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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 13 mai 1846

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 1317) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une heure et quart.

M. Huveners lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.

« Les sieurs Jaclot et Ramonfosse, président et secrétaire de la Société agricole et forestière de Jalhay, demandent le rejet de la convention de commerce conclue avec la France. »

- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la convention et insertion au Moniteur.


« La chambre de commerce et des fabriques de Verviers présente à la chambre une statistique de l'industrie lainière en Belgique. »

M. Lys. - La chambre de commerce de Verviers présente un tableau fort intéressant pour l'examen de la convention avec la France. Je demanderai donc que ce tableau soit inséré au Moniteur et renvoyé à la section centrale chargée d'examiner la convention.

- Cette proposition est adoptée.


« M. Weissenbruch, imprimeur du Roi, annonce à la chambre que les billes dont il a annoncé l'arrivée dans le premier des procès-verbaux dressés à Compiègne lors de l'examen qui en a été fait après plus de trois ans d'enfouissement, sont à voir chez lui, l'une préparée entièrement par le procédé Boucherie, l'autre préparée par moitié, toutes deux en bois de hêtre. Il ajoute qu'il peut également montrer lesdits procès-verbaux en original revêtus de toutes les signatures, légalisées par le gouvernement français. »


M. Sigart. - J'avais une interpellation à faire à M. le ministre des travaux publics ; mais comme il n'est pas ici en ce moment, je me réserve de lui adresser mon interpellation dans la séance de demain.

Motion d'ordre

Suspension de la construction d'une route et inondations de la vallé de l'Escaut

M. de Villegas. - Je désire savoir si M. le ministre des travaux publics a connaissance du renvoi de la presque totalité des ouvriers qui ont été employés à la route concédée de Nederbrakel à Renaix. Cependant la route est loin d'être achevée, et de nombreux terrassements restent encore à faire. Dans la séance du sénat du 18 mars dernier, un honorable sénateur a demandé à M. le ministre des travaux publics s'il avait l'intention de renvoyer les ouvriers pour remplacer le travail des brouettes par le camionnage.

Voici la réponse de M. le ministre : «Le rapport que j'ai reçu en dernier lieu de l'ingénieur en chef chargé de diriger les travaux de la route de Nederbrakel à Renaix m'annonçait la présence sur les lieux de 550 à 570 ouvriers. Depuis lors je n'ai pas reçu de nouveau rapport, mais aucun ordre n'est émané du département des travaux publics tendant au renvoi de ces (page 1318) ouvriers. Je m'informerai si réellement ces ouvriers sont menacés d'être renvoyés. Car je conçois, comme l'honorable sénateur, que oe serait une chose fâcheuse dans les circonstances actuelles. Je désirerais comme lui, qu'il y eût, dans ces localités, le plus grand nombre d'ouvriers possible employés, au lieu de le voir diminuer. »

Il paraît que l'administration des ponts et chaussées n'a pas tenu compte de ce désir ministériel et, si mes informations sont exactes, qu'elle persévère dans l'intention de faire les transports au tombereau.

J'adjure M. le ministre des travaux publics de renoncer à ce mode de travail, d'exécuter promptement la promesse de son prédécesseur et d'ordonner que l'on emploie le plus grand nombre d'ouvriers possible, attendu que la route de Nederbrakel à Renaix n'a pas été concédée, que je sache, pour donner du travail aux chevaux, mais pour occuper les bras de la classe nécessiteuse ; une augmentation de dépenses dût-elle être la conséquence du mode de travail que nous indiquons. C'est au nom de la population la plus malheureuse, sans contredit, de toute la Belgique, que j'ai adressé cette demande à M. le ministre des travaux publics.

Qu'à cette occasion, il me soit permis d'attirer l’attention de M. le ministre sur la requête de la commune d'Opbrakel, par laquelle elle demande à être reliée à la route de Renaix par un embranchement qui ne doit être que d'une longueur de 130 mètres. En principe, l'administration des ponts et chaussées ne s'oppose pas, à ce qu'il paraît, à l'admission de la demande ; seulement elle provoque un changement de direction à donner à donner à cet embranchement. De son côté, la commune d'Opbrakel pense que la direction qu'elle a soumise à l'approbation supérieure présenterait plus d'avantages et serait plus conforme aux intérêts de la localité. Je prie M. le ministre des travaux publics d'avoir égard à la réclamation de la commune d'Opbrakel.

Je dois appeler en second lieu l'attention de M. le ministre sur un objet de la plus haute importance.

A l'heure qu'il est, la vallée de l'Escaut, toutes les prairies depuis Tournay jusqu'à Merelbeke, c'est-à-dire, sur un parcours de plus de dix lieues, sont couvertes de 3 à 4 pieds d'eau. La plupart des terres avoisinantes sont également inondées. Cet état de choses a jeté la consternation dans cette contrée. La récolte est fortement compromise, sans que le gouvernement ait songé jusqu'ici à porter un remède efficace à tant de maux et de souffrances et à aviser aux moyens d'éviter ces désastres, en quelque sorte périodiques, et qui occasionnent des pertes incalculables. Le but de ma motion d'ordre est de prier l'honorable ministre des travaux publics d'envoyer sur les lieux des ingénieurs de la capitale, avec mission de lui faire rapport sur les inondations de l’Escaut et de proposer immédiatement les moyens d'y porter remède.

Je désire que cette enquête administrative soit ordonnée sans retard ; car si mes renseignements sont exacts, l'écoulement des eaux du haut Escaut est empêché par la manœuvre des écluses à Gand. Je ne veux pas affirmer le fait, mais une personne très digne de foi m'a assuré dimanche dernier, que les écluses du confluent des deux rivières sont fermées, et qu’à celle du canal de Terneuzen, il y a une chute d'eau de 2 pieds au moins.

J'attire à cet égard l'attention la plus sérieuse de l'honorable ministre des travaux publics. Le fait est assez grave pour nécessiter une enquête immédiate.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, les inondations de la vallée de l'Escaut sont un fait affligeant, mais elles ne sont pas un fait nouveau. Ces inondations tiennent, li faut bien le dire, au régime du fleuve et, pour avoir un remède réel, c'est ce régime qu'il faut corriger. Une proposition a été faite à la chambre pour l'exécution d'un canal de dérivation des eaux de la Lys vers la mer du Nord. L'adoption de ce projet permettrait de faire dans la vallée de I Escaut certains travaux qui permissent aux eaux de ce fleuve d'accélérer leur marche vers Gand. Mais, messieurs, dans la situation présente des choses, il est absolument impossible d'amener vers Gand une plus grande masse d'eau ; il faudrait d'abord qu'on eût créé, à Gand même, un débouché plus grand pour les eaux surabondantes, débouché qui résulterait de l'ouverture d'une voie nouvelle aux eaux de la Lys.

D'après des renseignements très récents, toutes les écluses de l'Escaut sont ouvertes depuis le mois de novembre dernier. La rivière a donc été abandonnée entièrement à son cours naturel. A Gand même, les eaux sont basses ; elles y sont même au-dessous de la jauge d'été. Cela est vrai, non seulement à Gand, mais même en amont de Gand, à une assez grande distance. Il est donc évident que l'obstacle n'existe pas à Gand.

Le mal, messieurs, tient à ce que la section de la rivière est telle que les eaux qui couvrent la vallée ne peuvent trouver à se dégorger par cette section de la rivière qu'en un temps tort long.

Les inondations actuelles, messieurs, sont la conséquence des pluies abondantes qui ont marqué la fin du mois de mars ; et, d'après les observations faites depuis fort longtemps, ces eaux surabondantes ne peuvent s'abaisser que d'environ un centimètre par jour.

L'honorable préopinant a cité le fait d'une écluse fermée à Gand pour établir une séparation entre l'Escaut et la Lys ; mais, messieurs, l'ouverture de cette écluse ne modifierait pas la position des choses, puisque, comme je l'ai dit, les eaux sont basses à Gand. Ce n'est donc pas à Gand que se trouve le mal.

L'honorable préopinant paraît aussi regretter qu'on n'introduise pas une quantité d'eau plus grande dans le canal de Terneuzen. Je puis faire savoir à l'honorable membre que les eaux n'ont pas été remises dans le canal de Terneuzen à la cote de navigation. Cet état de choses existe depuis longtemps et existe, messieurs, maigre les réclamations du commerce de Gand. Il est très vrai qu'on pourrait par l'ouverture de l'écluse du Tolhuys introduire une plus grande masse d'eau dans le canal de Terneuzen ; mais, messieurs, cette masse d'eau irait au-delà de ce que le canal de Terneuzen peut recevoir et la mesure n'aboutirait, par conséquent, qu'à faire au canal d'immenses dégradations et à inonder les terre riveraines de ce canal.

La mesure est donc parfaitement impraticable et de plus, elle ne produirait qu'un assez faible effet sur les inondations qui existent à Audenarde et au-dessus, puisque, comme je l'ai dit, l'obstacle à l'écoulement des eaux se trouve dans le régime même du fleuve ; il tient aux sinuosités du fleuve et à son peu de pente. C'est ce qui explique cette marche lente des eaux vers Gand. Pour permettre aux eaux de descendre vers Gand en un temps plus court, il faudrait, ainsi que je l'ai dit, opérer certains redressements du lit du fleuve, redressements auxquels on ne peut songer avant d'avoir créé à Gand même un débouché plus grand. On ne pourrait actuellement opérer les redressements sans exposer la ville de Gaud à un véritable danger de destruction.

Je crois pouvoir dire encore que dans toute cette question des inondations de l'Escaut, l'intérêt de la propriété foncière n'a pas été perdu de vue. Je pourrais même dire que c'est à cet intérêt que tous les autres intérêts ont été sacrifiés. Par suite des manœuvres d'eau faites à Gand, les usines n'ont pas pu travailler 8 jours depuis le commencement de l'hiver. Il n'existe à Gand aucune espèce de chute. L'intérêt des usiniers a donc été sacrifié.

L'intérêt du commerce a été sacrifié également ; tous les débouchés ont été ouverts ; on a donc fait pour la propriété tout ce qu'il était possible de faire actuellement.

Le fait qui motive l'interpellation de l'honorable membre n'est pas un fait nouveau. Ainsi que je l'ai dit, c'est un fait véritablement périodique. Je demanderai à la chambre la permission de lire un passage du rapport fait à la chambre par la section centrale, qui a été chargée de l'examen du projet de lui relatif au canal de Deynze à Schipdonck.

Voici ce passage :

« Maintenant, quand on prend en considération, d'une part, les effets des grands travaux exécutés en France et d'autre part, le peu de pente qu'il y a dans ce lit du fleuve, ainsi que ces grandes sinuosités de son cours, qui forment en quelque sorte des barrages, on doit être convaincu tout de suite qu'il suffit, comme les faits le prouvent malheureusement, d'ailleurs, de quelques jours consécutifs de grandes pluies, pour que, dans toutes les saisons de l'année, les inondations calamiteuses aient lieu.

« Le peu de pente du lit du fleuve et les grandes sinuosités de son cours constituent tellement des obstacles au prompt écoulement des eaux, que parfois on est encore inondé à Audenarde, lorsque déjà le point d'eau à Gand est au-dessous de la jauge ordinaire.

Ce qui arrive entre Gand et Audenarde, se produit aussi quelquefois entre Audenarde et Autryve, et ainsi de suite, de bief en bief, en remontant. Aussi, bien qu'il n'y ait qu'une différence minime, en comparaison de la longueur du cours du fleuve, entre les hauteurs de son lit, d'un bief à l'autre, il y a souvent une différence très grande entre les hauteurs des points d'eau. »

Je suis donc porté à croire que la seule marche sûre, pour remédier aux inondations de l'Escaut, consiste a faire dans le lit du fleuve les travaux qui sont reconnus nécessaires pour atteindre ce but. Je ne puis donc que désirer de voir promptement discuter le projet du canal de Deynze à Schipdonck qui est maintenant à l'ordre du jour. Ce projet de canal, dans l'opinion de la section centrale, se concilie avec les travaux à faire dans le lit du fleuve.

Voici, en effet, dans quels termes l'article premier du projet a été amendé par la section centrale :

« Le gouvernement est autorisé :

« 1° A ouvrir, de Deynze à Schipdonck, un canal de dérivation des eaux de la Lys vers le canal de Gand à Ostende, sauf à régler ultérieurement, par une loi, le concours des provinces ou autres intéressés, s'il y a lieu.

« 2° A recreuser le Moervaert, depuis Roodenhuys jusqu’à la naissance de la Eurme, à Splettersput ;

« 3° A faire exécuter, dans la vallée du haut Escaut, immédiatement après que ledit canal de Schipdonck sera creusé, et même simultanément, les travaux les plus propres à activer l'écoulement des eaux du haut Escaut. »

Je n’ai aucune objection à faire contre l'envoi d'un fonctionnaire qui serait charge de reconnaître l'état des lieux ; et je prends volontiers l'engagement de charger un membre supérieur du corps des ponts et chaussées de cette mission ; mais je dois déclarer que, dans ma conviction, le rapport de ce fonctionnaire cadrera à tous égards avec les explications que je viens de donner.

Messieurs, l'honorable préopinant a entretenu la chambre de la route de Nederbrakel vers Renaix ; il désire qu'on puisse continuer les travaux de cette route à la brouette. Le travail à la brouette est fort convenable pour les transports à courte distance ; mais on ne peut songer à faire des transports à la brouette, à 3 ou 400 mètres de distance ; on arrive à use augmentation énorme de dépenses, et il devient de plus assez difficile de faire de cette façon un terrassement régulier, convenable.

Ce qui a été proposé, c'est de continuer en régie les terrassements de la route, au lieu de les mettre en entreprise ; on conçoit que l'intervention d'un entrepreneur lasserait au gouvernement moins de liberté pour la direction de la marche des travaux, et moins de latitude pour assurer du travail à la classe ouvrière, à quelle fin aucun soin n'a été négligé jusqu'à présent.

(page 1319) M. David. - Messieurs, la chambre trouvera peut-être étrange que je me lève à l'occasion de la motion d'ordre qui vient d'être faite par l'honorable M. de Villegas. Cependant je n'hésite pas, quelle que soit mon inhabileté, à prendre part à ce débat, parce que je crois qu'il y a une révélation dans les paroles que je vais prononcer.

je pense, messieurs, que les grandes inondations dans les parties de l'Escaut belge qui sont restées sinueuses, ont pour cause une concession occulte qui a été accordée à la France par la Belgique. Le cours du fleuve sur la partie française a été rectifié ; c'est une chose qu'il est bon de signaler en ce moment. (Interruption.)

Je ne pense pas que les dénégations que l'on m'adresse des bancs opposés soient fondées. Quoi qu'il en soit, un point qu'on ne peut contester, c'est que, quand on rectifie le cours d'une rivière, elle devient plus torrentueuse ; les eaux se déversent avec plus d'abondance ; or, la partie de l'Escaut, restée sinueuse en Belgique, a besoin d'un déversement plus prompt à son tour ; je ne suis donc pas opposé à ce qu'on fasse cette rectification au fleuve ; je la désire, au contraire.

En prenant la parole en ce moment, je n'ai qu'un but, c'est celui de faire observer que le mal dont on se plaint, est la conséquence de la concession occulte qui a été accordée à la France... (Bruit). Je répète le mot : concession occulte, et lorsque nous arriverons à la discussion de la convention linière conclue avec la France, je ne manquerai pas de faire ressortir cette concession là comme bien d'autres encore.

Il y aura à la chambre de France quelqu'un qui comprendra mes paroles, si toutefois il les lit. On sait quel est l'homme privilégié qui a fait des achats immenses sur la spéculation de la rectification du fleuve.

Il aura fait en sa faveur des plaines fertiles sur les bords de l'Escaut français et des marais sur l'Escaut inférieur.

Je regrette d'avoir été pris au dépourvu, à l'improviste dans une question aussi grave ; si j'avais pu m'en expliquer préalablement avec l'honorable auteur de la motion, j'aurais pu apporter dans cette discussion, dont l'objet m'est d'ailleurs étranger, un peu plus de jour que je n'en puis fournir aujourd'hui.

L'honorable M. de Villegas a déclaré que, par suite de la rectification du cours de l'Escaut français, la Belgique avait à supporter des pertes incalculables. (On vient de les élever à 6 millions annuellement.)

Considérerait-on une par une situation comme n'étant pas digne d'être signalée à l'attention de la chambre ? Resterons-nous impassibles en présence du désastre de contrées entières qui sont inondées, par l'effet de la concession qui a été faite à la France et à laquelle la Belgique n'a pas eu la prudence de s'opposer, ni contre laquelle elle n'a demandé aucune réciprocité ?

M. Delehaye. - Je crois devoir rectifier une erreur que vient de commettre l'honorable M. de Villegas ; il n'est pas exact que les écluses à Gand sont fermées. Parmi les écluses qui se trouvent sur l'Escaut à Gand, il y en a une à poutrelles ou à vannes, placée à la porte Saint-Lievin, donnant passage aux eaux du haut Escaut vers le bas Escaut ; celle écluse présentait, il y a quelques jours, une chute de plusieurs centimètres ; pourquoi ne donne-t-on pas un écoulement plus considérable en augmentant l'ouverture. C'est une question sur laquelle j'appelle l'attention de M. le ministre.

M. le ministre a parlé de l'écluse qui se trouve au pont Madou, entre la Lys et l'Escaut, qui d'après lui, se trouve ouverte aujourd'hui. Je lui dirai qu'elle est ouverte aujourd'hui comme elle l'est depuis longtemps ; je ne pense pas, messieurs, que cette écluse ait été fermée depuis bien longtemps.

L'on prétend encore que le règlement sur la navigation n'est pas bien observé a Gand ; sur ce point encore l'on pourrait prendre des renseignements.

Je voudrais donc que M. le ministre des travaux publics envoyât à Gand des employés qui connussent la situation des lieux et qui voulussent s'assurer comment il se fait que dans ce moment les eaux présentent le grand obstacle dont je viens de parler.

Il est très vrai qu'actuellement une étendue de 12 lieues se trouve couverte d'eau...

Un membre. - Cette étendue est bien plus grande.

M. Delehaye. - C'est un motif de plus pour que le gouvernement ne perde pas cet objet de vue, et constate l'état des choses dans le plus bref délai possible.

Quoi qu'il en soit, il existe aujourd'hui une étendue de plusieurs lieues, qui est couverte d'eau ; vous pouvez dès lors, messieurs, apprécier la perte qui doit en résulter.

La plupart des prairies qui sont inondées sont les meilleures du pays ; ce sont celles qui donnent le produit le plus considérable ; toute la récolte qu'on pouvait espérer est entièrement compromise.

Je voudrais donc que M. le ministre des travaux publics se hâte d'envoyer des agents spéciaux sur les lieux, et qu'il pût nous dire quelle est la véritable situation des choses, lorsque nous en viendrons à la discussion du projet de loi relatif à la dérivation des eaux de la Lys.

Il est certain qu'il doit y avoir un vice quelque part. Ce vice, existe-t-il à Gand ? Je ne le crois pas : toujours est-il qu'il existe à un endroit quelconque. Il peut se faire aussi que le règlement sur la navigation ne soit pas observé. J'ai remarqué à Gand qu'un grand nombre de navires stationnaient souvent à l’un ou l'autre endroit du fleuve par où les eaux peuvent s'écouler avec le plus de rapidité. C'est un fait qui pourra être constaté par les agents que M. le ministre des travaux publics enverra sur les lieux.

M. Lejeune. - Messieurs, je ne m’attendais pas à voir aujourd'hui le pouvoir occulte tomber dans l'eau. L'honorable M. David vous promet une démonstration de ce qu'il a avancé ; j'attendrai cette démonstration ; je l'écouterai avec plaisir dans la discussion qui s'ouvrira après le vote du budget de l'intérieur.

La seule chose que je tiens à constater, c'est que s'il y a un pouvoir occulte qui a agi en cette circonstance, ce n'est certainement pas de ma connaissance, je n'y ai pas participé, je n'y ai pas donné la main et mes amis de la droite qu'on prétend être sous l'influence du pouvoir occulte n'y ont pas contribué non plus, car s'il y a eu des réclamations contre ce qui s'est fait en France au détriment de la Belgique, c'est de la part des membres à l'égard desquels vous voulez faire des insinuations plus ou moins désobligeantes ; c'est sur nos bancs, dans nos discours, dans nos actes que vous trouverez l'opposition la plus formelle contre les concessions faites à la France relativement à l'évacuation des eaux de l'Escaut.

Revoyez attentivement ce qui s'est dit et écrit sur la question de l'Escaut, vous verrez quels sont les membres de cette chambre qui ont révélé, puisque M. David parle de révélation, qui ont révélé tous les torts que les| faites à la France ont causés à la Belgique.

Pour ma part, sous ce rapport je suis d'accord avec l'honorable M. David, les concessions inopportunes, intempestives faites à la France nous ont fait souffrir beaucoup.

Messieurs, j'ai été étonné d'entendre aujourd'hui, pour la première fois, faire un reproche au canal de Terneuzen sous le rapport de l'écoulement des eaux supérieures. Cela prouve une seule chose ; c'est que le régime de l'évacuation des eaux en Belgique est bien peu connu. C'est la première année de tout le temps de l'existence du canal de Terneuzen qu'il a évacué beaucoup d'eau ; il n'a peut-être pas évacué plus d'eau pendant tout le temps de son existence qu'il n'en a évacué ce dernier hiver. C'est par suite de la convention avec la Hollande que le canal de Terneuzen a fait un service extraordinaire qu'il n'a jamais pu faire depuis 1828. et c'est dans ce moment qu'on vient lui reprocher de ne rien faire !

On veut prendre des informations sur les causes des inondations extraordinaires du haut Escaut. Les causes extraordinaires de ces inondations sont connues de tout le monte, c'est la pluie. Les inondations qui ont été plus fortes cette année que l'année dernière, qu'il y a deux ans, il y a trois ans n'ont pas d'autre cause que la pluie extraordinaire.

Mais les inondations ordinaires sont assez fortes pour que nous y portions notre attention ; ce n'est pas seulement une saison pluvieuse qui fait beaucoup de tort à la vallée de l'Escaut, mais une saison normale la fait souffrir considérablement. C'est un grand mal ; il faut y porter un remède efficace ; il n’y en a qu'un seul, c'est le débouché à la mer ; vous aurez beau faire quelques rectifications dans le lit de l'Escaut, quelques dépenses partielles, il faut en venir au grand remède, ouvrir un débouché à la mer. Alors les eaux qui arrivent de France pourront être évacuées.

On croit que la cause des inondations du haut Escaut se trouve dans la fermeture des écluses de Gand. Je ne réponds de rien quant à présent ; je ne sais pas ce qui est en fait. Ce que je sais, c'est que quand je résidais à Audenarde, à tout moment on venait de l'amont d'Audenarde me dire qu'à Gand on avait fermé les écluses et qu'on était inondé. J'ai constaté vingt fois que cela n'était pas exact ; a deux lieues au-dessus d'Audenarde, on était inondé, tandis qu'à Gand on manquait d'eau.

On vous dit maintenant qu'à Gand les eaux sont au-dessous de la jauge d'été ; les usines ont presque constamment chômé. Est-ce donc à Gand qu'il faut chercher le remède au mal ? Si j'ai pris la parole, c'est pour constater la véritable cause du fait dont on se plaint, et engager à y appliquer le véritable, le seul remède ; les petits remèdes ne feront rien ; ce sera de l'argent et du temps perdu.

Je suis bien loin de vouloir en rien amoindrir le mal qu'on a signalé ;

Je connais ce mal. La perte de la récolte des foins peut être évaluée à six millions. Je.ne crois pas exagérer en disant que la vallée de l'Escaut, à cause des pluies extraordinaires et d'autres circonstances, fera cette année une perte de 6 millions. Il s'agit de chercher un remède efficace à cet état de choses et se l'appliquer.

M. David. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je commencerai par rassurer l'honorable M. Lejeune, à l'occasion de la dénonciation que j'ai faite du pouvoir occulte. Je n'ai jamais entendu le comprendre dans les représentants de ce pouvoir ; je ne crois pas non plus qu'il représente complétement l'Escaut. Du reste, il a dit qu'il était, à propos de mes paroles sur cet objet, tout à fait d'accord avec moi ; je l'en remercie.

J'ai demandé la parole pour vous dire que j'entends par pouvoir occulte celui qui dirige et préside aux négociations dans les malheureuses circonstances où l'on vient de traiter, à propos de la convention avec la France, de la Belgique sans la Belgique intéressée, ou au moins des parties de la Belgique les plus intéressées. C'est ainsi que je ferai valoir, dans la solennelle discussion de la convention avec la France, l'observation sur cette nouvelle concession faite à la France.

Messieurs, il y en a déjà bien assez d'autres, de concessions à la France, passées inaperçues depuis qu'on négocie la vie de deux industries en Belgique, tandis qu'il est si facile de sauver tout le monde si on le voulait.

J'appelle pouvoir occulte, messieurs, un pouvoir qui fait les affaires de la France en Belgique, au lieu de faire les affaires de la Belgique chez elle, et par conséquent bien moins encore à l’étranger. Voilà du pouvoir occulte sans doute, ou c'est tout au moins de l'humiliation.

M. Lejeune. - Je demande la parole sur le fait personnel. Je ne dirai que deux mots. Je n'ai pas pris pour moi personnellement ce que l'honorable préopinant a dit de l'influence occulte ; j'ai relevé cette expression (page 1320) parce que, dans une discussion mémorable, on s'en est servi comme moyen politique et qu'on a cherché à faire peser la responsabilité de ce prétendu pouvoir occulte sur les membres de la droite. Je ne me suis pas non plus posé comme le seul représentant de l'Escaut. J'ai parlé des causes des inondations de l’Escaut parce que je connais les faits ; je ne suis en aucune manière le représentant de l'Escaut ; le district que je représente ne compte aucune localité sur l'Escaut ; je n'ai pas le moindre intérêt, pas pour une goutte d'eau, ni moi personnellement, ni le district dont je tiens mon mandat, dans la question dont il s'agit. Je n'en parle que dans l'intérêt de la question en elle-même, dans l'intérêt général du pays.

M. Dumortier. - Vous avez pu comprendre, par les dernières paroles prononcées tout à l'heure par l’honorable député d'Eecloo, combien la motion de l'honorable M. de Villegas a d'importance. L'honorable membre vous a dit que la perte que ferait cette année la vallée de l'Escaut serait de 6 millions de francs au moins ; il n'y a là nulle exagération.

Remarquez que cette perte se fait sentir plus ou moins chaque année. L'année dernière encore, il y a eu une perte considérable. Tant que le régime existant depuis quelques années continuera, cette perte sera sentie, sera plus ou moins grande suivant que l'année aura été plus ou moins pluvieuse, mais elle sera considérable chaque année.

Il importe donc que la chambre examine cette question avec une sérieuse attention, car je ne pense pas qu'au point de vue de l'intérêt agricole une question d'une plus haute importance puisse être soulevée. Dans l'état actuel des choses, voici quelle est la situation de la vallée de l'Escaut. De Tournay à Gand, sur une étendue de 12 lieues en ligne droite, et sur une étendue de 20 lieues, si on suit toutes les sinuosités de l'Escaut, toute la vallée est couverte d'eau.

Hier matin encore, j'ai vu, en partant de Tournay, toutes les prairies bordant l'Escaut sous les eaux ; avant-hier j'ai été voir la hauteur de l'eau au radier du pont Notre-Dame, il y avait 15 pieds et demi d'eau.

Je vous laisse à juger quand une ville, à 30 lieues de la mer, a 15 pieds d'eau dans le fleuve qui la traverse, si les prairies qui l'avoisinent doivent être inondées.

Vous le savez, messieurs, il n'y a pas en Belgique de domaine public plus important que la vallée de l'Escaut ; c'est là qu'on récolte les foins pour le Hainaut, pour les Flandres et pour toute la cavalerie de l'armée

D'où vient l'état de choses dont nous nous plaignons ? Est-ce un fait nouveau ou un fait ancien, comme l'a dit M. le ministre des travaux publics ? Je n'hésite pas à déclarer que c'est un fait nouveau, un fait entièrement nouveau. Avant la chute de l'empire, la vallée de l'Escaut ne connaissait aucune espèce de dégât de cette nature. Le génie hollandais, en fortifiant la ville d'Audenarde, a bouché les écoulements latéraux de la ville ; l'écoulement du fleuve étant restreint à l'intérieur, toute la partie de la vallée de l'Escaut entre Audenarde et Tournay a éprouvé des inondations considérables ; la plus grande a eu lieu en 1827.

Vous vous rappelez qu'immédiatement après la révolution on a demandé la réouverture des anciens canaux latéraux établis par les anciens Etats, qui circulent autour de la ville d'Audenarde ; on a rétabli alors les anciens débouchés, voilà les choses rétablies dans leur état primitif, comme elles étaient sous le gouvernement français ; dès lors nous ne devrions pas avoir plus d'inondations que sous le gouvernement français. D'où vient qu'on en a plus ? Le motif est simple, ce sont les travaux faits à l'écluse d'Antoing qui est la première écluse à l'entrée de l'Escaut, en Belgique. En France, on a canalisé l'Escaut, on a canalisé la Scarpe, on a canalisé la Sensée, tous les affluents au-dessus de Morlagne qui viennent se jeter dans l'Escaut ; il en résulte que le lit étant redressé, la pente est plus forte, le cours moins long, et le fleuve a gagné en rapidité. Les eaux pluviales, qui autrefois mettaient huit jours pour arriver à Antoing, y viennent maintenant en dix-huit heures.

J'en ai parlé, il y a peu de jours, au bourgmestre de Péronne, commune dont on vous a entretenus et qui est sous l'eau quatre ou cinq fois par an. Ce magistral m'a déclaré qu'il y a un petit nombre d'années, lorsqu'il y avait des pluies abondantes, on savait qu'on aurait les eaux vives dans huit jours, tandis qu'aujourd'hui elles arrivent 18 ou 20 heures après. La canalisation des affluents de l'Escaut fait donc arriver les eaux avec plus de rapidité.

Mais autrefois, ces eaux étaient arrêtées par l'écluse d'Antoing.

Ici je veux vous entretenir d'un fait entièrement nouveau pour moi, que je crois également nouveau pour cette assemblée et même pour le gouvernement, fait qui m'a été révélé par un homme extrêmement capable, ancien membre des états généraux, dont les connaissances en cette matière sont certainement très étendues.

Vous savez que la Scarpe a été canalisée par Vauban. Par suite, le lit de cette rivière s'est constamment relevé. Depuis un grand nombre d'années le lit de la Scarpe est plus élevé que les prairies du voisinage. C'est le résultat des atterrissements qui ont toujours lieu, quand on canalise une rivière par écluses ; le limon venant d'être charrié par le courant se dépose et relève ainsi chaque année le lit du fleuve.

Sous le gouvernement autrichien, pour améliorer les prairies de la Scarpe qui n'avaient plus l'écoulement, on a créé un vaste canal, qui portait les eaux dans l'Escaut français près de Morlagne ; ce canal prit le nom de canal du Décours. Mais en 1788, les états de France demandèrent aux états du Tournaisis de pouvoir transporter leurs eaux jusqu'à l'Escaut du Tournaisis. Les états du Tournaisis consentirent à recevoir ces eaux ; mais à une condition, c'est qu’il serait construit en aval une écluse, dont le jeu appartiendrait aux états du Tournaisis, qui en feraient usage pour que les eaux du canal du Décours ne nuisissent pas à nos propres propriétés.

Dans les premiers temps de la révolution, il s'est passé un fait très grave qui m'a été signalé il y a peu de jours. Des personnes payées par la compagnie française sont venues. en violant notre territoire, faire sauter l'écluse d'aval, de manière qu'aujourd'hui il n'y a plus d'écluse.

Voilà un fait très grave, une violation de territoire qui a eu pour résultat d'assécher les marais de la Scarpe pour faire de nos magnifiques prairies des marais infects.

J'insiste pour que M. le ministre des travaux publics se fasse produire le traité international intervenu à ce sujet entre les deux pays, et le fasse exécuter, attendu que ce traité est un acte international.

Mais ce n'est pas tout. Cela n'a pas suffi aux propriétaires des marais de la Scarpe. Il y avait en France des personnes qui avaient acheté ces marais à vil prix, et qui ont voulu en faire d'excellentes prairies en se débarrassant de leurs eaux sur notre pays. On a donc fait un traité que l'honorable M. David a qualifié de traité occulte, et que je qualifie de même.

M. David. - A la bonne heure !

M. Dumortier. - Je ne crois pas au pouvoir occulte ; mais je crois qu'il y a eu un traité occulte, puisqu'il n'a pas été soumis à la ratification des chambres.

On a fait un traité, resté longtemps secret, en vertu duquel l'écluse d'Antoing, située à l'entrée de l'Escaut sur notre territoire, et dont l'ouverture était de 9 mètres, a aujourd’hui 20 mètres. Vous concevez qu'une écluse de 9 mètres ne laissait passer que 9 mètres d'eau ; tandis qu'avec une écluse élargie, nous recevons 20 mètres au lieu de 9.

Vous avez là toute l'explication des inondations à la région supérieure.

On a ouvert l'Escaut en amont ; on n'a pas créé de débouché en avals Moyennant quoi les marais français sont devenus d'excellentes prairies, et nos prairies promettent de devenir d'excellents marais.

Voilà la cause de ces désastres qui nous feront perdre cette année plus de six millions de francs et cela pour enrichir quelques spéculateurs français.

Ce traité occulte, qui n'a jamais été soumis à notre vote, porte atteinte aux droits des Belges. Il ne pouvait donc être mis à exécution sans l'assentiment des chambres. Cependant il a été exécuté, il y a un grand nombre d'années. Il importait cependant que la Belgique veillât à ses propres propriétés.

Nous devons veiller à ce que les magnifiques prairies, qui se trouvent entre Tournay et Gand, ne deviennent pas des marais infects et ne soient pas une cause de mortalité pour la population. A cet égard, plusieurs moyens ont été indiqués.

L'honorable M. Lejeune a insisté pour ce qu'il a appelé un écoulement vers la mer. Sans doute l'Escaut, comme toutes les eaux, doit s'écouler vers la mer ; sans quoi elles deviennent des marais.

Dans cet examen, nous anticipons un peu sur la discussion de l'écoulement des eaux de l'Escaut. Mais c'est un grand bien, parce que nous sommes aujourd'hui en présence de faits qui n'existeront plus dans trois semaines. Alors perdant ces faits de vue, nous pourrions faire une mauvaise loi et dépenser six millions sans résultat, tandis qu'en présence de ces faits nous pourrons, en dépensant quelques centaines de mille francs, éviter de graves accidents.

Quelle est la situation actuelle ? Toute la vallée de l'Escaut est inondée. Il y a là, comme je l'ai dit, une perte de six millions. Cependant, vous avez entendu ce qu'a dit M. le ministre des travaux publics, à Gand les eaux sont en ce moment plus basses qu'en été. On doit se servir des écluses pour la navigation.

L'honorable M. Delehaye, avec cette franchise qui le caractérise, nous a déclaré qu'à l'écluse de la porte Saint-Liévin à Gand, il l'avait hier vérifié lui-même, il y avait une chute de 7 à 8 douces d'eau. J'attache le plus grand prix à cette déclaration franche et loyale de notre honorable collègue, parce que je sais qu'il recherche la vérité.

Que résulte-t-il de là ? C'est que quand les eaux de la Lys sont basses à Gand, au point qu'on doit y mettre les écluses pour la navigation, dans ce même moment, les prairies qui bordent l'Escaut sont encore tout inondées ; d'où il suit que si au moyen du canal projeté de Deynze, on amenait le résultat qui existe aujourd'hui, les prairies de l'Escaut continuerait d'être inondés comme aujourd'hui. Par conséquent, le canal de Deynze, qui coûtera six millions, ne soulagera en rien les prairies de l'Escaut. Il faut donc bien nous garder de ce prétendu moyen d'écoulement des eaux de l'Escaut qui ne produira aucun résultat et occasionnera une énorme dépense au chemin de fer.

M. le président. - J'engage l'honorable membre à ajourner ses observations à la discussion du projet de loi relatif au canal de Schipdonck qui doit venir dans quelques jours.

M. Dumortier. - Je termine en deux mots.

D'où vient que les eaux qui arrivent de France n'ont pas d'écoulement ? D'une seule chose : de ce qu'entre Gand et Audenarde et particulièrement à Gand il n'y a pas d'écoulement pour l'Escaut, et que les écluses y font obstacle.

Ainsi, quand à l'écluse de St-Liévin il y a une chute de 7 à 8 pouces, vous devez comprendre que pour la produire il faut barrer le lit du fleuve 8 pouces au-dessus du courant et qu'ainsi il faut mettre des vannes dans toute la hauteur du fleuve. Alors il n'y a plus d'écoulement des eaux que pour ce qui passe au-dessus des vannes. Alors les eaux ne se déchargent pas. C'est l'usage des usines de Gand qui est la cause de notre perte. Les trois écluses que rencontre l'Escaut, en entrant a Gand, celles de St-Lievin, du pont Madou et du Moulin étant placées pour la facilité de ces usines, comme elles le sont en ce moment, il n'y a plus d'écoulement possible. Je (page 1321) ne prétends pus qu'il faille détruire ces usines pourvu qu'on donne un autre écoulement à l'eau de l'Escaut. Je constate ici la cause du mal. Quel est le remède ? De faire construire, comme nous l'a proposé la section centrale, un canal où se déversent les eaux, du haut Escaut dans le bas Escaut à l'est de la ville de Gand. C'est là le seul remède à un aussi grand mal ; et ce remède est très peu dispendieux, tandis que le canal de Deynze coûterait six millions et n'apporterait aucun remède aux inondations de l'Escaut.

M. le président. - Je rappellerai à l'honorable membre l'observation que je lui faisais tout à l'heure.

M. Dumortier. - M. le président, je ne demande pas mieux que de me rasseoir. J'ai justement fini.

M. Desmaisières. - Je n'entrerai pas dans la discussion du canal de Schipdonck qui est à l'ordre du jour immédiatement après le budget de l'intérieur. Je craindrais en y entrant actuellement de retarder te moment où cette discussion pourra avoir lieu avec fruit ; car tout ce qu'ont dit les honorables préopinants, vous démontre l'urgence de prendre une décision sur ce projet de loi, et air conséquent aussi la nécessité de ne pas retarder la véritable discussion qui doit amener un résultat, tandis que la discussion anticipée dans laquelle on cherche à entraîner la chambre ne doit en amener aucun.

Je ne m'oppose pas à ce que M. le ministre des travaux publics donne aux localités inondées la satisfaction d'envoyer un ingénieur de Bruxelles sur l'Escaut, pour rendre compte de la véritable situation, quoiqu'il me semble que l'ingénieur de la Flandre orientale soit très en état de faire connaître à M. le ministre des travaux publics la véritable situation des choses ; ce qu'il a déjà fait.

Mais on désire savoir comment il se fait que les eaux soient descendues à Gand au-dessous de la jauge d'été, tandis que les environs d'Audenarde sont inondés. J'ai longuement expliqué le fait dans le rapport que j'ai fait comme président-rapporteur de la commission mixte, instituée par M. le ministre des travaux publics, et aussi dans le rapport que j'ai fait récemment à la chambre, comme l'a prouvé M. le ministre des travaux publics par le passage de ce dernier rapport dont il a donné lecture.

Je crois donc l'envoi d'un ingénieur sur les lieux tout à fait inutile ; encore une fois je ne m'y oppose pas, pourvu que cela ne retarde pas la discussion régulière du projet de loi qui a été mis, je le répète, à l'ordre du jour, immédiatement après celle du budget du département de l'intérieur.

M. de Saegher. - Depuis longues années, il existe un préjugé à Tournay et à Audenarde, c'est que les inondations qui ont lieu dans les environs de ces deux villes proviennent de la mauvaise manœuvre des écluses à Gand. C'est là un véritable préjugé et rien de plus.

Pour ne pas abuser des moments de la chambre, je n'entrerai pas maintenant dans le fond de la discussion, puisque dans peu de jours nous serons obligés de traiter les questions que vient d'entamer l'honorable M. Dumortier. Je me bornerai à répondre aux deux faits allégués par l'honorable M. de Villegas.

L'honorable membre nous a dit que les écluses avaient été fermées sur le canal de Terneuzen ; eh bien ! j'affirme, d'après les renseignements certains que j'ai obtenus, que depuis sept mois le canal de Terneuzen n'a pas été à sa jauge de grande navigation. Cela est de notoriété publique à Gand, et les honorables membres auraient fort bien pu s'en assurer dans cette ville.

Quant au second fait qui a été allégué par l'honorable M. de Villegas, à savoir que les écluses n'auraient pas été fermées au confluent des deux rivières, l'Escaut et la Lys, je répète ce que l'honorable ministre des travaux publics vous a déjà dit ; c'est que ces écluses sont ouvertes depuis plus de quinze jours. A cet égard, messieurs, je citerai un autre fait dont on n'a pas encore fait mention ; c'est qu'il y a environ un mois la régence de la ville de Gand et peu de temps après la chambre de commerce de cette ville se sont rendues auprès de l'administration a l'effet de solliciter que les écluses fussent fermées pendant un jour seulement, dans l'intérêt de la navigation, et que l'administration a refusé formellement de consentir à cette demande ; que par conséquent cette fermeture n'a pas eu lieu même pendant un seul jour.

M. Desmet. - Messieurs, comme je vois que l'on veut donner suite à un projet de canal de jonction entre le haut Escaut et le bas Escaut, je demanderai à M. le ministre de bien vouloir, avant la discussion du projet de loi relatif au canal de Schipdonck, prendre des informations par ses ingénieurs et nous faire un rapport sur la situation du bas Escaut. Car, je crois que la construction du canal dont a parlé l'honorable M. Dumortier, aurait uniquement pour effet de déplacer le mal. Car, messieurs, il est incontestable que les propriétés riveraines du bas Escaut souffrent aussi considérablement des inondations inopportunes de la rivière, et j'oserais même dire que la partie inférieure de l'Escaut, celle en aval de Gand, est autant en souffrance que la partie supérieure.

Je répète donc ma prière au ministre de nous communiquer, pour le moment où la discussion aura lieu du projet de loi sur le creusement du canal de dérivation des eaux de la Lys, un rapport détaille sur l'écoulement des eaux dans le bas Escaut et les dommages qu'elles causent annuellement aux propriétés, et surtout quels sont les effets qu'on devra attendre par le creusement d'un canal qui conduira directement les eaux du haut au bas Escaut.

M. David. - Je prends la parole pour demander le dépôt sur le bureau de toutes les pièces relatives à la convention qui a été conclue entre la Belgique et la France relativement à l'élargissement de l'écluse d'Antoing., afin que nous puissions en prendre connaissance avant la discussion des projets qui ont des rapports avec cette convention et notamment du projet relatif au traité de commerce conclu avec la France.

Je demande le dépôt de ces pièces pour savoir à quelles conditions la Belgique a fait cette nouvelle concession, qui a dû avoir été faite dans l'ombre. Je le répète, messieurs, des fortunes considérables ont été faites en France au moyen de cette convention qui a passé inaperçue et qui a eu pour objet de noyer la Belgique à l'avantage de la France.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, on m'assure que cette convention, prétendument occulte, se trouve imprimée dans le grand travail de M. Vifquain sur les eaux navigables.

Conditions de mise en oeuvre d'une concession ferroviaire

M. de Baillet. - J'ai demandé la parole pour adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics sur des faits qui me paraissent de nature à mériter son attention et celle de la chambre, faits qui malheureusement ne m'avaient pas été signalés lors de la discussion de son budget.

Est-il vrai, comme on me l'affirme, que, malgré les conditions fixées par les chambres et sanctionnées par le Roi, le gouvernement ait donné aux concessionnaires du chemin de fer de Liège à Namur, l'autorisation de remplacer les billes en chêne par des billes en sapin ?

Les conséquences d'une autorisation aussi illégale ne seraient que trop faciles à comprendre ; ces conséquences seraient : défaut de sécurité, d'abord, car les billes de sapin sont loin d'offrir le même degré de résistance que celles en chêne ; ensuite, fréquentes interruptions dans la circulation sur le chemin de fer, car les billes de sapins doivent être renouvelées beaucoup plus souvent que les autres.

Cette autorisation favoriserait évidemment les intérêts des concessionnaires aux dépens des intérêts de l'Etat, car, le prix du sapin étant bien inférieur à celui du chêne, il est bien évident que, si, lors de la discussion du cahier des charges, le gouvernement avait déclaré qu'il permettrait de substituer les billes de sapin aux billes de chêne, les chambres n'eussent pas fixé un terme aussi éloigné à la durée de la concession.

Il paraît que, pour chercher à justifier cette nouvelle décision, l'on allègue qu'elle a été nécessitée par les prétentions exagérées des propriétaires de bois en Belgique. Mais cette assertion est mal fondée, car les ventes de bois se font par adjudication publique ; ce sont donc les acquéreurs qui fixent le prix des bois, et non les propriétaires.

L'industrie des bois du pays a, pendant de longues années, subi, faute de débouchés, un malaise fâcheux dont elle se remet à peine ; voudrait-on déjà lui porter un coup funeste, en sacrifiant ses intérêts à des intérêts étrangers ?

Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien nous donner des explications à cet égard, et, pour ma part, je désire vivement que les renseignements qui m'ont été fournis manquent d'exactitude ; car si réellement cette autorisation avait été accordée, ce serait là un fait grave, un fait, je le répète en terminant, qui compromettrait la sûreté des voyageurs, nuirait à la régularité du service, sacrifierait les intérêts de l'Etat à ceux d'une compagnie, et les intérêts d'une industrie nationale à ceux d'une industrie étrangère.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je ne pense pas que le cahier des charges du chemin de fer de Namur à Liège fasse obstacle d'une manière absolue à l'emploi des billes en sapin. Cette question, messieurs, n'est pas pour la compagnie une question d'économie. Les billes en sapin peuvent coûter quelque chose de moins que les billes en chêne ; mais elles imposent une charge de renouvellement plus fréquente. A cet égard donc, messieurs, une compagnie qui a une concession de 90 ans, ne fait aucune espèce de bénéfice eu substituant du sapin au chêne.

Mais, messieurs, les billes de chêne sont montées à un prix déjà excessif et qui peut l'être bien autrement l'année prochaine. Ce fait, messieurs, vous a été signalé à propos de la discussion du budget des travaux publics par votre section centrale, qui a déploré pour le gouvernement les conséquences de ce renchérissement.

Je dois le dire, messieurs, cet intérêt du chemin de fer de l'Etat a été pris en considération et a été le principal motif de la détermination prise à l'égard du chemin de fer de Namur à Liège.

Je le répète, du reste, il n'y a ici aucun allégement de charges pour la compagnie ; et il doit y avoir pour l'Etat un intérêt très réel à ne pas pousser d'une manière immodérée au renchérissement des billes en chêne.

L'honorable membre pense qu'il y a ici une question de sécurité. Je pense, messieurs, que des billes en sapin offrent tout autant de sécurité que des billes en chêne à la condition d'être renouvelées en temps opportun.

M. de La Coste. - Messieurs, je pense cependant que pour l'Etat ceci n'est pas entièrement indifférent. Car ce principe une fois admis pourra également continuer à être suivi, et à l'époque (très éloignée, il est vrai, mais le législateur s'occupe aussi de l'avenir) où la concession finira, on pourra nous rendre un chemin de fer muni de billes de sapin et par conséquent ayant une valeur moindre que celle que nous devons attendre.

Il faut encore faire attention, messieurs, que si les motifs qui viennent d'être allégués recevaient plus d'extension, il en résulterait un très grand inconvénient pour l'industrie métallurgique. Car par les mêmes motifs on devrait ouvrir une porte fort large au fer étranger, ce qui ne rencontrerait pas une grande approbation. Car si l'on facilite l'emploi du bois étranger à raison d'une hausse de prix, il n'y a aucun motif pour ne pas faciliter l'emploi du fer étranger, le prix du fer ayant augmenté, je crois, dans une proportion beaucoup plus forte.

(page 1322) C'est là un doute qui s'est élevé dans mon esprit en entendant les explications de M. le ministre.

Certainement la situation des propriétés boisées et par conséquent des cantons où le bois est l'objet auquel s'appliquent les travaux de l'agriculture, cette situation, avant la hausse survenue par suite des nombreuses concessions de chemins de fer, était loin d'être prospère. Il me semble donc qu'il ne faudrait pas légèrement abandonner l'avantage qui en résultait pour ces contrées.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je dois faire connaître à la chambre, que le fait d'acquisition de fers à l'étranger a été prévu dans le cahier des charges. Les concessionnaires sont autorisés à s'approvisionner de fers à l'étranger, mais à cette condition que les fers fournis par les usines du pays présentent un prix supérieur d'au moins 10 p. c. à celui des fers étrangers rendus à Anvers.

M. David. - Messieurs, je ne sais trop si, dans les circonstances où l'on se trouve aujourd'hui, en présence des nombreux chemins de fer qui vont être construits, l'on doit trop s'opposer à l'emploi des billes autres que celles en chêne. M. le ministre des travaux publics vous a fait valoir à cet égard des raisons qui me paraissent péremptoires. Le sapin, du reste, n'est pas une production exclusivement exotique.

Mais il est une autre question relative à la même route, celle qualifiée de Liège-Namur, qui mériterait mieux les honneurs d'une motion l'ordre.

D'après les plans et devis qui nous avaient été soumis lorsque nous avons été appelés à statuer sur la concession de ce chemin de fer, il avait été décidé (car la chambre n'a jamais pu croire autre chose) que la voie entre Huy et Liège suivrait la rive gauche de la Meuse. Cependant aujourd'hui, dans un intérêt particulier, un haut personnage, semblerait-il, est parvenu à influencer le gouvernement, et il paraîtrait que la route suivra la rive droite. C'est là, messieurs, un double malheur ; car d'une part toutes les industries se trouvent groupées sur la rive gauche, et réclament son bienfait, et d'autre part les populations de la rive droite repoussent cette direction et demandent qu'il suive sa première indication.

Au moment de la discussion, jamais, sur les cartes qui nous ont été soumises, messieurs, il n'a été question que du parcours par la rive gauche entre Huy et Chokier, et puis de là, que d'une bifurcation qui contentait tous les intérêts, et puis après serait-il possible que l'on vînt remettre en question ce qui tacitement a été décidé, puisque la chambre ne pouvait pas s'attendre à un pareil changement ?

Ce n'est pas la première fois que j'interpelle M. le ministre des travaux publics à propos de cette importante affaire.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois me souvenir que dans la discussion du budget des travaux publics, une interpellation a été faite au sujet du tracé du chemin de fer de Namur à Liège, soit par la rive gauche soit par la rive droite de la Meuse entre Huy et Liège. J'ai eu l'occasion de déclarer alors, messieurs, que cette question n'était pas décidée ; je puis ajouter que je comptais donner à cette question un soin tout particulier et qu'elle sera décidée par des considérations d'intérêt général et nullement par des considérations d'intérêt particulier, ainsi que l’honorable M. David paraît le croire.

M. de Baillet. - Je demanderai encore à M. le ministre des travaux publics s'il a autorisé d'autres chemins de fer que celui de Liège à Namur à faire usage de billes en sapin, et si cette autorisation pouvait être accordée en présence du cahier des charges.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Il n'a été donné qu'une autorisation partielle et sans que cette décision puisse être invoquée comme précédent. Je pense que cette réserve se trouve insérée dans l'arrêté.

Je crois, du reste, messieurs, qu'il peut être utile d'apprécier, par un emploi de billes de sapin sur une route isolée, quels seraient les avantages que pourrait éventuellement présenter l'emploi de bois de cette essence, moyennant certaines préparations ; l'attention du gouvernement a été spécialement appelée sur ce point dans la dernière discussion du budget des travaux publics.

M. Fleussu. - Je prierai M. le ministre des travaux publics de bien vouloir nous dire si, dans le cahier des charges du chemin de fer de Liège à Namur, il a été stipulé quelle serait l'essence de bois qu'on devrait employer pour les billes.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, la question n'est pas décidée par le cahier des charges. Le cahier des charges dit simplement qu'on se servira des matériaux en usage dans le pays.

M. de Mérode. - Je ne veux dire qu'un mot à l'appui des observations de M. le ministre des travaux publics, c'est que si l'on établissait d'une manière absolue l'obligation de n'employer que des billes en chêne, on ferait monter le prix du chêne à un taux exorbitant. Les propriétaires des bois de chêne feraient là un bénéfice très beau, mais je crois que dans l'intérêt public il n'est pas à propos de leur donner un pareil monopole.

(page 1335) M. Lebeau. - On a demandé à M. le ministre des travaux publics s'il n'y avait pas dans le cahier des charges une clause impérative pour l'emploi du chêne. M. le ministre n'a pas répondu. Je viens de voir le cahier des charges du chemin de fer de l'Entre-Sambre et-Meuse ; il y est positivement déclaré que les billes doivent être en bois de chêne. Si, maintenant, on s'est servi des mêmes expressions dans le cahier des charges du chemin de fer de Namur à Liège, on aurait altéré la loi, car le cahier des charges a été voté par la chambre, en ce sens que la chambre avait le cahier des charges sous les yeux au moment où elle a émis le vote consacrant la concession et que des lors elle a pu se décider par les clauses de ce cahier des charges.

Je ne puis pas m'empêcher de trouver assez étrange la prédilection accordée à la vallée de la Meuse, par M. le ministre des travaux publics, pour faire un essai auquel on prétend que se rattachent des conditions de sécurité. Le lieu est singulièrement choisi : une vallée à côté d'un grand fleuve, où il y aura sans doute des travaux d'art, ce lieu est singulièrement choisi, je le répète, pour faire un essai auquel se rattachent des questions de sécurité.

Du reste la question est celle-ci : dans le cahier des charges du chemin de fer dont il s'agit, s'est-on servi des mêmes expressions que dans le cahier des charges du chemin de fer de l'Entre- Sambre-et-Meuse où l'obligation d'employer des billes de chêne est positivement stipulée. Si, maintenant, on s'est servi d'une autre phrase, si l'on a dit, par exemple, qu'on se servira de bois en usage dans le pays, eh bien, il est notoire que jusqu'à présent, le sens de cette phrase c'est de prescrire l'emploi du bois de chêne qui est généralement employé dans le pays.

Je demande que M. le ministre des travaux publics veuille bien nous donner une explication plus précise.

(page 1322) M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, je crois être certain que le cahier des charges du chemin de fer de Namur a Liège n'a pas, quant au système de fondation, une rédaction qui soit identiquement celle du cahier des charges du chemin de fer de l'Entre-Sambre-et-Meuse. Evidemment, si le cahier des charges avait dit d'une manière formelle que les billes en chêne étaient seules admissibles, le gouvernement n'aurait pas cru pouvoir admettre, même partiellement et avec certaines restrictions, une dérogation à une pareille clause. Je crois que le cahier des charges du chemin de fer de Namur a Liège est conçu dans ce sens que les matériaux doivent être analogues à ceux qu'on emploie dans le pays.

Or, dans le pays, nous avons employé du bois de toutes essences, du sapin, du bois blanc, du peuplier et par conséquent l'usage ne résout pas la question d'une manière formelle, dans le sens d'une fondation en chêne.

Quoi qu’il en soit, messieurs, ainsi que je l'ai déclaré, la considération la plus forte est celle de l'intérêt du chemin de fer de l'Etat qui est sous le coup d'une élévation considérable du prix des billes.

Eu ce qui concerne la sécurité, ainsi que je crois l'avoir déjà dit, les billes en sapin offrent les mêmes garanties que les billes en chêne, à la seule condition qu'elles soient renouvelées en temps convenable. Il n'y a donc ici qu'une question de surveillance, et du moment que cette surveillance est bien exercée, la sécurité ne peut être compromise en aucune façon.

M. Mast de Vries. - Je ne conçois pas, messieurs, l'insistance avec laquelle on semble critiquer une décision prise entièrement dans l'intérêt du trésor. Si le département des travaux publics doit continuer à se servir de bois de chêne comme nous l'exigeons, et si l'on emploie le même bois dans tous les chemins de fer qui sont accordés ou qui le seront à l'avenir, il est évident que le gouvernement payera ses billes à un prix exorbitant. Les billes en chêne ont augmenté l'année dernière de 22 à 23 p. c. et depuis quelques années le prix en est doublé. Vous pouvez vous attendre à les payer bientôt 10 ou 12 fr.. au lieu de 6 fr. 20 c, qu'elles coûtent aujourd'hui. Lorsque le chemin de fer a été commencé, les billes coûtaient 2 ou 3 fr. ; c'était la valeur vénale, aujourd'hui elles coûtent dans les campagnes jusqu'à 5 fr., et le gouvernement, je le répète, les paye à 6 fr. 20.

Je conçois parfaitement que pour le chemin de fer de l'Etat, on continue à n'employer que des billes en chêne, mais je crois qu'on peut, moyennant une bonne surveillance, permettre aux sociétés de faire usage de billes en sapin.

Si ces billes, au lieu de durer 10 ans, doivent être renouvelées au bout de cinq ans. c'est l'affaire des compagnies, car il est fort peu important que d'ici à 90 ans on nous livre un chemin de fer dont les billes sont en sapin ou en chêne. Cela est si vrai que l'on considère une concession de 90 ans comme une concession perpétuelle. Et en effet, un franc qui nous sera payé dans 90 ans ne vaut pas aujourd'hui un quart de centime. Peu importe donc quelle sera l'essence des billes d'un chemin de fer qui ne nous sera livré qu'au bout de 90 ans.

M. Rogier. - J'ai une simple observation à faire dans l'intérêt de l'Etat. Je demanderai à M. le ministre si la faculté de substituer des billes en sapin aux billes en chêne, qui a été accordée pour la route de Namur à Liège, l'a été pour d'autres routes et notamment pour les chemins de fer de Jurbise à Tournay et de St Trond à Hasselt. Je ne suppose pas que M. le ministre ait pu prendre sur lui de permettre une pareille substitution, car ici, évidemment il y aurait lésion des intérêts du trésor. Vous savez, messieurs, que l'exécution de la route de Tournay à Jurbise a été entreprise par les directeurs de la société concessionnaire, moyennant la somme de 12,500,000 fr. J'ai fait ressortir les avantages pécuniaires considérables qui devaient résulter pour les directeurs de la compagnie, d'un pareil marché. D'après le devis de M. l'ingénieur Desart, les billes sur cette route doivent être en chêne, et si M. le ministre autorisait ici la substitution du sapin au chêne, il donnerait par là un nouvel avantage aux entrepreneurs qui ne sont autres que les directeurs de la compagnie, et cet avantage, remarquez-le bien, messieurs, leur serait accordé au détriment direct du trésor public. En effet, le gouvernement esl chargé de l'entretien de la route, et si les billes ne durent que quelques années, l'économie que les directeurs de la société auraient faite en employant du sapin, retomberait à charge de l'Etat qui doit renouveler les billes. Voilà, messieurs, une observation qui ne doit pas échapper à l'attention de M. le ministre. Je le répète, si la substitution du sapin au chêne était permise pour cette route, il y aurait lésion directe des intérêts du trésor, à moins que les entrepreneurs ne consentissent à indemniser l'Etat de la perte que cette substitution lui causerait.

M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je crois avoir déclaré qu'il n'avait été pris qu'une décision isolée, décision environnée elle-même de restrictions. Je crois pouvoir renouveler cette déclaration et je crois pouvoir ajouter que pour les chemins de fer de Tournay à Jurbise et de Saint-Trond à Hasselt, le cahier des charges exige des billes de fondation en chêne, et que le gouvernement exigera qu'il soit satisfait a cette prescription. Ici, messieurs, comme l'a fort bien fait remarquer l'honorable préopinant, la position est toute différente ; il ne s'agit pas d'une route à exploiter par une société concessionnaire pendant 90 ans, et à entretenir par cette société pendant le même laps de temps ; ici c'est un travail à faire et à remettre au gouvernement qui est chargé de l'exploitation et de l'entretien. Ici l'intérêt du trésor exige évidemment que le gouvernement prescrive l'emploi de billes en chêne, et cet emploi est en effet prescrit.

M. de Garcia. - Messieurs, la discussion actuelle me semble réellement manquer de base. En effet, le cahier des charges n'est pas produit, et dès lors impossible d'apprécier justement la légalité du fait qui fait l'objet de la motion d'ordre. L'on dit à la vérité que, dans l'espèce, les billes devaient être d'essence de chêne, mais ce fait n'est pas établi, et j'ai lieu de croire qu'il en est autrement. Je tiens ici un cahier des charges d'un chemin de fer, et je n'y vois pas la clause qu'on prétend exister dans le cahier de charges du chemin de fer de Namur à Liège. Dans le document que j'ai sous la main, je rencontre à peu près les expressions que M. le ministre prétend exister dans le cahier de charges dont s'agit. C'est le cahier des charges du chemin de fer de Wavre à Manage. Voici, messieurs, ce qu'il porte :

« Tous les ouvrages, sans distinction, pourront être construits avec les matériaux en usage dans les travaux publics des mêmes localités, sous la (page 1323) seule condition que ces matériaux seront, chacun dans son espèce, de la meilleure qualité, et qu'ils seront mis en oeuvre d'après les règles de l'art, de manière à garantir la solidité et la durée des ouvrages. »

Sciemment et impartialement interprétée, cette clause ne me paraît nullement comporter l'exclusion de toute autre essence de bois que celle de chêne. Au surplus, messieurs, si de pareilles clauses peuvent exister dans des concessions à longs termes, j'ai la conviction intime que d'ici à peu de temps elles ne pourront recevoir leurs effets, et sans m'exposer en rien, je crois pouvoir prédire que d'ici à peu d'années, les billes en chêne et en bois du pays feront défaut tant aux chemins de fer de l'Etat qu'à ceux concédés. En présence de la multiplicité de nos lignes ferrées, il est incontestable que dans un avenir assez rapproché, les forêts du pays ne fourniront plus les billes dont on aura besoin.

Lors de la discussion de la loi des droits différentiels, j'ai été partisan d'une certaine protection en faveur des bois du pays ; mais je ne veux pas d'une protection exagérée, et ils est possible qu'un jour je devrai consentir à ce que, dans l'intérêt public et dans celui de nos chemins de fer, les portes du pays soient ouvertes au bois étranger : mais je m'étonne que les membres qui, dans cette circonstance, demandent qu'on fasse usage du bois de chêne et du bois national, soient précisément ceux qui se sont montrés les adversaires de la protection que l'on a accordée à nos propriétés forestières.

Quoi qu'il en soit, si la clause du chemin de fer de Liège vers Namur est conçue comme celle que j'ai sous les yeux, je crois que le gouvernement, en usant de la faculté qu'on semble vouloir lui contester, n'a pas outrepassé le cahier des charges.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il me semble qu'on discute sans base jusqu'à présent ; je crois qu'il vaudrait mieux remettre les explications de M. le ministre des travaux publics, lorsqu'on discutera le projet de canal ; M. le ministre des travaux publics pourra alors faire connaître la clause du cahier des charges.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère des finances de l'exercice 1846

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Malou) dépose un projet de loi tendant à accorder au département des finances, sur l'exercice 1846, un crédit supplémentaire de 80,000 fr. pour le service de la monnaie.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué.

Sur la proposition de M. le ministre des finances, la chambre renvoie le projet à l'examen de la section centrale du budget du département des finances.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1846

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Statistique générale

Article 2

M. le président. - La discussion continue sur l'article 2 du chapitre III.

(page 1335) M. Lebeau. - Messieurs, je demande à la chambre la permission de présenter encore quelques observations sur l'article qui est actuellement en discussion et que je regarde comme étant d'une très haute importance, opinion qui semble être partagée par la chambre, puisqu'elle n'a pas voulu clore le débat hier.

Je voudrais qu'on fût bien fixé, et surtout qu'on le fût au banc des ministres, sur le sens que nous attachons au vote que nous allons émettre et qui, je l'espère, sera conforme à celui de la section centrale.

La section centrale a résumé dans les termes suivants les motifs de l'allocation de 250,000 fr., qu'elle a substituée à la demande de 60,000 fr. faite par le gouvernement.

« M. le ministre, dit-elle, n'a pu prendre d'engagement quant à l'époque où pourrait être terminé le recensement. La section centrale compte cependant qu'en mettant à la disposition du gouvernement la somme nécessaire pour poursuivre cette opération avec activité, il pourra être fait dans les premiers mois de 1847, si pas un dépouillement complet des bulletins, au moins un relevé numérique de la population qui en fasse connaître le chiffre exact. »

Vous voyez quel est le vœu de la section centrale, et quel est le but qu'elle veut atteindre, en proposant d'augmenter de 190,000 fr. le chiffre du gouvernement, qui ne proposait que 60,0 0 fr.

La commission centrale de statistique elle-même, tout en reconnaissant les difficultés qui pouvaient entraver le travail du recensement de la population, s'est exprimée de la manière suivante sur la possibilité d'atteindre au même résultat.

« Si le gouvernement désire, dit-elle, faire usage des résultats du recensement de la population, de manière à pouvoir le faire servir de base aux élections du mois de juin 1847, il faut nécessairement que ce recensement puisse se faire dans un délai aussi rapproché que possible ; ce n'est qu'a cette condition que les résultats en pourront être exactement connus dans les premiers mois de 1847. »

Ainsi la commission de statistique, d'accord avec le vœu de la section centrale estime que le dénombrement de la population peut être achevé assez tôt pour qu'on puisse en tirer parti, en cas de présentation d'un projet de loi, tendant à mettre le nombre des membres des chambres législatives en rapport avec le chiffre de la population du royaume.

Il va de soi que la commission, de même que la section centrale, n'a pu entendre, en parlant de la connaissance du chiffre exact de la population, qu'un résultat en bloc, ne comprenant pas les différentes subdivisions que j'ai indiquées hier, subdivisions qui sont très utiles, indispensables, au point de vue de la science et même de l'administration générale, mais qui demanderont du temps pour être exactement relevées et qui sont complétement oiseuses quant au but spécial que la commission de statistique et la section centrale avaient chacune en vue en parlant des élections de 1847.

Je dois dire que dans des entretiens particuliers que j'ai eus avec plusieurs membres distingués de la commission centrale de statistique, ces messieurs ne mettent pas en doute que, réduite aux proportions que je viens d'indiquer, cette première opération, qui n'exclut pas un travail ultérieur plus complet, est très facile, et qu'elle demanderait tout au plus deux mois à deux mois et demi. Par conséquent, si l'on procédait au dénombrement de la population, soit le 1er octobre, soit le 1er novembre, soit même un peu plus tard encore, il y a lieu de penser que les résultats en seraient acquis au gouvernement et aux chambres, de manière à profiter à la présentation et à la discussion d'une loi de la nature de celle dont j'ai déjà parlé.

Nous ne sommes pas sans doute trop exigeants, en demandant que le recensement de la population ne soit plus retardé. Déjà, en 1845, la chambre, d'accord avec le gouvernement, a exprimé le vœu que l'opération fût commencée : elle a, en effet, voté une première somme sans discussion.

Il n'y a pas d'exemple qu'on ait retardé des dénombrements de population autant que celui auquel on va procéder, il en a été fait dans notre pays en 1806, en 1811, en 1816 et en 1829 ; il devait en être fait un en 1839, cela était formellement prescrit ; je ne sais pourquoi le dénombrement qui devait être fait en 1839 a été ajourné, mais il a été ajourne à un très long terme sur la proposition même de l'honorable M. de Theux.

L'urgence de la mesure, ce n'est pas moi qui la proclame. Voici comment M. Nothomb, dans un rapport qu'il présentait au Roi, à l'appui des tableaux qui sont annuellement distribués, s'exprimait dès le mois de mars 1842.

« Persuadé de la nécessité de procéder à un nouveau recensement général de la population, je saisis cette occasion pour informer V. M. que j'aurai l'honneur de lui soumettre des propositions à cet égard, dès que la commission centrale de statistique aura terminé les travaux qu'elle a entrepris à titre d'essai sur le recensement qui vient d'être fait dans le capitale du royaume. »

Il y avait d'autant plus de raison de s'exprimer ainsi que dans le dénombrement de 1829 qui, depuis, a servi de point de départ aux calculs de la population, la commission de statistique accuse des omissions, à peu près dans la proportion d'un dixième.

Et ces omissions sont faciles à concevoir. En effet, ce recensement semble avoir été particulièrement prescrit dans un but fiscal ; l'on comprend dès lors quelle force d'inertie ont dû y opposer beaucoup d'administrations locales : il s'agissait, pour plusieurs d'entre elles, d'éviter de passer dans une classe supérieure, non seulement pour la milice, mais pour l'impôt des patentes et celui des portes et des fenêtres, et du personnel ; on conçoit, après cela, une espèce de conspiration de la part de beaucoup d'administrations locales pour dissimuler le chiffre vrai de la population dont la révélation aurait pu avoir de pareilles conséquences.

La commission de statistique déclare qu'après les recherches les plus approfondies, elle a lieu de penser que dans le recensement de 1829, il y a eu omission à peu près d'un dixième de la population existant alors.

Le gouvernement doit comprendre qu'a ce nouveau point de vue, un intérêt très important est engagé ici, celui du trésor public, celui des finances de l'Etat ; il est évident que s'il y a eu une si grande dissimulation dans le chiffre de la population, il y a, de ce chef, une réduction notable sur le chiffre auquel devraient s'élever la contribution personnelle, l'impôt des patentes ; et que probablement aussi il y a, quant à la milice, des inégalités choquantes, des injustices, aux dépens des administrations qui ont fait des déclarations sincères.

Il y a quelque chose de plus actuel à faire remarquer. On a présenté à la chambre une loi sur les notaires ; or on ne pourrait pas la discuter en l'absence d'un recensement. Evidemment dans l'opinion de M. le ministre de la justice, le nombre des notaires propose est basé sur la population des différentes juridictions judiciaires ou administratives ; cette base, nous ne la connaissons pas ; elle a été faussée dans le seul dénombrement qui nous reste, et elle ne peut être rectifiée que par un dénombrement nouveau. Par conséquent, pour la fixation des notaires, vous seriez dans la plus grande incertitude sur la base, telle que la loi organique du 25 ventôse an XI, qu'on dit vouloir respecter, l'a établie.

Je n'ai plus besoin d'insister sur ce fait, que si on lie intimement, indissolublement l'opération, d'ailleurs très utile, de la statistique agricole et industrielle, au dénombrement de la population, il est clair qu'on renvoie à 4 ou 5 ans ce dénombrement même.

Il est de fait que si on insistait pour que ces trois opérations se fissent à la fois, non seulement sur les lieux, mais dans les bureaux, elles restassent indissolublement unies à toutes leurs phases, c'est comme si on disait que nous voulons renvoyer à 5, 6 ou 7 ans la fin des opérations du dénombrement de la population. Les appréhensions que manifestait en 1842 l'honorable M. Sigart, appréhensions dont l'expression seule offensait la susceptibilité de l'honorable M. Nothomb, ces appréhensions seraient complétement justifiées si on ne procédait pas immédiatement au dénombrement de la population, de manière à en offrir d'abord le résultat brut, le résultat purement numérique.

Lorsqu'on a voté pour la première fois un chiffre destine à faire face aux dépenses du dénombrement, on n'a parlé que de la population ; c'est seulement vers le milieu de 1845 que l'idée de lier les trois opération a germé dans quelques têtes ; c'est partant de cette idée que les trois opérations étaient indivisibles, qu'on en est venu à demander un ajournement presque indéfini à cause du manque de récolte des pommes de terre. Aurait-on vu là un expédient envoyé par la Providence au secours de ceux qui ne veulent pas du dénombrement de la population ? L'obstacle qu'on y verrait pour la statistique agricole n'aurait pas disparu en 1847 ; je ne crois pas que la marche régulière de la production agricole soit complétement remise de la crise de l'année dernière avant plusieurs années ; ce serait donc peut-être un ajournement indéfini, que de lier la statistique de la population à la statistique agricole. Je sais qu'on peut différer d'opinion sur l'urgence de la mesure ; j'ai entendu l'honorable comte de Mérode se récrier contre l'impatience avec laquelle on paraît vouloir, pour me servir à peu près de son langage, fabriquer de nouveaux instruments législatifs. Impatience pour impatience, je comprendrais plutôt l'impatiente de fabriquer de nouveaux législateurs, que celle de fabriquer de nouveaux notaires.

Les nouveaux législateurs sont demandés par le pays ; ils sont demandés en très bons termes, avec de très solides arguments, tandis que pour les nouvelles institutions de charges de notaires, je n'ai pas vu qu’elles aient été demandées par qui que ce soit. Les notaires eux-mêmes ne les ont pas (page 1336) demandées, je le comprends très bien ; mais les corps judiciaires, les corps administratifs les ont-ils demandées ? Des particuliers même se sont-ils adressés à vous pour vous manifester le besoin, l'extrême urgence d'une aussi grande augmentation de notaires ?

Il m'est donc permis de m'étonner à mon tour qu'à propos d'urgence et en égard aux travaux dont nous sommes chargés, on trouve que nous avons mauvaise grâce à la présenter comme militant en faveur du projet dont il s'agit, quand on vient la proclamer à propos d'une nouvelle et considérable fabrication de notaires que personne ne réclame, et que cette urgence se révèle tout à coup au point de faire donner la priorité à ce projet inattendu sur l'examen du projet de loi d'enseignement moyen dans les sections.

Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Fleussu. - Cela a eu lieu dans ma section.

M. Lebeau. - C'est tellement vrai que cet empressement est l'objet des plus singulières conjectures, à tel point que, hors de cette chambre, cette loi est tout simplement qualifiée d'expédient électoral.

M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est votre projet de 1834.

Un membre. - Non pas quant au nombre des notaires.

M. Lebeau. - J'ai dit que des réclamations s'étaient fait entendre en faveur de l'augmentation du nombre des représentants. Déjà le conseil d'une des provinces les plus éclairées, les plus populeuses, les plus intéressantes du pays, s'est adressée au gouvernement ; je prends la liberté de rappeler à la chambre ce qui s'est passé dans la dernière session du conseil de cette province ; il s'agit du Hainaut.

Un membre du conseil provincial du Hainaut a proposé dans la dernière session le projet de résolution suivant :

« Le conseil, vu les articles 45 et 53 de la Constitution ;

« Vu l'article 55 de la loi électorale de 1831 qui a fixé les membres de la représentation nationale, ainsi qu'il suit :

« Pour la chambre des représentants, 102

« Pour le sénat, 51

« Vu la loi du 3 juin 1839 qui par les modifications apportées à la loi électorale pour les provinces de Limbourg et de Luxembourg a réduit le nombre total des représentants à 95 et celui des sénateurs à 47.

« Considérant que la population du royaume était au 1er janvier 1814 de 4,213,805 habitants et que, sur cette base, le nombre des représentants doit être élevé à 105 et celui des sénateurs à 52, pour minimum, aux termes de l'article 49 de la Constitution.

« Que dans la nouvelle répartition à faire entre les provinces, le Hainaut, d'après sa population actuelle, aurait droit à 17 représentants, au lieu de 15, et à 9 sénateurs au lieu de 7.

« Arrête :

« La députation permanente est chargée de renouveler au gouvernement le vœu émis dans les deux sessions précédentes, pour une répartition nouvelle des représentants et des sénateurs du royaume, d'après la population effective des provinces et de solliciter, à cet effet, la présentation, aux chambres, pendant la session de 1845-1846, d'un projet de loi qui assigne aux provinces respectives, dans la représentation nationale, la part indiquée au tableau suivant, sur pied des relevés officiels de population au 31 décembre 1843. »

L'auteur de la proposition, M. le comte Lehon, se livre ensuite à diverses considérations et à des calculs dignes du plus grand intérêt. Le journal qui la rapporte termine ainsi le compte-rendu de la séance du conseil provincial du 18 juillet 1845.

« L'honorable membre présente quelques autres observations sur les griefs comparatifs de chaque province et sur les avantages privilégiés du Limbourg et du Luxembourg qui, depuis six ans, ont à la chambre un de leurs députés, la première, pour 17,184 habitants, la seconde, pour 20,709, tandis que tant d'autres provinces en sont privées, le Brabant pour 94,738 habitants, le Hainaut pour 79,536, la Flandre orientale pour 79,428.

« La proposition, mise aux voix, est adoptée à l'unanimité. »

Il paraît que c'était la troisième fois qu'on s'adressait au gouvernement. Comme je n'ai pas l'honneur de faire partie de l'administration, je ne sais pas quelle décision le gouvernement a fait connaître à cette assemblée ou à ceux qui étaient chargés de la représenter.

L'auteur de la motion faisait ressortir les augmentations de représentants et de sénateurs, qui devraient avoir lieu par province ; mais il a basé son travail sur l'état de la population au 3l décembre 1843. J'ai fait le même travail, mais d'après l'état de la population au 31 décembre 1844, dernier document officiel communiqué par le gouvernement ; voici quels sont les résultats auxquels je suis arrivé.

J'ai basé mes opérations sur les principes de la loi électorale de 1831 qui, dans la répartition entre les provinces et dans la sous-répartition entre les districts, a eu, en général, égard, pour la fixation du nombre des représentants et des sénateurs, aux fractions de chiffres les plus élevées, c'est-à-dire qui s'approchent le plus tantôt de 40,000 âmes, tantôt de 80,000, selon qu'il s'agit de cette chambre ou du sénat.

(Note du webmaster : les tableaux en question ne sont pas repris dans la présente version numérisée. Globalement, ils concluent au fait que le nombre d’élus devraient passés par province de :

Anvers : députés : de 9 à 10 (+1) ; sénateurs : de 4 à 5 (+1)

Brabant : députés : de 14 à 17 (+3) ; sénateurs : de 7 à 8 (+1)

Flandre occidentale : députés : de 15 à 16 (+1) ; sénateurs : de 8 à 8 (+0)

Flandre orientale : députés : de 18 à 20 (+2) ; sénateurs : de 9 à 10 (+1)

Hainaut : députés : de 15 à 17 (+2) ; sénateurs : de 7 à 9 (+2)

Liége : députés : de 9 à 11 (+2) ; sénateurs : de 5 à 6 (+1)

Limbourg : députés : de 5 à 4 (-1) ; sénateurs : de 2 à 2 (+0)

Luxembourg : députés : de 5 à 5 (+0) ; sénateurs : de 2 à 2 (+0)

Namur : députés : de 5 à 6 (+1) ; sénateurs : de 3 à 3 (+0)

Total : députés : de 95 à 106 (+11) ; sénateurs : de 47 à 53 (+6))

(page 1338) Je prie la chambre de remarquer que ces résultats sont basés sur la population arrêtée au 31 décembre 1844. Nous pourrions connaître déjà, je pense, l'étal de la population au 31 décembre 1845 ; je crois que les documents sont à l'impression ; je conçois que l'impression en soit lente, c'est un travail difficile et ordinairement très soigné.

Je ne m'arrêterai pas sur une considération spéciale et assez étrange, ce serait indigne de moi et des ministres intéressés, à savoir, que la province du Limbourg, et notamment le district de Hasselt, n'a pas à gagner à cette mesure, que le district d'Ath n'a rien à y gagner non plus ; qu'il en est de même des districts de Louvain et d'Ypres.

Je veux croire au contraire que c'est une raison de plus pour espérer que MM. les ministres, se plaçant au-dessus de l'offensante supposition qu'ils se laisseraient préoccuper par un mesquin intérêt de localité ou de personne, apporteront tout le zèle et toute l'ardeur dont ils sont capables dans les opérations qui doivent les mettre à même de nous présenter la loi concernant l'augmentation du nombre des membres des deux chambres. J'ose croire que MM. les ministres ne me feront pas repentir de leur avoir témoigné la bonne opinion que je viens d'exprimer.

L'honorable M. de Theux a manifesté un scrupule que je regarde comme très fondé relativement à ce qui devrait arriver dans le cas de l'augmentation du nombre des membres des chambres législatives. Je vais y répondre, en faisant remarquer que ce scrupule s'appliquerait à toutes les époques.

M. le ministre a parlé de la prépondérance momentanée que pourraient acquérir certaines provinces ; c'est-à-dire, messieurs, que les provinces appelées à élire en 1847 jouiraient toutes de l'avantage de l'accroissement du nombre, tandis que les autres provinces qui ne seraient pas dans la série appelée à élire en 1847, seraient forcées d'attendre deux ans avant de participer à l'avantage du nouveau nombre, et que l'équilibre serait ainsi rompu entre les provinces.

Je crois, messieurs, qu'il y a deux moyens de maintenir cet équilibre. Le premier, c'est la dissolution ; mais comme la dissolution, même sans caractère politique, pourrait encore faire peur à certains esprits, je crois que dans le cas dont nous nous occupons, il serait très légitime de dire que les députés nouveaux attribués aux provinces qui appartiennent à la série non sortante en 1847, seraient élus pour deux ans, qu'ils feraient partie de la série sortant dans deux ans. Il n'y aurait là rien que de rationnel et de légal. Voilà donc un moyen très simple qui ne peut effrayer personne, comme semble le faire le moyen de la dissolution.

Il y a une raison nouvelle et toute spéciale pour que la loi produise ses effets aux élections de juin 1847 ; c'est qu'il y aura aussi à cette époque des élections sénatoriales ; les électeurs devront aussi se réunir pour élire des sénateurs. C'est encore là une question d'opportunité qui n'est pas à dédaigner.

Dirai-je un mot, avant de finir, de l'opinion exprimée par l'honorable M. Orban, que la loi électorale avait en quelque sorte tout terminé sur la question du nombre lorsqu’en 1831 on avait annexé le tableau des représentants et des sénateurs à la loi organique ? L'honorable M. Orban a complétement perdu de vue, messieurs, que le congrès n'a pas voulu et que nous n'avons ici ni le système anglais ni le système français ; nous avons adopté véritablement un tout autre système ; c'est le système de la représentation par population, système qui prévaut dans d'autres pays et notamment aux Etats-Unis d'Amérique, que le congrès belge a sanctionné. Voyez la Constitution : « Art. 49. La loi électorale fixe le nombre de députés d'après la population. Ce nombre ne peut excéder la proportion d'un député sur 40,000 habitants.» La loi électorale fixe donc le nombre de députés d'après la population. Mais la population est un élément essentiellement variable. Ainsi, supposez que notre jeune Belgique, sous l'influence de ses institutions libérales, d'une bonne administration et d'une longue paix européenne, développe toutes les ressources, toutes les richesses, toute la fécondité qu'elle renferme dans son sein, et voie sa population se doubler, se tripler dans une période plus ou moins rapprochée ; elle devrait donc conserver la même représentation. Si la population belge s'élevait un jour à 12 millions, il faudrait qu'elle conservât sa représentation de 1831, basée sur une population de 4 millions ! Cela, messieurs, n'est pas soutenable. Evidemment il y aurait alors d'autres intérêts qui demanderaient de nouveaux organes. Les développements seuls de l'agriculture et de l'industrie créent de nouveaux intérêts, auxquels, pour rester fidèle à l'esprit de la Constitution de 1831, il faut créer de nouveaux organes.

C'est ainsi qu'en Amérique, où le principe de la représentation par population a été écrit comme chez nous dans les lois constitutionnelles, on a prescrit qu'après une période donnée, huit ou dix ans, le nombre des membres des chambres serait augmenté en proportion de la population. Aussi le congrès des Etats-Unis est-il aujourd'hui au moins quadruple de ce qu'il était du temps de l'illustre Washington.

Non seulement la constitution fédérale des Etats-Unis a prévu, avec le cas de l'augmentation de la population, la nécessité de modifier la composition des chambres législatives, mais les constitutions des différents Etats l'ont prévue. Je citerai la constitution de l'Etat de New-York, la constitution de l'Etat de Pennsylvanie. Je pourrais en citer d'autres, et mettre les textes sous vos yeux ; mais je ne veux pas abuser des moments de la chambre.

On comprend parfaitement bien que quand le législateur a posé, pour base de la représentation nationale, la population, élément essentiellement variable, il faut, après une période donnée, mettre les conséquences en harmonie avec le principe.

Le système contraire, le système préconisé par l'honorable M. Orban, savez-vous, messieurs, ou il conduit ? Il conduit directement au système des bourgs pourris.

Supposez, par exemple, un arrondissement, une province, qui, riche aujourd'hui, favorisé par certaines circonstances, ait obtenu, en raison de sa population, un nombre déterminé de députés basé sur cette population. Supposez que cette province ou ce district, frappé de circonstances fatales, de circonstances qui ont pesé alternativement dans différents siècles sur certaines localités, s'appauvrisse, que sa population émigré. Supposez qu'à côté un province ou un district pauvre d'abord, devienne par la naissance ou le développement dans son sein de diverses sources d'industrie, par de nouvelles voies fluviales, par de nouvelles voies de communication, par la découverte de grandes richesses minérales, devienne à son tour riche et qu'il voie sa population doubler, tripler, quadrupler en quelques années, comme on l'a vu dans certains comtés de l'Angleterre, comme on l'a vu, surtout aux Etats-Unis d'Amérique ; il résulterait du système de M. le rapporteur que le district le plus pauvre, le district devenu sans population, conserverait la même représentation, alors que le district le plus riche, celui dont la population serait quadruplée, resterait avec le seul député que la loi de 1831 lui aurait attribué.

Voilà, messieurs, où conduit le système de l'honorable M. Orban. Il conduit directement au système des bourgs pourris, contre lequel toute l'Angleterre s'est soulevée il y a dix ou douze ans.

Nous avons d'ailleurs, messieurs, la démonstration la plus positive de la manière dont il faut entendre l'article 51 de la constitution par l'application qui en a été faite par le congrès lui-même. Le congrès s'est arrêté où ? A la limite extrême. Chaque fois qu'un district a pu prouver que la population allait à 40,000 âmes ou même en approchait et surpassait sur ce point celle d'un district voisin, on lui a attribué un député. Quand il a eu 80,000 âmes, ou qu il a approché de ce chiffre plus qu'un autre, ou lui a donné un sénateur.

Dans la loi de 1839, après la réduction du territoire, quand on a été forcé de réviser la loi électorale, on a encore maintenu la limite extrême ; à tel point qu'on a franchi cette limite, et notamment en faveur du Limbourg qui a obtenu un député de plus que bien certainement il n'avait le droit d'obtenir.

Je n'ai pas besoin d'insister, messieurs, sur cette considération si vraie, si puissante, sans pourtant vouloir pousser les choses à l'extrême, sans vouloir la cohue, que plus une assemblée est nombreuse, plus il y a de chances d'y trouver des lumières, plus il y a de chances que tous les intérêts du pays soient convenablement représentés, plus il y a de chances que la Couronne puisse facilement y trouver les éléments de son conseil, moins il y a de chances de corruption.

Et par exemple, chacun se rappelle quel patriotisme, quelle sagesse ont présidé aux actes de notre mémorable assemblée constituante. Nous sommes encore certainement loin de voir la chambre des représentants portée à 200 membres. Mais je crois que par l'expérience de ce qui a été fait lorsque la législature atteignait ce nombre, on peut être pleinement rassuré sur les conséquences de la loi que nous sollicitons.

Messieurs, ce n'est pas ici une loi de parti. Si vous prétendez, si vous croyez sincèrement, vous membres de la majorité, que votre opinion a de la popularité dans le pays, que votre opinion domine dans le pays, et vous devez le soutenir, sans cela vous reconnaîtriez que vous n'avez pas le droit de gouverner ; si vous reconnaissez que votre opinion est la plus nationale, vous devez nous aider dans les efforts que nous faisons pour augmenter, pour compléter la représentation. Ceci n'est pas une loi qui puise sa raison d'être dans l'intérêt d'un parti ; c'est une loi d'intérêt éminemment national, et l'opinion qui refuserait de s'associer au vœu que j'émets pour que la Constitution, pour que l'esprit de la Constitution soit obéi dans cette circonstance, après une intervalle aussi long, après seize ans d'inaction, l'opinion qui repousserait ce vœu, avouerait elle-même qu'elle a peur du pays, qu'elle n'est pas la représentation du pays, et qu'elle a perdu le droit de le gouverner.

(page 1323) M. le président. - La parole est à M. Fleussu.

M. Fleussu. - Messieurs, j'avais préparé un travail tout à fait analogue à celui qui vient de vous être présenté par l'honorable M. Lebeau. La manière dont il l'a présenté et les observations dont il l'a accompagné m'engagent à renoncer à la parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, dès le début de la discussion sur cet article, je n'ai pas hésité un instant à déclarer que je me ralliais entièrement aux conclusions de la section centrale. Mais, messieurs, je dois le faire remarquer, l'honorable M. Lebeau a mal compris le rapport de la section centrale. Il pense que cette section invite le gouvernement à disjoindre le recensement de la population du recensement de l'industrie et de l'agriculture. C'est là une erreur, je vais le prouver.

M. Lebeau. - N'importe ; je n'y attache pas de prix.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - L'honorable membre me dit qu'il n'y attache pas de prix ; alors je n'insisterai pas sur ce point.

Mais je déclare que je suis entièrement d'accord avec la commission de statistique, avec mon honorable prédécesseur M. Van de Weyer, avec la section centrale, que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir, au moyen des mesures administratives, pour hâter la conclusion de ce travail, et que j'en communiquerai immédiatement le résultat à la chambre, comme le désire l'honorable préopinant, sans qu'on ait fait le relevé des individus appartenant à tel culte, à telle profession, etc., chose tout à fait indifférente pour la question à laquelle on s'est attaché dans cette circonstance.

D'après cela, si nous sommes d'accord avec l'honorable membre, je ne pousserai pas plus loin mes observations.

M. Manilius. - Messieurs, je désirerais que M. le ministre s'expliquât un peu plus clairement. Il fera tout ce qui est en son pouvoir, mais il peut être en son pouvoir de ne pas faire terminer à temps les opérations du recensement. Je demande qu'il nous promette qu'il fera tout ce qui sera en son pouvoir pour que le recensement ait lieu avant 1847, comme le demande la section centrale.

Moi aussi, messieurs, j'ai lu le rapport de la section centrale ; mais je n'en tire pas la même conclusion que l'honorable M. de Theux. La section centrale, comme la commission de statistique, témoigne le désir que les opérations du recensement soient terminées avant le mois de janvier 1847.

Messieurs, ce n'est pas ainsi que l'on doit satisfaire au vœu et à la volonté du pays. M. le ministre se renferme dans les avis qu'il a reçus de la commission de statistique. Mais je ne sais depuis quand M. le ministre a le droit de satisfaire au vœu d'une commission plutôt qu'au vœu du pays, au vœu de la section centrale qui émane de la chambre, qui émane de la nation. S'il y a des avis contraires à ce dernier vœu, ils ne doivent pas obtenir la préférence.

J'insiste donc de nouveau pour que M. le ministre nous promette qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour que le recensement de la population ait lieu de manière que le résultat puisse nous être présenté dans les premiers mois de 1847. Je n'en dirai pas davantage en ce moment. Mais si M. le ministre ne nous donnait pas la garantie morale que c'est là son intention, je demanderais formellement la division du chiffre en discussion pour que le dénombrement pût avoir lieu sans que la statistique y fût rattachée.

Le chiffre demandé pour le dénombrement de la population est de 60,000 fr. On a augmenté ce chiffre parce qu'on voulait que la statistique y fût rattachée. Mais sans explications plus catégoriques de M. le ministre, je demanderai la division. C'est d'ailleurs dans le vœu de la section centrale ; elle exprime l'intention de demander éventuellement la division.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Véritablement, après les observations que j'ai faites à la chambre, je dois croire que l'honorable préopinant n'a pas lu le rapport de la section centrale. Il m'est impossible de croire qu'il ait lu ce rapport, à moins que ce ne soit pour le plaisir de faire un discours d’opposition qu'il a pris la parole.

M. Manilius. - Je demande la parole.

M. Delfosse. - C'est inconvenant !

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Pardonnez-moi, ce n'est pas inconvenant. Car le rapport de la section centrale se rallie aux conclusions de la commission de statistique, auxquelles je me suis rallié moi-même. Que veut-on de plus ?

Et l’honorable préopinant prend la parole, comme si je repoussais la proposition de la section centrale, qui adopte les conclusions de la commission de statistique, lorsque je me rallie à la proposition de la section centrale.

M. de La Coste. - J'ai demandé la parole, uniquement pour donner une explication, comme membre de la section centrale, à l'honorable M. Manilius et à la chambre, qui a entendu ses paroles.

Nous avons examiné attentivement les avantages des deux modes.

La commission de statistique, le ministre et la section centrale ont fini par se convaincre qu'il était plus avantageux, non pas de disjoindre, mais de cumuler les opérations ; d'abord parce que cela coûterait 150,000 francs de moins, ensuite parce que la commission de statistique et le ministre nous ont déclaré que les opérations seraient ainsi plus exactes, parce que, ont dit la commission de statistique et M. Van de Weyer, ces différentes opérations se contrôleront l'une l'autre.

Ainsi ce n'est pas seulement pour économiser 150,000 fr. que ce mode a été adopté ; c'est surtout pour avoir une opération plus exacte. Cela est si vrai que c'est après ces explications que les membres de la section centrale, désirant avoir le recensement le plus prompt et le meilleur possible, ont pris le parti d'augmenter le crédit.

Quant à l'opinion de la section centrale, de la commission de statistique et du prédécesseur de M. le ministre, il n'y a pas, ce me semble, le moindre doute. Après avoir mûrement examiné, on a trouvé que pour avoir une opération non seulement plus complète, non seulement plus économique, mais plus exacte (ce qui est le plus grand point), il fallait réunir les opérations.

C'est après être arrivée à ces conclusions que la section centrale a voulu concourir à rendre les opérations aussi promptes que possible, tout en cumulant les opérations. Car s'il n'avait pas été question de les cumuler, on n'aurait pas augmenté le crédit. Cela est clair comme le jour.

C'est une question de fait où je suis parfaitement neutre, puisque je n'ai pas pris part au vote.

Je ne pense pas que cela puisse faire l'objet d'un doute.

L'honorable M. Delfosse, qui était présent, ne peut avoir entendu les choses autrement.

M. Manilius. - Je tiens à déclarer que, si j'ai pris la parole, ce n'était pas pour le plaisir de faire de l'opposition. Jamais je n'ai cédé à un pareil mobile. Lorsque je parle dans cette enceinte, c'est pour obéir aux devoirs que j'ai à remplir envers mes concitoyens de qui je tiens mon mandat.

Je n'ai pas lu le rapport, a dit M. le ministre. Je l'ai si bien lu que j'avais préparé un travail que je ne prétends nullement comparer, quant au mérite de la forme, au discours prononcé par l'honorable M. Lebeau ; mais qui, je puis le dire, avait, du moins, quant au fond, une portée analogue.

Veuillez, messieurs, lire la page 8 du rapport ; vous y verrez que si ce n'est pas dans les conclusions de la section centrale, au moins entrait-il dans ses vues d'imposer à M. le ministre la nécessité de disjoindre, si cela était exigé par la question de temps, pour satisfaire aux exigences, non seulement de la commission de statistique, mais de la loi communale elle-même, qui impose au gouvernement l'obligation de faire un dénombrement dans un terme de 12 ans. Ce terme approche. C'est pour cela qu'on demande que le dénombrement soit fait au commencement de 1847, afin que nous en connaissions les résultats dans le courant de 1847.

Je demande que l'honorable M. de Theux déclare qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour que le recensement soit terminé au commencement de 1847. Si, au lieu de m'accuser de parler pour le plaisir de faire de l'opposition, il avait fait cette déclaration, je n'aurais pas pris la parole. Je le prie de ne plus m'adresser de reproches de cette nature. Il n'en a pas le droit !

(page 1324) M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - J'adhérerai volontiers à la prière de l'honorable préopinant, mais c'est à la condition qu'il ne se méprendra plus ni sur ma pensée, ni sur mes paroles.

J’ai dit de la manière la plus expresse que je me référais aux conclusions de la section centrale, que je donnerais tous mes soins au recensement et à l'effectuer le plus promptement possible.

Il est impossible de s'expliquer d'une manière plus précise.

M. Delfosse. - Je me joins à l'honorable M. Manilius pour blâmer la supposition injurieuse que M. le ministre de l'intérieur s'est permise envers un membre de la chambre. M. le ministre de l'intérieur devrait moins que personne se permettre de dire qu'un membre de cette chambre prend la parole pour le seul plaisir de faire de l'opposition ; on devrait montrer plus d'égards pour la représentation nationale lorsqu'on a l'honneur de siéger dans les conseils de la Couronne.

Il fut un temps où l'on aurait pu dire que M. le ministre de l'intérieur prenait la parole pour le seul plaisir de faire de l'opposition ; c'est lorsqu'il se livrait, dans cette enceinte, à d'injustes accusations contre un fonctionnaire investi de la confiance du gouvernement, qui venait de recevoir une décoration en récompense de longs et d'honorables services. Quand on pousse l'oubli des convenances aussi loin que M. le ministre de l'intérieur l'a fait alors, on devrait se montrer beaucoup plus indulgent pour l'opposition.

L'honorable M. de la Coste, membre de la section centrale, a donné tantôt quelques explications qui sont très justes, mais qui ne sont pas entièrement complètes. Je n'en fais pas un reproche à cet honorable membre. Il n'a pas assisté à toutes les séances de la section centrale, où la question du recensement a été agitée.

Il est très vrai, comme l'a dit l'honorable M. de la Coste, que la majorité de la section centrale s'est ralliée à l'avis de M. le ministre de l'intérieur et à celui de la commission de statistique. La section centrale a reconnu l'avantage qu'il y aurait à ne pas disjoindre les opérations ; elle a reconnu qu'il serait utile de procéder simultanément au recensement et à la statistique agricole et industrielle. La simultanéité des opérations devait produire une économie d'environ 150,000 fr. et il en résultait eu outre plus de garantie d'exactitude, par le contrôle que chaque opération pourrait exercer sur les deux autres.

Mais ce n'est pas parce que la section centrale a eu sur ce point une opinion conforme à celle de M. le ministre de l'intérieur et de la commission de statistique, qu'elle a proposé une augmentation de la somme portée au budget ; en effet, lorsque M. le ministre de l'intérieur avait demandé 60,000 francs, il était déjà d'avis que toutes les opérations devaient s'effectuer simultanément. Il demandait cette somme pour les travaux préparatoires d'opérations qui, dans son opinion, devaient être simultanées.

Si la section centrale a augmenté le chiffre de l'allocation, ce n'est pas, je le répète, parce qu'elle était d'une opinion conforme à celle du ministre en ce qui concerne la simultanéité des opérations. Si elle n'avait eu que ce motif, elle n'aurait pas eu de raison pour changer le chiffre. Si elle augmenté l'allocation c'est parce qu'elle désirait qu'on ne se bornât pas à effectuer des travaux préparatoires dans le cours de l'année 1846, c'est parce qu'elle désirait que le résultat du recensement fût connu au commencement de 1847, afin qu'il fût être pris en considération pour les prochaines élections aux chambres, afin qu'il pût des lors possible de mettre le chiffre de la représentation nationale en harmonie avec le chiffre de la population.

Voilà quel a été le vœu, voilà quel a été le but de la section centrale ; si tel n'avait pas été son vœu, si tel n'avait pas été son but, elle n'aurait certes pas touché à l'allocation que M. le ministre de l'intérieur avait primitivement portée au budget.

Je pense, messieurs, que les explications que je viens de donner sont bien claires : elles ne laissent aucun doute sur les intentions de la section centrale.

Il va sans dire, messieurs, que lorsque je parle de la section centrale, c'est de la majorité que j'entends parler, il est possible que l'honorable M. de La Coste, il est possible que l'honorable M. Orban n'aient pas eu les mêmes intentions, le même but que nous ; l'honorable M. Orban prétendait hier qu'il avait été de la minorité. Je ne m'en suis pas aperçu ; je ne puis que répéter ce que j'ai dit hier, que je n'ai aucun souvenir de l'opposition que l'honorable M. Orban prétendait avoir faite au sein de la section centrale.

M. de La Coste. - L'honorable M. Delfosse a donné à peu près l'explication que je réclamais.

Je me bornerai donc à lire les conclusions, en ce qui concerne la disposition :

« Par ces diverses considérations, la commission centrale a l'honneur de vous proposer de faire porter à 250,000 fr. l'allocation demandée au budget de votre département pour l'exercice 1846, laquelle, jointe aux 15,000 fr. déjà votés au budget de 1845, permettra de procéder immédiatement au recensement général appliqué à la population, à l'agriculture et à l'industrie. »

Telles sont les conclusions de la commission de statistique.

Suivent celles du ministre :

« M. le ministre a fait connaître en même temps à la section centrale qu'il partageait l'avis exprimé dans le rapport de la commission de statistique, sur les inconvénients attachés à la disjonction. »

Voici maintenant l'avis de la section centrale sur le même point.

« La section centrale pense également qu'eu égard à l'augmentation de dépense qui en résulterait, il n'y a pas lieu de disjoindre les opérations. »

Ces citations suffisent pour justifier mes observations.

M. Delfosse. - Je disais tantôt que les explications de l'honorable membre n'étaient pas complètes. Je dois dire la même chose de la citation qu'il vient de faire.

L'honorable membre aurait dû lire le dernier paragraphe de la page 11, qui est ainsi conçu :

« M. le ministre n'a pas pu prendre d'engagement quant à l'époque où pourrait être terminé le recensement. La section centrale compte cependant qu'en mettant à la disposition du gouvernement les sommes nécessaires pour poursuivre cette opération avec activité, il pourra être fait dans les premiers mois de 1847, si pas un dépouillement complet des bulletins, au moins un relevé numérique de la population qui en fasse connaître le chiffre exact. »

Ce paragraphe exprime bien clairement la pensée de la section centrale.

(page 1338) M. Lebeau. - Je lis dans le rapport de la section centrale le passage suivant :

« La section centrale compte cependant qu'en mettant à la disposition du gouvernement les sommes nécessaires pour poursuivre cette opération avec activité, il pourra être fait dans les premiers mois de 1847 (ce qui fait supposer qu'on commencera auparavant), si pas un dépouillement complet des bulletins (ce dont nous n'avons pas besoin), au moins un relevé numérique de la population qui en fasse connaître le chiffre exact. »

Voilà le vœu de la section centrale. Eh bien, nous sommes d'accord avec elle.

(page 1324) M. de Garcia. - Je désire, messieurs, faire connaître en peu de mots ma manière de voir sur la question soulevée à propos de l'article en discussion. Quant à moi, je désire aussi et j'appuie de toutes mes forces un recensement le plus prochain possible, afin qu'on puisse coordonner le nombre des membres de la représentation nationale avec le chiffre de la population. Je ne considère pas un acte semblable comme constituant une mesure de réforme électorale ; évidemment elle n'est et ne peut être envisagée que comme l'application d'un principe posé dans la Constitution. J'engage donc de toutes mes forces le gouvernement à satisfaire aux vœux qui ont été exprimés dans cette enceinte, et, comme on l'a dit, je suis convaincu que si un membre de cette assemblée, lorsque le recensement sera terminé, prenait l'initiative d'un projet de loi dans le sens que je viens d'indiquer, je suis convaincu, dis-je, que ce projet serait accueilli par une immense majorité.

Comme on l'a dit fort justement, ce n'est point ici une question de parti ; mais voulût-on lui donner cette portée, elle n'en devrait pas moins être résolue conformément à la Constitution, car tous les partis doivent vouloir une représentation nationale telle qu'elle est organisée par le pacte fondamental. Quant à moi, je n'en veux pas d'autre.

Messieurs, si pour atteindre ce but l'on doit vouloir le recensement le plus prompt possible, il ne faut pourtant pas perdre de vue d'autres matières qui se rattachent à l'article en discussion. Je désire que l'on fasse également une bonne statistique commerciale et agricole. Une semblable statistique est de la plus haute importance. L'année dernière nous avons eu à nous occuper de certains projets de loi dont il nous a été impossible d'apprécier la portée faute d'une semblable statistique, comme l'a dit alors, je pense, l'honorable M. Rogier, ou tout autre qui a vivement reproché l'absence d'éléments semblables. Il est inouï, disait-il, que depuis 15 ans que le pays est constitué on n'ait rien fait pour créer une bonne statistique industrielle, agricole et commerciale qui puisse servir de guide au gouvernement et à la législature pour traiter les questions qui se rattachent directement aux sources de la richesse publique.

M. de Brouckere. - Après les explications dans lesquelles on est entré, il doit être devenu évident pour tout le monde qu'il ne s'agit point ici d'une question de parti, qu'il s'agit uniquement d'une satisfaction à donner au pays et que le pays réclame à grands cris. Dans une semblable situation, la chambre doit désirer que cette satisfaction soit donnée le plus tôt possible et il faut que la chambre exprime son vœu à cet égard. Je proposerai donc la rédaction suivante qui exprime simplement un vœu auquel tout le monde peut se rallier, car, je le répète, ce n'est pas une question de parti.

« Première partie des frais auxquels donnera lieu le recensement général de la population et, sans que cette opération puisse en être retardée, celui de l'agriculture et de l'industrie 250,000 fr. »

De cette manière, messieurs, on ne tranche pas positivement la question de savoir s'il y a lieu de disjoindre ou de ne pas disjoindre les opérations ; mais s'il était vrai qu'une statistique convenable de l'agriculture et de l'industrie dût réclamer plusieurs années (ce que je crois), alors il faut qu'il y ait disjonction parce que le pays ne peut plus attendre ni 4 ni même 3 ans sans avoir la représentation à laquelle il a droit.

Et qu'on ne vienne pas me dire que cette disjonction entraînera peut-être quelques frais de plus, car en présence d'une question aussi importante, en présence d'une question qui, je ne crains pas de le dire et personne ne le niera, d'une question qui remue tout le pays et qui le remuera de plus en plus, à mesure que nous approcherons des élections, en présence d'une pareille question, on ne peut pas s'arrêter à la minime considération de quelques mille francs de plus à dépenser.

Je me résume, messieurs, car je ne veux pas prolonger la discussion. Je ne tranche point la question de savoir si la disjonction aura lieu oui ou non ; tout ce que je demande à la chambre (et je voudrais que la chambre entière entendît cette question comme moi, c'est-à-dire qu'elle l'entendît comme une question qui intéresse tout le pays), je demande, dis-je, une seule chose, c'est que la chambre exprime son désir bien formel qu'aucune circonstance, quelle qu'elle soit, ne vienne plus retarder les opérations du recensement de la population.

Après cela, messieurs, quant aux conséquences de ce recensement, je suis parfaitement tranquille, et quoique le gouvernement n'ait voulu nous faire aucune promesse, je ne crains pas de lui dire qu'il n'échappera pas à ces conséquences.

J'irai plus loin, je ne crois pas qu'il puisse y avoir un ministère quelconque assez fort pour résister aux conséquences du recensement, lorsque ce recensement aura lieu, tant j'ai la conviction que le pays entier veut, et veut impérieusement, être représenté d'une manière convenable, d'une manière conforme à la Constitution.

(page 1325) M. Dumortier. - Messieurs, l'honorable préopinant dit que le pays a droit d'avoir la représentation légitime que la Constitution lui accorde ; c'est un principe que nul ne conteste, mais je suis loin de penser que la question qui nous occupe remue, comme on vient de le dire, le pays jusque dans ses fondements. Quant à moi, je dois déclarer que je n'ai entendu parler de cette question que depuis deux jours, et je crois que si elle remuait le pays jusque dans ses fondements, depuis longtemps nous aurions vu arriver ici des pétitions de toutes les localités...

M. Fleussu. - Vous en recevrez.

M. Dumortier. - Il est possible que nous en recevrons, car je ne conteste pas que l'honorable préopinant puisse remuer le pays, mais je dis que, dans le moment actuel, le pays n'est pas encore remué par cette question. Si le pays s'en préoccupait fortement, la situation serait toute autre qu'elle ne l'est. Il ne faut pas ainsi exagérer les choses.

Du reste, je suis d'avis qu'il faut donner au pays la représentation qui convient ; mais il ne faut pas se dissimuler la portée de la mesure dont il s'agit ; il ne faut pas équivoquer, ceci n'est autre chose qu'une première motion de réforme électorale.

On veut que le gouvernement présente une statistique de la population, ce qui est une partie de la statistique électorale. Il faut être franc, c'est là ce que l'on veut ; eh bien, moi je veux une statistique électorale complète, et j'appelle cette statistique de tous mes vœux.

Ce n'est pas ici non plus une question de parti, c'est aussi une question qui intéresse le pays tout entier. Eh bien, qu'on nous fasse une statistique électorale complète...

Un membre. - Qu'est-ce que vous entendez par là ?

M. Dumortier. - Je suis fort surpris que l'honorable membre m'adresse cette question. Une statistique électorale complète, c'est l'indication du chiffre des électeurs à côté du chiffre de la population, afin qu'on puisse voir dans quelle proportion chaque localité et chaque condition de citoyen est représentée dans le corps électoral. Voilà ce que je demande, et rien n'est plus facile ; il ne faut pas un temps très long pour le faire.

Il s'agit de deux choses, messieurs, c'est d'abord l'augmentation du nombre des députés ; mais quand on aura augmenté le nombre des députés, on viendra demander le complément de cette réforme, on viendra demander la réforme électorale. (Dénégations.) Mais, messieurs, plusieurs fois dans la discussion politique on a parlé de la réforme électorale, on l'a hautement demandée. Eh bien, si vous vouliez un jour arriver à la reforme électorale, consentez à avoir une statistique électorale complète, afin que la question puisse être examinée comme sou importance l'exige. Et qui sait si, après avoir obtenu les renseignements nécessaires, nous ne nous mettrons pas avec vous pour demander la réforme électorale. Dans tous les cas, commençons par nous éclairer, faisons une statistique complète et non un fragment à l'usage d'une partie seulement de cette réforme.

Je le répète, rien n'est plus facile : que le gouvernement donne à chaque commissaire d'arrondissement l'ordre de faire, dans son district, le dépouillement de tout ce qui est relatif à la statistique électorale.

De cette manière, nous aurons un travail complet qui nous mettra à même de juger en connaissance de cause les mesures qu'il y aurait à prendre, car c'est là le but qu'il faut avoir en vue lorsqu'on demande une statistique, et c'est dans ce sens que je demande également la statistique commerciale, industrielle et agricole, c'est le but politique qu'il faut avoir en vue, sans cela, je ne sais pas à quoi servirait une statistique... (Interruption.) Je veux cette statistique électorale complète, peut-être précisément pour le motif qui vous porte à ne pas la vouloir. Eh bien, nous admettons la statistique que vous demandez, admettez donc aussi celle que nous demandons. Agissons avec franchise, avec loyauté, et tout ira le mieux du monde. Mais qu'avez-vous donc à craindre d'une statistique électorale ? Y a-t-il une chose plus simple, plus naturelle, plus légitime que de demander à voir clair dans les opérations du pays ? Lorsque nous aurons cette statistique électorale complète, nous pourrons décider en connaissance de cause toutes les questions de réforme électorale qui viendraient à surgir.

J’insiste donc pour que nous ayons cette statistique, et je me joins aux honorables membres qui sont en ce moment mes contradicteurs, je me joins à eux pour demander que la statistique électorale, mais la statistique électorale complète, soit déposée au commencement de l'année 1847.

M. de Garcia. - Si l'on veut se bien rendre compte de l'esprit de la Constitution, il est incontestable, selon moi, que c'est la population et nullement le nombre des électeurs qui doit servir de base pour déterminer le nombre des membres de la représentation nationale.

Le recensement de la population est donc le véritable et le seul élément nécessaire pour se fixer sur la question qui nous occupe et déterminer le nombre de membres que doit atteindre la chambre et le sénat. Dans cet état, je ne puis m'expliquer la portée de la question incidentielle soulevée par l'honorable M. Dumortier, qui réclame la statistique des électeurs. Une statistique semblable est tout à fait inutile, puisque les faits qu'elle révélerait sont connus et résultent de la force même des choses.

Quand on aura le chiffre de la population, suivra nécessairement celui du nombre des membres de la législature et à côté de cela le nombre des électeurs de chaque arrondissement.

Je ne conçois donc pas qu'on puisse attacher de l'importance à avoir d'abord la statistique des électeurs ; incontestablement dans l'esprit de la Constitution, ce ne sont pas uniquement ceux qui payent le cens qui doivent être représentés, mais la population tout entière du pays ; en d'autres termes, c'est la population et nullement le nombre des électeurs qui détermine le chiffre de la représentation nationale.

M. de Brouckere. - Messieurs, je me lève uniquement pour déclarer à l'honorable M. Dumortier qu'il donne à ma proposition une portée qu'elle n'a pas. Il n'est nullement question de la réforme électorale, et si du reste telle devait être la conséquence de ma proposition qu'elle entraînât une réforme électorale, l'honorable M. Dumortier ne l'aurait pas combattue puisque lui désire une réforme électorale.

M. Dumortier. - Je n'ai pas dit cela.

M. de Brouckere. - Il est possible que l'honorable M. Dumortier n'ait pas dit cela, il est possible que je l'aie mal compris, car je dois déclarer que je n'ai pas très bien saisi le sens de son discours. C'est ainsi qu'il a demandé une statistique électorale complète, et je ne sais pas ce qu'il a voulu dire par une statistique complète. Très sincèrement, je ne le sais pas, et je voudrais que l'honorable M. Dumortier me l'expliquât.

M. Dumortier. - La définition de ce que j'appelle une statistique électorale complète, est la chose la plus simple du monde. Qu'est-ce qu’on a demandé dans les pétitions relatives à la réforme électorale ? On a demandé deux choses : la première l'uniformité du cens, la deuxième l'augmentation du nombre des députés pour qu'il soit en rapport avec le chiffre de la population. Maintenant on prend la deuxième proposition et on abandonne la première. Eh bien, pour mon compte, je désire avoir des éclaircissements sur la première proposition, je désire avoir tous les éléments qui puissent servir à instruire la question de l'uniformité du cens.

Et pour cela je désire savoir quelle est la proportion des électeurs aux habitants tant dans les localités qui payent un cens différentiel, que dans les autres localités ; je désire savoir quelle est la proportion de ce cens, par exemple, dans les populations agglomérées et dans les populations rurales ; je désire savoir, en un mot, jusqu'à quel point chaque agglomération d'habitants est représentée dans le scrutin. Je désire savoir si l'agriculture n'est pas sacrifiée par la loi actuelle. Mes honorables contradicteurs veulent s'occuper de la question de savoir jusqu'à quel point les populations sont représentées dans la chambre ; je veux le voir avec eux, mais je veux voir aussi jusqu'à quel point elles sont représentées dans le scrutin...

M. Rogier. - C'est le fractionnement.

M. Dumortier. - Je n'émets pas d'opinion sur ce point ; je me borne à demander des renseignements ; quand ces renseignements seront fournis, je formulerai, s'il y a lieu, mon opinion comme je crois devoir le faire. (Interruption.)

Je demande des renseignements précisément pour les mêmes motifs qui vous engagent à en demander ; vous demandez des renseignements dans l'ordre de vos opinions, moi j'en demande dans l'ordre des miennes. (Nouvelle interruption.) Je dois d'autant plus persister à les demander, que les interruptions dont je suis l'objet me prouvent que ces renseignements sont précieux...

M. Delfosse. - Personne ne s'oppose à ce que ces renseignements soient soumis.

M. Dumortier. - Si personne ne s'y oppose, nous sommes alors tous d'accord.

M. de Brouckere. - Messieurs, ainsi, ce que désire l'honorable M. Dumortier, c'est d'avoir des renseignements qui établissent quelle est la proportion entre le nombre des électeurs et celui des habitants du pays. Ce sont là des renseignements qui peuvent être utiles ; il peut être convenable de savoir quelle est cette proportion, et je désire qu'on procure ces renseignements à l'honorable M. Dumortier. Mais je puis déclarer que ces renseignements n'ont aucun rapport avec la question qui s'agite en ce moment. Il ne s'agit pas de savoir de combien d'électeurs les collèges électoraux sont composés, il s'agit seulement d'établir quel est le nombre des habitants, pour fixer ensuite la proportion qui doit exister entre la population du royaume et les chambres législatives. Voilà la seule question.

Maintenant, que l'on procure ces renseignements à l'honorable M. Dumortier...

M. Dumortier. - A la chambre.

M. de Brouckere. - A la chambre..., la chambre les recevra avec plaisir, comme elle recevra avec non moins de plaisir des renseignements sur l'agriculture, sur l'industrie et en général sur toutes les branches qui intéressent le pays. Mais nous disons que ces renseignements exigeront des opérations fort longues. Donnez au gouvernement le temps de faire ces opérations ; qu'il puisse y procéder dans des circonstances favorables ; mais rien n'empêche de faire immédiatement un recensement de la population. Ce recensement peut être fait dans un bref délai ; nous ne demandons pas autre chose ; quant aux conséquences, elles découleront nécessairement.

Je le répète, le vœu que j'exprime est un vœu tout simple, et je prie l'honorable M. Dumortier de croire que je ne cherche pas à atteindre mon but par des moyens détournés ; je ne vise à autre chose qu'à ce que demande ma proposition, c'est-à-dire que le recensement de la population ait lieu sans retard.

M. Delehaye. - Messieurs, l'honorable M. Dumortier dit que, dans le cas dont il s'agit, il ne faut pas seulement connaître le recensement de la population, mais qu'il faut encore avoir la statistique électorale. Mais cette statistique, telle que l'entend l'honorable membre, existe ; toutes les listes électorales du pays se trouvent au ministère de l'intérieur. Ainsi, voilà une opération à laquelle l'honorable M. Dumortier attache la plus haute importance et qui est déjà terminée. On peut donc immédiatement faire droit à la réclamation de l'honorable membre ; et puisque l'honorable membre a dit tout à l'heure que tout le monde était d'accord, j'espère qu'il restera d'accord avec nous, pour appuyer l'adoption de la proposition de l'honorable M. de Brouckere.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Messieurs, en effet, les listes électorales sont déposées aux commissariats d'arrondissements, et les renseignements qu'indique l'honorable M. Dumortier peuvent être obtenus, en (page 1326) mettant le chiffre des électeurs de chaque commune en regard de celui de la population.

Quant à la motion de M. de Brouckere, je ne m'y oppose pas ; mais il doit être bien entendu que cela n'entraîne pas nécessairement la disjonction des opérations. (Non ! non !) La commission de statistique a donné, pour établir la nécessité de la jonction, des motifs très graves qui sont exposés au rapport de la section centrale.

M. Rogier. - Messieurs, si M. le ministre de l'intérieur nous avait déclaré positivement son intention, s'il nous avait dit qu'il est possible de faire le recensement de la population au mois de décembre prochain, et que telle est sa résolution, la discussion serait close depuis longtemps ; une pareille déclaration aurait suffi. Mais M. le ministre de l'intérieur se retranche dans des fins de non-recevoir successives, ou il se borne à des explications vagues et tout à fait insuffisantes.

Si M. le ministre de l'intérieur veut avoir le recensement de la population pour la fin de l'année 1846, il le peut, cela est incontestable. Eh bien, nous qui attachons de l'importance à connaître l'état de la population au 1er janvier 1847, nous demandons que M. le ministre de l'intérieur fasse ce qui est, en effet, dans son pouvoir de faire, et ce que nous voulons, Tel est le but de la proposition de l’honorable M. de Brouckere. Je crois, messieurs, qu'on peut parfaitement faire marcher ensemble les trois opérations : statistique de la population, statistique agricole, statistique industrielle. En effet, en quoi consistent les opérations auxquelles il s'agit de procéder ? A faire remplir trois bulletins, l'un relatif à la population, le second, très compliqué, relatif à l'agriculture, et le troisième, également très compliqué, relatif à l'industrie.

Si l'on veut connaître l'état réel de la population, avant de constater les autres résultats, rien n'empêche de retirer et de dépouiller d'abord le bulletin relatif a la population, qui est le plus simple et le plus facile a remplir par les déclarants ; et de continuer l'opération quant aux deux autres bulletins.

Une fois en possession du bulletin de la population, le gouvernement se bornerait à additionner les résultats numériques de la première colonne : et l'on aurait dès lors les renseignements qui sont seuls nécessaires, pour l'augmentation du nombre des représentants et sénateurs. Rien n'est plus simple que cette opération, et si M. le ministre de l'intérieur a l'intention formelle d'arriver à la connaissance exacte de la population pour le 1er janvier 1847, il le peut, cela est positif, la commission de statistique s'en est expliquée, et M. le ministre ne risque à prendre un engagement.. Pour moi, lorsque j'ai eu l'honneur de faire la proposition de mettre le nombre des représentants en harmonie avec le chiffre de la population, j'avais l’assurance positive que je pourrais réaliser ce que j’avais l'intention de faire.

Je dirai maintenant quelques mots en réponse au discours de l'honorable M. Dumortier.

On vient de faire un appel à la franchise de l'opposition. Est-ce une réforme électorale que vous voulez, nous dit-on ; expliquez-vous franchement. Messieurs, le mot de réforme ne m'effraye pas ; j'appartiens à une opinion qui ne recule pas devant les réformes sages et réglées, devant les réformes mûries par le temps et par l'expérience ; mais s'agit-il ici d'une réforme électorale ? Non, il s'agit simplement de la mise en action d'un principe constitutionnel, c’est là de la vraie et bonne conservation, et je le dis, une pareille proposition, faite dans cette enceinte, doit inévitablement rencontrer la presque unanimité des voix ; cette question embrasse en effet, non pas seulement des intérêts de localité, mais encore et surtout l'intérêt du pays tout entier.

Il faut qu'à mesure que les forces du pays s'accroissent, que sa richesse se développe, que sa population augmente ; il faut que tous ces éléments de force et de prospérité viennent se résumer et se refléter en quelque sorte dans l'enceinte de la représentation nationale. Il sera beau, pour le pays, de montrer qu'après quinze années d'émancipation politique, sa population et sa richesse s'accroissent à l'exemple de tous les peuples qui jouissent de la liberté. C’est ainsi qu'aux Etats-Unis, nous avons ce spectacle de divers corps législatifs dont le nombre des membres s'est quadruple et au-delà en suivant la progression de la population.

Il faut sans doute tenir compte de grandes différences entre ce pays et le nôtre. Mais enfin, nous aussi, nous avons des institutions libérales ; à l'ombre de ces institutions, le pays se développe, la richesse augmente, la population s'accroît ; il faut que la représentation nationale suive cette magnifique progression ; voilà ce que signifiera le recensement, dégagé de certains intérêts de localité ; voilà sous quelles impressions se discutera la loi de l'augmentation du nombre des représentants, et voilà pourquoi personne dans cette chambre n'entreprendra sans doute de la combattre.

On nous a demandé une statistique électorale. S’agit-il simplement du nombre des électeurs, cette statistique est toute faite, l'honorable M. Dumortier peut se la procurer à l'instant même.

Il y aurait, au surplus, dans la statistique des élections, de précieux renseignements à recueillir ; et par exemple, on parle de parti conservateur, on se pose comme parti conservateur en présente d'un parti cependant qui n'a l'intention de rien bouleverser ; il serait curieux de voir apporter dans cette enceinte une statistique électorale indiquant le nombre des électeurs qui nomment le soi-disant parti conservateur et le nombre de ceux qui nomment le parti libéral.

Il serait bon de constater que les représentants du parti libéral sont précisément nommés, pour la plupart, par les électeurs qu'on doit supposer le plus attachés à l'ordre, les électeurs payant 70 ou 80 florins d'impôt, tandis que les représentants du parti soi-disant conservateur sont nommés par les électeurs à 20 ou 30 florins d'impôt.

Est-ce là la statistique que vous voulez ? Nous en voulons aussi. Une pareille statistique apporterait de nouvelles lumières sur le caractère et la véritable force des partis.

On a demandé à l'honorable préopinant si sa demande de statistique électorale ne cachait pas quelque arrière-pensée, s'il ne voulait pas arriver au fractionnement des collèges d'arrondissement, et recommencer, pour l'élection des membres des chambres, l'imprudence dont beaucoup de ses amis gémissent aujourd'hui, l'imprudence qu'ils ont commise en fractionnant les collèges électoraux des grandes communes.

Je ne sais pas ce que l'honorable préopinant ou quelques-uns de ses amis espéreraient gagner à un pareil projet. Mais si j'avais un conseil à donner à l'honorable préopinant, je l'engagerais mûrement à réfléchir avant de remuer dans le pays de pareilles idées. Je l'engagerais à réfléchir au sort malheureux que probablement une pareille résolution, si elle était mise à exécution, réserverait encore à bon nombre de ses amis.

Qu'il étudie l’état des localités comme nous les avions étudiées ; qu'il fasse bien ses calculs, et il se convaincra que beaucoup de ses amis seraient de nouveau victimes de ce nouveau fractionnement. Je finis. Si, en prononçant dans cette enceinte le mot « fractionnement », on croit le moins du monde effrayer l'opinion à laquelle j'appartiens, on se trompe gravement, et à une pareille proposition, je répondrai par ce seul mot : Vous n'oseriez pas !

M. Dumortier. - Ce n'est pas moi qui le premier ai prononcé dans cette discussion le mot « fractionnement ». C'est l'honorable préopinant qui vient de se rasseoir et qui paraît m'en faire un reproché. En réponse à la question qu'il m'a adressée, j'ai eu l’honneur de dire que je n'avais aucune opinion faite pour ou contre le fractionnement, comme législateur. Si maintenant vous voulez connaître mon opinion privée, je vous dirai que le mode anglais et même le mode français me paraissent présenter beaucoup plus de sincérité que le mode suivi en Belgique. Je suis loin cependant de vouloir proposer rien de semblable. C'est mon opinion privée que j'exprime, je pourrais la taire, mais je la dis.

Je n'ai pas plus peur du fractionnement que de la conservation du mode actuel. Mais je veux connaître un fait ; je veux savoir si, quand vous voulez représenter la population par parties égales dans la chambre, les électeurs sont représentés aussi par parties égales dans le scrutin ; je veux savoir jusqu'à quel point l'industrie est représentée, le commerce est représenté, l'agriculture est représentée dans le corps électoral, et certes de pareilles questions sont toutes loyales, toutes sincères ; elles ne peuvent tendre qu'a vous éclairer, c'est si vrai, que l'honorable membre a dit que si tel était le but de ma demande, il l'approuvait.

L'honorable membre a dit encore que les électeurs qui nommaient les libéraux étaient les électeurs riches et fortunés, tandis que ceux qui nous nommaient étaient des électeurs de peu de fortune. Ces sortes de déclamations qui nous casent à l'état de l'infériorité indiquent de la part de nos adversaires une modestie bien rare. Chose étrange ! Ces jours derniers, l'autre côté de la chambre prétendait représenter l'opinion éclairée et lumineuse, tandis que notre rôle représentait l'opinion ténébreuse et ignorante ; aujourd'hui, notre rôle prend une face nouvelle, on a la galanterie de nous dire que nous représentons l'opinion qui n'a pas le sou. C'est sans doute très libéral.

Convenez, messieurs, que nous sommes alors les représentants des démocrates !

Mais laissons là ces insinuations peu aimables, nous sommes tous les représentants du pays, et j'ai la faiblesse de me croire autant de lumières que les membres de l'assemblée qui siègent sur d'autres bancs, et de penser que mes amis ne sont pas moins éclairés, pas moins lumineux que les membres de la gauche.

M. le ministre de l’intérieur (M. de Theux). - Je m'estime heureux de pouvoir terminer ce long débat par la déclaration que j'ai faite en l'ouvrant. Voici ce que je disais hier au début de la discussion :

« J'accepte le crédit propose par la section centrale, c'est-à-dire une majoration pour faire accélérer les travaux du recensement. Ce travail, je l'espère, sera terminé dans le délai indiqué au rapport et annoncé par la commission de statistique, dont l'avis a été communiqué à la section centrale.

« Je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour que la chambre soit saisie le plus tôt possible des résultats du recensement. »

Je le demande, est-il possible de faire une déclaration plus précise ? S'il s'agissait d'un fait qui me fût personnel, je pourrais en dire davantage, mais comme il ne m'est pas personnel, je ne puis dire autre chose, sinon que je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir.

- L'article, avec le libellé proposé par M. de Brouckere, est mis aux voix et adopté.

La séance est levée à quatre heures et demie.