Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note d’intention
Séance précédente
Séance suivante
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 21 janvier 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative aux ventes à l’encan (Delehaye,
Dechamps)
2) Rapports sur des pétitions
relatives à la perte éprouvée par un fermier de barrières en
suite de la mise en œuvre du chemin de fer de la Vesdre, (Zoude), au maintien de la loi du 6 juin 1839 relative aux
relations commerciales avec le grand-duché de Luxembourg à la possibilité de partager les biens communaux non boisés et
au défrichement de bruyères, à une demande de suppression de lignes télégraphiques pour éviter
la spéculation boursière, aux octrois communaux, à l’art de guérir et l’organisation médicale (notamment quant
au nombre de pharmacies et à l’institution de bibliothèques médicales), à
une détention arbitraire dans un dépôt de mendicité
(Charles Lignan), à l’art de guérir et l’organisation
médicale (notamment quant aux pharmacies), à des demandes en naturalisation d’un militaire ayant servi dans l’armée
hollandaise des Indes, exemption du droit d’enregistrement
en matière de naturalisation, au personnel
administratif des tribunaux de première instance)
3) Projet de loi portant le
budget du département de la marine pour l’exercice 1846. Intérêt pour la Belgique
de posséder une colonie (Sigart, Dechamps)
4) Projet de loi sur la chasse.
Discussion générale, plus particulièrement : caractère aristocratique de
la loi et droit des agriculteurs à protéger leurs récoltes (Vanden Eynde, Jonet, de Bonne, Castiau, d’Huart, Van de Weyer, d’Anethan, Verhaegen)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 447) M. de Villegas procède à l'appel nominal à une
heure.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du
procès-verbal de la séance d'hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Villegas présente l'analyse
des pétitions adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les sieurs Van Waddengen et Remes, pêcheurs
de crevettes, demandent à pouvoir introduire, en franchise de droits, le poisson
qu'ils prennent en pêchant des crevettes. »
- Renvoi à la
commission d'industrie.
_______________
« Plusieurs
habitants de la ville de Bouillon demandent la réforme postale basée sur la
taxe uniforme de dix centimes. »
- Renvoi à la commission
des pétitions, avec demande d'un prompt rapport.
« Plusieurs marchands de bois et maîtres
charpentiers établis dans l'arrondissement de Courtray, demandent que les
planches, poutres et poutrelles ne puissent être vendues publiquement, par
adjudication, que par quantités d'une même espèce, d'une valeur de cent francs
au moins. »
- Renvoi à la section
centrale, chargée d'examiner le projet de loi sur les ventes publiques en
détail de marchandises neuves.
M.
Delehaye. - Messieurs, vous venez d'entendre l'analyse d'une
pétition concernant le projet de loi relatif aux ventes à l'encan. Pendant la
session dernière, M. le ministre de l'intérieur, dans les attributions duquel
se trouvaient alors les affaires commerciales, avait saisi la chambre d'un
projet de loi relatif à ces ventes. Il l'avait fait à la suite d'un renvoi
d'une pétition qui nous avait été adressée par le commerce de Bruxelles et de
Gand.
Je demanderai d'abord
à M. le ministre des affaires étrangères, dans les attributions duquel se
trouvent maintenant les affaires commerciales, s'il maintient le projet de loi
de son prédécesseur, et, dans le cas affirmatif, je prierai M. le président de
bien vouloir convoquer la section qui n'a pas encore nommé son rapporteur.
Toutes les autres sections ont nommé les leurs ; j'en suis un. Il est
nécessaire que la chambre se prononce le plus tôt possible sur cette question.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je puis annoncer que je maintiens le projet
de loi présente par mon prédécesseur, et je m'associe à la motion de
l'honorable membre ; je désire que les rapporteurs soient nommés le plus tôt
possible.
M. Delehaye. - Dans ce cas, je prie
le bureau de convoquer la section qui n'a pas encore nommé son rapporteur, pour
que la section centrale puisse s'occuper promptement de l'examen du projet, qui
est réclamé depuis plusieurs années.
M. le président. - La section sera convoquée. Toutefois, aux termes du
règlement, la section centrale pourrait déjà se réunir, quoiqu'une section
n'ait pas nommé son rapporteur.
M. Delehaye. - Puisqu'il en est
ainsi, je prierai le bureau de convoquer la section centrale.
M. le président. - Elle sera convoquée aussitôt que l'examen des
budgets sera terminé en section centrale.
_______________
M. le président. - Messieurs, dans les sessions précédentes, la
chambre a renvoyé aux sections plusieurs projets de loi pour lesquels elles
n'ont pas nommé de rapporteur. Je demanderai l'autorisation de renvoyer ces
divers projets à l'examen des sections de janvier. Sans cela il faudrait
convoquer les sections de 1844 et de 1845, et le travail des sections de cette
année serait désorganisé. Si personne ne s'oppose à cette proposition, je
prierai MM. les présidents des sections de janvier de se réunir demain au
bureau du président pour régler l'ordre des travaux. Ils seront convoqués à cet
effet.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Zoude, rapporteur. - « Par
pétition datée, de Beyne, le 21 avril 1844, le sieur Rensonnet réclame l'intervention
de la chambre pour obtenir une indemnité du chef des pertes qu'il a essuyées
comme fermier de la barrière de Battice. »
Le pétitionnaire
s'adresse de nouveau à la chambre pour lui exposer qu'il s'est rendu
adjudicataire de la barrière de Battice pour un terme de trois ans, alors que
les travaux à exécuter au chemin de fer de la Vesdre étaient si nombreux, que
l'opinion générale du pays était, qu'on ne pourrait les terminer avant le terme
de cinq ans ; cependant ils furent poussés avec tant d'activité que le chemin
fut livré à la circulation après deux ans et que la route de Battice fut
entièrement abandonnée.
(page 448) Sur la première réclamation qu'il adressa pour obtenir
une indemnité, M. le ministre des travaux publics, comme le dit le pétitionnaire,
reconnut, en séance publique, la légitimité de sa réclamation et annonça à la
chambre qu'il demanderait un crédit pour satisfaire aux diverses demandes de
même nature qui lui paraîtraient fondées. Mais il n'y eut pas de demande de
crédit et par suite aucune indemnité accordée, et le pétitionnaire, fut
contraint à payer le fermage de la troisième année de son bail, montant à
19,100 francs, lorsque sa barrière était devenue entièrement improductive. |
Votre commission
croit devoir rappeler à M. le ministre le quasi-engagement qu'il a pris envers
la chambre ; c'est pourquoi elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de
cette pétition au département des travaux publics.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition
sans date, le sieur Joly,, casernier à la caserne du Faucon, à Anvers, dont la
condamnation au payement du droit de consommation sur les boissons distillées a
été annulée, demande la restitution de l'amende qu'il a encourue du chef de
cette condamnation. »
Le pétitionnaire a
l'honneur d'exposer à la chambre qu'il a été porté erronément au rôle de
patentes, pourquoi il a payé une contribution de 15 fr. et une amende de 28 fr.
50 c.
Sur sa réclamation,
le ministre des finances, reconnaissant l'erreur, lui a délivré une ordonnance
de remboursement de 15 fr., montant de la contribution qu'il avait payée ; mais
il n'a pas répondu à sa demande de remboursement de l'amende ; cependant, comme
le dit le pétitionnaire, où il n'y a pas de contravention il n'y a pas lieu à
amende.
Votre commission
estime que la demande du pétitionnaire est fondée, c'est pourquoi elle a
l'honneur de vous en proposer le renvoi au département des finances.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition de
Bruxelles, le 8 juin 1845, le sieur Braive réclame l'intervention de la chambre
pour qu'il soit donné suite à sa demande tendant à être réintégré dans son
grade de major d'infanterie. »
Le major Braive,
privé de son grade par suite d'un jugement, fut réintégré par arrêté royal ;
mais n'ayant pas été rétabli dans le cadre de l'armée, il s'est adressé à la
chambre en 1844, qui. sur un rapport de la commission en date du 29 mars même
année, en ordonna le renvoi au département de la guerre avec demande
d'explication.
Cette explication
n'ayant pas été donnée, votre commission a l'honneur de vous présenter les
mêmes conclusions que vous aviez adoptés antérieurement, c'est-à-dire le renvoi
au département de la guerre avec demande d'explication. »
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Par
pétition datée d'Arlon, le 12 mars 1844, le conseil communal d'Arlon demande le
maintien de la loi du 6 juin 1839. »
Par le traité avec le
Zollverein, il a été fait droit à la demande du conseil communal d'Arlon.
En effet, l'article
20 porte que la loi du 6 juin 1839, concernant les relations commerciales de la
Belgique avec le grand-duché de Luxembourg, est maintenu.
Dès lors, votre
commission vous propose le dépôt de cette pétition au bureau des
renseignements.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur. -« Par
pétition datée de Hamerenne, le 31 décembre 1843, les habitants du hameau de
Hamerenne, dépendant de la commune de Rochefort, demandent qu'une loi les
autorise à partager des biens communaux non boisés. »
« Par pétition non
datée, les sieurs Mignet et Lallemand demandent le partage de terrains incultes
appartenant à la commune de Bovigny. »
Le défrichement des
bruyères est certainement chose fort désirable.
Mais le partage
général et immédiat, est-il bien le moyen le plus convenable pour opérer le
défrichement ? Votre commission hésite à le croire. D'abord par un partage
général le parcours du bétail venant à cesser, le pauvre, qui n'a rien à donner
à l'étable, devra se défaire de son bétail.
Le particulier un peu
aisé, mais qui n'a pas une étendue de terre suffisante pour le faire pâturer ou
qui n'a pas encore de produits en telle quantité qu'il puisse le nourrir à
l'étable, devra aussi en réduire le nombre, il en résultera, dans l’un et
l'autre de ces cas, une diminution d'engrais ; dès lors le partage général, au
lieu d'être utile, aura arrêté les progrès de l'agriculture.
Votre commission, qui
aurait été favorable au partage par parcelle, croit devoir s'opposer au partage
général demandé par les pétitionnaires.
Toutefois comme cette
question mérite un examen plus approfondi, votre commission a l'honneur de vous
proposer le renvoi de cette pétition au département de l'intérieur.
- Ces concluions sont
adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition datée
de Bruxelles, le 9 mai 1844, les sieurs Stache, Grosjean et Deut réclament
l'intervention de la chambre pour que le gouvernement donne suite à leur
demande relative à la suppression de lignes télégraphiques entre les villes du
royaume. »
Les pétitionnaires
vous exposent que, dans une pétition qu'ils ont adressée en 1845 et qui fut
envoyée au département de l'intérieur sans qu'il y ait été donné suite, ils ont
appelé l'attention de la chambre sur les dangers des lignes télégraphiques
entre les diverses villes et particulièrement entre celles où il y a une bourse
de commerce, ca qui a donné lieu, disent-ils, à des spéculations immorales à
Bruxelles, à la suite desquelles les uns se sont scandaleusement enrichis aux
dépens d'autres qui, victimes de la manœuvre, ont subi une ruine complète.
Ils ont signalé en
outre les dangers de ces lignes entre les mains des particuliers, dans des
moments de troubles et pour ces divers motifs ils en ont demandé la
suppression.
A l'appui de leur
demande, ils invoquent l'exemple de la France où le gouvernement seul a le
droit d'autoriser des établissements télégraphiques.
Votre commission,
messieurs, croit devoir appuyer cette pétition dont elle a l'honneur de vous
proposer de nouveau le renvoi au département de l'intérieur.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition
datée de Sysseele, le 12 juin. 1844, le sieur Verstraete Lycke demande une
modification au § 16 de l'article 32 de la loi du 27 juin 1842, sur les
distilleries »
Le pétitionnaire
réclame contre la rédaction de l'article 32 de la loi du 27 juin 1842, sur les
distilleries, et se fonde sur ce que cette rédaction est obscure à tel point
qu'elle peut exposer le distillateur de bonne foi à des vexations qui ont été
loin de l'intention du législateur.
Un simple changement
d'expression garantirait, dit-il, le trésor contre la fraude, en même temps que
le distillateur ne serait plus exposé à des poursuites pénibles et toujours
odieuses.
Votre commission vous
propose le renvoi de cette pétition au département des finances.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. Zoude, rapporteur. - « Par pétition
datée de Bruges, le 24 mai 1844, quelques distillateurs à Bruges présentent des
observations contre la pétition des distillateurs agricoles, tendant à ;ce
qu'il soit pris des mesures pour empêcher l'exagération des droits d'octroi
dont les produits de leur industrie se trouvent frappés à l'entrée des villes.
»
Les pétitionnaires
réclament contre l'exagération des octrois municipaux, dont l'élévation ne leur
permet plus la vente de leurs produits dans les villes.
Le gouvernement ayant
pris l'engagement de soumettre bientôt à la législature un projet de loi sur
cette, matière, votre commission a l'honneur de vous proposer le renvoi aux
départements de l'intérieur et des finances.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Les sieurs
Matthys et Keslens, distillateurs à Termonde, demandent la suppression du
privilège de 15 p. c. sur le droit d'accise, dont jouissent les distillateurs
des campagnes. »
« Quatre
distillateurs agricoles des communes de Corbeek-Loo. et Herent, se plaignent du
retrait de la déduction accordée par l'articles 5 de la loi sur les
distilleries, et en demandent la restitution. »
Des distillateurs
demandent la suppression de la remise de 15 p. c. accordée aux distilleries
agricoles, et d'autres se plaignent de ce que le ministre des finances aurait
arbitrairement enlevé le privilège à des distillateurs qui prétendent y avoir
droit.
La. demande de
suppression de la remise est consignée dans la pétition n° 1065, dont votre
commission vous propose le renvoi pur et simple au département des finances.
Quant à la pétition
n°1140 dans laquelle on se plaint de la privation arbitraire de ce privilège,
votre commission vous propose le renvoi avec demande d'explication.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. Zoude, rapporteur. - « Le sieur
Van Caneghem réclame l'intervention de la chambre pour obtenir la rétrocession
d'une partie des terrains qu'il a dû céder à l'administration des chemins de
fer, »
Le pétitionnaire a
réclamé du département des travaux publics des lisières de terrain dont il
avait été exproprié pour le service du chemin de fer de Gand…
Où ? Ce chemin ayant
été terminé avant que cette partie de terrain fût mise à la disposition du
gouvernement, il en réclame la remise, se fondant sur l'article 22 de la loi du
17 avril 1835, qui porte que si les terrains acquis pour travaux d'utilité
publique ne recevaient pas cette destination, les anciens propriétaires
pourraient réclamer la remise desdits terrains contre payement de l'indemnité
reçue, soit d'un prix à fixer par le tribunal de la situation.
M. le ministre a
répondu que la conservation de cette portion de terrain était nécessaire pour y
déposer des matériaux, lors des réparations qu'on exécute annuellement.
Il a paru à votre
commission que le ministre devait rester seul juge de l'utilité dont cette
portion de terrain pourrait être au chemin de fer. Cependant elle a l'honneur
de vous proposer le renvoi de cette pétition à son département, pour y donner
suite s'il y a lieu.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée de Saint-Hubert, le 5 novembre 1845, le sieur Fortuner,
pharmacien à Saint-Hubert, renouvelle sa demande tendant à ce que la chambre
s'occupe d'une loi d'organisation médicale. »
Le sieur Fortuner,
pharmacien, demeurant à Si-Hubert, s'est adressé à la chambre, par pétition du
20 octobre 1844, pour que la chambre veuille s'occuper, pendant cette session,
de l'organisation du service médical, déjà réclamée, depuis plusieurs années,
par tous les pharmaciens du royaume ; cette loi d'organisation médicale devrait
avoir pour but :
« 1° La répression du
charlatanisme et de l'empirisme par les peines les plus sévères ;
« 2° Qu'il soit
assigné un certain rayon à chique pharmacien de petite ville, et que dans ce
ressort il soit défendu aux médecins et chirurgiens de préparer les médicaments
à leurs patients ;
« 3° Que le nombre de
pharmaciens soit limité pour chaque ville ;
« 4° Qu'il soit
désigné un médecin par canton, par le gouvernement, (page 449) pour réprimer les abus et l'exercice illégal qui peuvent
encore avoir lieu dans les différentes branches de la médecine et de la
pharmacie. Le pétitionnaire expose que, dans la province de Luxembourg, le
charlatanisme et l'empirisme sont arrivés à leur plus haut degré ; dans cet
état de choses, il est aujourd'hui impossible aux pharmaciens patentés de faire
honneur à leurs affaires.
La commission des
pétitions, en appuyant les réclamations des pharmaciens, qui, depuis plusieurs
années, ne cessent de demander une loi d'organisation médicale, a l'honneur de
vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur,
ainsi que de la nouvelle requête du sieur Fortuner, ayant le même but, et qui a
été adressée à la chambre, sous la date du 5 novembre 1844.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Le sieur
Brenier, docteur en médecine à Mons, s'est adressé à la chambre par pétition
datée du 7 novembre 1844 ; il demande la création de bibliothèques médicales
provinciales. On a souvent demandé, dit-il, s'il n'y avait pas moyen de faire
cesser l'individualisme médical, de permettre à tous les médecins de suivre la
marche progressive de la science ; la création de bibliothèques médicales
provinciales permettrait d'atteindre ce but.
La formation de
bibliothèques médicales provinciales n'occasionnerait que des frais peu
considérables ; les administrations communales s'empresseraient, bien
certainement, de fournir un local et un ameublement convenable ; les ouvrages
de médecine que renferment les bibliothèques des chefs-lieux de provinces,
formeraient le noyau de bibliothèques médicales ; le gouvernement ferait sans
doute de nombreux envois à ces établissements ; les auteurs y déposeraient un
exemplaire de leurs ouvrages ; un subside peu élevé serait accordé par le
gouvernement ou par les administrations provinciales ; on trouverait,
peut-être, des médecins assez dévoués à la science pour remplir gratuitement
les fonctions de bibliothécaires.
La commission des
pétitions à l’honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le
ministre de l'intérieur, en recommandant à son attention toute particulière la
demande de M. le docteur Brenier.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée de Bruxelles du 11 décembre 1844, le sieur Nicolas Pigières
s'adresse à la chambre pour obtenir le renvoi de Charles Lignan, détenu au dépôt
de mendicité à Reckheim (Limbourg). Le séjour prolongé de ce jeune homme au
dépôt, devient une espèce de séquestration, d'autant plus que le pétitionnaire
s'est adressé personnellement, et a employé plusieurs hommes d'affaires, pour
obtenir l'élargissement du sieur Charles Lignan.
Il s'adresse en
conséquence à la chambre, pour qu'elle daigne intervenir dans cette affaire, et
que la précieuse liberté individuelle, en Belgique, ne soit point un vain mot.
Il expose les faits suivants :
« Charles Lignan, jeune
homme, très instruit et issu d'une honnête famille, s'étant livré, il y a
quelques années, au libertinage, sa mère obtint qu'il fût placé au dépôt de
mendicité, et en cela elle avait un but louable, car ses intentions étaient de
lui infliger une correction.
« Voilà plus de
5 1/2 années que Ch. Lignan mange le pain de la réclusion, sa mère étant
décédée depuis le 11 mai 1845 ; cependant on continue à le tenir au dépôt,
comme s'il y avait un jugement contre lui.
« Le pétitionnaire
prétend que c'est l'intrigue et les odieuses machinations d'un frère unique de
ce jeune homme, qui sont cause qu'il soit encore privé de la liberté ; à la
mort de la veuve Lignan, sous le prétexte que Charles Lignan serait à même de
dissiper sa part des biens, son frère a voulu s'en emparer ; mais heureusement
d'honnêtes gens s'y sont opposés, et ce qui revenait à ce jeune homme a été
déposé chez un notaire à Bruxelles ; d'après le pétitionnaire, le sieur Charles
Lignan, depuis qu'il se trouve au dépôt, a tenu une conduite régulière ; le
leçon très dure qu'il a reçue depuis cinq ans et demi, l'a entièrement changé.
Il espère que la chambre n'hésitera pas à le faire remettre en liberté. »
Le pétitionnaire se
considère comme le bienfaiteur du sieur Charles Lignan, il l'a toujours affectionné
comme l'un de ses enfants, il répond de lui, et de sa conduite future.
Si les faits allégués
par le sieur Nicolas Pigières sont exacts ; si, par suite d'intrigues et de
machinations du frère de Charles Lignan, ce jeune homme est retenu au dépôt de
Reckheim, sans un jugement à sa charge, la commission des pétitions croit,
qu'il y a lieu de renvoyer la requête du sieur Pigières à M. le ministre de la
justice, pour demander des explications sur cette détention arbitraire.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. de Renesse, rapporteur. - « Le sieur Joseph
Seulen, pharmacien à Florenville, s'adresse à la chambre par pétition datée de
Florenville, le 15 décembre 1844, et lui expose l'état d'oppression dans lequel
se trouve actuellement la pharmacie de la province de Luxembourg. »
Déjà depuis plusieurs
années, la réorganisation du service médical a été reconnue nécessaire et
urgente ; l'Académie royale a été occupée à composer le projet d'une nouvelle
loi, en conformité des progrès de la science ; malheureusement la chambre n'a
pas eu le loisir de convertir ce projet en loi.
La position du
pharmacien des petites villes est devenue des plus précaire et même vexatoire.
La loi l'oblige de s'entretenir dans un certain état d'ordre et
d'approvisionnement, et d'un autre côté le médecin de l'endroit a le droit de
débiter les médicaments.
Le pétitionnaire a
recours aux sentiments d'équité de la chambre, et espère, qu'elle s'occupera le
plus tôt possible d'une loi tendant à régler le service médicale.
La commission des
pétitions croit devoir appeler l'attention de la chambre et de M. le ministre
de l'intérieur, sur la nécessite de faire droit aux justes réclamations des
pharmaciens du royaume ; elle a, on conséquence, l'honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à M. le ministre de l'intérieur, dans les attributions
duquel se trouve la direction supérieure du service médical.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée de Liège le 1er juillet 1845, un grand nombre de pharmaciens,
membres de la société de pharmacie de la province de Liège, viennent prier la
chambre de vouloir s'occuper, avant la clôture de la session, de la révision
des lois qui régissent aujourd'hui la pharmacie. »
Déjà, de différents
points de la Belgique sont parties des demande semblables pour demander cette
révision ; certes, c'est là une preuve que tous les pharmaciens belges
communaux désirent ardemment, appellent de tous leurs vœux, la réforme des lois
pharmaceutiques en vigueur dans notre pays ; cette réforme doit relever la
pharmacie de l'état de décadence et de discrédit où on la voit languir.
M. le ministre de
l'intérieur, d'après le dire des pétitionnaires, doit avoir promis, à
différentes reprises, la révision de la loi, et avait chargé l'Académie de
médecine de lui soumettre un projet de loi sur les différentes branches de
l'art de guérir ; mais, malheureusement on n'y met pas l'activité que réclame un
objet aussi important.
Les pétitionnaires
présentent, en outre, de longues considérations pour démontrer la nécessité de
s'occuper plus activement de la réforme de la loi qui régit les différentes
branches de l'art de guérir, et prient la chambre de vouloir s'en occuper dans
le courant de la session actuelle.
La commission des
pétitions, en appuyant les considérations émises par les pétitionnaires,
espère, que le gouvernement s'empressera de faire droit aux justes réclamations
des pharmaciens ; elle a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette requête
à M. le ministre de l'intérieur.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - Par pétition du 16
janvier 1845, le sieur Joseph Them, serrurier à Altert (Luxembourg), réclame
l'intervention de la chambre, pour qu'il soit donné suite aux plaintes qu'il a
adressées au ministre de la justice. D'après sa requête, le pétitionnaire fut,
sur de faux témoignages déposés en justice par des voisins, avec lesquels il
vivait en mésintelligence, par jalousie de métier, condamné le 22 novembre
1836, par le tribunal d'Arlon, à un an d'emprisonnement sous la prévention
d'avoir frauduleusement soustrait une épingle en or. Bien que ces faux
témoignages eussent par après été dénoncés et connus de la justice, il prétend
que des instructions imparfaites et insuffisantes ont eu lieu sur cette
affaire, et que l'on n'a donné aucune suite à sa demande ; il s'est donc adressé
par requête au Roi, et ensuite, plusieurs fois, à M. le ministre de la justice,
pour obtenir justice, Sur sa dernière pétition, en date du 24 mars 1844, il lui
aurait été répondu, que ces diverses plaintes étant du ressort exclusif des
tribunaux, le gouvernement ne pouvait prendre à cet égard aucune disposition.
Le pétitionnaire, s'étant vainement adressé au gouvernement et ayant en vain
invoqué les dispositions de l'instruction criminelle régissant la police
judiciaire qui, à son égard, restent en défaut, et ne pouvant obtenir justice,
croit devoir s'adresser à la représentation nationale, pour qu'elle daigne
faire droit à sa réclamation et faire redresser les griefs dont il a à se
plaindre.
La commission des
pétitions n'a pu s'assurer si les faits allégués par le sieur Them sont exacts
aucune preuve n'étant fournie à leur appui ; d'ailleurs, si le pétitionnaire
croyait que le jugement qui le condamnait à un an de prison, n'était pas fondé,
il aurait dû, dans le délai utile, se pourvoir en appel et après en cassation,
si le premier jugement avait été confirmé. La chambre ni le gouvernement ne
pouvant intervenir pour faire réformer un jugement qui a force de chose jugée,
la commission des pétitions croit en conséquence devoir vous proposer l'ordre
du jour sur cette réclamation.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée de Courtray, le 26 janvier 1845, quelques parents, voisins et
amis du sieur Edouard Filleul, détenu à Courtray, demandent sa mise en liberté.
»
Par pétition datée de
Courtray, du 26 janvier 4845, quelques parents voisins et amis du sieur Edouard
Filleul, demandent la mise en liberté de cet individu, détenu à Courtray, pour
dettes ; ils exposent avec respect qu'ils voient avec douleur la captivité
à vie de cet infortuné ; ils implorent qu'il soit fait une enquête sur les
paroles inconsidérées et mensongères d'un substitut de Courtray ; ils affirment
que le sieur Filleul a toujours été un honnête homme, qu'il n'a jamais été
condamné antérieurement, et pour prouver cette assertion, les pétitionnaires
ont joint à la requête une déclaration d'un commissaire de police de la ville
de Courtray, constatant qu'aucune plainte ne lui est parvenue à charge du sieur
Edouard Filleul.
Le sieur Filleul
étant détenu à la prison de Courtray, par suite d'un jugement, qui le condamne
à l'emprisonnement pour dettes, la chambre ni le gouvernement ne peuvent
intervenir pour faire élargir cet individu, il faut qu'il se soumette au jugement,
et tâche de trouver les moyens de s'acquitter envers ses créanciers. La
commission des pétitions a l'honneur de vous proposer l'ordre du jour sur cette
pétition.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par pétition
sans date, le sieur Meurant se plaint de ce que deux de ses frères et un
beau-frère ont été arrêtés en violation de la loi. »
Le sieur Edouard
Meurant, demeurant chaussée d'Etlerbeek, n°107, s'adresse à la chambre et expose
que deux de ses frères et l'un de ses beaux-frères, furent pour la première
fois, traduits en police correctionnelle, au tribunal de Charleroy, et y ont
été acquittés sur déposition de vingt (page
450) témoins, produits par le procureur du roi, les accusés n'ayant pas eu
besoin d'en faire entendre à décharge ; mais le procureur du roi près le
tribunal de Mons ayant appelé de ce jugement d'acquittement, les deux frères et
le beau-frère du pétitionnaire y furent condamnés, sans que les témoins aient
été assignés.
D'après le sieur
Meurant, le procureur du roi à Mons sollicitait ardemment la condamnation des
prévenus ; il avait eu le temps de prendre ses mesures, puisque, depuis le
premier jugement, il s'était déjà écoulé près de deux mois, quand il en a appelé
: il était certain du succès, le président ayant commencé par dire aux
prévenus, lorsqu’ils ont voulu exposer leurs moyens de défense, que le tribunal
savait tout cela ; il a refusé de recevoir leurs conclusions motivées, quand
ils ont essayé de les déposer ; lorsqu'après leur étrange condamnation, ils ont
déclaré se pourvoir en cassation, le président leur aurait répondu, que cela ne
le regardait pas ; ensuite, lorsqu'ils se sont présentés au greffe, le greffier
refusa de recevoir leur demande de se pourvoir en cassation.
Le pétitionnaire
prétend, en outre, que ses deux frères et son beau-frère ont été arrêtés à
l'instant, après leur sortie du tribunal, sans qu'aucun titre d'arrestation
leur ait été signifié.
Le sieur Meurant, à
l'appui de sa pétition, ne fournit aucune preuve qui puisse faire supposer que
ses frères et son beau-frère n'auraient pas été légalement condamnés ; si
le procureur du roi de Mons a cru qu'ils avaient été indûment acquittés par le
tribunal de Charleroy, il était de son devoir d'en appeler, et s'il a obtenu
contre eux un jugement de condamnation en appel, il a nécessairement dû faire
exécuter le jugement contre eux. La commission des pétitions a donc l'honneur
de vous proposer l'ordre du jour sur cette pétition.
- Ces conclusions sont
adoptées.
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée de Bruxelles, le 9 décembre 1844, le sieur Galliot, ancien
soldat, déchu de la qualité de Belge pour avoir pris du service à l'étranger, demande
à être relevé de cette déchéance. »
Par pétition, datée
de Bruxelles, du 9 décembre 1844, le sieur Jean-Léopold Galliot expose qu'il
est né à Steene, province de la Flandre occidentale ; qu'en 1828, il s'est
engagé comme volontaire au service des Pays-Bas, et a été incorporé au régiment
de hussards n_8 ; que le 17 septembre 1829, il est parti pour Batavia, où il a
passé au régiment de hussards n°7 ; qu'après son temps de service expiré, se
trouvant seul et sans appui sur des rives lointaines, il a contracté, le 27
juillet 1836, un nouvel engagement de service pour 6 ans, ne connaissant
qu'imparfaitement les événements politiques survenus dans sa patrie depuis
1830.
Après l'expiration de
sou dernier engagement militaire au service des Pays-Bas, il a été renvoyé dans
son pays natal, après avoir obtenu son congé définitif, daté du 12 avril 1842.
Que longtemps après
son retour en Belgique, il fut admis à Gand, comme remplaçant, et désigné pour
le régiment des guides ; arrivé au corps et se croyant en règle, il se permit
de porter la médaille en bronze pour service fidèle, obtenue à Batavia, par
brevet du 11 mars 1835 ; mais d'après les observations qu'on lui fit, qu'il ne
pouvait porter cette médaille qu'après en avoir obtenu une autorisation royale,
il fil sa demande, et elle lui fut accordée, par arrêté du 2 septembre 1843.
Il croyait donc avoir
satisfait à tout ce que le devoir et l'honneur pouvaient exiger de lui et se
trouver en sûreté sous les drapeaux de sa patrie, lorsque, tout à coup, il fut
renvoyé dans ses foyers ; ce ne fut qu'a son retour à Steene, qu'il apprit par
l'administration communale, « que le nommé Galliot, au temps de son admission
par le conseil de milice, avait perdu sa qualité de Belge aux termes de
l'article 21 du code civil, et comme ayant, au 21 juin 1835, contracté un
engagement de six ans au service des Inde Néerlandaises. »
C'est pour être
relevé de la perte de la qualité de Belge, que le pétitionnaire s'adresse à la
chambre ; il pense que l'on a été trop sévère à son égard, parce que éloigné de
sa mère patrie, il ne connaissait pas positivement les événements survenus en
Belgique, lorsqu'il contracta en 1835 un nouvel engagement.
D'après les
dispositions de l'article 21 du code civil, le sieur Galliot ayant pris du
service militaire chez l'étranger, sans autorisation préalable du Roi, a perdu
sa qualité de Belge ; il faut donc, pour récupérer sa nationalité, qu'il
s'adresse au Roi, et en outre qu'il remplisse les conditions imposées à
l'étranger pour devenir citoyen ; votre commission a l'honneur de vous proposer
le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice, pour informer le
pétitionnaire des formalités qu'il a à remplir pour obtenir sa qualité de
Belge, perdue par son service militaire à l'étranger.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. de Renesse, rapporteur. - « Par pétition
datée de Frameries, le 31 décembre 1844, le sieur Louis-Félix Marguier, qui a
demandé la naturalisation ordinaire, prie la chambre de l'exempter du droit
d'enregistrement. »
Le sieur Louis-Félix
Marguier, employé à l'établissement des charbonnages de l'Agrappe sous
Frameries, s'était adressé a la chambre, par requête en date du 5 novembre
1840, pour obtenir la naturalisation ordinaire ; sa demande a été prise en
considération, à la séance du 28 février 1845, et ensuite transmise au sénat.
Par l'application de
la disposition de l'article premier de la loi du 15 février 1844, qui fixe un
droit d'enregistrement pour l'obtention de la naturalisation ordinaire, il se
trouverait frappé d'un droit de 500 fr. ; s'étant adressé à la chambre,
longtemps avant la présentation du projet de loi précité, il croit pouvoir
invoquer la justice de la chambre, pour obtenir la remise du droit d'enregistrement,
lorsque la naturalisation lui serait accordée.
Il invoque en sa
faveur, qu'il est né en France, d'une mère belge ; que depuis 1819, il a été
domicilié en Belgique ; qu'il y a épousé une femme belge, dont il a eu
plusieurs enfants, et qu’il a exercé plusieurs fonctions dans l'armée.
Votre commission des
pétitions a l'honneur d'observer à la chambre, que la loi du 15 février 1844,
fixant un droit d'enregistrement, n'exempte du payement des 500 fr., que les
décorés de la croix de fer, ceux qui ont pris part aux combats de la
révolution, et les militaires actuellement en service ; elle aurait pu, en
conséquence, vous proposer l'ordre du jour sur cette pétition ; cependant,
le pétitionnaire s'étant déjà adressé à la chambre en 1840, pour obtenir la naturalisation
ordinaire, et comme d'ailleurs ce n'est pas par son fait que sa demande n'a pu
être prise en considération, avant le 15 février 1844, votre commission a
l'honneur de vous proposer le renvoi de cette requête à M. le ministre de la
justice, pour le cas où, le gouvernement proposant des modifications à la loi
des naturalisations, il puisse examiner s'il n'y aurait pas lieu d'exempter du
payement du droit d'enregistrement, les demandeurs en naturalisation peu
fortunés, qui auraient adressé leurs demandes avani la présentation du projet
de loi du 15 février 1844.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée d'Ostende, le 30 janvier 1845, le sieur Richard Brewer,
négociant-commissionnaire à Ostende, qui a obtenu la naturalisation ordinaire,
demande exemption du droit d'enregistrement. »
Le sieur Richard
Brewer, négociant-commissionnaire à Ostende, né à Londres, s'était adressé à la
chambre, déjà deux années avant la présentation de la loi du 15 février 1844,
pour obtenir la naturalisation ordinaire ; mais, par une fatalité, qu'il ne
peut expliquer, qui n'est pas de sa faute, et indépendante de sa volonté, la
requête ne s'est trouvée à l'ordre du jour, et n'a été prise en considération
par la chambre que le 1er février 1844, et au sénat que le 2 avril de la même
année ; il croit pouvoir invoquer l'équité de. la chambre, pour obtenir la
remise du droit d'enregistrement auquel il se trouve assujetti.
Il habite la Belgique
depuis 1820 ; en 1832, il a épousé une femme belge, dont il a plusieurs
enfants, et a quitté son pays natal, pour se fixer définitivement en Belgique.
La pétition est datée
d'Ostende, du 30 janvier 1845 ; le sieur Richard Brewer se trouvait, alors,
encore dans le délai utile de l'article 4 de la loi du 15 février 1844, qui
accorda 3 mois, pour acquitter le droit d'enregistrement ; le projet de
loi, lui conférant la naturalisation, ayant été voté au sénat le 15 décembre
1844 ; mais, depuis, s'il n'a pas payé ce droit dans le terme désigné, il y a
déchéance de la naturalisation qui lui avait été accordée.
La commission des
pétitions, considérant que le sieur Brewer s'est adressé à la chambre deux ans
avant la présentation du projet de loi du 15 février 1844, que sa demande n'a
pu être prise en considération, par les deux chambres, dans le délai utile,
croit devoir vous proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre de la
justice.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par pétition
d'Arlon, en date du 26 mars 1845, le sieur Rothermel, pharmacien à Arlon,
demande exemption du droit d'enregistrement du pour la naturalisation ordinaire
qui lui a été conférée le 31 décembre 1844.»
Le sieur François-Joseph
Rothermel, pharmacien à Arlon, s'est adressé à la chambre au commencement de
1842, pour obtenir la naturalisation ordinaire, qui lui a été accordée en 1844
; le pétitionnaire étant père d'une nombreuse famille, et n'ayant que son état
pour pourvoir à son existence, se trouverait pour son commerce dans une gêne
sensible, s'il était obligé à payer le droit d'enregistrement de 500 francs ;
il vient, en conséquence, solliciter la chambre de vouloir lui accorder la
remise de la somme fixée pour l'enregistrement de l'acte de naturalisation.
Le sieur Rothermel
s'étant adressé à la chambre pour obtenir la naturalisation longtemps avant la
présentation du projet de loi du 15 février 1844, votre commission des
pétitions a l'honneur de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le
ministre de la justice.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par pétition
datée de Liège, le 25 avril 1845, le sieur Maximilien Nieprzecki, dessinateur à
la manufacture d'armes de l'Etat, à Liège, demande exemption du droit
d'enregistrement de l'acte de naturalisation ordinaire qui lui a été accordée
par la loi du 5 avril. »
Le sieur Maximilien
Nieprzecki, lieutenant d'artillerie de l'ex-armée polonaise, actuellement
dessinateur à la manufacture d'armes de l'Etat à Liège, sollicite de la chambre
la faveur d'être exempté du droit d'enregistrement de l'acte de naturalisation
ordinaire, qui lui a été accordée par disposition législative du 5 avril
dernier.
Il base sa demande
sur les titres suivants :
1° Comme employé,
depuis l'année 1835, dans un établissement du gouvernement ;
2° Comme ayant
sollicité son indigénat au commencement de 1843, par conséquent, longtemps
avant la promulgation de la loi qui établit le droit d'enregistrement, et,
enfin, sur l'impossibilité de disposer d'une somme de 500 fr., somme énorme en
raison des appointements affectés à ses fonctions.
La commission des
pétitions a l'honneur de proposer le renvoi de la pétition à M. le ministre de
la justice.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par pétition
datée de Maeseyck, le 18 avril 1845, le sieur Etienne Goubau, brigadier garde
champêtre à Maeseyck, demande exemption du droit d'enregistrement pour l'acte
de naturalisation ordinaire qui lui a élé accordée. »
(page 451) Le sieur Etienne Goubau, brigadier garde champêtre, à
Maeseyck, vient demander à la chambre de vouloir lui faire remise du droit de
500 fr., qu'il doit payer, pour l'enregistrement de l'acte de la naturalisation
ordinaire qui lui a été accordée en mars 1845 ; il expose qu'il exerce les
fonctions de garde champêtre depuis 1812, que l'exiguïté de ses ressource ne
lui permet pas de pouvoir acquitter ce droit d'enregistrement, et qu'il s'est
adressé le 9 janvier 1843 pour obtenir cette naturalisation, par conséquent
assez longtemps avant la promulgation de la loi du 15 février 1844.
La commission a
l'honneur de vous proposer le renvoi de cetle pétition à M. le ministre de la
justice.
- Ces conclusions
sont adoptées.
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée de Furnes, le 15 novembre 1845, le sieur Dubreucq, secrétaire au
parquet du tribunal de première instance de Furnes, prie la chambre d'améliorer
la position des secrétaires de parquet. »
« Par pétition datée
de Furnes, du 15 novembre 1845,1e sieur Edouard-François Dubreucq, secrétaire
au parquet du tribunal de Furnes, prie la chambre de vouloir améliorer la
position des secrétaires de parquet, et de les assimiler aux
commis-greffiers. »
Il est incontestable,
dit le pétitionnaire, que les occupations des secrétaires de parquet sont pour
le moins aussi fortes que celles des commis-greffiers, et qu'elles n'exigent
pas moins d'intelligence et d'instruction. Ce n'est pas avec un traitement
annuel de 400 francs, qu'il peut pourvoir à son entretien et à celui de sa
famille ; cette minime somme n'est nullement en rapport avec la besogne dont il
est chargé.
Déjà, lors de la
discussion du projet de loi sur les traitements des membres de l'ordre
judiciaire, il a été constaté que la position des secrétaires de parquet
méritait d'être améliorée ; aussi M. le ministre de la justice a observé alors
qu'il examinerait les réclamations de ces employés et qu'il porterait à son
budget le crédit nécessaire pour leur assurer un sort plus convenable. Voire
commission des pétitions a, en conséquence, l'honneur de vous proposer le
renvoi de cette pétition à M. le ministre de la justice.
- Ces conclusions
sont adoptées.
________________
M. de Renesse, rapporteur. - « Par
pétition datée d'Audenarde, le 21 novembre 1845, le sieur Frédéric Van Temsche,
secrétaire au parquet du tribunal de première instance à Audenarde, demande une
augmentation de traitement pour les secrétaires de parquet. »
Le sieur Frédéric Van
Temsche, secrétaire au parquet du tribunal à Audenarde, expose, par pétition
datée du 21 septembre 1845, que depuis dix ans, il remplit ce poste, à la
satisfaction du chef du parquet, moyennant le médiocre traitement de 600 francs
; que cette somme est insuffisante pour subvenir aux besoins de la vie, et
aucunement en rapport avec la forte besogne dont il est chargé, par suite du
surcroît des causes correctionnelles, de la formation des tableaux
statistiques, etc. ; que, par la loi du 20 mai dernier, les traitements des
membres de l'ordre judiciaire ont été augmentés, sans que l'on ait eu égard à
la position des secrétaires de parquet.
La commission des
pétitions, considérant que la demande des secrétaires de parquet, pour obtenir
une amélioration de position est fondée, que leur traitement n'est nullement en
rapport avec les travaux dont ils sont chargés, ce qui, d'ailleurs, a été
reconnu lors de la discussion du projet de loi sur les traitements des membres
de l'ordre judiciaire, a l'honneur de vous proposer le renvoi de cette pétition
à M. le ministre de la justice.
- Ces conclusions
sont adoptées.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA MARINE POUR L’EXERCICE
1846
Discussion générale
M. le président. - La discussion générale est ouverte. La parole est à
M. Sigart.
M. Sigart. - Je pense qu'il
est convenable d'examiner à cette tribune s'il est utile à la Belgique d'avoir
des colonies, et en cas d'affirmative, quelle espèce de colonie peut lui être
avantageuse. Je ne connais aucune occasion plus favorable que celle qui nous
est offerte par le budget de la marine.
Je n'aurai pas à
m'occuper de Guatemala. Je crois que l'on peut considérer la colonie comme
morte, et je pense bien que le gouvernement ne fait plus que chercher les
moyens de l'enterrer honorablement. Mais la pensée qui a conçu rétablissement
de Santo Thomas vit toujours. On prétend que plus d'un projet s'examine dans le
ministère. Je ne sais si c'est l'Abyssinie que nous devons conquérir, ou si
c'est quelqu'autre pays ; mais j'ai quelques raisons de croire que le projet de
M. Blondeel n'est pas absolument repoussé par le gouvernement.
Je vais examiner
rapidement les colonies aux points de vue agricole, pénal, commercial et
politique.
Les colonies
agricoles peuvent être établies dans divers climats. Les hautes latitudes sont
les seules où la culture soit impossible : dans les lieux désolés qui
avoisinent le cercle polaire, on ne peut placer que des établissements pour la
pêche ou le commerce des pelleteries. Je ne crois pas devoir vous en
entretenir.
Dans le voisinage de
l'équateur, au contraire, la végétation se déploie avec un luxe admirable.
Malheureusement les Européens ne peuvent habiter sans danger ces contrées si
belles ; ils ne peuvent résister au climat qu'en prenant des précautions
nombreuses, parmi lesquelles ils doivent placer au premier rang (comme je l'ai
démontré dans une autre circonstance) celle de s'interdire la culture de la
terre ; ils ont donc besoin, pour faire prospérer une colonie agricole,
d'employer des nègres esclaves. Si l'esclavage ne vous répugnait pas tant,
messieurs, vous pourriez trouver des terres dont vous auriez la souveraineté
absolue, des terres plus grandes que l'Europe, des terres de la plus admirable
fécondité et que nulle puissance ne veut occuper ; la moitié équinoxiale de la
Nouvelle-Hollande, toute la Nouvelle-Guinée et les grandes îles de la
Nouvelle-Bretagne, de la Nouvelle-Irlande, de la Nouvelle Calédonie ; mais
l'esclavage est quelque chose de si odieux que nul, je pense, n'oserait ici
proposer de l'établir.
Si l'on veut cultiver
par les blancs, il faut fuir ces terres à végétation splendide, mais à
température meurtrière, il faut remonter à de plus hautes latitudes et chercher
des climats analogues au nôtre. Malheureusement les meilleures places sont
prises. En Amérique tout est occupé ; il ne reste plus que la Patagonie qui
n'est pas fort tentante. La seule partie importante du globe qui reste à
occuper est la côte occidentale de la Nouvelle-Hollande depuis le 30ème degré
jusqu'au détroit de Bass. Je ne crois pas que l'on aurait à se débattre avec
les nations qui en ont pris possession. La cérémonie de prise de possession en
plantant un drapeau me semble assez vaine, à moins qu'on ne veuille la
fortifier par le canon. Je ne crois pas qu'on en viendrait là ; je ne vois donc
pas là de grande difficulté ; mais je vois une difficulté économique devant
laquelle il faut reculer. Il ne suffit pas en effet de savoir s'il est possible
de cultiver en certains lieux du blé ou de l'orge, il faut savoir à quel prix.
Ce n'est rien faire que de faire vivre des hommes quand c'est au dépens
d'autres hommes. Si l'on ne peut soutenir là-bas de colonie que par le secours
du trésor public, on n'a rien gagné. On ferait tout aussi bien subsister cette
colonie en Belgique en lui abandonnant ici ce qu'elle coûterait là. Faite là ou
ici, serait-ce une bonne opération ? Ce serait le pendant de la taxe des
pauvres d'Angleterre et de la mendicité aux portes des couvents du moyen âge.
Or, ce que coûterait
une colonie à établir dans l'Australie serait immense : frais de transport des
colons et de tout ce qui leur est nécessaire, bâtisses, défrichements, routes,
tout cela coûterait bien plus que cela ne pourrait jamais rapporter. L'histoire
coloniale de l'Angleterre est là pour nous servir de leçon !
C'est surtout dans
son établissement pénal de la Nouvelle-Galles du Sud que les sommes dépensées
par l'Angleterre sont effrayantes ; et cependant c'est une colonie analogue,
quoique sur une plus petite échelle, que nous pourrions établir avec le plus de
profit. Par profit, j'entends le profit moral résultant de l'éloignement
d'hommes flétris par la loi, qui, à l'expiration de leur peine, ne peuvent plus
trouver place dans une société ennemie, et qui doivent retourner au crime. Car,
pour un profit pécuniaire, il n'y faut pas penser : la somme à dépenser serait
considérable, le revenu à peu près nul. Nous verrons tout à l'heure que
l'Angleterre trouve dans le développement de sa marine des compensations qui n'en
seraient pas pour nous ; mais enfin, il y a lieu de peser si l'avantage que
j'ai indiqué vaut le prix dont il faudrait le payer !
Passons aux
établissements commerciaux.
Lorsqu'on veut fonder
des établissements commerciaux, il faut presque toujours recourir aux armes.
Pour défendre les moins importants on doit au moins bâtir un fort. Veut-on
faire la traite de la gomme, de l'ivoire ? Je crois qu'il est encore possible
de trouver une place passable pour un fort à établir sur la côte d'Afrique. Je
pense que la Nouvelle-Guinée pourrait aussi offrir des endroits convenables
pour certains échanges. C'est une entreprise à la portée de nos forces ; elle
avorterait ou réussirait selon l'intelligence de ceux qui en choisiraient
l'emplacement et en soigneraient la direction. Mais je n'aurai pas de peine à
faire croire qu'un ou plusieurs établissements de ce genre n'exerceraient
qu'une influence inaperçue sur la prospérité du pays !
Sont-ce des
établissements comme ceux de l'Inde que l'on convoite ? Alors trouvez une
nation à exploiter. Mais elle vous repoussera, il faudra la conquérir. Je ne
dirai pas que la conquête est un brigandage, je passerais pour un niais. Des
gens même qui dénonceraient au procureur du roi celui qui leur volerait
quelques francs, se moqueraient de moi si je m'opposais à ce qu'on volât une
nation à leur profit : je n'en dirai donc rien, sinon que pour conquérir il
faut être fort. La difficulté n'est pas de vaincre, d'envahir : nul doute qu'un
bataillon belge ne mette en déroule 20,000 Abyssins par exemple ; la difficulté
est de se maintenir, la difficulté est de résister aux maladies, la difficulté
est de se procurer des vivres, etc. La France n'a pas trop de 80 mille hommes
depuis quinze ans pour comprimer l'Algérie, et ce n'est que grâce au voisinage
qu'elle a pu y réussir à demi ; cette puissance n'ignore pas qu'à la première
guerre européenne elle devra retirer ses trouves et perdre sa conquête, tout le
monde sait qu'elle n'a pu garder Madagascar.
(page 452) Mais quels avantages les nations maritimes ont-elles
retirés de leurs colonies ? Ces avantages sont surtout politiques : voici
quelques exemples.
La France trouve en
Algérie une école pour ses soldats ; l'armée française s'y aguerrit, et si elle
devait se mesurer avec quelqu'autre armée sur un champ de bataille européen,
toutes choses égales d'ailleurs, les chances seraient pour elle. L'avantage
d'exercer ses soldats coûte au gouvernement francs des sommes immenses et des
torrents de sang. Mais un gouvernement n'y regarde guère : l'argent et les
hommes, c'est la nation qui les fournit.
L'Angleterre possède
des colonies dans la Méditerranée, le long des côtes d’Afrique, dans les deux
Amériques, dans l’Indoustan et jusqu'à la Nouvelle-Hollande ; des colonies dont
la population est bien autrement considérable que celle de la mère patrie. Je
puis vous garantir que la plupart de ces colonies, si pas toutes, sont
onéreuses. Mais l'Angleterre, dans l'intérêt de sa sécurité comme dans celui de
sa puissance, ne peut pas tolérer de rivalité maritime ; elle a fait la guerre
à la France chaque fois que la France a voulu développer sa marine. La manière
la plus sûre d'allumer la guerre avec l'Angleterre serait encore pour la France
de construire de nombreux vaisseaux. L'Angleterre a besoin de la domination des
mers, il faut donc qu'elle ait plus de vaisseaux de guerre que ses voisins.
Pour cela il lui faut de nombreux vaisseaux marchands, pépinière où elle
recrute sa marine militaire. Alors, avec cette marine militaire, elle va en
Chine ou ailleurs ouvrir des ports pour pouvoir augmenter ses vaisseaux
marchands. De cette manière se forme un cercle qui constitue la puissance
anglaise.
En
résumé, la Belgique ne peut songer qu'à une colonie pénale ou à quelques forts
pour trafiquer. Elle ne doit pas se nourrir d'illusions économiques, elle ne
doit avoir ni les prétentions militaires de la France, ni les prétentions
navales de l'Angleterre. Mais elle peut se consoler, quoique renfermée dans un
étroit espace, elle peut très bien être heureuse et prospère., et si son
gouvernement est bon, c'est-à-dire, s'il se fait sentir le moins possible, elle
pourra encore faire envie à plus d'une nation puissante.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je ne sais si c'est comme ministre de la
marine que je dois répondre à l'honorable préopinant, ou si c'est comme
ministre des colonies. (On rit.) Je
pourrais décliner cette discussion ; car je ne pense pas que ce soit à l'aide
de notre marine, et je le regrette, que le gouvernement pourrait prétendre à
conquérir des colonies considérables, comme l'Angleterre a conquis l'Inde.
Cette question, qui a
son côté sérieux cependant, aurait dû être discutée lors de la discussion du
chapitre « Commerce » au budget des affaires étrangères.
M. Sigart. - Mais alors je
n'avais pu parler que de colonies commerciales.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Du reste, la chambre n'attend pas de moi que
je traite une question qui ne devrait l'être que d'une manière approfondie ;
c'est la question des petites colonisations, la question de savoir si la
Belgique doit ou non favoriser des tentatives, des essais qui seraient faits
pour établir, non pas des colonies, mais des comptoirs commerciaux avec
possession d'une certaine étendue de territoire, sur quelques points spéciaux.
Cette question fort
grave a été agitée ailleurs qu'en Belgique ; je ne me permettrai pas de la résoudre.
L'honorable
préopinant, en citant un projet relatif à l'Abyssinie, a semblé reprocher au
gouvernement de ne l'avoir pas repoussé. Le gouvernement ne doit rien
repousser, il doit examiner, et c'est ce qu'il a fait en cette occasion.
J'ajouterai que
l'Angleterre n'a pas dédaigné de recourir à ce moyen. L'Angleterre possède un
assez grand nombre de petites colonisations qui ont servi à développer son
mouvement commercial.
Dans beaucoup de
discussions, on a réclamé l’établissement de comptoirs commerciaux dans les
pays lointains. La question est de savoir si, dans 'certaines occasions, la
cession de certaines parties de territoire, pour créer non des colonies, mais
des comptoirs, ne donne pas à ceux-ci des bases plus durables. C'est une
question que je ne veux pas examiner, et que je veux moins encore résoudre en
ce moment.
- La discussion
générale est close.
Discussion des articles
La chambre passe au
vote sur les articles qui sont successivement adoptés sans discussion dans les
termes suivants :
Chapitre premier
Articles 1 et 2
« Art. 1er.
Personnel : fr. 6,050. »
« Art. 2.
Matériel : fr. 3,500. »
Chapitre II. Bâtiments de guerre
Articles 1 à 3
« Art. 1er.
Personnel : fr. 297,471. »
« Art. 2. Vivres : fr.
148,000. »
« Art. 3.
Entretien, chauffage et éclairage : fr. 62,320. »
Chapitre III
Article unique
« Article
unique. Magasin de la marine : fr. 11,200. »
Chapitre IV
Article unique
« Article
unique. Pilotage : fr. 350,520. »
Chapitre V
Article unique
« Article
unique. Etablissement d'un feu flottant dans la passe de Wielingen : fr.
35,000. »
Chapitre VI
Article unique
« Article
unique. Service des bateaux à vapeur de l'Escaut : fr. 48,758. »
Chapitre VII
Article unique
« Article
unique. Police maritime : fr. 32,800. »
Chapitre VIII
Article unique
« Article unique.
Service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr.
116,608. »
Chapitre IX
Article unique
« Article
unique. Secours maritimes (sauvetage) : fr. 16,500. »
Chapitre X
Articles 1 et 2
« Art. 1er.
Pensions civiles : fr. 14,050. »
« Art. 2. Dotation
de la caisse des secours et de prévoyance en faveur de marins naviguant sous
pavillon belge : fr. 10,000. »
Vote sur les dispositions légales et sur l’ensemble du projet
La chambre passe au
texte du budget ainsi conçu.
« Article unique.
Le budget du département de la marine, pour l'exercice 1846, est fixé à la
somme de 1,152,777 fr., conformément au tableau ci-annexé. »
Cet article est mis
aux voix et adopté.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'ensemble du budget de la marine, qui est adopté à
l'unanimité des 57 membres présents.
Ce sont : MM. Eloy de
Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lejeune,
Lesoinne, Liedts, Loos, Lys, Manilius, Mast de Vries, Osy, Pirmez, Pirson,
Rodenbach, Sigart, Simons, Thyrion, Troye, Van den Eynde, Vandensteen,
Verwilghen, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck, Brabant, Cans, Clep, d'Anethan, de
Bailler, de Bonne, de Breyne, de Brouckere, Dechamps, de Chimay, Dedecker, de
Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Man d'Attenrode, de
Meester, de Renesse, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de
Terbecq, de Villegas, d'Hoffschmidt, d'Huart, Dubus aîné.
PROJET DE LOI SUR LA CHASSE
Discussion générale
M. Vanden Eynde. - Je dépose une
pétition de plusieurs habitants de l'arrondissement de Nivelles qui demandent
qu'il soit inséré dans la loi sur la chasse, une disposition qui permette aux
propriétaires et aux cultivateurs de détruire les lapins qui ravagent les
récoltes.
- La chambre, sur la
proposition de M. le président, ordonne le dépôt de cette pétition sur le
bureau pendant la discussion du projet de loi sur la chasse.
M. le président. - La parole est à M. Jonet sur l'ensemble du projet
de loi.
M. Jonet. - La chasse, pour
être bien appréciée, doit être considérée sous trois points de vue divers.
1° Elle est un moyen
d'acquérir des choses qui n'appartiennent à personne ;
2° Elle est un objet
de plaisir et d'agrément ;
Et 3° elle est un
moyen de conserver les fruits et les récoltes de nos champs.
Les Romains ne
voyaient dans la chasse qu'un moyen d'acquérir ; aussi leurs lois
décident-elles que, par le droit des gens, les bêtes fauves, les oiseaux, les
poissons et tous les autres animaux qui naissent dans la mer, au ciel et sur la
terre appartiennent à celui qui les prend (primo occupanti).
Elles ne font aucune
différence entre celui qui prend des bêtes fauves ou des oiseaux dans son
fonds, et celui qui les prend dans le fonds d'autrui. Seulement elles accordent
des dommages et intérêts à ceux dont les récoltes ont été dévastées ; et elles
permettent en outre aux propriétaires de défendre l'entrée de leurs fonds à ceux
qu'ils prévoient vouloir y venir chasser. (§12 titre Ier aux Institutes, sur la
manière d'acquérir la propriété.)
Au moyen âge, dans
l'heureux temps de la féodalité, les idées changèrent. La chasse était bien
encore un moyen d'acquérir, mais ce moyen d'acquérir n'appartenant qu'aux
riches, qu'aux seigneurs. Malheur aux vilains qui se permettaient d'abattre une
pièce de gibier ! Plus d'un paya de sa vie la liberté grande qu'ils prenaient
quelquefois de tuer une perdrix, un lièvre ou un lapin, même dans leurs
propriétés.
C'était le bon temps
des privilèges ; c'était le bon temps du plaisir, non pour les manants, mais
pour les riches et les puissants seulement.
En 1789-1790, les
choses changèrent de nouveau ; l'assemblée constituante, plus sage et plus
juste que les législateurs anciens, vit dans la chasse les trois choses que
nous avons indiquées en commençant, savoir : Moyen d'acquérir ; objet de
plaisir et d'agrément ; et moyen de conserver les fruits et les récoltes, que
les chasseurs, pas plus que les braconniers, n'ont pas l'habitude de respecter.
En conséquence, elle
donna à tous ceux qui avaient un terrain sur lequel ils pouvaient exercer ce
droit ou ce plaisir, la faculté de chasser, en temps non prohibé ; et pour la conservation
des récoltes, elle déclara, par l'article 15 de son décret des 28 et 30 avril
1790 « qu'il est libre, en tout temps, aux propriétaires ou possesseurs,
et même aux fermiers, de détruire le gibier dans ses récoltes non closes, en se
servant de filets et autres engins qui ne puissent point nuire aux fruits de la
terre, comme aussi de repousser avec des armes à feu les bêtes fauves qui se
répandraient dans lesdites récoltes. »
Cette législation me
paraît fondée en principe comme en raison, et je (page 453) m'étonne vivement qu'en 1846, on veuille l'abroger, pour
se rapprocher, autant qu'on le peut, des règles barbares du moyen âge.
C'est cependant ce
qu'on nous demande par le projet qui nous est soumis. Car si nous l'adoptons
sans modification, non seulement nous interdirons à nos cultivateurs,
propriétaires ou fermiers, de détruire le gibier qui mange leurs récoltes, mais
même nous leur infligerons une peine correctionnelle de 100 francs d'amende,
quand, pour écarter de leurs champs ces animaux dévastateurs, ils se
permettront de faire usage de filets, de bricoles ou d'engins.
La haine contre ces
instruments est même telle, que l'on punit de la même peine, tout homme
chassant ou non, cultivateur ou non, qui se trouvera porteur, hors de son
domicile, et partout même, dans les villes, rues et places publiques, d'un ou
plusieurs de ces objets si effrayants pour la classe fortunée et privilégiée de
la société, qui veut avoir des bêtes à poursuivre et à tuer, mais qui veut
aussi les faire nourrir par la classe infime et laborieuse du corps social.
Ces mesures
seront-elles admises par la législature belge ? Seront-elles accueillies au
XIXème siècle ?
J'aime à croire que
non. Bien éclairée, la législature les repoussera comme des rêves, des utopies,
indignes de sa sollicitude.
Mais, dit-on, il faut
du gibier, et la loi doit protéger sa conservation et sa propagation (exposé
des motifs).
Il faut du gibier ?
Je n'en vois pas trop la nécessité ; et si réellement il en faut à nos
Lucullus, eh bien, que ces hommes fassent en sorte que l'éducation des lièvres,
des cerfs et des daims ne se fasse pas aux dépens des pauvres laboureurs qui en
mangent peu, s'ils en mangent jamais.
Voilà sur quoi doit
porter la sollicitude du législateur. Voilà ce que nos grands et nos riches
devraient sentir, sans que l'on fut obligé de le leur rappeler.
Et qu'on ne dise pas
que le gibier ne cause aucun tort aux fermiers ; car pour ne parler que des
lièvres, je vous citerai une pétition que j'ai eu l'honneur de déposer sur
votre bureau, le 21 avril dernier, laquelle est conçue comme suit :
« Villers-la-Ville,
le 15 avril.
« Messieurs,
» En présence du
projet de loi sur la chasse que vous a soumis M. le ministre de l'intérieur,
projet qui tend encore à augmenter le nombre d'animaux malfaisants qui déjà
ravagent nos campagnes, nous cultivateurs à Villers-la-Ville, ne pouvons
différer plus longtemps de vous exposer le tort immense que cette fourmilière
d'animaux dévastateurs fait à nos récoltes, tant par la nourriture, que par les
millions de traces qu'ils font dans nos moissons ; ce tort dans toutes nos
récoltes s'élève au moins au triple de la contribution foncière que nous payons
à l'Etat ; mais dans le froment il devient incalculable. Il est inutile d'en
semer, il n'en vient plus dans nos environs.
« Enfin, vous
comprendrez mieux combien nous sommes vexés, en apprenant qu'il n'est pas rare
de faire lever 7 à 8 lièvres sur un hectare de terrain. D'après des faits aussi
graves, qui compromettent notre fortune, nous vous supplions, messieurs, de
refuser votre sanction à un projet de loi qui sera désastreux pour
l'agriculture en général, et qui sacrifie les petits propriétaires au caprice
de quelques grands propriétaires.
« Daignez, messieurs,
agréer les sentiments respectueux de vos très-humbles serviteurs, etc.
« N.-N. Descamp,
L. Devroye, G.-F. Devroye, Carpart, B.-C. Jacob, Henri Meunier, Martin Lefevre,
J.-B. Lorette, M. Rochelle, L.-J. Malfere, Michel Lonneu.
« Le bourgmestre
de Villers-la-Ville déclare qu'aucun des dénommés ci-dessus n'est braconnier.
« Signé,
Charlier. »
Si mon témoignage
peut être de quelque poids, je dirai que me trouvant dans la localité dont je
viens de parler, quelques jours après l'ouverture de la chasse et entendant
toute la journée des coups de fusil, je dis à un cultivateur : Mais vous avez
donc bien des lièvres dans ce pays ! Oh ! me répondit-il, nous en
avons tant que nous donnerions beaucoup d'argent pour en être débarrassés. Nous
avons ici un grand propriétaire qui conserve sa chasse avec le plus grand soin
et qui loue les terres voisines pour y avoir le droit de chasse ; j'ai une
pièce de quarante bonniers, le droit de chasse m'est payé 60 francs ; je
donnerais le double à un homme qui voudrait se charger de tuer le gibier sur ma
propriété.
Un autre fermier a
dit sérieusement : Je donnerais volontiers six cents francs à celui qui
voudrait empêcher les lièvres de M. un tel de dévaster mes récoltes, qui
voudrait se charger de les tuer sur mes terres, car je suis entouré de
propriétés qui lui appartiennent. Un autre a surenchéri, il a dit : J'en donne
de bon cœur 1,600. J'atteste que cela m'a été dit sérieusement. Il s'agissait
d'une ferme de 150 à 200 bonniers.
C'est un fait reconnu
que les lièvres font aux cultivateurs des torts considérables. J'ai demandé en
quoi consistaient ces dommages. On m'a répondu que pour tracer des chemins
quand le blé commence à pousser, les lièvres coupaient la tige au pied, ce qui
l'empêchait de produire. Supposez une pièce de froment de 40 ou 50 bonniers,
infestée de lièvres et de lapins et autre gibier, vous pourrez juger du dommage
que pourra éprouver le fermier. Il est certain que tous ces gibiers font un
tort considérable au cultivateur ; si déjà le lièvre seul en fait autant que je
viens de vous le faire voir, que sera-ce quand il y aura des daims, des
chevreuils, des cerfs ? D'après votre projet, le fermier ne pourra plus les
détruire, et quand il verra ces animaux manger ses récoltes, il devra les
laisser faire, car s'il voulait les en empêcher, il serait puni, en vertu de la
nouvelle loi.
Dans
cet état de chose, je demande qu'on maintienne l'article 14 de la loi du 28-30
août 1799, qui permet au propriétaire et au fermier de détruire le gibier dans
ses récoltes. Si cette proposition est adoptée je voterai pour l'adoption de la
loi moyennant quelques autres modifications. Elle aura du reste pour
conséquence de faire disparaître une disposition proposée par le gouvernement
et la section centrale ; je ne veux pas qu'on punisse celui qui ne fait que
défendre sa propriété, le fruit de son travail. Si, on ne rétablit pas cette
disposition de la loi de 1790 dans ce projet qui nous est soumis, je voterai
contre.
M. de Bonne. - Bien que
j'admette les corrections que l'honorable préopinant propose de faire à la loi
qui vous est soumise, si on n'en introduit pas d'autres, je voterai contre son
adoption. Ce projet de loi contient des dispositions qu'il me paraît impossible
d'accueillir. Ainsi le projet de loi défend de détruire le gibier qui vient
manger les récoltes, les fruits de la culture du paysan. C'est là une
disposition qui me paraît révoltante ; car la loi de 1790 qu'a citée
l'honorable préopinant permet au cultivateur de repousser le gibier qui vient
détruire ses fruits. La disposition que je trouve la plus exorbitante, c'est
celle qui porte que dans chaque province ou partie de province il est défendu
d'exposer en vente, de vendre, d'acheter, de transporter ou de colporter du
gibier pendant le temps où la chasse n'y est pas permise.
Ainsi non seulement on
punit celui qui aura mis des lacets, pris du gibier,, et l'aura exposé en
vente, mais moi, acheteur au marché, je serai puni pour avoir acheté le gibier
qu'on m'aura présenté ; cette disposition porte une pénalité de 16 à 100
francs.
Je
trouve ensuite un article 8 qui prononce une pénalité d'emprisonnement de six
jours à deux mois contre tout condamné qui, dans un délai de trois mois
n'aurait pas satisfait tant aux amendes qu'aux indemnités prononcées à sa
charge.
Cet article est
applicable à toutes les dispositions du projet, aussi bien à ceux qui auront
pris ou vendu du gibier qu'à celui qui en aura acheté.
Si donc,
indépendamment des amendements proposés par l'honorable M. Jonet, cette loi ne
subissait de profondes modifications, je la repousserai de mon vote.
M. Castiau. - Messieurs, le
projet qui vous est présenté, n'est pas l'œuvre de l'administration actuelle,
et je l'en félicite, sous la réserve toutefois que l'administration actuelle
abandonnera à leur malheureux sort les principales dispositions de ce projet de
loi. Ce projet est l'œuvre de l'ancienne administration. C'est l'un des
derniers projets qui aient été présentés à la chambre par l'ancien ministre de
l'intérieur. C’est donc, en quelque sorte, son testament politique. Je crois
devoir vous rappeler, messieurs, l'origine de ce projet, malgré l'absence de
son auteur pour en apprécier la pensée, le but et les tendances.
Ce projet n'était en
définitive que la conséquence des idées réactionnaires que l'ancien ministre de
l'intérieur avait mission de venir représenter au banc ministériel. La
réaction, il l'avait tentée et réalisée en faveur du principe monarchique
d'abord, en violant nos principales libertés et nos institutions communales ;
il fallut y joindre la réaction dans l'intérêt des exigences aristocratiques,
et c'est alors qu'est apparu le projet qui nous est soumis.
Aussi, pour en
apprécier toute la portée, il faut rapprocher ce projet de la fameuse
circulaire de 1842 sur les ports d'armes. Cette circulaire tout imprégnée
d'aristocratie avait pour but, vous le savez, de déshériter du droit de port
d'armes tous les citoyens pour en réserver le privilège aux grandes fortunes.
Pour en jouir, il fallait être propriétaire de cent hectares de terre ou
cessionnaire des droits du propriétaire. Cette disposition avait, au moins, le
mérite de la franchise, il faut en convenir : Je ne puis donc assez vous
engager à vous la rappeler dans le cours de la discussion qui vient de
s'ouvrir.
Ce projet
malencontreux, je le dirai franchement, je le croyais enterré, et pour jamais,
avec l'ancienne administration. Il paraît qu'il a fait comme le phénix, qu'il
est ressuscité de ses cendres, et il nous apparaît aujourd'hui dans tout
l'éclat de sa pureté primitive ; car on en a conservé le texte,, l'esprit et
les plus exorbitantes dispositions.
On ne s'est pas
contenté de le ressusciter, ce projet de loi réactionnaire, on lui a fait
encore l'accueil le plus empressé, un accueil tel, qu'on pourrait croire qu'il
s'agit d'une loi de salut public.
Ainsi, ce projet,
l'un des derniers présentés à la fin de la dernière session, a eu le pas sur
une foule d'autres mesures bien autrement urgentes et impérieuses ; après avoir
mis un incroyable empressement pour l'examen et la discussion en sections, on a
cédé ici à un véritable entraînement, quand il s'est agi de l'introduire dans
la chambre et de le mettre à l'ordre du jour ; l'annonce seule de ce projet a
mis en émoi une partie de l'assemblée, et la discussion immédiate a été décidée
avec une sorte d'enthousiasme. Pour lui obtenir ce tour de faveur, on s'est
empressé d'ajourner les projets les plus graves et les plus importants dont la
chambre est saisie depuis plusieurs années déjà. La réforme si urgente
elle-même de notre milice n'a été mise à l’ordre du jour qu'à la condition de
céder le pas à la loi sur la chasse.
Quelles conséquences,
et quelles inductions tirer de cet empressement ? Je n’ai certes n'ai pas le
droit d'accuser les intentions de la majorité ; je ne veux rien dire de
désobligeant pour elle, je craindrais que mon langage ne prît un caractère de
personnalité et ne tombât sous l'application du règlement ; mais ce que je ne
puis dire dans cette assemblée, d'autres le diront, en dehors de cette
enceinte. Ils diront que ceux qui ont déployé cette ferveur de zèle, pourraient
bien être personnellement intéressés à la question, et qu’en hâtant la
discussion de la loi, ils ont fait passer leurs plaisirs avant leurs devoirs.
(page 454) Après ce préambule, j'arrive à l'examen du projet de loi
dont je viens combattre et le principe et les principales dispositions.
Nous avons une loi
sur la chasse ; c'est la loi de 1790 ; cette loi était assez rigoureuse. Elle
était suffisante ; elle n'était pas tombée en désuétude ; on l'exécutait avec
sévérité. Pourquoi donc une loi nouvelle ? Pourquoi surtout une loi qui
dénature et fausse la législation de 1790 ?
L'honorable M. Jonet
vient de vous rappeler, avec toute l'autorité de sa vieille expérience
judiciaire, le véritable caractère de la loi de 1790. C'était uniquement une
loi de protection pour l'agriculture et pour la propriété.
Il ne s'agissait pas
alors des agréments de la chasse et des plaisirs de l'aristocratie et de
l'opulence. Ce n'était pas à la veille de la terrible conflagration qui devait
remuer toute la société, qu'on s'occupait beaucoup de renforcer les privilèges
de l'opulence.
C'était donc, je le
répète, une loi dans l'intérêt de la propriété, dans l'intérêt de
l'agriculture. C'était une loi pour empêcher les dévastations de la propriété
et des récoltes ; ces dévastations, on vous en a fait tout à l'heure un tableau
qui n'est pas exagéré, et vous voyez, d'après ce tableau, que les dévastations
commises par les chasseurs sont plus désastreuses encore, aujourd'hui même, que
toutes les dévastations commises par le braconnage.
Est-ce là ce dont il
s'agit aujourd'hui ? Est-ce une loi protectrice de la propriété et de
l'agriculture qu'on vient vous demander ? Non, messieurs, c'est une loi
pour favoriser uniquement la passion et les plaisirs de la chasse ; c'est une
véritable loi d'aristocratie. On veut aujourd'hui favoriser la propagation du
gibier et les plaisirs des hommes de loisir qui se livrent aux distractions de
la chasse. Si le nombre des chasseurs est assez considérable aujourd'hui
encore, il ne tardera pas à décroître ; quand le système aura porté tous ses
fruits, la chasse ne sera plus que le monopole de quelques heureux privilégiés.
Messieurs, je vous le
demande, est-il bien juste de s'occuper ainsi toujours et exclusivement d'une
seule classe de la société, des privilégiés, et des plaisirs de cette classe ?
L'opulence n'a-t-elle
pas déjà assez de privilèges, assez d'avantages, assez de distractions, assez
de droits, assez de monopoles de toute espèce ? Faut-il les augmenter encore ?
Est-il prudent, je vous le demande, est-il bien prudent, alors surtout que les
masses, que les classes les plus nombreuses succombent à la peine, demandent
vainement au travail des moyens d'existence, alors que, dans ce moment de
crise, elles encombrent vos prisons et vos dépôts, est-il bien prudent de
choisir un tel moment pour proclamer des lois de monopole, des lois de
privilège, des lois de plaisir pour la classe supérieure ? Ne pensez-vous pas
que ce contraste par trop choquant entre tous les privilèges de l'opulence et
de l'oisiveté, d'un côté, et toutes les misères du travail, de la pauvreté de
l'autre, ne finisse par frapper les esprits, par exalter les têtes et par
provoquer quelque chose de plus grave qu'une simple révolution politique ?
C'est cette crainte surtout
qui me fait repousser le projet de loi sur la chasse. Je le repousserai encore
parce qu'elle viole tous les principes, parce qu'elle viole tous les droits,
jusqu'aux droits de la liberté du domicile, de la liberté individuelle.
Ainsi elle viole d'abord
le droit de propriété, car elle défend, ainsi qu'on vous l'a dit, de chasser
sur sa propriété, de détruire même quelques-uns des animaux les plus nuisibles
sur sa propriété. L'agriculteur, le propriétaire, se trouvant en présence des
dispositions qui sont soumises à votre examen, seront désarmés et condamnés à
laisser ravager leurs propriétés, sans pouvoir se défendre. C'est de l'ancien
régime tout pur.
Atteinte à la
propriété encore dans l'article 4 de la loi. En effet, dans cet article, il est
défendu de faire usage de filets et de lacets même sur sa propriété. Ainsi on
vient interdire au propriétaire jusqu'à cette jouissance tout à fait
inoffensive de mettre des filets sur sa propriété ! Ce plaisir innocent n'a pas
même trouvé grâce devant les exigences des monopoleurs futurs de la chasse.
Atteinte encore au
droit de propriété dans l'article 5. Défense formelle au propriétaire du gibier
de le vendre et de le transporter, alors même qu'il n'y aurait pas eu un fait
de chasse prohibée, alors même que ce gibier aurait été élevé par le
propriétaire dans son enclos ou son parc.
Quant aux intérêts
agricoles, on vous a démontré déjà combien ils étaient lésés par les
dispositions de la loi que vous discutez. Je ne puis sur ce point que me référer
aux observations de l'honorable M. Jonet. Les intérêts agricoles exigent la
destruction du gibier ; il serait à désirer pour ces intérêts que le gibier
disparût et la chasse avec le gibier. Car la chasse, même aux époques
déterminées par la loi, est encore fatale aux récoltes tardives, et les
localités où se trouvent des chasses réservées sont impitoyablement ravagées
pendant une partie de l'année par le gibier qui s'y réfugie.
Quel sera, messieurs,
le résultat des mesures que vous allez adopter ? Evidemment, elles favoriseront
outre mesure la multiplication du gibier. Il en résultera des dommages cent
fois plus grands pour l'agriculture et le mécontentement le plus vif dans les
classes agricoles.
A tous ces
inconvénients, j'ajouterai, messieurs, que les dispositions qui vous sont
présentées, violent toutes les idées de droit pénal et tous les principes en
matière de délit et de criminalité. Il n'y a évidemment de criminalité et il ne
peut y avoir de pénalité légitime que là où il y a atteinte aux droits
d'autrui. Eh bien, messieurs, on considère comme délit, et on punit comme des
délits, les actes les plus inoffensifs, des actes qui ne peuvent porter aucune
espèce de préjudice à qui que ce soit.
Ainsi on considère
comme un délit l'usage de filets sur sa propriété. Le simple transport d'une
pièce de gibier, le transport d'une perdrix sera également considéré comme un
délit ; comme si la sécurité publique pouvait être menacée par un acte de cette
gravité. Il y a plus : le simple fait d'être porteur de filets, d'être porteur
d'un misérable lacet, fait inoffensif, fait légitime, s'il en fut jamais, sera
considéré et puni comme un délit véritable. On ne recherche pas même quelle est
l'intention du prévenu et s'il avait ou non l'intention de s'en servir pour violer
la loi. C'est en un mot le renversement des notions les plus élémentaires en
matière pénale.
Mais, messieurs, on
ne s'est pas contenté de violer la propriété, de violer les intérêts agricoles,
de violer les principes de la criminalité ; on a voulu aller plus loin et
arriver à une violation qui, je l'espère, rencontrera, elle, une opposition
énergique dans l'assemblée.
Cette violation,
c'est la violation toujours odieuse du domicile. Nous voyons, en effet,
apparaître dans les dispositions qui vous sont présentées, la droit de
recherche, et le droit de recherche peut être poussé jusque dans l'intérieur du
domicile.
Messieurs, vous avez
déjà été saisis de l'examen de la question du droit de recherche et de visite
domiciliaire ; vous l'avez été dans une occasion bien autrement grave, alors
qu'il s'agissait de l'intérêt de l'industrie, et vous avez frappé ce droit
d'une énergique et puissante réprobation.
Cependant la cause du
droit de recherche dans cette occurrence avait été défendue avec chaleur ; on
réclamait le droit, au nom de l'industrie nationale, du travail national et
pour réprimer la fraude. Ce privilège que vous avez eu le courage de refuser
aux exigences de nos principales industries irez-vous maintenant l'établir dans
l'intérêt des plaisirs et des distractions de l'opulence ?
J'espère, messieurs,
qu'ici la chambre restera fidèle à ses précédents, et qu'elle saura flétrir des
prétentions odieuses par leur exagération.
On a senti le besoin
de modifier cet odieux privilège du la violation du domicile dans l'intérêt de
la chasse, je le sais. Comme s'il était dit qu'une loi de monopole et de
privilège doit être marquée à chaque pas de ce cachet flétrissant du privilège,
on a voulu également, dans cette circonstance, établir des distinctions et des
exceptions. On n'a pas admis d'une manière générale les visites domiciliaires,
on les a admises seulement pour certaines classes de la société et pour
certaines industries, pour les maîtres d'hôtel et les marchands de comestibles.
Mais je voudrais bien savoir pourquoi cette exception ? Je voudrais bien savoir
si le magasin d'un marchand de comestible n'est pas, après tout, aussi
respectable que tous les domiciles du monde ? Et ce n'est pas seulement au
magasin que se bornera la visite, elle s'étendra à toute la maison, à toutes
les parties et aux parties même les plus secrètes du domicile. Rien ne sera
sacré pour ces odieuses inquisitions confiées au zèle souvent brutal des
derniers agents de la police.
La personne
elle-même, messieurs, ne sera pas toujours a l'abri de ces odieuses recherches.
Ne pourra-t-on pas toujours supposer que le citoyen le plus inoffensif est
porteur, soit d'une pièce de gibier, soit d'un filet ou de lacets ? Et il
suffira de ce simple soupçon pour arrêter et fouiller tous ceux que la police
rencontrera sur son chemin. Les ignobles visites corporelles que j'ai eu déjà
l'occasion de flétrir en matière de douane, elles pourront maintenant s'étendre
à toute la population. On ne l'osera pas d'abord, je le sais, car l'irritation
publique ferait prompte justice de tels excès ! Mais si vous voulez l'exécution
de votre loi il faudra bien que vous arriviez à tolérer, à imposer ces
attentats odieux contre la personne et la liberté !
Voilà, messieurs, les
dernières conséquences, les conséquences logiques, mais aussi les conséquences
monstrueuses qui découlent des principales dispositions qu'on soumet
aujourd'hui à votre sanction.
Un mot maintenant sur
les pénalités. Ici encore, comme toujours, vous voyez également apparaître les
privilèges, les distinctions : pénalité pour le riche, pénalité pour le pauvre
; c'est le droit commun, je le sais mais ce n'en est pas moins une injustice.
Ainsi, quand il s'agira d'infractions à la loi commises par MM. les chasseurs
et des individus de la classe riche, il y aura 50 francs d'amende. Mais
s'agira-t-il d'un malheureux qui se trouvera dans l'impossibilité de payer
cette somme de 50 fr. ? Il y aura emprisonnement, et emprisonnement qui pourra
s’élever à deux mois.
Comment, messieurs,
entend-on justifier toutes ces énormités ? Que vous dit-on ? C'est au nom de la
morale que l'on vient réclamer la violation de tous les droits de la propriété,
de l'agriculture, du domicile, de la personne et de la liberté.
MM. les partisans du
monopole de la chasse se transforment tout à coup en professeurs de morale ; à
voir ce beau zèle pour la morale, il faudrait vraiment leur décerner bientôt
les honneurs de la béatification !
Ils font donc le
procès au braconnage au nom de morale. Les braconniers sont les boucs
émissaires que l'on charge de toutes les iniquités. Le braconnage est quelque
chose d'antisocial et de monstrueux. Le braconnage conduit à l'oisiveté, il
conduit au vice, il conduit au crime !...
Eh bien, messieurs,
si cela est vrai, il faut reconnaître que la chasse elle-même n'est pas
toujours exempte des reproches que l'on pourrait adresser au braconnage. Elle
aussi pousse a l'oisiveté et elle prend aussi tous les caractères d'une passion
fatale. Le chasseur n'est que trop souvent livré aux mêmes entraînements que
les braconniers. J'irai même plus loin et je dirai que la ligne de démarcation
entre la chasse et le braconnage est difficile et presque impossible à établir
; la chasse est inséparable du braconnage, et s'il m'était permis de faire
appel à la loyauté de la nombreuse légion de chasseurs que renferme cette
assemblée, je leur demanderais, en conscience, s'il en est parmi eux un seul
qui n'ait jamais violé la loi et fait acte de braconnage ? Que celui d'entre
eux qui est innocent de tels faits, jette la première pierre au pauvre
braconnier. Je consens à le lui abandonner sans le défendre davantage.
De la logique donc,
messieurs, et surtout de l'impartialité. Si vous voulez étouffer le braconnage
au nom de la morale, il faut aussi prohiber (page 455) la chasse, comme il faut prohiber tout ce qui peut
irriter toutes les passions humaines. La chasse en est l’une des plus
violentes, et comme toutes les passions, elle traîne souvent à sa suite de
déplorables excès.
Laissons donc tout le
puritanisme moral et surtout ne cherchons pas l'impossible ! Pensez-vous
sérieusement étouffer le braconnage par les dispositions si sévères qui sont
maintenant soumises à votre examen ? Mais au lieu d'extirper le braconnage,
vous allez lui donner une nouvelle excitation, vous allez lui donner une
excitation plus violente que jamais, l'excitation de la cupidité.
Votre loi fera
renchérir le prix du gibier ; c'est évident. Il faudra, en effet indemniser le
braconnier des dangers qu'il va courir. La cherté du gibier ajoutera encore à
toutes les tentations du braconnage. Les braconniers vont donc devenir plus
nombreux et plus ardents que jamais.
Ainsi la loi que vous
prétendez diriger contre le braconnage, ne fera que l'augmenter. Voire loi
provoquera elle-même à sa violation. C'est du reste ce que l'expérience a
constaté : En France aussi on a fait une loi semblable à celle que vous
projetez ; cette loi a été exécutée avec rigueur ; toute la police du royaume
est appelée à y prêter la main forte. Eh bien ! messieurs, pensez-vous que
cette loi ait eu pour effet d'empêcher le braconnage et la vente du gibier ?
Non, vraiment ; tous les jours cette loi reçoit les démentis les plus société
poussent les reçoit chaque jour par milliers. Toutes les classes de la violents
et elle à sa violation et elles en sont toutes complices.
On a dit, messieurs,
que la plus terrible des révoltes était la révolte des estomacs ; il paraît que
sur ce point les estomacs aristocratiques sont aussi intraitables que les
estomacs prolétaires ; la gastronomie a été aussi pressante que la faim ; elle
s'est révoltée contre la loi, et à l'heure qu'il est on peut dire qu'elle a
succombé sous les coups de la coalition réunie du braconnage et des exigences
des tables aristocratiques.
Tel sera
infailliblement aussi le sort réservé à votre loi. On ne la publiera
aujourd'hui que pour la violer le lendemain, et peut-être ceux qui l'auront
votée avec le plus d'ardeur seront les premiers à se rendre les complices de la
violation de ses dispositions.
Cette loi, qu'on me permette
de le dire, ne sera qu'un chiffon de papier, qui bientôt sera déchiré en mille
pièces et par mille mains.
Ne pensez-vous pas,
messieurs, qu'il y ait quelque inconvénient à venir ainsi jeter dans le pays
une loi qui provoque elle-même la désobéissance à ses dispositions ? Vous
convient-il de faire des lois pour les laisser ensuite tomber dans la
déconsidération et le mépris ?
Pensez-y bien,
pensez-y très sérieusement ; ne jouez pas, je vous prie, avec les mesures
législatives. La société n'est plus rattachée aujourd'hui que par le lien de la
légalité, et le jour où ce lien sera brisé et où la légalité aura perdu son
dernier prestige ; ce jour-là, je ne sais pas, en vérité, ce qui adviendra, et
ce qui pourra empêcher notre société de tomber dans la plus complète des
dissolutions et la plus inextricable des anarchies !
Je m'arrête,
messieurs, et quoi bon, en effet, continuer cette discussion ? Le résultat n'en
est-il pas connu d'avance ? A voir l'empressement avec lequel on a discuté le
projet de loi dans les sections et l'entraînement plus grand encore avec lequel
on en a pressé la discussion, il est facile de prévoir qu'il sera adopté de
confiance par la majorité.
Je n'ai pris la
parole que pour protester, au nom des principes libéraux et des idées d'égalité,
contre une loi de monopole, de privilège et d'aristocratie.
Votez-la
donc, vous ses partisans ; renforcez-en encore les dispositions et jouissez de
votre triomphe. Ce triomphe aura aussi ses entraînements ; bientôt les pensées
qu'on n'ose avouer se feront jour ; des prétentions et des exigences nouvelles
apparaîtront ; on exigera l'exécution rigoureuse de la circulaire
aristocratique de 1842 ; la grande propriété seule aura le monopole de la
chasse et nous serons lancés en pleine voie de réactions.
Marchez
courageusement dans cette voie. Entassez privilèges sur privilèges ; oubliez
les leçons de l'expérience et les enseignements de l'histoire. Nous n'avons
peur, sachez-le bien, ni de vos triomphes, ni de vos réactions. Nous nous
confions dans la puissance de la raison publique et des intérêts démocratiques
et nous nous rappelons avec bonheur qu'il a suffi d'une nuit, d'une seule nuit,
de la grande, de l'immortelle nuit du 4 août 1789, pour renverser et balayer un
immense échafaudage d'abus et de privilèges bien autrement puissants que les
misérables privilèges qu'on veut relever aujourd'hui, car ils avaient pour eux
la consécration des siècles.
M. d'Huart, ministre d’Etat. - Messieurs, il
semblerait, à entendre l'honorable préopinant, que nous allons rétablir les
privilèges, que la majorité de la chambre est coalisée en quelque sorte pour
rétablir les privilèges. Faisons d'abord justice de cet appel à la minorité
contre la majorité ; je crois qu'il ne s'agit ici ni de la minorité, ni de la
majorité habituelle, car il est probable que vous trouverez dans ce qu'on a
l’habitude d'appeler la minorité, beaucoup des membres disposés à adopter la
loi dont vous êtes saisis.
Examinons comment la
loi a été introduite dans la chambre. Cette loi a été réclamée vivement par les
corps électifs provinciaux, par les députations provinciales. Elle a été
réclamée vivement encore par de nombreuses pétitions, étayées de faits tels
qu'il était impossible de ne pas y faire droit. La loi n'est donc pas tombée
inopinément ici pour satisfaire les désirs ou les caprices d'une caste, mais
elle a été soumise à la chambre, parce qu'il était temps de remédier aux abus
graves qui s'introduisaient sous l'empire de la législation actuelle. Il a été
reconnu, et les statistiques en font foi, que le braconnage se développe d'une
manière effrayante en Belgique et que chaque année le nombre des contraventions
augmente dans une proportion extrêmement sensible. Il fallait donc mettre un
terme aux abus du braconnage, et quant à moi je ne partage nullement les
sympathies exprimées par l'honorable préopinant à l'égard des braconniers. Pour
moi, les braconniers sont généralement des malheureux qui se disposent par cet
exercice au crime. C'est ce qui a été suffisamment constaté dans la mémorable
discussion qui a eu lieu en France à l'occasion de la loi récente sur la même
matière.
Et pensez-vous,
messieurs, que les chambres françaises soient disposées à revenir au moyen âge,
à rétablir le régime des privilèges ? Quant à moi, je n'en crois rien ; je
crois que les chambres françaises sont très éclairées, qu'elles sont composées
d'honorables citoyens qui représentent parfaitement la grande nation française
; je ne crois pas du tout que dans les chambres françaises, il y ait personne
qui cherche à rétablir les anciens privilèges. Eh bien, messieurs, la loi
française est plus forte pour la répression du braconnage, elle est trois fois
plus forte que la loi qui vous est soumise par le gouvernement, et à laquelle
il vous sera du reste présenté quelques amendements qui la rendront, j'espère,
acceptable pour beaucoup de membres. Ces amendements feront cesser quelques
appréhensions que je ne regarde pas comme absolument fondées, mais qui enfin
sont légitimées, sur les vexations auxquelles l'exécution de la loi pourrait
donner lieu.
Je dis donc,
messieurs, que la loi dont vous êtes saisis n'a pas cette espèce de caractère
draconien qu'a voulu lui donner l'honorable préopinant. Il s'agit uniquement
d'empêcher la destruction complète du gibier, chose désirable dans l'intérêt du
pays, et de protéger la propriété, non pas seulement la propriété de ceux qui
possèdent beaucoup, mais la propriété de tous ; car, messieurs, remarquez-le
bien, les petits propriétaires comme les grands trouveront les mêmes avantages
dans la loi. En effet, celui qui ne chassera pas sur sa propriété pourra louer
sa chasse à un prix convenable ; et je pourrais citer des établissements
particuliers, des hospices, des communes, dont les revenus augmenteront
considérablement si la chasse n'est plus livrée au pillage comme elle l'est
aujourd'hui.
L'honorable M.
Castiau a cru découvrir encore une prédilection que le gouvernement et les
partisans de la loi auraient pour les riches au détriment des pauvres, en ce
que les riches pourraient payer l'amende de 50 fr. comminée par la loi, tandis
que les pauvres seraient condamnés à la prison ; mais, messieurs, si vous
voulez qu'une loi quelconque ait une sanction, il est inévitable qu'il en soit
ainsi. Voyez toutes les lois de police, toutes les lois de répression, quelles
qu'elles soient, vous y trouverez toujours de semblables dispositions : si
celui qui a commis le délit ou la contravention ne peut pas payer l'amende, il
est puni corporellement ; sans cela toute répression serait impossible.
J'ai remarqué une
contradiction dans le discours de l'honorable préopinant. Il craint la trop
grande quantité de gibier, il craint que le gibier, trop abondant, ne dévaste
les campagnes, et d’un autre côté, il craint le renchérissement du gibier qui
va exciter le braconnier à se livrer avec plus d’ardeur encore à son ancien
métier ; mais il est évident que s'il y a une grande quantité de gibier, le
gibier se vendra à plus bas prix, le gibier coûtera moins, il est impossible
qu’il en soit autrement. S'il y a réellement tant de gibier que vous craigniez
que les campagnes en soient dévastées, il ne peut y avoir renchérissement du
prix, et par conséquent la provocation au délit ne peut exister. Ces deux
choses me paraissent contradictoires.
La loi française, a
dit l'honorable M. Castiau, n'est pas exécutée ; l'honorable membre est dans
une erreur complète, je crois que le braconnage a entièrement cessé en France.
Si
l'on pouvait s'enquérir de la réalité de ce fait auprès des autorités
françaises, je suis sûr qu'elles le confirmeraient ;du moins les journaux
français nous ont appris à plusieurs reprises, que toute espèce de
contravention à la loi est efficacement réprimée.
Je crois, messieurs,
qu'il est inutile de présenter d'autres considérations générales sur la loi. M.
le ministre de l'intérieur qui avait demandé la parole en même temps que moi,
va vous indiquer les modifications qu'il propose d'introduire dans le projet de
loi.
Si ces modifications
étaient de nature à satisfaire l'honorable M. Castiau, je m'en féliciterais
beaucoup.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Messieurs, je ne prévoyais pas, lorsque la
chambre a mis à l'ordre du jour le projet de loi sur la chasse, que des accusations
aussi graves d'antilibéralisme seraient dirigées contre le cabinet...
M. Castiau. - Pardon, ces
accusations s'adressaient à celui qui a présenté le projet de loi.
M. le ministre de l’intérieur
(M. Van de Weyer). - Messieurs, je suis, pour la défense du projet de
loi sur la chasse, dans une position tout à la fois singulièrement avantageuse
et défavorable. D'abord, je ne suis pas chasseur, c'est pour la défense de la
loi un avantage ; je n'y mettrai ni passion pour le gibier, ni haine trop vive
contre le braconnier, ni intérêt personnel, ni intérêt de parti. Voilà
l’avantage de ma position. L'inconvénient, c'est qu'étranger aux plaisirs de la
chasse, je n'ai pas, pour examiner les détails du projet de loi, cette foule de
connaissances spéciales qu'on acquiert seulement le fusil sur le dos, et
lorsqu'on est soi-même chasseur et peut-être même quelque peu braconnier. Il
résulte de cette position que j'examinerai le projet de loi avec une parfaite
impartialité, sine ira et studio, s'il est permis de citer Tacite à l'occasion
de lièvres et de perdrix.
Déjà mon honorable
collègue M. d'Huart a relevé une observation que l'honorable M. Castiau a
présentée. Il a fait comprendre à la chambre que le projet de loi n'est pas
entaché de ce vice d'origine que l'honorable député de Tournay a signalé avec
tant d'éloquence et de chaleur.
(page 456) L'honorable membre a considère la présentation du projet
de loi comme le testament politique de mon prédécesseur, comme le dernier
anneau de cette chaîne, à l'aide de laquelle le pays devait être enveloppé dans
un réseau de privilèges et de monopoles.
Messieurs,
permettez-moi, non pas de prendre ici la défense de mon prédécesseur, mais de
rétablir les faits. La loi en discussion, loin d'être la conséquence d'un
système de politique réactionnaire, a l'origine la plus humble et la moins
aristocratique.
Des pétitions avaient
été adressées a la chambre par un grand nombre de cultivateurs ; la chambre en ayant
ordonné le renvoi au département de l'intérieur, mon prédécesseur se livra à
l'étude de la question, et fit un appel aux lumières de toutes les députations
permanentes et des gouverneurs. J'ai relu toutes les pièces, et j'ai remarqué
que les cultivateurs se sont plaints les premiers des excès du braconnage, et
que ce sont eux aussi qui ont suggéré l'idée des premières mesures propres à
réprimer ce délit.
Le projet de loi n'a
pas non plus été mis à l’ordre du jour avec ce prétendu empressement dont a parlé
l'honorable préopinant. Il y avait du moins si peu d’empressement de ma part à
faire discuter ce projet, que sa mise à l'ordre du jour m'a pris, je dois le
dire, tout à fait à l'improviste, et que j'aurais désiré voir retarder cette
discussion, pour me mettre mieux au courant de la matière. Mais la chambre
n'ignore pas pourquoi le projet de loi sur la chasse a été mis à l'ordre du
jour ; la chambre se rappelle la triste circonstance qui a forcé en quelque
sorte le gouvernement de faire disparaître momentanément plusieurs projets de
loi de l'ordre du jour, et de les faire remplacer par d'autres.
Ainsi, je prie
l'honorable membre de croire que l'origine du projet de loi n'est pas
aristocratique, qu'il ne tend à rétablir en Belgique ni le moyen âge, ni les
privilèges ; que notre prétendu empressement n'a pas sa source dans la
prédilection que nous éprouvions pour les principes réprouvés par l'honorable
membre, mais qu'il est la conséquence naturelle de la marche que la chambre à
imprimée à ses travaux ; et qu'enfin, pour ma part, j'aurais voulu voir
retarder la discussion, pour pouvoir devenir, du moins en théorie, un peu plus
chasseur que je ne le suis maintenant.
Mais, je me rallie en
partie au projet de la section centrale. Je vais indiquer successivement les
modifications que le gouvernement a l'intention de proposer aux diverses
dispositions de la loi. Je pense que ces modifications sont de nature à faire
disparaître les objections qui ont été faites contre les divers articles du
projet de loi.
A l'article 1er, le
gouvernement propose la suppression des paragraphes 2 et 5 du projet de la
section centrale.
A l'article 2, nous
proposons quelques changements de rédaction ; ainsi, aux mots : « sans son
consentement, » on substituerait ceux-ci : « sans le consentement du
propriétaire » ; nous proposons également de supprimer la partie de
l’article en vertu de laquelle des amendes seraient payées aux communes.
M. Castiau. - Le premier de ces
amendements est un amendement d'un académicien.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je ne fais pas de distinction entre les
amendements, je les indique à la chambre, à mesure qu'ils se présentent devant
moi, dans l'ordre des articles ; j'avoue, du reste, que dans cette discussion,
je ne répudie pas ma qualité d'académicien, utile même pour la discussion de la
théorie, théorie que j'ai basée cependant sur la lecture des nombreuses pièces
qui ont été adressées au gouvernement.
J'en reviens,
messieurs, à l'article 2. Le gouvernement propose de substituer le chiffre de
50 fr. à celui de 30 fr., proposé par la section centrale, comme indemnité en
faveur du propriétaire ou du locataire de la chasse.
Pour ne pas encourir
de nouveau le reproche de présenter des amendements d'académicien, je
m'abstiens d'indiquer à la chambre les changements que nous proposons à
l'article 3.
Le paragraphe 2 de
l'article 4 est ainsi conçu :
« Sera puni de la
même amende (de l'amende de 100 fr.) celui qui sera trouvé hors de son domicile,
muni ou porteur desdits filets, lacets, bricoles et autres engins. »
Le gouvernement
propose de remplacer cette disposition par celle-ci : « Sera puni de la même
amende celui qui sera trouvé, hors voies et chemins, sur terrain d'autrui, et
sans en avoir le droit... (le reste comme ci-dessus.)
Des membres. - Très bien !
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Le paragraphe 3 de l'article 5 est ainsi
conçu :
« Le gibier sera
saisi et mis immédiatement à la disposition de l'administration communale du
lieu où la contravention aura été constatée. »
Le gouvernement
propose ce changement-ci : au lieu de : « à la disposition de l'administration
communale, » il demande qu'on mette : « à la disposition de l'hospice ou
du bureau de bienfaisance, par le juge de paix du canton ou par le bourgmestre
si la saisie a été faite dans une commune autre que le chef-lieu. »
Le paragraphe 3 du
même article porte ce qui suit :
« La recherche du
gibier ne pourra être faite que chez les marchands de comestibles et dans les
auberges ou autres lieux ouverts au public. »
Le gouvernement a
pensé, après mûre réflexion, que l'application de cet article pouvait entraîner
de graves inconvénients. En conséquence, il en propose la suppression.
Un grand nombre de membres. - Très bien !
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Au paragraphe 4, nous proposons la
suppression des mots : « Au profit de la commune où le délit aura été constaté.
» Cette suppression est la conséquence d'un amendement introduit dans un autre
article.
A
l'article 6, le gouvernement demande qu'on ajoute la disposition qui faisait
l'objet de l'article 4 du projet de loi primitif. Cette disposition est ainsi
conçue :
« Les amendes seront
portées au double dans les cas où l'un des délits prévus aux articles ci-dessus
aura été commis après le coucher et avant le lever du soleil, ou bien par des
employés de douane, gardes champêtres ou forestiers et gardes particuliers. »
Les articles 7, 8, 9
et 10, textuellement empruntés à la loi de 1790, nous ont aussi paru
susceptibles d'améliorations, surtout susceptibles d'être mis plus en harmonie
avec notre législation. En conséquence, mon collègue le ministre de la justice
aura l'honneur de vous lire les amendements proposés par le gouvernement.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Voici les amendements que le gouvernement propose pour
remplacer les articles dont vient de parler M. le ministre de l'intérieur.
L'article 9 du projet
de la section centrale portait :
« Art. 9. Les
père et mère répondront des délits de leurs enfants mineurs, non mariés et
domiciliés avec eux, en ce qui concerne les amendes, indemnités et frais, sans
pouvoir néanmoins être contraints par corps. »
Le gouvernement
propose de substituer la disposition suivante :
« Art. 9. Le père, la
mère, le tuteur, les maîtres et commettants, sont civilement responsables des
délits de chasse commis par leurs enfants mineurs non mariés, pupilles
demeurant avec eux, domestiques ou préposés, sauf tout recours de droit.
« Cette
responsabilité sera réglée conformément à l'article 1384 du Code civil, et ne
s'appliquera qu'aux dommages-intérêts et frais, sans pouvoir, toutefois, donner
lieu à la contrainte par corps. «
C'est le même
principe, mais il y a une modification importante, l'article 9 de la section
centrale étendait la responsabilité jusqu'aux amendes ; il en serait résulté
que celui qui n'aurait pas commis le délit aurait pu être condamné à une peine
et même à une peine d'emprisonnement.
L'article 10 portait
:
« Art. 10. Si les
délinquants sont déguisés ou masqués, ou s'ils n'ont aucun domicile connu dans
le royaume, ils seront arrêtés sur-le-champ, et mis à la disposition du
procureur du roi. »
Comme on ne peut
mettre à la disposition du procureur du Roi que ceux qui peuvent encourir la
peine de l'emprisonnement, nous proposons de remplacer l'art. 10 par la
disposition suivante :
« Art. 10. Si les
délinquants sont déguisés ou masqués, ou s'ils n'ont pas de domicile connu, ils
seront conduits devant le bourgmestre ou le juge de paix, lequel s'assurera de
leur individualité.
L'article 11 portait:
« Art. 11. Les
employés assermentés des octrois municipaux pourront constater, à l'entrée des
communes, les délits prévus par la présente loi. Leurs procès-verbaux feront
foi jusqu'à preuve contraire.
L'article 11 du
projet de la section centrale abrogeait les dispositions de la loi de 1790, on
ne pouvait donc plus faire dresser de procès-verbal pour délit de chasse par
les gardes champêtres, et dès lors il était nécessaire d'introduire une
disposition à cet égard ; nous proposons, en conséquence, de rédiger comme suit
l'article 11 :
« Art. 11. Les délits
prévus par la présente loi seront prouvés, soit par procès-verbaux ou rapports,
soit par témoins, à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur
appui. »
« Art. 12 (nouveau).
Les procès-verbaux des bourgmestres et échevins, commissaires de police,
officier, maréchal des logis ou brigadier de gendarmerie, gendarmes, gardes
forestiers, gardes champêtres ou gardes assermentés des particuliers, feront
foi jusqu'à preuve contraire. »
« Art. 13 (nouveau).
Les procès-verbaux des employés des douanes et des octrois feront également
foi, jusqu'à preuve contraire, lorsque, dans les limites de leurs attributions
respectives, ces agents rechercheront et constateront les délits prévus par le
paragraphe premier de l'article 5. »
« Art. 14 (nouveau).
Dans les 24 heures du délit, les procès-verbaux seront, à peine de nullité,
affirmés par les rédacteurs devant le juge de paix ou l'un de ses suppléants ou
devant le bourgmestre ou échevin, soit de la commune de leur résidence, soit de
celle où le délit aura été commis.
Ce
sont les anciennes dispositions de la loi de 1790 avec quelques légères
modifications.
A l'article 12, qui
devient l'article 15, nous proposons de substituer aux mots « locataire de
la chasse, » ceux-ci : « ayant droit » ; on peut être, en
effet, non seulement locataire, mais même cessionnaire, du droit de chasse.
Les articles 13,14 et
15 deviennent les articles 17, 18 et 19.
M. le président. - Ces amendements seront imprimés et distribués.
M. Verhaegen. - Par suite des amendements qui viennent d'être
proposés par le gouvernement, le projet est beaucoup amélioré, et j'ai lieu de
croire que dans la discussion qui va s'ouvrir il ne sera question du droit de
chasse que comme une dépendance du droit de propriété, et principalement au
point de vue de la conservation des fruits de la terre. C'est en partant de
cette base que nous examinerons les différents articles du projet.
On reproche tout
d'abord au projet de créer un privilège : mais si je comprends bien le système
du gouvernement, le petit propriétaire pourra chasser tout aussi bien que le
grand propriétaire. Je crois qu'il est bien entendu que la trop fameuse
circulaire de M. Nothomb, qui interdit le (page
457) droit de chasse à celui qui ne possédait pas 100 bonniers est à jamais
mise de côté ; car s'il en était autrement, je ne donnerais dans aucun cas mon
assentiment à la loi.
Je me hâte de le
dire, la circulaire à laquelle je viens de faire allusion ne peut pas recevoir
l'approbation de M. le ministre de l'intérieur, et dès lors, il lui sera facile
de dissiper mes craintes. La chambre, d'ailleurs, ne paraît pas disposée à
restreindre le droit de propriété en faisant une distinction entre les grands
et les petits propriétaires.
Messieurs, je ne
m'occuperai pas pour le moment des articles du projet, je ne dirai qu'un mot
sur une disposition qui se trouvait dans le projet primitif du gouvernement et
que la section centrale n'a pas reproduite ; c'est celle qui prononce une
amende double contre les gardes champêtres, douaniers, gendarmes, gardes
forestiers, etc., convaincus d'un délit de chasse. M. le ministre vient de
reproduire cette disposition par un amendement, et je l'en félicite ; mais je
voudrais faire un pas de plus, et me rapprocher ainsi de certaines idées émises
par mon honorable ami M. Castiau, en prononçant aussi des peines contre les
employés supérieurs forestiers, et même en leur défendant de chasser dans les
bois et forêts dont la surveillance leur est confiée. Je n'aime, moi, aucune
aristocratie, pas plus l'aristocratie administrative, que l'aristocratie
financière, que l'aristocratie nobiliaire ; et je ne sais pas pourquoi on
restreindrait la disposition prohibitive aux simples gardes, alors qu'il y a des
raisons au moins tout aussi fortes pour l'étendre aux chefs-gardes, aux
gardes-généraux et aux employés supérieurs ; je crois même qu'il faut défendre
aux agents supérieurs de chasser dans les bois et forêts dont la surveillance
leur est confiée, en tout temps, et en toute circonstance.
Voici, messieurs, la
disposition qui devrait prendre place à la suite de l’article 6 du projet de la
section centrale et que je propose comme amendement :
« Il est défendu en
tout temps et en toute circonstance, aux gardes, chefs-gardes, gardes-généraux,
inspecteurs et autres employés supérieurs, de chasser dans les bois et forêts
dont la surveillance leur est confiée et dépendant du domaine de l'Etat ou des
communes.
« L'infraction à
cette défense sera punie d'une amende de 100 à 500 fr. sans préjudice aux
mesures administratives, s'il y a lieu. »
Les motifs de cette
disposition sont faciles à saisir : ceux qui sont chargés de surveiller les
bois et forêts de l'Etat ou des communes doivent se borner à l'exercice de
leurs fonctions et ce pour que, dégagés de tout intérêt personnel, ils puissent
offrir au public des gages d'impartialité. Il ne faut pas que des agents
supérieurs de l'administration puissent s'ériger en souverains maîtres et jouer
le rôle de seigneurs-fonciers en prenant comme traqueurs et porteurs de
carnassières les simples gardes dont l'intérêt du domaine public exige souvent
la présence ailleurs. Il ne faut pas surtout que n'étant l'objet d'autre
contrôle que de leur volonté, ils puissent s'arroger le droit de chasser en
temps prohibé même en société d'amis non pourvus de port d'armes. C'est un très
mauvais exemple que les braconniers ne manquent pas d'invoquer comme moyen de
justification.
Messieurs, il est
temps de mettre un terme à ces abus ; je viens de vous démontrer que le droit
de surveillance est illusoire si vous laissez le droit de chasse aux agents
forestiers. J'ajouterai qu'en le leur interdisant, vous ferez pour l'Etat ce
qu'on a fait déjà pour les communes et bureaux de bienfaisance ; vous rendrez
possible la location de la chasse dans les forêts nationales, car si des avis
contraires à cette location ont été donnés au gouvernement, c'est que ceux qui
étaient appelés à les donner étaient personnellement intéressés dans la
question.
Il y a plus, messieurs,
et voyez jusqu'où peut aller la passion pour la chasse. Il y avait dans
certaines forêts des droits d'usage très anciens consistant à faire paître les
bestiaux et à couper l'herbe, en prenant, toutefois, certaines précautions dans
l'intérêt de la foresterie et moyennant une rétribution au profit de l'Etat. Eh
bien, ces anciens usages ont été abolis dans l'intérêt de ceux qui, voulant
empêcher qu'on ne dérange les lièvres au moyen de la faucille ou autrement, ont
eu pour but exclusif d'en propager la race, au grand détriment des petits
cultivateurs qui, n'ayant d'autre ressource que les bois et forêts pour nourrir
leurs bestiaux, ont dû les vendre à vil prix et sont exposés aujourd'hui à une
ruine certaine. Si la chasse avait été interdite aux agents de
l'administration, ces usages anciens auraient probablement été respectés. Les
pauvres paysans y auraient gagné et le gouvernement aurait pu compter sur une
ressource de 50 à 60,000 fr. qu'il ne touchera pas aujourd'hui.
- La séance est levée
à quatre heures et demie.