dérivation que la commission elle-même a proposée. Nous
avons donc lieu d'espérer que vous émettrez un vote favorable à cette
proposition.
Au reste, pour que personne à l'avenir ne puisse dire que nous voulons
porter préjudice à l'arrondissement de Termonde, nous avons rédigé de concert
une proposition que nous avons déposée et par laquelle il est stipulé en termes
exprès que le canal de dérivation ne pourra servir qu'autant que l'état des
eaux du bas Escaut le permettra.
Le système que nous proposons, messieurs, sera-t-il efficace ? Oui, et
pourquoi ? Parce qu'en vertu d'une loi hydrostatique constante, l'asséchement
de tout fleuve et de toute rivière qui n'est pas au-dessous de la mer, a
toujours lieu par les régions inférieures avant de s'opérer dans les régions
supérieures ; et cela se conçoit très bien, c’est que les régions inférieures
sont plus près des causes d'asséchement que les régions supérieures, et
qu’ainsi elles sont les premières a s'en ressentir.
Ainsi taudis qu'à Gand l’eau n'est plus que d’un pied au)dessus du niveau des
prairies, elle est à Audenarde de 4 pieds, à Tournay de 6 pieds, et au-delà de
8 pieds au-dessus de ce niveau. L’écoulement se fait donc toujours d’abord par
les régions inférieures du fleuve ; ce qui fait que les prairies entre
Gand et Wetteren sont toujours soulagées les premières.
Messieurs, veuillez remarquer une chose, l'Escaut est comme le Nil. Ses
débordements sont nécessaires pour les prairies qui se trouvent sur ses rives.
Quand les débordements n’ont pas lieu, les prairies sont stériles.
(page 1499) Quand
les débordements durent trop longtemps, alors ils deviennent inutiles et
nuisibles. Or, quand est-ce que Termonde a à craindre pour ses prairies ? C'est
lors des grandes marées de l'équinoxe ; or, à cette époque nous devons désirer
que nos prairies soient inondées, et nous n'avons besoin d'écouler nos eaux que
lorsque ces marées sont passées, c'est-à-dire lorsque Termonde n'a plus
d'inondations à craindre.
Remarquez, messieurs, que le bas Escaut présente une chute de seize
pieds. A Wetteren, il y a une chute de huit pieds, et l'honorable M. de Saegher
nous disait hier qu'en amont de Gand la chute n'était que de trois pieds ; il y
a depuis le point indiqué par l'honorable député de Gand jusqu'à Wetteren une
chute de cinq pieds. Eh bien, je le demande, une chute de cinq pieds ne
permet-elle pas de faire écouler nos eaux, sans nuire à personne ?
Il n'y donc qu'un seul et unique système pour faire droit à nos
plaintes, c'est de créer le canal que nous demandons. J'espère que la chambre
comprendra qu'il est temps de faire quelque chose pour nous. Il s'agit d'une
faible dépense, et j'espère qu'on ne la refusera pas.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs,
l'honorable M. Dumortier a dit qu'il ne comprenait pas comment, en dérivant une
partie des eaux de la Lys, on entendait faire quelque chose pour la vallée de
l'Escaut. L'honorable membre pense qu'il n'y a pour ainsi dire aucune
corrélation dans le régime de ces deux vallées. Voici, messieurs, comment je comprends
ta chose,
Nous avons un fleuve et une rivière qui se dirigent vers la ville de
Gand. De ces deux cours d'eau, celui dont les crues soin le plus promptes,
c'est la Lys. C'est la Lys qui, dans les moments de crues, crée au confluent
des deux vallées les plus grands embarras ; c'est la Lys qui, dans ces moments,
cause les plus grands dangers. Dès lors, messieurs, on comprend qu'en donnant à
ces eaux de la Lys un écoulement nouveau vers un autre point, on diminue
considérablement la calamité à Gand, et qu'on se trouve en position d’appeler
vers cette partie inférieure de la vallée les eaux qui inondent la partie
supérieure.
Je conçois parfaitement que, dans l'état présent de la vallée de
l'Escaut, les eaux d’inondation aient besoin d'un temps fort long pour
descendre vers Gand ; mais, messieurs, il ne faut pas se figurer que, lorsque
la ville de Gand sera débarrassée des eaux surabondantes de la Lys. ou laissera
la vallée de l'Escaut dans l’état où elle se trouve : aussitôt que l'on aura
débarrassé la ville de Gand, la marche naturelle à suivre sera de faite des
redressements dans la vallée de l'Escaut, en partant de Gand et en remontant
vers Tournay.
L'honorable M. Dumortier pense que le seul ouvrage qu'il y ait à faire
pour le haut Escaut, c'est la coupure de Zwynaerde à
Melle. Je crois avec l’honorable membre que cette coupure pourrait se faire
sans danger pour le bas Escaut, surtout si elle était munie d’écluses ; aussi,
messieurs, lorsque je ne me suis pas réuni à l'amendement de l'honorable M.
Dumortier, tendant à faire décider cette coupure, ce n'était pas pour prévenir
un danger dont le bas Escaut serait menacé, mais c'était surtout parce que,
dans l’état présent, cette coupure n’est pas la chose la plus urgente à faire,
ni la chose la plus efficace. On nous l'a dit, messieurs, les eaux du haut
Escaut sont basses à l’heure qu’il est, au-delà du point de départ de cette
coupure ; actuellement donc, la coupure de Zwynaerde
à Melle existât-elle, la situation de la vallée du haut Escaut serait à peu
près ce qu'elle est aujourd’hui.
Ce qu'il faut pour débarrasser cette vallée, dans l’état où elle se
trouve actuellement, ce sont d’autres coupures, ce sont des coupures faites à
des points supérieurs vers Audenarde, coupures auxquelles on ne peut songer,
ainsi que je l'ai dit, aussi longtemps que le point de Gand ne sera pas
débarrassé des hautes eaux, ne sera pas à l’abri des dangers inhérents aux
crues presque instantanées de la Lys.
L’honorable M. Dumortier a prétendu que la coupure de Zwynaerde à Melle pouvait être considérée comme un ouvrage
isolé, qu’elle avait même été présentée comme ouvrage isolé par M. l’ingénieur
en chef Wolters. J’ai eu ce matin une conférence avec
cet ingénieur et il m’a déclaré que, dans sa conviction, la coupure de Zwynaerde à Melle, qui absorberait un demi-million, ne
produirait qu’un effet pour ainsi dire insignifiant, que cette coupure, dans sa
pensée, marchait de front avec les portes de flot à établir à Termonde et que
ce n’était qu’au moyen de ces portes de flot qu’il était possible de créer dans
le bas Escaut un bassin qui pût venir efficacement en aide au haut Escaut.
Si donc, messieurs, je n’appuis pas la coupure de Zwynaerde
à Melle, ce n’est nullement par une idée arrêtée de ne rien faire pour la
vallée de l’Escaut ; rien, messieurs, n’est plus loin de ma pensée ;
c’est uniquement parce que je suis fondé à croire que cet ouvrage n’est pas le
plus utile, n’est pas le meilleur que l’on puisse faire, dans l’intérêt du haut
Escaut. Ce qu’il faut faire dans l’intérêt du haut Escaut, c’est débarrasser
Gand le mieux possible et, cela fait, remonter par des coupures successives
dans la vallée de l’Escaut. On ne peut, messieurs, suivre un autre système sans
prendre, en quelque sorte à rebours, cette question d’inondations, sans créer
des débouchés en amont, avant d’avoir déblayé l’aval. Ce que je désire, c’est
qu’on déblaye l’aval et, selon moi, la dérivation de la Lys est, à ce point de
vue, la conception la plus efficace.
M. le président. - Voici un amendement proposé par M. Huveners.
« Je propose de commencer l’article premier en ces termes :
« Moyennant le concours des provinces et autres intéressés jusqu’à
concurrence d’un tiers dans la dépense d’établissement et d’entretien, le
gouvernement est autorisé, etc. (le reste comme dans le projet). »
M. Huveners. - Messieurs, il est temps de prendre des mesures efficaces pour
prévenir les inondations qui viennent périodiquement désoler les rives de
l'Escaut, de la Lys et de leurs affluents il est temps de sauvegarder la
récolte du tant de propriétés dont la situation est des plus précaires.
J'appuie donc le projet en discussion ; j'adopterai même tous les travaux qu'on
proposera pour atteindre le but qu'on se propose ; mais à condition que les
intéressés interviennent dans la dépense ; alors la législature votera sans
difficulté les fonds pour l'exécution des travaux nécessaires et l'on ne
proposera que les travaux indispensables. On objectera, peut être que le projet
qui nous occupe contient « le concours des provinces ou autres intéressés
s'il y a lieu », mais je crois pouvoir m'élever à bon droit contre ce
concours hypothétiques ; l'expérience nous a fait connaître la force de ces
stipulations « s'il y a lieu » : nous avons plusieurs exemples de ces
sortes de crédits et jamais une obole n'a été demandée aux intéresses ; la chambre comprend que je veux parler des fonds
votés par le réendiguement des poldres.,
Si M. le ministre des finances se montre difficile à délier la bourse de
l'Ettl lorsqu'il s'agit d'y puiser des fonds, ne
devrait-il pas, par une conséquence rigoureuse, s'empresser d'y faire rentrer
ce qui est dû en toute justice et en toute équité ? Je saisis cette occasion
pour l'engager à revoir les différents crédits de l'espèce et à prendre des
mesures en conséquence. Et qu'on ne réponde point que je veux frapper les
malheureux, je l'engage à stipuler une exemption en leur faveur.
Le projet de loi en discussion, au point de vue où nous nous plaçons,
soulève deux questions : 1° Y a-t-il lieu à établir un concours ? 2°
Comment sera-t-il établi ?
Poser la première question c'est la résoudre : le gouvernement l'a
tellement senti qu'il ne s'est arrêté que devant la difficulté de la
répartition.
La commission, il est vrai, attribue les fréquentes inondations aux
travaux exécutes en France : elle ne perd pas de vue cette circonstance, elle
est reproduite à chaque page de son travail, sans doute dans l'intention
d'établir que les travaux à exécuter doivent l'être aux frais de l'Etat. Mais
quels qu'aient été les soins de la commission, il découle néanmoins du rapport
lumineux qu’elle a présenté que les travaux exécutés en France ne sont pas les
seules causes des inondations qui affligent plusieurs de nos provinces ; ces
inondations ont eu lieu avec l’exécution des travaux en France. Nous lisons au
chapitre VI, page 55 du rapport.
« Les plus grandes inondations de l’Escaut et de la Lys ont eu lieu
en 1738, 1772, 1780, 1790, 1827 et 1840. Les eaux se sont élevées à Gand en
1790 à 1 m. 58 centimètres, en 1827 à 1 m. 9 centimètres et en 1841 à 1 m. 17
au-dessus de la jauge d’hiver. »
D’ailleurs, fût-il exact que les inondations sont la suite des travaux
exécutés en France, l’avantage que les intéressés retireront des travaux à
exécuter sera tel, qu’on devrait se féliciter de ce que l’Etat se charge de
leur exécution moyennant un simple concours.
En effet, les ingénieurs qui ont traité la question ex professo et que
personne ne récusera, sont allés bien plus loin ; ils prétendent que c’est
aux communes intéressées à se charger des travaux, moyennant un subside à
fournir par l’Etat.
L’ingénieur en chef Wolters, consulté en 1841,
sur l’exécution d’un canal de Deynze au canal de Bruges, dit en termes
exprès : « L’exécution du canal de Deynze au canal de Bruges ne
pourra incomber au gouvernement ; ce sera aux communes intéressées à s’en
charger, moyennant un subside à fournir par l’Etat et la province. » Voir
page 370 des voies navigables du pays, par l’inspecteur divisionnaire des ponts
et chaussées, M. Vifquain.
Ce haut fonctionnaire, dans l’ouvrage que je viens de citer, page 463,
s’exprime de la même manière ; « L’Etat devrait, suivant nous,
intervenir pour un tiers dans la dépense d’exécution, les communes intéressées
et la province fournissant les deux autres tiers. »
Enfin, l’inspecteur Vifquain terme son travail remarquable sur les eaux
navigables du pays, par ces conclusions (voir page 466 et suivantes) :
« Le projet dont nous proposons l’exécution se partagerait en trois
catégories :
« La première comprend les travaux qui, par leur caractère
d’utilité général, leur but agricole et commercial, demandent à être exécutés
par l’Etat.
« La deuxième se forme de ceux qui, par leurs spécialités
productives, sont susceptibles de péages assez élevés pour devenir l’objet
d’entreprise par concession.
« La troisième comprend les améliorations motivées par des
considérations locales qui incombent particulièrement aux provinces et aux
communes.
« Dans la première catégorie se range le canal de Zelzaete…. Le
canal (de la Campine) de Bocholt à Herentals et la troisième catégorie comprend
le canal de Deynze au canal de Bruges, etc.
« Ainsi d’après mes propositions, l’Etat aurait à sa charge le
montant intégral des dépenses de la première catégorie, il devrait en outre
intervenir dans les dépenses des deux autres par des subsides d’une quotité
déterminée. »
Messieurs, voilà l’opinion des hommes haut placés, des hommes pratiques
qui ont fait une étude approfondie de la matière et dont on ne peut suspecter
l’impartialité ; et que voyons-nous ? le
canal de Zelzaete et le canal de la Campine qui, par leur caractère d’utilité
générale, leur but agricole et commercial, auraient dû être exécutés par l’Etat, ne l’ont été que
moyennant un concours, et l’on propose l’exécution du canal de Deynze à
Schipdonck, canal d’un intérêt purement local et sans but commercial, aux frais
de l’Etat.
Avant de faire une pareille proposition, l’équité et la justice ne
demandent-elles pas qu’on rapporte les lois qui établissement le concours pour
le (page 1500) canal de Zelzaete et
pour celui de la Campine, sans s'exposer à être accusé d'avoir deux poids et
deux mesures, suivant les localités et le plus ou moins grand nombre
d'intéressés dans cette enceinte. Je crois avoir prouvé la nécessité d'un
concours de la part des intéressés. Comment ce concours sera-t-il établi ?
J'aborde l'objection du gouvernement sur la difficulté de régler le concours
dans le cas actuel et je lis dans l’exposé des motifs, page 7 :
« La proposition que le gouvernement fait à la chambre soulève une
question délicate de sa nature, et dont la solution est particulièrement
difficile dans le cas présent : je veux parler du concours des intéressés aux
dépenses d'établissement des travaux. Il ne s'agit pas ici d'une simple
question d'écoulement dans une localité circonscrite et dont les limites
puissent être assignées avec certitude, ainsi que cela a lieu pour les bassins
du Zwyn et du Braeckman à assécher par le canal de
Zelzaete.
« Il ne peut non plus être question d'imposer les propriétés riveraines
du canal nouveau, dans une certaine zone et en raison d'une plus-value
présumée, comme au canal de la Campine.
« Ici les riverains du canal à créer ne gagneront rien à son établissement,
ils auront simplement à livrer passage à des eaux surabondantes, dans l'intérêt
de localités autres que la leur. Les intéressés sont ici fort disséminés, et
les intérêts sont de diverse nature. Au nombre des intéressés, il faut placer
les riverains et les communes riveraines de la Lys, tant en amont qu'en aval de
Deynze, la ville de Gand y comprise et même les riverains de l'Escaut, tant en
amont qu'en aval de la ville de Gand ; la navigation et les usines, qui
seraient moins exposées à souffrir de chômages prolongés, ont aussi un intérêt
réel dans la question. La difficulté consiste à reconnaître l'intérêt plus ou
moins immédiat des communes et localités, et à répartir la charge du concours
dans la proportion de cet intérêt. Mais il est douteux que cela puisse se faire
a priori, et, en tout cas, pour le faire a priori, il faudrait des données qui
manquent aujourd'hui et que l'on ne pourrait puiser que dans une enquête ou un
travail spécial qui reste à faire. Le moyen le plus simple consisterait
peut-être à imposer quelques centimes additionnels aux provinces les plus
directement intéressées, ainsi que cela se pratiquait sous l'empire.
« Mais, avant de se décider pour une mesure semblable, il serait
indispensable, d'entendre les conseils provinciaux. »
Messieurs, quoique les rapports de la commission et de la
sous-commission indiquent suffisamment quels sont les intéressés, quoique nous
lisions dans le rapport de l'honorable M. Desmaisières, page 23, que « la
sous-commission a cru devoir interroger les administrations communales, les
usiniers et les autres intéressés riverains de l'Escaut », quoique la
sous-commission fût à même de fournir des données certaines, données qu'elle a
recueillies dans ses explorations le long de la Lys, de l'Escaut et de leurs
affluents, j'approuve le gouvernement de vouloir entendre les conseils
provinciaux, non pas sur la question s'il y a lieu à concours, mais sur la
répartition du concours ; c'est le seul moyen de prévenir les erreurs et les
injustices que la législature pourrait commettre à défaut de renseignements
suffisants.
Je déplore qu'on n'en ait pas agi de même pour régler le concours à
l'exécution du canal de la Campine. Lorsque ce projet de loi nous fut soumis,
personne n'avait été consulté, ni intéressés, ni conseils communaux, ni
conseils provinciaux, et c'est à ce défaut de formalités que j'attribue le
rejet des amendements que j'ai proposés. Je ne citerai qu'un exemple, j'avais
proposé une modération peur les terres cultivées, cette proposition fut considérée
comme une espèce de paradoxe, d'utopie, et à l'heure qu'il est toutes les
personnes compétentes doivent convenir que ce système était le seul vrai, le
seul raisonnable. Aussi je ne douterais pas un instant que si, après une
instruction consciencieuse, la législature était appelée à se prononcer sur la
question, elle l'adopterait sans difficulté ; j'aurais même la satisfaction
d'avoir l'appui de nos plus chauds adversaires d'alors.
Je désiré donc que les intéressés soient entendus, ainsi que les conseils
provinciaux sur la répartition du concours à établir, et qui plus est, je
désire que la législature se borne à indiquer le quantum de la participation
des intéressés ; et en ceci j'ai le bonheur d'être d'accord avec un homme
compétent, avec l'inspecteur divisionnaire M. Vifquain ; il s'exprime à la page
344 de son travail comme suit : « Il serait peut-être plus convenable de fixer
dans la loi le quantum de la participation des propriétaires intéressés en
laissant à l'administration provinciale le soin de le répartir entre eux
suivant le degré d'avantage que leur offrirait l'exécution du nouveau canal...
Ces propriétaires participeraient dans la même proportion aux frais
d'entretien. »
Messieurs, bien que la 5ème section ait
demandé que les intéressés contribuent pour une certaine part dans la dépense
et que ce concours fût déterminé par la loi de crédit, la section centrale n'a
pas touché cette question, je ne lui en ferai pas de reproche ; je me bornerai
à présenter un amendement à l'article premier, amendement qui est basé sur les
considérations que je viens d'avoir l'honneur de vous présenter.
Amendement à l'article premier :
« Moyennant le concours des provinces ou autres intéressés jusqu'à concurrence
d'un tiers dans la dépense d'établissement et d'entretien, le gouvernement est
autorisé : etc. »
M. Savart-Martel. - Et moi aussi, messieurs, je crains que le projet qui nous est
présenté n'aboutisse à rien ; je crains qu'il ne soit qu'une mystification, et
un véritable déni de justice pour la vallée de l'Escaut.
Les discussions, qui durent depuis plusieurs jours, me dispensent
d'entrer dans des détails, qui ne seraient guère que des répétitions.
Un fait certain, et que personne n'a contesté, c'est que les inondations
de l'Escaut causent chaque année des pertes considérables. De part et d'autre
on les a évaluées de 5 à 6 millions ; il n'y a point là
d'exagération, Est-il urgent de remédier à cet état de choses ? Poser cette
question, c’est la résoudre. Aussi depuis plusieurs années le gouvernement
avait-il nommé une commission dans le but d'apporter un prompt remède à un mal
aussi grand.
En voyant à la suite des nombreux travaux de cette commission, un projet
de loi intitulé : « Dérivation des eaux de la Lys », sans un mot sur
l'Escaut, le haut Escaut a pu croire que ses droits étaient sacrifiés ; de là
la vivacité du contestatoire.
Je n'expliquerai point, messieurs, jusqu'à quel point la dérivation des
eaux de la Lys, qui sont considérables, facilitera l'écoulement des eaux de
l'Escaut ; c'est une question d'art.
Il nous suffit d'être certain que les eaux de l'Escaut qui entrent sur
le territoire belge une lieue et plus et avant d Antoing, doivent
nécessairement s'écouler vers la mer après avoir traversé le Hainaut et les
deux Flandres. C'est donc à détruire les obstacles de cette traversée, que nous
devons mettre tous nos soins.
Loin de moi, messieurs, de m'attacher purement et simplement à un
intérêt de clocher. Pour être juste envers l'arrondissement de Tournay qui, le
premier, supporte le fléau de l'inondation, ce que le ministère semble oublier,
il ne faut point sacrifier Audenarde. Et pour être juste envers Audenarde, il
ne faut sacrifier ni Gand, ni Termonde, ni Bruges, ni Ostende.
Dans ma pensée, et sauf des mesures d'urgence à prendre dans le haut
Escaut, il ne suffirait point de déplacer le mal ; il faut le faire cesser. Il
faut enlever jusqu'à la mer les obstacles qui s'opposent au libre écoulement :
L'art a des moyens immanquables.
On a beaucoup parlé dans la discussion de la circonstance que l'écluse
d'Antoing avait reçu une ouverture beaucoup plus
considérable qu'autrefois. Le fait est vrai ; mais il a bien fallu qu'il en fût
ainsi, si on ne voulait couvrir de plusieurs pieds d'eau tout le territoire
belge depuis la frontière jusqu'à l'écluse d'Antoing. C’était la conséquence
forcée des travaux du gouvernement français ; ce fut un acte de justice.
L'honorable M. Dumortier a signalé ce fait, mais il n'en a point tiré
les conséquences qu'on a supposées.
Les faits capitaux présentés par MM. de Saegher et Delehaye, d'une part,
et M. Donny d'autre part, peuvent être vrais, et ceux posés par MM. de
Villegas, Dubus et Dumortier, être également vrais, quoiqu'on ne soit point
d'accord sur toutes leurs conséquences.
En résumé, le mal est immense ; il s'aggrave même chaque année ; car ce
ne sont point seulement les récoltes qui souffrent, mais les fonds se
détériorent ; sous peu, le mal sera irréparable. Est-ce là ce que veut le
gouvernement ? Non, sans doute. Qu'il fasse donc les actes d'un bon
administrateur.
On a demandé à satiété au gouvernement ce qu'il entend faire pour mettre
obstacle, en partie au moins, aux inondations du haut Escaut ; quels travaux il
entend exécuter de Tournay à Audenarde et d'Audenarde à Gand. Le défaut de
répondre nous autorise à croire qu'on veut maintenir le statu quo ; ces pertes
importent peu au ministère. Nous sommes des parias ; on daignera s'occuper de
nous quand on n'aura rien à faire.
Aujourd'hui, cependant, l'honorable ministre des travaux publics nous
promet quelques ouvrages, mais par la suite des temps ; cette réponse est
déplorable.
Moi, qui ne veux nuire ni aux Flandres, ni au Hainaut, je dis que le
seul barrage qui empêche les eaux de l'Escaut de s'écouler facilement à la mer,
est dans cette enceinte ; il est devant moi, c'est l'honorable ministre des
finances. Si, comme l'espèce de barrage en face du Château-Gaillard, dont on a
tant parlé, ce n'était qu'un banc de pierre, on pourrait le faire sauter ; mais
ici, il n'en est rien.
Tout se réduit à une question d'argent, devant laquelle recule le
gouvernement. Il faudrait, dit-on, six à sept millions ; c'est beaucoup, sans
doute.
Cependant, est-ce là un empêchement absolu, radical ? Je ne le pense
point, et ici je partage absolument l'opinion de l'honorable M. Manilius et
celle de l'honorable M. d'Elhoungne.
J'ajouterai 1° que si vous admettez purement la proposition du
gouvernement, ou si vous l'admettez avec amendement, l'exécution ne s'en fera
point sans une mise plus ou moins considérable.
2° La dépense nécessaire pour repousser toutes les inondations ne se
fera point sur un seul exercice.
3° Il n'est pas probable que les voies et moyens soient dépensés chaque
année en totalité ; et peut-être y a-t-il de travaux moins urgents qui
pourraient être poussés avec moins d'activité.
4° Je pense que, s'il le fallait absolument, la chambre n'hésiterait
point soit à arrêter d'autres travaux, soit même à voter un emprunt spécial.
Qu'on réfléchisse à l'énormité des pertes annuelles, on sera convaincu que la
dépense à faire pour les éviter, est un placement à 100 p. c, qui jamais n'aura
été mieux employé,
El enfin, cette dépense, ne faudrait-il pas la faire un jour ou
l'autre ? Qu'il me soit permis d'ajouter qu'il s'en faut de beaucoup que
les hommes de l'art soient d'accord sur la nécessité de dépenser 7 à 8
millions. Il en est dans les Flandres, et de très capables, qui sont d'avis que
3 millions suffiraient, pour débarrasser des inondations le Hainaut et les
Flandres en faisant des canaux de dérivation jusqu'à la mer. L'objet vaudrait
bien la peine qu'on le mît au concours, au lieu d'en croire simplement les
hommes qui entourent le ministère.
Mais, je crains que le ministère n'ait la volonté qu'il ne soit rien
fait, car hier seulement, il est venu nous dire quelques mots du concours des
riverains, ou peut-être même des provinces.
(page 1501) Je répondrai d'abord que cette question
n'empêcherait point la confection des travaux, qui toujours devront être faits,
sauf à statuer par la suite sur ce concours ; nous ne sommes point à cet égard
sans précédents. Et quoique ce ne soit pas le moment de discuter cette
question, j'observerai dès ce moment, que si les inondations dont plainte sont
incontestablement le fait des travaux exécutés par l'autorité française, le
gouvernement belge n'en serait pas moins responsable envers nous pour avoir
consenti ces innovations, ou avoir laissé faire. J’engage le ministère à
s'appuyer sur la question de savoir si loin d'avoir un recours contre les
riverains, ceux-ci n'auraient point contre l'Etat belge une action en dommages
et intérêts.
Depuis 15 années ses propriétaires ont pris patience ; mais si, par un
ajournement indéfini vous leur refusez justice, ce serait les forcer à
l'exercice de leurs droits.
Je le répète, je ne parle point ici dans l'intérêt exclusif de ma
localité ; c'est le pays tout entier que je voudrais arracher aux inondations. et si j'ai principalement parlé du haut Escaut, c'est que là
sont les pertes les plus considérables et les plus anciennes et que ce sont
précisément les localités dont s'inquiète le moins le ministère. Pour revenir
plus spécialement au projet du gouvernement, amendé ou non, je ne saurais y
consentir que si on me démontrait (ce qui n'a point été fait jusqu'à présent),
que ce serait là un commencement d’exécution des ouvrages nécessaires pour que
le haut Escaut soit sublevé de ses eaux.
Je n'ai point fait partie de la commission ; les uns dirent oui,
d'autres disent non ; et quoiqu'ayant suivi toute la discussion, j'avoue que je
suis loin d'être convaincu ; surtout quand je vois que le ministère ne
s'explique point catégoriquement sur cette question.
Dans l’état actuel des choses, et hormis la
démonstration dont j'ai parlé ci-dessus, et pour le cas où l'amendement que
j'ai présente avec d'honorables collègues ne serait pas accueilli, je ne
saurais admettre que les conclusions de la commission d’enquête, ainsi conçues
: « 1° Pour faciliter les écoulements des eaux de l'Escaut et remédier aux
inondations intempestives, il sera construit un canal de décharge, destiné à
déverser les eaux du haut Escaut dans le bas Escaut près de Gand ; 2° le lit de
ce fleuve sera déblayé à Tournay et à Audenarde, de manière à faciliter
l'écoulement des eaux et à servir de bassin pour les bateaux chargés, en cas de
hautes eaux. »
M. le général Goblet. - Messieurs, en prolongeant cette discussion, il sera difficile à ceux
qui, comme moi, se font entendre aussi tard, de ne point tomber dans des
redites. Je m'abstiendrais donc d'entrer dans le fond d'une question si
longuement débattue, si je n'avais à cœur de prouver que je ne suis pas dans
cette circonstance en désaccord avec mon honorable ami M. Dumortier, comme on a
paru le croire d'après quelques paroles prononcées dans la séance de jeudi par
un honorable député de Gand.
Nos honorables collègues MM. Dumortier, de Villegas, Dubus et Savart
vous ont, messieurs, fait une peinture trop réelle des maux qui affligent la
vallée du haut Escaut et des causes qui, dans les dernières années, les ont
encore accrus, pour que je vienne de nouveau démontrer à cette assemblée
jusqu’à quel point il est indispensable d'y mettre un terme. Vous devez être
convaincu, messieurs, que s'il ne vous est pas possible de les faire
disparaître immédiatement, vous ne devez pas vous refuser à accorder les moyens
d'y apporter au moins de grands adoucissements.
Comme vous le savez, messieurs, la ville de Gand est placée au confluent
de deux cours d’eau considérables. La belle navigation à laquelle ils sont
propres a sous doute contribué depuis longtemps à la grandeur et à la
prospérité de cette importante cité. Mais les avantages qu’elle retire de ces
rivières sont accompagnées d’embarras qui même
quelquefois dégénèrent en calamités ; leurs eaux bienfaisantes, dans leur
état ordinaire, sont quelquefois si abondantes qu’elles cessent d’être utiles
pour devenir funestes. Les préjudices seraient même incalculables pour la ville
de Gand sans une circonstance particulière. Cette circonstance, messieurs,
consiste en ce que l’Escaut et la Lys sont deux cours d’eau dont le régime
diffère essentiellement. Ce régime diffère en ce que l’une des rivières a une
pente beaucoup plus rapide et un cours plus direct que l’autre. Les eaux
surabondantes de la haute Lys viennent fondre sur la ville de Gand et l’ont
même déjà traversée quand à peine les grandes eaux de l’Escaut arrivent pour la
traverser à leur tour.
Telle est la situation à la faveur de laquelle les débouchés existant à
Gand par les eaux des deux rivières ont généralement suffi jusqu’à ce jour.
Cette ville a tiré avantage de la difficulté que les eaux de l’Escaut ont à
l’atteindre et elle redouble beaucoup toute innovation qui, dans le but de
soustraire les rives du haut Escaut au fléau des inondations, pourrait avoir
pour effet d’accélérer le cours des eaux de ce dernier vers Gand.
Que cependant cette ville se rassure, il ne peut entrer dans l’esprit
des riverains du haut Escaut de réclamer des travaux qui ne feraient que
déplacer le mal, mais d’autre part, ceux-ci ne peuvent se résigner à supporter
plus longtemps un état de choses auquel il est possible d’apporter
remède ; ils ne doivent pas accepter en silence les maux qu’ils auraient
encore à souffrir pendant de longues années, si l’on persistait à vouloir
n’adopter maintenant que la construction d’un canal de Deynze à Schipdonck,
même tout en laissant entrevoir le prolongement de ce dernier jusqu’à la mer.
En effet, déjà l’on demande deux ans pour la construction de la partie dont on
désire observer les effets avant d’en entreprendre le complément indispensable.
Dans de telles matières deux années d’épreuve ne sont certes pas trop ;
ces deux années même pourraient bien ne pas voir surgir de ces circonstances
extraordinaires, dont on a principalement en vue d’atténuer les résultats
désastreux. Après cela, messieurs, si l’urgence en était démontrée, on
viendrait vous demander les fonds pour la construction d'une partie de canal
beaucoup plus considérable avec écluse à la mer dont l'exécution n'exigerait
pas moins de trois à quatre années de travail, et c'est seulement après cette
exécution que le gouvernement ne se refuserait probablement plus à poursuivre
sur l'Escaut les travaux qui permettraient enfin à ses eaux surabondantes
d'arriver dans le chef-lieu de la Flandre orientale, aussi promptement que
l'exigent les intérêts des riverains de ce fleuve. Mais avant que ces derniers
travaux ne fussent complétement exécutés, l'on n'aurait pas encore prévenu les
calamités dont on est affligé.
Je ne me trompais donc pas, messieurs, en annonçant que dans le cas où
l'on se bornerait à adopter le projet du gouvernement, il faudrait attendre
bien des années le soulagement de misères qui, déjà, ont dure trop longtemps.
Il y a donc nécessite absolue de procéder d'une toute autre manière et je crois
pouvoir vous prouver, messieurs, qu'on peut le faire sans froisser aucun
intérêt. Rappelez-vous ce que j'ai dit relativement au régime de l'Escaut, en
rapport avec celui de la Lys : on a reconnu et l'on a répété, à plusieurs
reprises, dans cette enceinte, que la Lys et même une partie de l'Escaut,
immédiatement en amont de Gand, avaient déjà repris leur état naturel et
bienfaisant, quand les rives du haut Escaut se trouvaient encore envahies par
des eaux dévastatrices.
Quel inconvénient, je vous le demande, y avait-il, dans un tel moment, à
amener immédiatement à Gand, par des ouvrages construits dans ce but, le trop
plein des eaux supérieures ? Quelle raison pourrait-on alléguer pour ne point
en délivrer le haut Escaut, aussitôt qu'il serait plus utile de le faire sans
le moindre préjudice pour l’aval ? On craint, m'a-t-on dit, qu'on ne se serve
des nouveaux ouvrages sans les ménagements suffisants, et que durant le temps
même où les eaux de la Lys envahiraient Gand, on y enverrait encore
simultanément toutes celles de l'Escaut, c'est-à-dire qu'au lieu de ne se
servir des travaux élevés dans le lit de l'Escaut que dans le moment où on ne
le pourrait sans inconvénient, on en ferait usage en tout temps au détriment de
la ville de Gand.
Je dois avouer, messieurs, que cette objection m’a paru fort étonnante
en présence de ce que le gouvernement a répondu aux députés de la partie
maritime de la Flandre occidentale, quand ils ont exposé leurs craintes de voir
l’agriculture et la navigation de leur province exposées aux plus graves
préjudices par l'abondance des eaux de la Lys qu'on leur enverrait par le
nouveau canal.
En effet, ne leur a-t-on pas répondu que l’on établirait à Deynze et à
Schipdonck des écluses qui ne laisseraient passer qu’une quantité d’eau telle
qu’il n’en résulterait aucun inconvénient ? Mais, messieurs, en
établissant sur l’Escaut des ouvrages dont la manœuvre sera à la disposition
d’autorités mixtes qui auraient également à cœur les intérêts des diverses
localités, on obtiendrait sur l’Escaut les mêmes garanties que celles que l’on
veut donner à la Flandre occidentale sur le canal de Deynze à Schipdonck.
Messieurs, la section centrale, au nombre des modifications qu'elle a
apportées au projet du gouvernement, a compris un article 5 où il est
dit : « Pour prévenir les inondations de l’Escaut, il sera construit
un canal de dérivation destiné à déversé les eaux du haut Escaut dans le bas
Escaut près de Gand.
« Une somme de 150,000 fr. est affectée à cette dépense. »
Mon honorable ami, M. Dumortier, a soutenu cette proposition avec la
chaleur que vous lui connaissez. Je reconnais sans doute l’utilité de la coupure
proposée, et je voudrais la voir adopter ; mais j’ajoute qu’elle doit être
secondée par d’autres moyens dont l’emploi simultané est nécessaire pour
atteindre le but que mon honorable concitoyen poursuit en même temps que moi.
Pour que cette coupure atteignît complétement ce but, il faudrait
supposer qu’il n’y eût pas d’autres obstacles à l’écoulement du haut Escaut que
les débouchés de Gand. Mais comment faire cette supposition quand on sait que
la Lys et la partie de l’Escaut la plus rapprochée de Gand sont rentrées dans leur état naturel et ordinaire, comme elles le
sont, en effet, depuis quelques semaines, lorsque de désolantes inondations
existent encore dans les environs d’Audenarde et de Tournay ?
Il faut donc évidemment, messieurs, qu’il y ait d’autres obstacles à
l’écoulement des eaux du haut Escaut que les débouchés compris dans la ville de
Gand. Il paraît démontré que c’est au peu de pente de ce fleuve et à ses
nombreux circuits qu’il faut attribuer en grande partie sa tardive évacuation.
Veuillez remarquer, messieurs, que cette opinion s’accorde parfaitement
avec celle exprimée par le commissaire belge dans les négociations avec le
gouvernement français, négociations dont le seul résultat a été jusqu’ici
l’élargissement de l’écluse d’Antoing.
En effet, ce commissaire a déclaré que « depuis longtemps le projet
de son gouvernement était de partager les grands biefs entre Tournay, Audenarde
et Gand en sept biefs correspondant, pour la longueur, à ceux qui se trouvent
en amont de Tournay, pour l’exécution de tris barrages écluses entre Tournay et
Audenarde et deux entre Audenarde et Gand, afin de n’être plus dans
l’obligation de faire des retenues d’eau aussi grandes en amont de Tournay,
soulager la remonte de la navigation entre cette ville et Audenarde et opérer
le desséchement des marais. » Je dois même ajouter que le commissaire
belge dont les hautes capacités n’étaient pas méconnues, ne voyait aucun
inconvénient à consentir à ce que l’exécution de ces ouvrages eût lieu
immédiatement ; il reconnaissait même qu’ils pouvaient être terminés en
deux années et que cette prompte exécution était dans les intérêts de la
Belgique.
D’après cela, messieurs, il est incontestable que l’on a étudié fort
attentivement (page 1502) les moyens
d'améliorer le cours de l'Escaut indépendamment de tous autres travaux à faire
pour détourner les eaux de la Lys.
Les travaux qui ont été précédemment projetés ne pouvaient, il est vrai,
avoir momentanément pour but que d'évacuer promptement sur Gand les eaux de
l'Escaut quand celles de la Lys seraient rentiers dans leur lit, c'est-à-dire,
dans toutes les situations analogues à celle où nous nous sommes trouvés depuis
plusieurs semaines.
C'est là le premier et le bon usage que l'on ferait encore de ces
travaux en attendant que par d'autres moyens l’on ait jeté une grande partie
des eaux de la Lys à la mer sans qu'il fût nécessaire de les faire passer par
Gand, ou bien encore que l'on ait construit le canal de dérivation en amont de
cette ville ; et ce n'est que lorsqu'on serait parvenu à ce dernier résultat
que l'on pourrait enfin, en toute circonstance, se servir de ces mêmes ouvrages
sans inconvénient pour les territoires inférieurs.
De cette manière, messieurs, l'on atteindrait le but si désirable pour tous
de soulager le plus tôt possible les parties du pays qui n'ont déjà que trop
longtemps souffert.
Je ne sais pas, messieurs, quelle objection on pourrait faire à
l'exécution immédiate de travaux dont les résultats ne sont pas problématiques,
tandis que par leur exécution on atteindrait le plus tôt possible le but pour
lequel fut instituée la commission chargée de présenter au département des
travaux publics un rapport sur les mesures qu'il conviendrait de prendre pour
remédier aux inondations extraordinaires des rives du haut Escaut.
Dans l'un des amendements de la section centrale, il est bien dit que
« le gouvernement serait autorisé à faire exécuter, dans la vallée du haut
Escaut, immédiatement après que le canal de Schipdonck serait exécuté et même simultanément,
les travaux les plus propres à activer l'écoulement des eaux du haut Escaut, et
qu'un crédit de l50,000 fr. serait ouvert pour ces
travaux. »
Mais, messieurs, cet amendement perd une grande partie de sa valeur en
admettant l'alternative d'exécuter ces travaux sur le haut Escaut, soit après
que le canal sera creusé, soit simultanément. Il n'y a point de motifs pour
établir cette alternative ; aucune raison ne me paraît s'opposer à l’entreprise
immédiate des travaux en question.
Je désire donc voir changer dans ce sens le 3° de l'article premier du
projet de la section centrale, et j'aime à croire que le gouvernement n'y
trouvera point d'inconvénient.
Je regrette, messieurs, que M. le ministre des travaux publics ait
refusé de se rallier à l'article 5 proposé par la section centrale et soutenu
par l'honorable M. Dumortier et d'autres orateurs.
Mais quelle que soit
l'opinion du ministre à ce sujet, il doit être convaincu comme moi que la seule
somme de 150,000 fr. est insuffisante pour obtenir des résultats prompts et
efficaces. Quand même donc on ne se déciderait pas à faire immédiatement le
canal de dérivation du haut au bas Escaut, on pourrait réunir les 150.000 fr.
portés pour cet objet à la somme de 150,000 fr. qui figure au 2° de l'article 2.
Le total serait égal aux deux crédits demandes séparément par la section
centrale pour l'amélioration du cours de l'Escaut, seulement on ne préjugerait
pas immédiatement la nature des travaux.
J'espère que MM. les députés des Flandres voudront bien reconnaître
eux-mêmes par ces explications, que je ne désire rien de contraire aux intérêts
de ces provinces ; d'un autre côté, je suis porté à croire que les honorables
députés des provinces que ce débat ne concerne pas aussi particulièrement,
penseront que l'équité doit les engager à ne pas contribuer à remettre à
d'autres temps l'exécution des travaux nécessaires au soulagement du haut
Escaut.
M. Desmaisières, rapporteur. - Au point où en est arrivée la discussion, il sera de mon devoir de
la résumer, en qualité de rapporteur, de la manière la plus abrégée possible.
Je laisserai donc de côté tous les points de détail qui sont, selon moi, de peu
d'importance pour la solution des graves questions soumises à notre examen, et
qui ne font même, je pense, qu'embrouiller ces questions, que jeter la
confusion dans les idées de ceux qui n'ont pas pu en faire une étude spéciale,
et que substituer, enfin, de petits intérêts de localité à de grands intérêts
généraux.
Je constaterai d'abord qu'un est aujourd'hui unanimement d'accord sur
les points capitaux, sur les points qui dominent toute la question. On est
unanimement d'accord pour admettre que les grands travaux de canalisation, de
l'irrigation et de l'asséchement, exécutés en France dans les bassins de
l'Escaut et de la Lys depuis 1825 jusqu'aujourd'hui, ont créé, pour trois de
nos plus belles provinces, une situation calamiteuse, désastreuse, intolérable
même, sous le rapport des inondations. Voilà un premier point sur lequel on est
unanimement d'accord dans cette chambre.
On est encore d'accord pour admettre que le dommage éprouvé chaque année
par le pays à raison de cette situation, créée à la suite des travaux exécutés
en France, s'élève au moins annuellement à plusieurs millions.
Ensuite, messieurs, on admet généralement aussi qu'il y a nécessité
d'apporter autant que possible, des remèdes efficaces à cette situation
onéreuse et déplorable, qu'il y a urgence d'arriver à un commencement
d'exécution et que le canal de Schipdonck qui nous est proposé pour
commencement d'exécution, est un remède insuffisant.
Il est une autre question sur laquelle on ne s'était pas mis d'accord
dans les séances précédentes, mais sur laquelle on s'est mis d'accord
aujourd'hui, à la suite de l'amendement qui a été proposé par l'honorable M. de
Muelenaere.
J'ai dit, messieurs, au début de cette discussion, que si un amendement
était présenté dans le sens de celui de cet honorable membre, je l'appuierais
et je le défendrais ; aussi n'ai-je pas hésité à apposer ma signature au bas de
cet amendement, et je l'ai fait, parce que, comme je l'ai déjà dit, je veux
avant tout que tous les intérêts soient satisfaits ; je veux donner aux
craintes mêmes que je reconnais n'être pas fondées, tout l'apaisement que les
honorables membres qui expriment ces craintes, ont droit de recevoir.
Il n'est plus maintenant que deux questions sur lesquelles on n'est pas
encore d'accord dans cette chambre.
La première, c'est la question financière qui se lie à celle du
concours, et qui porte le gouvernement à ne pas admettre qu'on décrète le canal
depuis Deynze jusqu'à la mer.
La seconde, c'est la question que j'appelle la question de Tournay et
d'Audenarde. Diverses objections ont été présentées par d'honorables orateurs,
en ce qui concerne l'opposition faite au projet de loi par les arrondissements
d'Audenarde et de Tournay.
Une première objection qu'on a faite et qui m'est en quelque sorte
personnelle, est celle-ci :
« La commission instituée en 1841 par M. Desmaisières, alors ministre
des travaux publics, n'a eu d'autre mission que de s'occuper de la recherche
des moyens de remédier aux inondations calamiteuses du haut Escaut ; et
cependant voilà que son travail n'a abouti qu'à un projet de dérivation de la
Lys dans l'intérêt exclusif de Gand et des riverains de la Lys. Comment,
s'est-on écrié, M. Desmaisières, rapporteur du projet de loi, expliquera-t-il
cela, lui qui, comme ministre, a institué la commission, qui l'a ensuite
présidée et dont il a été aussi rapporteur ? »
Messieurs, l'explication est très facile à donner. Déjà avant moi
l'honorable M. de Saegher vous l'a donnée ; mais comme les honorables députés
de Tournay et d'Audenarde n'en ont point paru satisfaits, je crois devoir y
ajouter quelques explications nouvelles.
On a dit, messieurs, que les riverains de la Lys ne souffrent que depuis
5 ou 6 ans, tandis que les riverains de l'Escaut souffrent depuis 15 ans ; la
vérité est, que les uns et les autres souffrent depuis la même époque,
c'est-à-dire, depuis l'exécution des travaux français dans le bassin de
l’Escaut et de la Lys simultanément.
Aussi, messieurs, vous est-il déjà arrivé, il y a un certain nombre
d'années, et notamment en 1841, plusieurs pétitions des riverains de la Lys
tant de la Flandre orientale que la Flandre occidentale ; la chambre m'a
renvoyé plusieurs de ces pétitions en ma qualité de ministre des travaux
publics ; c'est alors que ne voyant surgir aucune opposition à ce qu'il fût
fait droit à la demande des pétitionnaires, j'ai ordonné que les ingénieurs
fissent des études pour le recreusement du canal de
Nevele, demandé par les pétitionnaires et qui n'est autre chose que le canal de
Schipdonck dont nous nous occupons aujourd'hui.
J’ai agi en cela comme à l'égard du chemin de fer de Jurbise à Tournay,
comme à l'égard du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse et de divers travaux
publics qui ont été sollicités par des pétitions adressées à la chambre. Quant
à la commission instituée en 1841 par moi, il est très vrai que je ne lui ai
donné d'autre mission que celle de rechercher les moyens les plus propres à
remédier aux inondations du haut Escaut ; et tous ceux qui ont lu avec quelque
attention le rapport que j'ai présente au nom de cette commission au ministre
des travaux publics doivent convenir que la commission n'est aucunement sortie
des limites qui lui ont été tracées.
Après avoir reçu le rapport d'une sous-commission qu'elle avait chargée
de recueillir tous les renseignements propres à l'éclairer, elle a demandé aux
ingénieurs qui, par l'arrêté d'institution, avaient été adjoints à la
commission, elle a demandé que ces ingénieurs, après en avoir reçu
l'autorisation du ministre des travaux publics, lui présentassent un projet de
travaux à exécuter pour remédier aux inondations du haut Escaut. Ces ingénieurs
ont présenté à la commission trois systèmes de travaux ; mais ces trois
systèmes de travaux, quoique conçus dans le but exclusif de remédier aux
inondations du haut Escaut, comprenaient tous trois le canal de Schipdonck.
Vous voyez combien il est facile d'expliquer comment on est venu, en
recherchant les moyens de remédier aux inondations du haut Escaut, en se
bornant à cette mission tracée par l'arrête de 1841 que j'ai contresigné,
comment en se bornant, dis-je, à ce travail exclusif, on en est venu à proposer
pour remédier aux inondations du haut Escaut, le canal de Schipdonck. Certes
c'est là une circonstance heureuse pour les riverains de la Lys, que, pour
remédier aux inondations du haut Escaut, on ait reconnu qu
il fallait remédier en même temps aux inondations de la Lys.
Mais d'un autre côte les études que l'on a faites, à la demande des
riverains de la Lys, en ce qui touche le creusement du canal de Schipdonck,
constituent ainsi une circonstance heureuse pour les riverains du haut Escaut,
puisque si ces études n'avaient pas eu lieu on ne pourrait pas donner
aujourd'hui un commencement d'exécution aux travaux dont l'exécution est
nécessaire pour remédier aux inondations du haut Escaut. Pourquoi maintenant
Tournay et Audenarde voudraient-ils empêcher les riverains de la Lys de jouir
du bénéfice de la nécessité qu'il y a de venir à leur secours pour venir au
secours du haut Escaut, alors surtout, messieurs, que j'ai eu l’honneur de vous
prouver par des chiffres dans mon rapport fait au nom de la section centrale,
que la perte annuelle éprouvée par le pays dans le bassin de la Lys, s'élève au
minimum à un million ? Certes la perte est infiniment plus grande encore dans
le bassin du haut Escaut. Là la perte monte en quintuple et peut-être même au
sextuple de celle des riverains de la Lys.
J'ai beaucoup regretté de n'avoir pas par devers moi les moyens de
vérifier quelle a été cette perte annuelle. Voici ce qui m'a empêché de
recueillir ces renseignements. J'ai pu le faire seulement pour le bassin de la
Lys, (page 1503) parce que pour le
canal de Schipdonck les études ont été faites d'une manière complète tandis que
pour les autres travaux qui doivent remédier aux inondations du haut Escaut,
nous n'avons pas encore des études complètes.
Messieurs je croyais que les explications données par l'honorable M. de
Saegher pour faire comprendre aux honorables députas de Tournay qu'ils avaient
tort d'envisager le canal de Deynze à Schipdonck ou plutôt à la mer comme
n'étant d'aucune utilité pour remédier aux inondations du haut Escaut et de
vouloir y substituer une coupure de Zwynaerde à
Melle, je croyais que ces explications auraient satisfait ces honorables
membres.
Malheureusement il n'en a pas été ainsi. Force m'est donc de venir donner
de nouvelles explications. Dans le sein de la commission, j'ai voté pour la
coupure de Zwynaerde à Melle, pour autant qu'elle fût
possible et qu'elle fût réellement utile. Dans la section centrale, je me suis
abstenu sur cette question et j'ai fait connaître dans mon rapport les motifs
de mon abstention qui sont ceux-ci : Puisque les honorables députes de Tournay
et d'Audenarde croient voir dans ce travail un remède beaucoup plus efficace
aux inondations du haut Escaut, je ne veux pas leur refuser, du moins pour
toujours, l'emploi de ce moyen ; je veux le leur accorder si des études
sérieuses faites à cet égard venaient à démontrer que ces honorables membres
ont cru avec raison que c'était là un moyen de venir au secours des inondés du
haut Escaut.
Mais je n'ai pas voulu voter pour la proposition, parce que, dans le
moment actuel, cette coupure de Zwynaerde à Melle
serait très nuisible aux intérêts du bas Escaut, et que je ne vois pas que
cette coupure puisse être réellement utile pour remédier aux inondations du
haut Escaut. Messieurs, pour me faire bien comprendre, je demanderai la
permission de faire une comparaison un peu triviale peut-être, mais qui est
l'image exacte de ce qui se passe actuellement sur le haut Escaut.
Messieurs, si vous avez un bassin qui se trouve vide, si vous mettez
au-dessus de ce bassin un entonnoir et que vous versiez dans cet entonnoir avec
un vase dont l'ouverture est plus grande que le tube inférieur de l'entonnoir,
vous concevez que quand vous aurez versé une certaine quantité de liquide
l'entonnoir se remplira et débordera avant que l'eau ne soit parvenue dans le
bassin qui se trouve sous l'entonnoir.
C'est, messieurs, ce qui arrive sur le haut Escaut. Il y a dans le haut
Escaut des sinuosités, une pente trop peu rapide et divers autres obstacles qui
forcent l'Escaut, lorsque les crues d'eau ont lieu, à déborder et à former sur
certains points de son cours une espèce d'entonnoir dont le tube inférieur se
trouve être l'Escaut en aval, renfermé dans ses bords, à partir du point en
amont duquel se forme l'inondation.
C'est ainsi que les inondations se produisent d'abord en amont avant de
se produire en aval. Lorsque les eaux de la France arrivent en grande masse sur
Antoing, l'entonnoir se forme d'abord à Antoing et l'Escaut entre Antoing et
Tournay, renfermé dans ses bords, forme le tube inférieur de cet entonnoir ;
Mais lorsque le débordement à Antoing est devenu tel que les eaux se sont
répandues à droite et à gauche dans la vallée, alors les eaux arrivent sur
Tournay par la vallée elle-même ; l'origine du tube inférieur se transporte
alors à Tournay et ainsi successivement jusqu'à Audenarde et ensuite jusqu'à
Gand, et c'est à Gand, messieurs, que se trouve la limite en aval du haut
Escaut, la séparation entre le haut et le bas Escaut.
C'est donc Gand qui doit alors déverser vers la mer toutes les eaux qui
lui arrivent du haut Escaut. Mais comme dans l'état actuel des choses, Gand
doit aussi déverser vers la mer les eaux qui lui arrivent par la Lys, et comme
les crues d'eau ont lieu en même temps et sur la Lys et sur l'Escaut, il en
résulte que le débouché à Gand est trop petit et que tous les terrains entre
cette ville et Tournay et Antoing se trouvent inondés.
Mais quand on aura creusé le canal de Deynze à la mer, on aura dégagé Gand,
on aura par cela même permis au bassin de cette ville de recevoir beaucoup plus
rapidement les eaux de l'Escaut et par conséquent on se trouvera avoir fait
beaucoup pour soulager le haut Escaut.
Messieurs, je viens de vous expliquer ce qui arrive sur le haut Escaut
pendant que la crue des eaux est dans sa période croissante, je vais maintenant
expliquer ce qui arrive lorsque les inondations diminuent.
Ou s'est étonné que, lorsque la crue des eaux est arrivée dans sa
période décroissante, on fût soulagé à Gand, que les eaux s'y trouvassent déjà
au-dessous de la jauge ordinaire, tandis qu'on était encore inondé à Audenarde,
à Tournay, à Antoing. Messieurs, cela provient de ce que le tube inférieur de
l'entonnoir qui s'est transporté successivement en descendant pendant la
période croissante des eaux jusqu'à Gand, se transporte ensuite en remontant
depuis Gand jusqu'à Audenarde, Tournay et Antoing, pendant la période
décroissante.
C'est pour ce motif, messieurs, que dans l'état actuel des choses la
coupure de Zwynaerde ne serait
d'aucune utilité pour diminuer les eaux d'inondation du haut Escaut. Car le
tube de l'entonnoir se transporte à Zwynaerde en même
temps qu'à Gand ; dès lors du moment que Gand est soulage, Zwjnaerde
l'est aussi, et alors vous n'avez plus en aval, à partir de Zwjnaerde,
pour reculer les eaux du haut Escaut, que le tube de l'entonnoir, c'est-à-dire
l'Escaut renfermé dans son lit, et il en serait absolument de même si la
coupure de Zwynaerde à Melle se trouvait exécutée.
Voilà, messieurs, pourquoi les eaux restent beaucoup plus longtemps en
amont de Zwynaerde qu'en aval, et ainsi de suite en
remontant. Je crois que c'est là l'explication la plus vraie de ce qui se passe
sur le haut Escaut, et c'est là aussi ce qui prouve que, dans l'état actuel des
choses, la coupure de Zwynaerde ne peut être d'aucune
utilité pour le haut Escaut, pendant la période décroissante des inondations,
tandis que, dans la période croissante des eaux, elle peut faire beaucoup de
mal aux riverains du bas Escaut.
Messieurs, si le bassin de Gand ne peut pas recevoir toutes les eaux du
haut Escaut, parce qu'il reçoit une partie des eaux de la Lys, et cela bien
qu'il y ait encore le canal de Terneuzen, et quelquefois, mais pas souvent, le
canal de Bruges pour évacuer les eaux de la Lys, il doit encore être bien moins
possible à l'Escaut en aval de Gand, de recevoir les eaux du haut Escaut dans
la période croissante des inondations. Messieurs, remarquez-le, les terrains
environnants à Gand, l'écluse de la Pêcherie qui sépare le bassin du bas Escaut
de celui du haut Escaut, ne sont qu'à 1 mètre 18 centimètres au-dessus de la
marée haute ordinaire à Anvers et le radier de cette écluse n'est qu'à 3 mètres
90 centimètres au-dessous de cette même marée à Anvers. Vous voyez donc bien
que pendant toute l'action de la marée montante, les eaux ne peuvent pas
s'écouler par le bas Escaut ; c'est-à-dire que, pendant dix à douze heures par
jour, il ne peut pas y avoir d'écoulement par le bas Escaut.
Il y aurait donc, selon moi. un très grand
danger à exécuter, quant à présent, la coupure de Zwynaerde,
mais je ne prétends pas qu'un peu plus tard, lorsqu'on aura dégagé le bassin de
Gand par le canal de Deynze à la mer, et lorsqu'on aura aussi exécuté des
travaux sur le bas Escaut, la coupure de Zwynaerde ne
deviendra pas possible, ne deviendra pas même nécessaire. C'est pourquoi je me
suis abstenu en section centrale sur cette question, et c'est pourquoi je
déclare dès à présent que je m'abstiendrai probablement encore lors du vote par
la chambre.
Messieurs, l'honorable M. Dumortier vous a dit tout à l'heure à tort que
M. l'ingénieur Wolters et que la commission des eaux
de l'Escaut elle-même avaient proposé la coupure de Zwynaerde.
L'honorable membre a refusé de lire un second paragraphe à la page 67 de mon
rapport. S'il avait lu ce second paragraphe, vous auriez été à l'instant
convaincus que tout le discours qu'a prononcé l'honorable membre reposait sur
une base erronée.
Voici le passage qu'a lu l'honorable M. Dumortier :
« On pratiquerait au cours de l’Escaut deux grandes coupures ou
redressements, l'une commençant à l'amont de Gand vers Zwynaerde
et aboutissant, en laissant Ledeberg et Gand à
gauche, à l'aval vers Melle et Heusden ; l'autre entièrement en aval de Gand
parlant de Destelbergen et aboutissant à Calcken vers
Wetteren et Schellebelle. »
Il vous a dit que c'était dans le troisième système, et que c'était le
troisième système que la commission avait adopté. Il n'en est rien, messieurs,
c'est le premier système que la commission a adopté et le troisième système a
été repoussé par elle.
Voici le second paragraphe de ce passage de mon rapport :
« On établirait des portes de flot à Termonde, sur l'Escaut et à Hamme,
sur la Durme pour y arrêter la marée haute et fermer
ainsi, en amont de Termonde et Hamme, de vastes réservoirs qui ne seraient plus
remplis deux fois par jour par le flux de la mer et qui pourraient, en
attendant le reflux, recevoir les eaux du haut Escaut et du bassin de Gand,
dont l'écoulement serait, par là même, beaucoup plus prompt lorsque le reflux
aurait lieu. »
Vous voyez donc, messieurs, que M. l'ingénieur Wolters
n'a proposé la coupure de Zwynaerde, que pour autant
qu'on exécutât ce troisième système, celui des portes de flots, qui faisait, à
l'aide de ces portes, dans la Durme et le bas Escaut
un vide entre Termonde et Zwynaerde d'une part, et
entre Hamme et Gand d'autre part, pour recevoir les eaux du haut Escaut pendant
la marée montante.
Messieurs, j'ai dit tout à l'heure qu'en ce qui me concerne, je ne veux pas
prétendre que dans l'avenir il ne sera pas nécessaire de faire la coupure de Swynaerde. Mais selon moi, quant à présent, je le répète,
elle n'est pas utile et elle ne peut avoir lieu que pour autant que l'on
exécute dans le bas Escaut des ouvrages tels qu'il soit mis en état de recevoir
beaucoup plus rapidement les eaux du haut Escaut. Je m'abstiendrai donc
probablement sur l'amendement proposé par l'honorable M. Dumortier et ses
collègues, mais je déclare que je ne me refuserai pas à modifier le 3° du projet
de la section centrale dans le sens que je vais indiquer.
Voici comment est conçu l'article premier :
« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé :
« 1° A ouvrir, de Deynze à Schipdonck, un canal de dérivation des
eaux de la Lys vers le canal de Gand à Ostende, sauf à régler ultérieurement
par une loi le concours des provinces ou autres intéressés, s'il y a lieu.
« 2° A recreuser le Moervaert, depuis Roodenhuys jusqu'à la naissance de la Durme,
à Splettersput ;
« 3° A faire exécuter dans la vallée du haut Escaut, immédiatement
après que ledit canal de Schipdonck sera creusé, et même simultanément, les
travaux les plus propres à activer l'écoulement des eaux du haut Escaut. »
Vous voyez, messieurs, que, dans notre projet, nous avons pensé au haut Escaut quoi qu'on en dise.
Je consentirai très volontiers à modifier le 3° dans le sens suivant : «
A faire exécuter dans la vallée du haut Escaut, immédiatement après que ledit
canal de Schipdonck sera creusé, et même simultanément, les travaux les plus
propres à activer l'écoulement des eaux du haut Escaut, sans nuire aux intérêts
du bas Escaut. »
Je consentirai même à la suppression des mois
« après que ledit canal de Schipdonck sera creusé. »
Je crois, messieurs, devoir borner là mes observations.
- La clôture est demandée.
M.
Lejeune. - Messieurs, j'étais
inscrit ; mais dans l'état de la discussion, je puis restreindre mes
observations à ce qui concerne les intérêts du haut Escaut. Cette question se
représente à l'article premier. Je ne m'oppose donc pas à la clôture.
Je prie M. le président de m’inscrire sur l’article premier.
(page 1505) M. Verhaegen. - Je désire motiver mon
vote. Je le ferai à l'occasion de l'article premier.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
Plusieurs
membres. - A mardi !
D’autres
membres. - Non ! non ! Continuons !
M. le président. - Il serait bon de fixer le jour de notre prochaine réunion.
Plusieurs
membres. - A. mardi.
D’autres
membres. - A lundi.
- La chambre, consultée, fixe sa prochaine réunion à mardi.
M. Lejeune. - Nous avons l'habitude de fixer la séance de rentrée à 2 heures en
hiver. Aujourd'hui tous les convois sont arrivés avant midi. Je propose donc de
nous réunir mardi avant midi.
M. Dumont remplace M. Liedts au fauteuil.
Motion d’ordre
M. Liedts (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion
d'ordre.
Messieurs, je demande à la chambre qu'elle veuille bien donner la
priorité dans la discussion et le vote à l’article 5 ; il y a en quelque sorte,
dans cette question, deux vallées en présence, la vallée de la Lys et la vallée
de l’Escaut. Le projet de loi, à nos yeux et aux yeux de tous ceux qui
appartiennent à la vallée de l’Escaut, s'occupe presque exclusivement de la
vallée de la Lys. Nous sommes loin de refuser notre concours à tout ce qui peut
soulager la Lys. Mais ce concours, nous le subordonnons aux bonnes dispositions
que nous rencontrerons pour la vallée de l'Escaut. Eh bien, les seuls points
qui nous concernent sont l'article 5 voté par la section centrale et le
paragraphe 3 de l’article premier. Je demande donc que la chambre veuille bien
s'occuper d'abord de l'article 5. De l'aveu de tout le monde, même de nos
adversaires, si adversaires il y a, les souffrances de la vallée de l’Escaut
l’emportent en ancienneté et en étendue sur les souffrances de la vallée de la
Lys ; d'une part il y a perte d'un million tout au plus ; c'est sans doute
beaucoup ; mais d'autre part la perte est de plus de 6 millions, d’autre part
les souffrances datent de 15 ans, de l'autre elles n’existent que depuis deux
ou 3 ans. Or, il est bien naturel qu'on s'occupe en premier lieu des motifs qui
sont en même temps et les plus graves et les plus anciens.
Ensuite, messieurs, puisqu'il faut parler franchement, toute cette
discussion me laisse la pénible impression que si la loi passe sans que notre
opinion soit certaine de recevoir satisfaction, au moins dans un avenir
rapproché, car nous ne de mandons pas qu'on épuise le trésor pour exécuter
instantanément les travaux dont nous avons besoin), nous n'obtiendrons jamais
cette satisfaction.
Cette
impression, messieurs, n’est née que dans la discussion actuelle ; ce qui
l’a produite, c’est l’opposition que l’on continue à faire à l’article 5, même
avec l’amendement proposé par l’honorable M. Dumortier. on
avait fait deux espèces d’objections contre l’article 5 ; M. Dumortier
prévoit ces objections, il y fait droit, et malgré cela on persiste à s’opposer
à l’article 5. Voilà, messieurs, ce qui m’a fait concevoir la crainte que je viens d’exprimer et c’est ce qui m’engage à demander la
priorité de la discussion et du vote pour les deux dispositions de la loi qui
concernent la vallée de l’Escaut.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Messieurs,
l’honorable général Goblet a parlé d’un amendement qui me paraît de nature à
lever la difficulté signalée. (Interruption.)
Je pense qu’il y a moyen de donner satisfaction à l’honorable M. Liedts ;
ce serait de maintenir la suppression de l’article 5 du projet de la section
centrale, mais de modifier le 3° de l’article premier, en ce sens que le
gouvernement serait autorisé à exécuter dans la vallée de l’Escaut,
immédiatement après le canal de Schipdonck et même simultanément avec ce canal
les travaux les plus propres à faciliter l’écoulement des eaux de l’Escaut.
M.
Fleussu. - Il faudrait
supprimer l’alternative et dire que ces travaux seront exécutés simultanément.
M.
le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - J’admets même l’exécution simultanée et je demande que le crédit de
150,000 fr. qui figure au n°2 de l’article 2 soit porté à 300,000 fr., avec
affectation aux travaux qui pourront être exécutés immédiatement et avec le
plus d’utilité dans la vallée de l’Escaut. L’emploi de ce crédit serait
abandonné à l’appréciation du gouvernement.
M. Delehaye. - Messieurs, on nous a reproché de ne rien vouloir faire pour
l’Escaut. En venant donner mon assentiment à la proposition de M. Liedts et à
l’amendement que vient de développer M. le ministre des travaux publics, je
pense que tout ce qui peut tendre à l’écoulement de nos eaux a droit à ma
sollicitude. Je donnerai donc mon assentiment à toute proposition qui pourra
contribuer à mettre un terme aux inondations qui nous désolent.
M. Dumortier. - Messieurs, j’insiste de plus en plus pour l’adoption de la motion de
priorité faite par l’honorable M. Liedts. L’honorable M. Delehaye, dont les
bonnes intentions en faveur de l’Escaut sont manifestes, se rallie à la
proposition de M. le ministre des travaux publics, croyant que cette
proposition comprend celle de la section centrale. Or, elle ne la comprend
nullement. (Interruption.) Je
demanderai à M. le ministre si sa rédaction lui permettrait d’exécuter le canal
de Zwynaerde à Melle.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - Oui, si ce canal
est reconnu comme le plus utile.
M. Dumortier. - Ce canal a rencontré une opposition trop vive pour que je puisse
croire que le gouvernement s’exécute si la loi ne lui en fait pas un devoir. Je
demande donc que l’article 5 soit mis d’abord aux voix.
Le canal de Zwynaerde a été proposé par M. Wolters ; il a été voté indépendamment des portes à
flot, par la commission d'enquête. Quant aux dommages que ce canal pourrait
causer à l'arrondissement de Termonde, ils sont écartés par notre amendement.
Rien ne s'oppose donc à ce que nous votions le canal de Zwynaerde
; c'est pour nous le seul moyen d'arriver à un résultat certain.
Les coupures de l'Escaut sont une bonne chose, mais elles ne feront pas
écouler les eaux à Gand. A Gand, l'un des deux bras de l'Escaut sert à la
navigation et aux usines ; c'est ce bras qu'il faut remplacer par un bras qui
serve à l'écoulement des eaux et qui les déverse en aval de Gand, là où existe
une chute de huit pieds. Ce qui prouve l’efficacité de ce moyen, c'est que
lorsqu'on a ouvert les écluses à Gand, en dix jours les eaux ont baissé de cinq
pieds à Tournay. Je dis et je soutiens qu'on ne fera rien pour nous si la loi
ne nous accorde pas d'une manière positive le canal de Zwynaerde
à Melle, comme le propose la section centrale dans l'article 5.
Nous devons tenir avant tout à cet article,
c'est notre seule ancre de miséricorde ; c'est notre seule planche de salut. Je
voudrais que la chambre tout entière pût se transporter dans la vallée de
l'Escaut, qu'elle put voir les inondations de notre malheureuse contrée. Je
suis convaincu que si la chambre avait vu nos maux, elle n'aurait pas discuté
pendant quatre jours, ce qu'il y a à faire mais qu'elle aurait voté par
acclamation le remède que nous demandons et qui est le seul efficace.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - L’honorable M. Goblet a
indiqué un amendement qui se rattache au n°3 de l’article premier. L’honorable
M. Liedts propose de donner la priorité à l’article 5. Je crois, messieurs, que
l’ordre logique de la discussion serait d’aborder l’article premier et de
discuter simultanément le n°3 tel que mon collègue des travaux publics vient de
le modifier, d’après l’amendement indiqué par l’honorable M. Goblet, et la
proposition de l’article 5 de la section centrale, que l’honorable M. Dumortier
persiste à maintenir. Lorsque nous en arriverons au n°3, nous discuterons s’il
faut préférer le système de l’honorable M. Dumortier ou bien l’amendement que
vient de formuler mon honorable collègue et qui, je pense, obtiendra
l’assentiment de la chambre.
M.
Dedecker. - Messieurs, dans toute
cette discussion l'honorable M. Dumortier est parti de l'idée que sur certains
bancs de cette chambre, il n'existait pas une sympathie suffisante pour les
riverains du haut Escaut ; je suis heureux de trouver l’occasion de lui prouver
le contraire de ce qu’il suppose ; je me rallie volontiers à l’amendement
annoncé par l’honorable M. Goblet ; c’est-à-dire que je consens à ce que
300,000 fr. soient alloués, pour exécuter les travaux les plus utiles sur le
haut Escaut, afin de prévenir les inondations dont on souffre actuellement.
Mais il est bien entendu que le gouvernement ne prend aucune espèce
d’engagement relativement à la construction du canal de Zwynaerde
à Melle. Ce projet n'’st pas étudié ; ce serait une véritable surprise.
M. le président. - Deux propositions sont faites ; l'une tendant à discuter d’abord
l’article 5 ; l’autre tendant à réunir l’article 5 au n°3 de l’article
premier.
M. de Renesse. - L’honorable M. Huveners a présenté un amendement qui tend à faire
contribuer les propriétaires riverains pour une certaine part dans la
construction du canal ; je crois que cet amendement doit être discutée en même temps.
M. le président. - Il est entendu que l’amendement de M. Huveners se rattache à tous
les systèmes.
- La chambre consultée décide qu’elle discutera simultanément l’article
5 et le n°3 de l’article premier.
M. le président. M. le ministre des travaux publics a proposé de rédiger comme suit le
n°3 de l’article premier :
« 3° A faire exécuter dans la vallée de l’Escaut, simultanément
avec les travaux du canal de Schipdonck, les travaux les plus propres à activer
l’écoulement des eaux du haut Escaut. »
« Art. 2. 2° Un crédit de 300,000 fr. pour les travaux mentionnés
au n°3 de l’article précédent. »
M. Goblet a proposé la rédaction suivante :
« 3° A faire exécuter dans la vallée de l’Escaut, simultanément
avec les travaux du canal de Schipdonck, les travaux les plus propres à activer
l’écoulement des eaux du haut Escaut. »
« Art. 2. 2° Un crédit de 300,000 fr. pour les travaux mentionnés
au n°3 de l’article précédent. »
Un
membre. - ces deux rédactions sont les mêmes.
M. le général Goblet. - Je ne propose mon amendement que pour le cas où l’article 5 serait
rejeté.
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - La parole est à M. Verhaegen sur l’article premier.
M. Verhaegen. - Messieurs, je voterai pour la proposition du gouvernement, avec le
seul amendement qui a été présenté par l’honorable général Goblet ;
j’adopte les travaux que cette proposition a eus en vue, parce que je les considère
comme le commencement d’un système de travaux d’ensemble. Je sais quelle
dépense résultera des travaux que je vais voter, mais je ne sais pas quelle
dépense doivent occasionner les travaux qui font l’objet des autres amendements
soumis à la chambre ; les études, pour les premiers travaux, sont
faites ; les études, pour les autres travaux, sont à faire.
Nous avons été témoins de débats très vifs entre les deux Flandres, et
même entre les Flandres et une partie du Hainaut. Pour aplanir ces difficultés,
on voudrait adopter un système de transaction, on voudrait une espèce de
coalition. Ce seraient des travaux d’ensemble pour les deux Flandres, pour une
partie du Hainaut qu’on décréterait, c’est-à-dire que nous dépenserons 6 à 7
millions pour l’exécution de ces travaux réunis.
(page 1505) Messieurs, si l’on veut des
travaux d'ensemble, j'y consens volontiers, mais à la condition que ce seront
des travaux d'ensemble pour le pays tout entier. (C'est cela !) Il ne suffît pas de parler des deux Flandres et d'une
partie du Hainaut ; il est d'autres provinces qui éprouvent des besoins ;
n'avez-vous pas la Meuse qui occasionne des dégâts considérables ? Vous avez le
Demer, la Senne, la Sambre, etc. ; il est de votre devoir de parer à tous les
désastres résultant des inondations ; toutes les provinces ont les mêmes droits
à votre sollicitude ; c’est une des premières conditions d'existence d'un Etat,
de veiller à la conservation des personnes et des propriétés ; c'est pour cela
que nous payons des contributions ; si dans un pays on n'est pas garanti contre
les inondations, le citoyen perd tout le fruit des avantages sociaux.
Je dis qu'il est d'autres provinces qui souffrent tout autant que les
provinces des Flandres. La province de Liège souffre beaucoup. L'honorable M.
Delfosse, qui a été obligé de se retirer, aurait eu au sujet de la Meuse
plusieurs observations à vous soumettre. M. Fallon fera sans doute valoir les
droits de la province de Namur au sujet de la Sambre ; moi, je fais valoir les
droits des habitants de la vallée de la Senne : tous, nous avons les mêmes
droits. Quant à la Senne, tous les membres de la chambre ont pu voir quels sont
les dégâts considérables qui ont été occasionnés par les débordements de cette
rivière ; et pour la Senne, il y a une circonstance toute spéciale, c'est que
les grands dégâts qu'elle occasionne annuellement sont dus principalement au
fait du gouvernement, c'est-à-dire aux travaux exécutes au canal de Charleroy
et au chemin de fer.
Les habitants de la vallée de la Senne, comme ceux des vallées de
l'Escaut et de la Lys, ont droit à vos sympathies, et je viens réclamer pur
eux, l'intervention active des chambres : j'espère qu'une somme quelconque sera
dépensée pour venir à leur secours.
Messieurs, pendant les inondations de la
vallée de la Senne, deux mille ouvriers sont sans travail et qu'a-t-on fait
depuis des années ? Il y a eu des rapports d'ingénieurs qui n'ont abouti à
aucun résultat parce qu'on ne s'est jamais entendu, parce qu'on n'a pas voulu
s'entendre. Je recommande ces observations a l'attention de M. le ministre.
Je me résume en disant que je voterai pour la proposition du
gouvernement avec le seul amendement de l’honorable général Goblet.
M. Lejeune. - L'honorable préopinant ne pourrait pas voter les amendements qui
auraient pour but de décréter le canal de Deynze à la mer, parce qu'il
faudrait, dit-il, faire un travail d’ensemble pour tout le pays. Messieurs,
j'ai été le premier à parler de la nécessité de porter remède aux désastres
occasionnés par les débordements de la Meuse. Toutes les fois qu'on a demandé
des fonds pour des travaux publics dont l'utilité avait été constatée, j'ai été
le premier à les voter, pour la province de Liége comme pour les autres. Je ne
pense pas qu'on puisse tout faire à la fois. Je n'admets pas que quand une
province aurait obtenu satisfaction, elle ne consente plus à appuyer
l’exécution de travaux dans l'intérêt d'aunes localités ; en toute circonstance
nous examinons les motifs d'intérêt général et nous votons les fonds quand
l’utilité et l'opportunité des travaux nous est démontrée.
Messieurs, après ce qu'a dit et redit l’honorable M. Dumortier sur les
intérêts du haut Escaut et sur la commission de Gand, il m'est impossible de ne
pas donner quelques explications.
J'ai été appelé à faire partie de cette commission, sans mandat limité ;
mais j’admets que j’ai été appelé pour soutenir les intérêts du haut Escaut
; c'est dans cette vue que j'ai rempli
ma mission.
La dérivation de l’Escaut de Zwynaerde à Melle
n'a jamais rencontré de ma part une opposition absolue ; je l'ai, au contraire,
appuyée dans certaines circonstances, à certaines conditions, avec certaines
réserves. Je tâcherai de m’expliquer aussi succinctement que possible sur les
motifs qui m'ont guidé dans cette question ; je voudrais pouvoir exposer la
question à la chambre aussi clairement que je la conçois moi-même.
J'ai appuyé la dérivation du haut Escaut dans le bas Escaut à condition 1°
de débarrasser le bassin de Gand par un nouveau débouché ; 2° j'ai subordonné
mon vote à la question de savoir si on peut convenablement exécuter cette
dérivation. Je n'insiste pas sur cette dernière condition ; elle est du ressort
des ingénieurs.
A chaque séance, depuis qu'on s'occupe de cet objet, l’honorable M.
Dumortier a voulu tirer parti du vote émis dans la commission de Gand, il vous
a cité à plusieurs reprise la page 70 du rapport en
soutenant que la dérivation de l’Escaut par le canal de Zwynaerde
à Melle avait été votée dans la commission, indépendamment de tous autres
travaux. Voici comment les choses se sont passées.
Quand il s’est agi de voter, on a proposé une question de priorité, la
question de savoir s’il fallait voter d’abord sur la dérivation de Zwynaerde à Melle, ou s’il fallait voter d’abord sur un des
systèmes proposés. Je me suis opposé à la priorité en faveur de la dérivation
de Zwynaerde ; je craignais les conséquences
qu’on voudrait peut-être en tirer. Cette discussion a duré assez
longtemps ; on a fini par dire : Nous laisserons la question de
priorité à la dérivation de Zwynaerde, sans rien
préjuger sur l’ordre des travaux à exécuter.
Quant à moi, j’ai déclaré alors que si j’admettais la dérivation de Zwynaerde, c’était comme partie d’un système complet, j’ai
dit que je la rejetais comme travail isolé, je me suis abstenu et les motifs de
mon abstention sont consignés dans le rapport, à la page 70.
Messieurs, le premier motif que j’ai fait valoir tout à l’heure, c’est
qu’il faut débarrasser le bassin de Gand avant de faire la dérivation de Zwynaerde. On a soutenu avec une persévérance vraiment
déplorable que les membres de la commission et le gouvernement ne voulaient
rien faire pour le haut Escaut. On a soutenu que débarrasser le bassin de Gand,
ce n’était rien faire pour le haut Escaut. Supposons le canal demande par M.
Dumortier construit dans ce moment.
M. Dumortier. - Prenez l'état actuel.
M. Lejeune. - Je vais supposer la dérivation exécutée et comparer ce qui en
résultera avec l'état actuel. Si la coupure de Zwynaerde
à Melle était faite aujourd'hui, elle ne produirait aucun effet dans l'étal
actuel des choses, parce que le point d'eau à Zwynaerde
est presque aussi bas qu'à Gand, et que les eaux du bas Escaut n'arrivent pas
assez promptement à cet endroit pour que le canal fût utile.
Ce qu'il faudrait pour utiliser cette dérivation dans l’'intérêt du haut
Escaut, ce sont des coupures entre Gand et Tournay ; c'est là que les eaux
s'arrêtent.
Il y a des inondations à Audenarde, et d'Audenaerde à Gand il y a 4
mètres 13 centimètres de pente ; si malgré cette chute les eaux ne s'écoulent
pas, il faut nécessairement, pour utiliser le canal de Zwynaerde
à Melle, faire d'autres coupures entre Gand et Audenarde. Dans l'état actuel,
j'avoue que les coupures et rectifications en amont étant faites,
: le canal de Zwynaerde serait utile ; mais
qu'arriverait-il dans les grandes crues ? Voilà la question à examiner.
Dans le moment actuel, il n'y aurait aucun danger à précipiter les eaux
vers Gand et vers la coupure de Zwynaerde ; mais les
grandes crues arrivant, est-ce que Gand pourrait recevoir l'immense quantité
d'eau qui se précipiterait sur cette ville ? Non, messieurs, vous mettriez
Gand 2 mètres d'eau dans les rues. Le bas Escaut pourrait-il recevoir ces eaux
par le canal de Zwynaerde ? Non, messieurs, vous
inonderiez complétement les communes qui se trouvent en aval de Gand.
« Mais, dit-on, si le canal de Zwynaerde cause
des inondations dans le bas Escaut, nous fermerons les écluses. »
Voilà la garantie. Eh bien, messieurs, cette garantie est illusoire, on
n'est plus maître des eaux. Si vous fermez les écluses, vous mettrez deux
mètres d'eau dans les rues de Gand ; si vous ne fermez pas les écluses, vous
inondez toutes les communes au-dessous de Gand. Il est impossible de sortir de
cette alternative. (Interruption.) Ce
sont les intérêts du haut Escaut que je prétends, moi, soutenir et que j’ai
toujours soutenus.
Je ne dirai plus qu'un mol puisque la chambre est pressée de finir cette
discussion ; je ne dirai plus qu'un mot sur les effets que les travaux destinés
à débarrasser Gand produiraient sur le haut Escaut. Si vous faites le débouche
vers la mer tel qu'il est demandé, vous dérivez la Lys ; or, dans les eaux que
reçoit le bas Escaut, celles de la Lys entrent pour 2/5, et celles du haut
Escaut pour 3/5. La place qu'occupe la Lys dans le bas Escaut sera acquise aux
eaux du haut Escaut. Alors vous pourrez faire, sans inconvénient, soit la
dérivation de Zwynaerde, soit d'autres dérivations
que vous jugerez le plus utiles pour débarrasser tout le haut Escaut ; alors la
ville de Gand et le bas Escaut pourront recevoir les eaux du haut Escaut ; et
si même le bas Escaut était encore insuffisant, les eaux surabondantes du haut
Escaut se confondraient avec les eaux de la Lys et s'écouleraient par le
nouveau débouché.
On a dit souvent dans la discussion que les crues de la Lys durent moins
longtemps et qu'elles s'évacuent plus vite ; eh bien les eaux de la Lys étant
évacuées par le nouveau débouché, il y aura deux moyens d'écoulement pour les
eaux du haut Escaut.
Alors il n'y aura plus de danger à précipiter les eaux du haut Escaut
sur Gand. Alors vois pourrez faire toutes les coupures, toutes les
rectifications qui seront nécessaires et j’ai la conviction intime que tout le
haut Escaut sera sauvé.
On a comparé le dérivation par Schipdonck à la
dérivation par Melle. Eh bien, messieurs, voici la différence qu’il y a entre
les deux canaux. On a dit : Si nous vous donnons des écluses et des
garanties comme on le propose pour le canal de Schipdonck, n’est-ce donc pas la
même chose ? Non, messieurs, ce n’est pas la même chose pour le canal de
Schipdonck. Si vous fermez les écluses, tout est remis dans l’état primitif, il
n’y a plus de canal ; pour le canal de Zwynaerde
et les travaux que vous êtes obligés de faire, travaux sans lesquels le canal
est inutile, si vous fermez les écluses dans les moments de grandes crues, vous
précipitez les eaux vers Gand, si vous ne fermez pas, vous inondez tout l’aval
de Gand.
Quant à la possibilité d’exécuter le canal de
Zwynaerde, je ne m’y arrête pas, c’est l’affaire des
ingénieurs ; mais je crois qu’on agirait plus utilement en faisant des
améliorations aux dérivations qui existent.
J’aurais encore beaucoup à dire à ce sujet, mais la chambre ayant hâte
d’en finir, je me bornerai à ces observations.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je désire faire une observation pour fixer la portée du
vote que la chambre va émettre. La différence qui existe entre la proposition
de mon honorable collègue et la proposition de la section centrale, telle que
la motive l’amendement de M. Dumortier, consiste exclusivement en ceci :
d’après la proposition de mon honorable collègue, la somme qui est la même dans
les deux systèmes sera à la libre disposition du gouvernement pour qu’il y
donne l’application qui sera reconnue la plus utile dans l’intérêt du haut
Escaut après les études qu’il faut achever.
Vous ne déclarerez pas dès aujourd’hui que cette somme recevra telle
application déterminée ; vous laisserez au gouvernement le soin, et non
seulement le soin mais la responsabilité de l’emploi de cette somme qui est, je
le répète, identiquement la même dans les deux propositions ; vous
chargerez le gouvernement d’employer cette somme de manière à produire les
effets les plus utiles pour le haut Escaut.
Dès lors, messieurs, je ne comprendrais
véritablement plus que l’honorable (page
1506) membre, ayant confiance dans l'efficacité de la dérivation qu'il
appuie, persistât à vouloir la faire décréter dès aujourd'hui.
Si, d'après les études qui vont être poursuivies, il est reconnu que
l'opinion de l'honorable M. Dumortier est fondée, il est évident que le vote de
la chambre aura pour conséquence nécessaire de faire exécuter cette dérivation,
indépendamment d'autres travaux qui pourront être ordonnés dans l'intérêt du
haut Escaut.
M.
Delehaye. - L'explication que vient
de donner M. le ministre des finances doit, ce me semble, dissiper toute espèce
d'incertitude, et engager l'honorable M. Dumortier lui-même à ne pas insister
pour l'adoption de son amendement. Si cet amendement était adopté, messieurs,
la responsabilité ne pèserait plus sur le gouvernement ; elle pèserait sur la
chambre. En adoptant cette proposition, la chambre ferait un acte
d'administration et un acte de mauvaise administration, car elle décréterait un
ouvrage d'art sans études préalables. En adoptant, au contraire, la proposition
de M. le ministre des travaux publics, vous obligez le gouvernement à faire ce
qui sera le plus utile. Or, l’honorable M. Dumortier ne peut pas vouloir autre
chose que ce qui est le plus utile, et cependant, après ce qui vient d'être dit
par M. le ministre des finances, l'adoption de la proposition de l'honorable M.
Dumortier aurait cette signification qu'il faut faire le canal de Zwynaerde alors même qu'il ne serait pas utile. Je pense
que la chambre ne voudra pas prendre une semblable décision.
M. Dumortier. - Je suis très surpris que l'honorable M. Delehaye qui tout à l'heure
disait qu'il appuyait le canal de Zwynaerde, se lève
maintenant pour le combattre, et vienne nous dire que ce canal n'a pas été
étudié. Comment, messieurs, le canal de Zwynaerde n'a
pas été étudié ! Mais il a été proposé par M. l'ingénieur Wolters
et par la commission de l'Escaut. Il a été étudié au même degré que le canal de
Deynze. Tous deux ont le même degré de maturité. Ainsi ne venez pas dire que le
canal de Zwynaerde n'a pas été étudié ; sinon, je
vous dirai que le canal que vous venez défendre, n'a pas non plus été étudié.
Je ne comprends pas comment on peut dire qu'un pareil travail n'a pas été
étudié, alors qu'il a fait l'objet d'un rapport qui a été imprime par ordre de
M. la ministre des travaux publics, et qui a été distribué à tous les membres
de la chambre.
Je dois maintenant deux mots de réponse à l'honorable M. Lejeune, car il
est impossible de laisser voter sous l'influence de pareilles erreurs.
L'honorable membre vient de dire, d'un côté que le canal de Zwynaerde était inutile, et de l'autre, qu'il était
dangereux. Mais s'il est dangereux pour le bas Escaut, il ne sera certainement
pas inutile pour nous, et s'il est inutile pour nous, il ne sera pas dangereux
pour le bas Escaut. Ce sont donc là deux propositions qui se combattent l'une
l'autre et qui prouvent que l'honorable membre est bien peu d'accord avec
lui-même.
Les eaux, dit l'honorable M. Lejeune, sont aussi basses à Zwynaerde qu'à Gand. J'admets ceci. Mais quelle est la
situation des eaux de Gand ? Les eaux y sont a trois
pieds en dessous des rives. L'honorable M. de Saegher vous l'a déclaré et
moi-même j'ai dit la même chose, puisque j'ai dit que les eaux étaient à 1
mètre en dessous des rives. Mais tandis qu'à Gand elles sont à trois pieds, à
Melle elles sont à huit pieds en dessous des rives. Il y a donc la une chute
d'eau de cinq pieds, et cette chute répartie sur une courte distance de trois
lieues et demie, doit produire un effet puissant sur l'écoulement des eaux.
Ainsi qu'on ne vienne pas dire qu'un canal de dérivation de Zwynaerde
à Melle sera inutile.
Pensez-vous donc, messieurs, que tous les intéressés, que nous tous,
nous réclamassions la construction de ce canal si nous n'avions pas cette
conviction profonde qui naît d'un immense malheur, et de la connaissance
approfondie des faits, que c'est là l'unique remède à nos maux. et pourquoi est-ce l'unique remède ? Parce que l'Escaut
forme à Gand deux branches, mais qu'une de ces branches est utilisée pour la
navigation et que l'autre seule sert à l'écoulement des eaux. Une des deux
branches est donc anéantie pour l'écoulement des eaux, et il faut la remplacer
par un canal de décharge.
C'est là le seul moyen ; si vous ne voulez pas y avoir recours, il faut
supprimer l'industrie, il faut supprimer la navigation dans la ville de Gand.
Mais une pareille proposition ne peut être faite par un députe belge et nous ne
la faisons pas.
Voici, messieurs, un autre argument de l'honorable M. Lejeune. « Les
deux cinquièmes des eaux qui se répandent dans le bassin de Gand viennent de la
Lys, les trois autres cinquièmes viennent de l'Escaut ; nous ferons disparaître
les deux cinquièmes venant de la Lys et alors les trois cinquièmes venant de
l'Escaut trouveront un moyen facile d'écoulement. »
Je conçois difficilement comment on puisse dire chose aussi peu sensée.
Les deux cinquièmes que fournit la Lys à Gand, c'est tout le contenu de la Lys.
Or, je demanderai à l'honorable membre s'il entend faire passer par le canal de
Deynze toutes les eaux de la Lys ? Mais alors il supprime la Lys et la
navigation devient impossible. Evidemment, personne ici ne veut supprimer la
Lys ni lui ni ses collègues et il raisonne comme si le canal de Deynze devait
la déplacer en entier. Son calcul est donc un calcul complétement erroné. C'est
encore là un de ces arguments jetés en avant par des hommes qui n'ont pas une
connaissance approfondie de la question. Il est impossible de supprimer la Lys,
les intérêts de la navigation s'y opposent, et par conséquent votre canal ne
produira pas les avantages que vous en attendez ; pour avoir voulu trop
prouver, vous ne prouvez rien.
Il y a trois faits, messieurs, sur lesquels j'appelle l'attention de la
chambre parce qu'ils sont culminants dans la question.
Premièrement, lorsqu'on place les écluses à Gand, le remous de l'eau se
fait sentir jusqu'à Audenarde. C'est ce que l'honorable M. Thienpont vient
encore de m'affirmer et ce que notre honorable président et l'honorable M. de
Villegas pourraient affirmer au besoin. Ainsi les écluses de Gand sont la cause
qui s'oppose à l'écoulement de nos eaux.
Secondement, lorsqu'il y a douze jours, on a, à nos instances, levé les
écluses à Audenarde, à l'instant même, et au bout de quelques jours, les eaux
ont baissé de 3 pieds à Tourna y. C'est ce qui prouve encore que ce sont les
écluses de Gand qui arrêtent les eaux. Si donc, au lieu des écluses de Gand qui
ne peuvent pas toujours être levées parce que les intérêts de l'industrie et de
la navigation s'y opposent, nous avons un canal de décharge, ce canal amènera
l'écoulement de nos eaux et c'est le seul moyen efficace de nous être utile.
Troisième fait, sur lequel je ne saurais assez appeler l'attention, et
sur lequel on ne pourrait rien me répondre. On dit que quand on aura détourné
les eaux de la Lys, l'Escaut sera dégagé. Mais à cela j'ai fait déjà deux fois
une objection, que je ferai une troisième, une quatrième fois, parce qu'elle
est irréfutable. Je vous ai dit qu'aujourd'hui dans la ville de Gand, qui est
l'entonnoir de l'honorable M. Desmaisières, les eaux de la Lys sont au-dessous
de la jauge d'été, et que cependant nos prairies étaient inondées. Comment donc
peut-on prétendre que le canal de Deynze qui ne pourra avoir d'autre résultat
que d'amener la Lys au-dessous de la jauge d'été pourra soulager
l’Escaut ? C'est là un sophisme, rien qu'un sophisme.
Vous voyez, messieurs, que ce n'est encore là qu'un mauvais argument,
que l'aveuglement de l'intérêt privé peut seul imaginer pour fausser les
convictions. L'Escaut ne sera soulagé que par un seul moyen, celui d'une
coupure. Il faut dériver les eaux qui nous arrivent avec trop d'abondance delà
France. Pour soulager l'Escaut, c'est l'Escaut qu'il faut dériver ; là est
toute la question.
Voyez,
messieurs, si vous voulez faire quelque chose pour la vallée de l'Escaut, pour
cette belle et magnifique vallée qui a maintenant dix lieues carrées sous
l'eau, c'est-à-dire l'étendue d'un district. Si vous voulez faire quelque
chose, écoutez la voix unanime de ses députés, et repoussez la proposition qui
vous est faite par des députés qui n'ont pas la connaissance intime de ses
besoins et qui ne parlent au nom de ses intérêts, que pour satisfaire à des
intérêts différents.
- La clôture est demandée.
M. Huveners (contre la clôture). - Messieurs, j'ai présenté un amendement qui n'a
été rencontré par personne. Je demande qu'il soit discuté, à moins que le gouvernement
n'y adhère ainsi que la chambre. Je déclare donc que je ne puis voter la loi si
mon amendement est écarté sans examen.
M. Fleussu (contre la clôture). - Je remarque, messieurs, qu'on veut étrangler la
discussion au moment où elle devient véritablement utile. Il y a eu une
discussion générale, mais elle a été tellement générale que je n'y ai vu que
deux provinces luttant l'une contre l'autre, par des raisonnements qui se
répétaient sous d'autres formes.
Plusieurs amendements nous ont été présentés,
et pas un seul n'a été examiné. Ainsi il y a l'amendement de l'honorable de
Muelenaere, un des premiers à mettre aux voix et qui ne me paraît pas pouvoir
être adopté, par une raison bien simple, c'est que quand on fait des lois, on
doit pouvoir en assurer l'exécution. Or, cet amendement est tel qu'il pourrait
rendre l'exécution de la loi impossible. Il exige le concours de deux
députations permanentes. Mais qu'arriverait-il si ces deux députations ne
s'entendaient pas, ne se mettaient pas d'accord ? Votre loi ne pourrait être
exécutée.
L'amendement de l'honorable M. de Muelenaere est le premier à mettre aux
voix, par conséquent nous avons le droit de le discuter. Il me semble qu'on
ferait bien d'ordonner l'impression de tous ces amendements dont la plupart
sont nouveaux, et de remettre la suite de la discussion à la prochaine séance.
D'ici à mardi nous aurions le temps d'examiner les dernières propositions sur
lesquelles nous avons à nous prononcer.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Permettez-moi, messieurs, de faire sur la clôture une observation
générale. La question a été traitée pendant toute la semaine. La durée de la
session sera nécessairement limitée. Nous avons encore des travaux importants à
accomplir dans l'intérêt du pays. Pour moi, je crois que la question est
suffisamment comprise pour qu'on puisse voter aujourd'hui, au moins sur
l'article premier. Lorsqu'on aura donné une nouvelle lecture de l'amendement,
M. Fleussu reconnaîtra que l'avis conforme est exigé, non pour l'exécution du
la loi, mais seulement pour la manœuvre des écluses.
M. le président donne une nouvelle lecture de l'amendement.
- La clôture est mise aux voix et prononcée.
M. le président. - Le premier amendement à mettre aux voix est celui de M. Huveners.
Plusieurs
membres. - Non, non.
M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est une question de principe.
M. le président. - Peut-on le réserver jusqu'à la fin ?
M.
Huveners. - Je crois qu'il faut
commencer par mon amendement, car le vote qui interviendra sur cet amendement
influera sur la décision à prendre relativement à toutes les dispositions de la
loi. D'ailleurs il est impossible de voter sur l'article premier avant d'avoir
statué sur ma proposition puisque l'article premier dit : « sauf le concours
etc., s'il y a lieu » tandis que moi je demande que le principe du concours
soit pose dès à présent d'une manière formelle.
- La chambre consultée décide qu'elle ne votera sur l'amendement de M.
Huveners qu'après s'être prononcée sur les autres propositions.
M. le
président. - Je vais mettre aux
voix l'amendement de M. de Muelenaere.
M. de Muelenaere. - Il faut bien remarquer, messieurs, que (page 1507) mon amendement se compose de deux parties. La première
partie n’est en quelque sorte que la reproduction de l'amendement de M.
d'Elhoungne, tandis que la seconde partie s'applique, au besoin, à toutes les
rédactions de l’article premier.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Je demande la division. Le gouvernement se rallie à la deuxième partie
de l'amendement, mais il repousse la première partie. Je ferai remarquer dès à
présent que si la première partie n'est pas adoptée, il faudra dans la seconde
partie, supprimer les mots : « de la première section du canal de Deynze à
Schipdonck, » et dire simplement : « du canal. »
M. le président. - Je vais donc mettre aux voix la première partie de l'amendement de
M. de Muelenaere.
Plusieurs
membres. - L'appel nominal.
Il est procédé au vote par appel nominal sur la première partie de
l'amendement :
51 membres sont présents :
25 adoptent.
27 rejettent.
1 membre (M. Huveners) s'abstient.
Ont voté l'adoption : MM. de Haerne, Delehaye, d'Elhoungne, de Meester,
de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Saegher, Desmaisières, de Terbecq, Donny,
Duvivier, Lejeune, Lesoinne, Maertens. Manilius, Pirson, Van Cutsem, Verwilghen, Biebuyck, Coppieters,
de Breyne, Dedecker.
Ont voté le rejet : MM. de la Coste, de Renesse, de Sécus, de Theux, de
Tornaco, de Villegas, d'Hoffschmidt, Dumont, Dumortier, Fallon, Fleussu,
Goblet, Lange, Liedts, Malou, Orban, Pirmez, Savart, Sigart, Simons, Troye,
Vanden Eynde, Verhaegen, d'Anethan, de Bonne, de Brouckere, Dechamps.
M. Huveners. - Messieurs, je me suis abstenu, parce que mon vote était subordonné à
la solution de la question du concours.
M. le président. - Je mets aux voix le paragraphe premier de l'article premier avec la
réserve du concours.
- Adopté.
L'amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix et adopté.
- Le paragraphe 2 est mis aux voix et également adopté.
M. le président. - Je mets aux voix l'article 5, qui deviendrait le n°5 de l'article
premier.
Des
membres. - L'appel nominal. On procède
à cette opération.
48 membres prennent part au vote.
39 répondent non.
9 répondent oui.
En conséquence la chambre n'adopte pas.
M. Dumortier. - Je demande que mon vote négatif soit inséré au procès-verbal
Ont répondu oui : MM. de Sécus, de Villegas, Dumont, Dumortier,
Duvivier, Goblet, Lange, Savart et
Liedts.
Ont répondu non : MM. Biebuyck, Coppieters, d'Anethan, de Bonne, de
Breyne, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, d'Elhoungne, de
Meester, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Saegher, Desmaisières, de
Terbecq, de Theux, de Tornaco, d’Hoffschmidt, Donny, Fallon, Fleussu, Huveners.
Kervyn (Remarque du webmaster : En
note de bas de page, on peut lire : M. Kervyn n’a pas pris part à l’appel
nominal précédent parce que, au moment du vote, il était absent pour cause
d’indisposition), Lejeune, Maertens, Malou, Manilius, Orban, Pirmez,
Pirson, Sigart, Simons, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verhaegen, Verwilghen.
M. le président. - J'ai donné lecture tout à l'heure des deux rédactions nouvelles,
proposées au paragraphe 3 de l'article premier. Ces deux rédactions se
confondent en réalité. S'il n'y a pas d'opposition, je mets aux voix la
rédaction présentée par M. le général Goblet.
Des
membres. - L'appel nominal.
- On procède à l'appel nominal :
49 membres sont présents. ;
47 répondent oui.
1 (M. Donny) répond non.
1 (M. Huveners) s'abstient, pour les mêmes motifs qu'il a énoncés tout à
l'heure.
Ont répondu oui : MM. Biebuyck, Coppieters, d'Anethan, de Bonne, de
Breyne, Dechamps, Dedecker, de Haerne, de La Coste, Delehaye, d’Elhoungne, de
Meester, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Saegher, Desmaisières, de
Terbecq, de Theux, de Tornaco, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dumont, Dumortier,
Duvivier, Fallon, Fleussu, Goblet, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Maertens,
Malou, Manilius, Orban, Pirmez, Pirson, Savart, Sigart, Simons, Troye, Van
Cutsem, Vanden Eynde, Verhaegen, Verwilghen et Liedts.
M. le
président. - Maintenant vient
la proposition de M. Huveners, qui est ainsi conçue :
« Moyennant le concours des provinces ou autres intéresses jusqu'à
concurrence d'un tiers dans la dépense d'établissement et d'entretien, le
gouvernement est autorisé : etc. »
Plusieurs
membres. - Aux voix ! aux voix !
M. Dumortier. - Il faut, avant de voter cette proposition, en connaître la portée.
Je demande si l'Escaut devra payer le canal de Deynze à Schipdonck.
M. Delehaye. - Certainement, si la proposition est adoptée.
M.
Dumortier. - Comment ! vous nous refusez un canal qui doit porter remède à de
longues et horribles souffrances, et vous voulez nous faire payer un canal qui ne
doit servir qu'à vous seuls !
Mais il n'y a pas d'expressions assez fortes pour qualifier de pareilles
prétentions, de pareilles exigences !
Je demande ce qu'on entend par les intéressés, je demande si on veut
faire payer à l'Escaut le dégagement de la Lys.
M. le ministre des travaux publics
(M. de Bavay). - La question est
réservée par la phrase finale du n°1 de l’article premier : « … Sauf
à régler ultérieurement par une loi le concours des provinces, ou autres
intéressés, s'il y a lieu. » Il faut, quant à présent, s'en tenir là et ne pas
faire autre chose.
M. Huveners. - Si la chambre le permet j'expliquerai à M. Dumortier comment mon
amendement doit être entendu ; j'ai abandonné aux conseils provinciaux la
répartition delta charge qui incombe aux intéressés d'après les avantages
qu'ils doivent retirer des travaux à exécuter.
- La proposition de M. Huveners est mise aux voix. Elle n'est pas
adaptée.
« Art. 2. Il est ouvert au département des travaux publics :
« 1° Un crédit de cinq cent mille francs (500,000 fr.), pour les
premiers travaux du canal prémentionné et pour le recreusement
du Moervaert ;
« 2" Un crédit de trois cent mille francs (300,000 fr.). pour
les travaux mentionnés au n°3 de l'article précédent. »
- Adopté.
M. le président. - Il nous reste à voter sur le paragraphe de l'article premier :
« sauf à régler ultérieurement par une loi le concours des provinces ou autres
intéressés, s'il y a lieu. »
- Ce paragraphe est adopté.
L'ensemble de l'article tel qu'il a été amendé est adopté.
Article
3
« Art. 3. Ces dépenses seront provisoirement couvertes au moyen
d'une émission de bons du trésor. »
- Adopté.
Article 4
« Art. 4. Le gouvernement est autorisé à faire un règlement
d'administration publique pour l'institution et l'organisation
d'administrations de wateringues dans l'intérêt de l'asséchement, de
l'irrigation et de l'amélioration des rives et des vallées de l'Escaut, de la
Lys et de la Dendre. »
- Adopté.
M. le président. - C'est ici que vient se placer la disposition additionne le relative
au canal de Décours proposée par M. Dumortier.
M. Dumortier. - J'ai eu l'honneur de vous entretenir plusieurs fois aux dégâts
occasionnés par les eaux du canal de Décours. Je crois qu'il convient de donner
au gouvernement l'autorisation nécessaire pour réparer les écluses qu'on a
détruites en 1832 en violant notre territoire. En présence du vote que la
chambre vient d'émettre, j'aurais demandé qu'on rétrécît les écluses d'Antoing,
si cela eût été possible. Si on ne veut pas nous donner les moyens d'écouler
nos eaux, il faut faire en sorte de les empêcher de nous arriver en aussi
grande masse de l'étranger. Je demande que le gouvernement soit autorisé à
rétablir sur le canal de Décours les écluses qui y avaient été placées à cet
effet.
M. le ministre des finances
(M. Malou). - Depuis le vote de la
chambre, la proposition de M. Dumortier est devenue inutile, car le
gouvernement vient d'obtenir un crédit pour faire tous les travaux les plus
utiles pour remédier aux inondations du haut Escaut.
M. Dumortier. - Je prends acte des paroles du gouvernement ; espérant qu'il tiendra
l’engagement qu'il prend, je retire ma proposition.
Plusieurs
membres. - Votons l'ensemble.
M. le président. - Il y a eu des amendements !
M. Dumortier. - Je demande la remise du vote définitif à un autre jour ; on pourra
examiner d'ici là s'il n'y a pas moyen de formuler une proposition précise. (Aux voix ! aux voix !)
Je voudrais que vous puissiez vous transporter sur les rives du haut
Escaut, vous voteriez autrement que vous ne le faites.
M. Vanden Eynde. - Personne n'a proposé de proclamer l'urgence.
- Le vote définitif du projet de loi est renvoyé à mardi.
La séance est levée à cinq heures.