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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 mai 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétitions relatives au traité de commerce avec la France (de Muelenaere), aux inondations de la Dyle (Henot)
2) Projet de loi autorisant
le gouvernement à concéder le chemin de fer de Manage à Wavre
3) Projet de loi portant le
budget du département des travaux publics pour l’exercice 1846. Discussion des articles.
a) Voies navigables. Reprise par l’Etat et canalisation de la Petite-Nèthe
(Mast de Vries, Veydt, Rodenbach, de Bavay, Rodenbach, Malou)
b) Bâtiments civils. Travaux au palais de la Nation (sénat)
(Vandensteen, de Bavay, Vandensteen, de Bavay, Lebeau),
c) Chemins de fer . A : chemin de fer de l’Etat. (Projet
de) Concession de : B : Landen à Manage et Braine-le-Comte ;
C : Jurbise à Tournay ; D : de la province du Limbourg
(Hasselt-Saint-Trond et/ou Ans-Turnhout) (A et résultats d’exploitation 1845 (de Bavay), A (double voie ligne du midi, gestion des
gares), B (Osy), B (Dechamps, de Bavay, Osy), B, C, D, critique du
système de concessions (Rogier, Dechamps,
de Bavay, Rogier), canal de Mons
à la Sambre et canal de la Dendre (de Bavay), critique du
système des concessions (de Mérode)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page
1201) M.
A. Dubus procède à l'appel nominal à midi et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du
procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. A. Dubus présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
« L'administration
communale de Gand prie la chambre de sanctionner la convention de commerce
conclue avec la France. »
Sur la proposition de
M. de
Muelenaere, renvoi à la section centrale chargée d'examiner le projet
de loi relatif à cette convention et insertion au Moniteur.
« Plusieurs
cultivateurs dans le canton de Peruwelz présentent des observations contre le
projet de loi sur les sucres. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d'examiner le projet.
_______________
« Plusieurs candidats
notaires dans la province de Liège demandent une loi sur l'organisation du
notariat et présentent des observations relatives à quelques dispositions d'une
loi sur cette matière. »
- Renvoi à la section
centrale qui sera chargée d'examiner le projet de loi.
________________
« Le sieur Sinave,
agent d'affaires à Ypres, demande que le ministre de la guerre réclame du
gouvernement néerlandais un état des sommes qui sont restées dues aux
volontaires et miliciens des classes de 1826, 1827, 1828,1829 et 1830, et qui
n'ont pu leur être payées à cause des événements de 1830. »
-Renvoi à la section
des pétitions.
« Un grand nombre de
propriétaires et de cultivateurs de la ville de Malines et de ses hameaux,
ainsi que des communes de Bonheyden, Wavre-Ste-Catherine, Muyzen, etc., se
plaignant des ouvrages exécutés à Werchter, qui ont rendu les inondations de la
Dyle plus intenses, demandent qu'il soit pris des mesures pour empêcher ces inondations,
et présentent des observations sur les travaux de dérivation à exécuter à
Malines. »
M. Henot. - La pétition dont
on vient de présenter l'analyse est celle que j'ai eu l'honneur d'annoncer à la
séance d'hier, et dans laquelle l'honorable M. Vanden Eynde a vu d'avance
beaucoup d'égoïsme. Cette pétition est couverte, comme je le disais, de plus de
500 signatures ; les pétitionnaires se plaignent avec raison des pertes
incessantes que leur causent les inondations de la Dyle, et surtout de ce
qu'elles ont été considérablement augmentées par suite des ouvrages exécutés à
Werchter, qui ont eu pour effet de rendre ces inondations plus intenses. Je
n'en dirai pas davantage à cet égard, la question ayant été assez longuement
débattue à la séance d'hier ; j'ajouterai seulement que les pétitionnaires
présentent en même temps des observations sur les travaux de dérivation que le
gouvernement va faire exécuter à la Dyle à Malines ; qu'ils estiment qu'il y a
encore d'autres travaux à faire pour rendre l'écoulement des eaux plus complet,
et pour empêcher qu’elles ne débordent ; enfin qu'ils indiquent quelques-uns de
ces travaux, et qu'ils appellent l'attention du gouvernement sur cet important
objet, comme je ne puis assez l'y appeler moi-même.
Je demande que cette
pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion du budget qui occupe
la chambre, et qu'après cette discussion, elle soit envoyée à M. le ministre
des travaux publics.
- Cette proposition
est adoptée.
PROJET DE LOI TENDANT A AUTORISER LA CONCESSION DU
CHEMIN DE FER DE MANAGE A WAVRE
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay) présente un projet
de loi tendant à autoriser la concession du chemin de fer de Manage à Wavre.
- La chambre ordonne
l'impression et la distribution de ce projet de loi et le renvoie à l'examen
des sections.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES
TRAVAUX PUBLICS POUR L’EXERCICE 1846
Chapitre II. - Ponts
et chaussées - Canaux, rivières, polders - Ports et côtes - Bâtiments civils -
Personnel des ponts et chaussées
Deuxième section -
Service des canaux et rivières, des bacs et bateaux de passage et des polders
M. le président. - La discussion
est ouverte sur l'article 31 du chapitre II, Ponts et chaussées, ainsi conçu :
« Art. 31.
Petite Nèthe canalisée. Première annuité à payer à la province d'Anvers, pour
la reprise de la Petite-Nèthe canalisée ; fr. 50,000. »
M. Mast de Vries,
rapporteur. - Si personne ne demande la parole pour combattre l'allocation,
je renoncerai à la parole.
M. Veydt. - Lorsqu'il a été question de cet article dans la
discussion générale, il semblait qu'il devait rencontrer des difficultés dans
la chambre. Depuis, il est résulté d'entretiens que j'ai eus avec plusieurs de
mes honorables collègues, qu'il n'en est pas ainsi. Je crois donc pouvoir
renoncer ai la parole.
Plusieurs actes
relatifs à cette affaire ont été posés, pendant que je faisais partie de
l'administration provinciale. J'aurais donc pu donner des renseignements à la
chambre. Mais du moment qu'il n'y a pas de difficulté, c'est, je pense,
inutile.
M. Rodenbach. - J'ai fait, à ce sujet, dans la discussion
générale quelques observations auxquelles il n'a pas été répondu. J'ai dit que,
lorsque la Flandre occidentale avait cédé des canaux, elle n'avait reçu aucune
indemnité. Maintenant il s'agit de céder au gouvernement le canal de la
Petite-Nèthe. On demande 350,000 fr. Il me semble que si la province d'Anvers a
fait, comme je le crois, une mauvaise affaire, ce n'est pas un motif pour que
le gouvernement paye cette somme. Je ne vois pas là ce système d'économie dont
l'adoption est désirable dans l'intérêt général du pays.
J'ai besoin
d'explications pour pouvoir voter cette somme.
M. le ministre des
travaux publics (M. de Bavay). - Je pense que la Petite-Nèthe canalisée se trouve
dans des conditions spéciales qui n'ont aucune analogie avec celles où se
trouvaient les rivières et canaux repris aux provinces depuis 1840. Ces
rivières et canaux avaient été cédés aux provinces par un arrêté royal de 1819.
Ces canaux étaient construits depuis longtemps ; les provinces n'ont fait que
les entretenir et en percevoir les revenus. Ici, au contraire, il s'agit d'un
canal construit par la province d'Anvers et à ses frais, que le gouvernement
reprendrait pour la moitié du coût de construction.
Il
est vrai qu'il y aura 350,000 fr. à payer à la province d'Anvers, mais pas
immédiatement. Il s'agit de sept annuités de 50,000 fr. à payer, sans intérêt,
d'année en année ; or, ces sept annuités de 50,000 fr. ne représentent qu'une
somme actuelle de 303,000 fr. Il y a donc, sous ce rapport, une rectification à
faire à ce qu'a dit l'honorable membre.
On
a fait observer encore avec raison que les fonds que fa province d'Anvers
obtiendra de cette façon serviront à seconder le gouvernement pour l'exécution
de routes dans une partie de la province d'Anvers qui en est dépourvue.
M. Rodenbach. - L'ingénieur en chef Kummer dit, dans son rapport,
que la province consent à ne recevoir que 300,000 fr. Comment se fait-il qu'on
en demande 350,000 ? D'ordinaire il y a réduction sur le prix demandé ; ici
c'est tout le contraire.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- L'explication demandée par l'honorable préopinant est très facile.
La province d'Anvers
n'a fait qu'une seule demande, celle de 350,000 fr. payables en sept années, sans
intérêt, somme qui, ainsi que vient de le rappeler mon honorable collègue, le
ministre des travaux publics, n'équivaut. en réalité, qu'à 303,000 fr. Mais
l'ingénieur en chef Kummer dit, dans son rapport, que, dans toutes les
hypothèses et quels que puissent être les travaux ultérieurs de canalisation
dans la Campine, l'ouvrage d'utilité publique qui serait cédé par la province
d'Anvers et que l'Etat reprendrait a une valeur supérieure à 300,000 fr. Dès
lors, la cession par la province et la reprise par l'Etat sont une opération
réciproquement avantageuse. C'est en ces termes que la proposition de reprise,
moyennant 350,000 fr., la seule qui ait eu lieu, a été faite au gouvernement,
et qu'elle est maintenant soumise à votre ratification.
M. Veydt et M. Osy renoncent à la
parole.
- Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'article 31 ; voici le résultat du vote :
50 membres sont
présents.
2 (MM. Simons et de
Mérode), s'abstiennent, parce qu'ils n'ont pas assisté à la discussion.
(page 1202) 48 prennent part au vote.
36 votent pour
l'adoption.
12 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour
l'adoption : MM. Anspach, Brabant, Cans, d'Anethan, de Bonne, Dechamps, de
Chimay, de La Coste, de Man d'Attenrode, de Muelenaere.de Naeyer, de Renesse,
Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Donny, Dubus (Albéric), Dumont,
Duvivier, Henot, Jonet, Lebeau, Lejeune, Lesoinne, Lys, Malou, Mast de Vries,
Osy, Rogier, Scheyven, Thienpont, Van Cutsem, Vandensteen et Veydt.
Ont voté contre : MM.
Biebuyck, Castiau, Clep, de Haerne. Eloy de Burdinne, Lange, Orban, Pirmez,
Rodenbach, Sigart, Vanden Eynde et Zoude.
Article 32
« Art. 32. Entretien et personnel de la Nèthe
canalisée, pendant le deuxième semestre de 1846 : fr. 9,932 75. »
- Adopté.
Article 33
« Art. 33. Service des bacs et bateaux de passage.
Entretien et confection des bacs et de leurs dépendances : fr.
42,000. »
- Adopté.
Article 34
« Art. 34.
Service des polders. Personnel : fr. 1,000. »
- Adopté.
Troisième section -
Ports d’Ostende et de Nieuport, côte de Blankenberghe
Article 35
« Art. 35. Port
d'Ostende.
« Entretien de
l'avant-port : fr. 39,500
« Entretien de
l'arrière-port et des écluses de Slykens : fr. 3,700
« Entretien des
écluses du bassin de commerce : fr. 450
« Renouvellement
d'une paire de portes d'ebbe à l'écluse du bassin de commerce : fr. 5,500
« Renouvellement
d'une paire de portes de flots à l'écluse du même bassin : fr. 5,500
« Augmentation
demandée par le gouvernement sur l'ensemble de cet article : fr. 25,000
« Total :
fr. 79,450. »
- Adopté.
Article 36
« Art. 36. Port
de Nieuport. Travaux d'entretien : fr. 15,333. »
- Adopté.
Article 37
« Art. 37. Côte
de Blankenberghe.
« Travaux
d'entretien : fr. 79,900
« Prolongement
en mer de la jetée n°1 de la deuxième section : fr. 7,790 49.
« Total :
fr. 87,690 49. »
- Adopté.
Article 38
« Art. 38.
Personnel des ports et côtes : fr. 18,443 74. »
- Adopté.
Article 39
« Art. 39.
Entretien des phares et fanaux : fr. 1,800. »
- Adopté.
Quatrième section -
Bâtiments civils
Article 40
« Art. 40.
Entretien et réparation des palais, hôtels, édifices et monuments appartenant à
l'Etat : fr. 52,000. »
- Adopté.
« Art. 41.Constructions
nouvelles et construction d'une salle et dépendances pour la tenue des séances
du sénat, 70,000
M. Vandensteen. - Avant de voter
cette allocation, je désirerais avoir quelques explications sur des observations
qui ont été formulées au sénat et d'après lesquelles les constructions
projetées ne répondraient pas au but qu'on se propose d'obtenir.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Ainsi que les explications à l'appui du
budget de 1846 l'ont l'ail connaître, les dépenses de toute nature à faire pour
l'établissement d'une nouvelle salle, avec accessoires, pour la tenue des
séances du sénat, ont été évaluées, suivant le projet approuvé, à une somme
totale de 180,000 fr. ; mais par suite des observations faites au sénat sur
l'insuffisance des dimensions assignées à la salle et les promesses faites par
le gouvernement de faire examiner de nouveau les plans déjà approuvés, l'on a
opéré au projet primitif les modifications réclamées par MM. les sénateurs et
desquelles il résultera, à raison de l'extension donnée aux constructions, une
augmentation de dépense de 70,000 fr., à savoir : 40,000 fr. pour travaux et
30,000 fr. pour acquisition de deux maisons, d'un hangar et d'une partie de
jardin. En sorte que le chiffre définitif de la dépense pourra s'élever, y
compris les frais de direction et de surveillance et l'imprévu, à environ
260,000 francs.
Comme il a déjà été accordé pour cet objet, sur les
exercices 1846 et 1847, deux crédits successifs montant ensemble à 140,000 fr.,
il resterait encore à allouer, pour parfaire le montant de l'estimation,
120,000 francs.
Toutefois, comme les
constructions ne pourront être complétement achevées l'année prochaine, l'on ne
demande, pour 1847, que la somme de 70,000 fr., allouée pour 1846, le
complément nécessaire pouvant être reporté sur l'exercice 1848.
M. Vandensteen. - Je voudrais savoir
si le nouveau projet répond aux exigences du sénat, si la questure du sénat a
été consultée ; car j'ai vu, dans la discussion qui a eu lieu au sénat, que MM.
les questeurs n'ont pas voulu assumer la responsabilité du projet.
Je voudrais savoir si,
dans le sénat, on sera unanime pour approuver le nouveau projet ; car ce n'est
pas pour un jour que l'on construit cette salle ; il faut qu'elle réponde à
tous les besoins.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Le projet nouveau a été arrêté de concert
avec la questure et avec les membres du sénat qui avaient présenté des
observations critiques sur le premier projet. Il y a tout lieu de croire que ce
projet satisfera à toutes les exigences.
M. Lebeau. - Je n'ai pas
besoin de demander si l'on a tenu compte d'une éventualité probable,
l'augmentation du nombre des sénateurs. Il suffit de jeter les yeux sur la
Constitution, pour reconnaître qu'il faut tenir grand compte de cette
éventualité d'une augmentation graduelle du nombre des membres des deux
chambres, en raison de l'augmentation de la population.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - On a donné à la salle des dimensions plus
grandes qui permettront, le cas échéant, à un plus grand nombre de membres de
prendre part aux séances.
- L'article 41 est
mis aux voix et adopté.
Cinquième section -
Personnel des ponts et chaussées
Article 42
« Art. 42. A. Traitements des ingénieurs et
conducteurs, frais de bureau et de déplacement, indemnités et dépenses
éventuelles : fr. 451,800.
« B. Frais du
jury d'examen de l'école du génie civil, voyages des élèves : fr. 6,000.
« Total :
fr. 457,800. »
- Adopté.
Chapitre III. -
Chemin de fer, postes
Première section. -
Chemins de fer
M. le président. - La discussion
est ouverte sur l'ensemble du chapitre III : « Chemins de fer.
Postes. »
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Je désire rendre compte à la chambre des
résultats de l'exploitation du chemin de fer, en 1845. Les résultats indiqués
dans le cahier de développements qui a été distribué aux membres de la chambre,
ont été établis d'après le produit connu des neuf premiers mois, et d'après une
évaluation pour le dernier trimestre.
On s'occupe de la
rédaction du compte-rendu, qui doit être distribué aux membres de la chambre ;
mais ce travail exigera quelque temps encore.
Il convient donc, je
pense, que je fasse connaître à la chambre les résultats de l'exploitation de
1845.
D'après les
évaluations qui avaient été faites, les dépenses d'exploitation ne devaient en
1845 pas dépasser les allocations portées au budget de cet exercice.
Aujourd'hui les
résultats réels de l'exploitation en 1845 sont connus, et il en résulte, d'un
côté, que les dépenses ont été plus élevées qu'on ne l'avait prévu, et d'un
autre côté, que les recettes des trois derniers mois sont restées quelque peu
au-dessous du chiffre auquel elles avaient été évaluées.
Comme il s'ensuit que
les faits généraux présentés au cahier de développements ne se sont pas
entièrement réalisés, j'ai l'honneur de donner ci-après le résumé des résultats
réels de l'exploitation en 1845.
Les dépenses
d'exploitation se sont élevées, en 1845, à la somme totale de 6,302,326 fr. 57
c, répartie entre les divers services comme suit :
Administration
générale, fr. 398,802 94
Entretien des routes
et stations, fr. 1,624,639 64
Locomotion et
entretien du matériel, fr. 3,075,815 60
Transports, fr.
990,150 46
Perception, fr.
212,917 93
Somme égale à fr. 6,302,326 57
L'étendue des chemins
de fer étant de 111 8/10 lieues, la dépense par lieue exploitée a été, en 1845,
de fr. 56,370 54. Cette même dépense ayant été, en 1844, de fr. 51,569 14, il y
a eu, en 1845, une augmentation de fr. 4,801 40
Les convois de
voyageurs et de marchandises ont parcouru ensemble, en 1845, un nombre total de
543,302 lieues.
La dépense par lieue
parcourue a donc été, pendant cet exercice, de fr. 11 55. Cette même dépense
avait été, en 1844, de fr. 11 65. Il y a donc eu, en 1845, une diminution de
fr. 0,08.
Mouvement des
transports
Le chemin de fer a
transporté, en 1845, 3,470,678 voyageurs, répartis comme suit :
1ère classe :
397,608 voyageurs
2ème classe :
970,662 voyageurs
3ème classe :
2,074,796 voyageurs,
Ensemble :
3,443,066 voyageurs.
(page 1205) Transports militaires : 10,939 voyageurs
Transports
extraordinaires : 16,673 voyageurs
Ensemble :
16,673 voyageurs
Total général égal
à 3,470,678 voyageurs
Il avait éte
transporté, en 1844, 3,381,529 voyageurs, savoir :
Voyageurs civils
1ère classe :
362,234 voyageurs
2ème classe :
928,606 voyageurs
3ème classe :
2,070,022 voyageurs,
Ensemble :
3,3360,852 voyageurs.
(page 1205) Transports militaires : 6,214 voyageurs
Transports
extraordinaires : 14,453 voyageurs
Ensemble :
20,667 voyageurs
Total général égal à
3,381,529 voyageurs
Il a donc été
transporté, en 1845 de plus qu’en 1844, 89,149 voyageurs, savoir :
Voyageurs civils
1ère
classe :35,374 voyageurs
2ème classe :
42,056 voyageurs
3ème classe :
4,774 voyageurs,
Ensemble :
82,204 voyageurs.
(page 1203) Transports militaires : 4,725 voyageurs
Transports
extraordinaires : 2,220 voyageurs
Ensemble : 6,945
voyageurs
Total général égal à
89,149 voyageurs.
Il a été transporté
en 1845, 11,041,732 kil de bagage. Il avait été transporté en 1844, 10,496,068
kil. Augmentation en 1845 : 545,664 kil.
Il a été transporté en
1845 3,562 équipages. Il n’en avait été transporté en 1844, que 3,491.
Augmentation en 1845 : 71.
En 1845, il a été
transporté 2,499 chevaux, et en 1844, 2,154. Augmentation en 1845 : 345.
En 1845, il a été
transporté 7,597 têtes de gros bétail, et en 1844, 12,691. Diminution en
1845 : 5,094.
En 1845, il a été
transporté 29,704 têtes de petit bétail, et en 1844, 39,056. Diminution en
1845 : 9,352.
En 1845, il a été
transporté 32,848 groups finances, et en 1844, 29,448. Augmentation en
1845 : 3,400.
En 1845, il a été
transporté 241,661 colis petites marchandises de 5 kil. et au-dessous. Il en
avait été transporté en 1844 227,480 kil. Augmentation : 14,181 kil.
En 1845, il a été
transporté au poids 45,061,340 kil de petites marchandises, et en 1844, seulement
39,800,910 kil. Augmentation en 1845 : 5,260,430 kil.
Il avait été
transporté, en 1845, la quantité énorme de 645,501,654 kil. de grosses
marchandises. Il en avait été transporté, en 1844, 520,422,667 kil.
Augmentation en 1845 de 125,078,987 kil. ou environ d’un quart.
Il résulte de ce qui
précède que tous les transports, à l’exception de celui du bétail, présentent
des augmentations considérables en 1845.
Recettes
Les recettes totales
se sont élevées en 1845 à fr. 12,403,204
55 c.
Le tableau suivant présente
la comparaison par catégories de transports des recettes de 1485 avec celles de
1844.
Voyageurs. En
1845 : 6,393,309 fr. 200 c. ; en 1844 : 6,166,548 fr. 94
c. ; différence en plus : 226,760 fr. 26 c.
Bagages. En
1845 : 421,525 fr. 24 c. ; en 1844 : 394,731 fr. 12 c.;
différence en plus : 26,794 fr. 12 c.
Equipages. En
1845 : 192,379 fr. 09 c. ; en 1844 : 206,334 fr. 00 c.;
différence en moins : 13,955 fr.
Chevaux et bétail. En
1845 : 87,621 fr. 85 c. ; en 1844 : 124,840 fr. 00 c. ;
différence en moins : 37,218 fr. 15 c.
Finances. En
1845 : 43,060 fr. 60 c. ; en 1844 : 38,616 fr. 90 c. ;
différence en plus : fr. 4,443 70 c.
Petites marchandises.
En 1845 : 1,009,108 fr. 66 c. ; en 1844 : 899,538 fr. 05 c. ;
différence en plus : 109,570 fr. 61 c.
Grosses marchandises.
En 1845 : 4,103,987 fr. 56 c. ; en 1844 : 3,262,737 fr. 50 c. ;
différence en plus : 841,250 fr. 06 c.
Bulletins. En
1845 : 3,512 fr. 30 c. ; en 1844 : 3,384 fr. 60 c. ;
différence : 127 fr. 70 c.
Produit des
embranchements. En 1845 : 44,390 fr. 25 c. ; en 1844 : 34,851 fr. 06
c.; différence en plus : 9,539 fr. 19 c.:
Camionnage. En
1845 : 13,489 fr. 21 c. ; en 1844 : 14,122 fr. 04 c. ;
différence en plus : 632 fr. 83 c.
Frais divers. En
1845 : 10,214 fr. 09 c. ; en 1844 : 7,918 fr. 70 c.;
différence en plus : 2,295 fr. 39 c.:
Produits
extraordinaires. En 1845 : 80,606 fr. 29 c. ; en 1844 : 76,870 fr. 40
c. ; différence en plus : 3,736 fr. 19 c.
Totaux :
Recettes en 1845 : 12,403,204 fr. 55 c. ; recettes en 1844 : 11,230,495
fr. 31; différences en plus : 1,224,517 fr. 22 (à déduire la diminution de
51,805 fr. 98 c. Reste 1,172,711 fr. 24 c.) ; différences en moins :
51,805 fr. 98 c.
Ce qui constitue une
augmentation de recettes, en 1845, de 10,44 p. c. sur celles de 1844.
La recette par lieue
exploitée a été en 1844 de 100,951 fr. 64 c. La dépense ayant été de 51,569 fr.
14 c., l’excédant de la recette sur la dépense a été de 49,382 fr. 50 c.
La recette par lieue
exploitée a été en 1845 de 110,941 fr. 00 c. La dépense s’étant élevée à 56,370
fr. 54 c., l’excédant de la recette sur la dépense a été de 54,570 fr. 46 c.
La recette par lieue
parcourue en 1844 a été de 22 fr. 60 c. La dépense ayant été de 11 fr. 63 c.,
l’excédant de la recette sur la dépense a été de 10 fr. 97 c.
La recette par lieue
parcourue ayant été en 1845 de 22 fr. 75 c., et la dépense de 11 fr. 55 c.,
l’excédant de la recette sur la dépense est de 11 fr. 20 c.
Considérations
générales
Nous avons vu qu'en
1845 les recettes totales se sont élevées à la somme de 12,403,204 fr. 55 c.,
et les dépenses à celle de 6,302,326 fr. 57 c. L'excédant de la recette sur la
dépense a donc été de 6,100,877 fr. 98 c.
Nous allons établir
le chiffre des dépenses de premier établissement du chemin de fer pour
rechercher quel est le tantième p. c. de ces dépenses que représente l'excédant
des recettes sur les dépenses d'exploitation en 1845.
Il avait été dépensé,
au, 1er janvier 1845, pour la construction des chemins de fer 144,746,774 fr.
06 c.
Il a été dépensé,
dans le courant de l'année 1845, 4,968,053 fr. 08 c.
La moitié de cette
somme ou 2,484,026 fr. 54 c. peut être regardée comme portant intérêt pendant
l'année entière.
Nous avons de la
sorte une somme de 147,230,800 fr. 60 c., dont il faut déduire la somme de
795,383 fr. 73 c., rentrée dans les caisses de l'Etat par suite de ventes et
rétrocessions de terrains empris pour le chemin de fer. Reste 146,435,416 fr.
87 c.
L'excédant de la
recette de 1845 sur la dépense du même exercice représente un intérêt de 4,16
p. c. du capital dépensé.
Il est à remarquer
qu'il n'a été tenu compte, dans ce calcul, que des recettes perçues directement
par l'administration du chef des transports et que le chemin de fer a encore
produit, en 1845, d'autres sommes qui ont été encaissées par l'administration
des domaines.
C'est ainsi que la
vente des objets expédiés bureau restant, non réclamés ou refusés, ainsi que la
vente des objets perdus ont produit, 3,270 fr. 46 c., et que la location des
herbages croissant sur les dépendances du chemin de fer a produit, 15,377 fr.
37 c.
Le chemin de fer a,
en outre, effectué gratuitement ou à des prix réduits des transports pour
divers services publics, pour l'administration de la guerre, pour
l'administration des postes, pour l'administration de la justice, etc., ainsi
que des transports considérables de denrées alimentaires, pour venir en aide
aux classes nécessiteuses.
(page 1204) Ces transports taxés aux prix du tarif auraient produit
un surplus de recettes de 389,920 fr. 92 c.
Ensemble, 408,574 fr. 75 c.
Si l'on tient compte
de cette somme au chemin de fer, l'excédant du produit sur la dépense aura été
de 6,509,452 fr. 75 c. Ce qui donne ,45 p. c. du capital de premier
établissement que nous avons présenté plus haut comme devant porter intérêt
pendant l'année entière de 1845.
M. Osy. - Je remercie M. le
ministre des travaux publics de l'exposé qu'il vient de nous faire de la
situation du chemin de fer. Cette situation me paraît assez favorable, et je
suis persuadé que nous pouvons l'améliorer encore si nous faisons une bonne loi
commerciale pour favoriser le transit.
J'aurais désiré que
M. le ministre eût ajouté à son travail l'indication de l'emploi des sommes
assez considérables que nous avons votées, l'année dernière pour l'achèvement
de nos chemins de fer, tant pour les doubles voies que pour les stations. Dans
peu de jours, je pense au mois de juin, le chemin de fer de Paris à Bruxelles
sera ouvert, et je désirerais savoir si, pour cette époque, la seconde voie
sera entièrement faite entre Bruxelles et Valenciennes et entre Bruxelles et
Lille ; les Français font leur double voie, et je pense que nous devons faire
en sorte d'être prêts également.
L'année dernière nous
avons voté une forte somme pour le deuxième tunnel de Braine-le-Comte ;
malheureusement il existe à l'égard de ce tunnel, soit des craintes fondées,
soit, au moins, des préventions, et je crois qu'il avait été décidé qu'on
ferait une tranchée à ciel ouvert ; je demanderai à M. le ministre si bientôt
cette tranchée sera faite et si l'on compte également faire une tranchée
ouverte pour la seconde voie, afin qu'a la longue on pusse se passer
entièrement du tunnel.
Si je suis bien
informé, pendant la crise ministérielle on s'était occupé, au ministère des
travaux publics, d'un travail en conséquence duquel on devait nous demander une
très forte somme encore pour le parachèvement du chemin de fer. On dit même que
cette somme devait s'élever à 10 ou 12 millions.
Il serait fort
désagréable, soit pour l'administration actuelle, si elle reste au pouvoir,
soit pour une autre administration qui viendrait à lui succéder, de devoir
soumettre un semblable projet aux chambres, lorsque ce projet lui aurait été
légué par un ministère précédent. Il faut, du reste, que la chambre connaisse
la vérité à cet égard. Je prierai donc M. le ministre des travaux publics de
bien vouloir nous dire s'il est vrai qu'un semblable travail existe ou si les
sommes votées précédemment, sont suffisantes.
Dans plusieurs
occasions déjà j'ai demandé au gouvernement quelles étaient les conventions
faites en 1845 pour l'affichage dans les stations.
Je crois que
l'entrepreneur fait un grand bénéfice sur cette opération, tandis que le
gouvernement ne perçoit rien de ce chef. Je demande qu'on nous donne sur ce
point des explications complètes et qu'où nous communique les traités. Il me
semble qu'il faut mettre en adjudication publique le droit d'afficher dans les
stations du chemin de fer alors il n'y aura de privilège pour personne et le
gouvernement en retirera un beau revenu.
Cette observation
s'applique également aux restaurants des stations. C'est encore là un objet qui
pourrait procurer un bénéfice notable au gouvernement. Il s'agirait seulement
de faire un bon cahier des charges, indiquant tout ce que le public doit
trouver dans les stations, et de mettre ensuite en adjudication publique le
droit de tenir les restaurants. De cette manière, encore une fois, tout le
monde serait mis sur la même ligne et il y aurait un revenu de plus pour le
chemin de fer. Je demande que le gouvernement veuille bien nous dire aussi
quelles sont ses intentions à cet égard.
Il me reste,
messieurs, à vous parler d'une pétition qui a été déposée hier sur le bureau de
la chambre, et qui se rapporte au chemin de fer de Landen a Manage, dont M. le
ministre des travaux publics vient de nous représenter la concession
provisoire. Comme je vois dans ce chemin de fer des avantages réels, je ne me
propose pas certainement d'appuyer la pétition dont il s'agit ; mais je trouve
dans cette pièce la révélation d'un fait bien extraordinaire : j'y vois que
ceux qui demandent la concession du chemin de fer de Landen à Manage ont été
obligés de passer par une main tierce, qu'ils ont dû payer à un tiers une somme
de 15,000 livres sterling, dont 12,000 sont déjà acquittées, et dont 3,000
doivent l'être lorsque le chemin de fer sera concède par une loi.
La pétition est
signée par des Anglais, à la tête desquels figure le président de la société
concessionnaire ; je n'en aurais pas parlé si je n'avais trouvé dans les
journaux anglais du mois de mars, le procès-verbal d'une assemblée des
actionnaires où le fait dont je viens de faire mention se trouve également
indiqué. Voici ce que porte ce procès-verbal :
« Une somme
a-t-elle été payée ou doit-elle être payé lorsque la concession sera obtenue du
gouvernement belge ? Ou y a-t-il eu des engagements pris par les directeurs et
quels sont-ils ? »
« (…) Le gouvernement
belge avant promis la concession à une tierce personne, la compagnie a acheté
cette concession pour une somme de 12,000 livres payées de suite, et de 3,000
livres payables lorsque la concession sera obtenue (quelques-uns des directeurs
sont intervenus dans la convention). »
Je sais bien, messieurs,
qu'on me répondra que des concessions provisoires ont été accordées à des
personnes qui avaient fait le plan,qui avaient conçu l'idée d'un chemin de fer
: je sais aussi que M. le ministre des travaux publics, l'honorable M.
Dechamps, a pris, en 1845, un arrêté tendant à écarter autant que possible
toutes ces demandes de chemins de fer ; mais comme l’affaire dont il s'agit a
été faite au mois d'avril, c'est-à-dire un mois avant cet arrêté, il me paraît
que nous devons avoir sur cette affaire des explications complètes.
Il est certain que
des personnes se sont adressées à M. le ministre des travaux publics pour
demander une concession provisoire pour ce chemin de fer ; et sans qu'elles
aient déposé de cautionnement, elles ont obtenu de M. le ministre un chiffon de
papier ou une lettre. Munies de ce chiffon, elles se sont rendues à Londres et
elles ont dit à des capitalistes : Nous avons obtenu une concession, je
vous la vendrai pour 15,000 livres sterling.
Il importe,
messieurs, que nous sachions si ces personnes, lorsqu'elles se sont présentées
à M. le ministre, n'avaient qu'une chimère de projet, ou si elles étaient
munies d'études et de plans. Il importe aussi que nous connaissions la réponse
que M. le ministre leur a faite, pour que nous sachions si les capitalistes
anglais ont été abusés par trop de confiance du gouvernement où s'ils ont agi
avec trop de légèreté.
Je propose donc à la
chambre de demander à M. le ministre des travaux publics de déposer sur le
bureau 1° la demande de concession provisoire pour le chemin de fer de Landen à
Manage et Braine-le-Comte, avec les pièces à l'appui ; 2° la réponse de M. le
ministre qui accorde cette concession provisoire.
Nous pourrons nous
éclairer par l'examen de ces pièces, et voir s'il n'y a pas eu faveur accordée
par le gouvernement aux premiers demandeurs en concession. Car, messieurs,
lorsqu'on accorde une concession provisoire, on exige ordinairement le dépôt
d'un cautionnement, et c'est ce qui n'a pas eu lieu dans ce cas.
J'insiste d'autant
plus pour que nous soyons éclairés sur ce fait que, si je suis bien informé,
pour le chemin de fer que nous avons voté dernièrement, celui de Louvain à
Jemeppe, il y a encore eu une concession provisoire qui s'est vendue 42,000
liv. st. Un actionnaire de ce chemin de fer me l'a dit. Il m'a même appris
qu'on avait demandé pour cette concession provisoire 75,000 liv. st., mais
qu'il n'en avait été payé que 42.000.
Ainsi
vous le voyez, messieurs, il suffit qu'une personne demande la concession d'un
chemin de fer, que le ministre déclare qu'elle est la première inscrite, et
accorde un récépissé, pour qu'elle aille vendre, à un prix énorme, cette
concession pour laquelle il n'a été donné aucune garantie sérieuse.
Il faut que les
demandes de ce genre présentent un caractère sérieux ; il faut, quand on
sollicite la concession d'un chemin de fer, qu'il y ait un plan, un cahier des
charges fait par le gouvernement, et qu'on dépose une somme dans les mains du
gouvernement. Il ne faut pas qu'il y ait du provisoire dans le provisoire.
Je demande à M. le
ministre des travaux publics une explication catégorique sur les différents
points dont je viens de parler.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je puis
dès aujourd'hui donner à l'honorable membre quelques courtes explications sur
le fait dont il a cru devoir entretenir la chambre. Ce fait est excessivement
simple, et je n'aurai pas de peine à vous démontrer, en attendant le dépôt du
dossier, que le gouvernement n'a à assumer aucune espèce de responsabilité,
relativement à l'acte auquel l'honorable préopinant a fait allusion.
Je ferai d'abord une
observation préalable. L'honorable M. Osy a parlé de l'arrêté que j'ai pris,
sous la date du 21 mai 1845, afin de suspendre l'instruction de toutes demandes
en concession qui n'étaient pas complétement étudiées. En effet, à la fin de la
session dernière, lorsque j'ai présenté à la sanction des chambres les
concessions de chemins de fer, une foule de demandes vinrent encombrer le
département des travaux publics ; parmi ces demandes, il en était quelques-unes
qui reposaient sur des études sérieuses ; mais la plupart n'avaient, je dois le
croire, pour but que la spéculation. C'est alors, qu'après avoir encouragé la
formation des sociétés sérieuses par les concessions que j'ai présentées à la
sanction de la législature, j'ai cru devoir arrêter ce mouvement qui pouvait
devenir dangereux.
J'ai pris alors
l'arrêté du 21 mai par lequel j'ai exigé d'abord des études préalables
complètes ; en second lieu l'examen des avant-projets par le conseil des ponts
et chaussées ; puis l'enquête administrative dans les provinces ; puis l'examen
définitif par le conseil des ponts et chaussées ; enfin la décision du
gouvernement, et les conventions provisoires, s'il y avait lieu, pour arriver à
la constitution de la société définitive. Par cet arrêté, j'ai voulu fournir au
gouvernement lui-même une arme défensive contre les influences et les
obsessions dont il était continuellement entouré.
Comme l'a fait
remarquer l'honorable M. Osy, les arrangements relatifs au projet de concession
du chemin de fer de Landen à Manage et à Braine-le-Comte par Wavre, sont
antérieurs à l'arrêté du 21 mai. Voici les faits, tels qu'ils se sont passés.
Au mois d'avril 1845,
l'ingénieur civil Vifquain s'est présenté chez moi, accompagné d'un homme connu
et très honorable.
M. Rogier. - Quelle est cette
personne ?
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Il n'est pas
d'usage de porter des noms propres à cette tribune.
M. Rogier. - Y a-t-il de
l'inconvénient à le nommer ?
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je n'en vois pas,
si M. Rogier insiste ; cette personne est le comte de Hompesch.
L'ingénieur civil
Vifquain et le comte de Hompesch se sont donc présentés chez moi, non pas avec
un projet chimérique, comme l'appelle M. Osy, mais avec un projet complétement
étudié, qui forme la base de la loi que mon honorable collègue des travaux
publics a présentée aujourd'hui ; ces MM. m'ont demandé une convention
provisoire ; je me suis refusé à signer une convention provisoire, parce que la
société n'était pas assez régulièrement formée, et qu'un cautionnement
préalable n'avait pas été versé.
MM. Vifquain et le
comte de Hompesch étaient les auteurs du projet, les premiers demandeurs ; or,
les auteurs des projets, les premiers demandeurs, (page 1205) jouissent de certains droits et avantages attachés par
l'arrêté de 1836 aux demandes en concession de ce genre. C'est ainsi encore que
la loi sur les mines accorde aux inventeurs certains droits que le gouvernement
ne peut leur enlever.
Les deux personnes
dont je parle étaient donc premiers demandeurs et auteurs du projet, et elles
avaient des droits positifs à faire valoir, si toutes les autres conditions
étaient remplies par eux. Je ne puis pas dire comment ce droit d'auteur a été
constaté ; est-ce par un simple accusé de réception des pièces déposées ?
Est-ce par une lettre ? J'en ai, la chambre le comprendra, perdu le souvenir.
Du reste, mon
honorable collègue du département des travaux publics, qui a le dossier dans
ses bureaux, pourra examiner les pièces de ce dossier et les communiquer à la
chambre ; je rappelle seulement les faits généraux, tels qu'ils se présentent à
ma mémoire.
Les auteurs du projet
avaient donc des droits que le gouvernement ne pouvait pas leur enlever.
Maintenant que s'est-il passé ? Quelque temps après, une société a été formée
par leurs soins avec des capitalistes anglais ; alors, après m'être entouré, à
Londres même, des renseignements les plus minutieux, pour savoir si cette
société offrait toutes les garanties de moralité et de solvabilité, j'ai passé,
le 17 mai, une convention provisoire, en exigeant le versement du
cautionnement.
Après cela, ce qui
s'est passé entre les auteurs du projet et les capitalistes anglais pour former
la compagnie, est une question complétement en dehors de la compétence et de la
surveillance du gouvernement.
L'honorable M. Osy a
parlé d'un autre fait relatif au chemin de fer de Louvain à la Sambre ;
j'ignore totalement ce fait. Evidemment, le gouvernement ne peut pas entrer
dans la discussion de ces affaires de ménage intérieur, lorsque la société se
forme ; il n'a donc aucun moyen de réprimer les abus qui sont possibles, j'en
conviens ; mais si des abus se commettent, le gouvernement ne peut certes en
être responsable. Ce qui a eu lieu dans cette occasion, s'est produit
vraisemblablement dans plusieurs autres. Là où il y a concession, il y a des
auteurs de projets qui ont certains droits ; et ces droits, ils les cèdent,
soit pour une part d'actions, soit pour une somme ; c'est une cession de droits,
et l'abus ne peut exister que dans la valeur attribuée à ces droits.
Puisque l'honorable
préopinant m'en fournit l'occasion, la chambre me permettra de faire une
observation générale.
Je pense que la
Belgique et le gouvernement belge peuvent être fiers de ce qui s'est passé dans
ce pays, à l'occasion des concessions de chemin de fer, lorsque nous comparons
ce qui s'y est passé avec ce que nous avons vu en Angleterre et en France,
depuis l'année dernière, sous le rapport de la prudence employée, de la moralité
et du sérieux des entreprises.
Vous savez,
messieurs, ce qui a eu lieu, en Angleterre et spécialement en France ? Là, par
l'application d'un système que je puis qualifier de vicieux, puisqu'on y a
renoncé, par le système d'adjudication au rabais, il est arrivé que, pour un
seul chemin de fer, il s’est formé jusqu'à dix compagnies à la fois, lesquelles
devaient verser chacune un cautionnement préalable.
Ainsi, l'on a vu en
Angleterre une somme de 373 millions de francs, versée comme cautionnement
préalable ; en France une somme de 210 millions a été immobilisée dans les
caisses du trésor public, et distraite par conséquent des opérations ordinaires
du commerce et de l'industrie, Une crise financière très fâcheuse et très
profonde en est résultée. Qu'a-t-on fait, pour obvier à cette crise ? On a
présenté aux chambres françaises des lois d'une exécution très difficile. Mais
pour éviter un mal, on est tombé dans un mal pire ; ainsi, pour prévenir la
multiplication des sociétés, on s'est jeté dans le système des fusions et des
coalitions ; et l'on a vu porter récemment à la tribune de France des plaintes,
des critiques, on dit même des scandales ; des noms de pairs de France, de
députés, de hauts fonctionnaires publics ont pour ainsi dire servi de drapeaux
à chacune des compagnies pour rallier les capitaux et exercer une certaine
influence ; du moins on le croyait. On a révélé des faits pareils à la tribune
d'Angleterre.
En Belgique, rien de
semblable ne s'est vu ; nous n'avons eu ni crise financière, ni agiotage, ni
multiplication de sociétés inutiles, ni fusions, ni coalitions, ni abus graves
; je le dis, parce que cela fait honneur au gouvernement et à la nation belge.
Permettez-moi
d'ajouter que c'est au système adopté l'année dernière par le gouvernement que
nous devons en grande partie ce résultat. Nous avons admis la concession
directe. Ce système, je dois le reconnaître, fait peser sur le gouvernement une
très grave responsabilité ; mais au point de vue de l'utilité publique, il est
le meilleur, et la France vient d'y revenir. En empêchant l'émission des
actions en Belgique, jusqu'à ce que l'exécution des travaux soit achevée, qu'a
fait le gouvernement belge ? Il a forcé le capital d'être constitué à
l'étranger. Par cela même, si des abus d'agiotage qui sont presque toujours
inhérents à de pareilles entreprises devaient avoir lieu, ils devaient se
produire, non en Belgique, mais à l'étranger, et sans que néanmoins le
gouvernement belge y eût en rien provoqué.
Nous
avons recueilli les bienfaits de la formation d’entreprises utiles, nous avons
augmenté la richesse publique, nous avons donné du travail à la classe
ouvrière, nous avons fourni un aliment à deux de nos grandes industries, le fer
et la houille. Le gouvernement a doté la Belgique de tous ces bienfaits, sans
donner naissance à aucun des inconvénients, à aucun des dangers dont on a eu à
se plaindre en Angleterre et en France. Ce n'est donc pas à des critiques que
le gouvernement belge devrait être exposé.
- M. Liedts remplace M. Dumont au fauteuil.
M. le ministre des travaux
publics (M. de Bavay). - Messieurs, je ne
m'oppose nullement au dépôt, sur le bureau, des pièces qui ont été réclamées
par l'honorable M. Osy. Mais je pense que, pour procéder d'une manière logique,
il serait préférable de rattacher les interpellations de l'honorable membre au
projet de loi que j'ai eu l'honneur de présenter aujourd'hui, projet de loi qui
sera renvoyé aux sections et sur lequel chacun fera ses observations ; alors la
discussion sera introduite d'une manière plus régulière qu'elle ne peut l'être
aujourd'hui, d'une manière incidente, à l'occasion de la discussion du budget
des travaux publics.
M. Osy. - Je ne pense pas qu'il y ait le moindre inconvénient
à déposer les pièces sur le bureau ; on pourra s'éclairer dans la discussion
actuelle ou plus tard, lorsque nous nous occuperons en sections du projet de
loi dont il s'agit.
La proposition que
j'ai formulée concerne les concessionnaires provisoires ; je demande le dépôt
de la pièce qui leur avait été donnée par le ministère, pour pouvoir vendre
cette concession pour laquelle ils ont reçu 15,000 livres sterling, ce qui
n'est nié par personne.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je ne sais pas
s'ils ont reçu cette somme.
M. Rogier. -L'honorable M. Osy
vient de signaler, relativement aux concessions de chemins de fer, un incident
que, pour ma part, je considère comme très sérieux. Je suis étonné que M. le
ministre des affaires étrangères n'y attache pas ce caractère, qu'il considère
comme chose très naturelle que tel individu, qui aura eu l'idée de tracer un
chemin de fer d'un point à l'autre de la Belgique, et obtenu une promesse du
ministère, se trouve par ce seul fait avoir opéré, du jour au lendemain, un
bénéfice de 400 mille francs. Cela paraît très simple à M. le ministre des
affaires étrangères, autrefois ministre des travaux publics ; moi, j'avoue que
cela me paraît très surprenant.
M. le ministre des
affaires étrangères vient de dire que le gouvernement belge pouvait être fier,
sous le rapport de la moralité, des concessions faites en Belgique. Si notre
gouvernement n'avait pas d'autre titre à l'estime publique, à l'estime de
l’Europe, que de pareils arrangements, je le plaindrais sincèrement.
Un autre chemin de
fer a également donné lieu à des arrangements que la notoriété publique nous a
révélés et sur lesquels je demanderai à mon tour une explication à l'ancien
ministre des travaux publics.
Lorsque la concession
du chemin de Jurbise à Tournay nous a été proposée, les dépenses, telles
qu'elles résultaient des évaluations des ingénieurs, devaient s'élever à
5,680,000 fr. Si je commets quelque erreur, je prie M. le ministre de la
rectifier.
Il fut décidé que le
chemin de Jurbise à Tournay serait construit à double voie. De ce chef, il
devait résulter une augmentation qu'on estimait, en y joignant d'autres
éventualités défavorables, au maximum de deux millions. Voilà 7,680,000 fr. A
ce chemin de fer de Jurbise se rattachait celui de Hasselt à St-Trond, qui
figurait dans les évaluations pour 1 million 670,000, soit en tout 9,350,000
fr., que devaient coûter, d'après les calculs les plus larges les deux chemins
réunis.
La concession de ces
deux chemins fut accordée à quelques personnes, les unes habitant l'Angleterre,
les autres habitant la Belgique. Ces personnes, sous le nom de concessionnaires
fondateurs, constituèrent une société anonyme, au capital de 12 millions 500
mille francs. Les concessionnaires fondateurs formèrent la majorité du conseil
d'administration de la société et ils s'engagèrent à fournir aux actionnaires,
à forfait, le chemin de fer de Jurbise à Tournay et de Hasselt à Saint-Trond, pour
la somme de 12 millions 500 mille francs.
D'où il suit que si
les évaluations des ingénieurs étaient exactes, si les explications données à
la chambre par le ministre des travaux publics d'alors étaient justes, les
concessionnaires fondateurs après l'exécution de ces travaux auront fait sur la
société un bénéfice de plus de trois millions. En supposant que ces travaux
dussent s'élever à une somme de 10 millions, le bénéfice serait encore de
2,500,000 fr. Mais en portant les dépenses à cette somme, nous dépassons de
beaucoup les prévisions.
Cela posé, je demande
au ministre des affaires étrangères, comment il se fait que lui, qui avait la
connaissance exacte des faits, il ait donné son adhésion en qualité de ministre
chargé du commerce, à la clause qui portait à 12,500,000 le capital destiné à
couvrir les dépenses de deux routes qui ne devaient coûter que 9 à 10 millions
; comment il a pu ainsi accorder de propos délibéré, étant parfaitement
éclairé, ce bénéfice de 2 à 3 millions aux concessionnaires fondateurs, au
préjudice des actionnaires.
A entendre l'ancien
ministre des travaux publics, une fois les chemins concèdes, le gouvernement
n'a pas à s'inquiéter de ce qui advient, il n'a pas à intervenir dans ce qu'il
appelle le ménage intérieur des sociétés ; s'il y a des dupes cela ne regarde
pas le gouvernement. Mais au point de vue de la morale publique, alors même
qu'il s'agirait d'actes passés à l'étranger, alors que des Belges, ce qui n'est
pas sûr, ne seraient pas victimes, je dis qu'il serait de la dignité d'un
gouvernement de veiller à ce que l'agiotage ne triomphe pas, qu'il serait de sa
dignité de ne point paraître donner la main à des spéculations particulières.
Il y a d'autres
considérations. Plus les actionnaires auront eu de dépenses à faire, plus le
prix de leurs actions aura été élevé, moins les bénéfices seront grands, moins
il y aura d'intérêt à partager, et plus l'entreprise périclitera entre leurs
mains.
Il est de l'intérêt
public que les chemins de fer concédés ne donnaient pas lieu à des résultats
onéreux.
Si les actionnaires
sont en perte, toute l'entreprise s'en ressent. On néglige le service, on fait
des efforts pour élever les tarifs, on restreint les dépenses de surveillance
et d'entretien, et il arrive des accidents comme celui qu'on a vu sur le chemin
de Paris à Versailles de la rive gauche de la Seine.
Il est donc important
au point de vue de l'intérêt public, de l'intérêt de (page 1206) la Belgique, que les actionnaires, que ceux qui donnent
de l'argent , ne soient pas entraînés dans une entreprise ruineuse, car quand
les entreprises, deviennent ruineuses elles ne sont pas exploitées
convenablement. Elles sont exploitées avec négligence, puis abandonnées comme
de mauvaises affaires.
Pour ces chemins de
Jurbise à Tournay et de Saint-Trond à Hasselt, les dépenses sont évaluées au
maximum de 10 millions. Les actionnaires devront payer aux concessionnaires
fondateurs 12,500,000 francs. Voilà déjà 2,500,000 fr. qui passent des mains
des actionnaires dans les mains des fondateurs. En outre les actions émises à
500 francs, ont été vendues, je suppose, 750 francs. Voilà une seconde source
de perte pour l'actionnaire.
Avec de pareilles
aggravations, il pourra arriver que le chemin de fer de Jurbise à Tournay et de
Hasselt à St-Trond, au lieu de coûter 9 ou 10 millions, comme on l'avait
annoncé, aura coûté 15 millions et plus. C'est sur cette somme qu'on devra
baser les intérêts, les dividendes. S'il y a perte, l'administration du chemin
devra s'en ressentir. On dira qu'il n'y a pas de danger ici, parce que l'Etat
est chargé de l'exploitation, mais je parle en principe.
Dans
tous les cas, si les actionnaires font de mauvaises affaires, si l'entreprise
devient onéreuse, il est à craindre que le gouvernement ait des difficultés
avec les actionnaires ; ils se plaindront d'être lésés, de ne pas trouver de
leur argent le produit qu'ils en attendaient. Je demande donc à l'ancien
ministre des travaux publics par quels motifs il a consenti à ce que le capital
d'exécution fût porté à 12 millions 500,000 fr., alors qu'il avait démontré
lui-même que les travaux pourraient être exécutés pour une somme beaucoup
moindre.
Dira-t-on qu'une
partie de cette somme se trouve réservée pour un embranchement éventuel ? Cela
ne serait pas exact, car, dans ce cas, l'article 6 de l'acte de concession
suppose que le fonds social sera augmenté.
Je bornerai là mes
observations et je prierai M. le ministre de bien vouloir répondre à mes
questions.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Je répondrai
d'abord, en peu de mois, à une observation qu'a faite l'honorable préopinant au
début de son discours.
Il a été très loin de
ma pensée de vouloir excuser les abus, les spéculations exagérées qui auraient
pu avoir lieu. Ce que j'ai dit, ce que j'ai constaté, c'est que ces abus
étaient en dehors de l'action de la surveillance du gouvernement. Je n'ai donc
pas voulu faire au gouvernement un titre d'estime à l'étranger de ces abus,
s'ils existent, mais j'ai voulu lui faire un titre à cette estime de la règle
de prudence qu'il a suivie.
Le gouvernement, dans
la rédaction du cahier des charges, a eu à stipuler des garanties pour que des
abus ne puissent avoir lieu. Mais, lorsque dans la formation même de la
société, dans le détail du ménage intérieur, des abus se sont glissés, je dis
que le gouvernement n'en a pas la responsabilité.
L'honorable M. Rogier
m'a demandé comment j'avais pu donner mon adhésion à la constitution de la
société anonyme du chemin de fer de Tournay à Jurbise, lorsque le capital social
s'élevait non pas à dix millions, qui étaient le montant des évaluations
primitives, mais, d'après ce qu'il vient de dire, à 12,500,000 fr.
Messieurs, je ne
pourrais vous dire quel est le chiffre auquel j'ai donné mon adhésion, je ne l'ai
pas sous les yeux. Tout ce que je puis déclarer à la chambre, c'est que lorsque
le ministre qui a le commerce dans ses attributions est appelé à approuver le
capital social d'une société anonyme pour une concession de chemin de fer, une
correspondance s'établit entre le département des affaires étrangères et celui
des travaux publics. C'est celui-ci qui examine les évaluations du capital
social. Des rapports sont demandés aux ingénieurs, et c'est sur les rapports de
ces ingénieurs et l'avis du ministre des travaux publics que le ministre du
commerce approuve les évaluations.
Messieurs,
je ne me rappelle pas exactement les faits auxquels l'honorable M. Rogier a
fait allusion. Je pense que mon collègue, M. le ministre des travaux publics,
pourra vous donner des détails plus circonstanciés à cet égard ; mais ce que je
puis affirmer, c'est que précisément parce que j'ai été à la tête du
département des travaux publics, j'ai exercé une surveillance très sévère sur
les diverses tentatives qui ont été faites pour augmenter le capital social des
sociétés anonymes qui ont demandé des concessions i de chemins de fer. Ainsi,
une demande en autorisation de société anonyme a été refusée par moi, et un des
motifs du refus que j'ai fait, c'était que je considérais le capital social
comme étant trop élevé.
Je le répète, je n'ai
aucune pièce sous les yeux ; je ne puis répondre directement à la question que
m'a faite l'honorable M. Rogier. Mais je sais que c'est sur des évaluations
confirmées par des ingénieurs et sur l'avis de M. le ministre des travaux
publics que mon adhésion à la formation de la société a dû être basée.,
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, si ma mémoire est fidèle, les chiffres
d'évaluation des ingénieurs étaient ceux indiqués par l'honorable M. Rogier.
Mais il est à remarquer que ces évaluations remontaient à une époque où
certains prix n'étaient pas à beaucoup près ce qu'ils se sont trouvés être à
l'époque de la constitution de la société. C'est ainsi que M. l'ingénieur
Desart, dans son estimation pour le chemin de fer de Tournay à Jurbise, avait
porté les fers en compte au prix de 250 fr. Or, à l'époque de la constitution
de la société de ce chemin de fer, le prix du fer se trouvait à 300 fr. et
au-delà.
C'est là une des
circonstances qui ont motivé l'augmentation de capital.
Il est à remarquer en
second lieu que, par amendement adopté par la chambre, on avait imposé à la
société une double voie, fait que l’honorable préopinant a cité, mais qui avait
encore une influence à raison de l’augmentation du prix des fers.
Pour se rendre
compte, messieurs, du chiffre auquel le capital social a été fixé, il faut
encore faire attention à un fait, c'est que les concessionnaires s'engageaient
à servir, pendant la construction et jusqu'à l'ouverture des lignes nouvelles,
les intérêts du capital social, d'où résultait encore pour eux une charge assez
lourde.
Il est à remarquer
enfin que ces mêmes concessionnaires prenaient vis-à-vis de la société
l'engagement d'exécuter tous les travaux à leurs frais, risques et périls, en y
comprenant toutes les éventualités possibles. Or, messieurs, ces éventualités
devaient être prises en considération, alors qu’il s'agissait, non seulement de
travaux, mais d'acquisitions de terrains, dans des localités où ces terrains
ont une très grande valeur. Nous savons tous, messieurs, que les acquisitions
de terrains sont, de toutes les parties constitutives d'un travail d'utilité
publique, celle qui est la moins susceptible d'une évaluation certaine à
l'avance. C'est aussi sur ce point que, dans la construction de nos chemins de
fer, les plus forts mécomptes se sont produits.
La position,
messieurs, était donc celle-ci : Les concessionnaires faisaient avec la société
un marché à forfait et prenaient à eux, moyennant le chiffre indiqué par
l'honorable M. Rogier, toutes les chances d'augmentation, non seulement sur les
travaux, mais aussi sur les acquisitions de terrains, et de plus les travaux
imprévus, s'il s'en présentait.
Pour le dire en
passant, messieurs, ce système de contrat était peut-être celui qui offrait le
plus de garanties aux actionnaires d'une société anonyme. On leur disait à
l'avance : Voilà le capital qu'il s'agit de former ; c'est ce capital que vous
devez mettre en regard des revenus probables de l'entreprise.
Il est évident,
messieurs, que ce capital, en s'élevant, diminuait le tantième probable des
intérêts. C'étaient là, évidemment des chances à apprécier par les actionnaires
; et au fond leur indiquer un capital, élevé, si l’on veut, mais fixe, mais
irrévocable, était sans doute la manière la plus loyale de leur présenter
l'entreprise.
L'honorable
préopinant s'est préoccupé du préjudice qu'auraient pu éprouver les preneurs
d'actions ; et il a également parlé des bénéfices que les concessionnaires
auraient pu réaliser sur l'émission de ces actions. Jusqu'ici, messieurs, les
concessionnaires du chemin de fer de Tournay à Jurbise n'ont pas émis
d'actions, parce qu'ils ont trouvé que les circonstances étaient défavorables
pour une pareille émission, et à l'heure qu'il est, c'est avec leurs ressources
personnelles que les travaux s'exécutent.
J'aurai
encore à citer un fait, messieurs, qui peut prouver que les évaluations des
ingénieurs ne devaient pas être tenues comme base absolue du contrat de
société. C'est que, pour la section du chemin de fer de Saint-Trond à Hasselt,
les travaux qui n'avaient été évalués par M. l'ingénieur en chef Groetaers qu'à
1,450,000 fr. ont été entrepris, par sous-traité, au prix de 1,800,000 fr.
Il est à ma
connaissance que ce contrat existe. II prouve que les évaluations primitives
pouvaient se trouver trop faibles, surtout en présence des prix du jour au
moment où la société a été constituée. C'est dans l'intervalle de l'étude des
projets par les ingénieurs de l'Etat et de la formation de la société que les
prix des fers et ceux des travaux se sont relevés notablement par suite des
différentes entreprises concédés, non seulement en Belgique, mais en France, eu
Angleterre et ailleurs.
M. Rogier. - Les explications
qu'on a bien voulu me donner ne me satisfont pas. Je dirai en peu de mots
pourquoi.
Le gouvernement belge
fait étudier par ses ingénieurs un chemin de fer. Les évaluations des dépenses de
ce chemin de fer sont discutées dans le parlement belge. Le gouvernement
soutient que les évaluations sont parfaitement exactes. Il résulte de
l'ensemble de la discussion que le chemin de fer ne coûtera que 10 millions,
qu'il faut exagérer de beaucoup les évaluations pour arriver à ce chiffre ; et
un mois après cette discussion solennelle, une société anonyme se forme de
l'assentiment du gouvernement et. porte le capital destiné à la construction de
ce chemin de fer à 12,500,000 fr Voilà 2,500,000 fr. d'augmentation en un mois.
Messieurs, évidemment
ici il y a des reproches à adresser au gouvernement. Il n'est pas admissible
que le gouvernement vienne dans cette enceinte compromettre à ce point
l'honneur de ses ingénieurs, qu'il vienne soutenir que leurs évaluations sont
exactes, et qu'un mois après, dans un acte authentique, il reconnaisse qu'ils
se seraient trompés de 2,500,000 fr. sur 10 millions. Cela n'est pas possible ;
ce serait donner un brevet d'incapacité à l'ingénieur qui a fait les éludes, et
cet ingénieur est connu au contraire pour les soins qu'il y apporte. Celles
qu'il vient de fournir pour le chemin de fer du Luxembourg en sont une nouvelle
preuve. Ce qu'il y a de plus clair en tout ceci, c'est le bénéfice de 2,500,000
fr. fourni aux concessionnaires fondateurs.
L'honorable ministre
des travaux publics vient de dire que depuis les évaluations de M. l'ingénieur,
les circonstances avaient changé, que les prix des fers, par exemple, avaient
été en augmentant. Mais dans les dix millions, dans ce chiffre rond que j'ai
adopté comme maximum des dépenses, l'augmentation du prix du fer se trouve
comprise. Voici quels étaient les calculs, d'après le discours de l'honorable
M. Dubus, qui passe, en général, pour être exact dans ses recherches :
« Evaluations
primitives du coût de la construction du chemin de fer de Tournay à Jurbise,
fr. 5,680,000
« Renchérissement des
fers, fr. 320,000
« Redoublement de la
voie, fr. 2,000,000. »
(page 1207) L'honorable membre ajoutait que sans doute cette dépense
était trop élevée.
Vient la route de
Hasselt à Saint-Trond. Elle était évaluée, non pas à 1,400.000 francs, comme le
dit M. le ministre des travaux publics, mais à 1,670,000 francs. Ces quatre
sommes réunies ne feraient encore que 9,670,000 fr. J'en accorde 10 millions.
Voilà, messieurs,
quelles étaient les évaluations officielles, parlementaires, du gouvernement,
de toutes les autorités, sur le coût de ces chemins de fer, et un mois après, on
vient déclarer, par acte authentique, que cette entreprise devra coûter
12,500,000 fr. Cela, messieurs, paraît tout à fait inexplicable. C'est encore
ici un avantage, et un avantage énorme accordé à quelques particuliers.
Je crois, messieurs,
quoi qu'en ait dit M. le ministre des affaires étrangères, qu'il y a solidarité
complète entre tous les ministres en ces sortes d'affaires ; qu'ainsi le
ministre du commerce qui a dans ses attributions la sanction des sociétés
anonymes, ne peut agir sans être parfaitement d'accord avec le ministère auquel
ces sociétés ressortissent par l'objet même de leur fondation. Or, M. le
ministre des travaux publics qui avait momentanément le commerce dans ses
attributions, l'honorable M. Dechamps, comme ministre du commerce, savait fort
bien ce que M. Dechamps, comme ministre des travaux publics, avait assuré à la
chambre. M. Dechamps, ministre des travaux publics, nous avait démontré que le
chemin de fer de Tournay et de St-Trond ne coûterait pas 10 millions, et
bientôt après, M. Dechamps, ministre du commerce, donne sa sanction à une
société qui exige de ses actionnaires 12,500,000 fr. pour la construction de
ces mêmes routes. Cela vraiment n'est pas raisonnable.
De pareils exemples,
je suis fâché de le dire, ne sont pas faits pour relever beaucoup le
gouvernement devant l'étranger ; et si, à l'exemple de la pétition qui vient de
nous être lue tout à l'heure, des actionnaires anglais on des actionnaires
belges (car il est très possible que des actions soient restées dans le pays)
viennent nous dire : « Nous avons été trompés ; nous avons été induits en
erreur par les calculs de MM. les ingénieurs belges, par les déclarations du
gouvernement », je crois, messieurs, que l'on serait assez embarrassé de
donner une réponse satisfaisante aux plaintes de ces actionnaires.
Je n'insisterai pas
davantage sur cette question. Malheureusement il est à craindre que ce ne soit
pas encore la dernière qui se produise.
M. le ministre des
affaires étrangères nous a dit que tout ce qui avait été fait, en Belgique, à
la différence de ce qui s'est fait en France et en Angleterre, s'était passé
d'une manière régulière, parfaitement honorable, glorieuse, en quelque sorte,
pour le gouvernement. Je crois, messieurs, qu'il faut rabattre quelque peu de
cette opinion de M. le ministre. Je suis forcé de dire encore qu'on a été léger
en plusieurs circonstances. Ainsi, on a concédé des travaux qui ont été
reconnus plus tard inexécutables.
M. de Mérode. - Je demande la parole.
M. Rogier. - Le chemin de fer
de la Dendre a aussi été concédé. Où en est-il ? Est-il question de l'exécuter
? Le canal de Mons à Erquelinnes a aussi été concédé. Qu'est-il devenu ? On
prétend qu'il est inexécutable.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Il est très exécutable.
M. Rogier. - Il ne paraît pas
qu'on ait pris pour ces concessions toutes les précautions nécessaires. Et j'ai
eu raison, dans le temps, de dire qu'on y allait avec trop de précipitation,
qu'on y mettait trop de laisser aller.
M. le ministre des travaux publics (M. de Bavay). - Messieurs, on vient de parler en dernier lieu
du canal de Mons à la Sambre, et on a élevé des doutes sur le point de savoir
si ce canal était exécutable. Il est à remarquer, messieurs, que le canal de
Mons à la Sambre était décrété déjà depuis 1838, si mes souvenirs sont exacts ;
il avait passé par toutes les enquêtes, et par toutes les formes d'instruction
usitées.
Il est vrai que les
concessionnaires actuels de ce canal ont, après coup, élevé cette objection que
le canal ne serait pas exécutable. Le gouvernement ne s'est pas arrêté à cette
objection. Il a chargé trois ingénieurs en chef du corps des ponts et chaussées
de revoir tout le travail, de tout rectifier, et spécialement le point de
savoir si le canal n'était pas exécutable. Eli bien, messieurs, le rapport des
ingénieurs a complétement confirmé la possibilité d'exécution du canal.
Un concessionnaire
peut juger convenable d'élever des objections de ce genre, lorsqu'il pense que
l'opération ne répondra pas à son attente. Le gouvernement n'a pas à se
préoccuper de pareils calculs. Pour ce qui est du canal de Mons à la Sambre, le
gouvernement se trouve en présence d'un engagement qu'il entend faire exécuter.
Actuellement la contestation se trouve portée devant les tribunaux ; c'est donc
une affaire sur le fond de laquelle il serait inopportun de discuter dans cette
enceinte. Tout ce que je puis dire, c'est que le gouvernement soutient ce qu'il
croit être son droit et qu'il le soutiendra, fût-ce même par tous les degrés de
juridiction.
Quant
au canal de la Dendre, il y a eu, messieurs, contestation entre les
concessionnaires primitifs et la société qui s'est formée. C'est cette
contestation qui a empêché la formation d'une société anonyme. Mais ici encore
le gouvernement se trouve en présence d'engagements pris, d'engagements qu'il
entend faire exécuter. Le gouvernement est nanti de cautionnements, dont il ne
se dessaisira que lorsque des travaux seront faits pour une valeur double,
d'après le cahier des charges.
M. de Mérode. - Je m'étonne,
messieurs, que l'on soit si surpris des erreurs qui se commettent dans les
prévisions relatives à des travaux d'une aussi grande importance que des
chemins de fer. Lorsqu'il s'est agi de construire le chemin de fer de Malines à
Louvain, on nous a communiqué des devis d'après lesquels cette ligne devait
coûter environ 2 millions ; eh bien, elle en a coûté 5. Le chemin de fer d'Ans
à la frontière de Prusse ne devait coûter que 5 millions, et il en a coûté 30.
Cependant l'honorable M. Rogier, dans la discussion de 1833, avait dit que les
dépenses de construction seraient au-dessous des estimations. Je ne suis pas
surpris, messieurs, que l'on commette des erreurs très considérables dans les
prévisions relatives à de semblables travaux ; il se rencontre là une foule de
circonstances imprévues, dont l'augmentation du prix des fers est peut-être la
moins importante.
Ainsi, par exemple,
on découvre des terrains boulants dont on ne soupçonnait pas l'existence et qui
nécessitent des travaux d'art extraordinaires et quelquefois fort coûteux. Je
ne serais pas étonné que des concessionnaires fissent parfois de très grands
bénéfices sur des travaux de cette nature ; ils ont, d'un autre côté, la chance
de faire de fortes pertes. On parle d'une somme de 400,000 fr., qui aurait été
gagnée sur un chemin de fer ; mais pour juger si cette somme est considérable,
il faut voir quel est le coût du chemin de fer sur lequel ce bénéfice aurait
été réalisé. Si les actionnaires ont consenti à reprendre ce chemin de fer de
seconde main et à le payer à un prix qui laissât aux premiers concessionnaires
un bénéfice de 400,000 fr., c'est que probablement ils auront considéré
l'affaire comme bonne et qu'ils comptent réaliser un bénéfice à leur tour. Il
est possible qu'ils se trompent, il est possible que leurs prévisions se réalisent,
car en de pareilles affaires il n'y a rien de certain. Tout ce que je puis
dire, c'est que je ne comprends pas qu'il puisse y avoir dans tout cela matière
à faire des reproches au gouvernement.
- La séance est levée
à 3 heures.