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Chambres des représentants de Belgique
Séance du dimanche 21 décembre 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1845-1846)

(Présidence de M. Liedts.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

(page 320) M. Huveners procède à l'appel nominal à midi un quart. La séance est ouverte.

M. de Villegas donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners fait connaître l'analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.

« Plusieurs habitants de Signeulx et de St-Remy, commune de Bleid, demandent que ces deux sections soient érigées en commune distincte. »

« La chambre de commerce et des fabriques de Gand demandent l'égalité de l'impôt sur le sucre de canne et sur le sucre de betterave. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1845

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, cadastre, douanes et accises, etc.

Foncier

La discussion est ouverte sur l'article « Foncier » et sur l'amendement proposé à cet article par M. Eloy de Burdinne ; ils sont ainsi conçus :

« Foncier.

« Principal, fr. 15,500,000.

« 5 centimes additionnels ordinaires, dont deux pour non-valeurs : fr. 775,000.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 1,550,000.

« 5 centimes additionnels supplémentaires sur le tout, 534,750

« Total : fr. 18,359,750. »

Amendement présenté par M. Eloy de Burdinne : « J'ai l'honneur de proposer la suppression des dix centimes additionnels extraordinaires et des trois centimes additionnels supplémentaires à la contribution foncière. »

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, avant d'aborder la question à l'ordre du jour, je prie la chambre de ne pas se laisser influencer par l'idée que ma proposition est inopportune.

Je la prie de me prêter quelques moments d'attention ; j'espère démontrer qu'on peut très bien adopter mon amendement, sans nuire aux ressources du trésor, et que, au contraire, on pourra l'améliorer.

J'en reviens à nos moutons.

Messieurs, je pourrais me borner à ce que j'ai dit dans la séance d'hier, pour appuyer l'amendement que j'ai eu l'honneur de vous soumettre. Si. lorsque j'ai pris la parole (à 4 heures et demie), la chambre eût été moins fatiguée, et que les têtes eussent été moins préoccupées de la question, que je considère comme une question politique, qui venait d'avoir lieu, je ne doute pas, messieurs, que vos désirs tendent à terminer, le plus tôt possible, les divers projets de loi qui réclament un vote immédiat.

Aussi bien que vous, messieurs, je désire voir voter le budget des voies et moyens dans cette séance. C'est vous dire que je serai très laconique en donnant de nouveau les motifs qui me paraissent devoir provoquer l'adoption de mon amendement.

Nous avons adopté, en principe, de protéger toutes les industries, et particulièrement les industries en souffrance.

Voudrait-on en exclure l'industrie agricole ? Voudrait-on la traiter en pariât Aurions-nous deux poids et deux mesures ? J'espère que non, messieurs. Nous soulagerons la classe du cultivateur, non pas en lui donnant des subsides, comme nous en accordons à d'autres industries, mais bien en la déchargeant d'une minime partie des impôts dont elle est accablée par suite et en considération des pertes considérables qu'elle vient d'éprouver.

Et, en effet, messieurs, je ne vous demande que la réduction de moins d'un franc par hectare sur l'impôt foncier, en faveur des cultivateurs, qui ont perdu 400 fr. sur chaque hectare de terre qu'ils avaient cultivé en pommes de terre en 1845, et plus de 125 fr. sur chaque hectare cultivé en froment, en seigle et en orge d'hiver, pertes qui, si vous les répartissez sur l'exploitation, sont de plus de 40 fr. par hectare, que le cultivateur a éprouvées en 1845.

On nous dira peut-être encore que les besoins du trésor ne permettent pas de réduire les ressources, en un mot, de diminuer les impôts.

Je sais que notre trésor n'est pas dans un bien bel état de prospérité.

Je sais que nos caisses sont légères et que nos économies sont insignifiantes.

S'il s'agissait de priver l'état d'une recette de deux millions et quelques mille francs sans trouver le moyen de combler ce déficit, j'y penserais à deux fois.

Mais ne perdez pas de vue qu'en même temps que je demande une réduction sur l'article premier du budget de recette, je présente le moyen de combler ce déficit, et que pour deux millions de soustraction à l'article premier que je propose, je suggère le moyen au gouvernement d'augmenter son budget de recettes de plus de quatre millions, opération la plus facile à faire. Le dernier des employés du ministère des finances en ferait le travail. Pour cela il ne faut que du bon vouloir, et, je n'en doute pas, il ne fera pas défaut.

Cette augmentation de recette, je voudrais la voir établir à charge du consommateur du sucre. C'est donc sur l'accise de la consommation du sucre que je désire obtenir une augmentation de recette de 4 millions, et en ne recevant que 4 millions en plus, qu'il n'est perçu sur la consommation du sucre, vous êtes encore en dessous du chiffre français, où il est perçu sur cette matière un revenu supérieur à 2 fr. par tête d'habitant ; tandis qu'en adoptant le système que je propose, la recette sur la consommation ne dépasserait que très peu 1 fr. 50 c. par tête d'habitant en Belgique.

Il est d'autres considérations que nous ne devons pas perdre de vue.

Si c'est la nécessité de contribuer de tout notre pouvoir à la prospérité de l'agriculture, qui, trop chargée, ne peut faire la dépense nécessaire à la production des terres et que les produits diminuant, empire la position du consommateur comme celui du producteur, le manque de produits les fait renchérir sans que le producteur profite des hauts prix. Ayant moins récolté, il a, par conséquent, moins à vendre.

Les agriculteurs dans la détresse ne pouvant payer l'impôt foncier, ne consomment pas ou presque pas les produits du commerce et de l'industrie, et par suite compromettent la position du trésor du commerce et des autres industries.

Il est donc d'une sage économie politique, de protéger l'industrie agricole avant tout, si l'on veut la prospérité de l'Etat, en même temps que la prospérité du commerce et de l'industrie. Une autre considération qui milite en faveur de mon amendement, c'est de ne pas mettre les cultivateurs dans l'impossibilité de faire des actes de charité.

En réduisant l'impôt foncier des centimes additionnels, vous améliorez la position du cultivateur et la presque totalité de cette réduction tournera à l'avantage de la classe nécessiteuse des campagnes, laquelle est la plus nombreuse et qui mérite nos sympathies, aussi bien que la classe nécessiteuse des villes. Là où il y a plus de ressources, les classes aisées habitant les villes sur une bien plus grande échelle, qu'aux campagnes, particulièrement en hiver, période de l'année où la classe pauvre a le plus besoin de secours.

Il me paraît que ces considérations sont de nature à vous convaincre de l'équité et de la nécessité de réduire l'impôt foncier a son principal et aux centimes additionnels pour fonds de non-valeur.

En faisant remarquer que l'Etat n'est pas le seul qui perçoit des impôts à charge de la propriété, mais que la commune et la province perçoivent aussi des centimes additionnels, qui vont, pour la province de 10 à 17 p. c et pour la commune au même chiffre, et que ce chiffre est dépassé dans bien des localités.

En résumé, la position de l'agriculture réclame une réduction de charge ; elle y a droit et vous la lui accorderez, je n'en doute pas. Vous adopterez ma proposition, je l'espère, qui est de combler le déficit en percevant un impôt de 6 à 8 millions sur le consommateur du sucre qui appartient à la classe aisée. Au moyen de cette augmentation de droit, vous aurez deux millions de recette que vous emploierez à soulager l'humanité souffrante ; en d'autres termes, vous ferez la charité avec un impôt perçu sur la classe aisée.

En outre, vous mettrez la classe des cultivateurs et principalement la classe des petits propriétaires cultivateur à même de faire des charités, de consommer des produits de l'industrie et du commerce, tout en faisant un acte de justice et d'équité.

M. de Renesse. - Messieurs, l'impôt foncier a supporté depuis 1830, des charges assez nombreuses, pour que, dans des temps ordinaires, l'on songe à le ménager, à le dégrever, surtout, des centimes additionnels supplémentaires, dont il a été surchargé, depuis plusieurs années.

Lorsque, ces trois centimes additionnels supplémentaires furent votés, il n'entrait pas dans l'intention du gouvernement et des chambres, de les considérer comme une charge permanente du budget des voies et moyens.

Les circonstances extraordinaires qui donnèrent lieu en 1839 au vote des centimes additionnels supplémentaires, n'existant plus, nous devons chercher à supprimer dorénavant cette ressource extraordinaire qui pèse encore sur la propriété foncière et surtout actuellement que les petits propriétaires, les agriculteurs, sont frappés par la perte de la plus grande partie de la récolte des pommes de terre ; car, en définitive, malgré le haut prix des céréales, c'est l'industrie agricole qui aura plus particulièrement à souffrir du manque de cette denrée de première nécessité. La contribution sur la propriété foncière, notamment depuis 1833, a supporté des surcharges assez notables en centimes additionnels pour qu'actuellement l'on ménage cette source si certaine de nos voies et moyens ; l'on ne doit recourir à une surcharge sur cet impôt que dans des circonstances tout imprévues, où le pays réclamerait des ressources extraordinaires et lorsque les intérêts agricoles ne sont pas en souffrance ; alors, l'on est toujours sûr de pouvoir compter sur les revenus supplémentaires à fournir par la propriété foncière : sur la contribution territoriale, l'on a élevé successivement, depuis 1830, des centimes additionnels non seulement au profit de l'Etat mais encore pour les provinces et les communes ; il en est résulté que, dans les deux provinces morcelées par le traité de 1839, l'on a été obligé, pour y faire face aux obligations imposées principalement par les lois de l'instruction primaire et sur les chemins vicinaux, d'y frapper l'impôt foncier de nouveaux centimes additionnels, ou d'y créer d'autres ressources ; je crois aussi devoir observer que ces deux provinces, par la loi sur la péréquation provisoire de la contribution foncière, ont été frappées, en outre, depuis 1845, d'une surcharge assez notable qui y a donné lieu à des plaintes nombreuses, surtout dans la province de Limbourg. Je saisis l'occasion de la discussion du budget des voies et moyens, où il s'agit de fixer le chiffre de l'impôt foncier pour présenter à cet égard quelques observations à la chambre ; d'après un rapport fait au conseil provincial de cette province, il y a été observé :« que des plaintes nombreuses ont surgi de toute part, par suite de l'application de la péréquation cadastrale, opération qui a eu pour résultat une augmentation, pour le Limbourg, dans ce contingent de la contribution foncière, de 193,000 fr., parce que le revenu net imposable a été établi, non, en prenant pour base le produit réel qu'avaient les biens fonds et les habitations pendant la période que la loi indique comme type cadastral ; mais sous l'influence de l'augmentation que plusieurs bourgs ont subie durant une période beaucoup plus rapprochée de nous ; cette manière de procéder aurait eu pour résultat direct de faire placer dans la première et la deuxième classe une grande partie de biens-fonds qui, à raison de leur revenu, et en le prenant à l'époque où les sept autres provinces ont été cadastrées, auraient évidemment été classées tout autrement. »

La députation permanente de ce conseil provincial s'est adressée, par requête du 31 octobre dernier, à la chambre et au gouvernement, pour attirer leur attention sur les plaintes nombreuses qui ont surgi dans le Limbourg, par suite de l'application immédiate de la péréquation cadastrale ; elle demande, au nom dudit conseil provincial, que le contingent et la surcharge à assigner à cette province, soient diminués et que l'augmentation qui sera reconnue légalement devoir être imposée, soit opérée en trois années, comme cela a eu lieu en 1835, pour le Hainaut. Une considération principale en faveur de la demande du conseil provincial du Limbourg est basée sur les pertes que cette province éprouve, par suite de la séparation forcée d'une forte partie de son territoire ; par ce morcellement, cette province a vu diminuer une partie notable de ses ressources financières, sans pouvoir, toutefois, restreindre ses dépenses dans les mêmes proportion ; il en est résulté que, pour satisfaire à ses dépenses ordinaires et extraordinaires, elle a dû rechercher et s'imposer des charges nouvelles.

Si, depuis 1835, la surcharge de la contribution foncière n'a pas été imposée à la province du Limbourg, il n'en résulte pas que cette province n'ait pas droit à certains égards, et certes, le bénéfice qu'elle aurait éprouvé par suite de la non-imposition immédiate de la part de la contribution foncière, ne compense pas toutes les pertes qu'elle a éprouvées depuis 1830, et surtout depuis 1839, où toutes ses anciennes relations commerciales avec la partie cédée ont été violemment brisées.

La première section, en demandant que la section centrale du budget des voies et moyens examine la requête du conseil provincial du Limbourg, avait surtout témoigné le désir de faire examiner si, effectivement, l'on aurait pris d'autres années de comparaison, pour fixer la base de la contribution foncière dans le Limbourg, que pour les sept autres provinces cadastrées en 1835, si, enfin, comme le prétend le conseil provincial, cette base aurait été fixée sous l'influence de l'augmentation que plusieurs baux auraient subie durant une période beaucoup plus rapprochée de nous : à cette demande formelle de la première section, la section centrale ne donne aucune réponse ; c'était, cependant, la question principale, qu'il fallait examiner, pour pouvoir repousser, par un ordre du jour, la réclamation de la province de Limbourg, si, elle n'était pas fondée ; si, au contraire, les assertions avancées par ledit conseil provincial étaient trouvées exactes, il fallait y faire droit ; car l'on ne peut prétendre, que l'on prenne, pour le Limbourg, une autre base, pour fixer la contribution foncière, que celle qui a servi pour les autres provinces du royaume : il n'y aurait plus, alors, une égalité, une péréquation parfaite de l'impôt territorial.

J'aurai l'honneur de demander à M. le ministre des finances de vouloir indiquer à la chambre si les mêmes années de comparaison, pour fixer la base de la contribution foncière, ont été prises pour le Limbourg, comme pour les autres provinces cadastrées en 1835 ; si, l'influence de l'augmentation des baux n'a pas influé sur la trop grande surcharge de la contribution foncière dans cette province ; s'il ne serait pas équitable d'imposer cette surcharge par tiers, pour le Luxembourg et le Limbourg, comme on l'a fait antérieurement pour le Hainaut.

En terminant, je demanderai, en outre, à M. le ministre des finances si le moment n'est pas rapproché où l'on pourrait faire disparaître du budget des voies et moyens, les trois centimes additionnels supplémentaires, ainsi que les dix centimes extraordinaires, qui pèsent encore sur la propriété foncière.

En tout cas si cette suppression ne pouvait être proposée pour l'exercice de 1846, j'ose espérer que M. le ministre ne portera plus, surtout, les trois centimes additionnels supplémentaires au budget de 1847, et qu'il recherchera d'autres ressources, pour les remplacer ; je préférerais toutefois voir diminuer nos dépenses, faire une plus équitable répartition de nos moyens de recettes, pour que chaque contribuable supporte sa part réelle dans les charges de l'Etat ; je voudrais, en outre, que, chaque année, l’Etat puisse faire un fonds de réserve pour ne pas devoir, dans les circonstances extraordinaires, immédiatement recourir à une plus forte augmentation des contributions ; jusqu'ici chaque ministre des finances a démontré la nécessité de former un fonds de réserve, mais jamais ce projet n'a reçu son exécution ; je souhaite, que M. le ministre soit plus heureux que ses honorables devanciers, et puisse réaliser l’établissement de ce fonds, sans avoir besoin de recourir à de nouvelles charges. Mais, en introduisant une plus stricte économie dans les dépenses de l'Etat.

L'on ne pourrait m'objecter avec quelque fondement qu'il y a impossibilité de former cette réserve, puisqu'elle existe dans d'autres pays ; c'est ainsi qu'en Prusse, de 1815 à 1830, l'on a pu y former, si je suis bien informé, un fonds de réserve de plus de 80,000,000 d'écus, qui a servi, en partie, à mettre l'armée prussienne sur un pied de guerre respectable, après les événements politiques de 1830, en France et en Belgique, sans avoir besoin de recourir à des augmentations de contributions pour la maintenir pendant plusieurs années au grand complet ; ce qui a été pratiqué dans d'autres pays peut pareillement être exécuté ici, lorsqu'on a la ferme résolution de réserver ce fonds pour les circonstances tout extraordinaires.

Si nous possédons actuellement un fonds de réserve, nous eussions pu venir efficacement au secours de la misère publique nous ne serions pas obligés de maintenir des surtaxes sur plusieurs des impôts qui frappent principalement les classes moyennes et ouvrières. Je ne puis donc assez insister auprès du gouvernement, pour qu'il cherche à former dorénavant un fonds de réserve, pour qu'il économise les deniers des contribuables, et que toutes les dépenses de luxe qui ne seraient pas de première nécessité, soient ajournées jusqu'à de temps meilleurs ; aussi je me propose fermement de voter contre toutes les dépenses nouvelles qui ne seraient pas suffisamment justifiées, et qu'on pourrait ajourner sans inconvénient. J’espère que la chambre se montrera sévère dans l'examen des budgets de dépense. J'ai dit.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L'amendement qui vous est proposé tend à diminuer de deux millions le revenu de l'impôt foncier et à décider, par une espèce de coup de baguette magique la grande et difficile question des sucres. Je pense qu'il n'entre pas dans les intentions de la chambre de procéder ainsi. La question des sucres, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de l'annoncer à la chambre, fait l'objet, en ce moment encore, d'un mûr examen de la part du gouvernement. J'espère pouvoir, dans le courant du mois de janvier, lui soumettre des propositions à ce sujet.

Les circonstances sont telles que nous devons, dans l'intérêt bien entendu du pays, maintenir toutes nos ressources, et surtout ne pas compromettre une partie de ce que doit produire l'impôt foncier.

Les observations qui viennent d'être faites par l'honorable comte de Renesse pourront être plus utilement discutées lorsque la chambre examinera le projet de loi de répartition définitive de la contribution foncière..

Je dois faire remarquer à l’honorable membre que les opérations cadastrales ont été achevées dans le Limbourg et dans le Luxembourg d'après les même bases que dans les autres provinces. La seule différence qu'il y ait entre ces deux provinces et les sept autres c'est que le Limbourg et le Luxembourg ont joui pendant longtemps d'une exemption qui ne leur était pas due. L'augmentation que l'on qualifie improprement de surcharges, résulte, en grande partie, je pense, de ce que des propriétés ont échappé complétement ou partiellement à l'impôt.

Je me bornerai à ces observations, parce qu'avant peu nous aurons, j'espère, à nous occuper du projet de loi relatif à la répartition définitive de la contribution foncière :

Je souhaite que nous puissions atteindre un jour le but indiqué par l'honorable préopinant : Diminuer nos dépenses et créer une importante réserve. Mais je l'espère peu ; si nous parvenons à nous créer une réserve, ce ne sera qu'en conservant, sinon en augmentant nos ressources. Les dépenses utiles sont nombreuses ; très souvent, et avec beaucoup de raisons, elles trouvent de l'appui dans cette chambre. Le problème posé par l'honorable membre me paraît donc insoluble. Si nous devons nous créer une réserve, ce sera au moyen de ressources nouvelles, et non pas en diminuant les ressources actuelles.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Nous le savons tous, messieurs, les besoins du trésor sont grands ; il ne suffit pas aux exigences qui l'obsèdent.

D'un côté on propose de lui retrancher de ses moyens d'existence ; d'un autre, on en exige davantage de lui ; les prétentions augmentent sans cesse ; des besoins réels et nouveaux se révèlent tous les jours.

Hier encore j'ai appris qu'une dépense considérable était sur le point de nous être imposée.

Vous vous rappelez que les députés des Flandres se sont plaints des inondations qui ravagent leur province. Une commission a été nommée pour examiner cette question ; et savez-vous quelles sont ses conclusions ? Ce sont des travaux, d'après elle, indispensables, dont la dépense est estimée à 5 millions.

L'honorable député de Waremme, un honorable représentant de Tournay, proposent de supprimer des centimes additionnels qui produisent 3 à 4 millions.

Je rends grâce au premier de ces honorables collègues, qui, lui au moins, propose de remplacer ce produit par un autre produit. Mais, messieurs, les besoins du trésor sont incessants ; serait-il prudent de nous dépouiller d'un moyen certain de recette, tandis que nous ne sommes pas encore pourvus du moyen qui doit le remplacer ?

Il me sera facile de voter la suppression des centimes, mais il ne me sera pas aussi facile de porter le produit du sucre à 8 millions.

(page 322) Quelle assurance avons-nous des dispositions de la chambre à cet égard.

Son opinion ne peut encore être formée, puisque le projet de révision, que le gouvernement nous propose, n'est pas encore présentée.

Je pense qu'il sera prudent de commencer par voter des augmentations de recette avant de se prononcer sur les réductions proposées.

Les propositions des honorables membres ne peuvent pas être sérieuses dans les circonstances où nous nous trouvons ; et.si la chambre me le permet, je terminerai par cet axiome un peu trivial ; un lien vaut mieux que deux tu l'auras.

M. Orban. - Je ne puis laisser clore cette discussion, que je n'avais point prévue, sans appuyer, par quelques mots en ce qui concerne le Luxembourg, les observations présentées par l'honorable comte de Renesse.

Par suite des opérations cadastrales qui ont été terminées l'année dernière, la contribution foncière, dans la province à laquelle j'appartiens a été augmentée de 180.000 fr. environ. Si la chambre veut prendre garde que la contribution foncière du Luxembourg n'est que de 536,000 francs, que le tiers de cette province consiste en bruyères qui ne peuvent supporter qu'une faible contribution, qu'une grande partie consiste en bois appartenant au domaine qui ne sont soumis à aucun impôt, vous comprendrez combien cette surcharge qui l'a frappée a dû être lourde pour elle. Il est constant que, dans certains cantons, la contribution foncière a été doublée, que dans d'autres elle est augmentée dans une proportion plus forte encore.

El ici, je dois relever une inexactitude, qui a été commise par l'honorable ministre des finances, et qui n'est que la reproduction d'une erreur commise par son prédécesseur.

Lorsque les habitants du Luxembourg virent de quelle manière étaient dirigées les opérations cadastrales ; lorsqu'ils crurent entrevoir la surcharge qui en serait le résultat, ils firent entendre des plaintes qui trouvèrent de l'écho dans cette enceinte. Le ministre des finances d'alors, l'honorable M. Mercier, interpellé à cet égard, tout en convenant que la contribution foncière du Luxembourg serait augmentée dans une proportion considérable, affirma que cette augmentation proviendrait non pas de l'augmentation des cotes individuelles, mais de ce que des propriétés qui avaient échappé à la contribution foncière étaient atteintes par les opérations cadastrales. Cette assertion est complétement inexacte ; je suis étonné que l'honorable ministre actuel des finances ait pu la reproduire. Si parfois des propriétés échappent à la contribution foncière, ce ne peuvent être que des propriétés bâties, qui surgissent en quelque sorte sur le sol ; mais on sait que ce cas ne se produit guère dans la province du Luxembourg, où les villes sont peu considérables, où les constructions nouvelles sont extrêmement rares.

L'observation présentée par M. le ministre des finances pourrait tout au plus avoir quelque fondement en ce qui concerne les forêts vendues par le gouvernement, qui n'ont pas été précisément soustraites à l'impôt, mais qui n'y étaient soumises qu'incomplètement.

La vérité est que l'augmentation de la contribution foncière dans le Luxembourg est considérable et qu'elle a frappé des propriétés déjà grevées précédemment. La vérité est qu'il doit y avoir eu quelque erreur, quelque malentendu au moins dans les opérations cadastrales.

Je ne suis pas assez versé dans cette matière pour en établir la démonstration en quelque sorte mathématique. Mais ce que je puis affirmer, avec conviction, c'est que l'augmentation de la contribution foncière constitue une charge qui n'est nullement en rapport avec la valeur, avec le revenu des propriétés.

On sait combien l’agriculture est arriérée dans le Luxembourg ; on est frappé, en voyant l'immense étendue de terres qui échappe à la culture. Cela prouve que les produits de la culture ne sont nullement en rapport avec les sacrifices qu'elle occasionne. Si vous ajoutez aux sacrifices, aux charges de la propriété ; en d'autres termes, si vous augmentez la contribution foncière, qui est une de ces charges, vous allez placer inévitablement l'agriculture dans des conditions plus défavorables et retarder les progrès du défrichement auquel la chambre et le gouvernement paraissaient naguère encore prendre tant d'intérêt.

Je dois le dire, il appartenait au moins au gouvernement, il était de son devoir de menacer, par quelque tempérament, par quelque transition, cette subite augmentation d'impôt. Deux moyens s'offraient à lui pour y parvenir ; il n'en a employé aucun : le premier, c'était de suivre la marche qui avait été adoptée par la chambre, lorsque les opérations cadastrales ont amené dans le Hainaut une alimentation de la contribution foncière ; cette augmentation n'a été appliquée que successivement, et a été échelonnée en trois années. Ce mode devait d'autant plus être appliqué au Luxembourg et au Limbourg, qu'il faut le dire, l'augmentation de la contribution foncière décrétée à une époque où les propriétés avaient beaucoup de valeur, a reçu sa première application dans une année bien calamiteuse.

Le deuxième moyen était indiqué au gouvernement par les principes mêmes qu'il a professés plusieurs fois dans cette chambre, et qui consiste à dégrever la totalité de la contribution foncière de la somme qu'elle devait produire en plus dans le Limbourg et dans le Luxembourg. Il est de principe que l'on n'augmente la contribution foncière que dans des circonstances extraordinaires ; que c'est une ressource qu'on doit tenir en réserve pour de telles circonstances. Si l'on avait suivi cette marche, la diminution eût sans doute été faible, insuffisante pour les contribuables de la province à laquelle j'appartiens ; mais au moins il y aurait eu allégement pour eux, et ils n'y eussent pas été insensibles.

M. Mercier. - Je ne crois pas avoir attribué à la seule cause que certaines propriétés n'auraient pas été antérieurement imposées, l'augmentation de l'impôt qu'ont eu à supporter les provinces du Limbourg et du Luxembourg. Différentes causes ont concouru à cette augmentation ; celle-là y est entrée pour une part ; mais c'est l'évaluation du revenu foncier établie d'après une règle commune qui forme la base de l'impôt. Or, il s'est trouvé qu'en réglant le contingent du Limbourg et du Luxembourg sur le même pied que ceux des autres provinces, ces deux provinces ont dû subir une augmentation de l'impôt foncier ; elles avaient joui jusque-là d'un véritable privilège ; car pendant dix ans elles n'ont pas été imposées dans la même proportion que les autres provinces du royaume.

L'honorable M. Orban pense que l'on aurait dû ménager une transition pour appliquer la totalité de l'impôt. Messieurs, les circonstances n'étaient plus les mêmes que lorsqu'on en a agi ainsi envers les autres provinces, attendu que celles du Limbourg et du Luxembourg avaient déjà joui longtemps d'une modération de droits. Il aurait été injuste vis-à-vis des autres parties du royaume de prolonger en tout ou en partie le privilège dont ces provinces avaient été en jouissance.

En ce qui concerne la dernière observation de l'honorable préopinant, je ferai remarquer que si l'on avait diminué le contingent général du royaume d'une somme égale à l'augmentation que devait éprouver le contingent des deux provinces, celles-ci s'en seraient ressenties très facilement, tandis que pour le trésor public c'était une ressource indispensable pour établir l'équilibre entre les recettes et les dépenses de l'Etat.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je prie la chambre de remarquer que je n'ai pas réclamé du trésor, comme on l'a fait pour plusieurs autres industries, un subside pour venir au secours de l'industrie agricole. Je ne viens pas demander des faveurs, telles que celles que vous avez accordées à l'industrie linière, à laquelle non seulement on a accordé des subsides, mais à qui on a fait aussi le sacrifice d'un revenu d'un million que nous recevions sur les produits français. Je déclare toutefois que je ne regrette pas ces sacrifices et que je les ai votés avec plaisir.

Ici nous sommes moins exigeants ; nous demandons une simple décharge sur un impôt qui pèse sur l'agriculture. Cependant, si vous comparez cette industrie à beaucoup d'autres, vous verrez qu'elle paye beaucoup plus. Il faut même le dire, elle paye seulement des subsides à l'Etat.

On vous a dit tout à l'heure, messieurs, en faisant allusion au moyen que j'ai suggéré pour couvrir le déficit qui résulterait, de ma proposition, qu'il vaut mieux un tien que deux tu l'auras. Sans double, messieurs, tel est bien mon avis ; mais c'est parce que tel est mon avis que je réclame un tien au lieu d'un tu l'auras.

Quant à ma proposition de voter sur la consommation du sucre une loi telle que le trésor reçoive sur cette matière un revenu de six à huit millions, on nous dit que le gouvernement n'a pas encore présenté de projet, et qu'on ne peut dès lors savoir quel sera le produit qu'il sera possible d'en retirer, Messieurs, lorsque nous sommes dans la nécessité de frapper des impôts, il faut les imposer sur la matière qui peut le mieux les supporter. Or, il n'y a pas de matière plus imposable que le sucre, qui n'est consommé que par les classes aisées. Aussi, si vous perceviez quelques millions de plus sur cette matière, lors même que vous doubleriez l'impôt actuel, soyez persuadé qu'on n'en consommerait pas moins.

Messieurs, en présence des besoins du trésor, j'espère que la chambre tout entière votera une loi sur les sucres, non pas telle que la présentera le gouvernement, mais telle qu'elle produise au trésor une recette de huit millions de fr. Cet impôt dont vous frapperez le sucre exotique, vous le percevrez d'ailleurs à charge de l'étranger. Nous en avons une preuve certaine. L'impôt sur le sucre, il y a quelques années, ne rapportait que 200,000 fr. En modifiant la loi, nous lui avons fait rapporter plus de trois millions ; cependant le prix du sucre n'a pas augmenté. Qui donc a payé les 2,800,000 fr. en plus : n'est-ce pas le producteur du sucre étranger ? A moins qu'on ne nous dise que ce sont les raffineurs de sucre exotique ou le haut commerce qui ont voulu faire ce cadeau au trésor, il faudra bien reconnaître que l'étranger seul a été frappé.

Messieurs, n'oublions pas la sympathie que nous devons à une industrie qui, sous tous les rapports, est la plus morale et la plus intéressante, à la prospérité de laquelle l'industrie, le commerce, la Belgique tout entière ont un intérêt majeur ; car sans agriculture, il n'y a pas d'industrie possible, pas de commerce possible, pas de Belgique possible. Sans l'agriculture, le haut commerce pourrait bien déserter comme les hirondelles partent de la Belgique en septembre à la suite d'une petite gelée, comme je vous le disais hier, et aller s'établir, soit à Hambourg, soit ailleurs, là où il y aurait de l'argent à gagner.

M. de Garcia. - Messieurs, je n'ai à présenter qu'une observation fort courte contre une opinion qui vient d'être émise par l'honorable M. Orban. Je craindrais que cette opinion ne s'accréditât.

Cet honorable membre vient d'énoncer la pensée que, par suite des opérations cadastrales, le Luxembourg se trouvait plus imposé que les autres provinces du royaume. Messieurs, je ne le pense pas ; pour justifier sa manière devoir, l'honorable membre a cité un fait ; c'est que dans la province de Luxembourg, certaines propriétés payeraient, à la suite du cadastre, le double de ce qu'elles pavaient antérieurement. Messieurs, ce fait ne prouve rien, et il ne s'est pas produit seulement dans le Luxembourg. Dans la province de Namur, la même différence s'est présentée ; il est des communes qui sont restées sur le pied où elles étaient antérieurement, tandis que des communes voisines ont vu leurs contributions doublées.

Si dans le Luxembourg certaines propriétés ne payaient que moitié de ce qu'elles payent aujourd'hui, nous devons supposer qu'avant le cadastre, elles ne payaient que moitié des charges qu'elles auraient dû supporter. Car nous ne pouvons taxer, ni même soupçonner d'injustice l'administration du cadastre, qui, au fond, ne peut avoir d'autre désir que d'accomplir ses devoirs.

Messieurs, si pendant plusieurs années les propriétés, dans le (page 323) Luxembourg, ont joui d'une modération d'impôt, c'est un motif pour qu'elles payent aujourd'hui ce qu'elles doivent payer. Par la force des choses et des circonstances, les propriétés foncières ont dû éprouver une augmentation de valeur plus grande dans le Luxembourg que dans toute autre partie du pays ; en voici le motif : le Luxembourg a été largement doté de communications utiles, communications qui donnent une grande valeur aux propriétés foncières, une valeur plus grande même que celle que leur donnent les chemins de fer.

Aussi, messieurs, dans la partie agricole de la province de Namur, ce que l'on demande surtout, ce sont des routes empierrées qui permettent aux cultivateurs de faire arriver leurs produits sur les marchés.

Messieurs, j'ai cru devoir répondre quelques mots aux observations de l'honorable M. Orban. Si plus tard on veut procéder à une révision du cadastre, je ne m'y opposerai pas ; mais je suis persuadé que cette révision démontrera que le Luxembourg n'est pas plus imposé que les autres parties du pays. Au surplus, la portée de mon observation n'a d'autre but que de prévenir qu'une semblable allégation ne vienne à fausser l'opinion et à établir un préjugé.

- La discussion est close.

L'amendement de M. Eloy de Burdinne est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

Les divers paragraphes de l'article « Foncier » sont adoptés. L'ensemble de l'article est adopté.

Personnel

« Principal : fr. 8,090,909.

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 809,091.

« Total : fr. 8,900,000. »

M. de Breyne. - Messieurs, dans la discussion générale du budget des voies et moyens, nous avons entendu plusieurs de nos honorables collègues attaquer les bases de l'assiette de l'impôt sur le personnel.

Quoique je sois d'accord avec eux sur l'inégalité des charges que cet impôt fait peser sur les différentes classes de la société, je ne viens pas demander un système nouveau, mais je me contenterai de signaler quelques changements que l'on pourrait introduire dans les dispositions de la loi, changements qui tendraient à une répartition plus équitable des charges de l'Etat.

Je ne suivrai pas les honorables membres sur les divers systèmes qu'ils nous ont développés et qu'ils ont proposés pour remplacer le système actuel ; je laisse le soin de cet examen à qui ce devoir incombe, et je me contente, pour le moment, de vous présenter quelques courtes réflexions que l'application de la loi sur l'impôt personnel m'a fait faire.

Comme j'ai l'honneur de vous le dire, nous aurons un déficit inévitable sur le budget des voies et moyens, pour l'exercice de 1846.

Plus j'examine la question sur toutes ses faces, plus je vois les choses de près, et plus je suis convaincu que le déficit qui nous attend sera considérable.

Dans cet état de notre situation financière, quel est le devoir du représentant qui veut remplir consciencieusement son mandat ? N'est-ce pas de venir au secours du gouvernement ? N'est-ce pas de lui donner la main et de lui venir en aide, pour tâcher de prévenir la catastrophe dont nous sommes menacés ?

Eh bien, messieurs, moi je dis aux ministres : Je vous accorde tout ce que vous me demandez dans le budget des voies et moyens, mais j'exige que vous en fassiez usage dans l'intérêt bien entendu du pays.

Au lieu de démolir, je veux conserver ; et qui veut la fin, doit vouloir les moyens.

Si, d'un côté, je veux des économies, d'un autre côté, j'exige que M. le ministre des finances fasse produire aux contributions existantes tout ce qu'elles peuvent produire.

Au nombre de nos lois fiscales, qui ne rapportent pas au trésor ce qu'elles devraient rapporter, vient en première ligne la loi sur la contribution personnelle.

Cette loi est faussée dans son texte, elle est faussée dans son essence. Depuis quinze ans, il n'y a plus de contrôle et le contribuable seul est appelé à faire sa déclaration.

Les bases de l'assiette sur les portes et fenêtres, sur les foyers et sur les domestiques, donnent matière à des fraudes évidentes. Et au profil de qui ces fraudes se commettent-elles ? Au profit de ceux qui ne devraient jamais se les permettre, au profit de ceux qui croient que leur position, leur fortune les met au-dessus des poursuites ; au profit de ceux qui devraient être au-dessus de tout soupçon.

Si j'engage M. le ministre, dans l'intérêt du pays, à faire produire à la loi sur la contribution personnelle tout ce qu'elle peut nous donner, je dois aussi réclamer, en faveur de l'artisan, de l'ouvrier et du petit propriétaire, l'indulgence et l'exemption que cette classe de nos concitoyens a croit d'attendre de nous.

La loi sur l'impôt personnel exemple de toute contribution les maisons dont la valeur locative ne dépasse pas vingt florins ou 42 fr. 33 c. par année Il y a près de vingt-cinq ans que cette loi est en vigueur ; et vous conviendrez avec moi que depuis cette époque, les loyers des maisons sont augmentés tandis que la main-d'œuvre est diminuée.

Il n'y a donc plus de rapport entre les moyens de l'ouvrier et ses dépenses ; et la faveur dont le législateur a voulu le doter, ne profite plus au malheureux. Il faut, si nous voulons être justes, étendre cette condition de faveur, et dire que la limite de l'exemption sera de soixante ou soixante et dix fr. au lieu de 43 fr. 33 c.

Messieurs, une autre classe de la société, qui est victime de la loi sur la contribution personnelle, est celle des petits propriétaires. Je citerai un exemple pour me faire mieux comprendre.

Je suppose un ouvrier qui occupe une maison de 60 à 70 fr. par an. D'après les termes de la loi, la maison qu'il occupe est soumise à la taxe de la contribution personnelle ; mais eu égard à sa famille, à son âge avancé ou à son état voisin de l'indigence, on le porte sur la liste des insolvables. Tout est bien jusqu'à ce moment dans l'intérêt de cet ouvrier ; mais voici le revers de la médaille. Par suite d'une conduite régulière, par suite d'économies, faites très souvent sur les besoins les plus indispensables, ou par suite d'une petite succession, l'ouvrier se trouve en possession d'une somme de quatre à cinq cents francs. Quelle est la destination que l'ouvrier donnera à ses épargnes ? Il les fera servir à l'amélioration le son sort, en achetant la maison qu'il habite.

Je tâcherai, dira-t-il, de trouver une somme de dix à douze cents francs à titre de rente, j'achèterai cette maison, je serai propriétaire, personne ne pourra me faire déguerpir, je redoublerai d'économies sur mes besoins pour rembourser la rente ; et, dans mes vieux jours, j'aurai un asile où du moins je pourrai mourir en paix.

Mais, messieurs, quelles déceptions attendent ce malheureux qui compte sans le fisc ! A peine est-il propriétaire, que le fisc vient lui dire : Nous ne pouvons plus vous porter sur la liste des insolvables, vous êtes propriétaire, et vous payerez annuellement pour contribution foncière, quatre à cinq francs ; et pour la personnelle, douze à quinze francs, ensemble vingt francs.

C'est ainsi, messieurs, que le malheureux, qui a cru améliorer sa position, s'est créé une augmentation de charges de vingt francs par ans ! Vingt francs par an, pour un ouvrier, dans les Flandres, c'est vingt journées de travail, c'est la quinzième partie de ce qu'il peut gagner dans une année.

N'est-ce pas là une injustice criante, une injustice que l'on doit faire disparaître dans l'intérêt des classes qui souffrent tant aujourd'hui ?

Messieurs, ce que j'ai l'honneur de vous dire n'est pas une supposition. C'est un fait constant qui se répète souvent dans les petites localités, et j'en prends à témoin tous mes honorables collègues, qui, comme moi, ont l'honneur d'être à la tête d'une administration communale.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je n'ai demandé la parole que pour relever quelques-unes des expressions échappées sans doute à l'honorable membre.

L'honorable préopinant pense qu'il y a en Belgique des personnes qui sont au-dessus des poursuites. Il n'en est pas ainsi. La loi est appliquée d'une manière égale à tous les citoyens.

Je crois qu'il y a un milieu à tenir entre les vœux formés par l'honorable membre au commencement de son discours, et ceux qui ont été formés par d'autres représentants, c'est-à-dire entre une extrême indulgence et une extrême sévérité.

Il m'est difficile de comprendre quelle est la pensée de l'honorable député de Dixmude. Selon lui, le gouvernement doit s'attacher à faire produire beaucoup plus à l'impôt personnel, et il conclut à la diminution de cet impôt pour certains cas. Il cite des exemples où l'application des bases actuelles lui paraît injuste. Si je donnais suite aux dernières observations de l'honorable membre, je ne vois pas comment je pourrais réaliser les premières.

M. Mast de Vries. - Messieurs, parmi les observations que vient de vous présenter l'honorable M. de Breyne, il en est plusieurs dont nous devons reconnaître la justesse.

La loi sur la contribution personnelle est défectueuse en différents points ; mais elle est défectueuse aussi dans son exécution.

Je citerai un autre exemple sur lequel j'appelle l'attention de M. le ministre des finances. Je lui demanderai pourquoi il faut qu'il y ait deux poids et deux mesures. Je m'explique. Le cadastre nous fait connaître la valeur locative des maisons. Pourquoi faut-il que ces maisons soient encore évaluées d'après un autre système, et à une valeur différente ? Ainsi une maison est évaluée d'après le cadastre à 400 fr. de valeur locative. Comment se fait-il que des employés puissent venir dire : Non, cette maison ne doit pas être évaluée à 400 fr., mais à 1,000, et c'est sur cette dernière somme que sera établie votre contribution personnelle ! Voilà, messieurs, ce qui se passe.

Quant à l'autre point dont l'honorable membre a parlé, les petites maisons de 20 florins et au-dessous, il est certain que ces maisons n'existent presque plus aujourd'hui dans les villes, les loyers ont considérablement augmenté. Les agents du fisc trouvent que toutes les maisons valent plus de 20 florins. Ainsi, des maisons louées à des malheureux à la semaine, ces maisons sont soumises à l'impôt. Cependant ces maisons figurent au cadastre pour un revenu de 18 à 20 fr. Je demande que le gouvernement applique la contribution personnelle d'après les chiffres du cadastre. Alors il n'y aura plus de réclamation. Si je déclare ma maison d'après l'évaluation cadastrale, on me met à l'amende. Or, je vous le demande, messieurs : combien cela est absurde : le gouvernement dit dans le cadastre : Votre maison vaut tant » et si je déclare cette valeur pour la contribution personnelle, le gouvernement renie sa propre évaluation ; il dit : « Votre maison vaut plus, elle vaut le double, le triple, » et il me fait payer la contribution sur le pied.

L'honorable M. de Breyne a fait une autre observation, c'est que bien des gens parviennent à se soustraire au payement d'une grand partie de la contribution personnelle. Ainsi, j'aurai eu, il y a 10 ou 15 ans, 3 ou 4 cheminées ; j'en aurai fait la déclaration, mais par suite de nouvelles circonstances, j'en aurai maintenant 12 ; eh bien ! je me référerai toujours à mon (page 324) ancienne déclaration et je continuerai, à ne payer que pour 3 ou 4 cheminées. Voilà, messieurs, ce qui se fait tous les jours, sans que le gouvernement puisse l'empêcher. Je dis que l'on devrait faire disparaître de pareils abus. C'est une véritable injustice : celui qui est peu délicat en profite, et celui qui fait sa déclaration avec loyauté, en est victime. Il est indispensable de réviser la loi sur la contribution personnelle ; cette révision doit avoir lieu dans l'intérêt du trésor et dans l'intérêt des contribuables.

M. Savart-Martel. - Messieurs, je commence par déclarer que je partage entièrement l'opinion de l'honorable M. Mast de Vries, en ce qui concerne l'évaluation des bâtiments. En effet, puisqu'il existe un cadastre obligatoire pour la contribution foncière, pourquoi ne le serait-il point également pour les autres impôts ? Est-il permis au gouvernement d'avoir deux poids et deux mesures ? Il y a là de l'absurdité. Ce qui est vrai pour le foncier, doit l'être pour tous les impôts qui ont en vue la propriété, tel entre autres que les droits d'enregistrement et de succession.

Quant à l'amendement que j'ai soumis à la chambre, c'est pour moi un devoir. Fais ce que tu dois, advienne ce que pourra. A tout ce qui a déjà été dit, j'ajouterai 1° qu'on a tort d'avoir égard aux circonstances actuelles pour repousser mon amendement, car le budget ne présente rien, absolument rien pour remédier aux misères dont on se plaint. On dit que je ne propose rien pour remplacer le million dont je veux dégrever le contribuable ; mais on se trompe, car si l'on admet ma prévision de ne voter que les dépenses nécessaires, an moins cette année, le chapitre des dépenses trouverait une diminution assez considérable. Cette position nous fait voir combien il est regrettable qu'on nous force à voter les recettes avant les dépenses.

On place ainsi la chambre dans une fausse position.

M. de Breyne. - Si j'ai bien compris M. le ministre des finances, il a dit que la fin de mon discours est en contradiction avec le commencement, que d'un côté je demande des augmentations et de l'autre des diminutions. Eh bien, messieurs, c'est en effet ce que je désire : je demande qu'on diminue les charges du malheureux et qu'on frappe davantage le riche. Je demande qu'on fasse payer ceux qui peuvent payer et qui, par conséquent, doivent payer. Voilà ma réponse à M. le ministre.

M. de Theux.- Messieurs, la loi de 1832, qui a permis aux contribuables de se référer à leurs anciennes déclarations, celle loi a certainement apporté un adoucissement à la contribution personnelle, parce que de cette manière le chiffre de l'impôt ne suit pas le progrès de la valeur de la matière imposable ; mais il n'en est pas ainsi en ce qui concerne les habitations qui étaient exemptes et qui le sont encore aujourd'hui, aux termes de la loi de 1822, à savoir celles dont la valeur locative n'atteint pas 20 florins. Pour cette catégorie de maisons, je dois le dire à regret, l'administration des finances suit des errements tout opposés à ceux du gouvernement des Pays-Bas. A l'époque où la loi a été introduite, toutes les maisons étaient imposées, quelle que fût leur valeur locative ; néanmoins, le gouvernement des Pays-Bas a fait une large application de la loi de 1822, portant l'exemption pour les habitations de moins de 20 florins.

Aujourd'hui, au contraire, on cherche, d'année en année, à faire rentrer parmi les propriétés imposables, les maisons que l'ancien gouvernement avait cru devoir exempter. C'est ainsi qu'il existe des communes ou le nombre des maisons imposables s'est accru dans la proportion de 1 à 4 ou 5. Voici, messieurs, comment on s'y prend. On envoie aux paysans des billets d'avertissement ; on leur insinue que s'ils n'acceptent point la déclaration de la valeur locative, ils seront plus mal traités, qu'on sera plus rigoureux à leur égard, et ces gens, qui ont peu d'expérience des lois et des affaires, acceptent les avertissements, de crainte d'être plus fortement lésés encore. De cette manière, la loi de 1822 est aujourd'hui faussée dans son application, dans beaucoup de localités. J'appelle sur ce point l'attention de M. le ministre des finances. Il faut que les exceptions de la loi de 1822 demeurent une réalité.

M. le ministre des finances (M. Malou). - L'adoption de deux valeurs différentes pour servir de base à la perception de deux impôts différents semble étrange au premier abord. Cependant tout le monde sait que la valeur cadastrale n'est pas la valeur réelle. Or, la base de la contribution personnelle, c'est la valeur locative réelle.

Quant aux abus qui peuvent avoir eu lieu, je ferai remarquer que ces abus sont de deux espèces : quelquefois une très grande complaisance fait déclarer non-imposables une grande partie des maisons d'une commune. Je m'explique d'ailleurs fort bien que des maisons, qui n'étaient pas imposables en 1822, le sont devenues aujourd'hui, alors même qu'aucun changement n'y a été fait, parce que les valeurs locatives peuvent avoir augmenté. D'ailleurs, cet abus est-il réellement possible ? N'y a-t-il pas dans la loi des garanties contre cet abus ? Ceux qui se croient surtaxés, peuvent réclamer, et je connais des circonstances où des habitants ont usé très largement de ce droit, à l'occasion de l'application du même article de la loi de 1822.

Je reconnais qu'il y aurait moyen de faire produire beaucoup plus à l'impôt personnel ; mais il faudrait pour cela une mesure très sévère, une mesure devant laquelle on hésite depuis longtemps ; il faudrait faire un recensement, comme on l'a fait en France ; et pour faire une semblable opération ; il faut saisir un moment opportun.

M. Savart-Martel. - M. le ministre des finances nous dit que rien n'est plus facile que de réclamer. Mais voyons comment les choses se passent. Les particuliers doivent déclarer chaque année l'évaluation des portes, fenêtres, cheminées. Si l'administration croit que ces évaluations ne sont pas portées à leur véritable valeur, je conviens qu'en général elle invite le contribuable à rectifier sa déclaration.

Si le particulier est convaincu qu'il y a réellement erreur dans les prétentions du fisc, qu'arrive-t-il ? On lui fait un procès-verbal, on le traduit devant le tribunal de police correctionnelle, et je dirai franchement que mieux vaut payer ce qu'on demande que d'en passer par cette épreuve.

Gagne-t-il son procès, l’administration se pourvoit toujours en appel, force est-il de la suivre en deuxième instance, et parfois en cassation.

Il y a dans cette conduite véritable vexation, car il est certain que même en gagnant son procès, il dépense beaucoup plus que ce qu'on exigeait de lui.

Voilà ce qui fait de nombreux ennemis au gouvernement. J'appelle sur cette position toute l'attention du ministère.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'avais parlé du droit de réclamer, qu'on a en matière de contribution personnelle, et l'honorable membre parle des procès, du chef de contestations judiciaires qui naissent de la fraude de l'impôt. Ce sont deux choses tout à fait différentes. Les réclamations ne se portent pas devant les tribunaux, mais devant l'autorité administrative, et l'exercice de ce droit n'est pas onéreux, comme le suppose l'honorable membre.

Quant aux poursuites en matière de contribution, je dois déclarer que si l'appel est toujours interjeté, c'est un appel conservatoire et pas autre chose ; lorsque l'appel est interjeté, l'administration supérieure reçoit toutes les pièces et décide s'il faut y donner suite. Ces affaires sont examinées avec le plus grand soin et avec le désir d'être juste envers le contribuable et envers le trésor public.

M. Mercier. - Messieurs, je conçois que l'on trouve la loi sur la contribution personnelle, défectueuse à certains égards. Je comprends qu'à l'exemple de l'honorable M. de Breyne on exprime le désir que des loyers des habitations, supérieures à 43 francs, puissent jouir de l'exemption de cette contribution. Mais j'avoue avoir entendu, non sans étonnement, énoncer ici la pensée que la loi s'exécuterait, aujourd'hui, dans quelques-unes de ses parties, avec plus de sévérité que sous le gouvernement précédent.

Cela est inexact. Il est possible que, dans l'une ou l'autre des localités du pays, il en ait été ainsi accidentellement. Mais il est de fait qu'un très petit nombre de réclamations sont parvenues au département des finances. Quand j'étais à la tête de ce département, je n'en ai reçu aucune ou du moins qu'un très petit nombre, en ce qui concerne l'intervention des fonctionnaires dans les déclarations ; il me semble que les contribuables sont assez enclins à réclamer, pour que le département des finances eût eu connaissance de cet état de choses, s'il existait réellement. Je le répète, si l'abus a été commis dans quelques localités, cela est tout à fait exceptionnel ; mais je puis donner l'assurance que la loi est exécutée avec une grande modération, souvent préjudiciable aux droits légitimes du trésor.

On éclaire les contribuables lorsqu'ils sont dans l'erreur ; quelquefois on les engage à augmenter leurs déclarations ; et pourquoi le fait-on ? C'est dans leur propre intérêt ; d'ailleurs, on sait qu'ils ont le droit de demander l'expertise ; eh bien, s'ils supposent que l'agent qui leur donne le conseil d'augmenter leur déclaration n'est pas dans le vrai, qu'ils réclament alors l'expertise dont les frais sont très peu considérables ; du reste, on la demande rarement, on se réfère, la plupart du temps, aux bases de la cotisation des années précédentes. L'honorable M. Mast de Vries trouvait tout à l'heure que c'était un vice de la loi. Si on ne consultait que l'intérêt du trésor, tous les motifs se réuniraient pour qu'un ne laissât plus cette faculté aux contribuables. Mais c'est précisément encore parce que l'administration est imbue d'un esprit de modération, que le gouvernement n'a pas proposé jusqu'à ce jour de rapporter cette disposition.

Quant aux observations faites par l'honorable M. Savart sur les procès en matière de contribution directe, je rappellerai à l'honorable membre ce qui a été déjà déclaré dans cette enceinte, à savoir que sur 100 causes en matière de contribution directe, de douanes et d'accises, l'administration en gagne 96 au moins.

M. Savart-Martel. - C'est impossible autrement.

M. Mercier. - Les tribunaux observent la loi ; si l'administration interjette quelquefois un appel, c'est qu'elle se croit fondée à le faire ; et elle l'est en effet, puisqu'elle obtient presque toujours gain de cause.

Dès lors, il me semble que les observations de l'honorable M. Savart portent à faux ; l'administration pourrait avec raison être accusée d'incurie, de négliger les intérêts qui lui sont confiés, si en ne réprimant pas les infractions aux lois fiscales, elle encourageait leur inexécution.

M. Dumortier. - Messieurs, c'est un fait incontestable, que parmi les employés de l'administration des finances, dans les provinces, il en est qui sont fort enclins à intenter des procès contre les particuliers. Ces procès font le plus grand tort au gouvernement dans l'esprit des populations. J'ai sous les yeux les pièces relatives à trois procès intentés à un citoyen. Celui-ci avait gagné son procès en première instance et en appel, et on l'a traîné jusqu'en cassation. J'ai les pièces sous les yeux, et, si on en manifestait le désir, je les déposerais sur le bureau.

Il est de fait qu'une foule de procès sont intentés sans rime ni raison. Ces procès ne sont pas seulement intentés du chef de la contribution dont il s'agit en ce moment, mais encore du chef des accises et des patentes. En règle générale, les procès sont intentés avec une grande légèreté, et je désire vivement que M. le ministre des finances donne l'ordre à ses agents de n'intenter de procès que lorsque le gouvernement a deux fois raison.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, il me semble que le fait cité par l'honorable M. Mercier répond d'avance aux observations qui viennent d'être présentées. On ne peut pas demander à l'administration des finances de ne plus intenter de procès. Ce qu'on peut lui demander, c'est de ne les intenter qu'avec des chances sérieuses de les gagner. (page 325) Or, elle les gagne presque tous. Dos lors, prenons garde de ne pas énerver son action nécessaire, indispensable, au point de vue des intérêts du pays.

M. de Renesse. - Je puis aussi déclarer, que dans le Limbourg, et particulièrement dans les arrondissements de Tongres et de Maeseyck, on a poussé la fiscalité beaucoup plus avant que sous le gouvernement précédent. C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, que l'on a fait des procès à des propriétaires pour faire déclarer leurs chevaux comme chevaux de luxe, tandis qu'en réalité ces chevaux étaient employés à la culture de la terre ; aussi le tribunal de Tongres a donné gain de cause à des propriétaires et autres contribuables contre lesquels l'administration avait fait dresser des procès-verbaux. Si l'on force certains propriétaires à déclarer leurs chevaux qui servent à l'agriculture comme chevaux de luxe, certes, ils ne s'occuperaient plus de l'amélioration de la culture de leurs terres, au grand détriment de l'agriculture. J'ai moi-même, et l’un de nos honorables collègues du Limbourg, donné connaissance, l’année dernière, à M. le ministre des finances, de cette fiscalité poussée outre mesure ; l'on nous avait fait espérer de la faire cesser.

M. Savart-Martel. - Messieurs, j'ai dit que très souvent les tribunaux étaient liés par les actes mêmes de l'administration. Une condamnation doit être nécessairement prononcée. Je vais vous citer un exemple.

Un boutiquier habite à Tournay une maison dans une rue qui, proportion gardée, serait la rue de la Madeleine de Bruxelles. Son loyer est donc assez élevé. Ne voulant pas quintupler la valeur pour le mobilier, il fit une déclaration de son mobilier qui était de bien peu de valeur. Eh bien, savez-vous comment les choses se passent ? Des experts vont dans cette maison, ils estiment rondement son mobilier sans inventaire aucun, ce qui empêche de constater l'erreur. Quelque temps ensuite, il est cité en condamnation, il demande qu'il soit procédé à une expertise détaillée, mais on lui répond que depuis l'évaluation fiscale, son mobilier a pu changer. Je le dis consciencieusement, il n'existe aucune garantie réelle contre les abus.

M. Desmet. - C'est l'ordinaire, on se plaint moins de la loi que de la manière dont on l'applique ; les lois n'ont un caractère fiscal que quand on les exécute d'une manière contraire à leur esprit. Ce qu'a avancé l'honorable M. de Theux est fort exact : on n'a pas compassion pour les malheureux ; on force les évaluations pour tâcher d'atteindre la valeur locative de 20 florins, pour comprendre des malheureux dans la première classe de la contribution personnelle. Si on voulait comparer les évaluations cadastrales avec celles que l'on fait pour établir la contribution personnelle, on trouverait souvent une grande différence.

Messieurs, je vous signalerai un autre abus de l'application de la contribution personnelle. A la première classe la loi admet des exemptions fort justes. Les locaux des établissements de bienfaisance destinés à l'instruction publique sont exempts, mais comme la loi impose les parties habitées ou employées à un autre usage que la bienfaisance et l'instruction publique, quand une chambre ou deux sont occupées par des sœurs ou d'autres personnes employées dans l'établissement, on les taxe. Cette mesure est l'objet d'un grand nombre de plaintes. Quand la loi dit que les parties habitées de l'établissement seront soumises à l'impôt, on veut parler d'une partie quelconque de bâtiment située dans le même enclos. Il est à ma connaissance qu'on a taxé dans un établissement de charité, la chambre et le cabinet des sœurs qui le desservent.

M. Rodenbach. - On n'avait pas vu cela sous le régime hollandais.

M. de Brouckere. - Messieurs, les orateurs qui viennent de parler ont signalé quelques faits qui démontrent qu'il y a dans l'administration des finances des fonctionnaires animés d'un esprit de fiscalité qu'ils poussent trop loin. Peut-on en conclure qu'il y a lieu à accuser cette administration en masse d'un excès de zèle et de sévérité ? Evidemment non, et ce n'est pas la première fois que je proteste contre une semblable accusation. Je suis loin de contester les faits que l'on a signalés ; je n'entends pas prendre la défense de tous les employés des finances. Mais je pense qu'il y aurait injustice à prendre quelques faits isolés pour arriver à une condamnation générale contre le département des finances. J'ai la conviction, et je l'ai par suite d'une longue expérience, que l'administration des finances en général n'est pas fiscale ; et j'ai cette autre conviction que si l'impôt personnel était réparti par des commissions prises parmi les habitants de chaque localité, comme on fait pour établir l’impôt des patentes, la contribution personnelle produirait davantage qu'aujourd'hui, que cette répartition est l'œuvre de l'administration des finances. Je suis convaincu que cette contribution ne produit pas ce qu'elle devrait produire. Il suffit de comparer le chiffre du produit de cette contribution, il y a dix ou douze ans, avec le chiffre du produit actuel.

Tout le monde conviendra que le produit de cette contribution ne correspond pas à l'accroissement immense des propriétés bâties, accroissement qui a eu lieu progressivement depuis une dizaine d'années. Si je prends la parole (et ce n'est pas la première fois que je le fais) pour soutenir cette thèse, c'est que le résultat des réclamations qu'on fait entendre dans cette chambre pourrait être d'énerver l'action des employés zélés et honnêtes. Croyez-vous qu'il n'est pas pénible, pour un employé qui remplit consciencieusement son devoir, de s'entendre accuser publiquement d'excès de zèle, d'esprit de fiscalité ?

Il faut être, selon moi, économe de ces plaintes. Si elles concernent les employés en particulier, qu'on les signale à M. le ministre des finances, je suis sûr qu'il prendra des mesures pour les rappeler à l'ordre, pour les empêcher à l'avenir de montrer une sévérité excessive ; mais ces accusations faites contre l'administration en masse, doivent avoir un résultat fâcheux, car si les employés venaient à se décourager, s’ils venaient à mettre de la faiblesse, de l'apathie dans l'exercice de leurs fonctions, les contributions no produiraient plus autant qu'elles produisent aujourd'hui ; il faudrait alors ajouter de nouveaux impôts aux impôts existants. Nous avons un intérêt réel, le pays a intérêt à ce que les contributions soient prélevées sans mollesse, sans que les employés se montrent trop faciles.

Je dois cependant prier M. le ministre des finances d'examiner si la contribution personnelle se prélève partout d'après les mêmes bases. Ayant sous les yeux le tableau de la contribution personnelle dans les diverses provinces ; je dois croire qu'elle ne se prélève pas partout d'après des bases équitables ; je prends la province d'Anvers et celle du Hainaut ; vous savez que la province du Hainaut a une population à peu près double de celle d'Anvers et possède un grand nombre de villes, tandis que la province d'Anvers n'en renferme que 4. Croiriez-vous que le total de la contribution personnelle dans la province du Hainaut est inférieur au total de cette contribution dans la province d'Anvers ? Je pourrais faire d'autres comparaisons qui démontreraient cette thèse que l'impôt ne doit pas être perçu d'une manière équitable. J'appelle l'attention de M. le ministre des finances sur cette question, et je l'engage à faire examiner par son administration s'il n'y a pas lieu à faire une répartition plus équitable de l'impôt personnel.

M. Savart-Martel. - Je demande la parole.

M. le président. - La parole est à M. Rodenbach.

M. Rodenbach. - Je reconnais qu'un grand nombre d'employés de l'administration des contributions remplissent exactement leurs devoirs ; il ne faut pas les décourager. Mais il en est, je dois le déclarer, c'est un devoir pour moi, j'en ai eu l'expérience, dont le zèle est outré pour obtenir de l'avancement ; ils croient qu'en vexant les contribuables, c'est un moyen de parvenir d'obtenir de l'avancement. Je citerai un fait arrivé dans la Flandre occidentale : un individu devait 7 ou 8 fr., il était dans la misère, il ne possédait qu'une table et deux chaises, il avait 5 ou 6 enfants, le fait est à ma connaissance en ma qualité d'administrateur, on voulait vendre sa table et ses deux chaises et l'expulser pour une dette de 8 francs. J'ai dû faire un grand nombre de démarches pour qu'on ne le ruinât pas.

Je vous demande, quand on a une table et quelques chaises, si on doit payer une contribution ? Le lit, on ne pouvait pas le saisir, non plus que le métier qui sert à gagner la vie, la loi ne le permet pas, mais on vend une table et des chaises pour 8 fr., on réduit à rien un homme déjà malheureux. Je sais qu'on ne donne pas de pareilles instructions, ce ne peut être le vœu ni du législateur, ni du gouvernement.

Eh bien, c'est un fait ; c'est encore dans cette année calamiteuse que ce fait est arrivé.

L'honorable M. Desmet a fait allusion également à quelques rigueurs de la loi. Il a parlé d'un établissement de bienfaisance, d'un hôpital où des sœurs de charité auraient été frappées d'un impôt de 45 à 50 fr., en raison d'une chambre où elles soignent les malades. C'est outrer la loi ; c'est l'interpréter de manière à ne pas faire aimer le gouvernement. Je prie M. le ministre des finances d'écouter les réclamations, de ne pas interpréter les lois au détriment des malheureux.

- La discussion est close.

L'amendement présenté par M. Savart est mis aux voix ; il n'est pas adopté.

L'article « Personnel » est mis aux voix et adopté.

Patentes

« Principal : fr. 2,600,000

« 10 centimes additionnels extraordinaires : fr. 260,000

« Total : fr. 2,860,000. »

M. Savart-Martel. - Je retire mon amendement. L'article « Patentes » est mis aux voix et adopté.

Redevances sur les mines

« Principal : fr. 121,212.

« 10 centimes ordinaires pour non-valeurs : fr. 12,121.

« 5 centimes sur les deux sommes précédentes pour frais de perception : fr. 6,667.

« Total : fr. 140,000. »

- Adopté.

Douanes

« Droits d'entrée (16 centimes additionnels) : fr. 11,200,000

« Droits de sortie (16 centimes additionnels) : fr. 420,000

« Droits de transit (16 centimes additionnels) : fr. 40,000

« Droits de tonnage (16 centimes additionnels) : fr. 425,000

« Timbres : fr. 37,000

« Total : fr. 12,122,000. »

- Adopté.

Droits de consommation sur les boissons distillées

« Droits de consommation sur les boissons distillées, 980,000 fr. »

M. de Roo. - Si, d'après M. le ministre des finances, le principe en Belgique en matière de loi des finances, notamment en matière d'impôts, est l'impôt proportionnel, certes, messieurs, ce principe fait défaut dans la loi qui est en discussion, la loi relativement aux droits de consommation sur les boissons distillées.

C'est pourquoi, messieurs, on taxe cette loi, et cela avec raison, de loi injuste, vexatoire et même d'avoir totalement manqué son but.

Elle est injuste, parce qu'elle met sur le même rang le plus petit débitant des campagnes avec le plus grand débitant de la capitale. Elle met sur le même rang le riche et le pauvre, et pèche contre tout principe de loi en matière des finances. Elle est vexatoire, parce que quand la loi commine un emprisonnement de (page 326) six jours à un mois pour une contravention encourue dans l'espèce, cet emprisonnement se trouve souvent doublé, quadruplé, par un emprisonnement arbitraire, d'après la volonté du receveur des amendes ou frais judiciaires, et cela pour cause unique d'insolvabilité.

Messieurs, le but de la loi est également manqué ; le but que l'on voulait atteindre était de diminuer les lieux de rassemblements, les lieux de débauches, les taudis ; au lieu de diminuer ils n'ont fait qu'augmenter, car on ne débite pas moins de boissons alcooliques qu'auparavant ; la seule différence qui existe, c'est que précédemment on débitait publiquement, que l'on payait l'impôt, et que, maintenant, on débite clandestinement, parce qu'on ne peut ou ne veut pas payer l'impôt qui est exorbitant.

Si on veut réellement atteindre le but que l'on s'est proposé lorsque l'on a présenté la loi, il faut diminuer l'impôt, le graduer ; ainsi alors l'honnête cabaretier de la campagne et des villes payera cet impôt qui sera proportionné à son débit, et de la même manière les petits cabarets cesseront de fait, parce que leur débit cessera, ou diminuera de telle sorte qu'ils ne voudront plus s'exposer aux poursuites d'un débit clandestin.

L'honorable M. Mercier, dans une séance précédente, a dit que si l'on voulait changer cette loi, il faudrait recourir à un recensement, à des visites. Mais, messieurs, ne faut-il pas des visites dans la circonstance actuelle, car comment voulez-vous constater les contraventions si vous ne faites des visites ? Comment pourriez-vous dresser des procès-verbaux, si vous ne vous rendiez sur les lieux ? Quant au recensement, c'est bien peu de chose, pour établir le principe exigé en toute matière de finance, pour établir dans la loi la base et le fondement de toute loi, la justice.

L'honorable M. Verhaegen a également demandé qu'étaient devenues les nombreuses pétitions parvenues à la chambre, réclamant l'abolition ou la révision de cette loi. Sur ces pétitions, messieurs, un rapport a été fait, les conclusions en ont été le renvoi à M. le ministre des finances avec demande d'explications.

Ces explications sont encore à donner.

Cependant, il faut en convenir : à la section centrale, nous nous sommes également occupés de cet objet ; elle a été unanime pour demander la révision de la loi, et M. le ministre s'y est associé. J'espère qu'il tiendra parole ; en tous cas, nous aurons soin de lui rappeler.

M. Rodenbach. - Je pense que cette année nous devons être très prudents ; nous ne pouvons diminuer les voies et moyens ; c'est par ce motif que je ne propose pas d’amendement à l'article en discussion dont le produit est évalué à 980,000 fr.

On a dû voir, par l'opinion des sections, que cet impôt n'est plus accepté par la chambre, parce que le principe de cet impôt n'est pas juste, et la chambre n'aime pas l'injustice.

Le but de la loi est moral ; c'était de diminuer le nombre des petits cabarets, où l'on vend des liqueurs principalement pour la classe pauvre. Si le but était rempli, passe encore. Mais précédemment il y avait 72,000 débitants, tandis qu'il n'y en a plus que 45,000. Il est vrai que le chiffre est diminué ; mais on vend en fraude, on vend clandestinement, et ce sont ceux qui vendent clandestinement qui profitent des effets de votre loi, tandis que les honnêtes gens, qui font la déclaration, en sont victimes.

Messieurs, depuis trois ans, j'ai déjà fait remarquer plusieurs fois que les marchands qui vendent pour 2 ou 300,000 fr. de boissons distillées, ne payent pas un abonnement plus élevé que ceux qui vendent pour quelques centaines de francs. On doit reconnaître que cela n'est pas juste. D'autre part le but que l'on se proposait n'a pas été atteint ; car la consommation n'a pas diminué, puisque l'accise sur les eaux-de-vie indigènes rapporte 4 millions.

Il paraît que M. le ministre a promis à la section centrale de réviser cette loi. C'est d'autant plus nécessaire, messieurs, que dans nos campagnes il n'y a qu'une voix pour reconnaître combien elle est injuste. Si les boissons distillées peuvent supporter des droits plus forts, qu'on augmente l'accise.

Je ne demande pas d'ailleurs que l'on supprime totalement l'abonnement ; mais je crois qu'il faudrait l'établir sur d'autres bases, qu'il faudrait en faire une espèce de droit de patente et faire payer les droits en proportion des quantités de boissons que l'on vend. Ainsi, que l'on fasse payer à ceux qui vendent considérablement, 2 à 300 fr., je ne demande pas mieux ; mais on ne peut maintenir une loi qui frappe d'un droit égal le malheureux qui ne vend que quelques verres de spiritueux et le gros négociant.

Messieurs, comme nous nous trouvons dans une année calamiteuse, que nous avons été obligés de voter 2 millions de dépenses extraordinaires pour venir au secours des classes malheureuses, je ne ferai pas de proposition ; mais j'espère que le gouvernement ne tardera pas à nous proposer une loi plus équitable que celle qui a été appliquée jusqu'ici.

M. de Breyne. - Messieurs, je viens appuyer ce que vous a dit l'honorable M. Rodenbach relativement à l'impôt dont nous nous occupons en ce moment. Je déclare que pour cette fois je voterai cet impôt, mais que si l'année prochaine je siège encore sur ces bancs, et si M. le ministre des finances n'a pas introduit des modifications à la loi, je voterai contre le budget des voies et moyens.

Messieurs, l'impôt de consommation sur les boissons distillées est l'impôt le plus inique, le plus révoltant qui existe. (Interruption.)

Je prie M. le comte de Mérode de ne pas m'interrompre. Depuis un mois que je siège ici, je n'ai interrompu personne, je n'ai pas fait un signe ni approbatif ni désapprobatif.

Je répète donc, messieurs, que cet impôt est le plus injuste de ceux que nous payons, et il importe beaucoup qu'il disparaisse de notre système fiscal.

Nous savons tous, messieurs, qu'il faut une justice distributive dans le payement des impôts. Cependant, messieurs, je connais des personnes qui sont obligées de payer l'impôt et qui ne débitent pas au-delà d'un hectolitre par année, tandis que j'en connais d'autres qui en débitent 50, et qui ne payent que le même droit.

Si M. le ministre des finances voulait écouter un conseil, voici comment je changerais cet impôt : j'en ferais un droit de patente, et je dirais que tous les débitants de quelques boissons que ce fût, payeraient une somme équivalente à l'importance de leur débit. Je sais que M. le ministre des finances n'admettra pas ce système et voici pourquoi : C'est qu'il craint d'augmenter le nombre des électeurs. Quant à moi, messieurs, je ne partage pas ces craintes ; si le nombre des électeurs était augmenté de 8 à 10,000, loin d'y voir un mal, j'y verrais un bien, et surtout sous un rapport ; c'est que le gouvernement ne serait plus à même d'influencer les élections d'une manière révoltante.

Messieurs, vous voulez bien puiser dans labourse de certains contribuables pour remplir vos caisses, mais lorsqu'il s'agit d'accorder à ces mêmes contribuables des droits que la loi électorale leur confère, alors vous les déclarez hors du droit commun. C'est là, messieurs, une injustice criante, injustice que je combattrai toujours.

Messieurs, je n'en dirai pas davantage sur cette question, parce que vous pourriez croire qu'elle m'est personnelle.

Je vous ai assez fait connaître ma manière de penser à cet égard.

- Le chiffre de 980,000 fr. est adopté.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère des travaux publics

Dépôt

Note du webmaster : il semble que les Annales parlementaires aient confondu le ministère ds travaux publics avec celui de la justice. Le texte des Annales est celui qui est repris ci-après.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, j'ai l'honneur de présenter un projet de loi tendant à accorder un crédit provisoire d'un million au département des travaux publics.

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi. Il sera, ainsi que l'exposé des motifs qui l'accompagne, imprimé et distribué.

La chambre le renvoie à la section centrale chargée d'examiner le budget des travaux publics.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère des affaires étrangères

Rapport de la section centrale

M. Osy présente le rapport de la section centrale qui a examiné le projet de loi allouant un crédit provisoire au département des affaires étrangères.

- La chambre ordonne l'impression et la distribution de ce rapport, et en fixe la discussion à la suite des objets qui se trouvent déjà à l'ordre du jour.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1845

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, cadastre, douanes et accises, etc.

Accises

« Sel (sans additionnels) : fr. 4,800,000 »

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je ne ferai qu'une simple demande à M. le ministre relativement à l’impôt sur le sel, impôt odieux qui pèse surtout sur les classes pauvres. Je lui demanderai s'il ne croit pas avec moi que si cet impôt était réduit de moitié, il rapporterait tout autant qu'aujourd'hui.

Messieurs, s'il est vrai de dire quelquefois que 2 et 2 ne font pas 4, c'est bien en ce qui concerne cet impôt. Je pose en fait que s'il était réduit de moitié, les habitants des campagnes en général consommeraient une quantité de sel double de celle qu'ils emploient aujourd'hui, et pour eux-mêmes, et pour la conservation de la santé de leurs bestiaux ; de sorte que le revenu du trésor ne serait nullement réduit.

D'ailleurs, n'est-il pas vraiment exorbitant de voir percevoir 4,800,000 fr. sur le sel, alors que d'autres matières bien plus imposables ne payent que 2,800,000 fr. ?

J'attire donc sur ce point toute l'attention de M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je m'aperçois que tous les impôts qui sont existent plus ou moins odieux. Celui-ci partage le sort de tous les autres. Cependant je ne voudrais pas courir les risques de le réduire de moitié, dans l'espoir d'un surcroît de consommation.

J'ai lu avec attention le discours qu'a prononcé autrefois l'honorable membre pour prouver que cette augmentation aurait lieu, si l'on diminuait l'accise sur le sel. L'on ne peut plus espérer cette augmentation puisque le sel destiné à l'agriculture est dénaturé et qu'elle peut l'employer en franchise de l'accise.

M. Eloy de Burdinne. - J'ai répondu d'avance à l'observation que. vient de faire M. le ministre des finances. J'ai déjà fait remarquer précédemment que pour employer le sel en franchise de l'accise, il fallait le mélanger, et le soumettre à des formalités telles que la plus grande partie des cultivateurs n'en font pas usage.

D'ailleurs, messieurs, comment veut-on que l'on fasse usage du sel si nécessaire à la race bovine en le mêlant à leur boisson ? Ceux qui connaissent la manière d'élever la race bovine, savent que loin de l'exciter à boire, il faut faire en sorte qu'elle boive le moins possible. Le sel doit être en pierre, et on doit le déposer dans le râtelier pour que l'animal puisse aller le lécher.

Il en est de même pour la race ovine.

Les dispositions prises aujourd'hui pour affranchir les cultivateurs du droit d'accise sur le sel employé à la nourriture du bétail, ne répondent donc nullement au but que l'on croyait atteindre.

M. le ministre des finances vous dit que tous les impôts sont plus ou moins odieux. Je conviens qu'il y en a beaucoup ; mais de tous les impôts le plus odieux est certainement celui qui pèse sur le sel.

(page 237) - Le chiffre de 4,800,000 francs est mis aux voix et adopté.


« Vins étrangers (26 centimes additionnels et timbres collectifs) : fr. 2,000,000. »

- Adopté.


« Eau-de-vie étrangères (sans additionnels) : fr. 250,000. »

- Adopté.


« Eaux-de-vie indigènes (sans additionnels) : fr. 4,000,000. »

M. Dumortier. - Messieurs, il est bien vrai qu'un grand nombre d'impôts sont odieux au peuple. Mais je crois que celui qui nous occupe en ce moment, ne l'est nullement, et qu'il est regrettable qu'il ne soit pas plus élevé.

Vous savez, messieurs, qu'en 1833, nous avons apporté une malheureuse modification à la législation qui régissait la matière. Si nous avions conservé la loi telle qu'elle existait, je suis persuadé que l'impôt sur les eaux de-vie-indigènes rapporterait aujourd'hui, non pas 4 millions, mais 8 millions.

On est souvent embarrassé, messieurs, pour obtenir de l'argent pour le trésor public. Eh bien ! voici la plus belle de toutes les sources possibles, puisque cette source d'impôt est en même temps éminemment morale. En effet, messieurs, depuis la réduction de l'impôt sur les boissons distillées, la consommation du genièvre s'est augmentée en Belgique d'une manière réellement déplorable. La morale publique a perdu en même temps que le trésor public.

Messieurs, d'honorables collègues vous ont parlé tout à l'heure du droit de consommation sur les boissons distillées. Cet impôt, vous ont-ils dit, est vexatoire, et ils ont raison. Mais le meilleur moyen de supprimer ce droit de consommation, c'est d'en revenir à l'ancienne législation sur les distilleries.

N'est-ce pas une chose pénible, messieurs, de voir en Belgique l'impôt sur les eaux-de-vie indigènes ne rapporter que 4 millions, tandis que l'impôt sur les bières rapporte 6,300,000 fr. Evidemment, la seconde de ces boissons est bien plus favorable à la santé du peuple que la première, qui fait beaucoup de tort à nos ouvriers, et en porte un grand nombre à l'ivresse et par suite à la débauche.

L'impôt sur les distilleries doit donc être augmenté, et j'éprouve un vif regret que le gouvernement n'ait pas saisi la circonstance pour nous proposer cette augmentation.

Je ferai une autre observation, messieurs. Non seulement le gouvernement ne nous propose pas cette augmentation, mais j'ai appris qu'il veut exiger des villes une réduction des droits d'octroi sur les boissons distillées. Ainsi je sais que la ville de Tournay avait demandé une augmentation des droits d'octroi sur plusieurs matières et qu'on lui a répondu qu'elle n'aurait pas cette augmentation, si elle ne réduisait pas son droit sur les boissons distillées. Je ne sais à quel ministère ce fait s'applique, mais je dis qu'il est excessivement fâcheux, car encore une fois l'impôt sur les eaux-de-vie est un impôt tout à fait moral, un impôt dans l'intérêt de la classe ouvrière ; et le gouvernement, loin de chercher à le réduire, devrait chercher à l'augmenter, surtout dans les centres de populations. J'espère donc qu'il ne persistera pas dans de telles exigences.

Messieurs, je désire qu'on en revienne à la loi qui nous régissait avant la révolution. Cette loi est encore en vigueur en Hollande. Lorsque nous avons modifié le système qui régissait la matière en Belgique, on prétendait que par la nouvelle législation nous favoriserions l'établissement des distilleries agricoles. Cependant il n'en a rien été, car le nombre de ces distilleries aujourd'hui est moindre que lors de la promulgation de la loi. Le but que l'on se proposait n'a donc pas été atteint ; l'agriculture n'a éprouvé aucun bienfait de l'établissement de l'impôt et le trésor public y a perdu 4 millions.

Messieurs, si l'impôt sur les eaux-de-vie indigènes et sur le sucre était perçu sur les mêmes bases que dans d'autres pays, nous y trouverions un excédant de ressources de huit millions. Ainsi, au lieu d'établir des droits sur les successions en ligne directe, et d'autres droits qui exciteraient le mécontentement des populations, frappons plutôt ces matières ; nous procurerons des ressources au trésor tout en prenant une mesure favorable à la morale publique.

Messieurs, je demande pardon à la chambre de l'avoir entretenue un instant de cette question, alors qu'elle est pressé d'en finir. Mais j'ai cru ne pouvoir laisser passer l'occasion de renouveler ces observations que j'ai déjà présentées plusieurs fois et que je représenterai tant que nous n'en viendrons pas à un bon système de législation sur les distilleries.

M. Desmet. - Je désire comme l'honorable membre qu'on fasse payer la consommation de genièvre, mais je crains fort que si le genièvre indigène était trop lourdement frappé on ne le remplaçât par du genièvre étranger. Cependant il faut favoriser les distilleries dans l'intérêt de l'engraissement du bétail. La loi sur l'abonnement pour la rente des boissons distillées présente ce grand avantage qu'elle frappe la consommation sans nuire aux distilleries. On critique cette loi parce qu'elle fait payer autant aux petits débitants qu'à ceux dont la vente est considérable, mais on perd de vue que cette loi a précisément pour but de réduire le nombre des débitants. Si vous augmentiez le droit sur la fabrication, vous feriez tort aux distilleries indigènes et vous favoriseriez les distilleries hollandaises. D'ailleurs, messieurs, si vous élevez l'impôt de manière à réduire la fabrication, vous perdiez d'un côté ce que vous gagnerez de l'autre, et en définitive le trésor percevra peut-être moins que maintenant. Je n'insisterai pas davantage pour le moment sur cette question, la loi des distilleries n'étant pas en discussion.

M. Dumortier. - Messieurs, il s'agit ici de la base d'impôt qui est certainement la plus morale de toutes. Je désire vivement que la consommation du genièvre soit réduite autant que possible, et je désire d'un autre côté que cette consommation produise au trésor tout ce que le trésor a droit d'en retirer. En augmentant les droits sur le genièvre on arrive à un double résultat, c'est d'une part d'augmenter les revenus du trésor, et d'autre part de réduire l'usage d'une boisson funeste au peuple.

Mais, dit l'honorable membre, vous nuirez aux distilleries indigènes et vous favoriserez les distilleries hollandaises. Remarquez, messieurs, que la loi par laquelle la matière était régie avant la révolution, que cette loi existe encore en Hollande. Or, si les distilleries hollandaises peuvent supporter le régime de cette loi, nos distilleries doivent aussi pouvoir le supporter. Que M. le ministre des finances consulte la loi hollandaise, qu'il s'entoure de tous les renseignements, et qu'il nous présente une loi semblable ; j'y donnerai mon plein et entier assentiment. Pour mon compte, je bénirai le ministre qui agira de la sorte.

M. Rodenbach. - Je serais tout à fait de l'avis de l'honorable préopinant si nous n'avions pas à craindre l'importation des genièvres étrangers. On parle de la Hollande ; mais la Hollande n'est pas, comme nous, en contact avec des nations qui distillent à meilleur marché qu'elle ne peut le faire. Si, en Belgique, vous augmentiez considérablement les droits, la Prusse, la France et surtout la Hollande introduiraient dans le pays une masse de genièvres. Voilà, messieurs, l'obstacle à une augmentation notable de l'impôt sur les spiritueux. Sans cela je serais le premier à demander qu'on doublât, qu'on triplât, qu'on quadruplât même le droit, car je conviens que les boissons alcooliques sont funestes au peuple. Mais si vous augmentez l'impôt dans une forte proportion vous n'obtiendrez d'autre résultat que de faire remplacer dans la consommation le genièvre indigène par le genièvre étranger.

- Le chiffre de 4 millions est mis aux voix et adopté.


« Bières et vinaigres : fr. 6,600,000. fr.

- La section centrale propose le chiffre de 6,300,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, dans la section centrale j'ai consenti à faire une réduction de 100,000 fr. sur les prévisions primitives, parce que des faits nouveaux s'étaient produits, mais je ne puis pas aller au-delà. Je n'engagerai pas une longue discussion sur ce point. Dans un budget de 112 millions, quelques chiffres peuvent être contestés, mais plusieurs autres sont au-dessous des recettes probables. Le tableau qui se trouve joint au rapport de la section centrale permettra à la chambre d'apprécier, si en effet, comme on le craint en théorie, le prix élevé des céréales réagit nécessairement sur le produit de l'accise des bières ; Un fait très remarquable, messieurs, c'est que l'année où le prix des grains est le plus élevé est précisément celle où l'accise des bières a produit le plus.

Il n'est pas exact de dire non plus que la décroissance de l'accise des bières est en quelque sorte chronique, que le produit diminue régulièrement de 100,000 fr. par an. Avant les circonstances que le pays traverse, une espèce de halte s'était manifestée, et je crois que nous donnons une part suffisante à ces circonstances en diminuant les prévisions de 100,000 fr. de plus, c'est-à-dire en faisant une réduction totale de 320,000 fr.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Messieurs, l'honorable ministre des finances vient de déclarer qu'il ne se rallie pas à la proposition de la section centrale ; mais il me semble n'avoir donné aucun motif suffisamment fondé pour que la section centrale lui fasse l'abandon de sa proposition.

Il est très difficile d'apprécier, par des calculs, jusqu'à quel point le chiffre proposé pourra être réalisé. La manière la plus convenable de juger de ce que sera la consommation, c'est de l'apprécier d'après la position où se trouve le consommateur. Eh bien, messieurs, les denrées alimentaires restent à des prix très élevés, le peuple a besoin de toutes ses ressources pour se procurer les objets de première nécessité ; il me semble donc très naturel de croire que la consommation de la bière sera beaucoup moins considérable qu'elle ne l'est dans les années ordinaires ; ces présomptions sont d’ailleurs de peu de valeur, puisqu'elles n'influent en rien sur les résultats ; leur importance a cessé, du moment où la chambre a été à même d'apprécier la situation.

Maintenant, messieurs, je vous entretiendrai un instant des bières, non pas comme rapporteur, mais comme député de Louvain, je le dis tout franchement.

Représentant d'un arrondissement dont l'industrie la plus importante est celle de la fabrication de la bière, mon devoir m'oblige d'appeler un instant votre attention, ainsi que celle de l'administration, sur cet important article.

Messieurs, vous aurez remarqué sans doute que la recette de l'impôt qui frappe les bières fléchit d'année en année.

Le discours explicatif des budgets s'occupe de cette circonstance et lui a consacré deux paragraphes.

Il y a déjà bien des années que cette industrie a adressé des requêtes au gouvernement pour se plaindre de l'abandon où elle est laissée.

Les charges qui pèsent sur elle sont excessives ; son développement intérieur est arrête par des obstacles nombreux, et l'exportation de ses produits est en quelque sorte impossible.

M. le ministre des affaires étrangères a été prié d'introduire quelques stipulations favorables dans le traité qui se négocie avec la France ; j'espère qu'il a fait des efforts pour obtenir quelques avantages en faveur de l'exportation de nos bières, mais j'ignore s'il a réussi.

Maintenant lorsque les brasseurs, en réponse à leurs justes plaintes, auront pris connaissance des paragraphes insérés dans le discours qui précède les budgets, ils diront avec fondement qu'on ne s'occupe d'eux que dans un but de fiscalité.

(page 328) En effet, que répond le gouvernement à leurs doléances ?

Il déclare que la décroissance de l'impôt paraît résulter des changements de procédés de fabrication et même de l'emploi partiel d'autres matières premières.

Il fait pressentir des modifications à la législation qui régit cette matière. Et si ces modifications ne sont pas l'objet de propositions immédiates, si le moment n'est pas encore venu, c'est, il faut la supposer, c'est le malaise de cette industrie qui en est cause ; mais elle peut compter, lorsqu'elle sera moins languissante, lorsqu'elle se relèvera un peu par suite de la baisse du prix des céréales, que les entraves qui la gênent seront rendues plus étroites, qu'on lui fera la vie plus dure encore.

Il est vrai que M. le ministre des finances a déclaré hier que cette industrie ne devait pas s'alarmer, qu'il réunirait une commission où elle serait largement représentée.

Quant à moi, je suis obligé de le dire, cette déclaration ne me satisfait nullement. Savez-vous, messieurs, pourquoi on réunira une commission ? Je m'en vais vous le dire : On réunira une commission de brasseurs, accompagnée de quelques agents du fisc, afin de leur proposer de les plumer en les faisant crier le moins possible.

Je voudrais que le gouvernement s'occupât de l'une des plus importantes industries du pays d'une manière plus paternelle.

Il me semble qu'il y aurait moyen de le faire tout en faisant la part des exigences de nos voies et moyens.

Messieurs, si les tarifs modérés sont indispensables au développement d'une industrie, ces tarifs modérés ne sont pas moins favorables aux recettes du trésor public. Cela est incontestable.

Eh bien, l'industrie des bières, dépourvue de faveurs à l'exportation, dépourvue même des moyens d'exporter, immobilisée, entravée même au milieu de nous, par des lignes de douanes communales multipliées, est accablée par des charges exorbitantes ; et je dis que cet état de choses est non seulement nuisible à l'industrie, nuisible au trésor, cet état de choses est, qui plus est, nuisible à l'unité politique, que nous représentons ici.

En effet, quel est le spectacle qui s'offre à nos yeux ?

Nous voyons des villes qui, profitant de la faiblesse de notre système administratif, de l'insuffisance de la législation, élèvent immodérément leurs octrois, nuisent aux revenus du trésor public et à l'industrie, et cela pour couvrir des dépenses immodérées ou une gestion ruineuse.

Nous voyons des villes qui, après avoir fait tomber leurs murs d'enceinte, leurs respectables portes d'entrée, s'entourent de cordons de douaniers et s'arment jusqu'aux dents pour les défendre.

Nous voyons des guerres de tarifs entre nos communes qui risquent de ramener l'anarchie du moyen-âge, comme si nous n'avions pas déjà bien assez de l'embarras dérégler nos tarifs internationaux. Permettez-moi, messieurs, de vous citer quelques exemples de la progression des octrois municipaux de 1830 à 1840.

Je les extrais d'une annexe aux projets de lois concernant les finances communales présentés par le ministre de l'intérieur le 24 janvier 1842.

L'augmentation a été, à Bruges, de 40 p. c. ; à St-Nicolas, de 45 p. c. ; à Liège, de 48 p. c. ; à Gand, de 50 p. c. ; à Bruxelles, de 56 p. c. ; à Courtray, de 67 p. c. ; à Ostende, de 72 p. c. ; à Mons, de 76 p. c. ; à Soignies, de 83 p. c. ; à Hasselt, de 130 p. c. ; à Ninove, de 183 p. c.

Si on établit maintenant la comparaison sur la totalité des produits pour toutes les villes à octroi, on trouve que l'année 1840 a fourni, sur les produits moyens de 1828-1829, une augmentation de plus de 2,200,000 fr., c'est-à-dire de 39 p. c.

Maintenant, messieurs, je vais vous dire ce qui résulte de cette progression continuelle des octrois municipaux pour l'industrie des bières.

Je prendrai pour exemple les villes de Bruxelles et de Louvain. Ce sont celles dont je suis le plus à même de connaître la situation.

Un hectolitre de bière de Louvain acquitte à l'Etat un droit d'accise d'un franc 25 à 30 centimes environ.

Eh bien, cet hectolitre de bière est frappé du droit exorbitant de 4 francs à l'entrée de la ville de Bruxelles.

Le droit municipal excède le droit de l'Etat de 2 fr. 75 c.

Et la consommateur belge, qui vit à Bruxelles, acquitte un droit de 5 fr. 25 c. pour un hectolitre de bière de Louvain.

Un honorable membre, qui siège derrière moi, me fait remarquer que c'est 50 p. c. de la valeur.

Maintenant la ville de Louvain impose à l'entrée la bière fabriquée hors de son enceinte, de 2 fr. 70 c.

La bière fabriquée chez elle, n'acquitte pas un droit plus élevé.

Mais je suppose que le conseil communal de Louvain propose d'élever le tarif de ses droits d'entrée à 4 fr. dans un but de représailles contre la mesure qui frappe ses bières à Bruxelles.

Je me demande si dans la situation actuelle le gouvernement serait bien posé pour le lui refuser ?

Si cependant cette augmentation d'octroi ne se basait que sur une mesure de représaille, l'administration supérieure ne pourrait y consentir sans violer toutes les règles de bonne administration.

Cette supposition prouve à l'évidence combien il est urgent de porter remède à la situation actuelle.

« Le système financier de l’Etat, disait le ministre de l'intérieur, l'honorable M. Nothomb, en 1842, finit par être compromis ; le gouvernement est forcé d'augmenter le tarif des octrois municipaux ; augmentations qui frappent, dans leurs sources, les revenus publics, qui souvent entravent le commerce et grèvent l'industrie, qui, quelquefois, engagent l'action de la législature. »

Des abus aussi graves exigent que l'on songe sérieusement à y porter remède.

Je demanderai d'abord des moyens de nous éclairer.

Quand enfin nous distribuera-t-on ce rapport concernant les octrois communaux déposé sur le bureau depuis dix mois, je pense, par l'honorable M. Nothomb ?

Et s'il m'était permis d'indiquer dès à présent des actes à poser, pourquoi ne ferait-on pas à peu près pour la bière ce que nous avons fait pour le genièvre par la loi du 27 mai 1837 ? Cette loi porte que les taxes communales ne pourront plus excéder la moitié du droit d'accise.

Je me demande ensuite pourquoi ne discutons-nous pas les trois projets de lois concernant des améliorations à introduire dans la comptabilité communale ?

Ces projets ne font que remplir de véritables lacunes dans la loi communale, et n'ont aucun caractère politique.

Le premier de ces projets tend à soumettre les dépenses des villes à octroi à l'autorisation du gouvernement, car pour que le gouvernement puisse arrêter le mouvement ascendant des octrois, il faut qu'il puisse arrêter la dépense.

La ville de Bruxelles s'est soumise de très bonne grâce à cette condition lors de la discussion du projet de loi, qui lui a valu une rente de 300,000 fr. ; pourquoi les autres villes à octroi ne seraient-elles pas soumises à la même condition ?

Je dirai en passant que les deuxième et troisième projets tendent à donner à l'administration supérieure les moyens d'obliger les receveurs communaux à rendre leurs comptes ; et de forcer les communes à payer leurs dettes et les dépenses obligatoires d'après la loi.

L'honorable M. de Theux a fait le rapport, rien ne s'oppose à ce que ces projets soient discutés ; je ne pense pas que le gouvernement puisse indiquer quelque obstacle, car, je le répète, ces projets n'ont aucun caractère politique.

Vous me permettrez, messieurs, de vous dire quelques mots de la situation de l'industrie des bières quant à l'exportation.

Avant la construction du chemin de fer, on ne songeait guère à exporter de la bière. L'exportation était en quelque sorte impossible, parce que la bière ne souffrait pas un transport aussi long.

Mais depuis que le système des voies ferrées est venu perfectionner les moyens de transport, l'industrie des bières a compris quel parti elle pouvait tirer des chemins de fer pour l'exportation.

Mais pour que cette exportation fût possible, elle devrait obtenir quelques faveurs par les traités et quelques facilités de la part du gouvernement belge. Voici quelles pourraient être ces facilités. Il faudrait leur accorder quelques avantages pour le transport par le chemin de fer ; il faudrait en outre leur accorder l'exemption des frais de transport pour le retour de leurs futailles vides. Il faudrait de plus leur restituer le droit d'accise à l'exportation par terre comme par mer. L'industrie des bières est encore régie pour l'exportation par les dispositions du gouvernement des Pays-Bas, et croirait-on que, d'après ces dispositions, la restitution des droits à l'exportation n'est permise que lorsqu'elle a lieu par mer et par quantités d'au moins 40 hectolitres ? Je demande, messieurs, que cette législation absurde soit modifiée, que la restitution soit accordée aussi bien pour l'exportation par terre que pour l'exportation par mer, et alors même qu'il s'agit de quantités inférieures à 40 hectolitres.

Je crois, messieurs, pouvoir me borner pour le moment à ces observations, parmi lesquelles il en est plusieurs qui n'ont pas encore été produites dans cette chambre, je les recommande à toute l'attention de MM. les ministres.

M. Rodenbach. - Messieurs, l'honorable ministre des finances a dit tout à l'heure qu'il ne peut consentir qu'à une réduction de 100,000 fr. Je crois qu'il sera dans l'erreur et que l'événement justifiera la proposition de la section centrale, tendant à réduire les prévisions de 300,000 fr. M. le ministre a dit que dans les années où le grain était cher, l'accise a donné les plus forts produits. Il est probable que M. le ministre n'aura consulté que la statistique du froment, et je pense qu'il faudrait consulter les prix courants de l'orge. En effet, messieurs, les trois quarts des bières que l'on fabrique en Belgique, se font avec de l'orge ; vous serez donc complétement dans l'erreur, si vous établissez vos calculs d'après les prix du froment.

Il est certain, messieurs, que l'orge étant très chère cette année, les brasseries réduiront considérablement leur fabrication. D'un autre côté, le prix de la bière augmentera nécessairement, et il est déjà augmenté dans un grand nombre de localités ; et comme il y a de plus une grande misère dans le pays, la consommation de la bière doit inévitablement diminuer dans une forte proportion. Je crois donc que les prévisions de M. le ministre des finances sont tout à fait au-dessus de la réalité et que la proposition de la section centrale doit être adoptée.

On a parlé, messieurs, des octrois c'est là une très grave question, c'est une question immense. Il y a là bien des abus à extirper. M. Nothomb nous avait promis un document sur cette question ; il l'avait étudiée à fond et je crois qu'il aurait eu le courage de faire cesser les vices du système des octrois. Déjà j'ai eu l'occasion de le dire ; la viande qui s'obtient à 30 centimes (page 329) dans les campagnes, se vend 60 centimes dans les villes. A Bruxelles, le poisson se vend à un prix exorbitant, alors que dans les ports de mer il se donne à très bon marché. Je dis que les octrois tels qu'ils sont organisés maintenant augmentent considérablement les impôts. On établit toujours des comparaisons entre la moyenne payée par le contribuable en Belgique, et la moyenne payée par les contribuables en France, en Hollande, en Angleterre surtout. Mais on oublie qu'en Angleterre il n'y a pas d'octrois. En Belgique, on ne fait pas entrer en ligne de compte les énormes droits d'octroi qui frappent la classe du peuple. Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien étudier avec le plus grand soin cette question ; j'espère qu'il y attachera l'importance qu'y attachait son prédécesseur ; je le prie d'examiner le travail immense qui a été préparé par M. Nothomb. Un ministre qui arrive au pouvoir doit avoir le courage d'extirper le mal où il se trouve.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, je crois avec la section centrale, que le produit de l'impôt sur la bière ne sera pas aussi élevé en 1846 qu'il l'a été en 1844. Le grain est aujourd'hui très cher ; mais ce n'est pas le producteur, le cultivateur qui en profite : ce qui réduira considérablement la consommation de la bière, et par conséquent le produit de l'impôt prélevé sur cette boisson.

L'honorable rapporteur se plaint des impôts qui dans des villes frappent l'entrée des produits fabriqués dans d'autres communes. Je ne suis pas de son avis. C'est une belle leçon que les villes donnent au gouvernement, et qu'il ferait bien de suivre, en imposant des droits d'entrée sur les produits étrangers ; ce qui viendrait à la décharge des contribuables du pays.

M. de Muelenaere. - Messieurs, les observations qui viennent d'être faites, ne portent pas sur l'impôt en lui-même, mais sur le chiffre de l'évaluation de cet impôt dans le budget des voies et moyens. Je pense qu'il est incontestable que le prix élevé des céréales exercera une certaine influence sur la consommation de la bière ; mais je vous prie de remarquer, messieurs, que cette circonstance n'a pas été perdue de vue par M. le ministre des finances, et sous ce rapport, l'honorable député de Roulers me paraît être tombé dans une erreur. D'abord, M. le ministre des finances, dans le budget des voies et moyens, a évalué le produit de l'impôt à une somme inférieure de 220,000 francs au chiffre de l'évaluation de l'année dernière.

En outre, M. le ministre des finances a consenti, devant la section centrale, ainsi que nous le voyons par son rapport, que le produit fût encore diminué de 100,000 francs ; de manière qu'en réalité, le chiffre de l'évaluation au budget de|1846 est inférieur de 320,000 francs au chiffre qui a été proposé l'année dernière ; c'est à peu près le vingtième de l'impôt.

Comme il ne s'agit ici que d'un simple chiffre d'évaluation, je crois qu'on pourrait admettre le chiffre qui a été proposé par le gouvernement.

Quant aux autres propositions qui ont été faites, elles se lient à la révision des octrois. C'est là une matière très importante qu'on ne peut assez recommander à l'attention du gouvernement. Je déclare dès à présent que, sous plusieurs rapports, je partage l'opinion de l'honorable député de Louvain, et que la matière des octrois doit être nécessairement révisée, et révisée dans ce sens que les octrois ne soient pas un obstacle au développement de l'industrie du pays.

- La discussion est close.

Le chiffre de 6,500,000 francs, proposé par le gouvernement à l'article bières est mis aux voix et adopté.


« Sucres. 2,800,000 francs. »

La section centrale propose 2,700,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je regrette, messieurs, de ne pas pouvoir me rallier à cette proposition. Je vais citer quelques chiffres qui établiront que nous avons l'espoir fondé de réaliser au moins 2,800,000 francs l'année prochaine.

La recette de cette année s'élèvera à 2 millions 721 mille et quelques centaines de francs. Voici quelles ont été les mises en fabrication des sucres de canne de ces trois dernières années :

En 1843, 18,473,000 kil.

En 1844, 15,191,000 kil.

En 1845, (11 premiers mois) 9,396,000 kil.

Messieurs, vous voyez par là quelle a été la réduction dans le travail de 1845, et vous voyez aussi qu'indépendamment de toutes les mesures que la chambre pourra adopter, il doit y avoir nécessairement une plus grande activité dans les travaux de 1846. En effet, ces quantités ne sont pas suffisantes pour la consommation, sans tenir compte des exportations.

Si, avec une telle réduction dans le travail, nous avons réalisé 2,720,000 francs, nous sommes fondés à croire qu'en 1846, si faible que soit l'augmentation de travail, augmentation qui est inévitable, d'après les faits constatés, nous devons réaliser au moins 2,800,000 fr.

Je dis que ces espérances sont fondées sur la législation actuelle. En effet, on a toujours reconnu dans cette chambre que la loi des voies et moyens est une loi. d'application, qu'on ne pouvait pas préjuger les changements qui peuvent survenir ultérieurement.

Du reste, j'ai également l'espérance que, si l'on améliore la législation sur les sucres, cette amélioration pourra avoir lieu, sans atteindre les recettes du trésor.

M. Osy. - Messieurs, je ne puis partager l'opinion de M. le ministre des finances. En 1844, la première année après l'adoption de la loi des sucres,, et surtout de l'amendement de l'honorable M. d'Huart, le sucre a rapporté 3,600,000 fr. Nous avons prédit alors que l'accise irait toujours en décroissant. L'année 1845 ne produira que 2,700,000 fr., et sans une nouvelle loi, je puis prédire qu'en 1846 vous n'aurez pas 2,500,000 fr.

Il est donc nécessaire que le gouvernement présente la nouvelle loi le plus tôt possible, pour qu'un article important, tant pour la consommation intérieure que pour le commerce, puisse rapporter tout ce qu'il est possible de produire une bonne loi vous rapporterait certainement 3,200,000 fr. c'est-à-dire 500,000 fr. de plus qu'aujourd'hui.

Quant au chiffre proposé au budget de 1846, comme il ne s'agit ici que d'une simple évaluation, il me paraît assez indifférent d'adopter soit le chiffre du gouvernement, soit celui de la section centrale.

M. de La Coste. - Messieurs, il est une des parties de la matière imposable, soumise à l'accise du sucre, qui éprouve une réduction considérable.

A une époque peu éloignée l’on évaluait le produit de la betterave à six millions de kilogrammes de sucre ; je crois que c'est le chiffre indiqué dans le rapport relatif à l'enquête commerciale. Quelque temps après cependant et voulant user de modération, on calculât ce produit à quatre millions de kilogrammes ; si je ne me trompe, c'est le chiffre auquel l'honorable ministre des finances d'alors s'était arrêté.

Les prévisions du budget de 1844 réduisirent l'évaluation à 3,325,000 kilogrammes ; la culture devait comprendre 1,900 hectares ; mais le produit réel ne s'est élevé qu'à 2,850,000 kilogrammes.

L'armée suivante, les prévisions ont été de 2,412,000 kilog. ; la culture était réduite à 1,608 hectares. Ces prévisions ne se sont pas plus réalisées que les autres, et le produit réel, à en juger par la recette indiquée, n'a été que de 2,178,433 kilog

Pour l'année 1846, il y aura encore, je le présume, un moindre produit, car la récolte n'a été qu'à peu près de 3/4 ; d'autres disent de 2/3 seulement.

Quoique cette circonstance doive exercer une influence sur la recette, je n'insisterai pas plus que l'honorable préopinant, puisqu'il ne s'agit ici que d'une simple évaluation ; je n'insisterai pas, dis-je, pour qu'on adopte un moindre chiffre qui grossirait en apparence le déficit du trésor.

Je n'entrerai pas non plus pour le moment dans la discussion de ce qu'il convient de faire relativement à l'industrie sucrière, tant indigène qu'exotique, ni des questions agricoles, industrielles et commerciales qui s'y rattachent.

Moi-même, lorsque cette discussion a eu lieu à une époque antérieure, je n'ai point partagé les vues qui l'ont emporté, j'en avais émis dont l'adoption aurait été, j'ose le croire, plus favorable à tous les intérêts engagés dans la question.

Maintenant, j'attendrai avec confiance les propositions du gouvernement ; j'ai seulement voulu faire sentir que dans l'intention qu'annonce M. le ministre des finances de concilier les intérêts des deux industries avec ceux du trésor, tout en améliorant la condition de ces industries, il aura une attention particulière à donner à celle dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir, et dont je viens de vous rendre évident l'état de souffrance.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, plus la production indigènes diminuera, moins vous percevrez. C'est une opinion que je démontrerai pair des chiffres ; et je prie M. le ministre des finances de se rappeler ce que je vais avoir l'honneur de lui dire : La première année de l'application de la loi, le sucre a rapporté 3,700,000 fr. A présent il ne doit rapporter, d'après l'opinion de l'honorable M. Osy, que 2,500,000 fr. Eh bien, cette différence, on la devra à la stagnation des fabriques de sucre indigène, à la minime production de la betterave par suite des grandes pluies et du peu de chaleur de cet été.

Celle circonstance diminuera le produit de l'impôt. Comment voudriez-vous qu'il en fût autrement ? J'ai sous les yeux les calculs qui me serviront une autrefois quand nous aborderons la loi sur le sucre. Je suis à même de démontrer que sur un million de kilogrammes malgré la réserve des quatre dixièmes, le sucre exotique ne paye que 80,430 fr., tandis que le sucre indigène paye 200,000 fr. Vous voyez que la diminution de l'impôt sur le sucre provient de ce qu'on consomme plus de sucre étranger que de sucre indigène.

Je fais cette observation pour que M. le ministre en tienne compte dans le projet de loi qu'il se propose de nous soumettre.

- La discussion est close.

Le gouvernement propose de fixer à 2,800,000 fr. le chiffre du produit de l'impôt sur le sucre.

La section centrale propose le chiffre de 2,700,000 fr.

Le chiffre du gouvernement est mis aux voix et adopté.

Projet de loi accordant un crédit provisoire au budget du ministère de la justice

Rapport de la section centrale

M. Savart-Martel présente le rapport sur la demande de crédits provisoires, pour le département de la justice.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. Il figurera à la suite des objets à l'ordre du jour.

M. Savart-Martel. - Je proposerai de le mettre à l'ordre du jour au commencement de la séance.

M. le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait mettre aussi au commencement de la séance les autres projets de crédits provisoires.

Un membre. - Et les autres petits projets.

- La chambre fixe au commencement de la séance la discussion des projets de loi relatifs aux demandes de crédits provisoires.

M. Lejeune. -On a oublié de mettre à l'ordre du jour un projet de loi sur lequel on a fait rapport concernant le transit ; on y a porté un projet de loi de crédit supplémentaire pour le département des affaires étrangères sur lequel M. Osy a fait rapport.

M. le président. - Ce rapport sur le transit n'était pas distribué, il l'est maintenant, il figurera à l'ordre du jour de demain.

M. le président. - Nous reprenons le budget des voies et moyens.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1845

Discussion du tableau des recettes (I. Impôts)

Contributions directes, cadastre, douanes et accises, etc.

Accises

(page 330) « Timbre sur les quittances : fr. 5,000. »

- Adopté.

« Timbres sur les permis de circulation : fr. 1,000. »

Garantie

« Droits de marque des matières d'or et d'argent : fr. 150,000. »

- Adopté.

Recettes diverses

« Droits d'entrepôt, y compris ceux de l'entrepôt d'Anvers : fr. 150,000. »

- Adopté.


« Recettes extraordinaires et accidentelles : fr. 10,000. »

- Adopté.

Enregistrement, domaines et forêts

Droits, additionnels et amendes y relatives

« Enregistrement (30 p. c. additionnels) : fr. 10,000,000 »

- Adopté.

« Greffe (30 p. c. additionnels) : fr. 300,000 »

- Adopté.

« Hypothèques (30 p. c. additionnels) : fr. 1,600,000 »

- Adopté.

« Successions (30 p. c. additionnels) : fr. 5,400,000 »

- Adopté.

« Timbre (sans additionnels) : fr. 3,000,000 »

- Adopté.

« Amendes : fr. 170,000 »

- Adopté.

Recettes diverses

« Indemnité payée par les miliciens pour remplacement et pour décharge de responsabilité de remplacement : fr. 50,000. »

- Adopté.

« Amendes en matière de simple police, civile, correctionnelle, etc. : fr. 150,000. »

- Adopté.

« Produits des examens : fr. 60,000. »

- Adopté.

« Produits des brevets d'invention : fr. 20,000. »

- Adopté.

« Produits des diplômes des artistes vétérinaires : fr. 1,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (II. Péages)

Domaines

« Produits des canaux et rivières appartenant au domaine, droits d'écluse, ponts, navigation : fr. 826,000. »

M. Rogier. - Je vois figurer sous la rubrique « Péages » les produits des canaux et routes ; et en marge « Domaines » ; au chapitre suivant je trouve chemin de fer, sous le titre de « Capitaux et revenus. » Je ne vois pas la raison de cette distinction, et s'il n'y a pas d'opposition, je proposerai de placer le chemin de fer sous la même rubrique que les routes et canaux.

M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai suivi le libellé de l'année dernière ; cette classification n'a aucune portée, je consentirai à ce qu'on déplace le chemin de fer dans le budget.

M. Dumortier. - Il est impossible de mettre le chemin de fer en tête des péages, car les péages se rapportent à l'enregistrement ; il faudrait le placer avant le trésor public.

M. le ministre des finances (M. Malou). - On pourrait placer le chemin de fer à la suite des barrières.

M. Brabant. - Je ne pense pas qu'on puisse confondre le chemin de fer dans les recettes inscrites sous la dénomination de péages, les produits du chemin de fer ne se composent pas seulement de péages proprement dits, destinés à payer lis intérêts du capital engagé dans sa construction, ils servent aussi à payer le service rendu pour le transport. Si le gouvernement était batelier ou voiturier, je ne pense pas qu'on pût confondre sous la dénomination de péages ce qui lui reviendrait du chef du service de transport par bateau ou voiture. Je ferai une observation plus particulière pour le chemin de fer, c'est que son produit est tellement considérable qu'il doit figurer à part ; et je suis persuadé que je rentrerai dans les intentions de l'honorable M. Rogier en disant que les recettes du chemin de fer iront continuellement en augmentant et qu'en les tenant à part on démontrera au pays que la construction, même comme spéculation, n'a pas été une mauvaises affaire.

M. Rogier. - Mon observation n'a pour but qu'une simple transposition de libellé. Si elle doit donner lieu à une discussion, je n'y insisterai pas.

M. le président. - La proposition est retirée. Quand nous arriverons au chemin de fer, on pourra postposer le titre : « Capitaux et revenus. »

- Le chiffre de 826,000 fr., pour le produit des canaux et rivières, est adopté.


« Produits de la Sambre canalisée : fr. 600,000 fr. »

- Adopté.


« Produits du canal de Charleroy : fr. 1,500,000 fr. »

M. Pirmez. - Je ferai remarquer au sujet de cet article que les péages du canal de Charleroy sont hors de proportion avec les autres péages. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à comparer les revenus ; vous verrez que le canal de Charleroy produit le double de toutes les rivières et canaux du royaume, la Sambre exceptée. Il y a là une disproportion qui n'est pas juste. Lorsque j'en ai fait l'observation à la section centrale, M. le ministre des finances a répondu qu'il s'occupait d'examiner s'il n'y avait pas lieu de réduire les péages sur les canaux.

M. le ministre des finances (M. Malou). - J'ai dit : de modifier.

M. Pirmez. - Oui ; j'espère qu'il proposera alors d'établir une juste proportion. On conçoit qu'un canal d'un parcours de dix à douze lieues comme celui de Charleroy à Bruxelles ne peut en bonne justice produire le double de ce que produisent tous les canaux, toutes les rivières du royaume, sauf la Sambre canalisée.

Nous attendons du gouvernement qu'il rétablisse une juste proportion entre les péages.

M. Dumortier. - Si le canal de Charleroy à Bruxelles rapporte plus que les autres rivières de Belgique, c'est que les rivières n'ont rien coûté à l'Etat, tandis que le canal de Charleroy lui a coûté fort cher. Ce canal a été construit par des concessionnaires auxquels l'Etat l'a racheté. Il faut que l'Etat rentre dans ses débours. Si l'opération avait été mauvaise, l'Etat en aurait souffert. L'opération n'a pas été mauvaise ; l'Etat doit réaliser un bénéfice. Je ferai seulement remarquer que si l'Etat n'avait pas repris le canal, on payerait plus encore qu'on ne paye. En opérant ainsi, on a rendu un service au bassin de la Sambre et spécialement à Charleroy.

Il ne faut pas réduire ce produit qui est le meilleur revenu de l’Etat.

Je ferai remarquer que cet article soulève une grave question que je ne veux pas traiter. Mais je fais mes réserves. Dans l'article en discussion, figurent :

La Dendre pour fr. 21,000 ;

Le canal d'Antoing pour 445,000 ;

Le canal de Charleroy pour 1,500,000.

Depuis la dernière session, un arrêté est intervenu pour concéder à une société étrangère la canalisation de la Sambre. L'Etat n'aura donc plus rien à percevoir sur cette rivière. Si le canal réussit, il y aura une grande réduction sur le canal de Charleroy et sur le canal d'Antoing. Je ne veux pas prolonger cette discussion. Je fais mes réserves. Je demande jusqu'à quel point le gouvernement peut, par simple arrêté, diminuer d'une manière considérable les revenus du trésor public. Je me réserve d'examiner cette question dans la discussion du budget des voies et moyens.

M. David. - Ces observations viendront plus utilement dans la discussion du projet de loi tendant à proroger la loi sur les péages des canaux et rivières.

Il y a beaucoup de choses à dire sur cette question. Puisqu'elle a été soulevée, je fais mes réserves. Je dis, en attendant, que le canal de Charleroy a été payé par tout le monde ; que le chemin de fer a aussi été payé par tout le monde en Belgique. Nous verrons alors s'il faut accorder des réductions de péage pour le canal de Charleroy ; mais si nous accordons .ces réductions, j'en proposerai d'autres qui nous donneront des canaux secs, parce que nous avons besoin de voies de transport vers l'Allemagne, comme le Hainaut en a vers la France.

M. Pirmez. - Je crois que l'honorable M. Dumortier est dans l'erreur lorsqu'il dit que le canal de Charleroy forme exception, qu'il a coûté très cher au pays, tandis que les autres voies navigables ne lui ont rien coûté. Messieurs, il suffit, pour se convaincre de celle erreur, de se rappeler tout ce que nous coûtent l'entretien et l'amélioration de nos rivières.

Je ne demande pas d'ailleurs qu'on supprime tout péage sur le canal de Charleroy ; mais je demande que le gouvernement établisse une juste proportion entre celui qui se perçoit sur ce canal et ceux qui se perçoivent sur les autres voies navigables.

- Le chiffre de 1,500,000 est adopté.


« Produits du canal de Mons à Condé : fr. 74,000. »

- Adopté.


« Produits des droits de bacs et passages d’eau : fr. 119,000. »

- Adopté.


« Produits des barrières sur les routes de première et de deuxième classe : fr. 2,000,000. »

- Adopté.

Travaux publics

Postes

M. Rodenbach. - Messieurs, vous avez vu que les diverses sections avaient demandé une réforme postale. La section centrale en a exprimé aussi le vœu.

Il est reconnu, messieurs, que le décime rural est une injustice, toutes les sections ont été de cet avis.

Le prédécesseur de M. le ministre des travaux publics avait promis formellement de nous présenter un projet de loi sur la réforme postale. Nous n'avons pas demandé, messieurs, que l'on diminuât les produits du trésor, parce que nous savons parfaitement bien qu'il est très dangereux de réduire nos voies et moyens. Mais je crois qu'on pourrait nous présenter un projet de loi qui, tout en apportant des réformes utiles à notre régime postal, ne réduirait pas nos revenus.

Je me bornerai à ce peu de mots, messieurs, si M. le ministre des travaux publics nous déclare, sans périphrase, sans circonlocution, qu'il a l'intention de nous présenter un projet de loi, et surtout s'il nous promet de présenter ce projet assez tôt pour que nous puissions le discuter dans cette session. Mais si la réponse de M. le ministre ne me satisfait pis, je présenterai un amendement.

M. le ministre des travaux publics (M. d’Hoffschmidt). - Messieurs, dans une précédente séance, j'ai déjà annoncé à la chambre que le département des travaux publics s'occupait de la question de la révision des lois sur les postes. Mon honorable collègue M. le ministre des finances a fait la même déclaration à la section centrale qui a examiné le budget des voies et moyens.

J'espère, messieurs, que dans le courant de la session nous pourrons vous soumettre un projet de loi sur cette matière. Dès lors, je crois qu'il convient de réserver les questions qui se rapportent à cette législation pour la discussion qui s'ouvrira sur ce projet. La question de la suppression du décime rural y trouvera tout naturellement sa place, ainsi que la question soulevée par l'amendement de l'honorable M. Savart relatif à la diminution des droits de transport sur les articles d'argent. (Signe d'assentiment de M. Savart.)

Il paraît que l'honorable M. Savart retire son amendement. Dès lors, je bornerai là mes observations.

M. Rodenbach. - Je suis satisfait de la réponse que me fait M. le ministre ; d'autant plus qu'il paraît qu'il nous présentera un projet assez tôt pour que nous puissions l'examiner dans cette session. Je désire que M. le ministre veuille bien s'occuper immédiatement de cet objet.

J'espère que M. le ministre n'oubliera pas sa promesse. Mais, s'il en était autrement, les nombreuses pétitions qui nous arrivent journellement nous donneraient l'occasion de la lui rappeler.

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - Je suis de ceux qui pensent qu'il y a quelque chose à faire pour améliorer notre régime postal, et j'ai été charmé de l'engagement qu'a pris M. le ministre des travaux publics de nous présenter un projet de loi dans cette session. Cependant, je lui ferai une recommandation : c'est que ce projet soit connu de manière à ne pas trop réduire….

Plusieurs honorables collègues m'interrompent et me disent qu'il ne faut pas réduire du tout les revenus du trésor ; ils ont raison et je suis entièrement de leur avis.

Messieurs, ce qui a donné l'idée d'une réforme postale en Belgique, c'est celle qui a été adoptée en Angleterre. Or, je tiens en main une statistique très intéressante des résultats de la reforme postale en Angleterre. La chambre est pressée d'en finir ; je n'entrerai donc pas dans de longs détails ; je lui ferai seulement remarquer que d'après le dernier rapport qui a été fait au mois de juin dernier, au parlement anglais, le produit net des postes, qui en 1839, était de 41 millions et demi, n'est encore aujourd'hui que de 18 millions. Et cependant ces 18 millions se composent en partie d'une recette fictive. Car avant la réforme, en Angleterre comme en Belgique, la correspondance administrative était transportée gratuitement, tandis que, depuis la réforme, cette correspondance paye la taxe comme toutes les autres.

Je ferai remarquer de plus, que la réforme postale en Angleterre, a assuré à l'administration des produits sur lesquels nous ne pouvons compter en Belgique. Cette réforme a supprimé le privilège de correspondre en franchise, dont jouissaient un millier de membres des chambres des lords et des communes, et ce privilège s'étendait, comme de raison, à leurs familles et à leurs amis. Cette réforme a donné à l'administration des postes le transport de 44,500,000 feuilles périodiques, qui étaient envoyées à leurs adresses par les messageries.

Eh bien, malgré ces avantages, le produit ne s'est pas encore relevé cette année à la moitié de ce qu'il était en 1839. La circulation des lettres s'est cependant accrue de 80 millions à 265 millions ; c'est un accroissement de 350 p. c.

M. Rodenbach. - Je demande la parole.

Plusieurs membres. - La clôture !

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

« Taxe des lettres et affranchissements : fr. 3,100,000. »

- Adopté.

« Port des journaux et imprimés : fr. 125,000. »

- Adopté.

« Droits de 5 p. c. sur les articles d'argent : fr. 25,000. »

M. le président. - M. Savart a proposé à cet article un amendement ainsi conçu : Je demande que les droits de 5 p. c. sur les articles d'argent soient réduits à 1 p. c.

M. Savart-Martel. - Je demande qu'il soit fait mention que je retire cet amendement par suite de la promesse que nous a faite M. le ministre.

- L'article est adopté.


« Remboursements d'offices étrangers : fr. 100,000. »

- Adopté.

« Emoluments perçus en vertu de la loi du 19 juin 1842 : fr. 50,000. »

- Adopté.

Marine

« Produits du service des bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres : fr. 150,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (III. Capitaux et revenus)

Travaux publics

Chemin de fer

« Chemin de fer : fr. 12,800,000. »

M. le président. - On a proposé de mettre les mots « Capitaux et revenus » après l'article « Travaux publics, chemin de fer. »

- Ce changement de rédaction est adopté.

La discussion est ouverte sur l'article Travaux publics, chemin de fer, 12,800,000 francs.

M. de Mérode. - Messieurs, je me bornerai à dire quelques mots, c'est que je reste persuadé que l'on pourrait tirer un produit beaucoup plus considérable du chemin de fer, si les transports n'étaient pas à aussi bon marché qu'ils le sont.

M. le ministre des finances (M. Malou). - On a présenté un projet pour fixer les péages.

M. de Mérode. - Si l'on nous a présenté un projet, et si dans ce projet les tarifs sont un peu augmentés, je serai satisfait.

M. David. - Si l'on nous présentait un projet, et si dans ce projet les tarifs sont un peu augmentés, je déclare que, contrairement à M. de Mérode, je voterai contre.

- Le chiffre de 12,800,000 francs est mis aux voix et adopté.

Enregistrement, domaines et forêts

« Rachat et transfert de rentes, y compris l'aliénation des rentes constituées : fr. 20,000. »

- Adopté.

« Capitaux du fonds de l'industrie : fr. 120,000. »

- Adopté.

« Capitaux de créances ordinaires : fr. 165,000. »

- Adopté.

« Prix de vente d'objets mobiliers ; transactions en matière domaniale ; dommages et intérêts ; succession en déshérence ; épaves : fr. 330,000. »

M. de Man d’Attenrode, rapporteur. - M. le ministre des finances dit, dans la réponse qu'il a faite à la section centrale, qu'un seul procès a été intenté à l'Etat, à raison de l'aliénation des bois domaniaux, et que ce procès a été terminé par transaction. Je désirerais savoir si le trésor public a fait une perte par suite de cette transaction. Il résulte des renseignements que j'ai pris que le trésor aurait transigé en consentant à une perte. Je vais exposer les faits.

Un bois d'une valeur assez considérable fut vendu dans le canton de Florenville, arrondissement de Neufchâteau. Le gouvernement fit cette vente sans garantir la contenance. La forêt fut divisée en deux lots séparés entre eux par un chemin. La carte qui devait désigner ces deux lois était une ancienne carte faite du temps du gouvernement autrichien ; depuis lors le chemin servant de limite aux deux lois avait été déplacé. Il en résulta que le sieur V. D. B. qui acquit un des lots, reconnut que son lot était d'une contenance de 100 hectares de moins que celle sur laquelle il avait compté.

Il intenta alors une action au gouvernement, action qui ne me paraît nullement fondée, puisque le gouvernement avait déclaré qu'il ne répondait pas de la contenance des lots. Les 100 hectares qui manquaient à ce lot se trouvaient dans celui de l’autre acquéreur qui est Français ; et celui-ci, comme de juste, s'est bien gardé d'attaquer le gouvernement.

Je ne vois pas, messieurs, pourquoi, en présence des conditions de la vente, le gouvernement aurait fait des sacrifices pour terminer cette affaire. Mais s'il a été obligé de bonifier une somme considérable pour les 100 hectares que l'un des acquéreurs a eus en moins, il me semble qu'il devrait poursuivre celui qui a eu les 100 hectares en plus.

Je désirerais savoir quelle est la somme dont le gouvernement a fait le sacrifice pour terminer cette affaire.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je regrette de ne pas connaître aussi bien que l'honorable M. de Man, l'affaire à laquelle il fait allusion. Je me ferai produire le dossier, et je pourrai lui dire quelles sont les circonstances de cette affaire qui est, je crois, terminée depuis assez longtemps.

(page 332) M. Mercier. - Dans cette affaire une erreur matérielle avait été commise par l'administration des domaines, dans l'indication des limites des parcelles vendues ; l'acquéreur de bonne foi avait cru obtenir un lot contenant environ 100 hectares de plus qu'il n'avait réellement. Cet acquéreur s'était pourvu en réclamation, une instance était entamée ; l'affaire s'est terminé par transaction.

Vous reconnaîtrez, messieurs, qu'il aurait été trop rigoureux de n'accorder aucune remise à l'acquéreur. Du reste, je ne me rappelle pas la somme dont il a été fait remise, mais elle n'est pas considérable, elle est loin de représenter la valeur de 100 hectares. M. le ministre pourra en faire connaître le chiffre lorsqu'il aura consulté le dossier.

- Le chiffre de 330,000 fr. est adopté.


« Prix de vente de domaines, en vertu de la loi du 27 décembre 1822, payés en numéraire en suite de la loi du 28 décembre 1835, pour l'exécution de celle du 27 décembre 1822 et de la loi du 30 juin 1840 : fr. 350,000. »

- Adopté.

« Prix de coupes de bois, d'arbres et de plantations ; ventes d'herbes ; extraction de terre et de sable : fr. 680,000. »

- Adopté.

« Fermages de biens-fonds et bâtiments, de chasses et de pêches ; arrérages de renies ; revenus des domaines du département de la guerre : fr. 450,000. »

- Adopté.

« Produits de l'école vétérinaire et d'agriculture : fr. 60,000. »

- Adopté.

« Intérêts de créances du fonds de l'industrie et de créances ordinaires : fr. 45,000. »

- Adopté.

« Restitutions et dommages-intérêts en matière forestière : fr. 2,000. »

- Adopté.

« Restitutions volontaires : fr. 100. »

- Adopté.

« Abonnements au Moniteur et au Recueil des lois : fr. 29,000. »

Trésor public

« Produits divers des prisons (pistoles, cantines, vente de vieux effets) : fr. 50,000. »

- Adopté.


« Intérêts de 13,438 obligations de l'emprunt de 30,000,000 de francs, à 4 p. c, provenant de l'emploi de l'encaisse de l'ancien caissier général, sans préjudice aux droits envers le même caissier, dont il est fait réserve expresse : fr. 537,520. »

M. Osy. - Pour ne pas prolonger la discussion aujourd'hui, je me bornerai à déclarer que je me réserve de revenir sur cet objet lors de l'examen du budget de la dette publique. Je crois qu'il est temps de faire disparaître un solde d'encaisse qui réellement n'en est plus un.

M. Orban. - Messieurs, j'ai demandé la parole pour appeler l'attention de la chambre et de M. le ministre des finances sur une observation fort importante. Je crois pouvoir la déclarer telle ; car elle est de nature à imposer à l'Etat une obligation très grave, et je pense que dans la discussion du budget des voies et moyens, il n'importe pas moins de prévoir les obligations qui doivent incomber au trésor que les ressources dont il peut disposer.

Vous savez, messieurs, que sous le gouvernement précédent, comme aujourd'hui encore, les revenus des provinces étaient perçus cumulativement avec ceux de l'Etat, par l'intermédiaire de la Société Générale. A l'époque de la révolution, les fonds qui se trouvaient dans les caisses de cette Société, soit qu'ils appartinssent aux provinces, soit qu'ils appartinssent à l'Etat, furent frappés d'une espèce d'indisponibilité. En ce qui concerne les revenus de l'Etat, cet état de choses existe encore aujourd'hui. Mais en ce qui concerne les fonds appartenant aux provinces, vous avez, par une loi de 1838, voté une somme de l,300,000 fr., destinée à rembourser la part de ces fonds revenant à certaines provinces. Ces provinces étaient celles dont la part dans l'encaisse a pu être déterminée dès lors, par les pièces comptables qui se trouvaient à la disposition de l'administration ; mais pour la province du Luxembourg (et je pense que le Limbourg est dans le même cas) ce ne fut qu'en 1845, que sa part de cet encaisse lui fut remise.

Ce n'a pas été faute de réclamations que le Luxembourg n'a pas touché cette somme plus tôt, alors surtout qu'il a dû s'imposer jusqu'à 27 centimes additionnels pour faire face aux dépenses extraordinaires de toute nature auxquelles il a dû pourvoir. Il adressa au gouvernement des demandes réitérées pour obtenir la restitution de ce qui lui était dû de ce chef, et il réclama en même temps les intérêts. Le remboursement de ces intérêts ne peut pas faire question. Je concevrais que le gouvernement eût pu faire quelques objections, si ces sommes étaient restées entre ses mains, improductives, mais l'intérêt lui en a été payé par la Société Générale, et dès lors il doit le rembourser à la province. Cependant, il n'a pas été répondu aux réclamations qui lui ont été adressées de ce chef. En présence de ce silence, j'ai cru un moment que l'administration de la province s'était trompée sur la réalité des faits que je viens d'énoncer.

J'ai pris les renseignements les plus certains, à la meilleure des sources, et j'ai reçu l'assurance formelle que le gouvernement avait reçu de la Société Générale et le capital et les intérêts dont il s'agit. Dès lors, il est évident que le gouvernement doit rembourser cet intérêt aux provinces, jusqu'en 1838, à celles qui ont touché le capital à cette époque, et jusqu'en 1845 au Limbourg et au Luxembourg.

Je crois, messieurs, qu'il importait que je fisse cette réclamation dans la discussion du budget des voies et moyens. D'abord je désirais obtenir une réponse de M. le ministre des finances ; je désirais surtout qu'il fût plus explicite que ne l'a été l'administration dans ses rapports avec l'autorité provinciale ; ensuite il serait bon, je pense, pour fixer la véritable situation financière de l'Etat de prévoir dès à présent quelle somme il aura à rembourser, de ce chef, dans le courant de l'exercice prochain.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Je regrette, messieurs, de ne pas pouvoir me prononcer immédiatement sur la question de droit qui d'après les faits mêmes, cités par l'honorable membre, paraît avoir fait déjà l'objet d'une correspondance. Il m'est impossible de déclarer si le gouvernement pourra, après l'examen de cette affaire, accorder les intérêts, et depuis quelle époque il pourra, le cas échéant, les accorder. Cette question doit continuer à se traiter par correspondance, et lorsqu'elle sera terminée entre le gouvernement et l'autorité provinciale, nous ferons à la chambre les propositions qui seront nécessaires.

M. Orban. - M. le ministre se trompe en disant qu'il y a eu une correspondance établie sur l'affaire dont je viens d'entretenir la chambre. Il y a eu réclamation de la part de l'administration provinciale, mais à cette réclamation l'on n'a dit ni oui ni non, l'on n'a pas répondu.

J'ajouterai qu'il n'y a pas ici de question à examiner, il y a lieu simplement pour l'Etat de rembourser à la province de Luxembourg des sommes perçues pour son compte ; c'est une dette à payer, lui appartenant, rien de plus. Toutefois, je ne m'oppose pas à ce que M. le ministre ajourne sa réponse à mon interpellation jusqu'au vote du budget de la dette publique.

M. de Theux. - Je me propose de faire la même demande à M. le ministre en ce qui concerne la province de Limbourg. Je ferai cette demande dans la discussion du budget de la dette publique ou plutôt dans la discussion du budget des finances, car d'ici à la discussion du budget de la dette publique, le temps manquera probablement à M. le ministre des finances. Dans tous les cas, il est important que cette question soit éclaircie.

- L'article est mis aux voix et adopté.


« Produits de l'emploi des fonds de cautionnements et consignations : fr. 545,000. »

- Adopté.

« Produits des actes des commissariats maritimes : fr. 34,000. »

- Adopté.

« Produits des droits de pilotage et de fanal : fr. 400,000. »

- Adopté.

« Produits de la fabrication de pièces de 1 et de 2 centimes : fr. 300,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (IV. Non-valeurs, remboursements)

Contributions directes, etc.

« Prix d'instruments fournis par l'administration des contributions, etc. : fr. 2,000. »

« Frais de perception des centimes provinciaux et communaux : fr. 85,000. »

Enregistrement, domaines et forêts

« Recouvrements de reliquats de comptes arrêtés par la cour des comptes : fr. 50,000. »


« Bénéfice éventuel produit par la fonderie de canons à Liège, sur la fabrication d'armes de guerre à exporter pour l'étranger : fr. 25,000. »

(page 353) M. le ministre des finances (M. Malou). - Je prie la chambre de me permettre de donner quelques explications sur cet article. D'après le rapport de la section centrale, on serait tenté de croire qu'il y a de l'irrégularité dans la gestion de l'établissement dont il s'agit. Lorsque des commandes sont faites à la fonderie royale de canons à Liège, le directeur de cet établissement demande qu'on lui ouvre un crédit, à charge de compte de l'emploi de ce crédit. Toutes les formalités administratives sont suivies pour l'achat des matières, et pour constater la livraison de la marchandise fabriquée ; le compte de l'emploi du crédit est ensuite transmis à la cour des comptes. On ne peut donc faire figurer au budget de l'Etat que le bénéfice de la fabrication, il serait impossible d'y porter le capital de roulement de l'établissement. Toute cette gestion est donc parfaitement régulière, et je dirai plus, il est indispensable de procéder comme je viens de l'indiquer ; car en formant le budget on ne peut pas connaître quelles commandes seront faites dans le cours de l’année : on s'exposerait à ouvrir des crédits insuffisants ou à ouvrir des crédits trop considérables.

- Le chiffre est mis aux voix et adopté.

Avances faites par le ministère des finances.

« Frais de poursuites et d'instances : fr. 9,000. »

- Adopté.

« Recouvrements sur les communes, les hospices et les acquéreurs de bois domaniaux, pour frais de régie de leurs bois : fr. 145,000. »

- Adopté.

« Frais de perceptions faites pour le compte de tiers : fr. 5,000. »

- Adopté.

« Frais de perceptions faites pour le compte des provinces : fr. 7,500. »

- Adopté.

Avances faites par le ministère de la justice.

« Frais de justice en matière criminelle, correctionnelle, de simple police, etc. : fr. 160,000. »

- Adopté.

« Frais d'entretien, de transport et de remplacement de mendiants, d'entretien et de remplacement de mineurs, d'enfants trouvés, etc. : fr. 10,000. »

Avances faites par le ministère de l'intérieur.

« Frais de justice devant les conseils de discipline de la garde civique : fr. 100. »

- Adopté.

« Pensions à payer par les élèves de l'école militaire : fr. 15,000. »

- Adopté.

« Annuités à payer par les propriétaires riverains du canal de la Campine : fr. 24,000. »

- Adopté.

Trésor public

« Recouvrement d'avances faites par le ministère de la justice aux ateliers des prisons pour achat de matières premières : fr. 960,500. »

- Adopté.

« Recouvrement d'une partie des avances faites par le département de la guerre aux corps de l'armée, pour masse d'habillement et d'entretien : fr. 150,000. »

- Adopté.

« Recouvrement d'une partie des avances faites aux régences par le département de la guerre, pour construction d'écuries destinées à la cavalerie » (Ces avances étant recouvrées par l'administration de l'enregistrement comme capitaux de créances ordinaires, sont comprises au budget sous cette dernière rubrique.)

- Adopté.

« Recettes accidentelles : fr. 150,000. »

- Adopté.

« Abonnement des provinces pour réparations d'entretien dans les prisons : fr. 19,600. »

- Adopté.

« Banque de Belgique. - Intérêts exigibles en 1846 : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Chemin de fer rhénan. - Dividendes de 1846 : fr. 200,000. »

M. Lys. - Messieurs, je ne prends la parole en ce moment que pour faire une interpellation à M. le ministre. Je me réserve de discuter la question lorsque nous nous occuperons d'un autre budget. Je demanderai à M. le ministre si la transaction du 20 novembre 1843 entre la direction du chemin de fer rhénan et trois banquiers de Cologne, qui devait être soumise à la ratification du gouvernement belge, si cette transaction a été ratifiée, oui ou non.

M. le ministre des finances (M. Malou). - Cette affaire était terminée avant mon entrée au ministère, et la transaction n'a pas été ratifiée.

Fonds spécial

« Produit des ventes de biens domaniaux autorisées par la loi du 3 février 1843 : fr. 400,000. »

- Adopté.

Discussion du tableau des recettes (V. Recettes pour ordre)

Chapitre premier. Trésor public

Articles 1 à 8

« Art. 1er. Cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor public de Belgique, par des comptables de l'Etat, par des receveurs communaux, des receveurs de bureaux de bienfaisance, des préposés aux bureaux de station de l'administration du chemin de fer, etc., pour garantie de leur gestion, et cautionnements fournis par des contribuables pour garantie du payement de leurs redevabilités en matière de douanes, d'accises, etc. : fr. 1,000,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Caisses des veuves des fonctionnaires civils : fr. 750,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Caisse des veuves et orphelins des officiers de l'armée : fr. 160,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Caisse de prévoyance des instituteurs primaires : fr. 65,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Commission des secours : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Masse d'habillement et d'équipement de la douane : 300,000. »

- Adopté.


« « Art. 7. Subsides offerts pour construction de routes : fr. 400,000. »

- Adopté.


« Art. 8. Part des communes dans les frais de confection des atlas des chemins vicinaux : fr. 90,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Contributions directes, cadastre, douanes et accises

Articles 1 à 8

« Art. 1er. Produit des amendes, saisies et confiscations opérées par l'administration des contributions : fr. 120,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Expertise de la contribution personnelle : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Produit d'ouverture des entrepôts : fr. 14,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Recouvrement d'impôts en faveur des provinces : fr. 6,734,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Recettes en faveur des communes : fr. 1,950,000. »

- Adopté.


« Art. 6. Taxe provinciale sur les chiens : fr. 200,000. »

- Adopté.


« Art. 7. Taxe provinciale sur le bétail : fr. 125,000. »

- Adopté.


« Art. 8. 4 et 5 p. c. au profit des villes de Liège et Verviers, pour pillages : fr. 18,500. »

Chapitre III. Fonds de tiers. Enregistrement, domaines et forêts

Articles 1 à 3

(page 354) « Art. 1er. Amendes diverses et autres recettes soumises aux frais de régie : fr. 100,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Amendes de consignations et autres recettes non assujetties aux frais de régie : fr. 600,000. »

- Adopté.


« Art. 3. Recouvrement de revenus pour compte de provinces : fr. 495,000. »

- Adopté.


« Art. 4. Consignations diverses. (Loi du 26 nivôse an XIII) : fr. 800,000. »

- Adopté.


« Art. 5. Consignations à titre de dépôt : fr. 1,000. »

- Adopté.

Vote des articles

Article premier

M. le président. - Il n'y a eu qu'un seul amendement proposé par la section centrale et auquel le gouvernement s'est rallié. Veut-on remettre le vote définitif à une autre séance ?

M. Brabant. - J'ai un amendement à présenter à l'article premier du projet de loi.

M. le président. - L'article premier du projet de loi est ainsi conçu :

« Les impôts directs et indirects, existant au 31 décembre 1815, en principal et centimes additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour le fonds de non-valeurs qu'au profit de l'Etat, ainsi que la taxe des barrières, continueront à être recouvrés, pendant l'année 1846, d'après les lois et les tarifs qui en règlent l'assiette et la perception. »

M. Brabant. - Je proposerai d'ajouter à cet article :

« Néanmoins, le droit de navigation établi sur la Sambre canalisée sera perçu au taux fixé par l'arrêté du 1er septembre 1840. »

Les développements de cette proposition seront assez longs et voilà qu'il est quatre heures et demie. Je craindrais de fatiguer l'attention de la chambre si je présentais maintenant ces développements.

De toutes parts. - A demain ! à demain !

- La séance est levée à quatre heures et demie.