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Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 25 novembre 1845
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative à
la discussion de l’adresse en réponse au discours du trône. Instruction primaire
(Delfosse)
3) Motion d’ordre relative à
la reddition des comptes de l’Etat et au contrôle de la cour des comptes (de Man d’Attenrode, Malou, de Man d’Attenrode)
4) Situation du trésor
5) Fixation de l’ordre des travaux
de la chambre. Régime des entrepôts francs (politique commerciale du gouvernement)
(Malou)
6) Projet de loi approuvant
le traité de commerce et de navigation conclu avec les Etats-Unis (Dechamps, Osy, de
Foere, Dechamps, de Foere,
Dechamps)
7) Projet de loi prorogeant
la loi relative aux primes à accorder pour construction de navires
8) Motion d’ordre relative au
projet de loi sur les droits consulaires (Osy)
9) Projets de loi modifiant
les délimitations de plusieurs communes
10) Réponse du Roi à l’adresse
de la chambre
11) Projet de loi accordant
des crédits supplémentaires au budget de la dette publique pour 1843. Traitements
d’attente, pensions publiques et toelaegen (Malou, Mercier, Malou, Vanden Eynde, Osy, Mercier, Dumortier, Savart-Martel, Osy, Vanden Eynde, Malou, (+société
générale) Dumortier, Malou, Savart-Martel)
(Annales parlementaires
de Belgique, session 1845-1846)
(Présidence de M. Liedts.)
(page 111)
M. de Villegas procède à l'appel nominal
à deux heures.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. de Villegas présente l'analyse des
pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur Benoit Siltsher, contrôleur à la manufacture d'armes de guerre
du gouvernement à Liège, né à Colembourg (Pays-Bas), demande la naturalisation.
»
« Le sieur John Robinson, chef d'atelier du chemin de fer de l'Etat, né à
Bishop-Wearmouth (Angleterre), demande la naturalisation ordinaire. »
« Le sieur Thomas Embleton, chef d'atelier au chemin de fer de l'Etat,
né à Starlingtow (Angleterre), demande la naturalisation. »
« Le sieur Thomas Stobbart, conducteur constructeur de première classe au
chemin de fer de l'Etat, né à Barnard-Castle (Angleterre), demande la naturalisation
ordinaire. »
« Le sieur James Woods, chef d'atelier au chemin de fer de l'Etat, né à Prescot
(Angleterre), demande la naturalisation ordinaire. »
« Le sieur Thomas Wilburn, chef d'atelier au chemin de fer de l'Etat, né
à Lanchester (Angleterre), demande la naturalisation ordinaire. »
- Renvoi de ces six pétitions à M. le ministre de la justice.
_______________
« Le sieur Frédéric Van Temsche, secrétaire au parquet du tribunal de première
instance à Audenarde, demande une augmentation de traitement pour les secrétaires
de parquet. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________
« Le sieur Huysman-d'Honssem, directeur du trésor à Bruxelles, prie
la chambre, tant en son nom personnel, qu'au nom de ces coïntéressés, d'accorder
au gouvernement le crédit demandé pour faire face au payement des créances
arriérées du chef de traitements d'attente, de traitements ou pensions supplémentaires
et de secours annuels, ou bien d'en ajourner la discussion jusqu'à ce que la
cour de cassation ait prononce sur les arrêts rendus en faveur des intéressés
et contre lesquels M. le ministre des finances a demandé des pourvois. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi auquel se rapporte
la demande de crédit.
________________
« Par dépêche en date du 22 novembre, M. le ministre de la justice transmet
à la chambre les explications demandées sur les pétitions d'anciens militaires
qui se plaignent de n'avoir pas obtenu de pension, du chef de la cécité dont
ils ont été atteints an service du pays. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargé de l'examen du budget du département
de la justice.
__________________
M. de Garcia informe la chambre que l'état de sa santé l'empêche d'assister,
quant à présent, aux séances de la chambre.
- Pris pour notification.
MOTION D’ORDRE
M. Delfosse. - Messieurs, lorsque je me suis permis, dans
la séance de samedi, d'interrompre l'honorable M. Rogier, l'honorable membre
venait de déclarer, au nom de l'opposition, qu'elle soutiendrait la prérogative
royale, la prérogative gouvernementale, en matière d'enseignement.
Il était de mon devoir, il était loyal de ne pas laisser prendre, en mon
nom et en ma présence, un engagement que je ne pouvais tenir.
Lors de la discussion de la loi sur l'instruction primaire, j'ai demandé
que l'on ne changeât rien à la disposition de la loi communale qui investit les
conseils communaux du droit de nommer les instituteurs ; l'honorable M. Rogier,
au contraire, a soutenu l'intervention du gouvernement ; il a été du nombre de ceux
qui ont consenti, sur ce point, à étendre la prérogative royale en affaiblissant
celle des conseils communaux.
C'est là un dissentiment bien connu et qui pourrait se reproduire sur des
questions analogues ; il m'était donc impossible de laisser passer, sans observation,
les paroles de l'honorable M. Rogier.
Je ne serais pas revenu sur cet incident, si le Moniteur n'avait substitué
les mots de pouvoir civil a ceux de prérogative royale, de prérogative
gouvernementale.
Ce changement rend mon interruption tout à fait inutile ; s'il ne s'agit
que des prérogatives du pouvoir civil, je puis marcher d'accord avec l'honorable
M. Rogier. Mais s'il s'agit de la prérogative royale, de la prérogative
gouvernementale, je dois maintenir ma réserve.
Ce dissentiment sur une question spéciale n'ôte rien, du reste, aux sentiments
d'estime et de sympathie que j'ai voués à l'honorable M. Rogier, et qui, j'en
suis sûr, sont réciproques.
Un ancien ministre a voulu, un jour, en tirer parti pour nous diviser ; il
a échoué. D'autres échoueront, comme lui, s'ils ont le même but.
M. le président. - Il n'y a pas de suite à donner à cette
motion. Les observations de M. Delfosse seront consignées au Moniteur. Du
reste, je ferai remarquer, pour la justification de MM. les sténographes, que
M. Rogier a revu lui-même les épreuves de son discours.
MOTION D’ORDRE
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, j'ai réclamé la parole pour
demander à M. le ministre des finances quand il publiera le compte du dernier
exercice clos. Cet exercice est celui de 1842, il est clos depuis le 31
décembre 1844.
(page 112) Messieurs, le compte
du budget do l'exercice 1841, qui est clos depuis bientôt deux ans, n'est pas
même présenté ; c'est donc le compte de 1841, sur lequel j’attire l'attention
de la chambre, et que je prie M. le ministre des finances de présenter le plus
tôt possible.
Dans les circonstances normales, il serait tout à fait convenable que le
compte du dernier exercice clos fût présenté avant le budget des dépenses à faire,
parce que le règlement des dépenses accomplies est en quelque sorte l'exposé
des motifs des dépenses que l'on se propose de faire, parce que l'excédant de
dépense ou de recette qui résulte de ce règlement, doit être pris en
considération lors du vote du budget des dépenses.
Je sais fort bien que, depuis la fondation de notre existence politique,
on n'a pu encore adopter cette marche régulière ; mais j'espère que bientôt la loi
de comptabilité réglera cet objet important, et mettra fin à cette marche irrégulière.
Voici, messieurs, pourquoi je tiens à ce que le compte du dernier exercice
clos soit présenté sans retard.
Les observations que la cour des comptes a à présenter annuellement sont
relatives à la vérification du compte de l’administration des finances. Comme ce
compte n'est pas encore présenté, la cour n'a pu commencer encore à cette époque
si avancée de l'année à le vérifier ou à procéder à la rédaction de ses observations.
Les années précédentes, le compte a été publié perdant l'été, et voilà que nous
sommes au 25 novembre, et nous n'avons ni le compte ni le cahier d'observations
de la cour.
Je tiens à faire cette remarque, parce que c'est surtout à l'occasion de
la discussion du budget que nous pouvons tirer parti du travail de la cour des comptes.
En France, le compte de l'exercice 1842 a été
présenté, il y a 18 mois ; le projet de règlement a été déposé peu après, et la
législature a réglé le compte, il y a longtemps. Et chez nous, on ne nous a pas
encore rendu compte de faits consommés, il y a quatre ans.
J'insiste donc pour que M. le ministre des finances publie sans délai, au
moins le compte de la gestion de 1843, qui comprend le compte de l'exercice clos
de 1841.
M. le
ministre des finances (M. Malou). - Messieurs, je regrette de ne pas pouvoir déférer à la demande de
l'honorable préopinant ; je ne puis pas déposer immédiatement les comptes du
dernier exercice clos, mais je le déposerai sous peu de jours. Il y a une
partie des observations de l'honorable membre qui ne concernent pas le
gouvernement. Si tous les comptes arriérés ne sont pas encore arrêtés, je crois
que la responsabilité n'en peut retomber sur le gouvernement, car ces comptes
ont été présentés en temps utile. Du reste, je m'empresserai de faire droit à
la demande de l'honorable préopinant,
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, il me semble avoir démontré
d'une manière si claire, que les comptes des exercices clos ne sont pas
présentés en temps utile, que je ne puis que témoigner ma surprise d'avoir
entendu M. le ministre soutenir que leur publication n'est pas arriérée. S'ils
avaient été déposés en temps utile, le compte de l'exercice 1841 serait déposé
depuis 16 mois, et celui de 1812 le serait aussi. La chambre a voté, il est
vrai, tardivement les projets de loi de comptes des exercices 1830, 1831 et
1832 ; mais nous savons tous que ce retard a été indépendant de sa volonté et a
été la suite de circonstances extraordinaires.
Le rapport sur les projets de loi de comptes des exercices suivants, des
exercices 1813,1831 et 1832 ne tardera pas à vous être présenté. La commission des
finances m'ayant fait l'honneur de me charger de ce travail, il a été terminé
pendant les vacances ; il ne reste plus qu'a le soumettre à son approbation.
SITUATION DU TRESOR
M. le ministre des finances (M.
Malou). - J'ai l'honneur de
déposer sur le bureau l'exposé de la situation du trésor au 1er septembre
dernier.
- Il est donné acte à M. le ministre du dépôt de cet exposé, qui sera imprimé
et distribué aux membres de la chambre.
FIXATION DE L’ORDRE DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. le ministre des finances (M.
Malou). - Messieurs, parmi les
projets de loi sur lesquels des rapports sont faits, se trouve le projet
relatif aux entrepôts francs publics et particuliers. L'honorable rapporteur di
la section centrale, M. Cogels, a cessé de faire partie de la chambre ; je prie
la chambre de vouloir bien porter ce projet à l'ordre du jour, et je pense
qu'avant d'aborder la discussion, la section centrale pourrait se réunir et
charger un de ses membres des fonctions de rapporteur.
- La proposition de M. le ministre des finances est adoptée. En conséquence,
le projet de loi dont il s'agit sera mis à l'ordre du jour ; la section
centrale sera, en outre, invitée à charger un de ses membres de remplir les
fonctions de rapporteur.
PROJET DE LOI APPROUVANT LE TRAITE DE COMMERCE ET DE NAVIGATION CONCLU AVEC
LES ETATS-UNIS
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, le Roi m'a chargé de présenter à la chambre le projet de loi
suivant :
« Article unique. Le traité de commerce et dj navigation, conclu entre la
Belgique et les Etats-Unis d'Amérique, signé à Bruxelles, le 10 novembre 1845,
sortira son plein et entier effet. »
- Il est donné acte à M. le ministre des affaires étrangères de la présentation
de ce projet de loi, qui sera imprimé et distribué.
M. le
président. - Comment la chambre
veut-elle que ce projet de loi soit examiné ?
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). -
Messieurs, ce projet a un caractère d'urgence. Il serait nécessaire qu'il put
être ratifié pendant la session prochaine par les chambres des Etats-Unis, dont
la session est souvent très courte. Je proposerai à la chambre de renvoyer le projet
de loi à la commission qui a été chargée de l'examen du projet de loi de 1840 :
comme le nouveau projet repose sur des basas analogues à celles du projet de
1840, je pense que l'examen pourrait en être utilement confié à cette
commission.
M. Osy. - Messieurs, je voulais faire la même
proposition. Comme quelques membres de l’ancienne commission ne font plus
partie de la chambre, je crois qu'on pourrait charger le bureau de les
remplacer.
M.
de Foere. - Je ne pense pas qu'il soit
convenable de renvoyer le nouveau projet de traité à l'ancienne commission. Une
question importante domine tout le traité ; or, l'ancienne commission l'a déjà
préjugée ; il me semble dès lors plus juste, plus équitable de renvoyer le
nouveau projet de traité, soit à une nouvelle commission, soit aux sections.
M. le ministre des affaires
étrangères (M. Dechamps). -
Messieurs, l'honorable M. Delfosse est dans l'erreur, lorsqu'il a cru que
l'ancienne commission avait déjà statué sur la question. L'honorable M. de
Theux nous a dit, dans une séance précédente, que la commission n'avait pas
émis de vote sur le traité de 1840 ; une discussion seulement a eu lieu ; la
commission n'a donc rien préjugé.
Comme je viens de le dire, le nouveau projet de traité repose sur des bases
analogues à celles du projet de 1840 ; il me paraît dès lors convenable, dans
l'intérêt de la discussion, que l'ancienne commission soit chargée de l'examen
du projet qui vient d'être déposé.
M. de Foere. -
Je demanderai alors que le nouveau projet de traité soir renvoyé aux sections.
Il s'agit d'une question très importante ; il est désirable que la chambre tout
entière, par l'examen des sections, s'initie profondément à la connaissance de
ce grave intérêt. On a dit que la chambre prend peu de part à l'étude des
projets de loi qui sont renvoyés à des commissions.
Je demanderai donc que le projet de loi soit renvoyé aux sections.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Messieurs, je n'ajouterai qu'un mot, c'est sur l'urgence que présente
le nouveau projet de traité. La chambre n'a pas oublié que c'est le troisième
traité conclu avec les Etats-Unis qui est soumis à la ratification des chambres
belges. La chambre comprendra dès lors combien il est nécessaire que la
discussion ait lieu le plus tôt possible. C'est à cause de ce caractère d'urgence,
sur lequel j'appuie, que la chambre ferait bien, selon moi, de confier à l'ancienne
commission l'examen du nouveau projet de loi.
- La chambre, consultée, décide que le nouveau projet de loi sera
renvoyé à l'examen de la nouvelle commission.
M. le président. - Deux membres sont à remplacer dans cette commission,
MM. Cogels et Coghen ; comment la chambre veut-elle que ces membres soient nommés
?
Un
grand nombre de voix. - Par le bureau.
M. le président. - A la séance de demain, le bureau aura
l'honneur de vous faire connaître les nominations qu'il aura faites.
PROJET DE LOI PROROGEANT LA LOI RELATIVE AUX PRIMES POUR CONSTRUCTION DE
NAVIRES
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - Le Roi m'a chargé de présenter un projet de loi tendant à proroger pendant
trois ans la loi du 7 janvier 1837 concernant les primes à accorder pour
construction de navires.
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre des
affaires étrangères de la présentation du projet de loi qu'il vient de déposer.
- Ce projet et les motifs qui l'accompagnent seront imprimés et distribués.
La chambre en renvoie l'examen aux sections.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU PROJET DE LOI SUR LES DROITS CONSULAIRES
M. Osy. - Messieurs, à la fin de la session dernière,
l'honorable général Goblet nous avait présenté un projet de loi relatif aux
droits consulaires.
Ce projet ne faisait que maintenir l'état de choses actuel, laissant au gouvernement
le soin de régler ces droits par arrêté royal dans l'intervalle de la session.
Je demanderai à M. le ministre si, dans le courant de la session, il pourra
nous présenter un projet de loi définit sur cette matière.
M. le ministre des affaires étrangères (M. Dechamps). - J'examinerai.
PROJETS DE LOI MODIFIANT LES DELIMITATIONS DE PLUSIEURS COMMUNES
M. le ministre de l’intérieur (M. Van de Weyer). - J'ai l'honneur de proposer à la chambre plusieurs projets de loi relatifs
à des délimitations de communes. Je les déposerai sur le bureau, à moins que la
chambre ne désire que je lui donne lecture de ces divers projets.
Un
grand nombre de voix. - L'impression ! l'impression
!
M. le président. - Il est donné acte à M. le ministre de
l'intérieur de la présentation des projets de loi qu'il vient d'indiquer.
Ces projets et les motifs qui les accompagnent seront imprimés et distribués
aux membres.
La chambre en renvoie l'examen à une commission nommée par le bureau.
REPONSE DU ROI A L’ADRESSE DE LA CHAMBRE
M. le président. - La députation que la chambre a chargée de
présenter au Roi l'adresse en réponse au discours du Trône, a été reçue hier
par Sa Majesté avec le cérémonial accoutumé.
Le Roi a répondu en ces termes :
« Je reçois avec plaisir l'expression des sentiments de la chambre des représentants
; j'apprécie son patriotisme, et son attachement à ma personne. C'est par votre
concours bienveillant que vous mettrez mon gouvernement a même de remplir sa
mission, et que vous rentrez cette session législative féconde en résultats
utiles aux intérêts du pays. »
Je propose à la chambre do faîre imprimer, comme les années précédentes,
le discours du Trône, l'adresse de la chambre et la réponse du Roi, comme documents
de la chambre.
- Cette proposition est adoptée.
PROJET DE LOI OUVRANT DES CREDITS AU BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE POUR L’EXERCICE
1843
M. le président. - Le gouvernement se rallie-t-il au projet
amendé proposé par la section centrale ?
M. le ministre des finances (M.
Malou). - Je demanderai à la
chambre la permission d'entrer dans quelques explications pour répondra à M. le
président. Vous remarquerez, messieurs, que dans le projet soumis par mon
prédécesseur, il s'agit de quatre espèces différentes de réclamations :
traitements d'attente, traitements supplémentaires, pensions supplémentaires et
secours annuels. Je n'insiste pas sur les causes qui ont fait accorder chacune
de ces espèces de gratification par le gouvernement précédent.
Le gouvernement des Pays-Bas trouvait dans la loi du 1814, relative aux pensions
un pouvoir très grand, très étendu en cette matière. Mais je crois devoir faire
remarquer, dès à présent, que ce pouvoir n'était accordé que pour une seule des
quatre catégories de réclamations, c'est-à-dire, pour les pensions ; cependant
ces gratifications ont été accordées dans une foule de circonstances, et depuis
1830 elles ont à diverses reprises fait l'objet de discussions très vives et
très animées dans cette enceinte. L'on pourrait se demander d'abord quelle, est
la nature du droit qui résulte de pareils actes du gouvernement précédent.
Y a-t-il dans la collation d'un traitement d'attente, d'un traitement
supplémentaire, d'une pension supplémentaire, d'un secours annuel, un droit
civil parfait ? Y a-t-il obligation rigoureuse pour l'Etat et cette obligation
est-elle telle qu'elle ait pu survivre aux événements qui se sont succédé dans
le pays ? Pour moi, j'éprouve sur ce point de très grands doutes. Toute
question d'argent peut être considérée comme un droit civil à l'égard de celui
qui reçoit Cependant, d'après les principes de notre organisation, on ne peut
pas se dissimuler que les rémunérations accordées du chef de fonctions ne
constituent un droit d'une nature toute spéciale.
Des stipulations de droit international sont intervenues en ce qui concerne
les traitements d'attente. Dans le traité de 1839, il est stipulé que ces
traitements seront acquittés aux ayants droit, conformément à la législation
existante en 1830.
Dans le traité de 1842, il a été entendu que la législature restait entièrement
libre quant aux dispositions qui avaient été prises auparavant. C’est l'article
68 du traité de 1842, qui contient cette disposition.
Les faits qui se rattachent à cette question se divisent en deux catégories
: les faits parlementaires et ce que j'appellerai les faits judiciaires. En
1832 le gouvernement croyant un droit du chef des toelaege avait porté au
budget des dotations toute la somme nécessaire pour les payer. Elle donna lieu
alors à de longues discussions après lesquelles on réduisit le crédit demande,
et laissant intactes toutes les questions, sans en trancher aucune, on
n'accorda que des secours à ceux qui se trouvaient dans une position nécessiteuse.
En 1833, le crédit reproduit par le gouvernement fut encore rejeté
partiellement par les chambres. A partir de 1840 le crédit intégral a été porté
au budget ; et chaque année, il tend à décroître. Pour citer deux termes
extrêmes, en 1840, il était de 114,000 francs, et au budget de l'année prochaine,
il n'est demandé que 74,500 francs.
Quant aux faits judiciaires, je crois pouvoir me borner à une analyse très
sommaire. Une instance a été terminée par un jugement passé aujourd'hui en force
de chose jugée ; c'est l'affaire Coupez. Elle se trouve mentionnée sous le n°20
page 10 du projet de loi. L'on me demande quelle est cette affaire. Le sieur
Coupez était receveur particulier ; lorsque la société générale devint caissière
de l'Etat, il fut nommé agent de cette société. Le gouvernement des Pays-Bas
lui accorda un traitement supplémentaire de 500 florins. Cette instance a
parcouru tous les degrés de juridiction. Le gouvernement, en première instance,
en appel et en cassation a été condamné au payement de la somme en principal et
des intérêts à partir de chaque semestre
Une autre instance peut en quelque sorte être considérée comme terminée.
C'est celle qui a été poursuivie contre le gouvernement par un ancien président
du tribunal de Mons, M. Orts de Bulloy. Il a été admis à la pension en 1834 ; il
avait réclamé son traitement supplémentaire pour un terme beaucoup plus long,
mais cette demande a été rejetée ; et d'après les pièces que j'ai sous les
yeux, il paraît que la résolution avait été prise d'exécuter purement et simplement
le jugement, tel qu'il avait été prononcé.
Dans une autre affaire, celles des héritiers de M. Becquet de Severin, directeur
des contributions à Namur, il a été rendu seulement un jugement de première
instance.
La quatrième catégorie se compose de douze instances relatives à des traitements
supplémentaires. Lorsque le projet vous a été soumis, il n'y avait dans ces
douze affaires qu'un jugement rendu par les tribunaux de première instance.
Depuis le rapport de la section centrale, il a été interjeté appel dans chacune
de ces affaires. Par arrêts du mois d'août dernier, la cour d'appel de
Bruxelles a condamné le ministre des finances au payement des sommes réclamées
et aux intérêts, mais seulement depuis la demande judiciaire.
J'ai cru de mon devoir, d'abord parce qu'un seul arrêt ne me semblait pas
faire jurisprudence, ensuite parce que je ne partageais nullement l'opinion admise
par ces arrêts, de me pourvoir en cassation contre ces douze arrêts. La cour
régulatrice est saisie des douze pourvois. D'ici à quelques mois, je pense qu'elle
prononcera.
Ainsi nom avons un procès où il est intervenu une décision, passée en force
de chose jugée ; une affaire où le gouvernement paraît avoir acquiescé au jugement
; une affaire où il n'y a qu'un jugement de première instance et douze affaires
soumises à la cour de cassation.
Tous les autres titulaires de traitements d'attente ont seulement réclamé
par la voie administrative.
A votre séance du 31 mars 1844, le gouvernement a demandé un crédit de 646,538
fr., pour payer les arriérés de toutes ces catégories. Mais vous voudrez bien
remarquer qu'il ne s'agissait que des sommes en capital.
Dans l'exposé des motifs, le gouvernement s'est fondé sur la nécessité
qui lui paraissait exister et sur la décision intervenue dans l'instance
Coupez.
Pour moi, quand j'ai eu connaissance des arrêts de la cour d'appel, je n'ai
pas cru que cette nécessité existait. Il m'a paru qu'un arrêt unique de la cour
de cassation, ne formait pas jurisprudence, et que, peut-être en équité et en
droit, il y avait des distinctions à faire entre les diverses catégories.
Votre section centrale vous propose de déclarer que les arriérés des traitements
d'attente ne sont pas à charge de la Belgique. Elle pense aussi que le
gouvernement doit présenter un projet d'exécution des obligations contractées
par l'Etat, en vertu des articles 21 et 68 des traités.
Dans les circonstances dont je viens de rendre compte, il y a, ce me semble,
lieu de proposer à la chambre de voter seulement le crédit nécessaire pour
satisfaire à la condamnation prononcée dans l'instance Coupez, de laisser suivre
le procès engagé devant la cour de cassation, toutes les autres questions, de
quelque nature qu'elles soient, restant réservées, quant au gouvernement et à
la chambre elle-même.
En effet, veuillez remarquer, messieurs, que si aujourd'hui nous admettions
la proposition de la section centrale, nous paraîtrions en quelque sorte
désespérer nous-mêmes de l'instance que nous soutenons devant les tribunaux.
Nous déciderions prématurément une question constitutionnelle qui a déjà été
agitée devant vous, et qu'il serait bien désirable de ne pas avoir à résoudre.
Il existe un motif de plus d'agir ainsi.
Les douze arrêts rendus par la cour d'appel de Bruxelles l'ont été sous une
législation antérieure à celle dont nous nous occupons. Il est dès lors incontestable
que ces arrêts ne pourraient être cassés en raison de lois postérieures, que
ces arrêts n'ont pas violées.
En terminant cet exposé, je dois ajouter que mon intention formelle est de
saisir toutes les occasions pour introduire dans le budget les économies qui seront
possibles, du chef des traitements d'attente et supplémentaires.
Quelques économies pourront être faites dès à
présent ; il en est d'autres qui ne sont pas immédiatement réalisables, mais à
l'égard des personnes qui jouissent de ces traitements et dont la position
n'exige pas le maintien intégral de cette faveur, je crois que nous pouvons
réduire la dépense que l'Etat supporte encore.
Voici l'amendement que j'ai l'honneur de proposer :
« Article unique. Il est ouvert au budget de la dette publique, exercice
1844, un crédit supplémentaire de 6,300 fr. pour satisfaire en capital, intérêts
et frais, à l'arrêt rendu en faveur des héritiers Coupez, par la cour d'appel
de Bruxelles, le 6 mars 1841.
« Ce crédit formera l'article 5 du chapitre II de ce budget. »
M.
Mercier. - Je demande le renvoi à la
section centrale.
Pour motiver ma proposition, je dois faire connaître à la chambre que les
intéressés n'ont jamais réclamé les intérêts. Si donc on devait statuer maintenant
sur la proposition de M. le ministre des finances, on poserait un précédent
dont les conséquences pourraient être fâcheuses. Dans un but d'économie, ne
conviendrait-il pas, messieurs, de réclamer un nouveau rapport de la section
centrale, et de prononcer sur toutes les affaires de cette catégorie ? Je suis
convaincu que les intéressés renonceraient aux intérêts, malgré la chance que
leur donne l'arrêt d'appel prononcé dans l'espèce.
Je demande donc que la chambre renvoie la
proposition de M. le ministre des finances à la section centrale.
Entre-temps, M. le ministre des finances pourra réfléchir sur les
observations que je viens de présenter, et peut-être entendre les intéressés
pour s'assurer de l'étendue de leurs prétentions.
Une décision pourra ensuite être prise avec une entière connaissance de cause.
M. le
ministre des finances (M. Malou). - Je dois déclarer que ce n'est pas légèrement et sans avoir consulté
les pièces, que j'ai fait la proposition qui vous est soumise. J'ai sous les
yeux la requête des héritiers Coupez par laquelle ils demandent le capital, les
intérêts et les frais.
Le gouvernement a été condamné à payer les intérêts à partir de l’échéance
de chaque semestre.
M. Vanden Eynde. - Dans cette affaire, tout est extraordinaire
; tout est singulier. Si, dans le principe, le gouvernement avait fait son
devoir, nous n'aurions plus à nous en occuper. C'est la coupable négligence du
pouvoir, qui est cause que cette affaire est restée en suspens.
Il y avait dans cette affaire des précédents
auxquels le gouvernement aurait dû se conformer. Le gouvernement des Pays-Bas
avait pris des mesures pour connaître les personnes ayant droit à recevoir des
traitements d'attente, de réforme, de non-activité à charge du gouvernement des
Pays-Bas. Ils ont été obligés à présenter leurs réclamations dans un délai
voulu.
Des fonctionnaires furent nommés pour examiner les titres, les droits que
pouvaient avoir les réclamants. Le gouvernement n'a rien fait de semblable, (page 114) malgré les avertissements qui
lui ont été donnés dans cette enceinte. C’est ce qui a empêché que depuis longtemps
on ait statué sur ces demandes,
L'honorable M. Mercier veut mettre une nouvelle entrave à ce que l’on connaisse
de la proposition du gouvernement et de celle de la section centrale.
Je demande que la discussion ait son cours. L’affaire est fixée pour aujourd'hui.
Je demande qu'on la discute. Elle est suffisamment instruite.
M. Osy. - Je ne puis partager l'opinion de
l'honorable M. Mercier.
En effet, nous voyons dans le rapport de l'honorable M. Savart, nous voyons
que les droits des héritiers Coupez sont entièrement réservés. Nous pouvons
donc aborder le fond du projet de loi.
Pour les héritiers Coupez, on pourra faire un projet séparé. C'est ce que
propose la section centrale.
M. Mercier. -
C'est dans l'intérêt du trésor public que j'ai fait mon observation.
Si la chambre adopte la proposition d'accorder aux héritiers Coupez le capital
et les intérêts, d'autres arrêts vont suivre, et la chambre, pour être conséquente,
sera dans la nécessité d'accorder également le capital et les intérêts aux
autres intéressés.
M. Dumortier. - C'est ce que nous examinerons.
M.
Mercier. - Sans doute, c'est ce que
nous examinerons. Nous ne savons quels seront les arrêts qui seront prononcés.
Aujourd'hui, comme je le disais, tous les intéressés sont disposés à ne demander
que le capital sans intérêts ; s'ils obtiennent des arrêts en leur faveur, leur
position sera la même que celle des héritiers Coupez.
M. Savart-Martel. -
Messieurs, je crois qu'il est de l'intérêt du trésor public autant que de celui
des prétendant droits, que l'on vide enfin cette contestation.
Vous voyez déjà, messieurs, ce qui est arrivé, parce que la chambre n'a pu
s'occuper de cette question dans la dernière session. Il y avait alors un procès,
et un procès vidé en cassation, et jamais, je crois, la section centrale n'a
pensé qu'on pouvait se dispenser de payer les héritiers Coupez ; il y avait
pour eux un jugement passé en force de chose jugée. Mais lorsqu'on a vu que la
législature allait s'occuper de la question d'une manière positive et de
manière à faire disparaître toutes les difficultés, on a profilé de l'intervalle
entre les deux sessions pour introduire, paraît-il, une multitude d'affaires.
Attendez encore quelques jours, messieurs, et vous aurez peut-être vos douze
procès en cassation avec leur accompagnement ordinaire de frais. Que fera-t-on
ensuite ? On vous dira : Les jugements sont passés en force de chose jugée, il
faut payer.
Je crois, messieurs, que la chambre a pleine autorité, je ne dirai pas pour
déjuger ce qui a été jugé, mais pour prononcer sur l'interprétation des traités
qu'on invoque pour nous faire payer des sommes qui ne me paraissent pas dues.
Il me paraît donc qu'il n'y a pas de motifs
pour différer l'examen de la question ; je crois qu'il est important pour le
gouvernement et pour les intéressés eux-mêmes, qu'elle soit vidée dans un sens
ou dans l'autre ; car enfin si la chambre décide que les traitements réclamés sont
dus, il n'existe plus de procès. Si, au contraire, la chambre décide que les traitements
d'attente, en ce qui concerne les arriérés, ne sont pas dus, tout rentre dans
l'ordre ordinaire des choses.
Mais, dit-on, il y a des jugements de première instance, des jugements d'appel.
C'est vrai ; mais vous savez que jusqu'à ce que tous les degrés de juridiction
aient été épuisés, il n'y a pas force de chose jugée.
Je pense donc me conformer à l'intention de la section centrale en demandant
que le projet soit discuté immédiatement.
- La proposition de renvoi de l'amendement présenté par M. le ministre des
finances à la section centrale est mise aux voix. Elle n'est pas adoptée.
M. le
président. - M. le ministre des
finances ne s'étant pas rallié au projet de la section centrale, le projet
primitif servira de base à la discussion.
M. Osy. - Je demande la
parole sur l'ordre de la discussion.
La section centrale vous propose le rejet du tout, tandis que le gouvernement vous propose de ne pas aborder le fond et de décider seulement l'affaire Coupez ; c'est donc un projet nouveau qu'il nous présente.
Je crois que, maintenant que la proposition de M. Mercier a été rejetée,
nous devons aborder le fond de la loi et considérer l'amendement de M. le ministre
des finances comme un projet séparé.
M. Vanden Eynde. - Ce que vient de vous dire l'honorable M.
Osy n'est pas exact. La proposition de la section centrale n'est pas le rejet
du fond.
Voici ce que le gouvernement a proposé : il a demandé une somme de six cent
et quelque mille francs pour faire face aux réclamations qui ont été élevées du
chef de traitements d'attente, de pensions de retraite, etc.
Lorsque la section centrale s'est occupée de
l'examen de ce projet, elle a remarqué que le gouvernement n'avait envisagé
qu'un seul côté de la question, celui des arrérages de ces traitements
d'attente qui avaient couru depuis le 1er novembre 1830 jusqu'au 15 avril 1839.
Elle a cru, au contraire, devoir envisager l'affaire sous toutes ses faces et
elle a établi sa délibération sur deux questions distinctes, d'abord celle des
arrérages qui ont couru depuis le 1er novembre 1830 jusqu'au 19 avril 1839 ; et,
en second lieu, sur celle des traitements annuels qui seraient dus en vertu du
traité de 1839, à partir de cette dernière époque.
Pour les arrérages, la section centrale propose de décider que rien n'est
dû ; et pour ce qui est réclamé depuis le 19 avril 1839, la section centrale
propose d'engager le gouvernement à vous présenter un projet de loi tendant à
examiner les titres de ceux qui réclament des traitements d'attente ou des
toelagen, des pensions de retraite ou de réforme.
Je crois donc, messieurs, que la discussion devrait s'établir sur le projet
de la section centrale et que la proposition de M. le ministre des finances
devrait être considérée comme amendement à cette proposition.
M. le
ministre des finances (M. Malou). - Il m'est extrêmement difficile de saisir l'objet de la présente
discussion.
Dans la discussion sont compris le projet primitif, l'amendement que j'ai
présenté et le projet de la section centrale. Nos délibérations porteront sur
ces trois propositions, et, quand nous en viendrons au vote, nous verrons comment
il faut procéder.
M. le président. - C'est l'ordre que j'ai l'honneur de vous
proposer. Nous ouvrirons la discussion sur les différentes propositions, et
lorsque nous en viendrons au vote, nous verrons à laquelle on doit donner la
priorité.
M. Dumortier. - Messieurs,
la question qui nous occupe n'est pas neuve pour cette chambre ; elle s'est
présentée à vos discussions depuis les premières années de la législature, dès
1831. Vous en reconnaîtrez toute l'importance, puisqu'il s'agit de voter non
seulement une somme de 700,000 fr. que le gouvernement vous demande, mais une
somme qui, si le principe qui paraît admis par la cour de Bruxelles était définitivement
transformé en loi, s'élèverait à environ 1,200,000 fr.
Il s'agit donc de bien savoir ce que nous allons voter.
Messieurs, je me pose cette question : La Belgique a-t-elle une somme de
plus d'un million à jeter ? Je ne le pense pas, et je vous déclare que c'est un
motif pour lequel je dois être fort sévère dans cette question, tout en étant cependant
fort juste envers les intéressés.
La somme qui vous est demandée, messieurs, et que l'on qualifie généralement
de somme destinée aux traitements d'attente, s'applique à trois catégories de
dépenses bien caractérisées.
La première de ces catégories, ce sont les suppléments de traitements qu'on
appelait toelagen ; la seconde, les traitements d'attente ou wachlgelden ; la
troisième, les secours annuels, espèces de pensions que le roi Guillaume faisait
peser sur le budget de l'Etat et qu'on nommait jaarlyk onderstand.
Quelle est l'origine de ces trois catégories de pensions ? C'est ce que je
vais avoir l'honneur de vous expliquer.
Vous savez qu'en 1822, le roi Guillaume établit la Société générale et la
constitua caissier de l'Etat. Jusqu'alors le recouvrement des finances des Pays-Bas
s'était opéré par des receveurs généraux, des receveurs provinciaux et des
receveurs d’arrondissement.
Le roi crut voir une économie et en même temps un avantage à charger la Société
générale de ces recouvrements. Il dit à cette société : Je vous donnerai un
tantième sur les recettes, mais vous vous chargerez de toutes les dépenses de
recettes et vous prendrez à votre charge tous les fonctionnaires de mon
administration des recettes. A partir de cette époque tous les receveurs provinciaux
et tous les receveurs d'arrondissement devinrent donc des fonctionnaires de la
Société générale, et ce fut à celle-ci à leur payer leurs traitements. C'est ce
qui existe aujourd'hui. Ceux qui réclament sont encore des fonctionnaires de la
Société générale et en reçoivent des traitements. Mais alors, messieurs, une
réduction fut opérée sur les traitements par la Société générale, et le roi
Guillaume, par pure générosité, accorda aux fonctionnaires qui subissaient ces
réductions, des suppléments de traitements. C'est ce qui constitue en presque
totalité la première catégorie des toelagen.
La seconde catégorie consiste en traitements d'attente.
En vertu de la loi de 1814 sur les pensions, le roi Guillaume s'était réservé
la faculté d'accorder aux fonctionnaires qui quittaient une position quelconque
et qui n'étaient pas immédiatement placés dans une autre, des traitements
d'attente, et le mot seul indiquait ce que c'était ; c'était un traitement payé
au fonctionnaire en attendant qu'il fût replacé. Eh bien ! il était un moyen
très simple de faire cesser ces traitements, c'était de replacer ceux qui les
recevaient.
Quant à la troisième catégorie, les secours annuels, c'étaient de simples
aumônes que le roi Guillaume trouvait plus économique pour lui de faire payer
par l'Etat que sur ses revenus.
Après l'arrivée du Roi en 1831, fut présenté un budget dans lequel on réclamait
le payement de ces dépenses. J'eus alors l'honneur d'être rapporteur sur les
budgets et spécialement sur le budget de la dette publique, et la chambre
ordonna, dans les sections, de proposer le rejet de la somme demandée par le
gouvernement, comme étant une charge que l'Etat belge ne devait pas supporter.
On vous disait que, quant à la première catégorie, les toelagen, puisque les
fonctionnaires qui les recevaient, étaient des employés de la banque, c'était à
celle-ci à les payer, et à majorer leurs traitements, s'ils n'étaient pas assez
élevés ; qu'il serait injuste que l'Etat dût payer en même temps un tantième à
la banque, à titre de droit de recette, et une partie des traitements de ceux
qui faisaient la recette. Dès lors, la chambre déclara qu'elle ne porterait pas
de crédit pour les toelagen.
Quant aux traitements d'attente, on ne voulait pas les payer non plus. On
disait : Que les personnes qui ont des traitements d'attente se présentent ; on
les replacera.
Enfin, pour ce qui est des secours annuels, on les renvoya à la cassette
du roi Guillaume. Cependant, M. le ministre des finances de cette époque, l'honorable
M. Coghen, insistait vivement pour obtenir le crédit. Je me souviens qu'alors
un des jurisconsultes les plus distingues de la chambre, aujourd'hui membre de
la cour de cassation, prit la parole el démontra de la manière la plus
évidente, au moyen des textes de loi, que la Belgique n'est (page 115) tenue à rien du chef des traitements
d'attente, des toelagen et des secours annuels. Le crédit fut donc écarté par
la chambre ; mais comme plusieurs de ces personnes se trouvaient dans un grand
besoin, la chambre, faisant œuvre de charité, porta au budget une somme que je
crois être de 30,000 florins, pour donner des secours aux plus nécessiteux. (Adhésion.)
Je vois des membres qui siégeaient alors dans cette enceinte, faire un signe
affirmatif. C'est, en effet, de cette manière que les choses se sont passées.
La chambre en allouant ce crédit a donc fait un acte de pure libéralité ; c'est
en quelque sorte une aumône que nous avons faite.
Depuis cette époque, messieurs, la chambre a été saisie souvent de la question
et chaque fois elle a rejeté, sans miséricorde ni merci, le principe qu'on veut
lui faire adopter.
Comment se fait-il qu'on vienne de nouveau proposer à la chambre de voter
une somme aussi considérable pour cet objet ? La chose est fort simple, c'est
que les intéressés ont voulu faire reformer le jugement de la chambre par les
tribunaux, et que ceux-ci, empiétant sur le parlement, sont venus décider des
questions qui sont exclusivement du ressort de la chambre, des questions purement
politiques. Et comme rien n'est plus commode que de porter un arrêt contre le
gouvernement, nous nous verrons bientôt condamnés à payer 1,200,000 fr. que
nous ne devons pas, que nous avons rejetés en connaissance de cause. Eh bien,
messieurs, c'est la une chose à laquelle je ne m'associerai jamais.
Je ne puis donc admettre en aucune manière, ni le système de l'honorable
M. Mercier, ni le système de M. le ministre des finances. Voter une somme que nous
ne devons pas, comme je le démontrerai tout à l'heure ; voter une dépense que
nous avons rejetée huit fois et être condamnes à le faire par arrêt de la cour,
ce serait réellement une chose monstrueuse. La situation du trésor public n'est
pas tellement prospère que nous puissions y prendre 1,200,000 fr., pour les
jeter ainsi à la tête de quelques individus.
Adopter l'amendement de M. le ministre des finances, ce serait payer non
seulement la somme principale, mais encore les intérêts, et consacrer le principe.
Laisser la question indécise, ce serait faire surgir de nouvelles réclamations.
Je pense, moi, qu'il faut en finir une bonne fois, qu'il faut donner à la
question une solution définitive.
La Belgique peut-elle être redevable des arriérés des traitements d'attente
?
En 1840, à la suite du vote du traité des 24 articles, sans discussion, sans
examen, la chambre a admis au budget un crédit pour payer des traitements d'attente
et des toelagen, et c'est ce qui a donné aux parties prenantes une si grande
envie de s'asseoir de plus en plus à la table du budget ; mais le traité des 24
articles nous oblige-t-il à payer ces sommes ? Voilà la question.
Eh bien, messieurs, je vais démontrer, par le texte du traité, que la Belgique
ne doit ni les toelagcn ni les secours annuels, et que tout au plus nous
pourrions être tenus à payer les traitements d'attente qui ne s'élèvent qu'a
une somme minime, puisque les suppléments de traitements forment les quatre
cinquièmes du chiffre total des trois objets réunis.
Voici, messieurs, ce que porte l'article 21 da traité des 24 articles :
« Les pensions, traitements d'attente, de non-activité et de réforme seront
acquittés à l'avenir, de part et d'autre, à tous les titulaires tant civils que
militaires qui y ont droit, conformément aux lois en vigueur avant le 1er
novembre 1830. »
Remarquez d'abord, messieurs, que dans cet article il est uniquement question
des traitements d'attente, qu'il n'y est parlé en aucune manière des toelagen,
ni des secours annuels. C'est donc bien à tort que les tribunaux, prenant la
place de la chambre des représentants, el réformant sa résolution, veulent
faire payer à la Belgique les sommes qui lui sont réclamées de ces deux derniers
chefs. C'est non seulement un empiétement sur notre prérogative, mais encore un
mal jugé.
Quant aux traitements d'attente, vous ne devez les payer que conformément
aux lois qui étaient, en vigueur avant 1830. Eh bien, je défie qu'on me cite un
texte de loi portant que les traitements d'attente sont perpétuels, que ce sont
des rentes viagères ne s'éteignant qu'à la mort du titulaire.
Quand on me montrera un pareil texte, je voterai les sommes nécessaires
pour payer les traitements d'attente ; mais cela n'existe pas, et il ne viendra
à l'idée de personne de le prétendre. Les traitements d'attente ne sont autre chose
que des traitements d'attente et rien de plus, c'est-à-dire qu'ils sont une
gratification temporaire par son essence même, et qui ne constitue pas une pension.
Je dirais donc aux personnes qui ont reçu des traitements d'attente : « Si
vous avez des droits à la pension, faites-les valoir ; faites même entrer dans
vos années de service le temps pendant lequel vous avez reçu un traitement d'attente,
si toutefois la chose peut être envisagée de cette manière ; si au contraire
vous n'avez pas droit à la pension, remplissez de nouvelles fonctions ; mais ce
que je n'admets en aucune manière, c'est que vous vous arrogiez le droit
d'exiger la continuation viagère de votre traitement d'attente. Je ne l'admets
point, parce qu'il n'est dit nulle part que les traitements d’attente soient
accordés pour la vie entière, qu'ils constituent une pension. »
Maintenant on viendra vous dire : « Mais l'Etat a été condamné par les tribunaux,
et dès lors vous n'avez plus qu'à vous humilier devant les arrêts de la justice
; vous n'avez plus qu'à voter les fonds nécessaires pour payer. »
Cet argument, messieurs, n'est autre chose à mes yeux que ceci : « Les tribunaux
ont voté la dépense ; vous, représentants de la nation, votez les subsides. »
Voilà la traduction fidèle de cet argument.
Eh bien, messieurs, je vous le demande, ne serait-ce pas là le renversement
de l'ordre constitutionnel ? Lisez la Constitution, elle déclare dans les
termes les plus formels que les chambres votent les dépenses et les recettes ;
or que devient le vote des dépenses si nous ne sommes plus qu'une chambre
d'entérinement des arrêts judiciaires, si notre rôle se borne à devoir voter
oui sans même pouvoir examiner si nous ne pouvons pas dire non ? Mais s'il en
était ainsi, notre rôle serait absolument annulé, le pouvoir législatif serait
absorbé par le pouvoir judiciaire.
Je ne conçois pas, messieurs, sur quoi les tribunaux peuvent s'appuyer pour
se déclarer validement juges de pareilles questions. Serait-ce sur l'article 92
de la Constitution, portant que les contestations qui ont pour objet des droits
civils sont exclusivement du ressort des tribunaux ? Mais, je vous le demande,
messieurs, des suppléments de traitements peuvent-ils constituer des droits
civils ? La question de savoir si un fonctionnaire privé de ses fonctions doit
recevoir un traitement d'attente et jusqu'à quelle époque il doit jouir de ce
traitement d'attente, est-ce là une question relative à des droits civils ?
Mais tout à l'heure les tribunaux pourraient condamner le gouvernement à donner
de nouvelles fonctions aux personnes qui ont reçu un traitement d'attente ! Où
iriez-vous avec un pareil système ? Mais vous arriveriez à une véritable
anarchie, à l'absorption de la prérogative parlementaire par un pouvoir
inamovible et irresponsable dont les envahissements sont par cela même plus à
craindre.
Ce ne sont point là, je le répète, messieurs, des contestations ayant pour
objet des droits civils ; les objets dont il s'agit ici sont uniquement des
gratifications politiques et aucune disposition de la Constitution n'attribue
au pouvoir judiciaire le droit d'intervenir dans de telles questions...
M. le ministre des finances (M.
Malou). - L'article 93.
M. Dumortier. - L'article
93 porte que les contestations relatives à des droits politiques sont du
ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi. Mais depuis quand,
messieurs, des gratifications constituent-elles des droits politiques ? Les
droits politiques dont parle l'article 93 sont les droits de citoyen, mais ce
ne sont point des réclamations d'un employé vis-à-vis du trésor public. Quelle
serait la conséquence d'une autre interprétation ?
Je suppose que M. le ministre de la justice, qui me fait l'honneur de m'interrompre,
destitue un fonctionnaire de son département et déclare que ce fonctionnaire
n'a pas droit à la pension ; eh bien, s'il faut donner à l'article 93 de la
Constitution le sens que semble y donner M. le ministre, les tribunaux pourront
intervenir : ils pourront décider que le fonctionnaire ainsi destitué a droit
la pension, et ils fonderont leur compétence sur l'article 93 de la
Constitution !
Je dis, pour mon compte, que les droits politiques dont parle l'article 93,
ne sont autre chose que les droits de citoyen, les droits électoraux, par exemple.
C'est ainsi que les tribunaux décident les contestations qui peuvent s'élever
relativement à la nationalité d'un individu, ou à sa capacité électorale ; mais
il n'est jamais venu à l'esprit de personne de prétendre que les tribunaux ont
le droit de prononcer sur les prétentions que peut former un employé à la
charge du trésor public.
Ce serait là une monstruosité, ce serait de la part des tribunaux un véritable
empiétement sur les prérogatives parlementaires, et la Constitution serait
anéantie si un pareil empiétement était toléré. Que chacun reste dans ses attributions,
c'est le seul moyen d'empêcher l'anarchie dans le pays.
Que les tribunaux se renferment dans leurs attributions, et la chambre dans
les siennes ; mais jamais je ne pourrai croire que le pouvoir constituant ait
voulu instituer des chambres pour enregistrer les arrêts des tribunaux. Ce serait
placer les tribunaux au-dessus des représentants du peuple, et certes le pouvoir
judiciaire ne peut être placé au-dessus du peuple représenté par les deux
chambres.
Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous démontrer que des trois catégories de
dépenses, dont il s'agit, une seule, celle des traitements d'attente, pouvait
être mise à la charge de la Belgique en vertu du traité ; que les deux autres
ne sont pas à la charge de la Belgique par le traité. Je désirerais qu'on me
démontrât que la Belgique doit 5 à 600,000 fr. de toelagen ; tant qu'on ne nous
aura pas prouvé que la Belgique les doit, nous ne devons pas les voter.
Je dirai quelques mots sur la grande question que cette affaire soulève.
Depuis bien des années, j'ai réclamé avec instance du gouvernement qu'il
nous fût présenté un projet de loi sur les conflits. Cette loi est indispensable....
Un
membre. - Le projet de loi est présenté.
M. Dumortier. - Le projet
nous a été, il est vrai, soumis à la fin de la dernière session ; s'il avait
été présenté plus tôt, nous aurions déjà pu porter remède au déplorable conflit
dont il s'agit en ce moment, et nous aurions empêché les envahissements sur
notre prérogative.
Voyez, messieurs, où nous allons en nous faisant ici les simples exécuteurs
des volontés de l'ordre judiciaire.
Je me souviens qu'en 1831, il fut demandé à la chambre, entre autres choses,
le payement d'un traitement d'attente qui avait été accordé par le gouvernement
hollandais à l'abbé de Pradt. L'abbé de Pradt avait été, sous l'empire, nommé
par Napoléon archevêque de Malines ; mais il n'avait pas reçu l'institution
canonique, et n'avait jamais pu dès lors être constitué archevêque de Malines.
Lors de l'arrivée des alliés, le gouvernement hollandais ne fut pas désireux de
voir l'abbé de Pradt archevêque de Malines ; le saint-siége n'en voulait pas
non plus ; et le prince de Méan fut nommé archevêque. Cependant pendant la
durée du règne du roi Guillaume, un traitement d'attente fut accordé à l'abbé
de Pradt, en attendant sans doute qu'il pût reprendre son archevêché.
(page 116) A l'époque de la révolution,
l'abbé de Pradt publia un grand nombre d'écrits, pour dénigrer le nouvel ordre
de choses établi en Belgique. Le pays tout entier s'en émut, et l'irritation
était telle que si le ministère n'avait pas pris l'engagement formel de ne pas
payer le traitement d'attente de l'abbé de Pradt, la chambre en 1831 aurait
refusé le budget.
Or, ce traitement d'attente n'a jamais été porté et ne figure pas encore
dans les états qui nous sont présentés. Depuis quelque temps j'ai entendu dire qu'un
procès est intenté à la Belgique, pour obtenir judiciairement le payement de ce
traitement d'attente ; et malgré la ferme volonté qu'elle a exprimée à cet
égard, la législature pourrait donc être forcée d'allouer les fonds nécessaires
pour le payement du traitement d'attente de l'abbé de Pradt ?
La même chose est arrivée pour M. de Broglie. Ce prélat avait été éliminé
du siège épiscopal de Gand par un jugement que tout le monde a flétri ; mais ce
jugement était le fait du roi Guillaume. M. de Broglie n'a jamais demandé le
payement de son traitement. Toutefois ses héritiers ont depuis peu intenté une
action contre le gouvernement belge, pour obtenir la liquidation du traitement
pour le temps antérieur à la révolution, pour le temps du règne du roi
Guillaume. Et les tribunaux se déclarent compétents, demain ils condamneront
l'Etat à payer !
Messieurs, je vous le demande, un tel ordre de choses ne constitue-t-il
pas une véritable anarchie ? Que devient le pouvoir législatif, quand les
tribunaux s'emparent de ces questions purement politiques, quand ils viennent
infirmer vos propres jugements ? Car après tout, c'est de cela qu'il s'agit, ce
sont vos propres jugements que les tribunaux viennent réformer, et l'arrêt que
l'on invoque peut se résumer en ces termes : « La cour condamne la chambre des représentants
à voter ce qu'elle a rejeté pendant huit ans. » !
A propos des traitements d'attente, il se passait des choses étranges. Ainsi
le gouvernement hollandais donnait un traitement d'attente à un certain abbé
Félix, pour avoir fait un serment en faveur du roi ; Guillaume. (Interruption.) Oh ! je me rappelle
parfaitement tous ces faits ; ils m'ont été communiqués à la section centrale
du budget de 1831. Ainsi ; encore, on donnait un traitement d'attente à un
ancien gentilhomme, en attendant le rétablissement des droits féodaux. Je crois
qu'il attendra longtemps.
Une voix. - Il n'attendra plus, car il est mort.
M. Dumortier. - C'est une autre affaire, mais je puis assurer que l'arrêté était
formulé dans ce sens. |
Voilà ce qu'étaient, en général, les traitements d'attente ; ce n'était autre
chose que des moyens placés entre les mains du roi Guillaume pour faire ses
affaires, très souvent contre les Belges. Si le règne du roi Guillaume avait
duré plus longtemps, ce prince aurait probablement accordé un traitement d'attente
à Libry-Bagnano lui-même.
Devons-nous maintenant consacrer par un vote tous ces abus ? Devons-nous
voter les sommes qui nous sont demandées ? Non, messieurs, car ce serait, je le
répète, borner le rôle de la législature aux fonctions d'exécuteurs des volontés
des tribunaux ; jamais je ne pourrai m'associer à une pareille interversion de
rôles.
M. le ministre des finances (M.
Malou). - Messieurs, il y a
dans le débat actuel deux points distincts que l'honorable préopinant me paraît
confondre. Le projet présenté par mon honorable prédécesseur ne concerne que
les arriérés de traitements d'attente, antérieurs au traité de 1839. Mais il y
a une deuxième question qui se présente chaque année à l'occasion du budget ;
quelles sont les obligations de l'Etat, quant à l'avenir, et en vertu des
traités ?
J'ai déjà eu l'honneur d'indiquer pour quels motifs il me paraissait opportun,
dans les circonstances actuelles, de laisser suivre son cours aux instances
entamées et de n'accorder que le crédit nécessaire, pour la seule affaire où il
existe réellement chose jugée. J'ai eu soin d'ajouter qu'en prenant cette
position, toutes les questions, de quelque ordre qu'elles fussent, demeuraient
réservées.
Ainsi, j'espérais, je dois le dire, que cette difficile question que
l'honorable préopinant vient d'introduire, ne serait pas agitée, et pour mon
compte, je le désirais très vivement. Je conçois que dans un parlement l'on ne
recule pas devant une question d'attributions constitutionnelles, mais je ne
conçois pas non plus qu'on la décide sans une évidente nécessité. Eh bien,
messieurs, demandez-vous si cette nécessité existe aujourd'hui.
La cour de cassation est saisie en ce moment des seules affaires qui fassent
l'objet d'un débat judiciaire ; j'ai démontré tout à l'heure que la question
d'attributions constitutionnelles ne pouvait pas recevoir d'effet à l'égard de
la décision que la cour de cassation est appelée à rendre..
Ce serait donc à plaisir, ce serait sans une nécessité manifeste que nous
traiterions cette question difficile devant laquelle personne, je pense, ne
reculerait, s'il fallait l'aborder ; mais que l'on peut laisser aujourd'hui en
dehors de nos discussions.
Il faut laisser s'épuiser la compétence judiciaire. Pourquoi préjuger maintenant,
en présence de l'arrêt unique rendu dans l'instance Coupez : pourquoi préjuger,
dis-je, que cette jurisprudence se confirmera ? Je suis convaincu, au
contraire, qu'un nouvel examen de la question démontrera que le droit est du
côté de l'Etat ; mais je ne voudrais pas contribuer à élever maintenant le
conflit constitutionnel sans nécessité.
Si le trésor public est condamné encore, le gouvernement fera, après les
arrêts, l'examen de toutes les questions qui se rattachent à ces arrêts, et notamment
de la question que l'honorable préopinant a soulevée.
Ainsi, c'est une erreur de croire qu'en votant le crédit demandé pour les
héritiers Coupez, la chambre voterait implicitement tous les crédits dont la
demande fait l'objet du projet primitif.
D'après ces explications, je crois inutile d'entrer pour le moment plus avant
dans cette discussion. Je dois pourtant faire quelques réserves, quant au sens
que l'honorable membre attribue aux mots « droits civils » dans l'article
92 de la Constitution, car je crois que peu de jurisconsultes pourraient, à cet
égard, partager son opinion.
Quant aux faits spéciaux que l'honorable
membre a cités, je crois que l'exactitude n'en est pas complète. Il est très
vrai que la chambre a refusé, non pas un traitement d'attente, mais une pension
qui avait été accordée précédemment à l'abbé de Pradt.
Quant à l'instance engagée par les héritiers de Broglie, ceux-ci ne demandent
que le traitement qui était dût à l'ancien évêque de Gand depuis le jour où il
a cessé ses fonctions jusqu'à celui de son décès, décès qui est arrivé, si je
ne me trompe, deux ans après la cessation des fonctions. J'ai connaissance de
cette affaire, et qu'il me soit permis de le dire : dans la pensée de ceux qui
poursuivent cette réparation, il s'agit plutôt pour eux d'une réhabilitation morale
que d'une question pécuniaire. Je tenais à dire ces paroles, pour qu'on ne se
méprît pas sur la nature et le but de l'instance engagée.
M. Savart-Martel, rapporteur. - Messieurs, ainsi que j'ai eu l'honneur de le dire tout à l'heure, la
section centrale n'a pas émis l'opinion que la chambre était soumise à voter les
fonds nécessaires pour l'exécution des arrêts judiciaires ; mais elle n'a pas
émis non plus une opinion contraire ; elle a laissé la question entière. Quant
à moi, je dirai que, lorsqu'on est en présence d'un jugement irrévocable, il
faut payer. Je sais que cette question peut présenter de graves difficultés ;
elle présente un intérêt immense, mais je pense que ce n'est pas le moment de la
discuter, et qu'eu égard à la manière dont la section centrale présente son projet
de loi, cette discussion serait oiseuse.
La section centrale a d'abord fait une réserve en ce qui concerne les héritiers
Coupez, car ceux-ci sont les seuls ayant jugement passé en force de chose
jugée. On a dit qu'en adoptant l'opinion de la section centrale, on userait
d'une espèce de rétroactivité à l'égard des douze instances (si je ne me
trompe), dont il a été question.
Je ferai remarquer que le projet de la section centrale, à proprement parler,
n'établit pas un droit nouveau ; elle est d'avis que l'interprétation des
clauses dérivant du traité de paix appartient à la chambre ; il ne s'agit point
ici, à proprement parler, d'interpréter une loi, mais de s'expliquer sur le
sens d'une convention. Si donc vous adoptez ce projet de loi, il n'y aura pas
de loi nouvelle, il y aura explication et interprétation d'une convention, et
on n'enlèvera de droit à qui que ce soit.
Maintenant, messieurs, quelques mots sur le fond ; je tâcherai d'être court.
En 1814, le prince souverain n'étant pas encore roi, mais administrant le
pays en vertu du droit de conquête, tenait en mains un pouvoir absolu sur la Belgique
; en cet état, il fit, le 26 septembre 1814, un arrêté motivé en ce qui
concerne les pensions. Je ne vous relirai pas cet arrêté ; vous le connaissez ;
d'ailleurs, il est rappelé dans le rapport. Mais l'article final, l'article 17
détruit tout ce qu'avaient de rationnel les dispositions précédentes ; on y
détruit tout ce qu'on vient d'édicter. Après avoir dit : J'établis une loi de
pensions, réglée de telle et telle manière, l'employé qui aura dix ans de
services aura droit à une pension de tant ; l'employé qui aura vingt ans de
services aura droit à une pension de tant, l'article 17 présente l'absolutisme
le plus prononcé : « Néanmoins, dit-il, nous nous réservons de faire tout qu'il
nous plaira.» Ainsi, après avoir fait une loi, le pouvoir souverain, dans
l'article 17 de cette même loi, se met au-dessus de la loi.
Je le répète, il dit virtuellement : «Je me réserve le droit de faire tout
ce qu'il me plaira, non seulement pour des services rendus à l'Etat, mais pour
donner des marques particulières de bienveillance, et dans toutes les circonstances
où je le trouverai bon. » C'est enfin le règne du bon plaisir.
Cet article 17 est absolument tout ce que pourrait faire l'autocratie. Voici,
messieurs, comment est conçu cet article :
« Nous nous réservons des exceptions à ce qui est statué par le présent règlement
dans les cas extraordinaires où des services éminents ou d'autres causes
pourraient nous engager à donner des marques particulières de notre bienveillance.
»
Mais, dans ce moment-là, le prince souverain usait d'une espèce de
pouvoir absolu ; il tenait à lui le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Quelque temps après, le prince souverain se déclara roi, et postérieurement la
Belgique fut adjointe au royaume de Hollande. Alors on nous imposa la loi
fondamentale. Cet arrêté de 1814 a-t-il survécu à l'avènement de cette loi
constitutionnelle ? Oui et non ? Il a pu survivre, en tant qu'il était
réglementaire des pensions ; mais son article 17, qui aurait laissé au chef de
l'Etat un pouvoir absolu, illimité sur les finances de l'Etat, n'a pu survivre
; car il est en opposition formelle avec tous les principes consacrés dans la
loi fondamentale. Il est impossible que vous reconnaissiez au roi
constitutionnel Guillaume le pouvoir absolu qu'il s'était réservé par l'article
17, quand la loi fondamentale rétrécit le pouvoir souverain et ne permit aucune
distraction du trésor de l'Etat qu'au moyen du budget, soumis chaque année aux
états généraux.
Donc, si l'arrêté a survécu, au moins la disposition qui était opposée aux
principes de la loi fondamentale, avait évidemment cessé. Que serait un pays où
le souverain constitutionnel disposerait à sa fantaisie de tout le trésor de
l'Etat ?
Il est vrai que, pendant la longue période de 1813 à 1830, le roi a créé
grand nombre de ces traitements dont il est question dans le rapport ; que quelquefois
ces traitements ont été utiles, mais que quelquefois aussi, ils ont (page 117) présenté de nombreux abus. En
définitive, c'était une plaie de l'Etat, car vous vous rappelez combien en 1830
ces espèces d'actes de faveur émanés motu proprio avaient excité de plaintes
dans la Belgique. Arrivant les événements de 1830, et la séparation de la
Belgique, les conséquences s'en sont placées d'elles-mêmes. Dès lors sont
tombées toutes les positions, tels sont les effets des révolutions radicales,
lorsqu'une nation se divise, il ne surnage que les droits acquit proprement
dits.
Gardons-nous d'envisager, sous le rapport du droit civil, les questions qui
résultent de commotions politiques ; mais en droit civil même, on entend, par
droit acquis, un droit qui repose sur un titre irrévocable. Je sais qu'on a écrit
des volumes sur cette question, mais je crois qu'on peut la réduire aux termes
que je viens d'énoncer et qui sont la définition de Merlin. Or, je le demande,
vis-à-vis du peuple en armes, lorsque tous les fonctionnaires publics perdent
leur position, quand toutes les positions tombent devant la volonté nationale,
lorsqu'un peuple se donne une nouvelle constitution, pouvez-vous dire que, pour
ces faveurs, qui n'obligeaient à rien les titulaires, il y aurait eu droit
acquis, nécessairement susceptible d'être conservé et hors d'atteinte du nouvel
état de choses ? Des fonctionnaires de l'ordre administratif, des
fonctionnaires de l'ordre judiciaire perdent leur position, ils sont dégagés de
leurs engagements, et vous voudriez que certains employés ou anciens employés
plus ou moins méritants, qui trouvaient également leur position détruite par la
chute du gouvernement et qui étaient ainsi rendus libres, vous voudriez que le
nouvel Etat demeurât leur débiteur des faveurs que leur avait accordées le
gouvernement déchu ?
Cela répugne à toutes les idées. Là serait une criante injustice, non pas
contre ceux qu'avait dotés le précédent gouvernement, mais contre cette masse
de fonctionnaires et d'employés, que la révolution avait trouvés à leurs postes.
Il y a plus, ces nouveaux titulaires ont subi réduction de leurs traitements
; tous ont obtenu de nouvelles nominations ou ont été remplacés par des
personnes au gré du pouvoir, tandis que les propriétaires de toelagen et autres
faveurs dégagées de toute obligation auraient conserve à eux le droit de grever
le nouvel Etat, même sans la plus légère réduction des faveurs qui leur avaient
été octroyées par le précédent gouvernement. Je pense qu'il ne pouvait pas en
être ainsi ; aussi, comme l'a dit l'honorable M. Dumortier, à peine étions-nous
constitués, que, dans les lois de budget de 1831 et 1832, il fut question de
savoir si on payerait ces espèces de prestations. Je n'irai pas jusqu'à
déclarer que j'ai acquis la conviction que la question aurait été résolue
négativement, mais il est bien certain que les droits n'ont pas été reconnus.
La preuve, c'est que la législature a purement et simplement alloué des
subsides pour être distribués administrativement entre les plus nécessiteux. Ne
nous y trompons pas, la législature n'a pas accordé des à~compte, mais des
secours ; cela est évident ; quand il dépendait du ministre des finances de
repartir ces secours selon qu'il le jugeait convenable, ce ne pouvait être à
titre d'à-comple. D'ailleurs, jamais la législature ne s'est servie de cette
expression, qui eût été une reconnaissance, tandis qu'en accordant la somme à
titre de secours, le droit restait entier.
Après avoir établi que les annuités dont on nous demande payement n'étaient
pas irrévocables, même sous l'ancien gouvernement ; après avoir établi qu'elles
auraient cessé par l'effet même de la révolution ou tout au moins qu'il
appartient à cette chambre le pouvoir de rejet qu'avaient les étals généraux,
voyons les traités de paix. Ce que vous pouvez voir de plus favorable aux
titulaires, ce sont les articles qui portent qu'à l'avenir, quand le traité s'exécutera,
on payera les toelagen et autres prestations, suivant la législation du pays,
telle qu'elle existait en 1830. Cette expression, à l'avenir, établit une fin
de non-recevoir contre les prestations antérieures, elle est exclusive du temps
précédent, le traité a ainsi été compris et exécuté. En effet, depuis 1840,
vous avez fait les fonds et les payements ont eu lieu. Si vous pouviez douter
que telle est la volonté des traités, il suffirait de rapprocher les traités de
1831 et 1839.
Vous verrez que les articles qui concernent ces sortes de prestations, ont
été calqués les uns sur les autres. La seule différence, c'est qu'en 1831, époque
à laquelle on croyait que le traité aurait pu s'exécuter immédiatement, on
avait fixé un plus bref délai, tandis qu'en 1839, époque où l'on était incertain
quand le traité pourrait être mis a exécution, on a eu soin de dire : à
l'avenir, et en ayant égard à la législation de 1830.
Messieurs, les états généraux, sous le royaume des Pays-Bas, n'auraient-ils
pas pu s'opposer à la volonté du roi Guillaume en refusant les subsides ?
Evidemment, la législature avait ce droit chaque année ; à plus forte raison
l'avons-nous ; el quand dans la Constitution se trouve écrit de la manière la
plus positive, qu'aucune pension, aucun traitement ne peut être alloué qu'en
vertu d'une loi, il semble, et on ne peut en douter, que ce sont les abus qui
ont provoqué ces dispositions. On n'a pas voulu laisser au pouvoir la faculté
trop grande. Par une espèce de défiance, que des circonstances peuvent
légitimer, on a voulu que pas un denier ne pût sortir du trésor public sans
l'approbation des chambres.
Voulez-vous faire, messieurs, une loi politique ? Voulez-vous faire une faveur
? Vous le pouvez ; mais qu'on vienne réclamer à titre de droit, qu'on vienne
vous dire : Je suis votre créancier pour ces annuités, c'est un langage que
nous ne pouvons admettre. En interprétant sagement les traités internationaux,
tout ce que les possesseurs de toelagen pourront dire, le voici : « Nous avons
des toelagen, nous prions la chambre de voter des subsides pour les payer. »
Les voterez-vous ou ne les voterez-vous pas ? Je vous dirai, messieurs, que
dans l'examen que j'ai fait de cette volumineuse affaire (car il y avait 40 à
60 dossiers à examiner), j'ai reconnu qu'il y a des positions qui peuvent
mériter des égards particuliers, tandis qu'il en est d'autres qui ne méritent
pas de faveurs. Mais, au moment où nous avons à nous occuper, non pas des
personnes, mais d'un principe, je pense que le projet de la sec-lion centrale
peut mériter la confiance de la chambre.
On nous dira, messieurs, que les tribunaux ont préjugé contre nous. Ici distinguons.
On vous a parlé de l'arrêt dans l'affaire des héritiers Coupez. Mais dans cette
affaire, qui a été vidée en première instance avant les traités de paix de 1839
et de 1842, qui a été vidée en appel avant ou au moins vers 1839, on posait en
fait, et jamais cela n'a été contesté, que le ministère reconnaissait le droit.
Cela est écrit en toutes lettres deux ou trois fois dans le jugement.
D'un autre côté, la cour d'appel jugerait-elle encore aujourd'hui comme elle
a jugé en 1839 ?
M.
Dolez. - Elle l'a fait.
M. Savart-Martel. -
C'est possible ; je crois sur parole mon honorable collègue ; je n'ai pas les pièces
sous les yeux. Mais les arrêts des cours ne sont pas des jugements passés en
force de chose jugée. Ce sont de ces arrêts excellents toujours pour ceux qui
les obtiennent. L'opinion de la cour d'appel est certainement d'un grand poids
; mais je ne pense pas que cette opinion, quelque respectable qu'elle soit,
puisse être d'une influence telle sur la chambre, que l'on doive s'avouer
vaincu.
Vous savez, messieurs, ce qui arrive dans des arrêts. Toutes les opinions
peuvent n'être pas du même avis ; il faut en venir à la majorité, et quelquefois
un seul suffrage donne gain de cause à une partie qui, sans lui, aurait essuyé
la perte de son procès.
J'insiste, messieurs, sur l'observation suivante : Si, comme vous le demande
M. le ministre des finances, vous laissez les choses dans le statu quo à cause
des douze nouvelles affaires qui ont été introduites, notre position sera cent
fois pire que si nous vidions en ce moment la question.
Si la chambre croit que l'arriéré des toelagen est dû, mieux vaudrait-il
qu'elle le déclarât en ce moment.
J'ai, messieurs, confiance dans la cour de cassation, aussi bien que M. le
ministre des finances. Mais ce ne serait pas la première fois qu'un arrêt de cassation
présenterait une différence avec un autre arrêt précédent ; errare humanum est.
D'ailleurs, les juges ne sont pas toujours les mêmes. Chacun a son opinion, et
comme je le disais tout à l'heure, il faut peu de choses pour faire pencher la
balance de la justice des hommes.
En résumé, messieurs, je crois que les toelagen, les wachtgelden, etc., n'ont
jamais constitué ce qu'on appelle un droit acquis. Je crois que si les états généraux
avaient le droit d'empêcher qu'ils ne fussent payés en refusant les sommes nécessaires
au budget, à plus forte raison nous avons ce droit. Je crois que la loi que
nous sollicitons de vous n'est pas une loi nouvelle. Je crois qu'il est opportun
que la chambre s'explique, si les annuités réclamées sont ou ne sont pas dues,
les tribunaux entiers dans leurs droits.
Personne plus que moi, messieurs, n'est porté à respecter les décisions judiciaires.
Car presque toute ma vie s'est passée dans l'enceinte des tribunaux, et j'ai
dans le personnel judiciaire une grande confiance.
Messieurs, vous savez qu'il existe dans notre Constitution un article qui
tout à l'heure a été commenté par l'honorable M. Dumortier (non pas que j'admette
entièrement le commentaire), mais cet article établit que le droit politique et
le droit civil sont de la compétence des tribunaux. Il est dit aussi dans la
Constitution que nul tribunal exceptionnel ne peut être établi en Belgique.
Cependant, messieurs, lorsque dans l'exécution du traité de paix, il a été
question de répartir les indemnités, de distribuer les sommes qui ont été allouées
pour les engagères et autres créances, avez-vous renvoyé aux tribunaux ordinaires
? Pas du tout, vous avez créé une commission spéciale. Et pourquoi ce tribunal
? Comme une conséquence du traité lui-même, qui portait que ces sortes de
questions seraient examinées par une commission spéciale, comme il y en avait
autrefois pour examiner les droits résultant des traités de Paris. Ceci prouve
que vous admettiez dès lors le principe qu'il ne faut pas ranger sur la même
ligne leurs droits ordinaires et les conventions diplomatiques.
Le deuxième article de la proposition de la section centrale, n'est en définitive
qu'une mise à exécution de ce qu'ordonne la Constitution. Cette loi des lois
dit qu'il y a lieu à réviser les pensions. Eh bien ! ce qu'on vous propose par
l'article 2 n'est autre chose que la révision de certaines pensions.
On dira : les toelagen ne sont pas des pensions. Messieurs, ils ne
méritent pas même d'être traités aussi favorablement que les pensions, puisque
celles-ci reposaient sur une loi, tandis que les toelagen sont de véritables
faveurs qui ont été accordées nullo jure cogente. Mais si l'on doit réviser la
liste des pensions créées en vertu de la loi, à plus forte raison en doit-il
être de même à l'égard des autres prestations exigées à la charge du trésor.
Je pense donc, messieurs, que le projet qui vous est soumis par la
section centrale mérite toute votre confiance. Je prierai la chambre de me
permettre de répondre aux objections qui seraient faites ultérieurement.
- La séance est levée à quatre heures et demie.