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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 31 janvier 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétitions relatives au droit sur le sel (Eloy
de Burdinne, Malou) et liste indicative pour la
nomination du jury universitaire
2) Projet de loi autorisant
à vendre l’hôtel provincial de Liège. Mise à l’ordre du jour (Malou)
3) Projet de loi relatif à la
concession du chemin de fer de Louvain à la Sambre (d’Hoffschmidt,
de La Coste, d’Hoffschmidt,
Mast de Vries, de Garcia, Dumortier, de La Coste, d’Hoffschmidt, Lesoinne, Vanden Eynde, Pirmez, Dumortier)
4) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétitions relatives aux droits sur les pierres (de
Garcia), aux circonscriptions cantonales (Fallon)
5) Projet de loi sur la
chasse. Discussion des articles. Dispositions diverses, notamment mesures en
faveur des cultivateurs (Savart-Martel, d’Anethan, Desmet, Rodenbach, Savart-Martel, d’Anethan, Savart-Martel, de Corswarem, Van de Weyer,
Desmet, Lys, Savart-Martel,
Rodenbach), second vote (d’Anethan)
6) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Milice
(Castiau), droit des étrangers (Malou),
droits sur les armes (Delfosse, Malou),
séparation de communes (Orban, Simons,
Fallon), droit de chasse (Malou)
7) Projet de loi relatif à la formation des listes des
électeurs communaux (Van de Weyer, Dumortier)
8) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre. Milice
(de Roo)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 539) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une
heure et quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est approuvée.
M. de Villegas fait connaître
l'analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Melan,
tisserand à Vilvorde, demande que son fils Jean-Baptiste soit exempté du
service militaire. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
________________
« Le sieur Landrieu
demande que les créances des pertes causées par les événements de guerre de la
révolution soient, avec les intérêts arriérés, liquidées en inscriptions de
rentes à 5 p. c. »
- Même renvoi.
« Le sieur Decerf,
propriétaire cultivateur à Jandrain, demande une disposition législative en
vertu de laquelle on puisse lui faire remise du droit sur le sel dont il se
sert dans la composition d'un nouvel engrais pour améliorer l'agriculture. »
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, cette
pétition tend à ce que l'on autorise l'emploi du sel pour former les engrais
nécessaires à amender les terres. Un essai a été fait et a donné les meilleurs
résultats. Mais cet engrais deviendrait trop cher si le sel qui entre dans sa
composition devait acquitter les droits d'accise. On a trouvé le moyen de
mélanger le sel destiné à la nourriture du bétail, de certaines matières qui le
rendent impropre à être consommé par l'homme ; et je pense qu'il sera bien plus
facile encore d'opérer un semblable mélange pour le sel qui devrait entrer dans
la composition des engrais. Il n'y aurait donc aucune espèce de fraude à
craindre. L'engrais dont il s'agit est destiné à remplacer la cendre de tourbe,
et il s'obtiendra à très bon compte si l'on peut y employer le sel en franchise
des droits. Comme cet engrais devra s'employer à la fin de mars ou au
commencement d'avril, je demanderai que la pétition soit renvoyée à la
commission d’industrie, avec prière d'en faire l'objet d'un prompt rapport.
En
attendant qu'une disposition législative puisse être adoptée à cet égard, je
demanderai, afin qu'on puisse mieux se convaincre de l'utilité de la découverte
dont il s'agit, si M. le ministre ne pourrait pas, à titre d'essai, autoriser
le sieur Decerf à faire usage, en franchise des droits, d'une certaine quantité
de sel qui serait mélangé de manière à donner toute garantie au fisc ; il
faudrait que le pétitionnaire put faire un essai un peu en grand pour qu'on put
se convaincre de la réalité de ce qu'il avance.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- A l'occasion de l'analyse qui vient d'être faite de cette pétition, je ne
discuterai pas, messieurs, la question qu'elle soulève. L'honorable membre
demande si l'on ne pourrait pas autoriser un essai avec exemption du droit
d'accise. Je rappellerai à la chambre que les causes d'exemption sont
déterminées par la loi ; il n'y a exemption que pour la pêche, pour la
fabrication du sulfate de soude, si mes souvenirs sont fidèles, et pour le sel
employé à la nourriture du bétail, et ce sel doit être préalablement dénaturé.
J'examinerai
néanmoins, d'après le désir que témoigne l'honorable préopinant, s'il est
possible de permettre, pour une quantité limitée et moyennant des garanties
pour le trésor, de faire un essai qui puisse démontrer si la découverte que le
pétitionnaire prétend avoir faite est réellement d'une grande utilité.
- La pétition est
renvoyée à la commission d'industrie, avec demande d'un prompt rapport.
________________
« La commission
centrale de statistique adresse à la chambre 100 exemplaires de la deuxième
partie du tome II de son Bulletin. »
- Dépôt à la
bibliothèque et distribution aux membres de la chambre.
M. le président. - Le département de l'intérieur vient de transmettre
les documents qu'il communique annuellement à la chambre, pour faciliter la
nomination des membres du jury d'examen, qui est chargé de délivrer les grades
académiques. Je propose à la chambre d'ordonner l'impression de ces documents.
- Cette proposition
est adoptée.
MOTION D’ORDRE CONCERNANT LE PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A
VENDRE L’HOTEL DU GOUVERNEMENT PROVINCIAL DE LIEGE
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je prie la chambre de vouloir bien ordonner l'impression, comme annexes au
projet de loi que j ai l'honneur de lui soumettre, de quelques pièces,
relatives à la vente de l'hôtel du gouvernement provincial à Liège. Je ne me
proposais d'abord que de citer ces pièces dans la discussion, mais j'ai cru que
la discussion serait plus courte, plus facile pour les membres de cette
chambre, si les pièces étaient préalablement imprimées et leur étaient
distribuées.
Le projet de loi
étant à l'ordre du jour, je pense qu’il faudra hâter l'impression de ces
pièces, et qu'elle pourrait être terminée pour demain ; des lors l'ordre du
jour me paraît pouvoir être maintenu, parce qu'il est probable que le second
vote de la loi sur la chasse tiendra une grande partie de la séance de lundi. (Interruption.)
Si ce second vote
tient plus de la séance de lundi, l’objection que je me suis faite à moi-même
serait résolue d'avance, et la chambre aurait eu tout le temps nécessaire pour
lire les pièces. Je voulais seulement faire observer que, même en supposant que
le second vole du projet de loi sur la chasse n'absorberait qu'une partie de la
séance de lundi, l'on pourrait prendre connaissance des nouvelles pièces que
j'ai annoncées, et commencer mardi la discussion du projet de loi relatif à la
vente de l'hôtel du gouvernement provincial à Liège.
- La proposition de
M. le ministre des finances est mise aux voix et adoptée.
En conséquence,
l'impression des pièces dont il s'agit est ordonnée.
PROJET DE LOI RELATIF A LA CONCESSION DU CHEMIN DE FER DE LOUVAIN A LA SAMBRE
M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter un
projet de loi qui a pour objet d'autoriser le gouvernement à apporter des modifications
à la concession du chemin de fer de Louvain à la Sambre.
- Il est donné acte à
M. le ministre de la présentation de ce projet de loi qui sera imprimé et
distribué aux membres de la chambre.
M. le président. - De quelle manière la chambre veut-elle examiner le
projet de loi ?
Des membres. - En section.
M. de La Coste. - Messieurs, il me semble que puisque ce projet
n'est pour ainsi dire que la suite d'une loi déjà votée par la chambre, on
pourrait le renvoyer à l'examen d'une commission. Divers projets de cette
nature ont été renvoyés à une même commission ; cette commission était celle
qui avait été formée pour l'examen du projet de loi relatif au chemin de fer
d'Entre-Sambre-et Meuse.
Je proposerais de
renvoyer ce projet à la même commission, en un mot, de ne pas s'écarter de la
marche suivie, si ce n'était qu'un membre de cette commission a cessé de faire
partie de la chambre, et de plus que la commission, ayant été nommée pour
examiner le projet de chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, il ne s'y trouve
aucun membre qui connaisse les localités. On pourrait, au reste, compléter la
commission de manière à faire tomber cette objection.
M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt). - Quel que soit le mode d'examen que la chambre
veuille adopter, je la prie de hâter la discussion du projet de loi autant que
ce sera possible, attendu que les travaux d'exécution du chemin de fer devront
commencer aussitôt l'adoption du projet de loi, et que c'est ainsi un moyen de
donner du travail à la classe ouvrière
M. Mast de Vries. - Je demande le
renvoi à la commission qui a examiné le projet primitif ; l'honorable M. Cogels
est le seul membre de cette commission qui ait cessé de faire partie de la
chambre.
M. de Garcia. - J'appuie de tout
mon pouvoir les observations de M. le ministre des travaux publics, qui l'an
dernier a demandé à la chambre de nommer des commissions spéciales pour
examiner les projets de loi de concession de chemins de fer qui lui étaient
soumis.
Il y a plus de
raisons cette année d'adopter ce système que l'an dernier ; car il y a urgence
de procurer autant que possible du travail à la classe ouvrière. En effet dans
la partie de la province de Namur où doit passer la route dont il s'agit, on
manque de travail. J'ai reçu à cet égard des lettres de mes commettants.
J'appuie donc les observations de M. le ministre des travaux publics, surtout
après la remarque de l'honorable M. Mast de Vries, qu'un seul membre de la
commission a cessé de faire partie de la chambre. On pourrait charger le bureau
de le remplacer.
Au reste, si l'on
préférait un autre mode d'examen, il y a la section centrale du budget des
travaux publics qui pourrait faire son rapport avec empressement. Elle le
ferait, j'en suis persuadé, dans le plus bref délai possible.
M. Dumortier. - Je suis très
opposé au renvoi à une commission. Je demande le renvoi aux sections.
M. Lejeune. - La commission
existe.
M. Dumortier. - C'est précisément
pour cela que je n'en veux pas. Qu'est-il arrivé l'an dernier, quand on a
présenté tous ces projets de loi de chemins de fer ? Il en est résulté ce grave
inconvénient que tous ces projets de loi ont été renvoyés à l'examen de la
commission qui avait été nommée pour l'examen du projet de loi relatif au
chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse. Or il s'est trouvé, quand on a examiné
les autres projets de loi, qu'il n'y a pas eu dans la commission de spécialités
pour l'examen de ces projets de loi. Vous avez vu les inconvénients qui en sont
résultés ; car il est notoire que plusieurs projets présentés par la commission
et adoptés par la chambre ne se sont pas réalisés en actes.
Ainsi le canal
d'Erquelinnes n'est pas exécutable.
(page 340) Ainsi il y a tel chemin de fer, tel autre canal qui ne
sont plus cotés aujourd'hui à la bourse de Londres ; on a versé sur les actions
4 liv. st. ; il y a eu jusqu'à 2 liv. st. de prime, et maintenant ces actions
se vendent 3 schellings à Londres.
Il faut donc convenir
que nous avons été un peu trop vite. Il faut prendre garde d'agir de même en
cette circonstance.
Le renvoi aux
sections me paraît nécessaire. L'honorable M. de La Coste le prouve lui-même,
en regrettant qu'il n'y ait personne dans la commission qui représente les intérêts
locaux. Je veux que les intérêts locaux soient représentés, mais je veux aussi
qu'ils soient contrôlés. Vous aurez ce résultat par le renvoi aux sections.
Cette
question a son importance ; car vous allez poser un précédent ; si le projet
est renvoyé à la commission du chemin de fer d'Entre-Sambre-et-Meuse, il en
sera de même de tous les projets qui seront présentés dans le cours de la
session. Je regarderais cela comme très dangereux. Il faut, pour l'examen
préparatoire de projets de cette importance, les lumières de tous les membres
de l'assemblée.
Je demande le renvoi
aux sections qui seraient convoquées à cet effet la semaine prochaine.
La section centrale
serait invitée à présenter son rapport la semaine prochaine. Il n'y aurait pas
de retard, et au moins ce serait régulier.
M. de La Coste. - Il y a ici une
première question : renverra-t-on aux sections, ou à une commission ? Dans le
dernier cas, il y aura une deuxième question : A quelle commission ? Je
voudrais que l'on décidât d'abord la première question. La seconde m'est
comparativement indifférente.
Le renvoi aux
sections doit nécessairement occasionner des lenteurs qui ne sont nullement
nécessaires à la bonne instruction de l'affaire, puisqu'il ne s'agit que de la
suite d'une affaire déjà instruite. Ces lenteurs seraient au contraire
extrêmement à déplorer.
Je m'étonne que
l'honorable M. Dumortier insiste pour une marche qui reculerait pour les
populations une occasion de travail, ce qui est si important dans les
circonstances où nous nous trouvons ; car les travaux doivent commencer
aussitôt après l'adoption du projet de loi.
Quant à moi, je ne
voudrais pas m'associer à la responsabilité qu'assume ainsi l'honorable M.
Dumortier.
Je crois qu'il faut hâter l'instruction du projet de
loi, et qu'il n'y a pour cela qu'un moyen, c'est de le renvoyer à une
commission.
Quelle sera cette
commission ? Sera-ce la section centrale du budget des travaux publics ? Ce
serait encore un moyen de ralentir l'instruction ; car cette section centrale
doit être fort occupée. Je demande donc le renvoi à une autre commission ;
quant au choix de ses membres, je m'en rapporte parfaitement au bureau.
Je prie l'honorable
M. Dumortier de se souvenir que, dans une occasion semblable, j'ai été heureux
de lui faciliter les moyens de donner à des travaux auxquels il attachait une
juste importance, l'impulsion qu'il désirait leur imprimer.
M. le ministre des travaux publics (M.
d’Hoffschmidt). - Je crois devoir faire connaître à la chambre que
par un des articles de la convention conclue entre les concessionnaires et le
ministre des travaux publics, les concessionnaires se sont engagés formellement
à commencer les travaux de la section de Louvain à Wavre dans les 15 jours de
la promulgation de la loi. Cette considération doit faire hâter l'examen du
projet par la chambre.
Du reste si le renvoi
aux sections était prononcé, je suis convaincu que les sections y mettraient tout
l'empressement possible, et que nous serions bientôt saisis du rapport de la
section centrale.
M.
Lesoinne. - S'il s'agissait d'un nouveau chemin de fer, je
comprendrais l'insistance de l'honorable M. Dumortier ; mais il s'agit
uniquement d'un changement de tracé indispensable. Le premier était défectueux,
il présentait de graves inconvénients. Je n'insisterai pas pour le renvoi à
l'ancienne commission. Je ferai seulement remarquer que si l'on a renvoyé les
projets de loi de concession de chemins de fer à une commission spéciale, cela
ne doit pas former précédent ; car cela tient uniquement à ce que ces projets
de loi ont été présentés à la fin de la session, alors que la chambre avait
hâte de se séparer.
M. Vanden Eynde. - J'avais demandé la parole pour faire la même
observation. J'ajouterai que la ville de Louvain, pour donner du travail à la
classe ouvrière, a fait commencer les déblais à la station projetée sur son
terrain. Il est désirable qu'elle sache le plus tôt possible si ces travaux
doivent être continués.
M. Pirmez. - Puisqu'il ne
s'agit que d'un changement à l'ancien projet, la marche la plus naturelle est
évidemment le renvoi à la commission qui l’a examiné. Cette commission pourrait
être complétée par le bureau.
M. Dumortier. - Ce à quoi je
tiens, avant tout, c'est à ce qu'on ne perpétue pas la commission de l'an
dernier. Je ne veux pas qu'on pose des précédents qui lieraient la chambre,
lorsqu'on présenterait d'autres projets de concession de chemin de fer. Ce
serait un abus.
Je préférerais le
renvoi aux sections.
La chambre me paraît
disposée à renvoyer le projet à une commission. Je voudrais au moins que ce fût
une commission nouvelle nommée par le bureau.
- La chambre
consultée renvoie le projet de loi à la commission qui a examiné le projet de
loi primitif ; elle décide que cette commission sera complétée par le bureau.
M. de Villegas. - « Les maîtres de
carrières du bassin de la Meuse demandent que, dans les négociations avec la
Hollande, on stipule des mesures de protection en faveur de leur industrie. »
M. de Garcia. - Cette pétition
contient des considérations fort importantes sur nos relations commerciales
avec la Hollande. Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale
chargée d'examiner le projet de loi qui a pour objet d'apporter des
modifications au tarif des douanes.
Un membre. - Il faut en
ordonner l'insertion au Moniteur.
M. de Garcia. - Je ne suis pas de
cet avis. Je pense que, dans les questions politiques, il ne faut pas trop de
publicité. Je me borne à demander le renvoi à la section centrale chargée
d'examiner le projet de loi relatif au tarif de douane.
- Ce renvoi est
ordonné.
M. Fallon. - Dans une
précédente séance, vous avez renvoyé à la commission chargée d'examiner le
projet de loi relatif aux circonscriptions cantonales, une requête de la
Flandre occidentale. Avant de convoquer cette commission, il est indispensable
qu'elle soit complétée ; MM. Cogels et Jadot ne font plus partie de la chambre,
et M. d'Hoffschmidt ne fait plus partie de la commission. Je demande que ces
trois membres soient remplacés.
- La chambre,
consultée, décide que cette commission sera complétée par le bureau.
PROJET DE LOI SUR LA CHASSE
Discussion des articles
Articles additionnels
M. le président. - Nous en étions arrivés aux amendements de M.
Savart, au nombre de 7. Le premier est ainsi conçu :
«
Dans le cas de dommage aux champs, fruits et récoltes, occasionné par le fait
des chasseurs, leurs chiens ou chevaux, le bourgmestre de la localité
constatera, sur la simple plainte de la partie intéressée, la hauteur du
dommage ; et dans les trois fois 24 heures, il remettra au juge de paix
compétent son procès-verbal qu'il affirmera sincère et véritable.
« Ce procès-verbal ne
sera soumis à aucune autre formalité. »
M. Savart-Martel. - Messieurs, j'ai
toujours désiré une loi sur la chasse aussi complète que possible, afin que le
public et le chasseur surtout puissent y trouver l'étendue de leurs droits et
de leurs obligations.
Après nous être
occupés des moyens de faire cesser le braconnage ; après nous être occupés de
la conservation du gibier, et par contrecoup, de l'intérêt des chasseurs, qu'il
me soit permis d'ajouter quelques mots maintenant en faveur de l'agriculture,
cette bonne mère nourricière de votre énorme budget.
Rappeler le principe
général que le laboureur a droit à la réparation du dommage causé par le fait
de la chasse, serait une amère dérision, si, dans le fait, vous ne facilitez
l'obtention de la réparation sous l'empire de la loi nouvelle ; car nous savons
tous que pour obtenir le dommage, il en coûterait au cultivateur beaucoup plus
de frais et d'embarras que la valeur de l'indemnité.
Cette vérité est
incontestable, et, pour me servir de la pensée d'un ingénieur célèbre que
citait dernièrement l'honorable M. Delfosse, je dirai que cette vérité est
certaine autant que la mort de l'homme.
Pour être bref, j'en
appelle à la conscience de chacun de vous, et notamment aux honorables membres
ayant des connaissances particulières en pratique.
Hormis d'être guidé
par un tout autre motif que l'intérêt proprement dit, force serait-il au
cultivateur lésé, de se morfondre et d'abandonner son droit. Il est à craindre
que, dans cette position, la chasse même deviendra chose odieuse et
occasionnera des rixes et voies de fait.
Il serait par trop
commode de nous renvoyer au droit commun. Sous la loi de 1790, le seul fait
d'avoir chassé sur le terrain d'autrui, entraînait une indemnité en faveur de
l'intérêt privé ; et quoique cette indemnité fût due ipso jure (et abstraction
faite de tout dommage physique), il était rare que dix francs ne suffissent
point pour couvrir le préjudice réel. De plus, la voie de police
correctionnelle était ouverte.
Il n'en sera plus de
même par la suite, car l'indemnité légale est supprimée, et la loi n'accorde
l'action en dommages-intérêts que s'il y a lieu, c'est-à-dire si l'on peut
justifier d'un préjudice quelconque.
Or, les fruits,
champs et récoltes du laboureur peuvent avoir souffert, sans qu'il y ail délit
; il faudra donc recourir à la voie civile pour la répression.
Le projet, tel qu'il
est sorti des mains de la section centrale, laissait subsister, article 2,
l’indemnité ; dès lors il se conçoit qu'elle n'ait point dérogé au droit
commun, et n'ait fait à cet égard aucune proposition.
J'observerai, dès ce
moment, que malgré la rapidité de la procédure que je propose, on y trouve
toutes les garanties raisonnables, puisque le chasseur sera entendu, si bon lui
semble ; que l'exécution provisoire est soumise à la solvabilité du plaignant
ou au cautionnement ; et que sur opposition tous les moyens de défense, toutes
les exceptions sont conservés ; surtout que je modifie le paragraphe qui
accordait pleine foi à l'évaluation du bourgmestre ; et que, pour ne pas nuire
à l'Etat, je supprime même le pénultième article gui dispensait du droit de
timbre et d'enregistrement.
C'est bien assez que
j'aie contre mon projet le département de la justice, je ne veux pas guerroyer
ici avec la finance.
Messieurs, vous
voulez, sans doute, justice pour tout le monde ; vous devez protéger spécialement
le laboureur au cas actuel. Or, ce que vous lui accordez en droit, vous le lui
refusez en fait ; cela ne peut être nommé justice, mais dérision, si vous le
renvoyez aux formes ordinaires de la procédure.
Sans
doute, la grande majorité des chasseurs ne subira aucun inconvénient des
mesures que je propose, car s'ils étaient cause d'un dommage, ils (page 541) tiendraient à honneur de le
réparer volontairement ; mais dans cette enceinte, et en dehors de cette enceinte,
notre loi a élé accusée de favoriser la classe aisée de la société. Dans le
siècle où nous vivons, les meilleures intentions sont souvent dénaturées ; il
importe de prouver au pays que dans la loi même l'intérêt du laboureur a été
conservé d'une manière spéciale.
Ne laissons pas dire
au XIXème siècle que les cultivateurs seraient encore gens taillables et
corvéables à merci et miséricorde. Et, rappelons-nous que la casaque de toile
doit avoir aujourd'hui les mêmes droits que le riche citadin.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - La chambre apprécie et approuve le but que s'est
proposé l'honorable M. Savart en présentant les amendements qui vous sont
soumis. L'honorable membre vous a dit qu'il voulait venir en aide aux
agriculteurs dont les intérêts ne lui paraissent pas suffisamment garantis par
les lois existantes, et leur fournir les moyens d'obtenir avec le moins de
frais possible des dommages-intérêts, quand un préjudice aurait été fait à
leurs propriétés. Nous voulons tous faciliter la même chose, nous voulons tous
que les cultivateurs obtiennent facilement la réparation des dégâts qu'on peut
causer à leurs champs.
L'honorable M. Savart
a ajouté que si on lui démontrait ou si quelqu'un pouvait affirmer que les lois
actuelles donnent au cultivateur la même facilité que les dispositions qu'il
présente, il s'empresserait de les retirer.
Eh bien, messieurs,
cette démonstration, à laquelle l'honorable membre fait appel, je pense qu'il
ne me sera pas difficile de la lui fournir.
Je répondrai d'abord
à une observation faite par l'honorable membre. L'honorable M. Savart vous a
dit, messieurs : « Il y a nécessité de proposer des dispositions
nouvelles, parce que, dans les articles du projet, déjà adoptés, on a supprimé
l'indemnité fixe due au propriétaire des fruits. » Je vous avoue, messieurs,
que je ne comprends pas la conséquence que l'honorable membre veut tirer de
cette suppression, car l'indemnité dont il s'agit ne pouvait jamais être
accordée à l'individu sur le terrain duquel on avait chassé, que lorsqu'il y
avait délit de chasse constaté. Or, rien n'est changé quant à cette nécessité ;
le seul changement introduit consiste à n'accorder l'indemnité qu'en cas de
dommage réel ; mais la personne lésée pourra, comme par le passé, se constituer
partie civile. L'honorable membre semble croire que l'indemnité stipulée par la
loi de 1790 pourrait être due lorsqu'il n'y avait pas de délit ; c'est, je le
répète, une erreur ; l'indemnité fixe ne pouvait être prononcée, aux termes de
la loi de 1790, que lorsqu'un délit de chasse avait été constaté ; mais alors,
comme maintenant, il y avait possibilité d'obtenir des dommages-intérêts plus
élevés lorsqu'une lésion plus grande était constatée. Eh bien, messieurs, qu'a
fait la loi actuelle ? Elle a supprimé l'indemnité fixe, l'indemnité due dans
tous les cas, même sans qu'il y eut lésion. Je ne conçois donc pas comment la
suppression de cette indemnité pourrait exercer une influence quelconque sur la
procédure, comment elle pourrait justifier la proposition qui vous est soumise.
Je passerai
maintenant en revue les différents articles du projet présenté par l'honorable
M. Savart et je pense que c'est la meilleure manière de faire la démonstration
que j'ai promise à l'honorable membre.
L'article premier,
messieurs, constitue une innovation, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le
dire hier, en ce sens qu'il confie aux bourgmestres le droit que l'article 7 de
la loi de 1791 confiait aux juges de paix.
Eh bien, messieurs,
je trouve que cette innovation n'est pas heureuse ; je pense même qu'elle va
contre le but que se propose M. Savart. D'abord, je crois qu'en général les
juges de paix sont plus compétents que les bourgmestres pour constater de
semblables dégâts.
Cet article porte :
« Art. 1er. Dans
le cas de dommage aux champs, fruits et récoltes occasionnés par le fait des
chasseurs, leurs chiens ou leurs chevaux, le bourgmestre de la localité
constatera, sur la simple plainte de la partie intéressée, la hauteur du
dommage ; et dans les trois fois 24 heures, il remettra an juge de paix
compétent son procès-verbal qu'il affirmera sincère et véritable.
« Ce procès-verbal ne
sera sonmis à aucune formalité. »
M. Savart-Martel. - J'accepte la substitution
des juges de paix aux bourgmestres.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Ainsi, l'article vient à tomber.
Je passe donc à
l'article 2. Cet article porte ;
« Art. 2. Le
juge de paix déclarera la somme ainsi évaluée exécutoire à la charge du
chasseur, par une simple ordonnance à la suite de la minute dudit procès-verbal
; il y fera mettre par son greffier le mandat exécutorial. »
Ainsi, messieurs, le
juge de paix (que l'honorable M. Savart consent maintenant à substituer au
bourgmestre) le juge de paix, ayant constaté le dégât, va déclarer la somme à
laquelle ce dégât est évalué, exécutoire à la charge du chasseur, sans que
celui-ci ait comparu, sans qu'il ait été mis à même de se défendre, sans que
l'on sache même s'il y a eu un chasseur, car le dégât peut fort bien avoir été
causé par tout autre individu non chassant ; et veuillez remarquer que les
dégâts causés aux champs le sont bien plus fréquemment par d'autres individus
que par des personnes qui se livrent au plaisir de la chasse. Quoi qu'il en
soit, messieurs, il s'agirait de consacrer ce principe exorbitant qu'on pourra
délivrer un exécutoire non seulement contre un individu qui n'a pas été
entendu, qui n'a pas été mis à même de se défendre, mais encore contre un
individu qui sera uniquement indiqué par le plaignant. Je crois que la chambre
ne voudra pas admettre une semblable procédure, et il sera probablement inutile
que je m'arrête davantage à l'article 2, qui ne me semble, sous aucun rapport,
susceptible d'être adopté.
L'article 3 est ainsi
conçu ;
« Art. 3. Il pourra
déclarer son ordonnance exécutoire nonobstant opposition pour les frais, comme
pour le principal, si le plaignant lui paraît solvable, ou consigne au greffe une
somme triple de l'évaluation du dommage. »
D'abord, je ferai
observer à la chambre que l'honorable M. Savart modifie totalement les
principes en matière de procédure. L'article 137 du code de procédure civile
défend d'une manière formelle de déclarer un jugement provisoirement
exécutoire, quant aux dépens ; c'est cependant ce que l'honorable membre veut
faire par l'article que j'examine en ce moment, et cela, comme nous l'avons vu
tout à l'heure, à la charge d'un individu qui n'a pas été entendu, qui n'a pas
été cité, que souvent l'on ne connaîtra même que d'une manière imparfaite.
Maintenant,
messieurs, pour obtenir cette exécution provisoire, il faudra que le plaignant
dont M. Savart prend les intérêts à cœur, dépose, s'il est jugé insolvable,
d'une manière obligatoire une somme assez forte, ce qui le privera de tous les
avantages de l'exécution provisoire.
L'article 4 est conçu
dans les termes suivants :
« Art. 4. En cas
d'opposition, elle sera notifiée au plaignant, dans les trois jours de la
signification de l'ordonnance, outre le délai de dislance, avec indication d'un
domicile d'élection dans le chef-lieu du canton de la justice de paix
compétente ; sinon l'opposition ne sera plus recevable, et l'exécution sera
continuée sans qu'il faille la faire ordonner. »
Cet article n'est que
la reproduction de l'article 20 du code de procédure-civile ; il n'y introduit
aucune espèce de modification, et dès lors il est complétement inutile.
« L'opposition, dit
l'article 5, emportera de plein droit citation à la première audience du juge
de paix, où il sera procédé, s'il y a lieu, et prononce comme de droit.
« Ce jugement, fût-il
par défaut, ne sera susceptible d'aucune opposition. »
Cette disposition,
messieurs, est -encore la reproduction d'un article du code de procédure
civile, de l'article 22, qui consacre le principe qu on ne peut pas se porter
opposant d'un second jugement par défaut.
L'honorable membre
avait ajouté à cet article la disposition suivante :
« Aucune critique ni
opposition ne seront admises contre l'évaluation faite par les bourgmestres,
parties entières dans tous leurs autres moyens.» Il a renoncé à cette partie de
son amendement et il était en effet, difficile de maintenir une semblable
disposition, surtout en présence d'une évaluation non-contradictoirement faite.
L'honorable membre
renonce également à l'article suivant qui dispensait du payement des droits de
timbre et d'enregistrement, l'individu qui aurait réclamé un dommage évalué à
une somme inférieure à 50 fr. Je pense, en effet, que cette disposition n'est
pas nécessaire, car l'article 3 de l'arrêté du 24 mai 1834 sur le pro-deo donne
toutes les facilités possibles à celui qui se trouve dans le cas prévu par
l'honorable M. Savart ; il est dispensé du payement des droits de timbre, d'enregistrement
et de greffe, et de plus, lorsqu'il s'agit d'une affaire devant le juge de
paix, il lui suffit d'aller chez ce magistrat, de lui faire connaître.sa
position en la justifiant, pour que la procédure sans frais soit immédiatement
autorisée.
Le dernier article,
porte :
« Il n'est point
innové par la présente aux diverses dispositions du Code pénal et du Code
d'instruction criminelle. »
Cet article est
inutile. En effet, aucune des dispositions qui précèdent n'a rapport ni au Code
pénal, ni au Code d'instruction criminelle.
Messieurs, je viens
de passer rapidement en revue les divers amendements de l'honorable M. Savart ;
je crois avoir prouvé que les uns sont inadmissibles, et que les autres se
bornent à consacrer des principes qui sont maintenant en vigueur.
Je soutiens que les
amendements de l'honorable M. Savart ne peuvent pas atteindre le but que
l'honorable membre se propose ; et je pense que ce but est suffisamment atteint
par la législation actuelle.
Lorsqu'un individu
veut réclamer un dommage, après que le dommage a été constaté par le juge de
paix, il peut s'adresser à celui-ci pour qu'il mande purement et simplement
devant lui l'auteur présumé du dommage ; ainsi, il n'y a, pour le réclamant, ni
frais d'huissier, ni frais de citation ; le juge de paix prononce ensuite sans
aucune formalité. Je demande s'il est possible de trouver rien de plus sommaire
et de plus simple qu'une semblable procédure.
Cette faculté donnée
au juge de paix est consacrée par la loi de 1841. Le cultivateur lésé ne devra donc
pas avoir recours au ministère d'un huissier et si, par suite du refus de son
adversaire de comparaître, il est forcé d'y recourir, il pourra être exempté
par le juge de paix du payement de tous frais d'huissier, de timbre et
d'enregistrement.
Messieurs, s'il faut
une garantie pour les cultivateurs dont les intérêts ont été lésés, il en faut
une aussi pour celui que le cultivateur pourrait sans raison citer en justice.
Il ne faut pas deux poids et deux mesures ; il ne faut pas qu'il soit consacré
dans une loi qu'un individu sera condamné au payement d'une somme quelconque,
sans avoir été entendu. Cela me paraît impossible, et l'intérêt qu'à juste
titre l'honorable M. Savart porte à l'agriculture, ne peut aller jusqu'à
établir un principe qui serait une véritable violation de toutes les règles
consacrées, qui serait, dans beaucoup de cas, une véritable injustice.
Les
dispositions proposées par l'honorable membre, au sujet de l'opposition,
existent également déjà. Quant à l'appel, l'honorable M. Savart n'en parle pas.
La loi de 1841 établit également la compétence des juges de paix pour prononcer
sans appel jusqu'à une valeur assez considérable.
Ainsi, il me semble
qu'il est pleinement satisfait aux vœux légitimes, de (page 542) l'honorable M. Savart, par les dispositions, actuellement
existantes ; il me semble encore que les dispositions qu'il veut substituer à
celles-ci n'atteindraient pas le but que l'honorable membre a eu en vue.
M. Desmet. - Messieurs, je demande la parole non pas pour
appuyer toutes les dispositions de l'honorable M. Savart, mais surtout pour en
appuyer le principe, pour attirer l'attention de la chambre et du gouvernement
sur la nécessite de fournir aux fermiers, aux cultivateurs, un moyen facile de
se garantir contre les abus de la chasse, contre les dégâts que les chasseurs
pourraient faire aux récoltes et champs préparés.
Messieurs,
l'honorable M. Savart l'a fait remarquer avec raison, nous avons tout fait pour
garantir la chasse contre les abus du braconnage et pour assurer la
conservation du gibier. La loi que vous allez voter prévoit tous les faits de
chasse, le plus simple fait de chasse est transformé en un délit par votre loi
; je transporte un faisan, une caille, un lièvre, détruis des nids ou des
couvées de perdrix, de cailles, etc., ce fait devient un délit et donne lieu à
la confiscation et à l'emprisonnement ou à de fortes amendes.
Je me demande si,
quand on fait tant pour le plaisir, on ne pourrait rien faire pour garantir le
cultivateur qui se donne toutes les peines pour nous nourrir et qui supporte
tout le fardeau de la société, pour le mettre à l'abri des dommages que les
chasseurs pourraient lui causer.
Nos anciennes lois
avaient pourvu à cette nécessité, je dirai même que la loi de 1790 n'avait pas
négligé cet objet important. Aujourd'hui, messieurs, dans la loi que nous
discutons, il n'y a aucune action publique pour le fermier ; celui-ci n'a que
l'action civile, c'est-à-dire que la voie des procès ; or, dans les campagnes
on aura recours rarement aux procès dont les frais seraient plus considérables
que les dommages-intérêts qu'on réclamerait. Ainsi, les intérêts du cultivateur
qui doit supporter tous les dommages, sont négligés, tandis qu'il y a action
publique pour les délits de chasse.
On a cru que les
articles 471 et 475 du Code pénal donnaient une action publique suffisante,
pour garantir les fermiers contre les dommages causés à leurs terres par les
chasseurs, mais il n'en est rien ; les chasseurs peuvent commettre des dégâts
dans les terres des cultivateurs, et ceux-ci n'ont d'autre recours, pour
obtenir des dommages-intérêts, que l'action civile, et ils n'useront pas de
cette faculté.
Qu'on ne dise pas que
ce que je dis n'aura pas de réalité dans la suite. On doit savoir que les
dégâts faits aux champs par les chasseurs, porteurs de port d'armes, sont très
nombreux ; ils se font soit par les chasseurs, soit par les chiens et même par
les chevaux, quand la chasse se fait à cheval.
On me dira que cela
n'a pas eu lieu dans ce pays. Eh bien, le tribunal de première instance
d'Audenarde, tribunal auquel ressortit une partie du district d'Alost, a été
saisi d'une plainte concernant un délit de chasse commis à cheval ; M. de
Villegas pourrait confirmer ce fait ; et cependant dans le district d'Alost il
n'y a pas de grandes forêts ni de grandes chasses qui pourraient nécessiter une
chasse à cheval.
On doit le
reconnaître, le cultivateur n'a aucune garantie contre le dommage qui lui est
causé. Et cependant, vous ne pourrez pas méconnaître que vous devez prendre des
mesures pour que les champs ne soient pas quotidiennement endommagés par la
chasse, et que vous fassiez quelque chose pour le malheureux fermier, afin
qu'il ait un moyen facile et peu coûteux pour se garantir contre les dégâts
qu'on lui fera, et M. le ministre de la justice doit savoir qu'une simple
action civile n'est pas un moyen suffisant que nous donnerons au fermier lésé ;
il préférera supporter tous les torts qu'on lui fera, plutôt que d'intenter un
procès.
Je demande donc que,
d'ici au second vote, le gouvernement examine s'il n'y aurait pas moyen de
prendre une mesure quelconque en faveur des fermiers.
J'ai
lieu de m'étonner que sur le banc des ministres je n'aperçoive rien qui puisse
me faire espérer qu'on fera quelque chose ; cependant, il est bien déplorable
que le gouvernement ne sente pas la position des cultivateurs-fermiers. Je dois
encore le répéter, c'est cette classe intéressante mais malheureuse, qui soigne
partout ce dont nous avons besoin. Qu'auriez-vous si vous n'aviez pas des
fermiers qui vous donnent les subsistances pour vivre et de l'argent pour vos
dépenses ?
J'ose donc espérer
que la loi ne sera pas définitivement votée sans que nous ayons fait quelque
chose d'utile et d'efficace pour ceux qui cultivent nos terres, et qu'au second
vote le gouvernement y songera. Il est donc nécessaire de ne pas clore
définitivement la discussion de cet objet important, et je demanderai que la
chambre déclare qu'au second vote on pourra y revenir.
M. Rodenbach. - Messieurs, dans la loi que nous discutons, les
pénalités ont été fortement augmentées contre les braconniers ; on a également
prohibé la vente du gibier, hors du temps de la chasse ; on a aussi, en faveur
de la classe aisée de la société, fait tout ce qu'on a pu, pour que le gibier
ne soit pas détruit.
Enfin, il paraît que
cette loi sera tout à fait selon le vœu des chasseurs. Mais si j'en dois croire
plusieurs honorables collègues qui siègent dans les tribunaux, on n'a rien fait
en faveur des agriculteurs. Au contraire, il paraît que maintenant ils auront
moins d'avantage que précédemment pour obtenir la réparation des dommages qu'on
pourra leur causer. Je ne suis pas compétent, je laisse aux honorables
collègues qui connaissent cette question le soin de présenter des amendements,
si réellement, au lieu d'avoir amélioré le sort des agriculteurs dans cette
occurrence, on l'a empiré.
Si
je dois croire ces honorables membres, quand on aura fait des ravages dans les
champs, lorsque avec des meutes on aura détruit les fruits de la terre, un
agriculteur qui ne cultive que quelques pièces de terre, sera obligé, pour
obtenir la réparation du dommage, d'intenter une action civile, de prendre un
avocat et de suivre un procès qui lui occasionnera d'immenses frais qui
dépasseront l'indemnité qu'on pourra lui accorder. S'il est vrai qu'il en est
ainsi, on aura rendu un très mauvais service au pays en votant cette loi.
J'invite de nouveau
les membres qui ont des connaissances spéciales, s'ils trouvent inexécutable ce
que propose l'honorable député de Tournay, de présenter d'autres amendements.
La justice, il faut le dire, est souvent lente. Si, pour l'obtenir, il faut
payer des avocats et des avoués, ce sera encore le faible qui sera victime. Il
n'osera pas lutter contre le fort, car il craindre d'y perdre de l'argent. Je
crois que la chose mérite d'être examinée mûrement.
M. Savart-Martel. - Je répondrai
successivement à tout ce que vient de dire l'honorable ministre de la justice.
1° Il ne veut pas que
le bourgmestre dresse le procès-verbal d'estimation parce que, suivant lui,
c'est au juge de paix qu'appartiendrait ce droit ; soit, j'accepte le juge de
paix ; mais il m'avait paru inconvenant que celui qui est appelé à juger le
mérite de l'estimation, puisse être lui-même cet expert. La chambre verra à qui
de nous deux il faut donner raison.
2° Le ministre se
plaint que le chasseur puisse être condamné sans avoir été entendu
préalablement ; mais je n'ai point fait cette proposition.
Un mandat exécutoire
susceptible d'opposition n'est point une condamnation.
A tort le ministère
voit-il là quelque chose sans exemple. Tous les jours les tribunaux décernent
pareils mandats. Et le ministère même le pratique ainsi, quand il décerne une
contrainte qu'il fait viser pour être exécutoire dans l'intérêt fiscal. Il n'y
a donc là rien d'insolite.
3° M. le ministre dit
encore qu'il ne comprend pas qu'on puisse exiger caution d'un homme dont
l'insolvabilité serait douteuse ; mais c'est précisément ce que prévoient
toutes nos lois en matière d'exécution provisoire. C'est ce qu'indiquent de la
manière la plus claire et la plus positive notamment les articles 439, 440 et
441 du code de procédure civile.
4° Il prétend qu'on
léserait, en ce qui concerne les frais, l'article 137 du code de procédure qui
défend l'exécution provisoire pour les frais, mais indépendamment que nous
sommes ici législateurs, pouvant innover au droit existant, je suis loin
d'admettre qu'on tiendrait généralement que l'article 137 s'appliquerait aux
justices de paix.
5° M. le ministre
déclare inutile l'article 4 parce qu’il n'est, dit-il, que la répétition de
l'article 20 du code de procédure.
Je réponds que cet
article ne serait point si étrange, si exotique qu'on le disait ; mais il
diffère dudit article 20 en ce qu'il oblige à une élection de domicile, et de
plus, en ce qu'il oblige de venir à la première séance, lors même qu'il n'y
aurait point assignation formelle.
L'article 5 diffère
encore de cet article 20, en ce qu'il n'admet point l'opposition à la sentence
par défaut.
6°
Quant à l'immense confiance que je voulais donner au procès-verbal
d'estimation, sans préjudice à tous autres moyens de défense ; inutile de nous
en occuper puisque j'ai retiré cette proposition, ainsi que l'article qui
concernait le timbre et l'enregistrement, formant l'article 6.
Enfin l'article 7 a
pour but de faire reconnaître que l'action civile n'empêche pas l'action
correctionnelle ou criminelle, ni même l'action de police, au cas où le tort
éprouvé par le cultivateur serait le résultat d'un crime, d'un délit ou d'une
contravention.
Mes moyens subsistent
donc dans leur entier, et j'y persiste, bien que la fatigue de la chambre me
place sur un mauvais terrain.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, d'après les honorables MM. Desmet et
Rodenbach, il semblerait qu'au lieu d'avoir fait une loi favorable à
l'agriculture, on aurait fait une loi qui serait désastreuse pour cette branche
intéressante de la richesse du pays. Messieurs, la chambre n'oubliera pas sans
doute les paroles par lesquelles M. le ministre de l'intérieur a commencé. Mon
honorable collègue vous a dit que la loi avait été provoquée par des demandes
nombreuses non seulement d'amateurs de chasse, mais principalement de
cultivateurs. Les pétitions nombreuses qui ont été adressées au ministère et à
la chambre sont là pour justifier ces paroles, et prouver que le gouvernement
n'a fait que céder au vœu des cultivateurs.
Messieurs, y a-t-il
dans la loi une disposition quelconque de nature à léser les intérêts de
l'agriculture ? Avons-nous mal compris ces intérêts ? Est-ce qu'en
proposant des dispositions pour réprimer le braconnage, nous n'avons pas eu
principalement en vue d'empêcher les dévastations dont les récolles sont si
souvent l'objet ? Certes, ni l'honorable M. Desmet ni l'honorable M. Rodenbach
ne pourront nier qu'empêcher le braconnage est faire chose utile pour
l'agriculture. Ils ne nieront pas qu'en établissant des peines très sévères
contre les braconniers, en leur ôtant surtout l'appât qu'ils trouvaient dans la
vente du gibier en temps prohibé, nous n'ayons rendu un très grand service à
l'agriculture.
Je ne conçois donc
pas les plaintes et les critiques des honorables membres ; je ne conçois pas
qu'une loi faite évidemment dans l'intérêt de l'agriculture, soit considérée
par ces honorables membres comme contraire à ce même intérêt.
L'honorable M. Desmet
reconnaît que des peines très sévères sont prononcées contre tous les faits de
chasse quelconques ; il dit que pour réprimer ces faits l'action publique est
ouverte ; mais, que relativement aux malheureux cultivateurs dont les récoltes
ont été dévastées il n'y a que l'action privée. Messieurs, c'est une erreur.
Nous n'avons pas touché, par la loi que nous venons de discuter, au code pénal
ni à la loi de 1791. Les articles 471 et 475 du code pénal subsistent et
doivent être appliqués. Comment donc, en présence de ces dispositions, peut-on
soutenir que les cultivateurs sont privés de protection ?
(page 543) Ces dispositions, messieurs, ont suffi jusqu'à présent ;
je ne sais ais comment tout à coup elles ne suffiraient plus, alors surtout que
le braconnage étant interdit par des peines plus sévères, il y a lieu de penser
que l'application de ces articles deviendra moins fréquente et sera moins
souvent réclamée. Comment, messieurs, sous la loi de 1790 personne ne réclamait
contre les dispositions des articles 471 et 475 du Code pénal, et contre la loi
de 1971, et maintenant que l'on veut interdire d'une manière plus efficace le
braconnage, on viendra dire que ces dispositions sont insuffisantes ! Si ces
dispositions sont insuffisantes, cette insuffisance ne peut pas être attribuée
à la loi actuelle.
Voilà, messieurs, ce
que j'avais à répondre à l'honorable M. Desmet et à l'honorable M. Rodenbach.
Quant à l'honorable M. Savart, j'espérais lui avoir démontré, en combattant son
amendement, qu'il n'était pas utile et que, sous différents rapports, il était
inadmissible.
L'honorable membre a
principalement répondu à l'argument que je faisais valoir contre le principe
d'après lequel on aurait pu déclarer un jugement exécutoire contre un individu
qui n'aurait pas été entendu ; il vous a dit : M. le ministre de la justice a
probablement oublié qu'il existe des dispositions semblables qui sont tous les
jours appliquées, que tous les jours l'administration des domaines décerne
contre des individus des contraintes qui sont déclarées exécutoires sans que
ces individus aient été entendus. Messieurs, il y a une énorme différence entre
les contraintes auxquelles l'honorable M. Savart fait allusion et le mandat
exécutorial. comme il l'appelle, qui devrait être délivré par le juge de paix.
Veuillez remarquer que lorsqu'il s'agit de contrainte en matière
d'enregistrement, il y a un individu bien connu, bien désigné, tandis que, dans
le système de l'honorable membre, il faudrait que l'on décernât un exécutoire
contre un individu signalé seulement par le plaignant. Ainsi, le propriétaire
d'un champ dira que des dommages ont été causés à ce champ ; il croira avoir
reconnu l'individu qui lui a causé ce dommage, et sur sa simple déclaration
devant le juge de paix, sans que cette personne ait été mise à même de répondre,
le juge de paix déclarera que la somme évaluée par lui est exécutoire contre le
prétendu délinquant.
Messieurs, un système
qui conduit à de pareils résultats me paraît inadmissible. D'ailleurs, je le
demande encore, pourquoi ne pas permettre, au moins comme le font les lois
actuelles, que l'individu contre lequel une demande semblable est faite, soit
assigné devant le juge de paix, soit du moins invité par celui-ci à comparaître
devant lui ? C'est bien le moins, me semble-t-il, qu'on puisse lui accorder,
qu'on lui permette au moins de s'expliquer et de démontrer, s'il y a lieu, que
les dommages-intérêts qu'on réclame, ne sont pas dus, que le dommage n'est pas
son fait.
Je
pense donc, messieurs, comme je vous le disais tout à l'heure, que les
dispositions actuelles suffisent. Ces dispositions permettent une procédure
très abrégée, très sommaire et très peu coûteuse. Je dis même que, sous bien
des rapports, les lois actuelles sont plus favorables aux cultivateurs, que ne
le seraient les amendements de l'honorable M. Savart. Je ne pense donc pas que
la chambre puisse adopter ces amendements, alors surtout que nous avons voulu
nous borner à faire une loi sur la chasse dans laquelle ne doit pas entrer, me
paraît-il, un titre du Code de procédure.
M. Savart-Martel, rapporteur. - Je me bornerai à
répondre un simple mot à M. le ministre. Il vous a dit que je veux qu'on
déclare un exécutoire contre un individu qui n'est pas connu. Mais il est évident
que si l'individu qui a causé le dommage n'est pas connu, je ne demanderai pas
un mandat exécutorial à sa charge, et que la procédure sommaire que je propose
ne peut être dirigée que contre l'individu qui est bien connu.
M. de Corswarem. - Messieurs,
l'honorable ministre de la justice soutient que les dispositions des articles
471 et 475 du Code pénal ont suffi jusqu'à présent et suffiront encore. Je
soutiens, par contre, que ces dispositions n'ont pas suffi pour garantir les
intérêts de l'agriculture.
Messieurs, vous savez
tous que lorsque des chasseurs aux chiens d'arrêt voient un gibier quelconque
reposer dans une pièce d'avoine, de sarrasin ou de quelque autre récolte, il ne
se font très souvent aucun scrupule pour envoyer leurs chiens dans ce champ, le
faire fouiller dans tous les sens, et causer ainsi les plus grands dommages aux
cultivateurs. Eh bien, ce délit n'est pas prévu par les articles 471 et 475 du
Code pénal, puisque ces articles ne parlent que des bestiaux, des bêtes de
somme, de trait ou de monture. Si l'on peut me prouver que les chiens font
partie des bestiaux, je conviendrai que j'ai tort. Mais aussi longtemps que
l'on ne me prouve pas que les chiens sont des bêles de trait, de somme ou de
monture, je soutiens que le délit, dont je viens de parler, n'est pas
punissable.
Je
demande donc si l'on ne peut insérer dans la loi une disposition qui justifie
également ce délit ou qui rende les articles 471 et 475 du code pénal
applicables aux chiens comme aux bestiaux.
La loi de 1790,
messieurs, protégeait sous quelques rapports l'agriculture. Mais cette loi est
abolie. Quant à la loi nouvelle, je soutiens qu'elle est préjudiciable à
l'agriculture au lieu de lui être favorable. Je crois que si l'on a voulu favoriser
l'agriculture, on a complétement manqué le but. C'est là la raison principale,
mais ce n'est pas la seule qui me fera voter contre la loi.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, les observations que vient de
faire l'honorable préopinant sont de nature, dans l'intérêt de l’agriculture, à
être prises en sérieuse considération par le gouvernement du Roi, qui, d'ici au
second vote, examinera mûrement et ces observations et celles qui ont été présentées
par l'honorable M. Desmet. Si la nécessité d'une disposition spéciale est
reconnue par nous, nous aurons l'honneur de la présenter. (Très bien ! très bien.)
M. Desmet. - Ainsi nous attendons du gouvernement une
disposition quelconque de nature à garantir les cultivateurs contre les dégâts
commis par les chasseurs, et dans tous les cas il est entendu que nous pourrons
revenir sur cette question au second vote. (Adhésion.)
M. le ministre de l’intérieur
(M. Van de Weyer). - Dans l'énumération des honorables membres qui ont
présenté des observations dans l'intérêt de l'agriculture, il est juste aussi
de comprendre l'honorable M. Jonet qui, dans la plupart de ses amendements, n'a
eu en vue que cet intérêt. Toutes ces observations seront soigneusement
examinées et, je le répète, si la nécessité d'une disposition nouvelle est
reconnue, le gouvernement s'empressera, comme il est de son devoir de le faire,
de présenter cette disposition à la chambre.
M. Lys. - M. le ministre de
l'intérieur vient de déclarer que le gouvernement s'occupera, d'ici au second
vote, des moyens de faire obtenir aux agriculteurs les dommages-intérêts qu'ils
auraient à réclamer à la charge des chasseurs délinquants, et dès lors il me
reste peu de chose à dire. Je voulais faire observer que le cultivateur qui n'a
souvent à réclamer qu'une indemnité de 10 fr., serait obligé de suivre toutes
les formalités prescrites par le code de procédure II devrait faire citer le
délinquant et n'obtiendrait souvent qu'un jugement par défaut ; il devrait
faire lever ce jugement, le faire signifier ; le délinquant ferait opposition ;
il en résulterait une nouvelle procédure et un deuxième jugement ; en un mot le
cultivateur, qui n'a souvent que 10 fr. à réclamer devrait commencer par
débourser au moins 50 fr. en frais de procédure. Vous sentez, messieurs, que
dans cette position il négligerait de réclamer l'indemnité et que, par
conséquent, les dispositions relatives aux dommages-intérêts seraient
complétement illusoires.
J'attendrai les
mesures que M. le ministre de l'intérieur proposera au second vote.
M. Savart-Martel. - Je demanderai si je pourrai reproduire mes propositions
au second vote, dans le cas où le gouvernement ne proposerait pas des mesures
propres à faire droit aux observations présentées dans l'intérêt de
l'agriculture. Si les choses étaient entendues de cette manière, je retirerais
mes amendements, sinon je devrais y persister.
M. le président. - Si vous persistez dans vos amendements et si la
chambre les rejette, vous ne pourrez plus les reproduire.
M. Rodenbach. - M. le ministre de l'intérieur a déclaré que le
gouvernement examinera, s'il y a lieu de présenter, au second vote, une
disposition dans l'intérêt de l'agriculture. Je crois donc qu'il ne faut pas
voter maintenant sur les amendements de l'honorable député de Tournay, qui ont
cet intérêt en vue, mais que ces amendements doivent rester déposés sur le
bureau, afin que nous puissions y revenir dans le cas où le gouvernement ne
ferait pas une proposition satisfaisante.
Quoi qu'en ait dit M.
le ministre de la justice, si je dois en croire des jurisconsultes distingués
de la chambre, l'agriculture sera froissée dans ses intérêts. Je conjure donc
le gouvernement de vous présenter au second vote une disposition qui dispense
les cultivateurs de remplir les formalités si coûteuses de la procédure
ordinaire. Dans tous les cas, il doit être entendu que si le gouvernement ne
fait pas une proposition satisfaisante à cet égard, l'honorable M. Savart
pourra reproduire ses amendements au second vote.
- L'article premier
des amendements de M. Savart est mis aux voix ; il n'est pas adopté.
M. le président. - M. Savart désire-t-il que je mette aux voix
les autres articles qui ne sont que l'exécution du principe sur lequel la
chambre vient de statuer ?
M. Savart-Martel. - Non, M. le
président.
M. le président. - Ainsi la chambre s'est prononcée sur toutes les
dispositions du projet. Le second vote aura lieu lundi.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je pense, messieurs, qu'il serait désirable de ne
fixer le second vote qu'à mercredi. Beaucoup d'amendements ont été introduits
dans la loi et maintenant encore différentes questions se trouvent soumises au
gouvernement ; il faut qu'il puisse examiner ces questions, et dans l'intérêt
de la loi elle-même il importe qu'il ait le temps de la revoir pour en
coordonner toute les dispositions.
- La proposition de
M. le ministre de la justice est adoptée.
M. Lys. - Je ferai
remarquer à la chambre que, par suite de cette décision, il n'y a rien à
l'ordre du jour de lundi.
Un
membre.
- La loi sur les étrangers.
M. Castiau. - La loi sur la
milice.
M.
Lys.
- Il y a une loi dont la discussion a été fixée entre les deux votes du projet
de loi sur la chasse, et à l'égard de laquelle M. le ministre des finances doit
fournir des renseignements. Ces renseignements doivent être imprimés, et dès
lors, il me semble difficile que la discussion ait lieu avant mercredi.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- On pourrait laisser à l'ordre du jour de lundi la loi relative aux étrangers,
et les explications que je donnerai, sur l'affaire dont l'honorable M. Lys
vient de parler. La discussion commencerait ainsi mardi.
M. Delfosse. - On pourrait mettre à l'ordre du jour de lundi,
un petit projet de loi présenté il y a quelques jours par la commission
d'industrie et relatif à rétablissement d'un droit d'entrée sur les pièces
d'armes. Ce projet ne prendra pas beaucoup de temps ; il est probable qu'il ne
donnera lieu à aucune discussion.
M. le président. - Il y a encore un projet de loi qui ne demandera
qu'un vote ; c'est celui qui tend à proroger la loi sur les primes pour la
construction de navires.
(page 544) M. le ministre des finances (M. Malou). -
Mon honorable collègue le ministre des affaires étrangères, qui a le commerce
dans ses attributions, n'étant pas maintenant présent, je demanderai que la chambre
ne décide rien aujourd'hui sur la motion de l'honorable M. Delfosse. Il s'agit
d'une question de tarif, et je désire que le gouvernement puisse l'examiner
avant qu'elle soit mise à l'ordre lu jour.
M. Delfosse. - Je ne puis pas m'opposer à l'examen que le
gouvernement veut faire ; mais je demande que cet examen ait lieu le plus tôt
possible.
M. Orban. - Il y a quelques projets
de loi relatifs à des séparations de communes ; je demanderai qu'ils soient mis
à l'ordre du jour de lundi.
- Cette proposition
est adoptée.
M. Simons. - Il y a notamment
un ancien projet sur la délimitation des communes de.....et de
Malaigne-la-Grande, je propose de le mettre également à l'ordre du jour de
lundi.
M. le président. - Le gouvernement doit soumettre ce projet à une
nouvelle instruction.
M. Fallon. - Je demanderai
qu'on ne s'occupe pas lundi du projet de loi relatif à la séparation des
communes de Lambusart et de...... J'attends à cet égard des renseignements que
je désire communiquer à la chambre. (Adhésion.)
M. le président. - Ainsi l'ordre du jour de lundi serait fixé de
la manière suivante :
discussion du projet
de loi relatif aux étrangers ;
projet de loi
concernant les primes pour constructions navales ;
divers projets de loi
sur des délimitations de communes ;
explications de M. le
ministre des finances, relatives au gouvernement provincial de Liège.
Quant au vote
définitif du projet de loi sur la chasse, il est fixé à mercredi.
M. le ministre des finances (M.
Malou).
- Je crois que la décision de la chambre, en ce qui concerne ce dernier objet,
doit être entendue en ce sens que le second vote de la loi sur la chasse
viendra à la suite de la discussion de la loi relative aux terrains-et
bâtiments de l'ancien gouvernement provincial de Liège, de manière que cette
discussion ne sera pas interrompue, dans le cas où on ne la terminerait pas
mardi. (Assentiment.)
M. le ministre de l’intérieur
(M. Van de Weyer). - Messieurs, d'après les ordres du Roi, j'ai
l'honneur de présenter à la chambre le projet de loi suivant :
« Léopold, Roi
des Belges, A tous présents et à venir salut.
« Sur la
proposition de Notre ministre de l'intérieur, Nous avons arrêté et arrêtons :
« Notre ministre
de l'intérieur présentera aux chambres, en Notre nom, le projet de loi dont la
teneur suit :
« Art. 1er. Dans
les vingt-quatre heures, après la clôture définitive de la liste des électeurs
communaux, le collège des bourgmestre et échevins transmettra au commissariat
d'arrondissement un double de ladite liste, pour y demeurer en dépôt.
« Art. 2. Dans
le cas où la liste des électeurs communaux n'aura point été révisée à l'époque
déterminée par la loi, ou que la liste révisée aura été perdue ou détruite, il
y sera suppléé de la manière suivante :
« Un arrêté
royal prescrira la formation d'une liste d'électeurs, en fixant l'époque à
laquelle cette liste sera arrêtée et affichée.
« Il sera
procédé à l'examen et au jugement des réclamations et observations, tendant à
la rectification de la liste, dans la forme et dans les délais prescrits par
les art. 14, 15, 16, 17 et 18 de la loi
communale du 30 mars 1836.
« Par le Roi :
« Le ministre de
l'intérieur, Sylvain Van de Weyer. »
Comme ce projet
présente un certain caractère d'urgence,, je prierai la chambre de bien vouloir
en accélérer l'examen.
M. Dumortier. - Je désirerais que
M. le ministre donnât lecture de l'exposé des motifs.
Plusieurs membres. - L'impression.
D’autres membres. - La lecture ! la
lecture !
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer) donne lecture de l'exposé des motifs, qui est
ainsi conçu :
Messieurs,
L'article 9 de la loi
électorale du 3 mars 1831 statue que les listes des électeurs, pour la
formation des chambres législatives, doivent être tenues en double, dont l'un
reste déposé au secrétariat de la commune, tandis que l'autre est adressé au
commissaire d'arrondissement.
Cette utile
disposition n'a point été insérée dans la loi communale, d'où il suit que la
conservation des listes des électeurs communaux n'est point garantie par des
précautions suffisantes. On sait, en effet, que, particulièrement dans les
communes rurales, les archives administratives ne sont pas toujours dans un
ordre parfait, et que des pièces ou documents s'égarent assez fréquemment.
La liste des
électeurs communaux ne sont point tenue en double, et étant, en outre, sujette
à des déplacements, est peut-être plus exposée que tout autre acte de
l'administration à être égarée.
Ce fait a eu lieu,
l'année dernière, dans une commune de l'arrondissement de Bruxelles, et a
produit des conséquences très fâcheuses, dont il importe de prévenir le retour.
A défaut de la liste
officielle, on a fait usage, dans cette commune, d'une liste dont la confection
n'avait pu être accompagnée des formalités prescrites par la loi.
Dans une autre
commune de l'arrondissement de Nivelles, on a aussi fait usage d'une semblable
liste, l'administration communale n'ayant point procédé à la révision annuelle
de la liste électorale, à l'époque prescrite par la loi.
La députation
permanente crut, avec raison, devoir prononcer l'annulation des élections qui
avaient été faites d'après ces listes irrégulières.
Mais alors l'absence
de la liste régulière et l'expiration du délai utile pour en former une autre,
soulevèrent une difficulté que l'on espéra lever en employant la liste de
l'année antérieure. Mais il est de principe que l'on ne peut suivre, pour les
élections, que la liste de l'année dans laquelle l'élection se fait, et ce
principe a été consacré par un arrêté royal, en date du 29 août 1840, portant
convocation du collège électoral de Büdingen, province de Brabant, ledit arrêté
ayant été pris sur l'avis conforme de la députation permanente de cette
province.
Les irrégularités
diverses dont la perte ou la destruction d'une liste électorale unique, ou sa
non-existence, peuvent être la source, ont frappé le gouvernement, qui a cru
devoir proposer à la législature l'adoption de mesures propres à remédier au
mal.
Tel est le but du
projet de loi ci-joint, que le Roi m'a ordonné de soumettre aux délibérations
de la chambre des représentants.
Il se compose de deux
dispositions, dont l'une a pour objet d'appliquée aux listes des électeurs
communaux, le principe de conservation consacré par la loi pour les listes des
électeurs pour les chambres législatives ; l'autre confère au gouvernement,
dans des circonstances exceptionnelles, les pouvoirs nécessaires afin
d'empêcher qu'une commune demeure privée d'une partie de son conseil communal.
- La chambre ordonne
l'impression du projet, ainsi que de l'exposé de» motifs, et le renvoie à
l'examen des sections.
FIXATION DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. de Roo. - Je demanderai si
le projet de loi sur la milice est maintenu à l'ordre du jour.
M. le président. - Oui, après les objets que j'ai indiqués tout à
l'heure.
M. de Roo. - J'aurai l'honneur
de faire observer à la chambre que le projet de loi sur la milice, tel qu'il se
trouve actuellement, ne peut pas être discuté ; il faudra le renvoyer aux sections
; la section centrale s'est bornée à proposer l'ajournement du projet, et n'a
pas fait un rapport sur les articles de la loi.
M. le président. - Nous ne pouvons plus rien changera l'ordre du jour,
puisque nous ne sommes plus en nombre.
- La séance est levée
à 4 heures.