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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 2 mars 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition relative aux droits sur les sucres (Osy)
2) Projet de loi portant
des modifications au tarif des douanes (d’Elhoungne,
Dechamps)
3) Projet de loi portant
séparation des communes de Stockroye et de Zolder (de
Corswarem)
4) Projets de loi portant
règlement des comptes des exercices 1830, 1831 et 1832 (de
Man d’Attenrode, Osy, de Man
d’Attenrode)
5) Projet de loi sur la comptabilité publique. Discussion
des articles. (Delfosse), Société générale et caissier
de l’Etat, définition des ordonnateurs et des comptables de l’Etat, nomination
des comptables par le ministre des finances, agents du chemin de fer et de la
poste et/ou contrôle par la cour des comptes (de Man
d’Attenrode, Malou, de Man
d’Attenrode, Malou, d’Hoffschmidt,
Rogier, Malou)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 833) M. de Villegas fait l'appel nominal à 1 heure 1/4.
M. Huveners lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M. de Villegas présente l'analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Adrien Riewerts, capitaine de navire
à Anvers, né à Dunsum (Danemark), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi au ministre de la justice.
________________
« Le sieur Adolphe-Gaspard Schult, commis-négociant
à Anvers, né à Francfort-sur-Mein, demande la naturalisation ordinaire. »
- Même renvoi.
________________
« Le sieur Pierre Hansen, second à bord d'un
navire de commerce, né à Fohr (Danemarck), demande la naturalisation ordinaire.
»
- Même renvoi.
________________
« Le sieur Thomassin, ancien employé des
contributions, présente un mémoire sur la réforme du système de l'impôt. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
_________________
« Les secrétaires communaux de Seraing,
Boncelles, Jemeppe, Ramet demandent des modifications aux articles 109 et 111
de la loi communale. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur Vertongen appelle l'attention de la
chambre sur la mise en vente par le domaine d'un pavé qui, de la route royale de
Bruxelles, conduisait à l'ancienne abbaye d'Afflighem. »
- Même renvoi.
________________
« Le conseil communal de Neuville, sous Huy,
demande que le chemin de fer projeté entre Liège et Namur ne soit point établi
sur la rive droite de la Meuse. »
- Renvoi à la section centrale du budget des
travaux publics.
________________
« Plusieurs médecins vétérinaires diplômés,
exerçant dans la province du Hainaut, demandent que tous les artistes
vétérinaires soient admis à traiter les animaux atteints de maladie contagieuse
ou épizootique, et prient la chambre de s'occuper du projet de loi sur les
vices rédhibitoires des animaux domestiques. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur Magloire-Nicolas Teissier, préposé de
deuxième classe des douanes, à Nafraiture, ayant demandé la naturalisation
ordinaire, prie la chambre de l'exempter du droit d'enregistrement. »
- Même renvoi.
________________
« Les administrations communales de
Ghislenghien, Hellebecq, Issières, Rebaix, Ostiche, Bouvignies, Mainvault,
Bassilly, Silly, Meslin-l'Evêque, Gibecq et Ottignies demandent que le
gouvernement fasse des approvisionnements de grains et prenne des mesures pour
mettre à exécution les travaux publics qui ont été décrétés. »
- Renvoi à la section centrale chargée
d'examiner le budget des travaux publics.
_________________
« Le conseil communal d'Assebrouck présente des
observations contre le projet de loi relatif à la dérivation des eaux de la
Lys. »
- Renvoi à la section centrale chargée d'examiner
le projet.
« Les sieurs Pecher et Matthyssens, trésorier et
secrétaire de l'association commerciale d'Anvers, présentent des observations
concernant le projet de loi sur les sucres. »
M. Osy. -
Messieurs, je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale qui
sera chargée d'examiner le projet de loi sur les sucres. Mais comme ce document
pourra beaucoup éclairer la discussion, j'en demande l'impression au Moniteur.
- Cette proposition est adoptée.
________________
Par message en date du 27 février, le sénat
informe la chambre qu'il a adopté le projet de loi contenant le budget du
département de la j ustice pour l'exercice 1846.
Pris pour notification.
PROJET DE LOI PORTANT DES MODIFICATIONS AU TARIF
DES DOUANES
M. d’Elhoungne. - J'ai l'honneur de présenter le rapport de la
section centrale qui a examiné le projet de loi portant des modifications
provisoires au tarif des douanes.
Plusieurs membres. - La lecture !
M. d’Elhoungne, rapporteur. - Messieurs, l'adhésion unanime que les
sections ont donnée au projet de loi apportant des modifications provisoires au
tarif des douanes a allégé la responsabilité de votre section centrale sans la
dispenser d'examiner avec maturité et avec soin les graves questions que ce
projet soulève.
Les relations commerciales qui se sont rétablies
depuis 1830 entre la Belgique et le royaume des Pays-Bas, ne présentent point
pour les deux pays le même degré d'importance. Le royaume des Pays-Bas a trouvé
sans interruption, et à travers tous les changements de législation, un large
débouché en Belgique pour les produits de ses colonies, de son agriculture, de
ses pêcheries. L'industrie belge, au contraire, déchue du rang qu'elle occupait
sur le marché néerlandais, a vu ses exportations se réduire dans une proportion
que l'inexactitude et l'exagération de nos statistiques ont trop longtemps, peut-être,
laissée inaperçue.
(page 834)
Quel que fût le désavantage de cette situation, la Belgique a pu, sans doute,
se montrer attentive à la respecter. Dans le désir de voir ses rapports avec
les Pays-Bas se multiplier et s'étendre sous l'influence d'un traité
réciproquement favorable, elle a pu user de ménagements et prendre plus d'une
fois l'initiative des concessions. Mais la Belgique pouvait-elle aller plus
loin, sans que sa modération ne dégénérât en faiblesse ? En présence du tarif
exceptionnel et hostile dont le gouvernement néerlandais a frappé brusquement
les produits belges, sans tenir compte ni des bons procédés ni des avances de
la Belgique, celle-ci devait-elle rester impassible ? Telle est la question que
le gouvernement belge s'est posée, et qu'il n'a point hésité à résoudre
négativement. Dès lors il a dû recourir, lui aussi, aux représailles. Il l'a
fait avec fermeté, quoique avec mesure encore ; il l'a fait, non pour engager
une lutte fâcheuse, mais dans le but hautement avoué de ramener le gouvernement
néerlandais à des dispositions plus conciliantes et plus justes, de le rappeler
au sentiment des grands et vrais intérêts des deux pays. (Assentiment.)
C'est là l'origine, messieurs, et c'est là le
sens de l'arrêté royal du 12 janvier 1846, dont le gouvernement est venu
demander l'approbation à la législature par le projet de loi qui fait l'objet
de ce rapport.
L'appréciation de ce projet exige que nous
jetions un coup d'œil rétrospectif sur ce qui s'est passé dans les deux pays,
depuis 1830, au point de vue de leurs rapports commerciaux.
Le tarif du 26 août 1822, qui régissait la
Belgique et la Hollande avant leur séparation, ne doit point être considéré
isolément. Il se reliait d’une manière intime à un système colonial éminemment
protecteur qui lui servait de complément et de correctif. La marine nationale,
le haut commerce et plusieurs des industries les plus considérables trouvaient,
dans le système colonial, une compensation à la concurrence trop vive, que la
libéralité du tarif général leur créait dans les ports et sur les marchés de la
mère patrie.
Les événements de 1830, en laissant les deux
pays nominalement soumis à la même législation, leur firent cependant une
position bien différente. La Hollande conservait son régime commercial dans
toute sa force, dans toute son intégrité
; la Belgique au contraire se trouvait soumise à un système incomplet,
dépareillé, auquel la perte des colonies avait donné après coup un caractère de
libéralité qu'il n'avait jamais eu.
Certes, la Belgique eût usé d'un droit
incontestable en restituant immédiatement à sa législation ce qu'elle avait eu
jusqu'alors de protecteur pour la marine, le commerce et l'industrie. La
Belgique aurait été d'autant plus fondée à le faire que le gouvernement
néerlandais, non content de lui appliquer et le tarif de 1822 et le tarif
colonial, avait pris des mesures tout exceptionnelles contre les produits
belges qu'il frappa, pour la plupart, de prohibition.
La Belgique aima mieux procéder d'après un
principe tout contraire. Un arrêté du gouvernement provisoire, du 7 novembre
1830, commença par dégrever tous les produits hollandais de quelque importance
que l'application du tarif de 1822 allait atteindre.
Plus tard, il est vrai, on revint sur ces
dispositions, mais sans poser aucun acte hostile à la Hollande, sans prendre
contre elle aucune mesure de représailles. Dans les modifications apportées
successivement au tarif belge, on resta en somme bien au-dessous de la
protection que la loi du 26 août 1822 accordait directement à l'agriculture et
à la pêche, et qu'elle ménageait, combinée avec le système colonial, à la
marine, au haut commerce, et à l'industrie manufacturière.
Cette observation générale, qui suffirait à elle
seule pour écarter les griefs dont le gouvernement néerlandais a cru pouvoir se
plaindre, nous conduit à préciser le caractère et la portée, au point de vue
international, des lois sur les céréales, sur l'entrée du bétail, sur la pêche
maritime, sur les droits différentiels, ainsi que des dispositions qui ont
accordé à plusieurs branches de l'industrie nationale des droits protecteurs
plus élevés.
Dans la pensée de ses auteurs, la loi du 31
juillet 1834 sur les céréales était destinée à protéger l'agriculteur belge
également contre toutes les concurrences du dehors. Bien que cette loi ait été
tempérée par les lois spéciales qui décrètent la libre entrée de l'orge, et qui
autorisent l'introduction à des droits de faveur de certaines quantités de
céréales du Limbourg et du Luxembourg néerlandais, on ne contestera point son
caractère essentiellement protecteur. Mais il est impossible de soutenir
qu’elle ait été préjudiciable, soit à l'agriculture, soit au commerce des
Pays-Bas. En effet, comme elle consacre l'exemption de tout droit, quand le
froment et le seigle atteignent le prix de 20 fr. et de 15 fr. l'hectolitre, il
s'ensuit que les quantités de céréales que la consommation belge réclame, quand
elles ne sont pas introduites à un droit modéré, le sont en exemption de tout
droit. D'un autre côté, la mobilité des droits faisant obstacle à ce que le
port d'Anvers devienne le centre d'un grand commerce de grains, elle supprime
ainsi, au profil des ports hollandais, une concurrence dont on ne saurait
méconnaître l'importance, et elle assure jusqu'à un certain point au commerce
hollandais le monopole de l'approvisionnement du marché belge, puisqu'il est,
par sa position, à même de profiter le premier des oscillations que le prix des
céréales imprime a l'échelle des droits. Le chiffre des importations de
céréales qui ont lieu chaque année en Belgique du royaume des Pays-Bas, et la
faible proportion des quantités soumises au payement du droit, donnent à ces
réflexions la consécration de l'expérience.
La loi du 31 décembre 1835, sur l’entrée du
bétail, est issue d'un ordre de faits que le gouvernement des Pays-Bas a créé
lui-même. L'arrêté du gouvernement provisoire, que nous avons déjà eu
l'occasion de rappeler, avait substitué un droit de 10 et de 5 francs par tête,
au droit de 20 et de 10 florins fixé par la loi du 26 août 1822. A cette mesure
libérale, qui avait pour but de conserver aux éleveurs hollandais le débouché
belge, le gouvernement des Pays-Bas répondit par la prohibition du bétail à la
sortie. Cette prohibition, maintenue pendant plusieurs années, équivalait pour
l'éleveur belge à une protection énergique Elle devait le stimuler puissamment.
Elle devait par conséquent pousser l'élève du bétail en Belgique à un prompt
développement. Aussi, quand la prohibition à la sortie fut levée aux frontières
des Pays-Bas, il fallut bien accueillir les réclamations de plusieurs districts
agricoles et rendre, au moins en partie, à l'éleveur belge, cette protection
dont il avait joui par le fait du gouvernement néerlandais. C'est dans ces
circonstances que la loi du 31 décembre 1835 fut portée. Cette loi ne renchérit
pas sensiblement sur le tarif de 1822 ; et sous son empire les exportations de
bétail de Hollande en Belgique ont suivi une progression croissante.
La législation belge sur la pêche maritime n'a
point davantage été dictée par une pensée d'hostilité contre le royaume des
Pays-Bas, ni par un système de protection que celui-ci puisse taxer
d'exagération. La loi du 26 août 1822 frappait de prohibition le poisson de mer
provenant de la pêche étrangère, à l'exception du hareng saur et du stockvisch.
Le gouvernement provisoire ne laissa pas subsister ces dispositions
exorbitantes. Il établit sur toute espèce de poisson, produit de la pêche
étrangère, un droit uniforme de 10 p. c. ad valorem, droit que le congrès
national remplaça bientôt par celui de 15 fr. 90 les 100 kil. sur le poisson
frais fin, et de 7 fr. 95 les 100 kil. sur le poisson commun (Décret du 13
avril 1831). Cette tarification n'a jamais soulevé de réclamation. Si elle a
été modifiée, ce fut uniquement pour simplifier la perception du droit
désormais ramené au taux moyen de 12 francs et pour prévenir et réprimer la
fraude. Sous l'empire de cette loi, les importations de poisson de mer
provenant de la pêche hollandaise ont plutôt augmenté que diminué. Si donc elle
froisse aussi profondément qu'on l'a dit les pêcheries néerlandaises, ce ne
peut être que par suite des entraves qu'elle a mises à la fraude. Or, ce serait
la justification la plus éclatante de la loi.
La section centrale n'ignore pas, et elle
n'entend point contester par les réflexions qu'elle vient de faire, l'intérêt
vital qui se rattache pour la Hollande à l'importation du poisson et surtout à
l'importation du poisson frais en Belgique. A l'égard de cet article, qui forme
l'unique ressource de la nombreuse population du littoral hollandais, la
Belgique est le seul marché possible. En effet d'une part la consommation de la
Hollande même est insignifiante à côté de la consommation si considérable de la
Belgique, et d'autre part le marché anglais, le seul qui ne soit pas fermé à
l'entrée du poisson, est si abondamment pourvu par ses propres pêcheurs, que le
poisson, à l'exception des turbots et des soles, s'y vend à vil prix.
Mais si le gouvernement néerlandais doit
reporter une si vive sollicitude sur ces pêcheurs parmi lesquels la marine, qui
fait la grandeur et la force de la Hollande, recrute ses meilleurs matelots, le
gouvernement belge n'a-t-il point de son côté à protéger les pêcheurs de son
littoral ? N'a-t-il pas à se préoccuper de la prospérité et de la décadence
de leur périlleuse industrie ? N'a-t-il pas à tenir en vue l'intérêt commercial
et maritime qui, sans être pour la Belgique une question d'existence comme pour
la Hollande, reste néanmoins assez important pour dominer les considérations
d'un autre ordre, et mettre une barrière aux concessions ?
Nous ne nous arrêterons pas aux diverses mesures
qui ont renforcé le tarif belge dans un but de protection en faveur de
l'industrie manufacturière. A la seule exception des tapis en poil de vache et
de certains tissus de laine compris dans l'arrêté du 14 juillet 1842, la
Hollande est entièrement désintéressée dans la question. Il nous suffira donc
de consigner à ce sujet deux remarques : la première, c'est que le gouvernement
belge s'est toujours montré disposé à excepter, au moins partiellement, les
produits hollandais de l'arrêté du 14 juillet ; la seconde, c'est que la
protection, obtenue par l'industrie belge sur le marché intérieur, l'industrie
hollandaise la possède plus exclusive sur son marché colonial.
Et cette observation n'est pas sans quelque
importance pour l'appréciation de la lo du 21 juillet 1844, sur les droits
différentiels, dont il nous reste à parler. En effet, ce qui a porté la
Belgique à favoriser, par un système de droits différentiels, les relations
directes avec les contrées transatlantiques, n'est-ce pas l'exclusion que ses
navires et les produits de son industrie rencontraient dans les colonies des
puissances européennes, et particulièrement dans les colonies
néerlandaises ? Nous n'avons pas à examiner ici, si la loi des droits
différentiels a réalisé les prévisions de ses partisans, et si, telle qu'elle
est, (page 835) elle pouvait les
réaliser. Nous n'avons à l'envisager qu'au seul point de vue des relations
commerciales avec les Pays-Bas ; nous
n'hésitons à le dire, sous ce rapport, elle est exempte de tout reproche. La
protection qu'elle accorde au pavillon belge et au commerce national est très
modérée, quand on les compare au système colonial qui protège le pavillon et le
commerce néerlandais. Rien ne serait plus facile à établir par le parallèle des
deux législations, si l'exception introduite dans la loi même du 21 juillet
1844, pour le café Java et pour le tabac venant des Pays-Bas par la Meuse, ne
donnait l'éclat de l'évidence au désir qu'a toujours eu la Belgique de faire
aux importations néerlandaises une position favorisée. « Cette mesure, a dit
avec raison M. le ministre des affaires étrangères, en l'envisageant non
seulement comme une stipulation d'attente, comme une concession faite en vue
d'une réciprocité incertaine, et dans tous les cas encore à venir, constitue
pour la Belgique un sacrifice notable, pour les Pays-Bas un avantage très
signalé. En effet, d'une part, elle altère par sa base tout le système
commercial que l'on vient d'établir en Belgique, et neutralise par conséquent,
non moins par son influence immédiate que par les entraves qu'elle apporte à la
liberté d'action du gouvernement belge, une partie des effets que l'on attend
de ce système ; d'autre part, elle occasionne annuellement au trésor belge une
perte de 4 à 500,000 francs. » Nous ajouterons que, par cette exception, la
Hollande recevait sur le marché belge une position privilégiée qui faisait
tourner à son profit, plus efficacement peut- être que pour le commerce belge,
le système entier des droits différentiels.
Vainement dirait-on que la possession de ce
privilège avait un caractère transitoire et précaire ; car, pour s’y
maintenir, il suffisait à la Hollande de reconnaître en principe qu’une faveur
de cette portée devait donner lieu à une compensation. C’est dans ce sens
éminemment libéral que les chambres avaient voté la disposition de la loi
du 21 juillet. En cela elles se
montraient conséquentes avec leurs précédents : n’avaient-elles pas en
effet, à une époque antérieure, étendu spontanément aux navires hollandais le
remboursement du péage de l’Escaut ? N’avaient-elles pas accordé, par la
loi du 6 juin 1839, des avantages signalé au Luxembourg néerlandais ?
Quoiqu’on en ait dit, la loi du 21 juillet 1844 n’a donc pas été un acte
d’hostilité commerciale contre le royaume des Pays-Bas ; et on semble
l’avoir senti lorsqu’après plusieurs années de silence, on a groupé autour de
cette loi toute une série de griefs non moins dénués de fondement.
Toutefois, messieurs, si les considérations qui
précèdent ont établi que sous le rapport de l'agriculture, de la pêche maritime
du commerce et de la navigation, le gouvernement néerlandais ne peut élever des
plaintes légitimes contre la législation belge, est-ce à dire qu'il n'y ait
rien à faire ? Est-ce à dire qu'il n'y ait point là un champ fécond ouvert aux
négociations ? Votre section centrale s'empresse de le déclarer, telle n'a pas
été sa pensée. En examinant le passé, elle n'a point voulu préjuger l'avenir. C'est
au gouvernement, qui seul sera en position de peser les compensations offertes,
à restreindre ou à étendre les concessions que la Belgique pourra être appelée
à faire.
Nous venons, messieurs, de vous rappeler la
conduite et les actes de la Belgique. Nous avons maintenant à mettre sous les
yeux de la chambre les actes du gouvernement néerlandais lui-même. Il suffira,
pensons-nous, de les indiquer pour faire toucher du doigt l'inconséquence des
griefs qu'il reproche à la Belgique, et l'injustice de la guerre de tarif qu'il
lui a déclarée.
Comme nous l'avons déjà dit, de 1830 à 1839, le
gouvernement des Pays-Bas frappa de prohibition la plupart des produits belges.
En remaniant pendant cet intervalle son tarif, il abaissa pour les autres
provenances les droits d'entrée sur plusieurs articles, et particulièrement sur
les objets manufacturés ; pour d'autres
articles, pour la houille par exemple, il remplaça le droit de douane par un
droit de consommation. Quant au marché si important des colonies, il resta soumis
à toutes les restrictions d'un système qui poussait la protection jusqu'au
monopole.
Ce fut aux faveurs facilement appréciables de
cette législation commerciale, que la Belgique se trouva enfin admise en 1839
après la conclusion du traité de Londres. Elle en jouit jusqu'au mois de juin
1845, époque à laquelle le tarif des Pays-Bas subit un nouveau remaniement.
Cette fois les modifications avaient un autre caractère. Elles accusaient une
tendance très marquée vers le système protecteur en matière d'industrie. Un
grand nombre d'articles, choisis précisément parmi ceux que la Belgique importe
en Hollande, étaient taxés à un taux plus élevé que précédemment ; ainsi sur
les verres à vitres il y avait augmentation de 12 9/10 p. c ; sur la
cristallerie, de 7 p. c. et 10 p. c ; sur la clouterie, de 6 p. c ; les chapeaux de soie étaient
frappés même d'un droit prohibitif. Quant aux articles, sur lesquels les droits
étaient abaissés, quelques-uns, comme le bétail et la pêche, n'étaient dégrevés
peut-être qu'en vue des négociations avec la Belgique, et tous les autres
étaient loin d'avoir, pour la Belgique, l’importance des articles soumis à une
surtaxe : les tableaux annexés, ci-après, en fournissent la preuve irrécusable.
Il se présente ici, on doit le reconnaître, un
étrange contraste entre les principes que le gouvernement néerlandais proclame
et les actes qu'il pose. Multiplier et aggraver les droits protecteurs,
maintenir rigoureusement un véritable monopole colonial, se montrer aussi
persévérant à menacer de représailles que prompt à en user, ce sont là des
faits qu'il est difficile de concilier avec le grand principe de la liberté
commerciale que la Néerlande, d'après l'expression d'un de ses diplomates, a
toujours écrit sur sa bannière.
Dans ses traités de commerce avec d'autres
puissances, la Hollande n'a point hésité à acheter, par des concessions faites
à l'industrie étrangère, le débouché ouvert soit aux produits de son
agriculture, soit aux produits de ses colonies. Le traité signé à Paris, le 21
juillet 1840, accorde à beaucoup d'articles de l'industrie française, un
traitement privilégié en Hollande. Le traité avec le Zollverein, du 21 janvier
1833, qui est expiré, consacrait le même principe.
On le voit donc clairement : pendant que la
Hollande se maintenait et se développait sur le marché belge, pendant qu'elle y
trouvait et des concessions gratuites, et des avances, et des privilèges, elle
refusait non-seulement à la Belgique le retour même partiel au statu quo de
1830 quant aux colonies, mais elle frappait de préférence les produits belges
par son tarif, et ne plaçait pas même la Belgique dans la position de la nation
la plus favorisée.
Voilà quelle était la proposition prise par les
deux pays, quand des négociations infructueuses ont déterminé le gouvernement
belge à restreindre, par un arrêté du 29 décembre dernier, à un avantage de 3
fr. 50 c. par 10 kil., la faveur de 5 fr. par 100 kil. que la loi des droits
différentiels permettait d’accorder au café de Java. C’est à cet arrêté que le
gouvernement des Pays-Bas répondit le 5 janvier par des mesures de
représailles ; et le gouvernement belge décréta des mesures analogues
contre les provenances néerlandaises par ses arrêtés du 8 et du 12 janvier.
Ces derniers actes, messieurs, rentrent
évidemment dans la longue négociation dont M. le ministre des affaires
étrangères vous a fait l’exposé. Votre section centrale a cru devoir s’abstenir
de se prononcer sur cette négociation. En émettant une opinion sur la marche qu’on
y a suivie, sur le langage qu’on y a tenu au nom de la Belgique, sur les
propositions qu’on y a faites, votre section centrale craindrait de créer des
difficultés à la marche du gouvernement, auquel il importe de laisser toute sa
liberté d’action et toute sa responsabilité. Plus tard le contrôle des chambres
s’exercera avec plus d’opportunité sur ce point qui reste entièrement réservé.
Nous allons donc nous borner, pour compléter
notre tâche, l’examen de l’arrêté du 12
janvier 1846, que le projet de loi présenté par le gouvernement tend à faire
approuver par les chambres.
Les considérations qui précèdent ont établi la
nécessité dans laquelle le gouvernement belge s’est trouvé de répondre, par de
promptes représailles à l’arrêté néerlandais du 5 janvier. Cette nécessité,
toutes les sections l’ont proclamée et votre section centrale n’a point hésité
à la reconnaître.
Par-là se trouve sanctionné en principe l’arrêté
royal du 12 janvier. Mais, son opportunité admise, la question de légalité se
présente aussitôt.
Cette question a été résolue avec la même
unanimité par les sections et dans le sein de la section centrale. Il a paru
constant qu’aucune loi n’investit le gouvernement du droit de modifier le tarif
des douanes par arrêté royal, pendant la réunion des chambres. Il a même été
rappelé, dans la troisième section, qu'une disposition ayant pour objet
d'investir le gouvernement d'un pareil pouvoir, avait été proposée et rejetée
dans la discussion de la loi des droits différentiels . A cette occasion, la cinquième
section a exprimé le regret que le gouvernement ait cru devoir prendre un
arrêté illégal alors qu'il lui était si facile de soumettre immédiatement les
mesures de représailles à la législature
; et dans le sein d'une autre section (la deuxième), l'on a émis
l'opinion que le gouvernement eut dû se borner à demander d'urgence aux
chambres les pouvoirs nécessaires pour agir selon les circonstances. ;
Il n'a point paru à votre section centrale qu'il
y eût utilité à s'appesantir sur ce point en présence du bill d'indemnité que
les sections se sont empressées d'accorder au gouvernement.
Toutefois en reconnaissant que le gouvernement
avait pris l'arrêté du 12 janvier en dehors des pouvoirs que nos lois lui
attribuent, on devait se trouver devant des difficultés sérieuses d'exécution.
Un membre de la section centrale a proposé d'y obvier en donnant a la loi qui
sanctionnera l'arrêté du 12 janvier, un effet rétroactif au 13 janvier, date à
laquelle cet arrêté est devenu exécutoire. Cette proposition, accueillie par la
section centrale, se trouve formulée par l'article suivant qu'elle propose
d'ajouter au projet du gouvernement :
(page 836)
« Article additionnel. Les dispositions du tarif ci-dessus sont
applicables aux marchandises déclarées pour la consommation après le 13 janvier
1846. »
Abordant l'examen des articles, l'attention de
la section centrale s'est portée sur les vues émises et les propositions faites
par plusieurs sections. Ainsi, la sixième section, après avoir décidé que les
aggravations de tarif frapperaient sur le transit comme sur l'importation,
avait adopté pour tous les articles une tarification plus élevée que celle du
projet. La cinquième section, au contraire, demandait que l'on exceptât du
tarif proposé par le projet de loi, le beurre et le fromage qui sont des objets
de consommation à l'usage du peuple. La troisième section, portant ses regards
sur le péage de l'Escaut, recommandait à la section centrale la question de
savoir, s'il ne convient pas de suspendre le remboursement de ce péage aux
navires hollandais. Dans le sein même de la section centrale, on a signalé
l'omission de plusieurs articles importants du commerce hollandais, pur
exemple, le tabac de Java et le bleu d'azur, dans les dispositions du projet de
loi.
Votre section centrale, après avoir entendu MM.
les ministres des finances et des affaires étrangères, a généralisé toutes les
propositions qu'on vient d'indiquer dans la question suivante : Y a-t-il lieu
d'aggraver les dispositions du projet présenté par le gouvernement ?
Cette question, votre section centrale l'a
résolue négativement à l'unanimité. Il lui a paru qu'au moment où les
négociations ont été reprises et se poursuivent entre le gouvernement belge et
le gouvernement des Pays-Bas, la chambre devait user avec réserve de son
initiative. Une rédaction plus complète de l'article 3 du projet, en parant aux
éventualités de l'avenir, assurera d'ailleurs au gouvernement toute la latitude
que des circonstances, qu'on aime à croire peu probables, sinon impossibles,
rendraient nécessaire. Voici cette rédaction nouvelle que votre section
centrale vous propose pour l'article 3 du projet :
«
Art. 3. Le gouvernement pourra, selon les circonstances, réduire ou augmenter,
par arrêté royal, les droits sur les marchandises dénommées ci-dessus ou sur
toutes autres importées des pays désignes à l'article premier.
« Les arrêtés pris en vertu de la disposition
qui précède seront soumis à l'approbation des chambres. »
C'est dans ces termes, messieurs, et avec les
changements peu importants d'ailleurs qui viennent d'être indiqués que voire
section centrale vous propose, à l'unanimité, l'adoption du projet de loi.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je demanderai que la chambre
veuille bien me permettre d'attendre que le rapport de l'honorable M.
d'Elhoungne soit imprimé et distribué, avant de faire une proposition pour sa
fixation à l'ordre du jour.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI PORTANT SEPARATION DES COMMUNES DE
STOCKROYE ET DE ZOLDER
M. de Corswarem. - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter le rapport
de la commission spéciale qui a été chargée d'examiner le projet de loi tendant
à l'érection du hameau de Stockroye en commune séparée de celle de Zolder,
province de Limbourg.
- Ce rapport sera imprimé et distribué.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, vous avez renvoyé à votre
commission des finances les projets de loi de règlement des comptes des
exercices 1830, 1831 et 1832, auxquels le sénat a apporté un amendement, j'ai
l'honneur de déposer le rapport de cette commission.
M. Osy. - Messieurs, l'amendement apporté à ces
projets par le sénat consiste en un changement de date. Je crois que nous
pourrons entendre la lecture du rapport et passer immédiatement au vote. (Assentiment.)
- La chambre déride qu'elle entendra la lecture
du rapport et passera immédiatement à la discussion des projets.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, vous avez prescrit le renvoi à
voire commission des finances des projets de loi concernant le règlement des
budgets des exercices 1830, 1831 et 1832, que le sénat vous a transmis avec une
légère modification, par message du 16 février dernier.
Voici les motifs de ses amendements :
Les articles 2 et 3 de chacun de ces projets de
loi tendent à poser une limite aux engagements du trésor, à permettre sa
libération définitive.
Vous avez adopté ces projets en février 1845, et
par suite vous avez fixé à la date du 31 décembre 1845 la prescription
définitive des créances appartenant à ces trois exercices.
Le sénat ne leur a donné sa sanction que le 16
févier 1846 ; et la loi ne pouvant avoir d'effet rétroactif, il s'est vu obligé
de remplacer aux articles 2 et 3 des trois projets, la date du 31 décembre 1845
par celle du 31 décembre 1846.
Votre commission des finances ne peut que vous
proposer, par mon organe, l'adoption des projets de loi de règlement des
budgets des exercices 1830, 1831 et 1832, tels que le sénat vous les a
transmis.
PROJETS DE LOI PORTANT REGLEMENT DES COMPTES DE
L’EXERCICE 1830
La discussion est
ouverte sur le premier projet approuvant les comptes de 1830.
Personne ne demandant
la parole, la chambre passe à l’examen des articles.
Discussion des articles
Articles 1 à 7
« §
1er. Fixation des dépenses.
« Art.
1er. Les dépenses de l’exercice 1830 et antérieurs, constatées dans
le compte rendu par le ministre des finances, sont arrêtées, conformément au
tableau A ci-annexé, à la somme de trente-un millions deux cent
quatre-vingt-six mille quatre-vingt-dix-sept francs quarante et un centimes,
ci : fr. 31.286,097 41
« Les
payements effectués sur ce même exercice, jusqu’à l’époque de sa clôture, sont
fixés à trente-un millions cent quatre-vingt-trois mille cinq cent
trente-quatre francs quatre-vingt-dix-huit centimes, ci : fr. 31,183,534
28.
« Et
les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice, et restant à payer, à cent
deux mille cinq cent soixante-deux francs quarante-trois centimes, ci :
fr. 102,562 43. »
-
Adopté
« Art.
2. Les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice 1830 et antérieures
restant à payer, pour lesquelles les mandats émis n’ont pas été présentés au
payement au 1er janvier 1838, sont annulées ; elles seront
portées en recette extraordinaire au compte définitif de l’exercice 1835.
« Les
créances dont il s’agit, non sujettes à prescription par des lois antérieures,
dont le payement serait réclamé ultérieurement, pourront être réordonnancées
sur l’exercice de 1844 jusqu'au 31 décembre 1846, époque où elles seront
définitivement prescrites au profit de l’Etat. »
-
Adopté.
« Art.
3. Sont exemptées de la prescription prononcée par l’article précédent, les
créances liquidées et mandatées sur l’exercice 1830, dont le défaut de payement
proviendrait d’opposition ou de saisie-arrêt ; les créances de l’espèce,
seront, à l’expiration de l’année 1846, versées dans la caisse des fonds de
consignation et de dépôt, mais ne produiront pas d’intérêts en faveur des
tiers. »
-
Adopté.
« §
2. – Fixation des recettes.
« Art.
4. Les droits et produits constatés au profit de l’Etat sur l’exercice 1830 et
antérieures sont arrêtés, conformément au tableau B ci-annexé, à la somme de
vingt-neuf millions huit cent sept mille cent quarante-neuf francs
quatre-vingt-dix-huit centimes, ci : fr. 29,807,149 98
« Dans
laquelle se trouve comprise celle de deux millions deux cent dix-huit mille
quatre cent cinquante-sept francs soixante-huit centimes (fr. 2,218,457 68
centimes), admise provisoirement pour le solde en caisse au 30 septembre 1830,
chez les divers comptables de l’Etat.
« Les
droits recouvrés et renseignés dans le cours de l’exercice, suivant les
développements du même tableau, sont arrêtés à vingt-neuf millions huit cent
sept mille cent quarante-neuf francs quatre-vingt-dix-huit centimes, ci :
fr. 29,807,149 98
« Et
les droits et produits restant à recouvrer et à renseigner en recette
extraordinaire à un compte ultérieur, sont fixés suivant les développement du
même tableau, à néant. »
-
Adopté.
« Art.
5. Les sommes non renseignées au compte de l’exercice 1835 et années
postérieures, et qui pourraient être ultérieurement réalisées sur les
ressources affectées à l’exercice 1830 et antérieurs, par suite de l’apurement
des comptes des comptables, seront portées en recette au compte de l’exercice
courant, au moment où les recouvrements auront lieu. »
-
Adopté.
« §
3. Fixation du résultat général du budget.
« Art.
6. L’excédant de dépenses de l’exercice 1830 et antérieurs, arrêté par l’art. 1er,
à : fr. 31,286,097 41 sur les recettes fixées par l’art. 1er à
fr. 29,807,149 98 est réglé, conformément au tableau C ci-annexé, à la somme de
un million quatre cent soixante-dix-huit mille neuf cent quarante-sept francs
quarante-trois centimes, ci : fr. 1,478,947 43. »
-
Adopté.
« Art.
7. Cet excédant de dépense sera transféré, à titre de dépense extraordinaire,
et sous un article spécial, au compte définitif de l’exercice 1843, et
l’extinction en aura lieu au moyen de ressources extraordinaires que la loi du
règlement de cet exercice déterminera. »
-
Adopté.
« Mandons et ordonnons, etc. »
Vote sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote par appel nominal sur
l'ensemble de ce projet ; il est adopté à l'unanimité des 51 membres présents.
Ce sont : MM. Anspach, Clep, d'Anethan, David,
de Baillet, de Bonne, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Foere, de Garcia de
la Vega, de Haerne, Delfosse, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de Meer de
Moorsel, de Mérode, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmet, de Theux, de Tornaco,
Devaux, de Villegas, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dumortier, Fleussu, Goblet,
Huveners, Jonet, Kervyn, Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Mercier, Orban, Orts,
Osy, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Scheyven, Sigart, Van Cutsem, Vanden
Eynde, Verwilghen, Zoude.
PROJETS DE LOI PORTANT REGLEMENT DES COMPTES DE
L’EXERCICE 1831
La chambre passe à l'examen du second projet
approuvant les comptes de 1831.
La discussion générale est ouverte.
Personne ne demandant la parole, la chambre
passe à la discussion des articles.
Discussion des articles
Articles 1 à 8
« §
1er. Fixation des dépenses.
« Art.
1er. Les dépenses ordinaires et extraordinaires de l’exercice 1831,
constatées dans le compte rendu par le ministre des finances, sont arrêtées,
conformément au tableau A ci-annexé, à la somme de cent dix neuf millions (page 837) deux cent treize mille six
cent huit francs soixante-neuf centimes : fr. 119,213,608 69.
« Les
payements effectués sur ce même exercice, jusqu’à l’époque de sa clôture, sont
fixés à cent dix-neuf millions cent trente mille six cent cinquante-neuf francs
onze centimes : fr. 119,130,659 11.
« Et
les dépenses restant à payer, à quatre-vingt-deux mille neuf cent quarante-neuf
francs cinquante-huit centimes : fr. 82,949 58. »
-
Adopté.
« Art.
2. Les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice 1831 restant à payer,
pour lesquelles les mandats émis n’ont pas été présentés au payement au 1er
janvier 1838, sont annulées. Elles seront portées en recette extraordinaire au
compte définitif de l’exercice 1835.
« Les
créances dont il s’agit, non sujettes à prescription par des lois antérieures,
dont le payement serait réclamé ultérieurement, pourront être réordonnancées sur
l’exercice de 1844 jusqu'au 31 décembre 1846, époque où elles seront
définitivement prescrites au profit de l’Etat. »
-
Adopté.
« Art.
3. Sont exemptées de la prescription prononcée par l’article précédent, les
créances liquidées et mandatées sur l’exercice 1831, dont le défaut de payement
proviendrait d’opposition ou de saisie-arrêt.
« Les
créances de l’espèce, seront, à l’expiration de l’année 1846, versées dans la
caisse des fonds de consignation et de dépôt, mais ne produiront pas d’intérêts
en faveur des tiers. »
-
Adopté.
« §
2. – Fixation des crédits.
« Art.
4. Il est accordé au ministre des finances, sur l’exercice 1831, pour couvrir
les dépenses extraordinaires effectuées au-delà des crédits ouverts par les
lois des 15 janvier 1831 (n°58), 24 janvier 1831 (n°50), 26 février 1831
(n°52), 10 avril 1831 (n°107), 14 avril 1831 (n°113), 20 juillet 1831 (n°184),
22 septembre 1831 (n°233), 6 octobre 1831 (n°248), 14 novembre 1831 (n°204), 14
novembre 1831 (n°305), 15 novembre 1831 (n°306), 24 novembre 1831 (n°320), 22
février 1832 (n°124), 19 juillet 1832 (n°513), 3 décembre 1832 (n°355) et 2
octobre 1833 (n°97) des crédits complémentaires jusqu’à concurrence de six
millions sept cent quatre-vingt-dix-neuf mille six cent quarante-cinq francs
dix-huit centimes.
« Ces
crédits demeurent répartis conformément aux indications de la cinquième colonne
du tableau A ci-annexé. »
-
Adopté.
« Art.
5. Les crédits montant à cent vingt-deux millions six cent six mille quatre
cent soixante-quinze francs quatre-vingt-trois centimes, ouverts au ministre
des finances conformément au tableau A, pour les services ordinaires et
extraordinaires, sont réduits d’une somme de trois millions trois cent
quatre-vingt-douze mille huit cent soixante-sept francs quatorze centimes (fr.
3,392,867 14 c). »
-
Adopté.
« Art.
6. Au moyen des dispositions contenues dans les deux articles précédents, les
crédits du budget de l’exercice 1831 sont définitivement fixés à cent dix-neuf
millions deux cent treize mille six cent huit francs soixante-neuf centimes, et
répartis conformément au même tableau A. »
-
Adopté.
« §
3. Fixation des recettes.
« Art.
7. Les droits et produits constatés au profit de l’Etat sur l’exercice 1831 et
antérieures sont arrêtés, conformément au tableau B ci-annexé, à la somme de
cent vingt millions quatre cent soixante-trois mille six cent quatre-vingt-onze
francs huit centimes : fr. 120,463,691 08
« Les
recettes effectuées sur le même exercice jusqu’à l’époque de sa clôture sont
fixées à cent vingt millions vingt-cinq mille quatre cent soixante francs
vingt-et-un centimes : fr. 120,025,460 21.
« Et les droits et produits restant à
recouvrer à quatre cent trente-huit mille deux cent trente francs
quatre-vingt-sept centimes : fr. 438,230 87.
« Les
sommes non renseignées au compte de l’exercice 1835 et années postérieures, et
qui pourraient être ultérieurement réalisées sur les ressources affectées à
l’exercice 1830 et antérieurs, par suite de l’apurement des comptes des
comptables, seront portées en recette au compte de l’exercice 1844, au moment
où les recouvrements auront lieu. »
-
Adopté.
« §
4. Fixation du résultat général du budget.
« Art.
8. Le résultat général du budget de l’exercice 1831 est définitivement arrêté
ainsi qu’il suit :
« Dépenses
fixées par l’art. 1er à fr. 119,213,608 69
« Recettes
fixées par l’article précédent à fr. 120,025,460 21.
« Excédant
de recettes réglé à la somme de huit cent onze mille huit cent cinquante et un
francs cinquante-deux centimes : fr. 811,851 52.
« Cet
excédant de recettes sera transporté en recette extraordinaire au compte
définitif de l’exercice 1843.
« Mandons
et ordonnons, etc. »
Vote sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote sur l'ensemble du projet
de loi, qui est adopté à l'unanimité par les 51 membres présents.
PROJETS DE LOI PORTANT REGLEMENT DES COMPTES DE
L’EXERCICE 1832
La chambre passe au troisième projet qui porte
règlement de l’exercice 1832.
Discussion des articles
Articles 1 à 8
« §
1er. Fixation des dépenses.
« Art.
1er. Les dépenses ordinaires et extraordinaires de l’exercice 1832,
constatées dans le compte rendu par le ministre des finances, sont arrêtées,
conformément au tableau A ci-annexé, à la somme de cent soixante-trois millions
six cent cinquante-deux mille cinq cent quatre-vingt-dix-huit francs vingt-huit
centimes : fr. 163,652,598 28.
« Les
payements effectués sur ce même exercice, jusqu’à l’époque de sa clôture, sont
fixés à cent soixante-trois millions soixante mille sept cent un francs cinq
centimes : fr. 163,060,701 05.
« Et
les dépenses restant à payer, à cinq cent quatre-vingt-onze mille huit cent
quatre-vingt-dix-sept francs vingt-trois centimes : fr. 591,897 23. »
-
Adopté.
« Art.
2. Les dépenses liquidées et mandatées sur l’exercice 1832 restant à payer,
pour lesquelles les mandats émis n’ont pas été présentés au payement au 1er
janvier 1838, sont annulées. Elles seront portées en recette extraordinaire au
compte définitif de l’exercice 1835.
« Les
créances dont il s’agit, non sujettes à prescription par des lois antérieures,
dont le payement serait réclamé ultérieurement, pourront être réordonnancées
sur l’exercice courant jusqu'au 31 décembre 1846, époque où elles seront
définitivement prescrites au profit de l’Etat. »
-
Adopté.
« Art.
3. Sont exemptées de la prescription prononcée par l’article précédent, les
créances liquidées et mandatées sur l’exercice 1832, dont le défaut de payement
proviendrait d’opposition ou de saisie-arrêt ; les créances de l’espèce,
seront, à l’expiration de l’année 1846, versées dans la caisse des fonds de
consignation et de dépôt, mais ne produiront pas d’intérêts en faveur des
tiers. »
-
Adopté.
« §
2. – Fixation des crédits.
« Il
est accordé au ministre des finances, sur l’exercice 1832, pour couvrir les
dépenses extraordinaires effectuées au-delà des crédits ouverts par les lois
des 29 mars 1832 (n°211), 4 avril 1832 (n°226), 9 mai 1832 (n°317), 9 mai 1832
(n°318), 25 mai 1832 (n°389), 3 juin 1832 (n°438), 8 juillet 1832 (n°505) et 20
février 1833 (n°170) des crédits extraordinaires jusqu’à concurrence de cinq
millions cent cinquante et un mille six cent soixante et dix-neuf francs
trente-trois centimes (5,151,679 fr. 33.c.) Ce crédit demeure répartis
conformément au tableau A ci-annexé. »
-
Adopté.
« Art.
5. Les crédits montant à deux cent sept millions quatre-vingt-treize mille
quatre cent vingt et un francs quatre-vingt huit centimes (207,093,421 fr. 88
cent.), ouverts au ministre des finances conformément au tableau A ci annexé,
pour les services ordinaires et extraordinaire de l’exercice 1832 sont réduits
d’une somme de quarante-trois millions quatre cent quarante mille huit cent
vingt-trois francs soixante centimes (fr. 43,440,823 60 c.)
-
Adopté.
« Art.
6. Au moyen des dispositions contenues dans les deux articles précédents, les
crédits du budget de l’exercice 1832 sont définitivement fixés à cent
soixante-trois millions six cent cinquante-deux mille cinq cent quatre-vingt-dix-huit
francs vingt-huit centimes (fr. 163,652,598 28 c.), et répartis conformément au
même tableau A. »
-
Adopté.
« §
3. Fixation des recettes.
« Art.
7. Les droits et produits constatés au profit de l’Etat sur l’exercice 1832 et
antérieures sont arrêtés, conformément au tableau B ci-annexé, à la somme de
cent cinquante-huit millions deux cent soixante-quatorze mille huit cent
cinquante francs quatre-vingt-deux centimes, ci : fr. 158,274,850 82.
« Les
recettes effectuées sur le même exercice jusqu’à l’époque de sa clôture sont
fixées à cent cinquante-sept millions six cent seize mille cent
quatre-vingt-cinq francs trente centimes, ci : fr. 157,616,185 30 c.
(page 838) « Et les droits et
produits restant à recouvrer à six cent cinquante-huit mille six cent
soixante-cinq francs cinquante-deux centimes : fr. 658,665 52.
« Les
sommes non renseignées au compte de l’exercice 1835 et années postérieures, et
qui pourraient être ultérieurement réalisées sur les ressources affectées à
l’exercice 1830 et antérieurs, seront portées en recette au compte de
l’exercice 1844, au moment où les recouvrements auront lieu. »
-
Adopté.
« §
4. Fixation du résultat général du budget.
« Art.
8. Le résultat général du budget de l’exercice 1832 est définitivement arrêté
ainsi qu’il suit :
« Dépenses
fixées par l’art. 1er à fr. 163,652,598 28
« Recettes
fixées par l’article précédent à fr. 157,616,185 30.
« Excédant
de dépenses réglé à la somme de six millions trente-six mille quatre cent douze
francs quatre-vingt-dix-huit centimes, fr. 6,036,412 98 conformément au
résultat des tableaux A et B ci-annexés.
« Cet
excédant de dépenses sera transporté en dépense extraordinaire au compte
définitif de l’exercice 1843, et l’extinction en aura lieu au moyen des
ressources extraordinaires que la loi du règlement de cet exercice
déterminera. »
-
Adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
II est
procédé au vote, par appel nominal, sur l'ensemble du projet de loi, qui est
adopté à l'unanimité des 51 membres présents.
Discussion des articles
Chapitre II. - Comptabilité générale
§ 1. Recettes
La discussion continue sur l'article 7.
M. Delfosse. - Le compte
rendu de la dernière séance par le Moniteur es, en partie, inintelligible, on a
mis au bas de la deuxième colonne de la page 802 les deux premiers paragraphes
d'un discours que j'ai prononcé. Le reste de mon discours se trouve à la
première colonne de la même page et au commencement de la deuxième, mêlé à un
discours de l'honorable M. Rogier. Le discours de M. Rogier finit à ces mots :
c'est pourquoi je persiste dans ma proposition.
M. de Man d’Attenrode. - Vendredi, lorsque la séance était près de
finir, j'ai demandé à la chambre qu'elle voulût bien nous autoriser à faire
imprimer quelques documents qui feraient suite aux annexes du rapport de la
section centrale. Ce sont, messieurs : d'abord un arrêté du 6 novembre 1836,
qui proroge le service du caissier de l'Etat en faveur de la Société
générale ; ensuite un article
additionnel qui porte la date du 18 octobre 1839. Il me semblerait convenable
de faire imprimer encore l'arrêté du 30 mars 1843, par lequel le gouvernement
donne à, la Société générale la faculté de proroger son existence jusqu'en
1853, si je ne me trompe. J'avais demandé encore l'impression des statuts de la
banque de France. Quelques-uns de mes honorables collègues avaient témoigné le
désir que je comprisse cette pièce parmi celles dont je devais demander
l'impression, La chambre ne se trouvant plus en nombre lorsque j'ai fait cette
proposition, elle n'a pu être mise aux voix ; je demanderai que M. le président
veuille bien la mettre aux voix maintenant.
M. le ministre des finances (M.
Malou). -
Je ne vois aucune difficulté à faire imprimer le contrat qui a prorogé les
fonctions de caissier général et l'arrêté de 1843, qui se trouve dans toutes
les collections ; mais, messieurs, j'ai cherché
partout ce qu'on appelle les statuts de la banque de France et je ne les ai pas
trouvés : la banque de France est régie par des lois, des arrêtés, des
règlements intérieurs, dont plusieurs dispositions, encore en vigueur
aujourd'hui, datent de l’origine de cette institution, c'est-à-dire de l’an
VIII de la république française. Le privilège de la banque de France a été
prorogé en dernier lieu par la loi de 1840, et cette loi contient, outre la
|prorogation, quelques dispositions qui ne peuvent guère jeter de lumières sur
le système de banques publiques établi en France. Il m'est difficile,
d'ailleurs, de comprendre la connexité qui peut exister entre les statuts de la
banque de France et la discussion actuelle. La chambre pourrait se borner, ce
me semble, à ordonner l'impression des pièces qui se rattachent directement,
soit à la société générale, soit aux fonctions de cette société comme caissier
général de l'Etat.
M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, les paroles prononcées par M. le
ministre des travaux publics, vers la fin de la séance de vendredi, me semblent
de nature à exiger de ma part quelques explications concernant la portée de
l'art. 7 que nous discutons.
L'honorable chef de ce département s'est demandé
si la portée de cet article n'était pas de nature à faire passer les agents des
départements de la guerre, des travaux publics et autres, qui manient les fonds
appartenant au trésor, sous les attributions du ministre des finances.
Déplus, il est des honorables membres de cette
chambre qui pensent que cette importante disposition n'impose pas le caractère
de comptable aux agents des administrations centrales ou provinciales qui
manient momentanément les deniers de l'Etat pour faciliter des services urgents
ou de menus détails, impossibles à soumettre au visa préalable de la cour des
comptes.
Avant de me prononcer, avant d'émettre une
opinion sur ces deux questions, je tiens à dire encore quelques mots sur la
portée de l'article.
Le paragraphe premier prononce formellement
l'incompatibilité entre les fonctions d'ordonnateur et de comptable,
c'est-à-dire entre celui qui dépense et celui qui paye.
Les motifs de cette incompatibilité découlent
d'un principe fondamental, qui veut que tout acte de finance ne soit posé
qu'avec le concours simultané de deux personnes. C'est ainsi que, dans cette
circonstance, cette incompatibilité oppose l'homme d'argent à l'homme politique
et vice-versa ; elle oppose l'homme soumis aux habitudes les plus régulières,
soumis à une juridiction spéciale, à l'homme hardi, impatient dans ses projets.
Cette incompatibilité constitue un contrôle précieux, tend à prévenir les abus
; elle se base sur la défiance, car le mot confiance est un mot inconnu dans le
vocabulaire de la comptabilité.
Le paragraphe premier du même article exprime
ensuite de la manière la plus claire que tout individu qui touche les deniers
publics, autrement qu'en qualité de créancier de l'Etat, devient immédiatement
comptable. Il n'est pas inutile de récapituler ici les engagements que prennent
ceux qui acceptent ce caractère.
Celui qui accepte le caractère de comptable,
s'engage à justifier de sa gestion auprès de la cour des comptes ; il se soumet
à une juridiction spéciale, exceptionnelle, dont la Constitution a consacré
l'existence. En vertu de l'article 116 de la Constitution, la cour des comptes
est chargée de l'examen et de la liquidation des comptes de l'administration
générale et de tous comptables envers le trésor public.
Ainsi, le comptable est obligé de faire liquider
ses comptes par la cour des comptes.
Le décret du 30 décembre 1830 qui découle de
l'article 116 de la Constitution, a développé d'une manière plus complète quels
sont les devoirs auxquels se soumet le comptable.
D'après l'article 7 du décret du 30 décembre
1830, la cour des comptes a le droit de fixer les délais endéans lesquels les
comptes des différents comptables des deniers du trésor doivent être déposés à
son greffe.
En vertu de l'article 8, la cour a le droit de
prononcer contre les comptables retardataires une amende au profit de l'Etat.
D'après l'article 10 la cour règle et apure les
comptes. Elle établit, par ses arrêts définitifs, si les comptables sont
quittes, en avance, ou en débit.
Dans les deux premiers cas, elle prononce leur
décharge définitive, et dans le troisième cas elle les condamne à solder leur
débet au trésor, dans le délai qu'elle prescrit. D'après l'article 12, ces
arrêts sont exécutoires.
Bien que ces diverses dispositions ne soient pas
inscrites dans la Constitution, elles découlent de l'article 116, et elles ont,
selon moi, un caractère constitutionnel.
Le comptable s’engage ensuite à fournir un
cautionnement. En Belgique, il est obligé de fournir un cautionnement en vertu
de l'arrêté du 24 février 1814. Le rapport explique qu'il serait nécessaire
qu'une loi vînt régler le taux des cautionnements. La loi du 15 septembre 1817
exige ensuite un privilège sur les biens meubles et immeubles de tous les
comptables. Une perturbation très grave a été apportée dans cette garantie
donnée en faveur du trésor, par l'organisation de 1823 qui a abandonné
l'encaissement des deniers publics à une société anonyme, qui a abandonné le
trésor à ses spéculations.
Par suite de l'introduction de ce système, les
comptables des contributions directes ont été supprimés ; et la Société
générale les a remplacés avec ses agents. On a ainsi supprimé les receveurs
généraux et les receveurs particuliers ou d'arrondissement. Venaient ensuite
les percepteurs qu'on nomme à présent receveurs, mais l'Etat a perdu la
garantie du privilège qui leur était imposé, car c'étaient les receveurs
particuliers qui étaient responsable des perceptions, c'étaient eux qui
exerçaient également le privilège sur leurs biens. M. le ministre des finances
a donc fort bien fait de nous présenter une disposition qui tende à faire
disparaître cette lacune,.
Quant au caissier général, l'Etat a renoncé à
tout privilège à exercer sur lui. Le caissier croyait pouvoir exercer un
privilège sur ses agents en province. Le tribunal d'Arlon l'a débouté de cette
prétention, et un jugement de la cour de Liège est venu confirmer la décision
du tribunal d'Arlon ; c'est en vertu de
cette décision que le caissier général n'exerce pas de privilège sur ses
agents.
Les comptables se soumettent ensuite à la
vérification de leur caisse. ; ils n'y sont soumis que par les règlements ;
l'article 50 que la section centrale a introduit dans le projet, leur en fera
un devoir.
Ensuite les articles 62 et 74 du code pénal
prononcent l'emprisonnement et même les travaux forcés contre les comptables
qui seraient déclarés coupables de malversation, de soustraction, ou de
détournement des fonds de l’Etat.
D'après l'article 6 que la chambre a voté, les
préposés à la perception sont comptables. Maintenant l'article 7 déclare
comptables les préposés à l'encaissement, les préposés à la conservation du
trésor ; cet article les rend justiciables de la cour des comptes et les place
sous les ordres du ministre des finances.
Mais, outre les préposés à la perception, ainsi
qu'à l'encaissement et à la conservation du trésor, il existe d'autres
personnes qui manient des deniers publics. Et ici, j'arrive à la question de
savoir si ces agents, d'après l'article 7, révèlent le caractère de comptable.
Les exigences de certains services demandent que
la cour des comptes ouvre à l'administration des avances ; et elle ne peut le
faire que lorsqu'il s'agit de services urgents et de menus détails. Il est en
quelque sorte impossible d'éviter ces avances de fonds. Il faut, dans ces
circonstances, exiger qu'il y ait un agent comptable, justiciable de la cour
des comptes. Je pense que c'est nécessaire, et je vais en donner les raisons,
Dans le système actuel, quand ces avances sont
faites, il n'existe pas d'individus qui soient responsables de ces caisses
spéciales, et comme ils ne sont pas justiciables de la cour des comptes,
celle-ci n'est pas en droit de (page 839)
poser un délai pour la reddition du compte de ces avances de fonds. Dès lors
elle n'exerce pas un contrôle suffisant. Que résulte-t-il de ce système ? C'est
que les fonds, déposés dans ces caisses, restent sans surveillance, qu'on n'en
rend compte que tardivement, qu'au bout de 2 ou 3 ans, souvent même après la
clôture de l'exercice. Il en résulte une grande confusion pour la reddition des
comptes, et j'ai pu m'en assurer en épluchant les comptes des six premières
années de notre indépendance.
Ensuite, c'est un moyen de soustraire certaines
dépenses à la publicité. Il arrive souvent que, pour connaître l'emploi des
crédits que nous avons votés, nous nous rendons dans les bureaux de la cour des
comptes, et là on nous apprend que tel crédit a été liquidé à titre d'avance et
que l'on n'a pas encore rendu compte de l’emploi. Et ce qui est à remarquer,
c'est que ce système s'applique précisément aux dépenses qu'il nous serait le
plus intéressant de connaître.
Plusieurs fois les fonds ont même disparu, et je
pourrais citer plusieurs cas. Maintenant la chambre me permettra de lui donner
lecture d'un extrait du cahier d'observations de la cour des comptes,
concernant l'exercice définitif de 1835 ; cet extrait vous prouvera qu'en
France, l'administration constitue un agent comptable, responsable des avances
qui lui sont faites. D'ailleurs, par l'article 13 de la loi relative à la cour
des comptes, le gouvernement a proposé une disposition aux termes de laquelle
un agent comptable serait constitué dans le cas dont il s'agit. Cet article
pose une limite aux avances, et établit que la cour fixe le délai où il devra
être en justifié.
Je vais vous donner lecture de ce passage du
cahier de la cour des comptes, il est de nature à faire interpréter d'une
manière saine l'article 7.
« La cour s'empresse de signaler une excellente
mesure d'ordre qui a été prescrite par le département de l'intérieur, et qui a
pour objet de prévenir les abus qui peuvent résulter de la remise de fonds, à
charge de rendre compte, entre les mains de certains fonctionnaires, pour payer
directement quelques catégories de dépenses. Dans une circulaire du 9 mai 1840,
adressée à MM. les gouverneurs de province, M. le ministre informe ces
fonctionnaires que, « par suite des mesures prises, il ne leur sera plus
accordé, à partir de 1840, des fonds à titre d'avance pour couvrir les menues
dépenses de leur administration, et que son département ne donnera aucune suite
aux demandes qui lui auraient été adressées de ce chef pour l'année courante.
Il les invite en même temps à arrêter les moyens pour que les dépenses de
l'espèce soient liquidées directement au nom des intéressés, sur déclaration. »
« Déjà l'expérience a fait voir l'utilité de
cette mesure ; elle est destinée à empêcher le retour d'un abus qui s'est
révélé dans une de nos provinces, abus qui a sans doute déterminé M. le
ministre à la prendre.
« Le fait auquel la cour vient de faire
allusion, démontre de nouveau la nécessité d’une loi de comptabilité et la
réelle insuffisance des dispositions actuelles ; non point que celles-ci ne
renferment en principe tout ce qui est nécessaire pour donner à la cour des
règles certaines sur la conduite qu'elle a à tenir ; mais il faut plus que cela
pour une administration régulière des finances : il faut que les règles soient
écrites, qu'elles le soient avec clarté et avec détail, afin que chacun puisse
y voir ce qu'il a à faire sans qu'à cet égard la moindre incertitude soit
possible.
« L'abus signalé plus haut s'est manifesté à
l'occasion d'une remise de fonds entre les mains d'un gouverneur de province, à
charge d'en rendre compte, pour faire des distributions à des victimes de
l'agression hollandaise en 1832. Ces distributions étant souvent minimes, et la
difficulté de les faire parvenir aux intéresses assez frayeuse pour ceux-ci, on
crut avantageux de recourir à ce mode, au lieu d'employer le visa préalable.
Dans la province dont il s'agit, la distribution essuya de longs délais, dont
l'administration aura à justifier ; car
il advint que, pendant ces délais, l'employé à qui les fonds avaient été remis
en dépôt disparut avec une partie de ceux-ci, laissant ainsi dans sa caisse un
déficit de 24,000 francs, dont 14,508 fr. 70 c. à charge du trésor, le surplus
appartenant à une caisse particulière. Des poursuites criminelles
intervinrent ; il fut décidé par une
chambre de mise en accusation que l'employé prévaricateur et fugitif n'était
point comptable ; décision qui devait avoir pour effet de faire reporter toute
la responsabilité du vol sur la personne du gouverneur, qui avait fait le dépôt
des fonds entre ses mains.
« C'est à la cour des comptes qu'appartient le
droit de juger les comptables ; mais est-ce elle qui est toujours compétente
pour décider quels sont ceux à qui cette qualité compète ?
« Dans l'espèce, est-ce le gouverneur, au nom de
qui les fonds ont été mandatés, ou bien l'employé qui, d'après un usage constant
de la province où le fait s'est passé, a eu les fonds en dépôt dans sa caisse,
qui est le comptable avec toutes les obligations que cette qualité entraîne
après elle ?
« Il ne sera sans doute point sans intérêt de
voir sous quel point de vue une question analogue a été considérée par une
autorité de qui les lumières ne seront contestées par personne.
« La cour, désirant s'éclairer sur une
affaire dans laquelle une difficulté à peu près de même genre se présentait à
résoudre, crut, vu la nouveauté de la question, ne pouvoir faire rien de mieux
que de s'adresser à la cour des comptes de France.
« Voici la réponse qu'elle reçut de son premier
président : « Les lois qui régissent la cour des comptes de France ne
l'autorisant pas à délibérer sur des questions de jurisprudence qui ne
résulteraient pas de faits particuliers soumis à sa juridiction, je ne puis, M.
le président, vous faire parvenir que l'expression de mon opinion personnelle
sur la question dont il s'agit. Je l'ai examinée avec la plus sérieuse attention,
et il m'a paru que l'article 17 de l'ordonnance du 14 septembre 1822 était la
seule disposition applicable à l'espèce
; cet article est ainsi conçu :
« Les fonctions d'ordonnateur et
d'administrateur sont incompatibles avec celles de comptable.
« Tout agent chargé d'un maniement de deniers
provenant de notre trésor royal est constitué comptable par le seul fait de la
remise des fonds sur sa quittance ;
aucune manutention de ces derniers ne peut être exercée ; aucune caisse publique ne peut être gérée
que par un agent placé sous les ordres de notre ministre des finances, nomme
par lui, responsable envers lui de sa gestion et justiciable de notre cour des
comptes.
« Toutefois, pour faciliter l'exploitation des
services administratifs, régis par économie, il pourra être fait aux agents
spéciaux de ces services, Sur les ordonnances du ministre ou sur les mandats
des ordonnateurs secondaires, l'avance d'une somme qui ne pourra excéder 20,000
fr., à la charge par eux de produire au payeur, dans le délai d'un mois, les
quittances des créanciers réels.
« Le fait que vous énoncez, M. le président,
vous paraîtra, sans doute, comme à moi, rentrer dans les dispositions du
paragraphe 3 de l'article que je viens de citer
; et dans le cas où, en France, un des agents désignés par ce paragraphe
n'aurait pas satisfait, dans le délai prescrit, aux obligations qui lui sont
imposées, il devrait être déclaré comptable de fait des sommes qui lui auraient
été remises, et devenir par-là justiciable de la cour des comptes.
« Au surplus, la circonstance particulière sur
laquelle vous me demandez un avis, ne saurait se présenter dans notre
gouvernement, parce que les ordonnateurs supérieurs restent étrangers à tout
maniement de deniers.
« Il n'appartient qu'à vous d'examiner si la
participation qu'a prise l'administrateur dans le maniement des fonds qui lui
ont été versés, peut engager sa responsabilité, conformément au paragraphe 3 de
l'article 17 de l'ordonnance que je viens de citer, ou si l'absence de toute
règle en cette matière dans la comptabilité de la Belgique, ne le placerait pas
dans une position moins rigoureuse.
« Je remercie la cour des comptes de Belgique de
la confiance qu'elle a bien voulu accorder à celle de France, et je me félicite
d'être auprès de vous, M. le président, l'interprète de sa jurisprudence sur la
question que vous lui avez soumise. »
« L'observation saillante qui découle de la
lettre précitée, c'est que le cas, ainsi qu'on vient de le voir, qui ne saurait
se présenter dans la comptabilité française, aurait dû ne pouvoir s'offrir dans
la comptabilité belge ; c'est-à-dire, que la réunion des deux qualités
d'administrateur et de comptable aurait dù y être interdite, comme elle l'est
en France. Pas plus un gouverneur qu'un ministre ou tout autre fonctionnaire
administrateur, ne peut être à la fois ordonnateur et comptable, c'est-à-dire
avoir un maniement matériel de deniers du trésor, et la conclusion naturelle de
ce qui précède est un puissant et nouvel argument qui fait voir la sérieuse
nécessité de compléter la comptabilité belge
; nécessité qui devient de plus en plus sensible, quel que soit le point
de vue sous lequel on la considère. »
Vous voyez donc, d'après l'extrait que je viens
de lire, qu'en France l'ouverture d'une avance provoque la désignation d'un
agent comptable du service spécial que l'on crée. Aussi ces avances ne sont pas
faites au nom des administrateurs, cela résulte de l'incompatibilité qui existe
entre l'ordonnateur et le comptable.
Messieurs, je demanderai la permission de dire
encore un mot du système de comptabilité du chemin de fer et de sa régie.
Quelques honorables collègues ont paru se
figurer que j'attaquais l'administration de la régie. Je crois que cette régie,
fondée je crois, sous l'administration de M. Rogier, est une chose fort utile.
M. Rogier. - C'est sous l’administration de M. Nothomb.
M. de Man d’Attenrode. - Quoi qu'il en soit, je pense que c'est une
chose fort utile, parce que cela permet de contrôler les salaires des ouvriers,
qui autrefois étaient payés directement par les ingénieurs.
Mais voici en quoi consiste l'abus dont je me
plains. Il s'agissait de procéder au département des travaux publics comme on
agit au département de la guerre. Au département des travaux publics, on paye
le salaire des ouvriers ; au département
de la guerre, on paye la solde de l'armée. Mais voici comment on procède au
département des travaux publics : La cour des comptes ouvre un crédit sur un
agent de ce département ; que fait-il ?
Il transforme le crédit sur lui-même, en espèces, et se forme ainsi une caisse.
Il est donc ordonnateur et comptable, ce qui est irrégulier, et ce que la loi
que nous faisons tend à empêcher. Que résulte-t-il de ce mode ? C'est que la
cour des comptes, ayant ouvert un crédit, un moyen de service dont on ne
devrait faire usage qu'au fur et à mesure des besoins au profit des créanciers
de l'Etat, s'attend à en voir justifier au moyen de mandats délivrés au nom des
intéressés.
Si ces justifications ne sont pas produites,
elle doit croire qu'on n'a pas usé du crédit, que les fonds ne sont pas sortis
du trésor.
Mais comme le crédit est ordinairement converti
en espèces, l'administration des travaux publics vient en justifier tardivement
au moyen d'un compte de dépenses opérées directement par elle.
C'est de là en partie que sont résultées les
difficultés qui ont surgi entre la cour et le département des travaux publics.
Mais voici quels sont les abus sérieux qui ont
été la suite de la constitution de cette caisse irrégulière.
Le gouvernement ne s'est pas contenté d'en user
pour le salaire des ouvriers occupés de l'entretien du railway ; il en a fait
usage pour d'autres dépenses beaucoup plus importantes.
Il y a cinq ou six ans, on s'est servi de cette
caisse pour faire une avance de 1,800 mille francs à la maison Cockerill. C'est
là une grande irrégularité.
(page 840)
M.
le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - La cour des
comptes en a été instruite....
M. de Man d’Attenrode. - Il est impossible que la cour ait jamais
donné son assentiment à une dépense que la législature n'avait pas autorisée.
M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt). -
Elle a donné son visa.
M. de Man d’Attenrode. - Je ne puis croire qu'elle l'ait donné pour
faire une avance de 1,800 mille francs sans un crédit législatif.
J'ai dit vendredi que le gouvernement se sert
encore de cette caisse pour faire des avances à des entrepreneurs. D'après des
renseignements que je dois croire exacts, ces avances s'élèvent jusqu'à 300
mille fr. pour le moment.
Vous vous rappelez ensuite toutes les
difficultés qu'on a eues pour faire construire la section de la Vesdre de Liège
à Aix-la Chapelle. Je n'entrerai pas dans l'examen approfondi des causes de ces
embarras : les cahiers des charges étaient mal rédigés, les plans n'étaient pas
suffisamment mûris et les entrepreneurs, au lieu de travailler au chemin de
fer, travaillaient le gouvernement devant les tribunaux. Le gouvernement, pour
pallier les fautes qu'il avait laissé commettre, s'est servi de la caisse de la
régie pour faire exécuter les travaux par lui-même .C'est ainsi que la caisse
de la régie, destinée à des travaux d'entretien, qui était a servi à payer des
sommes immenses pour la construction de la section la plus dispendieuse de
notre railway.
Je pense que quand vous aurez prononcé qu'il y a
incompatibilité entre les fonctions d'ordonnateur et celles de comptable, que
lorsqu'un agent comptable sera responsable de la caisse qui sera aux travaux
publics, je pense qu'on ne continuera pas à faire un usage semblable des fonds
qui y seront déposés.
J'insiste donc sur la nécessité de poser des
règles pour que ces caisses exceptionnelles donnent lieu à la désignation
d'agents qui auront le caractère de comptables extraordinaires jusqu'à ce
qu'ils aient rendu compte de la gestion qui leur aura été confiée.
J'en viens à la question que M. le ministre des
travaux publics m'a fait l'honneur de me poser dans la séance de vendredi. Il
m'a demandé si les agents comptables des divers départements passeraient à ce
titre dans les attributions du ministre des finances, par suite de la
disposition de l'article 7. Je crois pouvoir répondre négativement ; et je dis qu'il est impossible de
l'interpréter ainsi, surtout si l'on veut se rappeler que l'article 15 du
projet de loi sur la cour des comptes pose une exception en leur faveur.
Cependant, quand un agent d'un ministère reçoit une avance, qu'il revêt le
caractère de comptable, je pense que dès lors il doit exister une espèce
d'affinité entre ce comptable et le ministre des finances ; je pense qu'il doit exister dès lors
certains rapports qui devront être définis par le règlement.
Le ministre des finances a la surintendance du
trésor public. Ces caisses particulières constituent des parties du trésor ; le
ministre des finances doit donc exercer sur elles une surveillance comme sur la
caisse principale. Je ne vois d'ailleurs rien de si étrange dans cette
situation. Ne voyons-nous pas le bourgmestre, le maire, en France, qui, par ses
attributions de maire, appartient essentiellement au ministre de l'intérieur,
se trouver cependant, par les fonctions d'officier de police judiciaire, dans
la dépendance du ministre de la justice ? Cela ne nuit en aucune façon à son
caractère de fonctionnaire du département de l'intérieur.
Je pense d'ailleurs que ces caisses spéciales
ont été trop nombreuses jusqu'ici. Je compte sur la loi de comptabilité pour en
faire diminuer le nombre. Il faut que les espèces, en sortant de la poche du
contribuable, passent le plus tôt possible entre les mains des créanciers de
l'Etat, que le trésor public conserve le moins de deniers possible. C'est un
grand principe qu'ont développé tous les hommes capables qui ont traité d'une
manière si claire et si remarquable ces belles questions en France.
Pour prouver encore, messieurs, qu'il est utile
que M. le ministre des finances exerce une action réelle sur ceux qui
détiennent les deniers de l'Etat, je citerai les avances qui ont été faites aux
corps de l'armée sur le trésor. Au commencement de notre existence nationale,
quand on a formé l'armée, le trésor a fait des avances considérables aux divers
corps. Il a dû, dès lors, s'établir des décomptes avec le trésor. Dans certains
corps les dettes ont diminué ; dans d'autres, elles ont augmenté. Vous
conviendrez tous, messieurs, qu'il serait nécessaire que M. le ministre des
finances sût où en est la situation du trésor avec l'armée, et je crois pouvoir
dire qu'il l'ignore.
M. le ministre des finances (M. Malou). - Pas du tout.
M. de Man d’Attenrode. - Avant de terminer, j'ai encore un mot à dire
concernant l'amendement que M. le ministre des finances propose à l'article en
discussion. M. le ministre comprenant que l'article 7 était de nature à gêner
deux services que je considère comme tout à fait exceptionnels, le service de
caissier de l'Etat par une société anonyme, et le service des recettes du
chemin de fer par des agents du département des travaux publics, a présenté
deux articles dérogatoires. Je n'entends pas me prononcer maintenant sur ces
deux amendements, car je désire que la chambre ne s'en occupe que lorsque nous
arriverons aux dispositions du projet qu'ils concernent. Mais, je le déclare,
je ne comprends pas quel a été le but de M. le ministre en nous proposant son
amendement à l'article 7. Ne dirait-on pas que cet amendement tend à préjuger
notre vote concernant les deux articles dérogatoires ? Si vous n'adoptiez pas
ces deux articles, l'article 7, auquel je tiens beaucoup, commencera par une
disposition qui n'aura plus de signification ; je suppose même que vous
adoptiez les deux articles dérogatoires, pour un temps limité, que signifiera
l'amendement proposé à l'article 7, quand les lois dérogatoires et
exceptionnelles auront cessé leurs effets ?
Je déclare donc que je voterai contre cet
amendement, et lorsque nous en viendrons au vote, je demanderai la division.
M. le ministre des finances
(M. Malou). -
Je ne suivrai pas l'honorable préopinant dans les considérations assurément
très intéressantes qu'il vous a présentées, mais qui me paraissent ne pas se
rattacher à l'article 7.
L'honorable rapporteur demande le rejet de
l'amendement que j'ai présenté et qui consiste à ajouter à l'article en
discussion : « sauf les exceptions établies par la loi ». Le motif de
cet amendement est très simple : ce n'est pas seulement en vue des deux
dérogations temporaires que j'ai cru devoir présenter, que j'ai proposé de
mettre dans la loi le principe d'exceptions possibles ; mais c'est parce que je
suis convaincu que dans ce pays il sera souvent nécessaire d'établir des
exceptions comme celles-là, Or, il suffit que cela soit possible pour que
l'amendement doive être adopté.
Il peut paraître étrange, messieurs, de réserver
dans une loi les exceptions à faire par d'autres lois. Mais ici rappelons-nous
bien quel est l'esprit, quelle est l'essence de la loi que nous discutons.
C'est en quelque sorte une loi organique, une loi de principe, et il faut
prendre garde que ses règles ne soient considérées comme tellement absolues,
que lorsque le gouvernement viendrait demander à la législature des exceptions,
il ne rencontrât de très grandes difficultés. Cela ne préjuge absolument rien,
ni quant aux exceptions temporaires que je propose, ni quant à la possibilité
d'autres exceptions dans l'avenir.
M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt). -
Mon intention n'est pas de prolonger la discussion sur cet article, puisque le
principe qu'il consacre ne me semble jusqu'à présent combattu par personne ; mais j'ai besoin de donner quelques
explications en réponse à ce qui a été dit sur la régie du chemin de fer. Ces explications,
du reste, seront très courtes. Il y a un premier point qui a été signalé, dans
la séance de vendredi dernier, par l'honorable rapporteur, et qu'il a tiré des
observations de la cour des comptes. D'après ces observations, qui concernent
les comptes de 1841, il serait resté,
sans justification de la part de la régie, une somme de 6,618,209 fr.
Comme cette somme m'a paru extrêmement élevée, je me suis fait donner des
explications à cet égard, et il en résulte que la seule dépense qui en 1841 restât
à justifier de la part de la régie, ne s'élevait qu'à 508,933 fr. Mais voici
d'où provient peut être la différence entre cette somme si peu élevée et la
somme énorme qui, d'après les observations de la cour des comptes, n'aurait pas
été complétement justifiée ; c'est que la cour n'avait probablement pas encore
statué sur les pièces justificatives qui lui avaient été envoyées, ou qu'une
partie de ces pièces étaient encore restées au département.
Messieurs, j'ai ici la situation de la
comptabilité de la régie au 1er mars 1846. Le tableau qui la présente est fort
détaillé et contient beaucoup de chiffres. Je pense que la chambre ne voudra
pas que je lui en donne lecture, mais je pourrai le faire insérer au Moniteur.
Voici, du reste, le résultat sommaire de la
comptabilité de la régie au 1er mars
1846.
Il restait à justifier envers la cour des
comptes du chef des dispositions. du directeur de la régie sur les crédits
ouverts à son profit, savoir :
Sur le fonds spécial : fr. 1,532,062 60
Sur les budgets : fr. 1,111,299 85
Total : fr. 2,643,362 43
Mais cette somme comprend des demandes en
régularisation que le directeur de la régie a transmis au département et de la
vérification desquelles on s'occupe en ce moment.
Les pièces de dépenses dont se composent ces
demandes, s'élèvent à, savoir :
Sur le fonds spécial : fr. 988,563 24
Sur les budgets : fr. 355,325 18
Total : fr. 1,343,888 42
Reste :fr. 1,299,474 03
De sorte qu'en résultat le directeur de la régie
n'a à justifier envers mon département que d'une somme de fr. 1,299,474 03,
laquelle somme se compose : 1° en partie
d'avances faites par ce comptable pour payement de travaux urgents, ensuite
d'ordres émanés tant de mes prédécesseurs que de moi, pour une somme dépassant
les 400,000 fr. ; la régularisation de ces dépenses dépend de décisions à
intervenir et de décomptes à établir par mon département ; 2° en partie de dépenses liquidées par le
directeur de la régie dans les derniers mois pour emprises, salaires d'ouvriers,
travaux de parachèvement et d'entretien, etc., desquelles le directeur doit
encore se justifier envers le
département.
Du reste les pièces justificatives pour le
reliquat seront incessamment envoyées au département des travaux publics.
J'ai,
messieurs, une seconde observation à présenter relativement aux avances fort
considérables à la vérité qui ont été faites par la régie, pour la maison
Cockerill et pour les entrepreneurs du chemin de fer de la Vesdre. Les
décisions qui ont été prises à cet égard, ne l'ont été qu'après délibération du
conseil des ministres, et la cour des comptes a dû en être préalablement
informée, puisque c'est elle qui a ouvert à la régie les crédits nécessaires.
C'était
dans des moments critiques, et il y avait urgence. Le gouvernement a cru, à
cette époque, qu'il y avait le plus haut intérêt à prendre cette (page 841) mesure. Du reste
l'administration de la régie y était tout à fait étrangère et elle n'a fait
qu'exécuter les ordres qui lui ont été donnés.
Voilà, messieurs, les courtes explications que
j'avais à présenter. Il en résulte que les sommes dont il reste à justifier de
la part de la régie ne sont pas très considérables et qu'elles le seront très
incessamment ; que, quant aux avances
qui ont été faites par la régie, elles l'ont été par suite de décisions prises
par le gouvernement. Il arrive encore aujourd'hui que des avances sont
réclamées, soit parce qu'un entrepreneur a immédiatement besoin de fonds, soit
par d'autres causes ; mais la liquidation ne tarde pas à s'en faire.
Je n'entrerai pas dans de plus grands détails,
parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne contestons pas le principe
posé dans l'article 7.
M. Rogier. - Messieurs, l'article en discussion soulève des
questions d'une haute importance. Il est très regrettable que pour discuter de
pareilles questions, nous nous trouvions en présence d'un gouvernement dont
l'existence est depuis quelque temps à l'état problématique. Nous ne voulons
pas demander en ce moment d'explications nouvelles ; cependant il faudra bien que ces
explications nous arrivent quelque jour. Nous désirons seulement que, pour la
marche régulière des affaires, ce jour ne soit plus très éloigné.
Je dis, messieurs, que l'article 7 soulève des
questions d'une haute importance.
En effet, il soulève d'abord la question de
savoir quel sera le caissier de l'Etat, cette question qui agite la chambre et
le pays depuis notre régénération politique. Presque chaque année elle a été
soulevée dans cette enceinte, toujours la solution en a été renvoyée à l'époque
où une loi sur la comptabilité serait présentée aux chambres. Cette loi est
présentée, et voici un nouvel ajournement. M. le ministre des finances propose
en effet de continuer le régime actuel jusqu'à l'année 1830.
Ainsi donc, messieurs, nous discutons une loi de
comptabilité générale de l'Etat, et une des bases essentielles de cette loi, ce
que la section centrale appelait la pierre angulaire de l'édifice se trouve
retiré de la loi. Nous faisons encore du provisoire, nous faisons une loi très
incomplète.
L'article 7 soulève aussi des questions
importantes au point de vue administratif, et ici encore il est très
regrettable que MM. les ministres ne se trouvent pas tous à leur banc pour
défendre leurs attributions, pour défendre leurs droits, attributions et droits
qui peuvent se trouver plus ou moins compromis par diverses dispositions de la
loi qui vous est soumise.
Cette loi, messieurs, a une tendance
remarquable, c'est de favoriser en quelque sorte l'absorption des autres
administrations par le département des finances.
Eh bien, je crois que chaque ministre doit avoir
à cœur de maintenir autant que possible ses attributions intactes, et de les
étendre même autant que les nécessités du trésor public le permettent, autant
que la régularité de la comptabilité peut s'harmoniser avec les besoins
administratifs.
L'article 7, messieurs, interprété à la lettre,
ferait passer dans les mains de M. le ministre des finances des attributions
très importantes des autres ministères.
M. le ministre des finances a eu la générosité,
il est vrai, de laisser provisoirement à M. le ministre des travaux publics les
recettes du chemin de fer ; mais ce n'est que provisoirement. Son article
nouveau combiné avec l'article 7 est conçu de telle manière que M. le ministre
des finances entend bien s'emparer quelque jour des recettes du chemin de fer.
S'il le nie, il ne niera pas du moins que l'article 7, tel qu'il a été présenté
dans sa généralité, n'avait pas excité ses répugnances, qu'il s'était d'abord
parfaitement trouvé de ces attributions nouvelles que la section centrale
voulait lui conférer.
Voilà pour le chemin de fer. Pour les postes,
nous ne savons pas ce qu'elles deviendront. On nous dit bien que les recettes
des postes continueront provisoirement d'être faites conformément aux arrêtés
et règlements en vigueur. Mais c'est encore du provisoire.
Messieurs, dans une loi de comptabilité qui
devait avoir pour but, et pour but essentiel, de régler la comptabilité des
chemins de fer, il ne fallait pas introduire une exception qui ajournât la
solution de cette question.
La comptabilité du chemin de fer a aussi chaque
année excité dans cette chambre de vives discussions. Toujours la solution des
difficultés qui ont été soulevées, la réponse aux objections qui ont été
faites, avaient été renvoyées à la loi de comptabilité, comme la question du
caissier de l'Etat. Arrive cette loi, et on ajourne également la question de la
comptabilité du chemin de fer.
Mais, messieurs, bien que M. le ministre des
finances ait consenti provisoirement à ne pas s'emparer des postes et du chemin
de fer, ce qui reste dans l'article 7 est encore de nature à flatter
singulièrement son amour-propre. Car cet article, interprété à la lettre,
laisse encore à M. le ministre des finances une belle part dans le domaine de
ses collègues.
Il dispose, en effet, dans sa généralité, que
tout employé qui aura un maniement de fonds, sera comptable (ce que j'accepte,
ce qui me paraît sage et convenable), sera justiciable de la cour des comptes
(ce qui est encore très bien), mais sera placé sous les ordres de M. le
ministre des finances. Ainsi, dans chaque ministère, il y a des employés
désignes par le chef du département, à qui l'on ouvre des crédits, à qui l'on
fait des avances pour certaines dépenses urgentes. Cela a lieu au ministère des
affaires étrangères, au ministère des travaux publics, au ministère de
l'intérieur. Ces employés, par cela seul qu'ils manient des fonds, se
trouveront sous les ordres du ministre des finances. Je dis, messieurs, que les
autres ministres ne peuvent accorder à M. le ministre des finances, devînt-il
chancelier de l'échiquier, une aussi grande part dans leur ménage intérieur. Il
faudrait des explications à cet égard, et je suppose que les minisires, autres
que M. le ministre des finances, désireront ces explications.
L'article 7, messieurs, a été emprunté, comme
beaucoup d'autres du projet, au règlement général français du 31 mai 1838. Je
ne sais pas si en faisant ces emprunts à la législation française, on a toujours
tenu compte des grandes différences qui existent dans la situation des deux
pays. Je crains que, séduit par la réputation dont jouit avec raison la
comptabilité française, on ne se soit trop empressé d'introduire dans notre
législation des articles qui ne s'harmonisent pas avec les faits existants.
Ainsi il y a entre la Belgique et la France deux
différences très grandes dans le mode de comptabilité.
Nous avons d'abord le visa préalable de la cour
des comptes pour toute dépense, garantie très forte, particulière à notre pays
et qui, je pense, n'existe dans aucun autre. En France les dépenses se font
sans que la cour des comptes y donne préalablement son visa. Voilà donc une
très grande différence qui devrait engager à donner aux ministres belges un peu
plus de facilités dans leurs opérations, au lieu de leur imposer de nouveaux
liens.
En second lieu, messieurs, nous avons un
caissier de l'Etat, établi sur de tout autres bases que le caissier de l'Etat
français. Le mode de recettes diffère entièrement en Belgique et en France. En
Belgique on peut dire qu'il n'existe pas de garanties pour la conservation des
deniers publics. Une caisse publique qui ne peut être contrôlée chaque jour, à
toute heure par le gouvernement, n'offre point de garanties au pays.
En France, messieurs, des garanties réelles
existent à cet égard. Le recouvrement et l'encaissement des recettes s'opère
par des agents nommés par le gouvernement, responsables devant lui, dont les
caisses sont ouvertes à toute heure de jour au gouvernement. Ici les fonds sont
déposés dans des caisses dirigées par
des agents sur lesquels le gouvernement ne peut exercer aucune action, auxquels
il n'a mot à dire, qui ne sont nullement justiciables de lui.
Les différences sont donc radicales pour les
deux pays, et il était impossible de transporter dans notre législation, en
quelque sorte sans examen et de confiance, toutes les dispositions françaises
qui s'appliquent à un système entièrement différent.
Maintenant, en supposant l'exception proposée
par M. le ministre des finances admise, en supposant que la chambre accepte
l'ajournement qu'il propose quant au caissier de l'Etat, je dois lui faire une
question.
L'article 7 (en l'acceptant provisoirement),
l'article 7 soumet sans exception à la cour des comptes et rend responsables
envers le ministre, tous les agents chargés d'une manutention de fonds et tous
ceux par qui sont gérées des caisses publiques. Je demande si, quels que soient
les arrangements à intervenir avec le caissier actuel, cet article lui sera appliqué,
si cet article sera accepté par le comptable avec lequel on continuerait le
contrat actuel ; je demanderai également si l'article 8 sera appliqué aux
comptables appartenant à la Société générale.
Voici ce que porte cet article :
« Art. 8 (nouveau). Aucun titulaire d'un emploi
de comptable de deniers publics ne peut être installé dans l'exercice de ses
fonctions, qu'après avoir justifié de sa prestation de serment et du versement
de son cautionnement, dans les formes et devant les autorités à déterminer par
les lois et règlements, »
Je
demande, en un mot, si le gouvernement, se réserverait la nomination des
agents, se réserverait de leur imposer des cautionnements, enfin si l'article
7, l'article 8 et tous les articles qui peuvent concerner le caissier de l'Etat
s'appliqueront à la Société générale, continuée dans ses fonctions par une
prorogation du contrat ? Je demande si le ministre des finances a la certitude
que ces conditions seront acceptées par le caissier de l'Etat avec lequel l'on
aurait renouvelé le contrat.
M. le ministre des finances voudra bien, sans
doute, faire imprimer le dernier contrat passé avec la Société générale.
M. le ministre des finances (M. Malou). - C'est convenu.
M. Rogier. - Je pense que le gouvernement n'est lié que pour
une année, que l'on peut de part et d'autre dénoncer la convention ; il faudrait avoir cette convention sous les
yeux et je ne pense pas qu'elle ait été imprimée...
M. le ministre des finances (M. Malou). - Elle pourra être distribuée ce soir ; elle ne contient que quelques articles.
M. Rogier. - Il est bien difficile, messieurs, de ne pas
traiter ces questions à propos de l'article 7, bien qu'elles doivent encore
l'être par les articles 54 et 57, mais si on ajournait la discussion actuelle
jusqu'à l'examen de ces articles, il est probable que les articles 7 et 8 ne
seraient pas les seuls qui devraient être ajournés ; il en est encore d'autres qui se rattachent
au caissier. Je crois que pour gagner du temps, on devrait discuter maintenant
les articles qui forment exception à l'article 7. Je demande à M. le ministre
des finances s'il ne pense pas que l'on pourrait discuter, en même temps que
l'article 7, les articles 54 et 57 ? Une fois que l'on serait fixé sur le point
de savoir si la question du caissier de l'Etat se trouve ajournée ; alors on
pourrait régler les autres articles en conséquence, mais si nous restons dans
le doute sur ce point important, je crains bien que toute la discussion ne s'en
ressente. Je demanderai à M. le ministre des finances s'il n'est pas de mon
avis à cet égard ?
M. le ministre des finances (M. Malou). - Quelle que soit la décision de la chambre à
l'égard des dernières observations de l'honorable M. Rogier, je dois regretter
de ne pas avoir donné, dès le début de la discussion, des explications sur les
amendements relatifs au caissier général de l'Etat. Vous venez en effet,
messieurs, d'entendre l'honorable M. Rogier parler de la (page 842) combinaison que j'ai eu l'honneur de proposer, sans que
(et je dois l'imputer à moi-même) sans que les motifs et les conséquences de
cette combinaison aient été expliqués.
Il existe aujourd'hui, entre le gouvernement et
la Société Générale, un contrat d'après lequel le gouvernement et la Société
Générale peuvent dénoncer cette convention un an à l'avance pour y mettre un
terme. J'ai pensé, et, pour la question du caissier de l'Etat et pour celle du
service de la recette du chemin de fer, qu'il est impossible d'organiser le
service en même temps que l'on posait les principes de la comptabilité
générale. Le regret que l'honorable M. Rogier exprime de ce que la loi soit
incomplète, ne retombe plus seulement sur le gouvernement, il retombe en même
temps sur la section centrale ; le gouvernement et la section centrale sont
entièrement d'accord sur ce point, qu'on ne peut pas, du jour au lendemain,
supprimer la régie, supprimer le caissier de l'Etat sans rien y substituer, et
cela est évident. N'eussé-je proposé aucun amendement, la force des choses nous
eût amenés à reconnaître qu'il est impossible de supprimer la régie et le
caissier de l'Etat le onzième jour après le vote de la loi.
Ces deux questions sont forcément en dehors de
la loi, en ce sens que le principe absolu qu'elle pose ne peut pas, en ce qui
les concerne, recevoir une application immédiate. On peut regretter ces
lacunes, mais pour moi, je ne les regrette nullement ; le projet de loi dont la
chambre s'occupe en ce moment contient les principes généraux, les principes
essentiels, et en dehors de ces principes, il est des questions assez vastes
pour faire l'objet d'une discussion toute spéciale. Ainsi le caissier de l'Etat
et la régie du chemin de fer sont deux questions que ni le gouvernement, ni la
chambre ne. sont, je pense, en mesure de résoudre aujourd'hui. L'on ne peut
improviser à cet égard un système complet qui puisse recevoir son exécution le
onzième jour après le vote de la loi. (Interruption.)
L'honorable membre me dit : « Nous perdrons notre temps, » je crois que nous ne
perdrons nullement notre temps, si après dix ou quinze jours de discussion,
nous avons terminé la loi générale sur la comptabilité en laissant à résoudre,
les deux questions dont jviens de parler et qui demandent une étude spéciale et
complète. Si nous laissons ces deux questions en dehors de la loi actuelle en
fixant même une date avant laquelle elles doivent être résolues, c'est pour que
l'examen en puisse être mûri, pour qu'il soit complet et que ces questions
reçoivent une solution convenable.
Les dates sont différentes pour la régie et pour
le caissier de l'Etat, et voici pour quel motif : Je pense que dans le cours de
la session prochaine (et je me suis, mis d'accord à cet égard avec mon collègue
des travaux publics), la chambre peut facilement être saisie d'une loi ayant
pour objet d'organiser le système de la recette du chemin de fer, mais il n'en
est pas de même de ce qui concerne le caissier général.
La Société générale chargée, en 1823, des
fonctions de caissier, a une durée limitée
; aux termes du contrat primitif, elle a été fondée pour 27 ans et 3
mois ; sa durée expire le 31 décembre 1849.
En 1843, messieurs, est intervenu un arrêté qui
a prorogé éventuellement la durée de la Société générale. Je n'entrerai pas
dans les détails de cet arrêté, puisque l'impression vient d'en être ordonnée ;
cependant, je me trouve amené à l'analyser. Au termes de cet arrêté la durée de
la société est prorogée éventuellement jusqu'au 31 décembre 1855. Le
gouvernement se réserve de faire connaître, au plus tard le 31 décembre 1849,
les changements et les additions qu'il jugera convenable d'apporter aux
statuts. Afin de satisfaire aux besoins de l'époque et aux intérêts du pays.
Lorsque ces changements auront été indiqués, il courra un délai endéans lequel
les actionnaires devront déclarer s'ils acceptent les changements proposés par
le gouvernement. Il se fera ainsi, sur les conditions proposées par le
gouvernement, une négociation analogue à celle qui se fait toutes les fois
qu'une société anonyme débat avec le gouvernement les conditions que celui-ci
pose à son existence.
L'article stipule en outre que si l'on ne
parvient pas à se mettre d'accord sur ces conditions, le gouvernement assignera
un délai pour la liquidation de la Société générale. Eh bien ! Je propose à la
chambre de fixer pour la solution de la question du caissier de l'Etat, la date
à laquelle expire le privilège de la Société générale, parce qu'il pourrait
intervenir alors telle condition nouvelle, tel changement aux statuts de la
Société générale, qui aurait peut-être résolu pour beaucoup d'esprits la
question du caissier général, telle qu'elle s'est présentée jusqu'à ce jour.
La disposition transitoire que je propose me
paraît avoir ce sens bien déterminé : il sera fait une exception temporaire aux
principes absolus de la loi de comptabilité jusqu'à ce que le délai que
j'assigne soit expiré. En d'autres termes, le contrat actuel acquerra, quant au
gouvernement, la durée de la Société générale. J'ai cependant cru, messieurs,
qu'il fallait dès à présent stipuler au profit du trésor des garanties qui lui
manquent aujourd’hui.
Et, messieurs, en disant que j'ai stipulé ces
garanties dans la loi, je reste fidèle à ce principe indiqué tout à l'heure
avec raison par l'honorable rapporteur, que quelles que puissent être les
garanties de crédit, de solidité en matière de comptabilité, on se tient aux
garanties légales. Ainsi, lorsque j'ai demandé des garanties, ce n'est point
que dans ma pensée ni dans la vérité des choses, il puisse exister des motifs
quelconques pour stipuler ces garanties. D'une part la Société générale, par
des circonstances connues de la chambre, a été dispensée, vers la fin de
l'existence du royaume des Pays-Bas, de fournir un cautionnement ; aujourd'hui, d'après une disposition
transitoire que j'ai l'honneur de proposer, elle sera tenue de fournir cette
garantie au trésor : d'autre part d'après le contrat de 1825, le gouvernement
avait renoncé, à raison du cautionnement, au privilège du trésor public : j'ai
pensé, messieurs, que dès à présent ou pouvait stipuler que le caissier général
serait soumis aux dispositions de la loi de 1807 qui règle le privilège du
trésor public.
Ces conditions, me demande l'honorable nombre,
seront-elles acceptées ? Messieurs, le gouvernement et la législature disposent
à l'égard du caissier général et s'il arrive que ces conditions que nous
croyons devoir prescrire dans la loi, ne soient pas acceptées, c'est que la
Société générale les considérera elle-même comme de nature à donner lieu à la
résolution du contrat. C'est une chose qui n'arrivera pas, je pense ; mais si
elle arrivait ce n'est pas un motif pour nous déterminer à ne pas stipuler des
conditions que nous considérons comme devant être établies.
L'honorable membre regrette que nous n'ayons pas
le contrôle matériel des caisses. J'aurais pu, messieurs, inscrire dans la loi
que nous aurions l'investigation des caisses ; mais permettez-moi de dire que
je n'y aurais inscrit que des mots. En effet, une vérification des caisses
suppose la vérification momentanée de tout un service, même de tous les
services dont un comptable est chargé ; c'est ce que prouve, entre antres, un
des derniers articles du projet de la section centrale, article dans lequel
elle déclare que lorsqu'un comptable est chargé en même temps d'autres
recettes, la vérification doit se faire simultanément. S'il n'en était pas
ainsi, la vérification serait complétement illusoire. Or, je demande s'il est
possible d'organiser dans le pays un système d'inspection de toutes les agences
de la Société générale, non seulement en tant qu'elles se rapportent aux
fonctions du caissier général, mais même dans toutes les affaires particulières
de la société ? Evidemment cela est impossible.
L'honorable membre a vu dans l'article 7, auquel
je reviens, une tendance qui est très loin de ma pensée. Je n'ai pas bien
compris si l'honorable membre critiquait le principe même de l'article 7 ; je
crois que non ; je crois qu'il
l'accepte. Eh bien, messieurs, si en vertu d'un principe utile, nécessaire, il
arrivait que l'action du ministère des finances fût quelque peu étendue, où
serait le mal, où serait l'inconvénient ? Mais, précisément en réservant la
solution des questions du chemin de fer et des postes qui doit augmenter
considérablement les attributions du département des finances, je démontre par
les faits, combien je suis peu pressé d'arriver à cette augmentation
d'attributions.
Ce serait, d'ailleurs, une erreur de croire,
messieurs, que nous ne nous sommes pas entendus entre collègues sur ces
questions d'attributions. L'honorable membre invite, en quelque sorte, mes
collègues à défendre leurs attributions contre moi ; mais sous ce rapport leur
présence est complétement inutile. Déjà l’honorable rapporteur avait prévenu
une des objections de l'honorable M. Rogier ; mon honorable collègue des
travaux publics avait demandé. dans la dernière séance si les personnes
auxquelles on fait des avances dans les ministères à charge de rendre compte,
devaient être considérées comme tombant sous l'application de l'article 7, et
l'honorable rapporteur a fait remarquer avec raison que tel n'était pas le sens
de l'article.
En France, malgré cette disposition, il existe
non seulement dans l'armée, mais dans d'autres services : encore, notamment
dans la marine, des agents qui sont seulement nommés sur présentation,
c'est-à-dire avec concert préalable du ministre des finances ; alors il n'y a
aucun déplacement d'attributions, il y a seulement un lien établi, dans
l'intérêt public, entre ces fonctionnaires et l'administration des finances, où
doivent se centraliser, du moins par une relation quelconque, toutes les
opérations du trésor public.
Un mot encore sur l'observation par laquelle
l'honorable M. Rogier a débuté.
La chambre aura, avant peu de jours, nous le
désirons comme l'honorable membre, des explications sur la situation actuelle
qui paraît le préoccuper. Mais, messieurs, quels que puissent être les bruits
qui ont couru a cet égard, je pense qu'il n'existe pas aujourd'hui, et qu'il
n'existera pas plus tard de motifs pour suspendre les travaux parlementaires.
La loi que nous discutons a un caractère en quelque sorte constituant ; les différentes dispositions que ce projet
contient, doivent être résolues, indépendamment de l'opinion qu'on peut avoir
sur la situation, et indépendamment de cette situation elle-même.
Je puis, du reste, me borner à répéter qu'avant
peu de jours la chambre et le pays connaîtront toute la situation.
- La séance est levée à 5 heures moins un quart.