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Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 19 janvier 1846
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre
2) Projets de concernant
des délimitations de communes
3) Projet de loi portant le
budget du département de la marine pour l’exercice 1846 (Osy)
4) Projet de loi réglant la
publication officielle du tarif des droits d’entrée, de sortie et de transit
5) Projet de loi portant le
budget du département des affaires étrangères pour l’exercice 1846. (A :
traitements des agents consulaires (essentiellement à Cologne et/ou à
Valparaiso) ; B : établissement de Santo-Thomas) (A, commissaires
d’arrondissement (Osy), personnel administratif (Dechamps, Van de Weyer), B (Sigart), réplique générale (Dechamps),
A (Osy, Dumortier, Dechamps), B, A (Veydt), A (David, Jonet, Dechamps),
B (Sigart, de Mérode, Manilius, Sigart, de Mérode), B, A (Verhaegen))
6) Fixation de l’ordre des
travaux de la chambre. Loi sur la comptabilité
de l’Etat et sur l’organisation de la cour
des comptes ; loi sur le conseil d’Etat (de Theux),
loi sur la chasse (Van de Weyer) ; délimitations
communales (Simons), loi sur la milice (Dupont, Castiau), budget de l’Etat,
loi sur la milice, naturalisations (Dumortier) ;
budget de l’Etat, loi sur la chasse, loi sur la milice (de Man
d’Attenrode) ; rapports de pétitions (Rodenbach),
(Verhaegen)
(Annales
parlementaires de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M.
Liedts.)
(page 429) M.
Huveners fait l'appel nominal à 2 heures.
M. de Man d’Attenrode lit le procès-verbal
de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Huveners présente l'analyse des pétitions adressées à la
chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Les membres du
conseil communal de Braine-Lalleud demandent la réforme postale basée sur la
taxe uniforme de dix centimes. »
- Renvoi à la commission
des pétitions avec demande d'un prompt rapport.
_________________
« Plusieurs membres
du conseil communal de Wagnelée demandent que le gouvernement fasse réparer la
chaussée romaine qui traverse le chemin de fer près de la station de Lutte. »
- Renvoi à la section
centrale chargée de l'examen du budget du département des travaux publics.
________________
« Le sieur Wittebols,
militaire pensionné, demande une augmentation de pension. »
- Renvoi à la
commission des pétitions.
PROJETS DE LOI CONCERNANT DES DELIMITATIONS DE COMMUNES
M. Orban (au nom d'une
commission spéciale) dépose sept rapports sur autant de projets de loi
concernant des délimitations de communes.
- Ces rapports seront
imprimés et distribués. La chambre fixera ultérieurement le jour de la
discussion.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DE LA MARINE POUR
L’EXERCICE 1846
M. Osy (au nom d'une
section centrale) dépose le rapport sur le budget de la marine.
- Ce rapport sera
imprimé et distribué. La chambre le met à l'ordre du jour de la séance de
mercredi prochain.
PROJET DE LOI REGLANT LA PUBLICATION OFFICIELLE DU TARIF DES DROITS
D’ENTREE, DE SORTIE ET DE TRANSIT
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps) présente un projet de loi destiné à régler la
publication officielle du tarif des droits d'entrée, de sortie et de transit.
- Ce rapport sera
imprimé et distribué.
La chambre en ordonne
le renvoi aux sections.
Discussion des articles
La chambre est
arrivée au chapitre III.
Chapitre III. Administration centrale
Article unique
« Article unique.
Traitements des agents consulaires et indemnités à quelques agents
non-rétribués : fr. 113,000 »
En vertu d'une
décision précédente de la chambre, ce chiffre se trouve réduit d'une somme de
7,000 francs, qui a été transférée au chapitre II ; d'un autre côté, la section
centrale, de commun accord avec le gouvernement, propose une augmentation de
9,000 francs ; ce qui, défalcation faite des 7,000 francs, transférés ailleurs,
porte définitivement à 115,000 francs le chiffre du chapitre III.
M. Osy, rapporteur. - M. le ministre
des affaires étrangères avait demandé un crédit de 113,000 fr., réduit
aujourd'hui à 106,000 fr., par suite du transfert d'une somme de 7,000 fr. au
chap. IL La section centrale n'a pas pu adhérer entièrement à la demande de M.
le ministre. Elle propose de maintenir le chiffre primitif de 110,000 fr. comme
charge ordinaire, et d'allouer comme charge extraordinaire l'augmentation de
3,000 fr. demandée pour les consulats ; la section centrale propose d'y joindre
la somme de 9,000 fr., laquelle est l'objet de la demande que M. le ministre a
faite subsidiairement, à l'effet de pouvoir établir un consulat à Cologne. II
en résulterait donc une charge extraordinaire de 12,000 fr., ce qui, avec les
106,000 fr. (charge ordinaire), fait le total de 115,000 fr. qu'on vient
d'indiquer.
M. le ministre a
démontré à la section centrale la nécessité de créer à Cologne un consulat
général, à l'établissement duquel la section centrale a donné son adhésion. La
Prusse vient d’établir à Anvers un consul général qui est même indépendant de
l'ambassade prussienne à Bruxelles ; la section centrale a cru nécessaire qu'il
y ait également un consul belge à Cologne, pour surveiller toutes les affaires
que nous pouvons avoir avec le Zollverein.
Les trois autres
mille francs doivent servir à augmenter le traitement du consul qui ira de
Syngapore à New-York, où le ministre prétend que la vie est plus chère.
Voilà les
observations de la section centrale. Maintenant je vais en faire une en mon nom
personnel.
Depuis
que la section centrale s'est occupée de la demande de la création d'un consul
à Cologne, j'ai appris que M. le ministre comptait donner cette place à un
militaire qui a été, pendant quelques années, aide-de camp d'un de nos
ministres à Berlin. Ce serait donc un nouveau militaire plénipotentiaire qui
entrerait dans le corps diplomatique. C'est réellement décourager les membres
de ce corps. J'ai donné mon assentiment à la création d'un consulat à Cologne ;
mais je déclare que si M. le ministre ne me donne pas des explications
satisfaisantes sur le fait auquel je viens de faire allusion, je voterai contre
le chiffre. Je sais bien que nous n'avons pas à nous immiscer dans les
nominations ; mais nous avons le droit de refuser les subsides, si le gouvernement
ne marche pas dans la voie que nous lui indiquons. Que chacun reste dans sa
spécialité ; pourquoi enlever au département de la guerre des militaires, pour
les faire entrer d'emblée dans le corps diplomatique ? Le même abus existe pour
les emplois administratifs. Il n'y a pas, je pense, depuis 15 ans, d'exemple
d'un commissaire d'arrondissement devenu gouverneur. Toutes les places de
gouverneur sont donnés à des hommes politiques, et l'on peut dire que chaque
commissaire d'arrondissement a son bâton de maréchal dans sa position actuelle.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, avant de répondre à l'honorable
M. Osy, et d'aborder plus directement la discussion sur le chapitre des
consulats, la chambre me permettra de revenir un moment sur un incident de la
dernière séance.
Il m'est revenu que
quelques membres de la chambre avaient mal compris la portée et l'intention de
quelques paroles qui avaient été prononcées, particulièrement par mon honorable
collègue M. le ministre de l'intérieur, dans cette séance. Mon collègue, en
cherchant à établir la nécessité d'un cabinet au département des affaires
étrangères, n'a certainement pas voulu que ces paroles de bienveillance, toute
personnelle pour moi, eussent la moindre caractère désobligeant, et encore
moins injuste à l'égard des fonctionnaires supérieurs de mon département,
fonctionnaires dont il a pu apprécier depuis longtemps, mieux que personne,
l'intelligence, l'activité et le zèle. Il n'a pu vouloir dire, pas plus que
moi-même, que le travail du cabinet eût pour objet de suppléer parfois à
l'insuffisance du travail des directeurs. En effet, chacun sait que tout
travail de quelque importance est préparé et complété par les directions et par
le secrétariat général, sous l'inspiration et la surveillance du ministre.
Comme tous mes prédécesseurs, je travaille directement avec le secrétaire
général et les directeurs ; et je dois ajouter que les liens de complète
confiance qui existent entre eux et moi, sont d'une nature telle que je serais
désolé que la moindre fausse impression pût exister à cet égard.
Messieurs,
je puis ajouter que les fonctionnaires de haut mérite qui dirigent les bureaux
au département des affaires étrangères, ont assez fait leurs preuves, et dans
les difficiles négociations qui, avant 1839, ont existé entre la Belgique et la
conférence de Londres, et dans les négociations non moins difficiles qui,
depuis 1839, ont été poursuivies avec la France, l'Allemagne, la Hollande et
d'autres puissances ; ont assez fait leurs preuves, dis-je, pour n'avoir pas
besoin de mes éloges que ratifieraient tous mes prédécesseurs. Le travail,
depuis que je suis à la tête du département des affaires étrangères, bien loin
d'avoir diminué, a augmenté par l'adjonction d'une division de commerce et par
l'extension donnée à la division des consulats, et puis encore à cause des
négociations que les circonstances ont amenées à la fois avec la France, les
Pays-Bas et les Etats-Unis, négociations dont les difficultés vous sont
connues.
Je demande pardon à
la chambre de l'avoir arrêtée un moment sur cet incident ; mais j'avais besoin
de donner ces explications, plutôt pour mon honorable collègue et pour moi que
pour les fonctionnaires de mon département qui n'ont certes besoin d'aucune
justification,.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - Je demanderai à la chambre la permission
d'ajouter un mot, Je suis heureux que la vive sollicitude que les membres de la
chambre montrent pour les fonctionnaires de l'Etat, me fournisse l'occasion de
rendre ici hommage au talent éprouvé de tous les directeurs du ministère des
affaires étrangères, parmi lesquels je compte d'anciens amis ; on n'a pu
sérieusement donner à mes paroles l'interprétation sur laquelle M. le ministre
des affaires étrangères vient de s'expliquer. La Belgique (et j'ai pu le
constater personnellement) la Belgique a eu le bonheur d'avoir au département
des affaires étrangères, dans les circonstances les plus difficiles, des hommes
éminemment capables, pour défendre nos intérêts, et pour préparer les pièces
qui ont été considérées par la diplomatie européenne comme des modèles, tant
pour le fond que pour la forme.
M. Sigart. - Parmi les consuls
rétribués sur les fonds du présent chapitre se trouve notre consul à Guatemala.
C'est même un de ceux qui ont reçu la somme la plus forte. Je trouve dans les
documents déposés sur le bureau qu'en 1844, par exemple, il a reçu
sur le chapitre III,
Traitements, fr. 8,541 68 c.
sur le chap. V,
voyage de Guatemala à Santo-Thomas, fr. 2,596 82 c.
sur le chap. VI, voyage de Guatemala à Santo-Thomas, fr. 6,455
41 c.
Un
si joli total de fr. 17,593 94 c. m'autorisera bien, j'espère, à demander à M.
le ministre des affaires étrangères s'il est disposé à tenir les promesses de
ses prédécesseurs relativement à la colonie de Guatemala. L'an dernier, on nous
a promis, à différentes reprises, un rapport sur la situation de la colonie.
Jusqu'ici nous ! n'avons rien reçu.
J'ai une autre
demande à faire.
Au commencement de
l'année 1845, 300 colons avaient perdu la vie. (Interruption.) M. le ministre me paraît faire un mouvement de
dénégation. (page 430) Eh
bien ! j'ai ici l’état-civil de la colonie, je le ferai imprimer. Ces
colons ont laissé un assez grand nombre d'orphelins. Ces malheureux, à leur
heure dernière, tournaient les yeux vers leur patrie ; leur dernier vœu fut que
leurs enfants au moins pussent la revoir ; qu'ils fussent arrachés à une terre
de pestilence. Ce vœu, recueilli par les hauts fonctionnaires de la colonie, je
viens le porter à cette tribune. Je demande au gouvernement comment il veut
l'accueillir ; je lui demande si, après avoir contribué à la mort des pères, il
ne sauvera pas au moins les enfants ?
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, j'ai d'abord à répondre quelques
mots à une demande qui m'a été adressée par l'honorable M. Osy. M. le
rapporteur de la section centrale n'a pas combattu les demandes d'allocations
que le gouvernement vous a faites pour compléter le traitement du consul
général de New-York et la création d'un consulat à Cologne, seulement la
section centrale a proposé à la chambre de porter ce chiffre dans la colonne
des dépenses extraordinaires ; mais l'honorable membre a soulevé une question
personnelle, il a demandé s'il était vrai que le gouvernement eût l'intention
de nommer consul à Cologne, non pas un membre du corps diplomatique, mais un
membre de l'armée, un militaire.
Je dois d'abord
déclarer qu'avant que la chambre n'eût sanctionné la demande d'allocation faite
par le gouvernement, le gouvernement n'avait pas à se décider sur le choix
qu'il aurait à faire. Evidemment, il ne pouvait pas arrêter ce choix avant de
savoir quel accueil serait fait à sa demande d'allocation. Ainsi, le
gouvernement n'a pas fixé son choix relativement au futur consul de Cologne.
Si, comme je le pense, la somme demandée est allouée, il examinera les titres
et la capacité de chacun et il ne sera guidé dans son choix que par l'intérêt
général.
Cependant, je dois
faire la remarque que le membre auquel M. Osy a fait allusion, s'il a appartenu
à l'armée, fait actuellement partie du corps diplomatique régulièrement. Il
avait rempli des fonctions diplomatiques près de diverses cours antérieurement
à sa nomination. II a été nommé par mon prédécesseur ; il fait partie du corps
diplomatique avec le rang qui lui est assigné. Ainsi, si le choix du
gouvernement tombait sur celui auquel l'honorable membre a fait allusion, il ne
concernerait pas quelqu'un qui fût en dehors du corps diplomatique. Mais le
gouvernement n'a encore fait aucun choix définitif pour ce poste.
L'honorable M.
Sigart, à propos du chiffre du consulat de Guatemala, a demandé si le
gouvernement était disposé à remplir la promesse faite à la chambre par mon
prédécesseur, en remettant un rapport circonstancié sur toute la question de
Guatemala et de Santo-Thomas. Le gouvernement, afin d'éclairer complétement le
pays sur les faits peu connus jusqu'à présent relativement à la colonisation de
Santo-Thomas, non seulement a demandé des rapports circonstanciés au consul de
Guatemala, mais a envoyé le consul général du Mexique à Santo-Thomas pour
s'enquérir sur les lieux de tous les faits relatifs à l'état sanitaire de la
colonie, à la salubrité du climat et aux questions commerciales ou autres qui
pourraient s'y rattacher.
Le gouvernement a
reçu quelques rapports tout préparatoires de M. Blondeel, mais le rapport
général dont le gouvernement l'a chargé n'est pas encore parvenu au ministère,
il nous est promis dans un délai très rapproché. Lorsque ce document essentiel
me sera parvenu, j'aurai soin de recueillir les renseignements qui peuvent
éclairer la chambre, et je lui présenterai un rapport détaillé sur cette
question difficile.
Je puis dire
cependant que, d'après les rapports qui nous sont parvenus, l'état sanitaire de
la colonie est très satisfaisant ; on n'a constaté, dans les derniers mois, que
quelques cas de mortalité parmi les vieillards et les enfants ; l'état
sanitaire a été très satisfaisant pendant la saison la plus dangereuse. Ainsi
la chambre et le gouvernement peuvent être sans inquiétude sur la situation
actuelle, et ne pas partager la crainte de l'honorable. M. Sigart.
Je dois repousser
complétement la phrase par laquelle il a terminé son discours, quand il a dit
que le gouvernement devait prendre soin des orphelins après avoir causé la mort
des pères. Le gouvernement n'a pas causé la mort des pères ; on devrait s'abstenir
de pareilles inculpations. Mon intention n'est pas de renouveler la discussion
de l'année dernière, la responsabilité ne pourrait d'ailleurs pas tomber sur le
ministère tel qu'il est composé maintenant ; je ne la renouvellerai donc pas à
moins que la chambre ne m'y convie ; elle serait inutile, ce me semble, dans
les circonstances actuelles. Je veux seulement repousser le mot un peu dur et
peu juste dont l'honorable membre s'est servi.
Le gouvernement à
l'œil ouvert, il s'occupe de s'entourer de renseignements complets ; quand ces
renseignements seront réunis, il en saisira la chambre par un rapport qu'il
déposera sur le bureau. La chambre ayant les pièces sous les yeux pourra
soulever la discussion qu'elle croira convenable dans l'intérêt du pays. En
attendant, il connaît et saura remplir les devoirs de prévoyance et d'humanité
qui lui sont imposés.
M. Osy. - L'honorable
ministre des affaires étrangères vient de dire que j'ai soulevé une question
personnelle. Messieurs, j'ai soulevé une question de principe et non une
question de personne. Ce que j'ai dit, c'est que je désirais que les emplois du
corps diplomatique ne soient pas remplis par d'autres personnes que les membres
de ce corps.
La mémoire de
l'honorable ministre des affaires étrangères l'a mal servi dans cette
circonstance, car c'est dans la section centrale qu'il nous a fait connaître la
personne qu'il se proposait de nommer consul à Cologne. J'ai pris des
renseignements sur cette personne ; j'ai appris que c'était un militaire, un
aide de camp qui a accompagné dans une mission diplomatique le général auquel
il était attaché, en continuant à recevoir son traitement sur le budget de la
guerre et non sur celui des affairés étrangères, de manière qu'il n'était pas
membre du corps diplomatique. Ce n'est qu'après deux ans qu'il a été nommé
secrétaire d'ambassade. Les jeunes gens attachés à la légation, blessés par ce
passe-droit, se sont éloignés et ne sont pas revenus à Berlin. Vous voyez que
c'est une question de principe que j'ai soulevée en demandant que les postes
diplomatiques soient donnés à des membres du corps et non à des étrangers.
M.
le ministre n'a pas répondu au rapport de la section centrale. Nous avons
demandé que la place de consul à Valparaiso fût supprimée dans le courant de
1846, parce que, sans cela, elle nous entraînerait l'année prochaine dans des
dépenses plus considérables. Ce n'est que de cette manière que nous pourrons
revenir au chiffre normal de 110 mille francs.
M. Dumortier. - Depuis plusieurs
années, à chaque discussion du budget des affaires étrangères, j’appelle
l'attention de la chambre sur le consulat de Valparaiso, qui est pour nous de
la plus grande inutilité. En effet, nous n'avons pas plus d'un ou deux navires
par année qui visitent ces parages et il est des années où le pavillon belge ne
s'y montre pas du tout. Je demande quelle est pour nous la nécessité
d'entretenir dans le Chili un consul qui nous coûte 25 à 30 mille francs !
Le gouvernement devrait être plus économe des deniers publics, et en faire un
emploi plus utile, plus efficace. Il est beaucoup de localités où l'on devrait
avoir des consuls, mais je pense qu'il est complétement inutile d'avoir un
agent commercial dans un pays avec lequel nous n'avons aucune relation
d'affaires et nous n'en aurons pas de longtemps. Les pays où nous avons intérêt
à avoir des agents commerciaux, sont ceux avec lesquels nous avons des
relations commerciales, les pays situés sur la côte orientale de l'Amérique ;
vers ces contrées-là, nous pouvons faire trois voyages par an, tandis que nous
n'en pourrions faire qu'un vers les contrées de la côte occidentale ;
entretenir ici à grands frais des agents c'est, pardon de la trivialité de
l'expression, jeter l'argent par les fenêtres, c'est de la plus complète
inutilité, c'est une dilapidation.
Je demande qu'on
supprime le consulat général de Valparaiso ; qu'on donne un emploi plus utile à
la personne investie de ces fonctions.
Un honorable membre a
soulevé une autre question dont plusieurs fois j'ai entretenu la chambre, je
veux parler de l'introduction des militaires dans le corps diplomatique.
Je sais qu'il est
souvent nécessaire qu'on envoie des hommes politiques à l'étranger. Je ne
partage pas l'opinion que quelques honorables membres ont émise à cet égard ;
je pense que le pays ne peut pas être mieux représenté à l'étranger, que par
des hommes qui connaissent ses intérêts, qui ont géré ses affaires à
l'intérieur.
Mais aussi si
l'intérêt du pays exige qu'on envoie, pour le représenter à l'étranger, des
hommes qui se sont formés au maniement des grandes affaires, il n'exige pas
qu'on envoie des officiers de grade inférieur, il faut laisser à chaque
carrière ses avantages. L'armée, nous lui portons le plus grand intérêt, nous l'avons
prouvé à la dernière session en votant tout ce qui lui était nécessaire. Quand
on a un budget de 28 millions, c'est bien assez ; on peut bien s'en contenter
sans vouloir encore envahir les autres carrières. Si un grade dans l'armée
était donné à une personne qui y fût étrangère, il y aurait un tollé général.
Quand des officiers
veulent entrer dans le corps diplomatique, le gouvernement devrait leur dire :
Vous avez adopté une carrière, suivez-la. Mais quand ces messieurs entrent dans
la diplomatie, ils conservent leur rang dans l'armée, leurs droits à
l'avancement en même temps qu'ils enlèvent des places, des avancements
légitimes à ceux qui se sont livrés exclusivement à la carrière diplomatique.
Remarquez, messieurs,
que les postes sont trop peu considérables dans la diplomatie : il n'y a que
six secrétaires d'ambassade, il n'y a qu'un très petit nombre de chargés
d'affaires. Cette carrière offre très peu d'avancement ; elle est excessivement
limitée ; faut-il la restreindre encore en y introduisit les officiers ? Car
c'est un cumul qu'on leur accorde. Quand un officier s'est trouvé pendant
quelques années attaché à un général et que ce général, recevant une mission,
désire garder près de lui son aide de camp, la mission terminée, l'aide de camp
doit reprendre sa place dans l'armée, et rentrez dans la carrière à laquelle il
s'était destiné.
Il serait même
beaucoup mieux, lorsque le gouvernement envoie un général pour remplir de
hautes fonctions diplomatiques, de lui donner pour secrétaire un membre du
corps diplomatique.
Si vous ne faites pas
du corps diplomatique une carrière avec des chances d'avancement, vous n'aurez
dans ces fonctions que le rebut des autres carrières, et ce sera un grand
malheur ; car le corps diplomatique a une grande influence sur les destinées du
pays.
Je tiens à ce que le
corps diplomatique soit fortement constitué ; il n'y a pour cela qu'un moyen,
c'est d'assurer une carrière à ceux qui en font partie. Je reconnais que
certaines fonctions diplomatiques élevées ne doivent pas être comprises dans
les chances de l'avancement, attendu qu'il y a souvent avantage à ce qu'elles
soient remplies par des personnes qui ont occupé de hautes fonctions
politiques. Mais à part cela, on doit profiter des vacatures pour donner de
l'avancement aux membres du corps diplomatique.
Il y a d'ailleurs des
règles dont on ne doit pas se départir. Un arrêté royal prescrit des examens
pour le grade de secrétaire de légation. J'ai l'honneur de faire partie de la
commission d'examen. Je ne sache pas que jamais un membre de l'armée se soit
présenté devant cette commission. Je ne comprendrais pas que l'on eût nommé
secrétaire de légation une personne qui n'aurait pas passé des examens ; ce
serait une violation d’un arrêté royal. Pourquoi donc un officier serait-il
dispensé des examens auxquels sont astreints tous les membres du corps
diplomatique ? Ce serait un abus ; il ne faut pas avoir deux poids et deux
mesures ; la loi doit être la même pour tous.
(page 431) J'insiste sur l'opinion émise par l'honorable M. Osy. Je
demande que, lorsque des officiers, alléchés par les charmes des fonctions
diplomatiques, se destinent à cette carrière, le gouvernement leur dise :
Entrez, si vous le voulez, dans la diplomatie ; mais alors vous devez donner
votre démission d'officier. Il est impossible, comme on dit trivialement, de
manger à deux râteliers. Il faut être l'un ou l'autre : militaire ou diplomate.
Il est absurde que l'on cumule des fonctions militaires et diplomatiques.
On a parlé de l'institution
d'un consulat à Cologne. Pour moi, je ne sais dans quel but on aurait dans
cette ville un consul rétribué. Les fondions consulaires sont des fonctions de
port de mer, des fonctions maritimes. Le gouvernement a intérêt à avoir des
agents dans les ports de mer étrangers, afin de résoudre les difficultés qui
peuvent se présenter, lorsqu'il arrive un navire belge. Mais nos navires
n'arrivent pas à Cologne. Je ne pense pas qu'on ait jamais songé à embarquer
nos navires par chemin de fer d'Anvers à Cologne. Un agent consulaire rétribué
n'est donc pas nécessaire dans cette ville. Si vous croyez qu'un agent puisse
être utile, nommez un consul non rétribué ; déléguez un négociant ; il n'en
manquera pas qui, pour avoir l'honneur de représenter la Belgique, consentent à
transmettre fidèlement tous les renseignements qui peuvent offrir de l'intérêt
à notre commerce.
Lors de la réunion à
la Hollande, le pays avait une marine dix fois plus forte qu'elle n'est
maintenant. Il n'avait pourtant que trois consuls rétribués ; c'était chez les
puissances barbaresques. Cependant le gouvernement hollandais faisait tout ce
qu'il était possible de faire dans l'intérêt de la marine. Jamais il n'a eu la
pensée de nommer un consul rétribué dans l'intérieur des terres. Si vous
admettez cette nécessité pour Cologne, pourquoi n'aurions-nous pas aussi des
consuls rétribués à Paris, à La Haye, à Francfort, enfin dans toutes les villes
de commerce de l'intérieur ?
On a parlé de notre
consul général au Mexique. Quant à moi, je crois que les pays avec lesquels
nous pouvons établir les relations les plus fructueuses sont le Mexique et le
Brésil, parce que ce sont des pays immensément riches, consommant une énorme
quantité de produits européens, n’ayant aucun produit similaire à nos fabricats,
enfin parce que ce sont les contrées transatlantiques les plus rapprochées de
nous, et avec lesquelles il nous est le plus facile d'établir des relations.
En général les
nations américaines n'ont guère de sympathie ni pour l'Angleterre, ni pour la France,
grandes puissances maritimes qu'elles considèrent comme menaçantes pour elles.
Toutes leurs sympathies sont pour les petites nations comme la Belgique. Il
faut que le gouvernement tire parti de cette position pour faire avec le Brésil
et le Mexique des traités extrêmement utiles.
Nous avons un traité
de commerce qui a été fait avec le Mexique, par M. le baron Norman, ministre
plénipotentiaire à Mexico. Je ne sais pourquoi ce traité n'a pas été discuté.
Il est très désirable qu'un traité assure les relations commerciales entre les
deux pays.
Il vaut mieux avoir
des agents bien rétribués à Rio et à Mexico qu'à Valparaiso où nous ne ferons
jamais aucune espèce d'affaires.
La France et
l'Angleterre font un commerce immense avec ces contrées où nous envoyons à
peine quelque chose. Ce sont les plus grands débouchés de la France et de
l'Angleterre dans les pays d'outre-mer. Cherchons à nous ouvrir ces débouchés.
La Belgique, surtout
dans les circonstances actuelles, a besoin de grands débouches pour les produits
de son industrie. Nous avions de bonnes relations avec la France ; nous ne
savons où elles en sont. M. le ministre des affaires étrangères a donné à
entendre que le traité était terminé ; d'autre part, je viens de lire dans un
journal de France qu'il n'est pas fait. Nous ne savons donc où en est cette
affaire.
D'un
autre côté, nous avons une guerre de tarifs avec la Hollande. La chambre, j'en
suis certain, n'oubliera pas ce qu'en de telles circonstances elle doit à la
dignité nationale ; elle ne reculera pas devant les mesures qui ont été prises
; elle fera tout ce qui sera nécessaire. Il n'en est pas moins vrai que nos
relations sont compromises avec la Hollande, et qu'elles ne sont pas assurées
avec la France.
En présence de
pareils faits, on comprend combien il importe que le gouvernement assure nos
relations avec les pays d'outre-mer et notamment avec le Mexique et le Brésil.
J'appelle, sur ces deux missions l'attention spéciale du gouvernement.
Quant au consulat de
Valparaiso, il doit être supprimé. Les fonds que l'on consacre à cette dépense
seront plus utilement employés à rétribuer des agents consulaires à Rio et à
Mexico.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). - Je partage en général les opinions émises par
les honorables MM. Osy et Dumortier, relativement à l'avenir qu'il faut laisser
à la carrière diplomatique. Je suis complétement d'avis, comme eux, qu'il faut
faire de cette carrière une carrière sérieuse en lui ouvrant toutes les chances
d'avancement sans lesquelles cette carrière serait fermée aux hommes capables
qui finiraient par y renoncer.
Mais je ne pense pas
qu'il faille admettre cette opinion d'une manière trop absolue. L'honorable M.
Dumortier a fait lui-même une réserve à ce principe, en disant qu'il comprenait
que pour les hautes fonctions diplomatiques on put les réserver, dans une
certaine limite, à des hommes qui, ayant rempli des fonctions politiques,
pourraient rendre de grands services au pays.
Cette vérité peut
recevoir aussi son application à l'armée. Sans doute en général il faut
s'abstenir d'introduire des éléments nouveaux dans le corps diplomatique,
surtout dans les rangs dont a parlé l'honorable M. Dumortier. Cependant faut-il
aller jusqu'à s'interdire d'appeler aux fonctions diplomatiques des militaires,
des hommes d'un talent éminent et se priver des services que le pays aurait à
réclamer d'eux ? Ainsi il est connu de tout le monde, qu'à l'étranger une
partie des fonctions diplomatiques, même celles de second rang, est remplie par
des notabilités militaires, et ce ne sont pas les moins capables parmi ceux qui
honorent le corps diplomatique.
Le secrétaire de
légation auquel l'honorable membre a fait allusion n'est pas le seul qui, chez
nous, appartienne à l'armée. Nous avons dans le corps diplomatique des hommes
sortis de la carrière militaire, qui remplissent avec distinction la mission
qui leur a été confiée.
Celui auquel on a
fait allusion, fait partie du corps diplomatique. L'honorable M. Osy n'a pas
compris le sens de l'observation que j'ai faite. Je n'ai pas dit qu'il faisait
partie du corps diplomatique depuis deux ans. J'ai dit qu’il avait rempli des
fonctions diplomatiques près d'une cour dont l'importance, au point de vue des
relations commerciales, est de premier ordre. Depuis il a été nommé secrétaire
de légation régulièrement sans violation des règlements existants.
L'honorable M.
Dumortier s'est opposé à l'allocation qui figure au budget pour le consulat de
Valparaiso et de Lima. Je ferai d'abord connaître à la chambre que l'intention
du gouvernement n'a jamais été de rendre toutes ces fonctions permanentes.
Lorsqu'un consul rétribué est parvenu à établir des relations sur un point du
globe, et que des consuls non-rétribués peuvent utilement le remplacer, le
gouvernement le change de résidence. C'est ce qui est arrivé pour le consul
rétribué à Syngapore, qui, après avoir rempli d'une manière satisfaisante sa
mission à Syngapore, est chargé de rendre les mêmes services à New-York. Eh
bien, messieurs, le consulat à Valparaiso n'est pas, dans l'intention du
gouvernement, plus permanent que le consulat de Syngapore ne l'était ; la seule
question qu'il y ait à résoudre par la chambre, est celle de savoir si la
suppression du consulat de Valparaiso doit être prochaine. Or, je vais faire
connaître à la chambre les motifs pour lesquels il est impossible de supprimer
dès aujourd'hui ce consulat.
D'abord, messieurs,
je ne partage pas l'opinion de l'honorable M. Dumortier, sur le peu d'importance
qu'il attribue à ce consulat. Ainsi, Valparaiso est l'entrepôt le plus
considérable, c'est même le seul entrepôt de toute la côte de l'océan.
Pacifique. Les autres nations, et notamment la France, y font des affaires
considérables, au partage desquelles la Belgique peut aussi être appelée. Sur
la côte orientale de l'Amérique, nous ayons trois légations : à New-York, à
Mexico et au Brésil ; tandis que sur la côte occidentale, nous n'avons qu'un
seul consul, celui de Valparaiso.
L'importance de notre
commerce à Valparaiso a pris, d'année en année, une extension même assez
considérable. Je vais citer, à cet égard, quelques faits :
On a établi un
service régulier de navires à voiles vers Valparaiso et Callao. Il y avait
trois départs en 1845, et le développement des affaires a été tel qu'on se
trouve dans la nécessité d'en établir un quatrième en 1.846. Une maison belge a
été établie à Valparaiso.
Eh bien, messieurs,
il faut reconnaître que cette extension des affaires est due à l'influence
exercée par le consulat de Valparaiso.
Un fait en donnera la
conviction à. la chambre. Le consulat de Valparaiso et de Lima a été créé en
1840 : eh bien, en 1839, nos exportations vers Valparaiso et le Pérou avaient
été complétement nulles ; aucun chiffre ne figure à cet égard dans les tableaux
de notre commerce.
En 1840, époque de la
création du consulat, nous avons envoyé dans ce pays pour 7,000 francs de
marchandises ; en 1841 nous y avons envoyé pour 79,000 francs ; en 1842, pour
149,000 francs, et en 1843 pour 451,000 francs, la même progression a eu lieu
en 1844, et je crois, messieurs, d'après les indications qui m'ont été
fournies, qu'en 1845 ces exportations auront une importance plus considérable.
Je dois ajouter que le chiffre des exportations dans le Pérou nous est
imparfaitement connu.
Le but de la mission
du consul à Valparaiso et a Lima était d'abord de conclure un traité avec le
Pérou et le Chili ; la négociation n'est pas terminée, mais d'après les
renseignements qui me sont parvenus, le consul a l'espérance de voir ces deux
traités conclus dans l'année qui vient de s'ouvrir. Il était, en deuxième lieu,
chargé d'une mission d'exploration commerciale dans l'Amérique du Sud. Il
devait, en troisième lieu, organiser des consulats non rétribués sur la côte occidentale
de l'Amérique. Eh bien, messieurs, si vous supprimiez le crédit en question,
vous perdriez complétement les fruits d'une mission qui nous a coûté beaucoup
et cela précisément au moment où nous allons les recueillir. Il faut attendre
que les deux traités soient conclus, que l'exploration soit terminée (et elle
est près de l’être), que les consulats non rétribués soient organisés. Le
gouvernement croit que ces résultats seront obtenus dans l'année, et lorsqu'ils
le seront, nous reconnaîtrons les premiers que la suppression du consulat
général est possible parce qu'il sera remplacé par des consulats non rétribués.
Quant au chiffre du
traitement, dans les discussions des années précédentes l'on a fait remarquer
qu'il n'est pas élevé eu égard à la cherté extrême de la vie au Pérou et au
Chili ; 25 mille francs dans ces pays n'en représentent guère que 8 mille en
Belgique, et le consul général à Valparaiso a démontré par des pièces
justificatives très détaillées qu'il est obligé de prendre sur ses revenus
privés de quoi suppléer à l'insuffisance de son traitement.
Quant au consulat de
Cologne, messieurs, peu de mots suffiront, je pense, pour vous en faire
comprendre l'importance et la nécessité.
L'honorable M. Osy a
déjà fait connaître à la chambre qu'immédiatement après la conclusion du traité
du 1er septembre, la Prusse a senti la nécessité, malgré l'existence d'un
consul ordinaire de cette nation à Anvers, de (page 432) nommer un consul général pour surveiller les intérêts
nouveaux que le traité avait créés. Eh bien, le gouvernement pense que nous
avons le même devoir de surveiller ces intérêts à Cologne et sur le Rhin.
Sans doute,
messieurs, notre ministre à Berlin a la surveillance de ces intérêts dans la
région officielle ; mais en dehors de cette région officielle, je pense qu'un
consul général pourrait utilement étudier les questions spéciales et locales au
milieu même des populations où elles sont agitées. Il ne faut pas oublier,
messieurs, que plusieurs questions importantes pour nous sont débattues sur le
Rhin. Ainsi plusieurs Etats allemands tâchent de pousser l'union douanière à
élever son tarif. Depuis plusieurs années cette question est discutée dans les
congrès, dont le dernier s'est réuni à Carlsruhe. Chacun comprendra combien
nous sommes intéressés à avoir sur les lieux mêmes où ces plaintes et ces
réclamations surgissent un agent qui puisse surveiller toutes les démarches qui
se font et toutes les tendances qui existent dans les esprits.
En second lieu,
messieurs, vous savez qu'un pays voisin tâche depuis quelques années d'amener
la suppression des droits du Rhin. Depuis la création de notre chemin de fer et
l'extension de nos rapports avec l'Allemagne, nous sommes follement intéressés
dans cette question, comme riverains du Rhin, si je puis m'exprimer de cette
manière. La question est de savoir, et le gouvernement l'examine, si nous avons
intérêt à soutenir les prétentions de cette puissance qui veut amener
l'abrogation des droits du Rhin ou bien si nous devons y résister. C'est une
question extrêmement importante pour nous, et elle se traite tous les ans dans
la commission de Mayence.
Il
est impossible que notre ministre à Berlin puisse, à une si grande distance,
suivre assez attentivement des intérêts de cette nature ; il faut un agent sur les
lieux mêmes.
C'est ainsi que la
France et la Hollande en ont jugé. La France et la Hollande, ainsi que d'autres
Etats, ont sur le Rhin des consuls, des agents supérieurs qui sont des hommes
éminents.
L'honorable M.
Dumortier a émis des doutes sur le point de savoir si un traité était conclu
avec la France. Mais, messieurs, avant notre séparation, un de mes collègues,
en mon absence, a déclaré formellement à la chambre que le renouvellement de la
convention du 16 juillet était signé entre la France et la Belgique. Aussitôt
que l'échange des ratifications aura eu lieu, le gouvernement saisira les deux
chambres de cette transaction importante. Ainsi de ce côté nos relations sont
assurées.
M. Veydt.- Messieurs, j'ai
demandé la parole pour rassurer l'honorable député de Mons sur les craintes
qu'il a exprimées dans sa juste sollicitude pour les orphelins dont les parents
ont succombé à Santo-Thomas. Cette sollicitude, la chambre entière la partagera
sans doute ; je suis heureux de pouvoir lui communiquer des renseignements
favorables qui méritent toute confiance puisqu'ils émanent de l'agent que le
gouvernement a chargé d'une mission spéciale dans l'Amérique centrale. Dans une
lettre que M. Blondeel a adressée à un de nos honorables collègues, il est dit
que les orphelins qui se trouvent à Santo-Thomas sont l'objet de l'attention
toute particulière de l'administration placée en ce moment à la tête de la
colonie. La situation de ces orphelins ne laisse rien à désirer, ni sous le
rapport de leur bien-être matériel et physique, ni sous le rapport de leur
bien-être moral. En même temps qu'on pourvoit à leur entretien, on leur donne
une instruction qui, sous beaucoup de rapports, pourrait être citée comme
modèle.
Je n'en dirai pas
davantage, messieurs, car nous devons tous désirer d'obtenir, au préalable et
le plus tôt possible, des renseignements précis et officiels, afin que la
chambre et le pays entier puissent enfin se former une opinion exacte sur la
grave question de la colonisation de Santo-Thomas.
Quant au consulat de
Valparaiso, j'approuve l'intention du gouvernement de ne pas supprimer trop
promptement ce consulat qui est à même de nous rendre des services importants.
Nous n'avons d'ailleurs que cette seule agence consulaire rétribuée dans ces
parages. Déjà nos relations commerciales avec la côte occidentale de
l'Amérique, ont pris une assez grande extension ; nous voyons tous les ans des
expéditions avoir lieu vers le Chili, et l'on a tenté d'en faire également
quelques-unes au Pérou.
En
ce qui concerne la nomination d'un consul sur le Rhin, je crois qu'elle a été
complétement justifiée par M. le ministre des affaires étrangères, et je n'ai
rien à ajouter aux observations qu'il a présentées à cet égard.
Je remercie
l'honorable M. Sigart de ne pas avoir demandé le rappel de notre consul à
Guatemala. J'ai tout lieu d'espérer qu'un jour cet agent aura fréquemment
l'occasion ne nous rendre des services. Il existe aujourd'hui à Santo-Thomas,
un commencement, un premier développement d'affaires commerciales qui nous
promet des avantages considérables dans un avenir peu éloigné, si la suite
répond aux essais que la Belgique y a fait et qu’elle continue à y faire.
M. David. - Messieurs, j'ai entendu
avec étonnement les paroles de l'honorable M. Dumortier qui vous a dit que la
Belgique n'avait aucun rapport commercial avec la côte occidentale de l'océan
Pacifique. L'honorable membre a perdu de vue qu'il y a là quatre ou cinq points
d'une importance très considérable : je ne citerai que Valparaiso, Guayaquil,
Lima et d'autres ports même du Chili et du Pérou, etc. Sans doute, il n'a pas
jeté les yeux sur les importations considérables qui vous sont faites de ces
parages. Je pense que l'article Cuirs, seul, présente un chiffre assez élevé
pour nous démontrer l'importance de nos relations avec ces contrées par notre
métropole commerciale elle-même. Je pourrais également citer les métaux, le
quinquina, les laines et une quantité d'autres articles qui nous arrivent en
assez grande abondance de ces parages. Je pense qu'il est impossible de ne pas
reconnaître que nous aurons plus tard de grandes affaires à y établir.
Je crois encore qu'en
ce qui concerne nos exportations pour ces contrées, on ne tient pas assez
compte du goût des consommateurs de ces nations ; qu'ainsi, par exemple, pour
le pacotillage, si nous adoptions la manière de faire des Anglais, des
Allemands, des Français, nos rapports avec ces pays deviendraient infiniment
plus importants.
Si
la statistique commerciale n'a rendu compte que des exportations insignifiantes
qu'on a citées tout à l'heure, je pense qu'il faut l'attribuer à ce que les
rapports commerciaux de la Belgique n'auront pas toujours été directs. Car
j'affirme avoir une connaissance certaine d'affaires beaucoup plus importantes
avec ces parages. Ainsi, en ce qui concerne la draperie, je suis convaincu que
le chiffre que présente la statistique commerciale n'est pas exact. Il est
évident qu'il est beaucoup plus élevé que celui que l'on a cité.
Je voterai
certainement le maintien du consul à Valparaiso, et je désire que la chambre en
fasse autant.
M. Jonet. - Messieurs, je
viens appeler un instant l'attention de la chambre sur la matière des consuls. Jusqu'ici
on a parlé des consuls comme agents commerciaux et on n'en a pas parlé comme
fonctionnaires publics. Cependant un consul n'est pas seulement un agent
commercial, mais il est aussi fonctionnaire public, et sous ce rapport la loi
qui régit la matière est tellement incomplète que j'invite formellement le
gouvernement, et notamment M. le ministre des relations extérieures et M. le
ministre de la justice à s'entendre pour présenter à la chambre un projet de
loi qui règle l'organisation des consuls, qui fixe leurs attributions et qui
détermine les conditions qui seront nécessaires à l'avenir pour pouvoir être
consuls.
J'ai dit qu'un consul
était considéré sous deux points de vue différents : d'abord comme agent
commercial. Sous ce rapport, je n'ai pas à m'en occuper. Le gouvernement
choisit les personnes dont l'habileté est connue et dans lesquelles il a le
plus de confiance.
Mais un consul est en
même temps fonctionnaire public, et c'est ce qu'on paraît assez généralement
oublier. Cependant les fonctions de consul sont des fonctions des plus
difficiles à remplir et qui exigent peut-être le plus de connaissances, et
cependant je pense qu'en général on en exige très peu.
J'ai, messieurs,
recherché quelles sont les lois qui régissent la matière, et je ne sais si je
me suis trompé, mais je n'en ai trouvé qu'une. La seule loi qui règle la
matière est l'ordonnance française de 1681, publiée en Belgique comme loi en
l'an V de la république.
Le titre IX de cette
loi parle des consuls de la nation française dans les pays étrangers. Il
commence par dire que les consuls ont juridiction, tant en matière civile que
criminelle. Ils ont donc juridiction en matière commerciale, car c'est une
matière civile, et en matière civile proprement dite ; et s'ils ont juridiction
en matière criminelle, ils ont juridiction en matière correctionnelle. Ils ont
donc le droit de juger, qui ? On ne le dit pas, mais je suppose que ce sont les
Belges qui se trouvent dans les ports où sont établis les consulats.
Les consuls ont
juridiction, non seulement en matière civile et criminelle, ils l'ont aussi en
matière correctionnelle. Mais jusqu'où s'étend cette juridiction et comment
peut-on concilier cette juridiction des consuls avec l'établissement de nos
tribunaux correctionnels, où il faut des jurisconsultes pour juger ? Il y a là
une véritable anomalie ; il y en a encore une en ce qu'un seul homme juge à
l'étranger, tandis qu'il en faut trois en Belgique.
Je demanderai ensuite
quelle est la juridiction des consuls en matière criminelle. Un consul peut-il
condamner un Belge qui se trouve en pays étranger à une peine afflictive et
infamante, ou à la peine de mort ? Ou n'en dit rien ; et cependant en prenant
l'ordonnance de 1681 à la lettre, cette juridiction pourrait aller jusque-là.
Comment concilier avec ces droits que l'on donne aux consuls les principes que
nous avons établis en matière criminelle, chez nous où il faut un jury et une
cour d'assises composée de cinq membres, où l'on prend enfin toutes les
précautions possibles pour garantir la vie et la liberté des citoyens ? Il me
semble que tous ces points devraient être prévus par une loi nouvelle.
Les jugements des
consuls, d'après l'ordonnance de 1681, sont sujets à appui, et il est dit que
si les jugements ont été rendus dans les échelles du Levant, l'appel sera porté
devant le parlement d'Aix, et que lorsqu'ils auront été rendus ailleurs, ils
seront portés au parlement le plus proche du consulat où les sentences auront
été rendues. Or, messieurs, nous n'avons pas de parlement. Où donc doivent être
portés les appels des jugements rendus par nos consuls dans les échelles du
Levant ? L'ordonnance de 1681 ni aucune loi postérieure ne le détermine. Il est
donc encore nécessaire que ce point soit éclairci par une loi.
Les consuls ont du
reste d'autres attributions ; ils ne sont pas seulement juges, et je prie MM.
les ministres et les membres de la chambre de prendre cette observation en
considération, car elle est grave et importante ; mais ils remplissent les
fonctions d'officier d'état-civil, de notaire, de greffier et d'huissier.
L'article 48 du Code
civil dit que les actes de l'état-civil sont valables quand ils sont passés
devant les consuls ou les agents diplomatiques. Ces consuls ont donc le droit
de dresser les actes de naissance et de décès, ce à quoi je ne vois pas
d'inconvénient ; mais ils ont aussi le droit de présider à la célébration du
mariage, et cela me paraît plus difficile à expliquer. Je ne dis pas,
messieurs, que les consuls ne doivent pas recevoir ces actes, mais je voudrais
qu'on leur assignât des règles d'après lesquelles ils procéderaient à la
célébration des mariages.
(page 433) S'ils ont le droit de procéder à cette célébration, ils
ont aussi le droit de recevoir les contrats de mariage. Il est tellement vrai
que c'est ainsi que le gouvernement l'entend, que dans le tarif qui fixe les
honoraires des consuls, se trouve indiquée la somme qui leur est due quand ils
passent un contrat de mariage. Les voilà donc constitués notaires, et cela, le
plus souvent, sans qu'ils connaissent les lois qui concernent cette matière
grave.
Ils peuvent de plus
recevoir les testaments ou plutôt ce n'est pas le consul qui reçoit les
testaments, mais c'est le « chancelier, » dont on n'a pas parlé
jusqu'ici. Car non seulement le consul, mais aussi le chancelier est
fonctionnaire public, et voici comment est conçu l'article 24 du titre IX de
l'ordonnance de 1681 : « Les testaments reçus par le chancelier, dans l'étendue
du consulat, en présence du consul et de deux témoins et signés d'eux, seront réputés
solennels. »
Vous avez donc, à
côté du fonctionnaire principal, un autre fonctionnaire dont il faudrait aussi
fixer les attributions.
Il y a plus ; ce même
chancelier est en quelque sorte avoué ; car c'est lui qui fait les actes de
procédure. Il est plus : il est huissier ; c'est lui qui donne les citations.
Tout cela, je le
répète, mérite une loi particulière, et je désire vivement que le gouvernement
veuille bien s'en occuper. Je ne fixe pas les bases de cette loi, parce que
cette matière doit être mûrie. Plus la matière est importante, plus on doit
réfléchir aux dispositions de la loi qui doit la régler.
J'examine maintenant
la question sous son dernier point de vue.
Si le consul et le
chancelier sont fonctionnaires publics au point qu'ils doivent juger, recevoir
des actes de l'état-civil, des actes de notaire, faire des inventaires, donner
des citations, recevoir des testaments, il faut nécessairement qu'ils soient
instruits ; et cette observation a assez de rapport avec celles qui ont été
faites tout à l'heure.
On vous demande
quelles sont les personnes qui doivent être consuls. Si vous les considérez
sous le point de vue que j'examine, il me semble qu'l n'y a que des
jurisconsultes qui puissent être consuls. Il est possible que l'expérience
prouve le contraire. Cependant lorsqu'il s'agit de juger en matière civile, en
matière correctionnelle et en matière criminelle, l'homme plus instruit n'est
jamais assez fort, surtout lorsqu'il est seul.
Je voudrais donc
qu'on exigeât des connaissances spéciales pour remplir les fonctions de consuls
considérés comme fonctionnaires publics.
Je
me suis demandé, en examinant la question pour moi-même, si un étranger peut
être consul ou chancelier ? Dans la pratique on nomme souvent un étranger pour
consul, cela arrive très communément. Je me demande si, par cela même qu'un
étranger est nommé consul, il peut remplir les fonctions de juge, d'officier de
l'état-civil, de greffier, de notaire, d'huissier, etc. Si je lis l'article 6
de la Constitution, j'y trouve : « Les Belges seuls sont admissibles aux
emplois civils et militaires. » Dès lors, lorsque vous nommez un étranger
consul et que vous lui donnez toutes les attributions que confère l'ordonnance
de 1681, vous contrevenez à l'article 6 de la Constitution. Vous donnez à un
étranger l'exercice de droits politiques qui sont réservés aux Belges seuls.
Je désire que toutes
ces observations soient prises en considération, et j'ose croire que MM. les
ministres voudront bien, dans un bref délai, présenter à la chambre un projet
d'organisation des consulats, et déterminant les qualités nécessaires pour être
consul belge à l'étranger, ainsi que les attributions de ces fonctionnaires.
M. le ministre des
affaires étrangères (M. Dechamps). - Je répondrai deux mots à l'honorable
préopinant.
L'attention du
gouvernement a été appelée sur toutes les questions très importantes qu'il
vient de soulever. Le département de la justice et celui des affaires étrangères
ont ouvert une correspondance sur toutes ces questions, afin de pouvoir les
résoudre par la présentation d'un projet de loi, si la législation actuelle
est, en effet, insuffisante.
M. Sigart. - Le gouvernement ne
paraît pas disposé à accueillir le vœu que j'ai émis, puisqu'il n'a pas répondu
à cette partie de mon discours.
Je suis quelque peu
rassuré par les paroles de mon honorable collègue, M. Veydt, mais je suis loin
de pouvoir y puiser une confiance entière. Toutefois j'y trouverai les moyens
d'attendre avec un peu plus de patience le rapport du gouvernement. Si ce
rapport tardait à être présenté, malgré les inconvénients attachés à l'exercice
du droit d'initiative par les membres de cette chambre, je m'entendrais avec
quelques honorables amis pour présenter une proposition, et j'ai l'espérance
que la chambre l'accueillerait.
Quant au mot dont se
plaint M. le ministre des affaires étrangères, il est, j'en conviens, assez
dur, mais il est parfaitement mérité. Si je ne craignais d'abuser des moments
de la chambre, je récapitulerais ici tous les moyens qui ont été employés par
le gouvernement, pour venir en aide à cette malheureuse société de Guatemala ;
j'en ai déjà, à plusieurs reprises, entretenu la chambre ; je n'entrerai pas de
nouveau dans ces détails maintenant ; mais je ne puis cependant m'empêcher de
mentionner : « que le gouvernement mît à la disposition de la société des
vaisseaux pour transporter les colons, des officiers de santé chargés de les
convoyer et de les soigner, des armes pour défendre la colonie, des sommes pour
l'établissement d'un musée guatémalien. J'ai découvert récemment cinq ou six
autres moyens par lesquels on avait favorisé la compagnie. Je dois dire de
suite pour être juste que, comme ceux déjà cités, ils sont le fait du ministère
précédent. Mais plusieurs membres du cabinet précédent sont encore aux
affaires.
Le
gouvernement a fait un contrat pour garantir un emprunt. On m'assure qu'on
appelle actuellement le gouvernement en garantie. Je ne crois pas que M. le
ministre me démentira.
Le gouvernement a
fait encore paraître cette malheureuse circulaire qu'il a adressée aux communes
et aux bureaux de bienfaisance pour les engager à souscrire. Enfin, le
gouvernement a permis que le nom du Roi fût compromis dans cette affaire.
Jamais complicité, selon moi, ne fut mieux établie.
M. de Mérode. - Messieurs, il me
semble qu'il est hors de propos de revenir aujourd'hui sur l'autorisation que
le gouvernement avait donnée aux communes, de souscrire pour l'établissement de
Santo-Thomas. L'année dernière, on a parlé suffisamment de ce grief ; il n'est
pas le fait du ministère actuel ; je m'abstiendrai donc d'en entretenir la
chambre. J'avoue que j'avais moi-même engagé le ministre de l'intérieur,
l'année dernière, à permettre cette souscription ; j'avais cru bien faire ; si
je me suis trompé je ne puis que regretter la part que j'ai prise à cet acte,
qui d'ailleurs n'a pas eu de suite.
Mais,
messieurs, il n'en est pas moins vrai que l'établissement de Santo-Thomas n'est
pas sans valeur ; les informations que nous avons reçues tout récemment,
indiquent, au contraire, que c'est un point qui mérite l'intérêt du pays, et
que ceux qui ont essayé d'y former un établissement, n'ont pas agi d'une
manière mal entendue au fond. On a commis beaucoup de fautes et de maladresses,
on a envoyé à Santo-Thomas un trop grand nombre de colons, sans avoir pris
d'avance les mesures nécessaires pour les loger ; mais l'affaire en elle-même
n'était pas mauvaise comme on l'a prétendu ; et si la chambre me le permet, je
lui donnerai lecture d'un petit nombre d'extraits d'un rapport que M. le
docteur Fleussu, parent honorable d'un de nos collègues, extraits qui
prouveront que la localité n'est pas telle qu'on l'a présentée à vos yeux. On a
beaucoup attaqué la colonie, il doit être permis de la défendre.
M. Manilius. - Cette lecture est
inutile ; attendons le rapport du gouvernement.
M. le président. - Cette citation donnera lieu à une discussion ; on
voudra répondre.
M. de Mérode. - Je ne le pense
pas, M. le président ; personne n'est à même ici de répondre à ce qui est
indiqué dans la note que je tiens à la main. Voici donc ces extraits : c'est le
docteur Fleussu qui parle :
« L'Amérique centrale
jouit généralement d'un climat doux et salubre. La plupart des centres de
population de l'Etat de Guatemala sont situés sur des plateaux à une hauteur
plus ou moins élevée où un air libre et sec circulant aisément renouvelle
l'atmosphère et dissipe les vapeurs nuisibles. Santo-Thomas ne présente pas
tous ces avantages. Située dans un fond à quelques pieds seulement au-dessus du
niveau de la mer, la ville se trouve dominée à l'ouest par des montagnes et
fermée à l'est par des forêts impénétrables. Elle est exposée à une humidité
presque constante par la fréquence des pluies, le défaut actuel d'écoulement
des eaux et l'abondance des rosées. L'air y est plus ou moins imprégné de
miasmes et parfois on y ressent une chaleur accablante causée par la
réverbération des rayons solaires, mais par des dispositions providentielles
l'action de ces agents malfaisants est détruite en grande partie par les brises
régulières de terre et de mer qui diminuent l'humidité du sol, tempèrent les
ardeurs du soleil, purifient l'air et rendent ce lieu très habitable pour
l'homme s'il y jouit d'une demeure et d'un régime alimentaire appropriés au
climat. C'est à l'homme à venir en aide à la nature et à lever les obstacles
qui pourraient encore s'opposer à ce qu'il jouisse ici comme ailleurs d'une
bonne santé. Qu'on déboise convenablement le terrain de la ville et les gorges
des montagnes voisines afin que l'air parvienne plus facilement au fond de la
vallée, que l'on creuse des fossés pour faciliter l'écoulement des eaux
pluviales, qu'on charge les rues de gravier, qu'on rende les habitations
propres et commodes, que l'on achève l'hôpital avec des bains, que l'on ouvre
un lieu de promenade, et cette terre deviendra un séjour agréable et sans
danger spécial pour celui qui est bien convaincu que partout sous les tropiques
il faut observer dans sa manière de vivre certaines règles qu'il est toujours
périlleux de violer.
«
En ce moment l'état sanitaire de la colonie est des plus satisfaisants ; des
treize malades qui se trouvaient à l'hôpital au 1er juillet, un seul, un
enfant, est gravement affecté ; les autres sont tous convalescents. Chez le
petit nombre de personnes traitées à domicile on ne rencontre que des
indispositions qui ne présentent aucun caractère de gravité, les fièvres
intermittentes deviennent de plus en plus rares, elles cèdent sans peine à
quelques jours de repos et à une petite dose de sulfate de quinine.
« Les
défrichements ont été repris cette année, et cependant malgré la faiblesse
physique que ressentent encore la plupart des colons, le nombre des malades n'a
cessé de diminuer jusqu'à ce jour. Il n'y a donc pas de raison suffisante pour
renoncer à la colonisation du district et changer l'emplacement actuel de
Santo-Thomas si favorable au développement des opérations commerciales. »
M. Sigart. - Pour répondre à
l'éloge que vous venez d'entendre de la constitution médicale de Santo-Thomas, je
n'ai qu'un mot à dire : Je promets de nouveau à la chambre de faire imprimer
l'état-civil de la colonie. (Note du
webmaster : cet état-civil a été publié aux pages 435 et suivantes des
Annales parlementaires.)
M. de Mérode. - Voilà les
renseignements qui nous ont été donnés par M. le docteur Fleussu en qui on peut
avoir toute confiance, auquel moi du moins, j'ai toute confiance, par suite des
relations que j'ai eues avec lui, avant son départ.
Maintenant si l'on
examine ce qui se passe dans d'autres pays, on ne voit pas qu'on y ait renoncé
à toute entreprise de colonisation, parce que telle ou telle localité pouvait
offrir des inconvénients sanitaires.
Ainsi, les Français
sont établis au Sénégal. J'ai entendu des militaires qui revenaient de cette
colonie, assurer que d'un bataillon qui allait tenir garnison au Sénégal, une
compagnie à peine rentrait quelquefois dans la mère-patrie. La mortalité n'est
nullement comparable à Santo-Thomas, et si (page 434) l'entreprise avait été bien conduite et bien dirigée dans
le principe, il est aisé de comprendre que les décès n'y auraient pas été
portés au nombre qui s'est produit par suite des mauvaises mesures qui ont été
prises d'abord.
Le général Magnan,
avant d'arriver en Belgique, avait commandé un régiment à la Martinique. Les
Français n'abandonnent point cette colonie. Or, je tiens du général lui-même
qu'il y avait perdu les trois quarts de son régiment.
Dans
l'Inde anglaise, il arrive très souvent que des régiments presque entiers sont
détruits par l'influence du climat.
Que de soldats
anglais le climat n'a-t-il pas fait périr à Hong-Kong, dans cette île que les
Anglais occupent aux portes de la Chine !
Résulterait-il donc
de ce que je viens de rappeler que les gouvernements des nations qui essayent
de former des établissements coloniaux, devraient être responsables de toutes
les maladies et de tous les dangers sanitaires auxquels sont exposés les
individus qu'on envoie dans ces contrées lointaines ?
M. Verhaegen. - Je ne parlerai pas de Santo-Thomas, nous en avons
parlé assez l'année dernière ; les renseignements n'ont pas manqué au
gouvernement ni à ceux que la chose concerne. Du reste, après les aveux si
candides de l'honorable M. de Mérode, l'opposition se trouve momentanément
désarmée ; il lui suffit de dire que la responsabilité morale pèsera sur ceux
qui ont conçu cette entreprise, car sur 800 colons, 300 ont péri. Quand on
énonce de pareils résultats qui avaient été prédits, cela doit suffire. Quant à
la responsabilité légale que le gouvernement a encourue, dans peu elle se
traduira en faits ; de sorte qu'il est inutile pour le moment de s'occuper de
Santo-Thomas.
J'avais demandé la parole
pour ajouter une observation à celles qui ont été émises par mon honorable ami
M. Jonet relativement aux consuls.
J'appuie
l'établissement des consulats, dont l'utilité a été contestée par quelques
honorables préopinants, parce que je vois dans le consulat des fonctions plus
importantes que celles qui se rattachent au commerce. L'honorable M. Jonet vous
a fait voir quelle est l'importance des fonctions des consuls. Il est
nécessaire que nous ayons des consuls dans les divers pays où ils peuvent rendre
des services non seulement sous le rapport des intérêts commerciaux dont la
défense leur est confiée, mais encore en venant en aide à ceux de nos
compatriotes qui pourraient avoir besoin de leur appui.
Notre législation sur
cette matière est incomplète. Mon honorable ami a eu raison d'éveiller
l'attention de MM. les membres sur la nécessité de faire une loi destinée à
remplir les lacunes qui existent ; cependant, je dois dire qu'en attendant
cette loi nos consuls ne sont pas dépourvus de toute juridiction et qu'il n'y a
pas non plus absence de règles quant à cette juridiction. J'ai cru devoir faire
cette observation pour que celle de mon honorable ami n'induisit pas en erreur
les consuls.
Dans l'état actuel
des choses, la matière n'est pas seulement régie, comme l'a dit l'honorable M.
Jonet, par l'ordonnance de 1681, mais encore par deux édits, l'un du mois de
juin 1778, l'autre du mois d'août 1781 ; et ces deux édits, si nos souvenirs
sont exacts, ont été publiés par relation en Belgique ; on les trouvera dans le
code Merlin, 1er volume. L'édit de 1778 a déterminé la juridiction des consuls
et les principes qui s'y rattachent. Ainsi, mon honorable ami était dans
l'erreur quand il a dit qu'un consul jugerait seul des faits de la plus grande
importance ; non, le consul ne juge pas seul d'après l'édit de 1778 qui a force
de loi, qui a été publié par relations, les consuls sont assistés de deux
assesseurs pris parmi les notables qui se trouvent dans l'étendue du consulat ;
il n'y a d'exception que pour les échelles du Levant, où il est impossible de
réunir des assesseurs ; le consul en fait mention.
Ainsi, c'est un
tribunal très régulier qui présente toute garantie, non seulement pour les
matières civiles, mais aussi pour les matières criminelles. Le consuls exercent
donc les fonctions les plus élevées en matière répressive, et il y a des règles
pour l'exercice de ces fonctions ; mais il convient de réunir tout cela dans
une loi et d'y ajouter les dispositions que les circonstances actuelles
exigent.
Voilà les observations
que j'ai cru devoir ajouter à celles de mon honorable ami, pour qu'elles
n'induisissent pas les consuls en erreur.
Je répète en
terminant que, quoi qu'on en ait dit, je trouve une grande utilité à
l'établissement des consulats, et j'appuierai l'allocation demandée pour cet
objet.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le président. - Avant de continuer, je crois devoir faire une
observation à la chambre.
Il est probable que le
budget actuel ne nous arrêtera pas assez pour remplir la séance de demain. On
avait fixé après à l'ordre du jour la loi sur la comptabilité générale de
l'Etat et celle sur l'organisation de la cour des comptes, mais M. le ministre
des finances étant absent, il sera impossible de mettre ces objets en
discussion. Parmi les projets de loi sur lesquels un rapport a été fait et qui
pourraient être mis en discussion, il y a...
Un
membre.
- La loi sur la chasse.
M. le président. - Il y a le projet de loi sur la milice sur lequel M.
de Roo a fait un rapport qui conclut à l'ajournement indéfini ; il y a ensuite
le projet de loi sur la sûreté publique.
M. de Theux. - Il y a d'autres
projets arriérés sur lesquels des rapports ont été faits, mais je ne sais s'il
entre dans les convenances du gouvernement et de la chambre de s'en occuper.
Nous avons entre autres un projet sur le conseil d'Etat qui nous a été envoyé
par le sénat. Je ne sais si cette question doit être longuement discutée. Si on
n'y trouve pas de difficulté, il serait peut-être préférable de s'occuper de
cet objet ; il y aurait une sorte d'inconvenance à l'égard du sénat, à laisser
indéfiniment dans les cartons un projet de loi qu'il nous a envoyé. Le sénat
n'insiste pas d'une manière positive pour qu'il soit discuté maintenant ; mais
ce projet ne peut pas être enterré, il faut qu'il reçoive un jour une décision
de la part de la chambre. Je ne pense pas, du reste, qu'il soit de nature à
donner lieu à de longues discussions. Je ne parle de cet objet que pour autant
que le gouvernement soit prêt à le discuter. Il y a encore le projet de loi sur
la chasse dont le rapport a été fait par l'honorable M. Savart.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Van de Weyer). - L'on pourrait mettre à l’ordre du jour le
projet de loi sur la chasse.
M. Simons. - Il y a un petit
projet de loi de rectification de délimitations de communes, qu'on pourrait mettre
à l'ordre du jour. Ce projet ne donnera lieu qu'à un appel nominal, car il n'a
rencontré aucune opposition.
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - On pourrait
mettre ce projet après la loi sur la chasse.
M. le ministre de la guerre (M.
Dupont). - Messieurs, je crois devoir faire remarquer que le
projet de loi sur la milice a été présenté en 1844, que cette loi a été
considérée comme un complément de la loi d'organisation de l'armée et présente
un certain caractère d'urgence.
Un membre. - Après la loi sur
la chasse.
M.
Castiau. - Le projet de loi sur la chasse est un projet
aristocratique ; les intérêts généraux du pays doivent passer avant les
intérêts de quelques grands propriétaires.
M. Fleussu. - Un projet d'un
grand intérêt que nous avons en arrière, c'est celui sur les conflits.
M. le ministre de la justice
(M. d’Anethan). - Le rapport n'est pas fait, je désire qu'on le fasse
le plus tôt possible.
M. Dumortier. - Toutes ces lois
peuvent se discuter après les budgets. Avant tout, nous devons nous occuper des
budgets pour ne pas tomber encore une fois dans les crédits provisoires. Il
faut inviter les sections centrales à présenter leurs rapports dans le plus
bref délai possible. Nous pouvons d'abord nous occuper du budget de la marine ;
si ensuite nous entamons la discussion de lois qui peuvent nous occuper dix ou
quinze jours, nous devrons encore voter des crédits provisoires.
Je désire qu'on ne
mette pas en discussion le projet de loi sur la milice. Ce projet de loi
soulève les questions les plus graves sur la liberté individuelle ; c'est un
projet fort important, mais aussi excessivement délicat, qui doit être discuté
avec maturité. Ce n'est pas une loi faite pour le moment, mais une loi d'avenir.
Il faut renvoyer toutes les discussions délicates après les budgets. Nous avons
des pétitions à examiner.
Un membre. - Et des
naturalisations à faire.
M. Dumortier. - Pour des
naturalisations, on en fait assez ; il y a assez de Belges qui demandent des
emplois sans en faire d'autres qui viennent les leur disputer.
Je demande qu'on
mette à l'ordre du jour les projets de loi d'un intérêt secondaire et qu'on
remette, après les budgets, les lois qui nécessitent de graves discussions.
J'insiste sur ce
point qu’on doit presser les diverses sections centrales de faire le plus
promptement possible leur rapport. Quand, en 1831, j'ai été chargé de faire le
rapport sur tous les budgets, on ne m'a donné que 17 jours. Nous sommes en
janvier et nous n'avons pas encore les rapports sur les budgets qui ont été
présentés en novembre.
M. de Man d’Attenrode. - Je suis d'accord avec l'honorable M.
Dumortier qu'il faut d'abord discuter les budgets arriérés ; c'est ce que nous
avons de plus pressé à faire, cela est incontestable. Mais j'ai pris des
renseignements sur l'état de leur examen, et je le dis à regret, il s'écoulera
encore quelque temps avant que la chambre puisse en commencer la discussion. La
section centrale n'a pas encore examiné le budget de la guerre ; l'examen du
budget de l'intérieur n'en est encore qu'au cinquième chapitre, et je crois
qu'il en a dix-sept ; le rapporteur du budget de la justice est retenu chez lui
par une indisposition. Il s'écoulera donc encore un temps assez long avant que
nous puissions discuter les budgets.
Je le dis à regret ;
mais je ne puis m'empêcher de l'attribuer aux vacances assez longues, trop
longues peut-être, que nous avons prises. Mais comme il importe de ne pas
laisser de lacune dans notre ordre du jour, j'appuie d'abord la proposition de
M. le ministre de l'intérieur, de mettre à l'ordre du jour le projet de loi sur
la chasse, qui ne nous tiendra que trois ou quatre jours, faut-il espérer. On
pourrait mettre ensuite à l'ordre du jour le projet de loi dont a parlé
l'honorable M. Simons, qui nous occupera cinq minutes, c'est-à-dire le temps
nécessaire pour faire un appel nominal.
Je tiens à savoir
quels seront les projets qui seront ensuite discutés, afin de me préparer en
conséquence. Je demande donc que la chambre mette à son ordre du jour, après
les deux projets de loi que je viens de rappeler, celui sur la milice, qui est
présenté depuis près de deux ans.
La section centrale
dont je faisais partie, mais où j'étais de la minorité, après avoir approfondi
le projet, comme elle le dit dans son rapport, propose d'en ajourner la
discussion.
Pour moi, je pense
qu'une section centrale peut proposer d'adopter, ou de rejeter, ou encore de
modifier, mais non l'ajournement indéfini.
L'ajournement
indéfini est contraire au règlement, contraire à la prérogative royale. La
section centrale fonde cette demande d'ajournement sur ce qu'elle voudrait que
le ministre présentât un code complet de milice qui concernât les exemptions,
le remplacement, etc., tandis que dans le projet il ne s'agit que d'articles
peu nombreux, mais de la plus haute importance.
Je pose en fait qu'il
faut plus d'un an au gouvernement pour rédiger un tel projet et plus de trois
semaines à la chambre pour le discuter.
Je tiens d'autant
plus à ce que ce projet de loi présenté par le gouvernement soit discuté, qu'il
tend à donner une sanction à la loi d'organisation de l'armée, votée l'année
dernière. L'année dernière, nous avons voté 25 millions pour constituer les
cadres de l'armée ; mais ces cadres doivent comprendre 80,000 hommes ; or, ces
80,000 hommes ne sont pas réels ; ils ne sont pas disponibles ; en effet, l'on
tire au sort à 18 ans, et il est reconnu qu'on n'est pas apte au service à cet
âge. Le gouvernement laisse donc les miliciens dans leurs foyers pendant deux
ans.
J'insiste
pour qu'on discute le projet de loi sur la milice, qui doit amener de grandes
améliorations, très faciles à saisir.
Je crois inutile,
inopportun, d'entrer dans les détails du projet de loi.
Je me borne à
demander formellement qu'il soit mis à l'ordre du jour.
M. Rodenbach. - Je propose de mettre à l'ordre du jour de
demain les pétitions dont nous devons, aux termes de notre règlement, nous
occuper chaque semaine ; ce que nous ne faisons pas. C'est en quelque sorte
méconnaître le droit de pétition. La proposition doit d'autant mieux être
accueillie qu'il y a 25 pétitions qui ont été renvoyées à la commission des
pétitions, avec demande d'un prompt rapport ; or les rapports ne sont guère
prompts ; car ces pétitions datent de plus de six semaines.
Après les pétitions,
on pourrait mettre à l'ordre du jour le budget de la marine dont le rapport
sera distribué demain, et la loi sur la chasse, ou la proposition relative au
conseil d'Etat.
M. Verhaegen. - Puisque la chambre est embarrassée pour faire
quelque chose, je demanderai qu'elle fixe ses séances à deux heures et que les
sections qui n'ont pas été réunies depuis deux ou trois mois le soient pour
s'occuper de la proposition que j'ai faite, proposition qui tend à augmenter
les ressources du trésor.
- La chambre
consultée fixe son ordre du jour comme suit :
1° Demain mardi,
suite de la discussion du-budget des affaires étrangères ; rapport de
pétitions.
2° Après-demain
mercredi, discussion du budget de la marine.
3° Jeudi et jours
suivants, discussion du projet de loi sur la chasse et du projet de loi sur la
milice.
- La séance est levée
à 4 heures et demie.