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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 janvier 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le
budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1846. (A : traitements
des agents consulaires (essentiellement à Cologne et/ou à Valparaiso) ;
B : établissement de Santo-Thomas) (A, B (Rogier),
A (Dumortier, de Foere, Veydt, Osy, Dechamps),
frais de route (Osy, Dechamps),
service extérieur (Dumortier, Dechamps),
livrets ouvriers, conseils de prud’hommes, inégalité maîtres-ouvriers devant la
loi (article 1781 du code civil), travail des enfants (Castiau,
Dechamps, d’Anethan, Castiau, d’Anethan, Dumortier, d’Anethan, Verhaegen), négociations commerciales avec la France et
l’Espagne, industrie linière (de Roo, Dechamps,
de Haerne, Dechamps, de Haerne), pêche nationale (Eloy de Burdinne),
industrie de la soie (Desmet), pêche nationale (Donny), négociations commerciales avec l’Espagne (de Roo), pêche nationale (Mast de Vries,
(+octrois communaux (Rodenbach, Donny,
Osy, Eloy de Burdinne), tarif des
douanes (Mast de Vries, Dechamps,
Rogier)
3) Rapports sur des pétitions
relatives notamment à l’édification d’une église à Bauffe (Dumortier,
de Tornaco)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 438) M.
Huveners fait l'appel nominal à une heure et quart.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal
de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Huveners présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les sieurs Lorent,
Lefèvre et autres habitants du faubourg de Charleroy demandent que ce faubourg
soit séparé de la ville pour être érigé en commune distincte. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
________________
« Le sieur Mathias
Bumbert prie la chambre de prendre une disposition législative pour le
dispenser du payement du droit d'enregistrement auquel se trouve assujettie la
naturalisation qu'il a demandée depuis le mois de décembre 1835. »
- Même renvoi.
COMPOSITION DES BUREAUX DES SECTIONS DE JANVIER
Première
section :
Président : M.
Dubus (aîné)
Vice-président :
M. Veydts
Secrétaires : M.
de Renesse
Rapporteur de
pétitions : M. de Meer de Morseel
Deuxième section
Président : M.
de Man d’Attenrode
Vice-président :
M. Loos
Secrétaires : M.
d’Elhoungne
Rapporteur de
pétitions : M. de Tornaco
Troisième section
Président : M.
Mercier
Vice-président :
M. Lange
Secrétaires : M.
de Haerne
Rapporteur de
pétitions : M. Simons
Quatrième section
Président : M.
de Theux
Vice-président :
M. Lejeune
Secrétaires : M.
Orban
Rapporteur de
pétitions : M. Zoude
Cinquième section
Président : M.
Osy
Vice-président :
M. Fleussu
Secrétaires : M.
de Corswarem
Rapporteur de
pétitions : M. Henot
Sixième section
Président : M.
de Mérode
Vice-président :
M. de Chimay
Secrétaires : M.
Huveners
Rapporteur de
pétitions : M. Biebuyck
Discussion des articles
La discussion
continue sur l'article unique du chapitre III, relatif aux traitements des agents
consulaires.
Chapitre III
Article unique
M. Rogier. - Je demande à
présenter quelques observations sur l'article en discussion. Ces observations
seront courtes.
On a soulevé dans la
discussion d'hier, à propos de cet article, un assez grand nombre de questions
; on a parlé de Guatemala, du consulat établi à Valparaiso et du consulat à
établir éventuellement à Cologne.
Pour ce qui concerne
la question de Guatemala, M. le ministre des affaires étrangères ayant promis
un rapport à la chambre, rapport qui, j'espère, ne se fera pas trop attendre,
je me réserve de présenter ultérieurement des observations à cet égard ; je
dirai seulement aujourd'hui que, dans mon opinion, le gouvernement aura un compte
très sévère à rendre, et de ce qu'il a fait, et de ce qu'il n'a pas fait dans
cette affaire.
Quant au consulat de
Valparaiso, je ne puis partager l'opinion que ce consulat serait inutile. C'est
le seul établissement consulaire que la Belgique possède sur la côte
occidentale de l'Amérique, le long de l'océan Pacifique. A moins de supprimer
partout les consuls, il est impossible de n'en pas maintenir au moins un sur
cette côte immense où nos relations vont croissant d'année en année.
En ce qui concerne le
consulat de Cologne, j'espère que la chambre n'hésitera pas à adopter la
proposition du gouvernement qui a été adoptée par la section centrale. Cologne
est devenue pour nous un des points commerciaux les plus importants du
continent. Les Etats rhénans, par leur position topographique. forment en
quelque sorte un Etat séparé, avec lequel on peut prévoir que la Belgique est
appelée à avoir des relations de jour en jour plus intimes et plus
considérables. Quant à moi, je considère Cologne comme un des centres commerciaux
où la présence d'un agent peut rendre le plus de services au pays. A coup sûr,
un agent consulaire dans les Etats rhénans est au moins aussi utile qu'un agent
consulaire en Hollande, en Suisse, en France.
Mon intention n'est
pas d'entrer ici dans une question de personnes ; au gouvernement seul
appartient le droit de nomination, c'est à lui de choisir les hommes qui lui
offrent le plus de garanties sous le rapport de la capacité et de l'expérience
des affaires. Il doit les prendre là où il les trouve le plus convenants, soit
dans l'armée, soit ailleurs ; nous n'avons pas d'interdiction à lui faire ; il
nomme ses agents sous sa responsabilité.
Je pense aussi qu'il
ne faut point, en introduisant un trop grand nombre d'officiers dans le corps
diplomatique, fermer la carrière à ceux de nos jeunes gens qui font de la
diplomatie leur carrière spéciale ; ce serait là une imprudence et une
injustice ; mais, je crois aussi que ce serait pousser la rigueur trop loin que
d'exclure du corps diplomatique des hommes capables, par cela seul qu'ils
feraient partie de l'armée. Le gouvernement doit choisir ses agents parmi les
hommes les plus capables, sans distinction de la classe de la société à
laquelle ils appartiennent.
Je conviens
cependant, je le répète, qu'il ne faudrait pas introduire dans le corps
diplomatique un trop grand nombre d'officiers, parce que de cette manière on
pourrait nuire à la fois à l'armée et au corps diplomatiques J'ajoute aussi
qu'il est nécessaire que les officiers qui passeraient dans le corps
diplomatique, y entrent aux mêmes conditions que tous les autres. S'il y a un
examen à subir, il faut qu'ils s'y soumettent. Il est bien entendu aussi qu'ils
ne doivent point cumuler les avantages des deux positions.
C'est dans ce sens,
messieurs, que j'appuierais au besoin la nomination d'agents diplomatiques ou
consulaires pris dans les rangs de l'armée. Ces agents, s'ils sont réellement
capables, peuvent rendre des services non seulement au corps diplomatique, mais
aussi à l'armée. Les voyages en pays étrangers, la fréquentation des officiers
étrangers, la résidence auprès des gouvernements étrangers peuvent donner à ces
officiers des lumières et des connaissances qui plus tard tourneront au profit
de l'armée. C'est surtout par la comparaison des différents systèmes militaires
de l'Europe que nous pouvons introduire des améliorations dans notre armée. Eh
bien, messieurs, je crois qu'à ce point de vue, il peut être très utile que
quelques-uns de nos officiers connaissent les pays étrangers, afin de rapporter
chez nous les lumières qu'ils peuvent y recueillir.
J'ai
dit que je ne voulais point faire des allusions personnelles. Je dois cependant
rectifier une erreur qui est échappée hier à un honorable préopinant.
L'officier que le gouvernement paraît destiner au consulat de Cologne, est
secrétaire de légation depuis plusieurs années, il a été nommé secrétaire avant
l'arrêté royal qui exige des examens ; j'en fais l'observation à l'honorable M.
Dumortier. Du reste, je ne mets pas en doute qu'il ne fût parfaitement à même
de subir tout examen qu'on pût lui imposer, que sa capacité n'aurait qu'une
occasion de plus de briller. Si je suis bien informé, cet officier a rempli, en
effet, ses fonctions diplomatiques avec distinction. Sa capacité est
parfaitement appréciée, je pense, par le gouvernement. Je me hâte de le dire,
toutefois, je ne voudrais pas que M. le ministre vît dans mes paroles quelque
chose qui pût ressembler à une recommandation. C'est à lui d'apprécier ses
agents et de les choisir sous sa responsabilité.
M. Dumortier. - Messieurs,
lorsque j'ai pris hier la parole dans la discussion qui nous occupe, j'ignorais
complétement de quelle personne il s'agissait ; j'ai traité la question au
point de vue général, et c'est encore ce que j'entends faire aujourd'hui.
L'honorable M. Rogier vient de dire que la personne à laquelle il a fait
allusion a reçu sa nomination avant la création de la commission chargée
d'examiner ceux qui veulent entrer dans le corps diplomatique. Puisqu'il en est
ainsi, les observations que j'avais présentées hier sous ce rapport, ces
observations tombent d'elles-mêmes. Du reste, c'étaient encore là des
observations générales, puisque je me suis borné à dire que je n'avais point
connaissance qu'aucun membre de l'armée eût subi un examen devant la commission
chargée de délivrer les diplômes nécessaires pour entrer dans le corps
diplomatique.
Je persiste à croire
que le gouvernement doit faire de la carrière diplomatique une carrière
sérieuse et que, de même que l'armée serait fort mécontente si l'on y faisait
entrer des membres du corps diplomatique, le corps diplomatique doit être fort
mécontent lorsqu'on y introduit des officiers, de manière à rendre l'avancement
à peu près impossible. Je ne veux point provoquer des mesures réactionnaires,
je m'occupe principalement de l'avenir. Eh bien, je dis qu'il serait
excessivement à désirer que le gouvernement s'abstînt de faire entrer dans le
corps diplomatique des membres de l'armée de manière à décourager ceux qui ont
choisi la diplomatie comme une carrière.
L'honorable M. Rogier
pense qu'il serait très avantageux à l'armée de faire entrer des officiers dans
le corps diplomatique, parce que ces officiers pourraient recueillir dans les
pays étrangers des lumières qui tourneraient plus tard au profit de notre
organisation militaire. Je dis, moi, que nous ne devons point faire de notre
armée une agence commerciale ; notre armée n'est instituée que pour la défense
du pays, et je pense que les officiers envoyés en mission diplomatique ne
pourront rien rapporter d'utile sous ce point de vue, alors que les missions
diplomatiques deviennent de plus en plus commerciales.
Messieurs, si un jour
des hostilités venaient à éclater, la Belgique aurait besoin de rappeler à elle
tous ses officiers, et alors, avec le système que je combats, il y aurait
nécessairement des lacunes soit dans l'armée, soit dans le corps diplomatique.
D'ailleurs, les
grades ne sont pas tellement nombreux dans le corps diplomatique qu'on puisse
les donner à des officiers au lieu de les réserver à ceux qui y ont acquis des
droits ; ainsi, messieurs, vous n'avez que 6 ou 8 secrétaires rétribués et une
dizaine de chargés d'affaires. Eh bien, lorsque les grades sont si peu
nombreux, il faut au moins les réserver à ceux qui ont le droit de les obtenir
par voie d'avancement.
J'appelle
aussi toute l'attention du gouvernement sur la nécessité de n'admettre dans le
corps diplomatique que des personnes qui soient à l'abri de toute espèce de
reproche. Il faut que le gouvernement soit très sévère (page 439) sous ce rapport, qu'il ne se laisse point aller aux
sollicitations. La Belgique est une nation jeune : elle a besoin d’être
représentée dignement à l'étranger, d'y être représentée par des hommes dont la
capacité impose, et il n'est malheureusement que trop vrai que dans plusieurs
circonstances on n'a pas tenu assez compte de cette nécessité ; souvent les
sollicitations ont fait faire des choix qui laissaient beaucoup à désirer.
J'espère que le ministère actuel comprendra toute l'importance de bons choix et
j'insiste beaucoup pour qu'on n'introduise dans le corps diplomatique que des
hommes dont la capacité soit telle que leur nomination puisse rapporter à la
Belgique honneur et profit.
M. de Foere. - L'honorable
membre qui, dans cette séance, a pris, le premier, la parole a invoqué
l'opinion unanime de la section centrale pour justifier la création d'un
nouveau consulat à Cologne.
M. Rogier. - Je n'ai pas dit
l'opinion unanime de la section centrale ; j'ai dit que la proposition avait
obtenu la sanction de la section centrale.
M. de Foere. - Soit, mais toujours
est-il qu'il y a eu opposition dans a section centrale. M. le ministre des
affaires étrangères a développé, dans le sein de cette section, les motifs pour
lesquels il proposait un consul pour la place de Cologne. Aucun de ces motifs
n'était puisé dans les besoins commerciaux de cette place. Ils étaient tous
d'une nature exclusivement politique. J'ai trouvé que le but que M. le ministre
des affaires étrangères recherchait, pouvait être atteint plus facilement, et
avec plus de succès, par notre chargé d'affaires à Francfort et surtout par
notre agent diplomatique à Berlin. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas
appuyé, dans la section centrale, cette nouvelle proposition.
M. Veydt. - Messieurs, deux
honorables membres ont traité, hier, une question sur laquelle je me proposais
d'appeler aussi l'attention de la chambre, je veux parler de la question des
consuls, en ce qui concerne leurs attributions judiciaires et municipales.
M. le ministre des
affaires étrangères a déclaré que son département et celui de la justice
s'occupaient de la préparation d'un projet de loi ; je regrette que M. le
ministre n'ait pas pu nous donner l'assurance que ce projet sera présenté dans
un bref délai. Quand le prédécesseur de M. le ministre a soumis à la chambre le
projet de loi relatif au tarif des droits à percevoir par les consuls, nous
étions sur cette question au même point où nous nous trouvons aujourd'hui. En
effet, dans son exposé des motifs du 21 avril 1845, l'honorable comte Goblet
disait aussi qu'il préparait un projet, tendant à remplir les lacunes
nombreuses que présente notre organisation consulaire. Je prierai donc M. le
ministre de vouloir nous saisir, dans le cours de cette session, du projet de
loi déjà annoncé depuis plusieurs mois.
Messieurs, les sections sont saisies du projet de loi
présenté le 21 avril 1845. Il est conçu en un seul article, et a pour objet de
combler une autre lacune qui a souvent attiré l'attention des chambres de
commerce. Le gouvernement demande l'autorisation de régler, par arrêté royal,
le tarif des droits que nos consuls pourront percevoir. Je demanderai que les
sections soient invitées à s'occuper de l'examen de ce projet de loi dans un
bref délai. S'il reçoit un accueil favorable de la législature, il pourra être
fait droit sans retard aux réclamations dont les dispositions actuelles, qui
tiennent lieu de tarif, et qui ont toutes été prises sous le gouvernement des
Pays-Bas, ont été fréquemment l'objet.
M. Osy., rapporteur. - J'ai
déjà, et à plusieurs reprises, prié le gouvernement et je le prie de nouveau de
vouloir bien examiner s'il ne serait pas préférable de substituer un projet de
loi définitif à celui dont parle l'honorable préopinant, et qui laissait au
gouvernement le soin de régler cet objet. Le gouvernement est maintenant nanti
de tous les matériaux nécessaires pour présenter un projet définitif.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je m'associe à l'honorable M. Veydt, pour
engager les sections à s'occuper du projet de loi relatif aux émoluments des
consuls. Lorsque la discussion de ce projet sera mise à l'ordre du jour, on
pourra examiner, mieux qu’on ne pourrait le faire maintenant, s'il est
préférable d'organiser cette matière par la loi elle-même, au lieu d'autoriser
le gouvernement à la régler par arrêté royal.
M. Osy. - Je demande dès
lors aussi que le projet de loi dont il s'agit, soit examiné par les sections.
- Personne ne
demandant plus la parole, le chiffre de 115,000 fr. (dont 12,000 fr. à titre de
charge extraordinaire) est mis aux voix et adopté.
Article unique
« Article
unique. Frais de voyage des agents du service extérieur et de l'administration
centrale ; frais de courriers, estafettes, courses diverses : fr.
70,500. »
M. Osy., rapporteur. -
Messieurs, déjà depuis plusieurs années, on demande que le gouvernement règle
par arrête royal le tarif des frais de route et de séjour des membres de notre
diplomatie. La section centrale a renouvelé cette année la même demande.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, une commission mixte a été nommée
l'année dernière, pour examiner la question relative aux frais de voyage et de
séjour des fonctionnaires de tous les départements ministériels. Cette
commission a reconnu qu'il était impossible de prendre une mesure commune à
tous les départements, et qu'il était dès lors nécessaire d'adopter un
règlement spécial pour chaque ministère. Le projet qui concerne mon département
est terminé. Nous avons pris pour base le règlement prussien, avec certaines
modifications : ce règlement sera l'objet d'un arrêté royal qui paraîtra sous
peu.
- Personne ne
demandant plus la parole, le chiffre est adopté.
Article unique
« Article
unique. Frais à rembourser aux agents du service extérieur : fr. 80,000. »
M. Dumortier. - Il y a sur cet
article une majoration de 5,000 fr. qui n'est justifiée par aucun motif. Il
s'agit seulement de sommes à rembourser aux agents du service extérieur.
L'allocation a toujours été trop forte les années précédentes.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Elle n'a pas été trop forte, puisqu'on a dû
demander depuis plusieurs années des crédits supplémentaires. Le crédit a
toujours été dépassé. Or, c'est précisément pour ne plus devoir recourir à des
crédits supplémentaires, qu'on demande une augmentation de 5,000 francs.
- Personne ne
demandant plus la parole, le chiffre est adopté.
M. le président. - La
discussion générale est ouverte sur ce chapitre.
La parole est à M. Castiau.
M. Castiau. - Messieurs, je ne
puis laisser passer sans une protestation formelle un des actes les plus
importants que M. le ministre des affaires étrangères ait contresignés depuis qu'il
a réuni les attributions commerciales à ses attributions ordinaires ; je veux
parler de l'arrêté royal du 9 novembre 1845, relatif aux livrets d'ouvriers.
J'ai dit que je ne
pouvais laisser passer cette mesure sans une protestation énergique, c'est qu'en
effet, comme je le démontrerai tout à l'heure, l'arrêté est entaché d'une
flagrante illégalité et viole les principales dispositions de la loi du 22
germinal an XI qui la première a institué les livrets pour l'industrie et les
manufactures. Vous savez, messieurs, quelles sont les attributions du
gouvernement, en matière d'arrêtés royaux et de règlements de police : le
gouvernement peut prendre des arrêtés, des règlements, mais il ne peut les
prendre que pour l'exécution des lois ; il ne peut ni changer la loi ni
l'altérer dans son but ou son esprit. Ici, au lieu d'exécuter la loi, le
ministre, je le répète, l'a violée, et il la viole dans ses deux dispositions
principales.
Il a violé cette loi
de germinal qu'il devait exécuter d'abord dans la disposition relative à la
pénalité. La sanction de cette loi se trouvait dans la loi elle-même. Elle
prononçait des dommages-intérêts dont elle fixait l'importance pour toute
contravention à ses dispositions. Là, je le répète, était la sanction, l'unique
pénalité de la loi. La loi l'avait trouvée suffisante, nul n'avait le droit de
la changer et de la fausser.
Qu'a fait maintenant
le gouvernement dans l'arrêté royal du 10 novembre dernier ?
M. le ministre ne
s'est pas contenté de faire un règlement d'administration publique pour fixer
la forme de ces livrets et les règles de leur délivrance, leur terme et leur
renouvellement, ce qui, je le reconnais, rentrait dans ses attributions ; mais
il fait un règlement qui modifie la sanction et le caractère de la loi et qui en
change la pénalité. A la place de la peine des dommages-intérêts, établie par
les articles 11 et 12 de la loi de germinal an XI, le ministre a fait
apparaître des pénalités nouvelles, l'amende d'abord, puis l'emprisonnement,
que la loi de germinal s’était gardée de prononcer. C'est là que se trouve pour
moi la première et la plus grave des illégalités que je devais vous signaler.
Et M. le ministre ne
s'est pas contenté de violer la loi de germinal an XI dans les dispositions
relatives à la pénalité ; il l'a également violée dans les dispositions
relatives à l'ordre des juridictions. D'après cette loi, la pénalité, c'était
une question de dommages-intérêts ; l'autorité compétente pour en connaître,
c'était la justice de paix. Eh bien, par le nouvel arrêté royal, le ministre a
prononcé, en fait, dans ce cas l'incompétence des juges da paix ; les justices
de paix ne sont plus saisies de ces questions ; c'est la juridiction pénale qui
remplace la juridiction paternelle des juges de paix. C'est devant les tribunaux
correctionnels que seront à l'avenir jugées les contraventions à la loi de
germinal, car il s'agit d'une pénalité qui, pour l'amende et l'emprisonnement,
excède évidemment la compétence des juges de paix.
Que M. le ministre ne
vienne pas prétendre, pour sa justification, qu'il n'a fait que suivre un
précédent, imiter ce qui avait été fait en 1840, lorsqu'il a été question du
rétablissement de livrets pour les ouvriers mineurs ; car dans l'arrêté du 30
septembre 1840, relatif aux mineurs, on avait respecté à la fois et les
dispositions de la loi de 1810, et la nature des pénalités, et l'ordre des
juridictions. Loin de vouloir introduire des innovations illégales, on s'en
était référé purement et simplement, pour les poursuites et pénalités, au titre
10 de la loi du 21 avril 1810.
Et pourquoi M. le
ministre a-t -il ainsi bouleversé toute la législation primitive sur les
livrets ? Pourquoi en a-t-il violé et la pénalité et la juridiction ?
Uniquement, messieurs, pour établir des pénalités exorbitantes, des pénalités
odieuses, et qui vont retomber de tout leur poids sur les classes ouvrières
qu'elles écraseront.
La loi de germinal se
contentait de dommages-intérêts pour les contraventions à ses dispositions ; M.
le ministre établit, lui, d'abord une amende qui pourra s'élever à 200 fr.
N'est-ce pas là pour les ouvriers une véritable confiscation ? Connaissez-vous
beaucoup d'ouvriers assez riches pour payer de telles amendes ?
Cette pénalité
pécuniaire n'a pas suffi ; il a fallu y joindre une pénalité plus odieuse
encore, une pénalité qui démoralise, souille et flétrit, la pénalité de
l’emprisonnement et d'un emprisonnement qui pourra être de 14 jours. Ainsi
voilà le travail considéré comme un délit et puni avec plus de rigueur que
certains vols, uniquement parce que l'ouvrier aura travaillé (page 440) sans livret, ou parce qu'il
aura oublié de le faire viser par l'administration locale.
Qui sait même,
messieurs, si l'on ne déploiera pas, dans cette occurrence, tout le luxe des
sévérités correctionnelles ? Qui sait si l'on ne joindra pas à la rigueur de la
peine, la rigueur de l'emprisonnement préventif ? Il s'agit ici, ne l'oublions
pas, de la juridiction correctionnelle et, en matière correctionnelle, on peut
souvent, pendant des semaines et des mois entiers, retenir le prévenu dans les
prisons ! Et que d'innocents ont été victimes de cet emprisonnement préalable.
Ce n'est pas tout
encore ; si 1"ouvrier condamné à une amende de 200 fr. se trouve dans
l'impossibilité de payer cette amende, il sera, pour ce seul fait, retenu dans
les prisons pendant six mois. Ainsi le veut l'article 53 du code pénal. Ainsi,
pour le seul fait d'avoir travaillé avec trop d'empressement et peut-être
d'avoir ignoré la loi, l'ouvrier sera condamné à une amende de 200 fr., à 14
jours d'emprisonnement et à une nouvelle captivité de six mois s'il ne peut
payer l'amende dont il est frappé !
Voilà ce que M. le
ministre appelle mettre la législation impériale en harmonie avec le droit
public des Belges ! Ce droit public, c'est donc la violation de la liberté
individuelle, l'amende et un long et rigoureux emprisonnement !
Je regrette de devoir
le dire, le ministre n'a touché à la législation impériale que pour en aggraver
les dispositions d'une manière intolérable, pour les rendre plus lourdes, plus
oppressives pour les classes ouvrières !
Aggravation et
aggravation exorbitante quant à la pénalité ! Je viens de le démontrer, une
pénalité civile est remplacée par l'emprisonnement et par une sorte de confiscation.
L'aggravation existe
encore quant à la formalité du visa du livret. Ainsi, sous l'empire de la
législation impériale, le visa n'avait lieu que dans le cas où l'ouvrier
quittait son domicile pour aller travailler dans une autre localité. D'après
l'arrêté de novembre 1845, le visa va devenir obligatoire, chaque fois que,
restant dans la même localité, l'ouvrier changera d'atelier. Ce visa devra être
porté sur le livret dans les 48 heures du changement d'atelier.
L'ouvrier sera ainsi
obligé de passer en allées et en venues auprès des administrations communales
le temps qu'il devrait consacrer à son travail.
Nouvelle aggravation
encore pour la possession du livret.
D'après la
législation impériale, le livret ne devait être remis dans les mains du maître
que quand le maître l'exigeait, et souvent le maître ne l'exigeait pas ;
d'après l'arrêté royal, le dépôt du livret dans les mains du maître devient
obligatoire. Le maître, dans tous les cas, reste dépositaire du livret en
échange duquel il donne un simple récépissé à l'ouvrier.
Voyez maintenant la
conséquence de l'abandon au maître du livret de l’ouvrier. C'est que celui-ci
est livré à sa merci. Le maître, en retenant le livret, met l'ouvrier dans
l'impossibilité de travailler, et partant dans l'impossibilité de vivre. Il
suffira pour cela de la simple allégation d'un maître de mauvaise foi, pour
être autorisé à retenir et à retenir indéfiniment le livret d'un ouvrier,
c'est-à-dire pour le ruiner lui et sa famille, pour lui enlever son travail et
ses ressources, et le jeter sur le pavé des rues comme un misérable vagabond !
Bien plus, quand le
maître ne remplit pas les obligations qu'il a contractées, qu'il refuse, soit
le salaire, soit le travail, et que l'ouvrier est son débiteur, le nouvel
arrêté lui attribue une sorte d'hypothèque sur la personne et le travail de
l'ouvrier. Le nouveau maître chez lequel il travaille est obligé de faire une
retenue sur son salaire pour payer son créancier, et celle retenue on ne l'a
pas même limitée aux 2/10 du salaire, ainsi que le faisait la législation
impériale.
Voilà les droits des
maîtres tels qu'il sont réglés par le nouvel arrêté royal.
Quelles sont
maintenant les garanties de l'ouvrier ? Quels sont ses droits et ses
ressources, quand le maître manque à ses engagements et qu'il refuse, par
exemple, sans motif légitime, de rendre le livret de l'ouvrier ? C'est là
évidemment un fait grave, un fait qu'on pourrait assimiler à un délit, car
c'est un véritable délit, aux yeux de la morale du moins, de retenir, sans motif
légitime, le livret d'un ouvrier ; c'est une sorte d'attentat contre son
existence et celle de sa famille.
On aurait compris que
pour un fait de cette gravité on eût réservé toutes les pénalités de l'arrêté
royal ; eh bien, pour ce fait si grave, on se contente d'un simple renvoi
devant la justice de paix ; il faut que l'ouvrier assigne le maître devant la
justice de paix, qu'il fasse l'avance des frais de la procédure et qu'en
attendant il reste sans travail et sans ressources, lui et sa famille. Pourra-t-il,
du moins, espérer d'obtenir justice ? Non, si le maître est de mauvaise foi.
Celui-ci en est cru sur sa parole. Toutes les preuves viennent se briser contre
son affirmation. Tel est l'incroyable privilège attribue aux chefs d'industrie,
par l'article 1781 du code civil !
L'ouvrier est donc
ici, on peut le dire sans exagération, mis hors la loi commune.
Vous le voyez,
messieurs, M. le ministre ne paraît pas avoir compris toute la gravité de la
question et l'importance des intérêts et des difficultés auxquelles elle
touche. Il y avait de nombreux problèmes à résoudre et d'importantes
modifications à introduire, avant de prendre les mesures que M. le ministre me
paraît avoir adoptées avec quelque légèreté.
Ce qu'il eût fallu
d'abord, c'était modifier la loi de 1842, relative aux conseils de prud'hommes.
Là était le moyen d'arriver sans trop de froissement et d'irritation au
rétablissement des livrets. On ne s'est pas douté, paraît-il, en 1842, de
l'importance de cette institution et des services qu'elle est appelée à rendre.
On a commis alors deux fautes, qu'il me soit permis de le dire, qui finiront
par paralyser tous les avantages de cette institution. On a rendu facultatif
l'établissement des conseils de prud'hommes et on en a abandonné les frais et les
charges aux administrations communales qui les réclameraient.
Qu'en est-il résulté
? C'est que les villes principales ont repoussé cette institution, et sont
privées en ce moment encore de conseils de prud'hommes. Cette institution,
cependant, avait un caractère d'urgence, elle eût protégé également les droits
des maîtres et des ouvriers ; c'est surtout, en effet, un tribunal de
conciliation, et c'est à ce titre de conciliation et de représentants naturels
des maîtres et des ouvriers que les prud'hommes, partout où ils existent,
terminent la plupart des différends et préviennent de déplorables conflits.
Voilà la mesure par
laquelle il fallait commencer, avant d'établir des mesures de répression si
sévères qui n'auront pas même pour effet d'atteindre le but que M. le ministre poursuit.
Le moment était venu
aussi de se demander si le privilège accordé aux maîtres par l'article 1781 du
code civil était bien conforme à nos idées d'égalité et aux exigences de notre
régime constitutionnel. et si, comme je le pense, il viole le premier de tous
les principes constitutionnels, l'égalité de tous les Belges devant la loi, ce
qu'il fallait faire, c'était en provoquer l'abrogation.
Puis, pour
populariser la mesure qu'on voulait prendre, que ne suivait-on l'exemple donné en
1840 à l'occasion du rétablissement des livrets des mineurs ? Alors on a eu la
prudence de rattacher à cette mesure une institution protectrice et
bienfaisante, celle d'une caisse de prévoyance pour les ouvriers mineurs, pour
leurs veuves et leurs orphelins. C'était une mesure peu populaire que le
rétablissement des livrets des mineurs ; cette tentative souvent avait amené
des soulèvements et des rixes sanglantes dans le Hainaut. On a voulu calmer les
passions en donnant aux ouvriers une preuve de la sollicitude sociale, et le
rétablissement des livrets a été accepté. Pourquoi ne pas étendre et
généraliser cette utile et féconde pensée d'une caisse de retraite et de
prévoyance ? Pourquoi n'avoir point appelé toutes les classes ouvrières à
participer aux mêmes avantages que les ouvriers mineurs ? C'eût été du moins
une compensation aux mesures draconiennes que l'arrêté royal fait peser sur
elles.
Il fallait encore, il
fallait enfin, dans une occurrence aussi grave, intervenir avec justice et
impartialité entre les deux classes de la société qu'il s'agissait de
concilier.
Il ne suffisait donc
pas de déterminer les devoirs des classes ouvrières, il eût fallu également
déterminer quelques-uns des devoirs du maître ; car s'il y a des garanties à
prendre contre l'abus que l'ouvrier peut faire de sa liberté, il y a aussi des
garanties à prendre contre l'abus que le maître peut faire de sa domination.
Ces abus ne sont que trop à craindre. Déjà l'honorable M. David, à l'une de nos
dernières séances, a révélé l'un de ces abus les plus graves ; il a parlé
d'industriels qui payent leurs ouvriers, non plus en numéraire, mais en
marchandises ; ce fait est odieux, car c'est là véritablement retenir le
salaire de l'ouvrier. Ce fait, l'honorable M. David l'a flétri, avec raison, de
toute la chaleur de son indignation et de sa loyauté.
Qu'a fait le
gouvernement ? Il a murmuré le mot d'enquête. Cette enquête a-t-elle été faite
?Quels en ont été les résultats ? Quand nous les communiquera-t-on ?
Je suis obligé, je dois
le dire avec regret, je suis obligé, malgré toutes ses manifestations et malgré
toutes ses déclarations, de déclarer que le gouvernement n'a rien fait
jusqu'ici pour améliorer le sort de la classe ouvrière. Il n'a pas même
présenté le projet de loi sur le travail des enfants dans les manufactures,
qu'on avait annoncé, il y a trois ans, dans un discours de la Couronne. Et
quand MM. les ministres veulent bien se rappeler l'existence des classes
ouvrières, c'est, comme ils viennent de le faire dans l'arrêté royal que je
critique, uniquement pour leur offrir en perspective des condamnations, des
amendes et la honte de la captivité !
Me voici au terme des
observations que j'avais à présenter ; à quelles conclusions arriver en
terminant ? Viendrai-je demander à M. le ministre de retrancher de l'arrêté les
dispositions illégales relatives à la pénalité et à la perturbation de l'ordre
des juridictions ? Cette demande, je le reconnais, serait trop candide de ma
part.
MM. les ministres ne
nous ont pas habitués à une telle abnégation ; ils sont trop convaincus de leur
infaillibilité pour jamais reconnaître leurs erreurs.
M. le ministre
persistera donc dans les dispositions qu'il a prises, je le crains du moins ;
mais, je l'espère aussi, le pouvoir judiciaire donnera ici au gouvernement une
nouvelle leçon de légalité et d'indépendance. Si le gouvernement persiste à
faire exécuter les dispositions de l'arrêté relatives à la pénalité et à la
juridiction, les tribunaux n'hésiteront pas sans doute à décider que le gouvernement
a outrepassé ses attributions, qu'il a violé la loi et que des dispositions
illégales n'ont rien d'obligatoire.
Tout
ce que je me permettrai donc de demander à M. le ministre, c'est qu'il veuille
bien nous présenter des modifications reconnues nécessaires à la loi sur les
prud'hommes. A cette occasion, l'on pourra régler quelques-uns des rapports qui
doivent exister entre les chefs d'industrie et leurs ouvriers ; l'on pourra
déterminer quelques-uns de leurs droits et de leurs devoirs réciproques, en les
conciliant, autant que possible, avec la liberté du travail et des conventions.
Ce sonl là, je le sais, des questions graves, délicates, irritantes peut-être ;
mais l'on ne pourra toujours les ajourner cependant. Plus on en diffère
l'examen, plus elles grandissent et plus elles se chargent d'embarras et de
menaces. Si quelque danger, en effet, pouvait encore menacer notre ordre
social, ce danger, il faudrait en aller chercher la cause dans le développement
de deux faits malheureux, le malaise des classes ouvrières et la progression du
paupérisme.
(page 441) M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps).
- - L'honorable M. Castiau aurait désiré que les mesures relatives aux livrets
eussent reçu une application plus générale, qu'on eût compris dans ces mesures
des objets qui s'y rattachent sous certains rapports, telles que les
modifications a la loi de 1842 sur les prud'hommes, et des dispositions
relatives au contrat d'apprentissage. Effectivement ces questions méritent un
sérieux examen.
Mais le gouvernement,
sur les réclamations très vives de presque toutes les chambres de commerce, a
cru devoir aller au plus pressé et remettre en vigueur les dispositions de
l'arrêté des consuls du 9 frimaire an XI, relatives à l'organisation des
livrets, dispositions tombées en désuétude.
Une commission mixte
a été nommée ; elle a examiné avec soin toutes les questions relatives à la
remise en vigueur des dispositions concernant les livrets d'ouvriers.
Cette commission
avait proposé d'étendre les dispositions de l'arrête royal au contrat
d'apprentissage. Mais c'est précisément pour que l'arrêté royal ne fût pas
entaché d'illégalité que le gouvernement s'est borné à remettre en vigueur les
mesures qui se rapportent aux livrets. La chambre sait que cette matière est
réglée par la loi du 22 germinal an XI. Cette loi porte :
« La forme de
ces livrets et les règles a suivre pour leur délivrance, leur tenue et leur
renouvellement seront déterminées par le gouvernement de la manière prescrite
par les règlements d'administration publique. »
C'est aux termes de
cette disposition législative qu'a été pris l'arrêté des consuls du 9 frimaire
an XI, et c'est en vertu de cette même disposition que le gouvernement a pris
l'arrêté royal du 30 décembre 1840, relatif aux ouvriers mineurs, ainsi que
l'arrête royal du 18 novembre 1845.
La légalité de cet
arrêté ne pourrait donc être contestée, que si quelques-unes de ses
dispositions dérogeaient formellement à la loi de germinal an XI.
Lorsque la commission
a soumis son travail au gouvernement, le ministre qui a le commerce dans ses
attributions, après l'avoir examiné, l'a transmis à M. le ministre de la
justice, afin que la question de légalité fût examinée avec soin. Cette
question a été résolue en faveur de l'arrêté royal.
Relativement à la
pénalité, on a maintenu les dispositions pénales de l'arrêté du 9 frimaire, et
on n'a fait qu'étendre ces pénalités en appliquant la loi du 6 mars 1818.
L'article 9 maintient
l'ordre des juridictions.
Du reste, mon honorable
collègue de la justice traitera d'une manière plus étendue que je ne pourrais
le faire cette question spéciale de légalité.
J'ajouterai seulement
quelques observations sur le fond.
J'ai la conviction,
pour ma part, que la remise en vigueur des dispositions relatives aux livrets
l'a été autant dans l'intérêt des ouvriers que dans l'intérêt même des maîtres.
Elles donnent des garanties aux maîtres ; mais elles en donnent aux ouvriers.
Les bons ouvriers ne se plaignent pas des inconvénients attachés à ces garanties.
Il n'y a que les mauvais ouvriers qui peuvent s'en plaindre.
En effet, d'après
l'arrêté royal, les livrets sont pour l'ouvrier une feuille de route, un
témoignage de bonne conduite et souvent aussi une lettre de crédit sur laquelle
des avances leur sont faites.
Cette mesure aura
aussi pour effet d'empêcher l'embauchage des ouvriers, plus nuisible à ceux-ci
qu'à leurs patrons.
La pénalité était
nécessaire pour que la loi eût une sanction.
C'est parce que cette
sanction manquait que la loi de germinal an XI est tombée en désuétude. Cette
pénalité, en donnant une sanction à la loi, n'a fait que remettre en vigueur
l'institution des livrets qui est aussi favorable aux maîtres qu'aux ouvriers.
Critiquer
les pénalités et vouloir de l'institution des livrets, c'est une contradiction
à laquelle il est impossible d'échapper.
Il ne faut pas
oublier que, dans l'ordre des pénalités, le conseil des prud'hommes intervient
en première ligne. L'honorable M. Castiau vient, avec raison, de qualifier ce
tribunal de justice paternelle. Dans les conseils des prud'hommes, les ouvriers
et les apprentis sont représentés. Cette institution donne toutes les garanties
désirables aux ouvriers ; elle n'a donc nullement le caractère draconien dont
on a parlé.
Cet arrêté royal, il
faut bien le dire, a reçu l'approbation générale en Belgique ; cette
réorganisation avait été réclamée par toutes les chambres de commerce. Les
effets que l'arrête de 1840 sur les livrets des mineurs a produits seront aussi
obtenus, je n'en doute pas, par l'arrêté du 19 novembre 1845.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Je demanderai à la chambre la permission d'ajouter
quelques mots à ce que vient de dire mon honorable collègue des affaires
étrangères, pour répondre aux observations qui ont été faites contre la
légalité de l'arrêté royal de novembre 1845.
L'honorable M.
Castiau attaque cet arrêté de deux chefs : 1° sous le rapport de la pénalité ;
2° sous le rapport de l'ordre des juridictions qui, d'après l'honorable membre,
aurait été violé.
Toute la question est
de savoir si le gouvernement (abstraction faite de la pénalité) avait le droit
de régler, par arrêté royal, l’exécution de la loi de germinal an XI ; car s'il
avait ce droit, ce qui, je pense, ne peut être contesté, il avait ce droit
aussi bien pour l'arrêté de novembre 1845, que pour l'arrêté de 1840, mentionné
par l'honorable préopinant.
Messieurs, que cet
arrêté ait été pris dans l'ordre des pouvoirs constitutionnels du gouvernement,
cela ne me paraît pas pouvoir être mis en doute. La loi de germinal an XI, dont
on vous a déjà fait connaître quelques articles, règle dans son titre III les
obligations qui doivent exister entre les ouvriers et ceux qui les emploient.
D'après les articles 9, 10 et 11 de cette loi il est défendu au maître de
recevoir des ouvriers, sans que ces ouvriers soient munis de livrets. C'est
assez dire que le gouvernement est en droit, pour amener l'exécution de cette
loi, d'obliger les ouvriers à se munir de livrets ; n'est-ce pas, en effet,
pour amener cette exécution que le gouvernement a pris des mesures de police,
et des mesures réglementaires, et par une conséquence naturelle, a établi des
peines contre ceux qui négligeraient de se soumettre aux obligations établies par
l'arrêté.
Cet arrêté a ordonné
aux ouvriers de se présenter devant le bourgmestre de la commune et a ordonné à
ce fonctionnaire de leur délivrer un livret lorsqu'ils se trouvent dans les
termes voulus pour l'obtenir, et si l'ouvrier se présente chez un maître sans
être muni de cette pièce indispensable, l'arrêté de 1845 commine contre lui une
peine.
Cette peine prononcée
contre l'ouvrier est-elle illégale ? Car tout le raisonnement de
l'honorable membre consiste à nier la légalité de l'arrêté à cause de la
pénalité qu'il commine.
Messieurs, je dirai
que, selon moi, l'article 23 de l'arrêté de 1845 était inutile. L'arrêté
trouvait sa sanction dans la loi de 1818, abstraction faite de la mention qu'en
a faite l'article 23, de même que l'arrêté de 1840 trouve sa sanction dans la
loi de 1818, bien que cette loi n'y soit pas rappelée. Car les termes de la loi
de 1818 sont généraux. Lorsqu'une mesure d'administration publique est prise
sans qu'une pénalité soit créée, soit par l'arrêté lui-même, soit par une loi,
ce sont les dispositions de la loi de 1818 qui sont applicables.
Il me paraît donc
qu'à ce point de vue, il est impossible de contester la légalité de l'arrêté de
1845. Pour contester cette légalité, il faudrait établir que l'arrête de 1845 a
violé la loi de l'an XI au lieu d'en assurer l'exécution, et qu'ainsi les
nouvelles mesures décrétées sont contraires à l'esprit de cette loi ; je dis
contraires à l'esprit de la loi, car l'exécution d'une loi nécessite toujours
des mesures qui, sans ajouter à la loi, en assurent efficacement l'exécution.
Il me paraît donc
qu'envisagée comme je viens de le faire, la question de légalité ne peut
recevoir la solution que lui a donnée l'honorable M. Castiau.
Il est évident,
messieurs, que le gouvernement, en introduisant l'article 23 dans son arrêté,
n'a pu violer la loi, puisqu'il s'est borné à rappeler l'exécution de la loi de
1818
La solution que je
donne à cette question entraîne nécessairement aussi la solution de la seconde
difficultés qui a été soulevée par l'honorable M. Castiau, relativement à
l'ordre des juridictions. Car dès qu'il est reconnu que les peines comminées
par la loi de 1818 sont légalement applicables, il est, par une conséquence
rigoureuse, nécessaire d'admettre que ces peines doivent être prononcées par
les tribunaux correctionnels, les seuls qui puissent prononcer des peines
allant jusqu'à 14 jours de détention.
Mais, comme vient de
le faire observer M. le ministre des affaires étrangères, loin de troubler
l'ordre des juridictions, on l'a scrupuleusement conservé ; mon honorable
collègue vous a rappelé l'article 9 de l'arrêté, qui maintient d'une manière
complète la juridiction des prud'hommes, si éminemment utile, si éminemment
nécessaire en pareilles circonstances, et le cas échéant la juridiction des
juges de paix, quand il n'y a pas de conseils de prud'hommes dans les villes où
des contestations surgissent entre les ouvriers et les maîtres.
Messieurs, je ferai
de plus observer que la loi de germinal an XI contient des dispositions qu'il
était indispensable de mettre en rapport avec nos institutions actuelles.
L'article 19 porte :
« Toutes les affaires de simple police entre les ouvriers et apprentis, les
manufacturiers, fabricants et artisans, seront portées à Paris, devant le
préfet de police, devant les commissaires généraux de police dans les villes où
il y en a d'établis et, dans les autres lieux, devant le maire ou un des
adjoints. »
Il est évident,
messieurs, qu'aujourd'hui on ne peut plus porter devant les bourgmestres des
contestations judiciaires ; il fallait donc bien modifier cette disposition et
en la modifiant le gouvernement ne faisait que rendre la loi exécutable. Mais
les dispositions de la loi de germinal an XI vont beaucoup plus loin :
L'article 19 ajoute :
« § 2. Si l'affaire est du ressort des tribunaux de police correctionnelle ou
criminelle, ils pourront ordonner l'arrestation provisoire des prévenus et les
faire traduire devant le magistrat de sûreté, »
Ainsi la loi de
germinal avait déjà prévu la possibilité de traduire les ouvriers devant les
tribunaux correctionnels.
M. le ministre des
affaires étrangères me paraît donc s'être scrupuleusement conformé à la loi ;
il a poussé la précaution jusqu'à rappeler dans l'article 9 les juridictions
établies par la loi.
L'arrêté de 1845 n'est,
au reste, que la reproduction partielle de l'arrêté du 9 frimaire an XI. Or, il
était indispensable d'apporter à cet arrêté certaines modifications qu'exigeait
notre régime nouveau, et dès l'instant où des modifications y étaient
apportées, ces modifications trouvaient leur sanction pénale dans la loi de
1818, même dans le silence que l'auteur de cet arrêté aurait gardé sur cette
loi.
Ainsi, à moins de
denier formellement au gouvernement le droit de modifier en aucune espèce de
façon, l'arrêté du 9 frimaire an XII, pris en exécution de la loi de germinal,
on doit reconnaître que le gouvernement usait d'un droit constitutionnel en
invoquant, pour la disposition nouvelle, la sanction de la loi de 1808.
A l'occasion de la
critique de l'arrêté de 1845, l'honorable M. Castiau a attaqué quelques points
de nos lois civiles. Il a parlé notamment de l'article 1781 du Code civil, et
il a prétendu que cette disposition devait disparaître ; que dorénavant le
maître ne devrait plus être cru lorsqu'il s'agirait de la hauteur du salaire ou
des gages des ouvriers.
(page 442) Je n'entrerai pas, messieurs, dans une discussion
approfondie sur ce point. Je me permettrai seulement de faire remarquer que
lorsqu'il s'agit du salaire et des gages des domestiques et des ouvriers on ne
fait pas de contrat par écrit. Or il faut bien alors que quelqu'un soit cru sur
son affirmation ; et je crois qu'il n'entre dans l'esprit de personne de
vouloir modifier la disposition de telle sorte que ce soit à l'affirmation de
l'ouvrier et non plus à celle du maître que l'on ajoute foi et confiance ;
autrement je ne vois pas trop comment on pourrait modifier l'article cité par
l'honorable préopinant.
Les conseils de
prud'hommes, messieurs, comme vous le savez, sont déjà établis dans beaucoup de
villes ; des institutions récentes ont eu lieu, et des que les villes en font
la demande, le gouvernement se met en devoir d'y accéder. Dans les villes où
ils sont établis, ces conseils fonctionnent d'une manière très satisfaisante et
on n'a qu'à se louer des résultats obtenus.
Il
me reste un mot à répondre à l'honorable préopinant relativement au travail des
enfants dans les manufactures.
L'honorable membre
dit que, dans un discours du trône, on avait annoncé un projet de loi sur cette
matière. Je ne me rappelle pas, messieurs, dans quel discours du trône il a été
parlé de ce projet, mais je puis donner à l'honorable M. Castiau l'assurance
que l'enquête qu'il croit ne pas avoir eu lieu, a été faite avec le plus grand
soin et que dans ce moment les deux départements de la justice et de
l'intérieur examinent cette question avec toute l'attention qu'elle mérite.
L'enquête est extrêmement volumineuse ; elle a été confiée à des hommes au
talent et à l'habileté desquels l'honorable M. Castiau, j’en suis persuadé, est
prêt à rendre hommage.
M. Castiau. - J'ai reçu, avec
plaisir, l'assurance que vient de nous donner, en terminant, M. le ministre de
la justice. L'instruction du projet de loi relatif au travail des enfants dans
les manufactures, toucherait à son terme, et le projet ne tarderait pas à nous
être soumis. J'appelle de tous mes vœux l'accomplissement de cette promesse.
Elle n'a déjà subi que de trop longs retards. Il était d'autant plus permis de
s'en étonner que cette question, qu'on trouve si difficile au ministère de la
justice, a déjà été résolue dans les principaux pays qui nous environnent. Il
est vraiment par trop humiliant pour la Belgique de devoir se traîner sans
cesse à la queue de toutes les autres nations, quand il s'agit d'améliorations
populaires. Faut-il donc renoncer pour jamais, dans ce pays, à toute pensée
d'initiative et de progrès ?
La mesure que nous
examinons, et à laquelle je reviens, ne nous prouve que trop, qu'au lieu
d'améliorer la législation, le gouvernement ne pense guère qu'à en aggraver les
dispositions. Aussi M. le ministre des affaires étrangères a-t-il voulu
habilement déplacer la question de la légalité de l'arrêté royal du 10 novembre
1845, et la remplacer par l'examen même de l'institution des livrets. Je ne
puis le suivre, en ce moment, sur ce terrain. Je n'ai pas à me prononcer ici
sur cette question de l'utilité des livrets. J'ai seulement déclaré et je
répète que, pour qu'une pareille institution fût vraiment utile, il faudrait
que de nouvelles garanties fussent stipulées dans l'intérêt des classes
ouvrières ; sous le régime actuel, et aussi longtemps qu'existeront tous les
privilèges conférés aux maîtres par nos lois et nos arrêtés, si le maître est
de mauvaise foi, l'ouvrier est complétement livré à sa merci ; il s'adresserait
vainement aux tribunaux pour obtenir justice. Je crois l'avoir prouvé dans les
premières observations que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. Il est donc inutile
d'y revenir.
Mais que ferez-vous ?
me dit M. le ministre de la justice ; voulez-vous donc renverser les
dispositions de la loi et transporter aux ouvriers le privilège de l'article
1781 du code civil que vous voulez enlever aux maîtres ? Je ne sais ce qui
autorise M. le ministre à me prêter une pensée aussi absurde, quand je venais
réclamer ici la déchéance des privilèges et l'égalité de toutes les classes de
la société devant la loi. Non, je ne veux pas abandonner aux ouvriers le
privilège que je conteste aux chefs d'industrie. Je demande pour eux tous la
réciprocité des droits et des devoirs. Si l'on avait adopté l'idée la plus
naturelle et la plus juste ; si, au lieu de déposer le livret dans les mains du
maître, on l'avait fait tenir en double pour le laisser également à l'ouvrier,
il eût été facile, dans ce cas, de constater d'une manière régulière et légale
les engagements réciproques sur les salaires et les avances, sans être obligé
de conserver au maître le privilège exorbitant d'en être cru sur son
affirmation quand il comparaît en justice. Mais je laisse ces considérations
accessoires pour me renfermer dans l'examen de la question spéciale que j'avais
soulevée, celle de la légalité des mesures pénales prononcées par l'arrêté
royal du 10 novembre.
M. le ministre,
comptant justifier son initiative en cette occurrence, vous a lu l'article 13
de la loi de germinal an XI ; mais cette lecture est précisément la
condamnation la plus formelle de l'abus de pouvoir qu'il a commis. Cet article
trace les limites que le gouvernement devait respecter. Il pouvait prendre des
mesures concernant la forme des livrets, leur délivrance, leur tenue et leur
renouvellement, mais il ne pouvait aller au-delà. Il ne pouvait surtout changer
la sanction et la pénalité que la loi elle-même avait établies. C'est cette
transformation qui constitue toute l'illégalité que j'ai dénoncée.
C'est à la loi de
1818 qu'on en appelle. La loi du 3 mars 1818, me disent mes deux honorables
adversaires, les ministres des allai' res étrangères et de la justice, nous
autorisait, dans ce cas, à prononcer des pénalités spéciales. Je pourrais ici
rappeler à mes adversaires que des doutes très graves ont été exprimés devant
les tribunaux sur l'exécution de cette loi de 1818, sous l'empire de nos nouvelles
institutions. La jurisprudence, si je ne me trompe, a hésité au moment de se
prononcer sur cette question, et pourquoi ? C'est que les formalités imposées
par la loi de 1818 ne peuvent plus être remplies en ce moment. Sous l'empire de
cette loi, le pouvoir exécutif pouvait sans doute prononcer des pénalités
d'amendes et d'emprisonnement, mais à quelle condition ? A la condition que les
mesures seraient préalablement soumises à l'avis du conseil d'Etat. Cet avis
était obligatoire. Cette formalité substantielle ne peut plus être remplie
aujourd'hui. Dès lors on peut avec quelque fondement soutenir l'opinion que si
le gouvernement peut prendre des mesures pour l'exécution des lois, il ne peut
plus se prévaloir de la disposition de la loi de 1818 pour établir des
pénalités.
Je l'admets,
toutefois, ce droit d'établir des dispositions pénales, mais avec les réserves
stipulées formellement dans l'article premier de la loi de 1818. Ces réserves
formelles, c'est qu'il n'y ait pas ici de pénalités prononcées par la loi
elle-même ; c'est, en un mot, que la loi n'ait pas elle-même stipulé la
sanction qui devait en assurer l'exécution.
Ici reparaît donc
dans toute sa force l'argumentation que j'ai eu l'honneur de vous soumettre et
que mes honorables contradicteurs n'ont pas détruite. J'ai dit que la loi de
germinal, sur les livrets, avait elle-même stipulé quelle serait sa sanction et
quelle serait la pénalité pour les contraventions à des dispositions.
Il me suffit,
messieurs, pour établir ce point décisif, de mettre sous vos yeux les
dispositions des articles 10, 11 et 12 de cette loi :
« Art. 10. Le maître
ne pourra, sous peine de dommages-intérêts, retenir l'apprenti au-delà de son
temps, ni lui refuser un congé d'acquit, quand il aura rempli ses engagements.
« Les
dommages-intérêts seront au moins du triple du prix des journées depuis la fin
de l'apprentissage.
« Art. 11. Nul
individu employant des ouvriers ne pourra recevoir un apprenti sans congé
d'acquit, sous peine de dommages-intérêts envers son maître.
« Art. 12. Nul ne
pourra, sous les mêmes peines, recevoir un ouvrier s'il n'est porteur d'un
livret portant le certificat d'acquit de ses engagements délivré par celui de
chez qu'il sort. »
Cette lecture
tranche, ce me semble, le débat.
En présence de
déclarations aussi précises et aussi énergiques, que deviennent les
commentaires passablement subtils qu'on m’oppose ? N'est-il pas vrai, à
l'évidence, que la loi de germinal avait elle-même réglé sa sanction, qui ne
pouvait être modifiée ? N'est-il pas vrai qu'en changeant cette sanction et en
bouleversant la pénalité de cette loi, le gouvernement l'a violée et qu'il a
violé en même temps la loi de 1818 qui, encore une fois, ne l'autorisait à user
du pouvoir répressif que dans le cas où la loi elle-même n'aurait pas déterminé
la garantie de sa sanction et la pénalité pour les infractions à ses
dispositions.
M. le ministre de la
justice, pour justifier cette illégalité, s'est réfugié derrière le précédent
posé en 1840, à l'occasion des livrets des mineurs. J'avais d'avance pressenti
cette objection, et j'y avais répondu, ce me semble, en déclarant, qu'en 1840,
au lieu de changer la sanction et la pénalité de la loi, on s'était
scrupuleusement renfermé dans les limites de la loi sur les mines. En
voulez-vous la preuve ? Voici l'article 13 de l'arrêté royal du 10 décembre
1840 :
« Les contraventions
aux dispositions ci-dessus seront poursuivies et jugées, conformément au titre
X de la loi du 21 avril 1810. »
C'est cet article
qu'on aurait dû reproduire dans l'arrêté du 10 novembre 1845, et c'est cet
exemple que j'aurais voulu voir suivre en cette circonstance par le
gouvernement. Ce qu'il devait faire, c'était de s’en référer pour les pénalités
à la loi organique des livrets, celle de germinal an XI.
Cette pénalité était
insuffisante, a dit M. le ministre des affaires étrangères. Mais, est-ce donc à
lui qu'il appartient de décider cette question ? Qui donc a le droit de se
prononcer sur le caractère des pénalités et de les aggraver en cas
d'insuffisance ? Le pouvoir législatif, et le pouvoir législatif seul, ce me
semble. A toutes les violations de la légalité, se joint donc ici une violation
de la Constitution elle-même ; car c'est la Constitution qui a déterminé les
attributions de chacun des pouvoirs et qui a déposé dans nos mains le pouvoir
législatif. Le laisserez-vous enlever, messieurs, et consentirez-vous que cette
atteinte à vos prérogatives reste impunie et entraîne à sa suite de nouvelles
usurpations et de nouvelles illégalités ?
J'ai donc le droit de
maintenir toutes mes observations. Je répète que la loi de germinal an XI a été
violée dans son esprit et dans son texte ; je répète qu'on a modifié la
sanction de cette loi et la pénalité qu'elle déterminait ; je répète qu'on a
violé et bouleversé en même temps l'ordre des juridictions ; je répète que le
résultat de ce changement, c'est de faire retomber illégalement sur les classes
ouvrières des pénalités d'amende, d'emprisonnement et de contrainte par corps,
tellement sévères et tellement odieuses, qu'elles ne méritent que trop
l'appellation de mesures draconiennes, que je leur ai donnée dans mes premières
observations.
Un mot encore avant
de terminer. MM. les ministres se sont joints aux éloges que j'avais adressés à
l'institution des prud'hommes. Ils reconnaissent tous les services que cette
institution est appelée à rendre. Mais alors pourquoi la laisser dans l'état
d'impuissance dans lequel elle se débat ? Pourquoi ne pas en faire une
institution d'ordre public ? Pourquoi ne pas la rendre obligatoire et générale,
en se hâtant de l'introduire dans toutes nos villes manufacturières ?
Sous l'influence de
la loi actuelle, cette institution est frappée d'impuissance et menacée de
mort. En laissant les conseils communaux maîtres de l'utiliser et en mettant en
même temps à leur charge les frais qu'elle entraîne, c'est, je l'ai dit déjà,
les engager à repousser d'avance une institution qu'il faudrait étendre sur le
pays tout entier.
Qu'est-il résulté de
ce vice radical de notre législation ? C'est que la plupart de nos villes
manufacturières ont repoussé cette institution. Je ne pense (page 443) pas même qu'il existe un
conseil de prud'hommes à Gand, à Liège, à Verviers, dans nos principaux centres
d'industrie enfin. N'est-ce pas là un spectacle déplorable ?
Il est, je le sais,
une honorable exception à cette indifférence presque générale pour la plus
utile des institutions ; cette exception, c'est la petite ville de Roulers qui
nous l'a donnée. Je l'en félicite de tout mon cœur ; j'applaudis de toutes mes
forces à ce bon exemple ; mais sera-t-il suivi par toutes nos autres localités
industrielles ?
J'en
doute, car pour cela il faudrait, dans l'état actuel des choses, une sorte de
dévouement de la part des conseils communaux qui consentiraient spontanément à
accepter la charge de cette institution. Et ce n'est pas sur le dévouement des
hommes que nous devons compter pour amener le développement, et la perpétuité
des institutions utiles que nous avons la prétention de fonder.
C'est donc à la loi à
intervenir, avec sa toute puissance, pour assurer les destinées des conseils
des prud'hommes. Cette institution prend chaque jour un nouveau degré
d'importance et d'utilité ; seule, peut-être, elle parviendrait à prévenir les
conflits si graves et st alarmants qu'on voit éclater aux époques de malaise
entre les chefs d'industrie et les classes ouvrières.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, l'honorable membre ne conteste pas la
légalité de l'arrêté de 1845, abstraction faite de l'article 23 ; il reconnaît
que toutes les autres dispositions sont à l'abri du reproche d'illégalité qu'il
n'adresse, je le répète, qu'à l'art. 23. Eh bien, messieurs, je trouve dans ce
grief ainsi restreint la justification complète de l'article 23 lui-même.
L'arrêté de 1845 est
une mesure d'administration générale prise pour assurer l'exécution de la loi.
Pour faire considérer cet arrête comme illégal, il faudrait attaquer les
mesures qu'il prescrit pour assurer l'exécution de la loi, et c'est ce que
l'honorable M. Castiau n'a point fait ; il a seulement attaqué les pénalités
que commine cet arrêté et qui ne sont que la conséquence des mesures dont je
viens de parler.
Maintenant
l'honorable M. Castiau demande s'il est permis au gouvernement d'établir des
pénalités alors que la loi de germinal an XI en établissait déjà elle-même. Je
n'hésite pas à déclarer que la où la loi a établi des pénalités, un arrêté ne
peut pas en établir d'autres pour les mêmes infractions.
Mais je prie
l'honorable M. Castiau de m'indiquer dans la loi de germinal une disposition
qui commine une peine contre les ouvriers qui ne sont pas munis d'un livret. Il
n'y a aucune peine relative à cet objet.
M. Castiau. - Lisez l'article
12.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - L'article 12 de la loi porte :
« Nul ne pourra, sous
les mêmes peines, recevoir un ouvrier, s'il n'est porteur d’un livret portant
le certificat d'acquit de ses engagements délivre par celui de chez qui il
sort. »
Je ferai observer
d'abord que le mot peine est ici un mot impropre parce que les
dommages-intérêts ne sont pas une peine. Du reste, j'abandonne cet argument, et
je veux bien admettre que les dommages-intérêts sont une peine ; je demande à
l'honorable M. Castiau qui m'a rappelé l'article 12, je lui demande, à mon
tour, s'il trouve dans l'article 12 une peine contre l'ouvrier. Or, du moment
qu'aucune peine n'était comminée contre l'ouvrier non muni de livret, alors que
le gouvernement avait la faculté d'obliger un ouvrier a en prendre un, et d'en
déterminer les formes, il est évident que l'ouvrier est passible de la peine
établie par la loi de 1818, même abstraction faite de l'article 23, s'il ne se.
conforme pas à cette injonction.
Je ne conçois pas
comment on pourrait trouver dans l'article 12 la répression d'un fait qui n'a
été établi comme délit que par l'arrêté de 1845 ; en ce qui concerne les
ouvriers, les tribunaux et les maîtres étaient désarmés sous l'empire de la loi
de germinal an XI : on établissait bien pour le maître la défense de recevoir
l'ouvrier lorsqu'il n'était pas muni
d'un livret ; mais l'ouvrier pouvait se présenter non muni d'un livret, sans
qu'il y eût une peine comminée contre lui. Or, c'est pour combler cette lacune
que l'arrêté de 1845 a été porté.
L'honorable M.
Castiau ne m'a pas compris, lorsque j'ai parle de l'arrêté de 1840 ; je n'ai
pas dit que l'arrête de 1840 rappelait à la loi de 1818, mais j'ai dit que
l'arrêté de 1840, malgré le silence qu'il conserve sur la loi de 1818, trouvait
sa sanction dans cette loi. Il y a dans l'arrêté de 1840 des faits qui ne sont
pas prévus par la loi de 1810 sur les mines, et ces faits trouvent leur
sanction dans la loi de 1818. Du moment qu'une mesure d'administration générale
ne trouve pas sa sanction spéciale dans une loi ou dans l'arrêté même, on a
droit d'invoquer la disposition de la loi de 1818.
L'honorable
M. Castiau m'a dit que j'avais reconnu moi-même que le gouvernement avait
trouble l'ordre des juridictions.
Selon l’honorable
membre, aux termes de la loi de germinal an XI, c'étaient les juges de paix qui
devaient connaître des difficultés relatives à cette matière ; non, messieurs,
d’après l'article 19, ce n'étaient pas les juges de paix qui devaient connaître
de ces difficultés, c'étaient les commissaires généraux de police ou les mains
et adjoints dans les villes où il n'y avait pas de semblables fonctionnaires.
Or, il n'est pas possible, sous l'empire de nos institutions actuelles, de
laisser un semblable pouvoir aux bourgmestres, la Constitution mettant tous les
pouvoirs, quant aux affaires contentieuses, entre les mains de l'autorité
judiciaire.
M. Dumortier. - Messieurs, la question
qui a été soulevée par mon honorable collègue et ami, M. Castiau, est d'une
très haute gravité. Dans l'arrêté qui vous a été dénoncé, messieurs, on a
constitué en délit l'absence d'un livret chez les ouvriers. D'un autre côté,
les peines comminées contre les ouvriers qui se rendent coupables de ce nouveau
délit, passent toutes les bornes de la modération. Comment ! un ouvrier, pour
n'être pas muni d'un livret, sera condamné à une amende de 200 francs ou à
l'emprisonnement ! Mais, qu'on y réfléchisse donc, condamner l'ouvrier à
une amende de 200 francs, c'est le condamner à l’emprisonnement perpétuel. Où
est l'ouvrier qui trouvera 200 francs pour payer l'amende ? Je dis que cette
disposition est immorale, inhumaine, et que la peine est tout à fait hors de
proportion avec le délit.
D'un autre côté, on
traduit en police correctionnelle les ouvriers qui n'auront pas de livret.
Mais, de grâce, qu'on réfléchisse encore une fois à ce qui va arriver :
autrefois, l'ouvrier qui n'avait pas de livret, était traduit devant le maire ;
mais maintenait vous allez le forcer à aller à une distance de quinze lieues
peut-être ; mais pendant son absence, que feront sa femme et ses enfants ?
Il n'y a, je le
répète, aucune espèce de proportion entre le fait de l'absence d'un livret chez
l'ouvrier et les pénalités qui sont comminées par l'arrêté royal, et les
mesures qu'on prend pour l'exécution de ces peines.
II est un point qui
m'a vivement frappé, lorsque l'arrêté a paru : le dernier article de l'arrêté
porte que la mesure sera mise à exécution au plus tard le 1er mars 1846.
Vous vous le rappelez
tous, messieurs, lorsque l'arrêté de 1840, relatif aux ouvriers mineurs, a
paru, le gouvernement provincial du Hainaut a eu, les plus grandes peines du
monde pour mettre cet arrêté à exécution ; vous
savez qu'on a dû aller jusqu'au point d'envoyer de l'artillerie dans le
Borinage.
J'espère bien que le
nouvel arrêté n'amènera pas de pareilles conséquences. Mais quand doit-on mettre
à exécution l'arrêté de 1845 qui concerne tous les ouvriers de la Belgique ? Au
1er mars, prochain, c'est-à-dire, à une époque où les ouvriers seront dans la
plus grande détresse, au point de vue de leur nourriture ; on va donc
compliquer cette situation grave par une difficulté nouvelle ! C'est la plus
grande maladresse que le gouvernement pût commettre. Comment ! dans un moment
où les ouvriers seront portés par la misère à commettre des actions
répréhensibles et punissables, vous allez leur donner un nouveau motif de
mécontentement ? C'est une faute extrêmement blâmable.
Je
ne puis assez blâmer ce défaut de discernement qui ajoute inutilement de
nouvelles difficultés aux difficultés déjà si grandes de la situation, il est
vivement à désirer que le gouvernement porte un remède à cet état de choses, et
qu'il retarde de plusieurs mois l'exécution de son arrêté.
Quant aux pénalités,
je pense, avec mon honorable ami, M. Castiau, qu'elles sont monstrueuses dans
l'espèce, qu'elles ne sont nullement en relation avec le fait qu'on veut
atteindre. Je ne sais pas d'ailleurs comment on peut considérer comme délit, le
fait que l'ouvrier n'est pas muni d'un livret. Et l'on punit ce fait d'une
amende de 200 fr. ou d'un emprisonnement ! Cela est réellement monstrueux.
D'ailleurs, l'exécution de l'arrêté sera une source d'embarras pour le
gouvernement ; du reste, il l'a cherchée, et il en subira les conséquences.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Messieurs, je n'ai qu'un mot à répondre à
l'honorable M. Dumortier, qui trouve que les peines sont exorbitantes, et qu'on
a mal choisi le moment pour faire exécuter le nouvel arrêté.
Messieurs, si
l'arrêté de 1845 n'avait pas été pris, nous resterions sons l'empire de
l'arrêté du 9 frimaire an XII. Or, voici les pénalités établies par cet arrêté.
« Art.5.
Indépendamment de l'exécution de la loi sur les passeports, l'ouvrier sera tenu
de faire viser son dernier congé par le maire ou son adjoint, et de faire
indiquer le lieu où il se propose de se rendre.
« Tout ouvrier
qui voyagerait sans être muni d'un livret ainsi visé sera réputé vagabond, et
pourra être arrêté et puni comme tel. »
Ainsi, tout ouvrier
qui sera trouvé hors de son domicile, sans être muni de son livret peut, en vertu de cet arrêté, être arrêté
provisoirement comme vagabond et puni comme tel...
M. Dumortier. - S'il reste chez lui !
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - S'il reste chez lui et qu'il ne travaille pas, il
n'aura pas besoin de livret.
Quoi qu'il en soit,
il y avait dans l'arrêté de frimaire an XII cette disposition qu'on peut
effectivement considérer comme exorbitante, et qui consisterait à regarder
comme vagabond l'ouvrier qui, ayant même un livret, aurait été dans une autre
localité, sans être muni de ce livret. Je ne comprends pas comment on peut
qualifier de draconienne une mesure substituée à un arrêté qui contenait une
disposition aussi sévère.
M. Verhaegen. - Messieurs, je n'ai à présenter qu'une seule
observation ; elle vous prouvera, je crois, que mon honorable ami M. Castiau
avait raison, lorsqu'il disait que l'arrête dénoncé était illégal.
M. le ministre de la
justice s'est borné, en réponse à l'objection de l'honorable M. Castiau à dire
que la loi de l'an XI n'a pas comminé de peine contre l'ouvrier et qu'ainsi le
gouvernement, en prenant une mesure d'intérêt général pour assurer l'exécution
de la loi, a pu établir une peine, soit une amende, soit un emprisonnement,
dans les limites de la loi de 1818.
Mais, messieurs,
avant de parler de peine à prononcer contre l'ouvrier, il s'agit d'examiner
tout d'abord si d'après la loi de l'an XI, le fait de ne pas être muni d'un livret
est considéré dans le chef de l'ouvrier comme un délit ou une contravention.
Or, M. le ministre de
la justice, en répondant à M. Castiau, a démontré que la loi de l'an XI s'est
uniquement occupée des maîtres, qu'il les a déclarés passibles de dommages-intérêts
s'ils acceptent des ouvriers non munis de, livret et que, quant aux ouvriers
mêmes, il a gardé le silence ; donc le gouvernement en imputant aux ouvriers
certains faits à délit ou à contravention (page
444) qui ne leur étaient pas imputés comme tels par la loi dont il prétend
assurer l'exécution, a substitué sa volonté à celle du législateur et, poussé
l'illégalité jusqu'à punir un fait que la loi n'avait pas puni. C'est bien là
un système tout à fait nouveau créé par arrêté avec des peines et une
juridiction toutes spéciales.
En
deux mots, dans le système de la loi de l'an XI, c'est au maître seul que s'est
adressé le législateur : il lui a fait défense de recevoir aucun ouvrier non
muni d'un livret, sous peine de dommages-intérêts ; quant à l'ouvrier lui-même,
il ne s'en est pas occupé et il ne devait pas s'en occuper, car celui-là sera
suffisamment puni par le défaut de travail, par le refus des maîtres de
l'accepter. Ainsi, encore une fois, le gouvernement, en incriminant par son
arrêté le fait de l'ouvrier non incriminé par la loi, en comminant contre ce
fait des peines et en établissant, pour en faire l'application, une juridiction
spéciale, a commis une illégalité, je dirai même une inconstitutionnalité ;
aussi, comme l'a fort bien dit mon honorable ami M. Castiau, les tribunaux
refuseront d'appliquer cet arrêté inconstitutionnel et illégal, car l’article
106 de la Constitution leur en fait un devoir impérieux.
M. de Roo. - Messieurs, comme
nous avons besoin de débouchés pour celles de nos industries qui sont le plus
en souffrance, notamment celle des toiles, je demanderai quelques
renseignements à M. le ministre des affaires étrangères. Je ne parierai pas de
la convention avec la France ; j'espère que M. le ministre aura su écarter le
désastreux amendement de Lespaul et l'interprétation qui détruisait l'économie
de la convention, et introduire une disposition favorable relativement à
l'ancienne industrie qui est de nature à faire le moins d'ombrage à la France.
Je parlerai de la
convention avec l'Espagne. Il y a quatre ans que nous avons voté la convention
avec l'Espagne ; elle n'a pas encore été ratifiée. Le tarif espagnol contient
la plus grande injustice à noire égard, car il se perçoit sur des évaluations
doubles de la valeur réelle de nos fabricats.
Je ne citerai qu'un
exemple relativement à nos toiles à carreaux, que j'emprunterai à un auteur
espagnol. Le droit sur ces toiles, en Espagne, est de 25 p. c. Sur une
évaluation arbitraire de tarif espagnol, qui porte la valeur sur nos toiles à
carreaux à 1,406 réaux de vellon par quintal d'Espagne ou 46 kil., donc par
quintal, 266 réaux.
A ajouter un tiers
pour l'importation par pavillon belge, 122 réaux
Ensemble, 488 réaux.
A ajouter encore un
tiers de droit de consommation, 162 réaux
Plus, 6 p. c. pour
droit d'octroi, 50 réaux
Pour établir la
valeur du quintal, il faut prendre 200 vares d'Espagne ou 245 mètres de nos
tissus, valant 664 réaux, prix de fabrique.
C'est ainsi que l'a établi
don Ramonde la Sagra, dans son rapport au ministère espagnol, sur l'exposition
belge de 1841.
Il résulte évidemment
de ces faits que, sur une valeur de fabrique de 664 réaux ou 176 fr. 28 c,
l'Espagne perçoit un droit de 690 réaux ou 186 fr. 28 c, soit 104 p. c. environ
de la valeur.
L'Espagne laisse
ainsi subsister ces hauts droits et la Belgique reste dupe de ses droits
minimes, établis sur les provenances d'Espagne.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - L'honorable
membre sait que le traité qu'on a appelé le traité Olozaga n'a pas encore été
ratifié par les cortès espagnoles. Les circonstances politiques dans lesquelles
le gouvernement espagnol s'est trouvé placé expliquent la non ratification de
ce traité, malgré les instances du gouvernement belge pour obtenir qu'il fût
ratifié.
Je ne sais si le
gouvernement a encore intérêt à demander la ratification du traité Olozaga, car
dans cette convention la réduction de droit stipulée est basée sur les chiffres
du tarif actuel qui sont excessivement élevés, eu égard à la manière d'évaluer
les objets sur lesquels ils portent. Chacun sait que le gouvernement espagnol
est sur le point de modifier essentiellement son tarif de douane. Il eût fallu
substituer une base nouvelle à l'application des droits dans la convention pour
que les réductions fussent proportionnelles aux chiffres du nouveau tarif.
Le gouvernement
n'ignore pas l'importance qu'il y a pour l'industrie linière à reconquérir le
marché espagnol, il ne néglige aucun effort pour y parvenir. Notre envoyé à
Madrid a repris les négociations qui du reste n'ont jamais été interrompues ;
elles seront poursuivies avec toute la vigueur nécessaire et en rapport avec
l'intérêt que nous avons à rétablir nos relations commerciales avec l'Espagne.
M. de Haerne. - Je crois aussi
que ce n'est pas le cas d'insister sur la ratification de la convention Olozaga
; car comme vient de le dire M. le ministre des affaires étrangères, les
évaluations sur lesquelles repose cette convention sont exagérées ; elles le
sont même d'une manière exorbitante, au point que les valeurs de nos produits
sont portées au triple, ce qui fait que souvent le droit équivaut à 75 p. c,
comme l'a dit l'honorable M. de Roo. Je pense donc qu'en demandant la
ratification du traité Olozaga, nous nous mettrions dans des conditions plus
mauvaises que celles où se trouveront les nations nos rivales en industrie
linière, quand l'Espagne adoptera un nouveau tarif, tarif dont ou s'occupe
peut-être en ce moment.
Je saisirai cette
occasion pour recommander à M. le ministre de donner des instructions, pour
qu'après l'adoption d'un tarif générai plus modéré que le tarif actuel, on
puisse au moyen d'un traité obtenir les faveurs auxquelles nous pouvons
prétendre en faisant de notre côte certaines concessions. De cette manière,
nous pourrions avoir une faveur différentielle à l'égard d'autres nations.
Nous pourrions ainsi
arriver non seulement sur le marché de l'Espagne, mais encore sur celui plus
considérable de Cuba.
Puisque j'ai la
parole, j'adresserai une autre demande à M. le ministre des affaires
étrangères.
A
la session précédente, plusieurs pétitions ont été adressées à la chambre pour
demander une élévation de droits sur les fils de soie retors pour la couture et
la passementerie. Je crois que les pétitionnaires qui appartiennent à la ville
d'Anvers et à celle de Courtrai étaient dans leur droit. En effet, toute
industrie a droit à une protection équitable quand la protection est admise en
principe ; on ne peut pas abandonner une industrie qui fait de grands efforts
pour soutenir la concurrence avec l'étranger. La protection que demande
l'industrie dont il s'agit n'est pas exagérée, elle est telle que peu
d'industries s'en contenteraient, elle se réduit à 6 p.c. de la valeur. Comme
vous voyez, elle est aussi modérée que possible.
Je demanderai à M. le
ministre des affaires étrangères s'il pourra bientôt donner suite à la demande
de cette industrie sur laquelle, à plusieurs reprises, un rapport favorable a
été fait par la commission des pétitions.
M.
le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Cette question
viendra en son temps quand il s'agira de convertir en loi l'arrêté du 14
juillet. La chambre verra s'il faut étendre à d'autres objets la protection
donnée aux articles compris dans cet arrêté.
La question soulevée
par l'honorable M. de Haerne concerne nos relations avec la France, l'Allemagne
et la Suisse.
C'est assez dire
qu'elle doit être traitée avec circonspection.
M. de Haerne. - Je sais que
l'objet dont je viens de parler concerne nos relations avec la France,
l'Allemagne et la Suisse. Mais je ferai remarquer que les pétitionnaires ont
consenti à ce qu'une exception fût faite en faveur de la France et du
Zollverein, à cause des relations que nous avons avec ces pays. Pour les autres
Etats, comme il s'agit d'un droit minime de 6 p. c, je crois qu'il n'y a pas de
raisons à faire valoir ; sans cela nous serions dans l'impossibilité de
protéger notre industrie contre la concurrence étrangère. L'exception à l'égard
de la France et de l'Allemagne, puisque les pétitionnaires eux-mêmes la
demandent, on peut l'admettre ; mais de ce que cet article nous vient de France
et d'Allemagne, ce n'est pas une raison pour ne pas protéger notre industrie
contre la concurrence des autres pays qui le fabriquent aussi et avec lesquels
nous avons peu de relations commerciales.
M. Eloy de Burdinne. - Puisqu'il s'agit
de douanes, je ferai une observation qui se rattache à cette matière.
Nous sommes en
progrès relativement aux primes que nous accordons à la pêche nationale. Le
chiffre est augmenté de 5,000 fr. Je vois par les développements du budget
qu'on pêche plus aujourd'hui qu'autrefois. La somme affectée aux primes a dû
être augmentée.
Je demanderai à M. le
ministre s'il n'y aurait pas moyen d'encourager la pêche nationale autrement
que par des subsides ; car si nous adoptons le système des primes pour
encourager l'industrie, il n'y a pas de raison pour ne pas en accorder à toutes
les autres industries ; nous sommes en droit de vous en demander.
Ne pourrions-nous
pas, en établissant des droits plus élevés sur le poisson étranger, donner à
notre pêche une protection telle qu'elle ne trouverait plus sur notre marché la
concurrence du poisson étranger ?
En
jetant les yeux sur le tarif des douanes, on voit que le poisson frais étranger
de mer ne paye que 10 francs. Le tarif français frappe le poisson frais étranger
d'un droit de 40 francs par navire français et d'un droit de 44 francs par
navire étranger, soit taux moyen 42 francs. Au lieu de ce droit que l'on paye
en France, en Belgique on paye seulement : pour la morue 25 francs ; pour le
hareng 12 francs 50 centimes, et pour le stockvish 32 centimes. En élevant le
droit au même taux qu'en France, on favoriserait nos pêcheurs sans grever le
trésor, qui est alimenté par les contribuables. C'est un moyen de faire tourner
le droit au profil de la généralité et de le mettre à la charge de l'étranger,
du consommateur. Ce qui, selon moi, est infiniment plus juste que de faire
payer des impôts, dans le but d'abaisser le prix des produits au profil du
consommateur. J'appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères
sur ces observations.
Nous ne devons pas
avoir deux poids et deux mesures. Si nous accordons des primes à la pêche, nous
devons en accorder à toutes les autres industries. Toutes les industries doivent
être sœurs. Il est injuste d'accorder à l'une et de ne pas accorder à l'autre.
M. Desmet. - L'article dont a parlé tout à l'heure l'honorable
M. de Haerne est le fil de soie. Je suppose qu'il s'agit du fil tors, et non du
fil simple ; car le fil simple est pour nous une matière première depuis que le
tissage de la soie se fait dans le pays.
Puisque l'on s'occupe
des modifications à apporter au tarif actuel, je demande que l'on ait égard aux
réclamations des tisserands en soie, relatives à cet article.
A
cette occasion, je rappellerai que la commission d'industrie avait propose des
modifications au tarif, qui sont restées dans les cartons parce que l'honorable
prédécesseur de M. le ministre des affaires étrangères a déclaré qu'il
s'occupait d'un travail général. Mais je ferai remarquer que les propositions
émanées du gouvernement ne comprennent pas d'augmentation de droits sur les
pianos et sur les houblons, augmentation nécessaire et qui a été proposée par
la commission d'industrie.
M. Donny. - L'honorable M.
Eloy de Burdinne propose un système tout nouveau. Il voudrait supprimer les
primes accordées à la pêche nationale, et, en compensation de cette
suppression, il voudrait que l'on établît des droits très élevés, équivalant à
des droits prohibitifs, sur l'importation (page
445) du poisson étranger. Mais l'abolition des primes serait une mesure
fort imprudente, qui compromettrait le sort de la pêche nationale. Cela doit
paraître évident à tous ceux qui connaissent les mesures que l'on prend dans
les autres pays pour protéger la pêche. En France, il y a un droit prohibitif,
un droit de 40 fr. comme l'a dit l'honorable membre. Néanmoins, malgré cette
prohibition, malgré l'immense étendue du marché de la France, ce pays est
obligé, pour maintenir sa pêche nationale, de lui accorder des primes.
En
Hollande, où il y a, non pas des droits élevés, mais prohibition complète du
poisson de mer étranger, il y a encore des primes.
En Angleterre, il y a
également des prohibitions et des primes.
Il y en a partout où
l'on veut posséder une pèche nationale. La raison en est fort simple. La pêche
est une industrie aléatoire. Les armateurs sont soumis à des frais certains,
inévitables, tandis que le produit de la pêche est incertain : souvent même, il
y a perte pour eux.
Si le gouvernement
cessait d'accorder des primes à cette industrie, elle cesserait d'exister ; car
on ne trouverait plus d'armateurs.
M. de Roo.- En réponse à ce
qu'a dit l'honorable ministre des affaires étrangères, je dois faire remarquer
que la convention faite avec l'Espagne comprend un article qui nous assure le
traitement des nations les plus favorisées. Si donc les droits ont été abaissés
au profit de l'une ou l'autre puissance, ce n'est pas un motif pour ne pas
ratifier la convention. Au contraire ; car la même faveur nous est acquise de
plein droit, aux termes de cette convention.
M. Mast de Vries. - La pêche
nationale se trouve protégée en Belgique par un droit de 12 p. c.
Indépendamment de cela, elle reçoit des primes.
L'honorable
M. Eloy de Burdinne voudrait que l'on augmentât le droit à l'entrée du poisson
étranger. Mais depuis que nous avons fait la loi sur la pêche (je regrette
beaucoup que nous ayons porté cette loi, à l'élaboration de laquelle, j'en
conviens, j'ai pris part en qualité de rapporteur), partout on se plaint de la
rareté du poisson. Dans toutes les localités on se plaint de ce que le poisson,
par suite de sa rareté, est inaccessible non seulement pour le pauvre, mais
encore pour la classe moyenne.
Lorsque toutes les
denrées alimentaires sont à des prix aussi élevés, est-il nécessaire
d'augmenter, par une élévation de droits, le prix du poisson ? Je regrette que
toutes les propositions que fait l'honorable M. Eloy de Burdinne concernent les
subsistances.
Remarquez d'ailleurs
qu'à la différence de la Hollande et de l'Angleterre qui prohibent le poisson
étranger, le poisson est un objet de nécessité dans notre pays où tous
professent la religion catholique. Ainsi, au lieu d'augmenter le droit, il
serait à désirer qu'd fût diminué.
M. Rodenbach. - Depuis qu'un accorde des primes à la pêche
nationale et qu'on a augmenté le droit sur le poisson étranger, la pêche est
devenue plus prospère. Mais l'honorable préopinant vient de
dire que le poisson est extrêmement cher, et qu'il faudrait diminuer les droits
d'entrée. Je ne le pense pas. En effet, il nous vient encore beaucoup de
poisson de l'étranger. La Hollande en introduit annuellement pour 750,000 fr.
La cherté du poisson ne provient pas de là. Ce sont les impôts locaux qui
augmentent considérablement le prix du poisson. Ainsi, à Bruxelles le poisson de
mer frais paye un droit de 15 p. c. à la valeur, indépendamment du droit de
minque, qui est assez élevé, et qui rapporte annuellement à la ville de
Bruxelles 20,500 fr. C'est là qu'est le mal. Il en est de même pour beaucoup de
comestibles ; par exemple, pour la viande, qui se vend à la campagne 40 c. le
demi-kilog., et dont le prix s'élève à Bruxelles jusqu’à 63 c, par suite de
l'élévation excessive des droits d'octroi.
Je recommande
d'autant plus ces objets à l'attention du gouvernement, qu'il n'a pas encore
approuvé le budget de la ville de Bruxelles, qui comprend les droits dont je
viens de parler.
M. Donny. - L'honorable M.
Mast de Vries a bien tort de regretter la part qu'il a prise à la législation
sur la pêche, et d'attribuer à cette législation la rareté du poisson. Avant
l'état actuel des choses, il y avait tantôt rareté, tantôt abondance de
poisson. Aujourd'hui, il y a également tantôt rareté, tantôt abondance. Cela
est si vrai que l'honorable membre aura vu, il y a peu de jours encore, qu'il
nous est arrivé tout d'un coup de très fortes quantités de poisson frais, au
point que le schelvisch s'est vendu à vil prix.
D'où vient,
messieurs, ce double état de choses, la rareté du poisson avant la loi dont on
se plaint, l'abondance depuis cette loi ? Il vient de la nature même de la
pêche. Le poisson est abondant et en Belgique et en Hollande et en France,
lorsque le temps est favorable à la pêche. Le poisson est rare chez nos voisins
comme chez nous, lorsque le temps est défavorable. La loi n'y fait absolument
rien, et ce qui le prouve, c'est que, comme vous l'a fait remarquer l'honorable
M. Rodenbach, malgré le droit de 12 francs par 100 kil., il est entré beaucoup
de poisson frais en Belgique, et il continue encore à en arriver tous les
jours.
Quant au prix, il est
certain, et je suis prêt à en administrer la preuve quand on le voudra, qu'il y
a une différence immense entre le prix que les pêcheurs retirent du produit de
leur pêche et le prix que paye le consommateur,
Cela provient de ce
que les droits de ville sont trop élevés et de ce que les marchands de poissons
s'entendent pour se créer un monopole et font payer aux consommateurs
considérablement plus que ce qu'ils payent eux-mêmes.
Du reste, messieurs,
je crois que le moment de discuter la question n'est rien moins qu'opportun et
je me bornerai à ces courtes observations.
M. Osy. ( pour une motion
d'ordre ). - Messieurs, je crois qu'il serait convenable de ne pas continuer la
discussion qu'a soulevée l'honorable M. Eloy de Burdinne. Vous savez que dans
ce moment un gouvernement voisin réclame contre votre tarif. Dès lors vous
sentez que M. le ministre des affaires étrangères ne peut prendre la parole
dans cette circonstance. Nous aurons d'ailleurs à nous occuper bientôt des
modifications proposées au tarif des douanes, c'est alors que nous pourrons
discuter utilement cette grave question.
Je propose donc à la
chambre de clore la discussion sur la pêche nationale.
M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je
n'ai pas demandé que M. le ministre des affaires étrangères répondît
immédiatement à mon interpellation. J'ai seulement voulu soumettre à la chambre
une idée que je crois autant dans l'intérêt des pêcheurs que des consommateurs,
et surtout dans l'intérêt des contribuables.
- La motion de M. Osy
est mise aux voix et adoptée.
Personne ne demandant
plus la parole dans la discussion générale du chapitre VI, cette discussion est
close.
Articles 1 à 7
« Art. 1er.
Ecoles de navigation : fr. 16,000. »
- Adopté.
« Art. 2.
Chambres de commerce : fr. 12,000. »
- Adopté.
« Art. 3. Frais
divers et encouragements au commerce : fr, 23,000. »
- Adopté.
« Art. 4.
Encouragements pour la navigation à vapeur, ainsi que pour la navigation à
voiles : fr. 115,000. »
- Adopté.
« Art. 5. Primes
pour la construction de navires : fr. 35,000. »
- Adopté.
« Art. 7. Pêche
nationale : fr. 100,000. »
- Adopté.
Article unique
« Article
unique. Missions extraordinaires, traitements d'agents politiques et
consulaires en inactivité, et dépenses imprévues : fr. 40,000. »
- Adopté.
M. Mast de Vries. - Messieurs, avant
que nous passions au vote sur l'ensemble du budget, j'ai une observation à
faire.
Il
y a deux ans, l'honorable M. Nothomb, ayant alors le commerce dans ses
attributions, a fait distribuer aux membres de la chambre un tarif comparé
comprenant, outre le tarif belge, le tarif prussien, le tarif français et, je
crois, le tarif américain. Ce document est de la plus haute importance et de la
plus grande utilité pour les membres de la chambre, et surtout pour les
personnes qui s'occupent des affaires commerciales. Mais vous sentez que cette
importance et cette utilité viennent aujourd'hui à disparaître parce que des
modifications ont été apportées tant au tarif belge qu'aux tarifs étrangers.
Je
demanderai donc à M. le ministre des affaires étrangères, s'il ne serait pas
possible que le gouvernement publiât tous les ans un feuillet sur lequel se
trouveraient les modifications qu'ont subies les tarifs pendant l'année. De
cette manière le document dont j'ai parlé, conserverait toute son importance,
et la somme considérable qu'il a coûté, ne serait pas perdue.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je crois effectivement que, pour
que ce document conserve toute son utilité, il faudrait publier tous les ans
les modifications apportées aux tarifs.
M. Rogier. - Il était convenu
qu'il en serait ainsi.
Second vote des articles et vote sur les dispositions légales et sur
l’ensemble du projet
M. le président. - Deux amendements ont été apportés au premier vote.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je m'y rallie.
M. le président. - En ce cas la chambre entend-elle passer
immédiatement au vote définitif ? (Oui !
oui !)
- Les amendements
apportés à l'article 2 du chapitre premier et à l'article 9 du chapitre II,
sont définitivement adoptés.
La chambre passe à la
discussion du projet de loi :
« Art. 1er. Le budget
du département des affaires étrangères, pour l'exercice 1846, est fixé à la
somme de 1,324,300 fr., conformément au tableau ci-annexé. »
« Art. 2. La présente
loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
Personne ne demandant
la parole, ces deux articles sont adoptés.
Il est procédé au
vote par appel nominal sur l'ensemble du budget.
65 membres répondent
à l'appel nominal.
61 votent l'adoption.
4 votent le rejet.
En conséquence, le
budget est adopté. Il sera transmis au sénat.
Ont voté l'adoption :
MM. Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vanden Eynde,
Vandensteen, Verhaegen, Verwilghen, Veydt, Vilain XIIII, Zoude, Biebuyck,
Brabant, Clep, d'Anethan, David, de Bonne, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de
Foere, de Garcia de la Vega, de Haerne, d'Elhoungne, de Man d'Attenrode, de
Meer de Moorsel, de Mérode, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmet,
de Terbecq, de Theux, Donny, Dubus ainé, Dubus (Bernard), Dumont, Dumortier,
Fleussu, Goblet, Henot, Huveners, Kervyn, Lange, Lejeune, Lesoinne, Liedts, (page 446) Loos, Lys, Manilius, Mast do
Vries, Mercier, Orban, Orts, Osy, Pirmez et Rodenbach.
Ont voté le rejet :
MM. Castiau, Delehaye, Delfosse et de Tornaco.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. de Tornaco fait le rapport sur
les pétitions suivantes : « Quelques habitants de Stevoort demandent que la
recette des contributions directes et accises qui se trouve dans cette commune
ne soit pas supprimée. »
Ordre du jour.
- Adopté.
________________
M. de Tornaco, rapporteur. - « Le sieur
Wauters demande que l'exploitation de la cantine à la salle d'attente à Malines
soit mise en adjudication. »
Renvoi à M. le
ministre des travaux publics.
- Adopté.
________________
M. de Tornaco, rapporteur. - « Le sieur
Bricoux offre de faire connaître au gouvernement le moyen d'empêcher les
waggons de sortir des rails, si la chambre veut exempter son fils Charles du
service militaire. »
Ordre du jour.
- Adopté.
M. de Tornaco, rapporteur. - « Le sieur
Marchand demande que l'église à construire à Bauffe soit bâtie à l'emplacement
de l'ancienne église ou sur un terrain communal. »
- Renvoi à M. le
ministre de la justice.
Plusieurs membres. - L'ordre du jour.
D’autres membres. - L'église est
bâtie.
M. Dumortier. - Je ne pense pas,
messieurs, qu'on puisse renvoyer cette pétition à M. le ministre de la justice.
Il est à ma connaissance que l'église de Bauffe a été construite principalement
à l'aide des sommes dues à la générosité d'un honorable membre de cette
chambre, estimé de tous. D'ailleurs la chambre n'est pas un bureau destiné à
transmettre des pétitions aux ministres.
M. de Tornaco,
rapporteur. - Je ne m'oppose pas à ce que la chambre passe à l'ordre du jour,
mais je dois dire que la commission ignorait ce qui s'est passé. Cette pétition
était déjà très ancienne lorsque j'ai été chargé de faire le rapport.
- L'ordre du jour est
mis aux voix et adopté.
________________
M. de Tornaco, rapporteur. - « Le sieur
Perroux, pâtissier-traiteur à Bouillon, né à Châteaudun (France), demande
d'être dispensé du droit d'enregistrement auquel sera soumise sa naturalisation
ordinaire. »
Renvoi à M. le
ministre des finances.
- Adopté.
La séance est levée à
4 heures et 1/4.