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Sommaire
1)
Pièces adressées à
2) Projet de loi relatif aux services de transport en dehors du chemin de fer et à la poste aux chevaux.
a) Discussion générale. Principe de l’intervention de l’Etat dans l’industrie du transport terrestre et maritime (Rodenbach) ; principe de l’intervention de l’Etat dans l’industrie du transport terrestre et maritime (Dechamps), transport dans la province du Luxembourg (Zoude) ; principe de l’intervention de l’Etat dans l’industrie du transport terrestre et maritime (Pirmez, Dechamps, Donny), réorganisation de la poste aux chevaux (Donny, Rodenbach, de Mérode, Osy), principe de l’intervention de l’Etat dans l’industrie du transport terrestre et maritime (Osy, de Garcia)
b) Discussion des articles. Article
1. Prise en charge par l’Etat des communications trans-Manche (Osy, Dechamps, de Muelenaere, Dechamps, d’Elhoungne), principe de
l’intervention de l’Etat dans l’industrie du transport terrestre et maritime (Rogier, Pirmez) ; prise en charge par l’Etat
des communications trans-Manche (Osy, Dechamps)
(p. 1424) M.
Huveners
procède à l’appel nominal à une heure.
M.
de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance précédente dont la
rédaction est approuvée.
Pièces adressées à
M.
Huveners fait
connaître l’analyse des pétitions suivantes :
« Le conseil communal de Duras demande l’adoption de la proposition
de loi sur les céréales faite par 21 membres. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi.
_________________
« Plusieurs habitants de Henry-Chapelle déclarent adhérer à la pétition
des habitants de Verviers et de Hodimont, tendant au rejet des propositions de
loi sur les céréales. »
- Même renvoi.
__________________
« Des mesureurs jurés de grains, voituriers, bateliers et ouvriers à
Anvers demandent le rejet des proposition de loi sur les céréales. »
- Même renvoi.
_________________
« Plusieurs armateurs à Anvers prient la
chambre de s’occuper du projet de loi sur la désertion et la fraude des gens de
mer. »
« Même demande de plusieurs armateurs, négociants et courtiers à
Ostende. »
M. Donny – Je demande que les pétitions dont on vient de
présenter l’analyse, soient renvoyées à la section centrale qui sera chargée
d’examiner le projet de loi présenté dans la séance d’hier par M. le ministre
de la justice, ayant pour but de combler des lacunes existant dans la
législation pénale maritime, lacunes dont se plaignent vivement, et avec
raison, les armateurs d’Ostende et d’Anvers qui ont signé les pétitions analysées.
- Le renvoi proposé par M. Donny est prononcé.
__________________
« Les sieurs Poncelet et de Coppin prient la chambre de s’occuper
du projet de loi sur la chasse. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet.
_________________
« Plusieurs habitants de la vallée qui
s’étend le long de
M. David – Messieurs, les exploitants, houillers,
carriers, chaufourniers, cultivateurs, propriétaires, constructeurs de bateaux,
etc., habitants de la vallée qui s’étend le long de
Je demande le renvoi à la commission des pétitions ; cette demande
sera exhumée en temps et lieu, lorsque le projet de chemin de fer entre Liége
et Namur arrivera à la chambre.
- Le renvoi est ordonné.
projet
de loi relatif aux services de transport en dehors du chemin de fer et à
Motion d’ordre
(article 2 de la loi sur la poste aux chevaux)
M.
Rodenbach – Messieurs, il y a quinze jours que
nous avons commencé à discuter la loi relative à la poste aux chevaux. L’art. 2
du projet a été vivement combattu parce que, disait-on, le gouvernement
demandait l’autorisation d’établir des services pour transporter les voyageurs,
les dépêches et les marchandises.
Aujourd’hui, la question est tout à fait changée, car il s’agit
d’établir de nouveaux systèmes de chemins de fer, et ce n’est plus le
gouvernement qui doit les exécuter ; on vient de demander des concessions
pour environ 100 lieues. Ainsi l’état de choses est complètement changé ;
par suite de ce changement, M. le ministre ne doit plus tenir à son art. 2.
J’en demanderai la suppression quand nous y serons arrivés.
Je demande maintenant que M. le ministre dise à la chambre s’il persiste
dans son art. 2 qui me paraît désormais inutile. Je le prie de répondre à mon
interpellation, car sa réponse pourra empêcher de longues discussions qui
seraient sans objet.
Plusieurs voix – Ce n’est pas une motion d’ordre.
M.
Rodenbach – Je demanderai alors qu’on
m’inscrive pour parler sur la loi.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je regrette beaucoup qu’une discussion
aussi importante que celle sur la réorganisation de la poste aux chevaux,
l’établissement d’un service de bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres, et
la création de certains services, soit par subvention, soit par l’exploitation
directe du gouvernement en relations avec les stations du chemin de fer, je
regrette, dis-je, qu’une telle discussion soit arrivée à la fin même de la
session. J’aurais désiré, dans l’intérêt du projet du gouvernement, que cette
discussion pût être plus approfondie qu’il n’est possible de l’obtenir,
quelques jours nous séparant de la clôture de la session des chambres.
Comme vient de l’indiquer l’honorable M. Rodenbach, les objections
présentées dans la discussion générale ont surtout porté sur l’art 2 du projet,
celui qui autorisait le gouvernement à établir, dans certaines limites fixées,
des services de messageries en rapport avec les stations du chemin de fer.
Je maintiens, pour ma part, que cet article 2, bien loin d’être
l’application mauvaise d’un mauvais principe, est une bonne application d’un
bon principe. Le principe que l’on a voulu combattre est celui qui a triomphé
en 1834, relativement à l’établissement du chemin de fer.
Les arguments qu’on a fait valoir contre cet article du projet sont
précisément ceux qu’on présentait en 1834 contre l’exploitation par l’Etat des
transports sur le chemin de fer.
L’expérience a prouvé que c’était un principe d’utilité et de progrès.
Messieurs, on s’est effrayé de laisser le gouvernement armé d’un
principe semblable sans lui assigner des limites plus étroites. Selon quelques
membres, il pourrait faire craindre de voir un monopole dangereux entre les
mains du gouvernement.
J’ai démontré qu’il n’y avait pas de monopole en principe, puisque la
concurrence est toujours admise ; qu’il n’y avait pas de monopole en fait,
puisque sur 418 services de messageries existant dans le pays, il n’y en a que
77 en rapport avec les chemins de fer.
La concurrence dont on a parlé ne concernait donc que 77 services en
relations avec les chemins de fer. Mais comme j’ai eu l’honneur de le dire, il
n’est jamais entré dans l’intention du gouvernement de détruire tous ces
services. Chacun sait que l’organisation du chemin de fer a apporté la
perturbation dans les services des transports publics en dehors du chemin de
fer.
Le gouvernement a cru, dans l’intérêt des localités qui ne sont pas
rattachées au réseau général, dans l’intérêt du chemin de fer, pour lequel on
créerait des correspondances plus étendues, plus régulières ; il a cru
devoir demander l’autorisation de suppléer, dans des limites restreintes
indiquées, à l’insuffisance des correspondances établies de l’industrie privée.
Les objections qu’on a faites ne m’ont pas touché. On a dit que l’industrie
particulière aurait soin de s’emparer de tous les bons services, que si l’Etat
ne voulait pas les détruire, il ne lui resterait que les mauvais services et
qu’on arriverait à une charge nouvelle qui pèserait sur le trésor public. C’est
là une erreur. Le gouvernement, à l’aide des revenus des bons services, aurait
pu créer des services non productifs. Cette combinaison, l’industrie (page
1425) particulière ne peut pas la faire ; elle ne peut pas se
résoudre à des sacrifices.
L’Etat pouvait seul créer sans charge des services qui ne présenteraient
que perte pour l’industrie particulière. Il l’aurait pu par d’autres raisons,
c’est que, pour l’administration générale, le personnel, l’Etat avait ce
personnel, cette administration, dans l’administration des chemins de fer, dans
l’administration des postes ; il n’y avait ni administration générale, ni
personnel nouveau, à créer ; de cette manière, l’Etat pouvait créer des
services pour desservir les stations et les localités importantes, avec des
bénéfices, tandis que des particuliers n’y auraient trouvé que perte. Par
conséquent, je n’admets pas les objections qui ont été faites. On a cru que
l’industrie privée pourrait suffire pour éviter les inconvénients signalés,
pour remédier à la désorganisation des services en dehors du chemin de fer.
Mais alors comment se fait-il que depuis dix années que les chemins de fer sont
construits, elle n’ait pas pu établir ces services que réclame l’intérêt
public ? Chacun sait que les services qui desservent les stations sont
délabrés, sans sécurité, sans confort pour les voyageurs. Je ne comprends pas
comment l’industrie ferait dans l’avenir ce qu’elle n’a pas pu faire dans le
passé.
Messieurs, cependant, je dois reconnaître que les projets de concession
que le gouvernement a présentés à la chambre changent jusqu’à un certain point
les bases du projet relativement à l’art. 2. Je dois reconnaître que la plupart
des services dont le gouvernement voulait faire des affluents pour le chemin de
fer seront remplacés par les lignes nouvelles à concéder. Il est donc évident
que les bases du projet sont plus ou moins modifiées à cet égard. D’un autre
côté, l’art. 2 du projet ne m’est pas rigoureusement nécessaire au point de vue
financier du projet. Il aurait fourni, il aurait assuré au gouvernement son
fonds spécial d’une manière plus complète. C’était une source de revenu qui
aurait consolidé le fonds spécial, ce n’est pas sur le service des messageries
qu’il a compté, il l’a fondé sur la centralisation des 25 centimes et du revenu
des services de bateaux à vapeur.
Au point de vue financier de la loi, le gouvernement n’a pas besoin du
revenu de ces services de messagerie. Le projet reste entier, et il restera
permis au gouvernement de réorganiser la poste aux chevaux, à l’aide des 25
centimes centralisés et du revenu du service des bateaux à vapeur à établir
entre Ostende et Douvres.
Je ne renonce pas du tout au principe du projet ; je le retire ou
plutôt je l’ajourne, et l’intention du gouvernement est de le représenter, soit
comme mesure d’ensemble à la session prochaine, soit peut-être en demandant au
budget prochain des allocations pour établir, où le besoin s’en fera sentir,
des budgets sur des lignes déterminées. De cette manière, l’idée de monopole
qui, selon moi, n’existe pas dans le projet, mais qui cependant à effrayer
certains membres, doit complètement s’évanouir. La chambre, en votant ces
allocations spéciales, pourra examiner l’utilité de chaque service à établir.
Le gouvernement ne sera plus armé d’un projet général ; il présentera des
projets déterminés. Peut-être le gouvernement exécutera-t-il cette idée lors de
la présentation du budget prochain.
M.
Rodenbach – J’avais demandé la suppression de
l’article ; M. le ministre l’ajourne ; j’adhère à cette proposition, parce
que c’est à peu près la même chose.
M. Zoude – Plusieurs orateurs ont considéré comme inutile, tout service de poste
qui serait parallèle au chemin de fer, ils ne voudraient en conserver que dans
les localités dépourvues du bienfait de cette communication : telle serait
la province de Luxembourg ; j’accepte cette exception même avec
reconnaissance, quoiqu’elle ne soit qu’un acte de stricte justice.
En effet, cette province, qui est encore la plus étendue du royaume,
même après son morcellement, (erratum, p.
1454) est traversée par trois grand’routes qui toutes aboutissent à Arlon,
mais une seule de ces voies, jouit d’un service de postes et de messageries
tout à la fois, les deux autres en sont privées, bien que l’une d’elles traverse
plusieurs villes des provinces de Luxembourg et de Namur.
Cependant, le vœu unanime des conseils provinciaux des deux pays, les
députations permanentes ont vivement sollicité le gouvernement à organiser un
service de postes qui relierait les localités importantes de Habay-la-Neuve,
Neufchâteau, St-Hubert et Ciney avec Namur, et jusqu’ici les vœux, les
sollicitations n’ont obtenu aucun résultat.
A la vérité, le gouvernement nous a constamment bercés d’un espoir
renouvelé de mois en mois, que nos désirs seront bientôt satisfaits, et pour
rendre l’illusion plus complète, et s’il m’était permis, j’emploierais le mot
déception, ce service a été mis en adjudication ; mais continuant à
flotter dans l’indécision, on hésite depuis longtemps à approuver un marché qui
ne peut présenter de dangers que pour l’entrepreneur ; en attendant, cette
ligne reste abandonnée, malgré les instances des villes intéressées, et de
leurs représentants à la chambre, accusés d’insouciance par leurs commettants.
Toutefois, l’industrie privée avait établi des services particuliers
dans quelques localités, mais le grand monopoleur auquel le ministre des
travaux publics a fait allusion, dans une séance précédente, est venu bientôt écraser ces modestes industriels, et
après avoir jeté çà et là les débris de leur entreprise, il s’est retiré à
l’instant ; il lui a suffi d’inspirer la terreur aux vaincus et à ceux qui
seraient tentés de les imiter ; la ville d’Houffalize, entre autres, en
sait quelque chose.
Il n’est donc pas toujours exact de dire que là où il y a bénéfice à
espérer, on peut compter sur l’empressement de l’industrie privée.
Avant l’occupation d’Alger par les Français, les puissances barbaresques
faisaient trembler la chrétienté ; elles ne permettaient la navigation de
Nous demanderons à ceux qui ne veulent pas le maintien du service des
postes sur les routes parallèles au chemin de fer, s’ils sont tellement assurés
du respect que l’on portera à notre neutralité pour ne pas avoir à craindre que
nous ne soyons forcés un jour de lever une partie de notre railway, vers l’une
ou l’autre de nos frontières.
S’il devait en arriver ainsi, que deviendrait alors le service de la
correspondance, lorsque celui de la poste aux chevaux aurait été
désorganisé ? dans quel embarras, dans quelle confusion se trouverait
alors le service public !
Si l’on dit que pareil événement n’est pas à craindre, pourquoi alors
avons-nous voté un cadre d’armée, si pas hors de proportion avec notre
population, au moins disproportionné à nos revenus ?
C’est que, pour être respectés, il faut se rendre respectables ; eh
bien, soyons également prévoyants pour ne pas avoir à regretter un jour d’avoir
été imprudents ; c’est par prévision de l’avenir que je voterai le
maintien du service des postes dans toutes les directions.
D’ailleurs, la réorganisation de ce service ne doit pas peser sur le
trésor ; il doit être rétribué par le produit de 25 centimes accordés
jusqu’ici aux postes ; mais, d’après les observations bien judicieuses qui
ont été faites lors de la première discussion du projet, ce droit est injuste,
onéreux, surtout aux parties du royaume qui sont déshéritées du chemin de
fer ; dès lors j’en voterai la suppression, d’autant plus qu’il est
démontré, à toute évidence, et c’est un des principaux motifs indiqués à l’appui
du projet de loi, que l’établissement des paquebots doit produire un bénéfice
considérable. Dès qu’il en est ainsi, je demande que le gouvernement prenne une
partie de ces bénéfices pour la réorganisation de la poste aux chevaux qui, ne
pesant plus sur une classe particulière de la société, pourra réunir
l’assentiment de la majorité.
Mais le service de ces paquebots ne pouvant être mis immédiatement en
activité, je consentirai à ce que ce droit soit maintenu quelque temps, mais à
la condition que le gouvernement prenne l’engagement d’en faire cesser la
perception aussitôt l’organisation du service des paquebots ; je priera M.
le ministre de vouloir s’expliquer à cet égard.
M.
Pirmez – Messieurs, je ne viens pas faire un
grand reproche à M. le ministre des travaux publics de nous avoir fait les
diverses propositions rassemblées dans le projet. Il a suivi le torrent des
idées dans lequel nous avons nous-mêmes, depuis bien des années, poussé le
gouvernement. Elles nous ont entièrement envahis et elles triomphent
aujourd’hui sans opposition.
Ces idées sont celles qui nous portent à livrer chaque jour au
gouvernement des intérêts importants qui, partout ailleurs, ne sont pas mis en
sa puissance et qui nous font trouver dans cet abandon un avantage matériel ou
moral.
Une partie des propositions est ajournée, mais toutes les idées et les
prétentions demeurent dans leur entier. Au reste, ce que j’ai à dire, regarde
toutes les interventions de l’Etat dans les intérêts sociaux et il est tout
aussi vrai pour les paquebots que pour les messageries.
Ne donnez pas, messieurs, une portée exagérée à mes paroles. Il est loin
de moi de contester au gouvernement une grande part d’action sur tout ce qui
est absolument nécessaire pour conserver et défendre une société politique.
Ainsi, la justice, l’armée, la perception de l’impôt, l’administration civile
n’est pas ce que j’ai en vue. Dans ce que je vais dire, il s’agit des actes et
des opérations du gouvernement qui ne sont pas absolument indispensables à l’existence
de la société.
Je serais désespéré aussi, si l’on cherchait dans mes paroles des
allusions aux personnes. Je tâcherai de montrer les choses telles qu’elles se
passent et se passeraient dans tous les temps, dans tous lieux et avec tous les
hommes.
Si je m’enhardis à vous soumettre encore aujourd’hui quelques
observations contre l’esprit qui nous domine et nous subjugue, c’est que je
vois poindre, pour mon opinion, une faible lueur d’espérance. N’est-il pas
peut-être possible, que l’aspect des travaux gigantesques exécutés dans notre
pays, par la puissance des particuliers, opère un commencement de réaction dans
les idées, et que cette circonstance, démontrant au moins l’inutilité du
concours du gouvernement dans les opérations bonnes et utiles, nous donne la
force d’abandonner le système déplorable dans lequel nous sommes engagés.
Et je dis à dessein : système déplorable. Depuis sa naissance, j’en
ai suivi attentivement l’application, et je suis convaincu qu’il doit avoir des
conséquences bien autrement funestes que des pertes matérielles, car il porte
avec lui la dégradation morale de la société.
En considérant une nation dans son ensemble, il est assez difficile
d’expliquer et de bien faire sentir les causes des bénéfices ou des pertes
matérielles résultant d’un système, mais il n’en est pas ainsi d’un mal moral
dont les causes sont pour chacun infiniment plus appréciables. Dans une
discussion récente, que je rappelle à regret, les assertions sur les progrès de
l’immoralité et de la corruption ont été si multipliées, qu’elles ont frappé
tous les esprits ; mais lorsqu’on considère la voie que nous avons prise
et que nous nous glorifions de suivre, on s’aperçoit facilement que,
non-seulement ces progrès peuvent exister, mais qu’il est impossible qu’ils n’existent
pas.
Il n’y a pas de corruption sans matière corruptible, il y en a peu
lorsque la matière n’est pas considérable, et alors il est peut-être possible
de la combattre et de l’anéantir ; mais si vous en amoncelez des quantités
immenses, il arrive qu’aucune force ne peut plus prévenir l’invasion du mal et
arrêter ses ravages.
Nous livrons au gouvernement le droit de disposer arbitrairement des (page
1426) intérêts les plus importants de la société et nous nous
plaignons de la corruption ! C’est une étrange contradiction. Elle ne
serait pas plus grande si nous voulions nous vendre et rester hommes libres
tout à la fois.
Les idées qui ont livré et qui, chaque jour, livrent encore au
gouvernement tous ces intérêts partent d’intentions généreuses, mais ces idées
sont fausses. L’aspect de tant de sollicitateurs qui sont venus à leur suite ne
fait-il pas faiblir la confiance qu’elles ont d’abord inspirée, et ne
comprend-on pas déjà instinctivement que la perfection d’un pareil système doit
en produire des armées ?
Ce système, qui recèle en lui l’immoralité, la corruption, la
dégradation complète de l’homme est né, a grandi et a pris des proportions
formidables à l’abri des motifs les plus purs et les plus séduisants. On s’est
imaginé qu’en s’emparant des forces vives de la société, le gouvernement
pouvait mieux les diriger que l’intérêt privé, que lui seul pouvait amener dans
le travail une bonne répartition, assurer à chacun une juste rémunération,
régulariser les efforts que chaque individu fait pour assurer son existence, et
qu’on ne pouvait dans ce but, départir aux chefs de la société trop de
puissance sur les intérêts matériels. C’est
cette fausse idée qu’on a présentée sous des aspects bien divers, mais qui, au
fond, revient au prétendu problème de l’organisation du travail.
Malheureusement cette organisation du travail est une chimère. Pour que
la pensée pût la concevoir, il faudrait supposer (ce que les plus ardents
organisateurs du travail n’ont jamais osé faire), il faudrait supposer la
possibilité de régler le mouvement de la population, et si cette possibilité ne peut se concevoir, comment peut-on
espérer d’assurer une rémunération restreinte de sa nature, à des prétendants
dont on ne peut limiter le nombre et qui dépassent toujours les moyens de subsistance ?
Il résulte que le travail est toujours offert dans une proportion trop
considérable pour la rémunération qu’il est possible de donner, et que par
conséquent le travail est un combat. Mais il se fait un singulier abus du mot
travail, qui corrompt toutes les idées, et cet abus n’a pas peu servi à élargir
la voie dans laquelle nous sommes entrés. Dans sa noble et seule vraie
acception, le mot travail signifie non-seulement peine, mais surtout lutte,
combat. Ainsi on pourrait dire, que celui qui ne combat pas, que celui qui n’a
pas d’adversaire, que celui enfin qui est placé en dehors de toute concurrence,
ne travaille pas.
Je sais bien, messieurs, que nous ne nous trouvons pas ici dans une
académie, ni dans une école, et que ce n’est pas le lieu de donner des
définitions ; mais celle-ci m’a paru indispensable, à cause de la
confusion que ce mot jette parfois dans les esprits ; elle va même jusqu’à
nous faire assimiler, assigner absolument le même caractère à l’opération qu’on
nomme travail, qui a lieu dans un dépôt de mendicité, dans une maison de
charité quelconque où l’on trouve une subsistance assurée, qu’à l’opération
qu’on nomme aussi travail, qu’un ouvrier qui, livré à son seul courage et à sa
seule force, trouve dans un combat son salaire, c’est-à-dire son existence,
qu’une concurrence toujours renaissante vient sans cesse lui disputer.
Ce n’est qu’au moyen d’un effrayant abus du langage qu’il est possible
de faire confondre deux situations si différentes. L’une est pleine de noblesse
et de dignité, c’est la liberté ; l’autre, c’est la dégradation et la
servitude.
Messieurs, je vous prie de ne chercher dans mes paroles rien qui soit
contraire au doux sentiment de commisération que vous désirez tous voir régner
entre les hommes. Si je me suis servi de l’exemple des maisons de charité, ce
n’est que pour mieux rétablir la vérité et faire bien comprendre qu’il existe
presque autant de différences dans le caractère des deux opérations que je
viens de donner pour exemple et qui toutes deux prennent le nom de travail,
qu’il en existe entre l’action de recevoir l’aumône et l’action de la donner.
N’ennoblissez donc pas du nom de travail, des opérations à qui il en
manque le premier caractère, et qui usurpent frauduleusement ce nom sacré, des
opérations qui rendent le vrai, le seul travail toujours pénible et plus
douloureux à mesure qu’ils se multiplient, et qu’ils n’existent qu’aux dépens
du travail ! Et cela est si évident, que notre pensée conçoit bien
l’existence des hommes placés dans la libre concurrence, sans celle des hommes
placés en dehors, mais ne saurait jamais concevoir l’existence des hommes
placés en dehors, sans celle des hommes placés dans la libre concurrence.
Si tout travail est un combat pour obtenir une rémunération, c’est donc une
erreur capitale de croire que tout travail obtient naturellement une
rémunération et qu’il existe ou qu’il ait jamais existé une puissance capable
de faire qu’il en soit ainsi. La rémunération n’est que le prix de la victoire.
Cette vérité est triste, désolante même ; elle répugne tellement à
notre nature, qu’il faut que notre raison fasse une extrême violence à notre
instinct, pour que nous soyons forcés à l’admettre. Ne me faites pas un crime
de l’avoir présentée à vos esprits, messieurs ; pour en avoir le courage,
il ne me faut rien de moins que l’aspect de l’abîme d’abjection morale, où des
idées aussi fausses que séduisantes au premier abord entraînent le pays.
N’allez pas non plus douter de cette vérité, messieurs, par la crainte
ou la répugnance que vous inspirent ses conséquences. Voyez seulement si elle
est, et dans ce cas, cherchons à atténuer ces conséquences, et non à les
étendre.
Si on est bien convaincu que tout travail n’est pas certain de sa
rémunération, et que cette rémunération c’est la vie, c’est l’existence même de
l’homme, on verra qu’il doit se faire des efforts inouïs pour l’obtenir, des
efforts proportionnés à son importance.
C’est la nature des moyens d’existence offerts aux individus, qui forme
les mœurs d’une nation. Si la vie ne pouvait se trouver qu’après un combat avec
la lance ou l’épée, chacun tâcherait d’être habile à les manier. Si elle se
trouve après la lutte dans la libre concurrence du travail, chacun s’exercera à
travailler, mais si l’existence se trouve après un combat de sollicitations, de
ruses et d’intrigues, malheur à tous ceux qui auront trop de fierté dans le
cœur, ils disparaîtront naturellement d’une pareille société et ne laisseront
sur le terrain, que les plus habiles à se procurer ainsi les moyens de vivre.
Une fausse interprétation de la nature des choses, peut, malgré les
intentions les plus généreuses, conduire une nation à ce résultat, et ceux-là y
conduisent
Nous avons, depuis quinze ans, beaucoup prononcé le mot liberté, et nous
lui avons donné une multitude de significations différentes. La liberté ne se
trouve pas dans la jactance des mots. Si nous créons des puissances invincibles
qui nous forcent à des actes serviles, notre vanterie de liberté ne les
ennoblira pas ; elle ne fera, au contraire, que les rendre plus
dégradants. Mais qu’est-ce dont que la liberté ? Il me semble, messieurs,
que la première liberté de l’homme, c’est d’avoir le droit de vivre
indépendamment de la volonté arbitraire d’un autre homme.
J’ai dit que l’existence n’était que le résultat d’un combat et d’une
victoire, et que ce combat est malheureusement inévitable. Eh bien, la liberté
ou la servitude, la dignité de l’homme ou sa dégradation dépend surtout des
conditions, des règles de ce combat. Plus elles sont fixes, claires,
constantes, indépendantes de l’arbitraire, proclamées et appliquées au grand
jour, plus les hommes seront libres, auront de dignité et de passions
généreuses. Mais s’il n’existe point de règle, si la victoire (et ici la
victoire c’est la vie) peut être donnée en vertu d’une volonté arbitraire
quelconque, il sera fait, infailliblement, tout ce que fait l’homme vis-à-vis
de l’arbitraire dont dépend son existence.
Remarquez, messieurs, cette différence entre ces situations, c’est que
d’un côté le combat aura lieu publiquement, au grand jour, et par des moyens
que l’on peut montrer en face de tous les hommes et que, de l’autre, il se fera
dans l’ombre par des moyens et avec des armes qu’on doit cacher.
Or, si l’on voulait définit l’immoralité, ne pourrait-on pas dire que
c’est surtout ce qui doit se cacher ?
Pourquoi ce respect instinctif pour les corps judiciaires ? C’est
uniquement parce qu’ils sont pris pour arbitres dans l’application des lois de
cette lutte sans cesse renaissante et qu’ils se glorifient de ne se conduire
que d’après ces lois.
Lorsque nous nous disputons les choses sans lesquelles on ne peut vivre,
devant les tribunaux, sommes-nous obligés de solliciter, de supplier, de
menacer, d’employer mille différentes manœuvres ? Non, nous réclamons
hautement, et dans des formes qu’on ne peut enfreindre, un droit que nous
croyons évident, basé sur des principes qui ont traversé des siècles, qui sont
d’ailleurs débattus publiquement devant plusieurs assemblées de magistrats.
Et lorsque nous sommes vaincus, accusons-nous nos juges d’avoir cédé aux
sollicitations, aux prières ou bien aux influences de l’amitié ou de la haine,
à celle de la crainte ou de l’espérance, aux passions politique si ardentes
parmi nous ? Non, dans le chagrin de notre défaite, nous les accusons tout
au plus d’erreur, d’avoir mal entendu la loi.
Est-ce ainsi que nous combattons devant le gouvernement pour obtenir les
moyens de vivre ? Chacun sait qu’il n’en est rien. Là il n’y a point de
règles ni de lois précises et partant point de juste ni d’injuste. Pour
triompher, on s’adresse donc naturellement à tous les intérêts, à toutes les
passions qui composent l’égoïsme des hommes qui ont quelqu’influence sur le
jugement.
Et comme il n’existe pas plus de forme que de fond, c’est-à-dire, pas
plus de procédure que de lois, il en résulte évidemment une confusion
effroyable d’actes de toute espèce, qui prennent naturellement les caractères
des intérêts et des passions auxquels ils s’adressent.
Il résulte de ce que je viens de dire que la soustraction des intérêts
sociaux à la libre concurrence des individus, conduit infailliblement aux actes
les plus immoraux.
Ce qui doit nous effrayer pour l’avenir, c’est l’extrême facilité de
suivre la pente sur laquelle nous sommes placés, et l’extrême difficulté de
faire un pas en arrière, et par conséquent, d’arrêter les maux qui tendent à
nous envahir.
On croirait, au premier abord, que l’absorption des intérêts sociaux par
le gouvernement, est venue de sa force et de sa puissance. Chose étrange, c’est
au contraire le résultat de sa faiblesse, tellement que je crois que dans
l’origine les ministres qui auraient tenté de résister à cette absorption
auraient succombé.
Je n’ai certes pas le droit de faire ici la critique de nos
institutions, mais c’est un devoir de signaler l’abus que, pour le pays,
l’expérience démontre qu’on en peut faire. La marche des événements ne
prouve-t-elle pas, que l’individualité et la fraction peuvent y puiser une
force qui rendrait au moindre obstacle l’ensemble impossible et que déjà le
tout se trouve vaincu et rançonné par la partie ? N’est-il pas vrai que la
nation considérée dans son ensemble est entièrement désarmée vis-à-vis des
intérêts individuels et de localité et qu’elle ne peut leur opposer aucune
résistance ? Tout ce qu’on lui prend n’est-il pas déjà regardé comme de
bonne prise et comme un lucre légitime ? N’est-il pas le meilleur
mandataire, le représentant qui arrache la plus forte partie de la fortune
générale pour la distribuer aux intérêts locaux et individuels, et ne
recevront-ils pas bientôt le nom de dupes, de ridicules théoriciens,
d’utopistes, ceux-là qui tenteront de lier quelques idées pour montrer les
suites de cette marche dangereuse ?
(page 1427) Sans aller fouiller les causes dans leur origine, de
pareils résultats suffisent pour convaincre que nos institutions recèlent, pour
la satisfaction des intérêts individuels et de localité, une puissance de
beaucoup supérieure à la puissance donnée à la nation pour les combattre.
C’est cette puissance des intérêts individuels et de localité qui, pour
s’approprier quelques avantages, fait passer les intérêts les plus vivaces de
la société entre les mains du gouvernement, car c’est toujours au nom de
l’intérêt national que cette transfusion s’opère. Tantôt c’est au nom de
l’organisation du travail dont j’ai déjà parlé, tantôt c’est l’industrie, le
commerce, le travail national, l’agriculture, l’exportation, mots qui souvent
le lendemain ont une signification tout contraire à celle de la veille ;
mais qu’importe la vague de nos expressions, quand nous avons pour nous la
puissance ! Et la puissance de prendre se trouve partout ; et celle
de lui résister nulle part.
Et remarquez que cette puissance croît toujours par chacune de ses
faciles victoires. Plus le gouvernement aura absorbé d’intérêts, plus grande
sera la nécessité pour lui d’en absorber d’autres. Ne sent-on pas que son
intervention, dans toutes les opérations de la société, cause une gêne
insupportable aux hommes qui travaillent,
c’est-à-dire qui luttent sous le régime de la concurrence, et que ceux-ci,
pressés par cet invincible adversaire, doivent faire des efforts inouïs,
employer toutes les facultés que leur donne notre constitution sociale, pour se
faire admettre sous sa bannière ? C’est ainsi que, marchant facilement, et
souvent à contre-cœur, de victoire et victoire, le gouvernement doit devenir un
pouvoir monstrueux, impuissant pour le bien et tout-puissant pour le mal. Et je
l’ai dit, le bien, c’est le combat loyal, au grand jour, selon des règles et
des lois. Le mal, c’est le combat déloyal, sans règle ni lois, le combat des sollicitations,
de la ruse, de l’intrigue.
La conséquence de l’absorption d’une multitude d’intérêts par le
gouvernement sera de rendre notre nationalité si caduque, que le moindre
souffre pourrait la renverser. Quelle résistance peut opposer une multitude d’hommes
toujours mécontents ? Et le nombre doit en être proportionné à la quantité
d’intérêts absorbés par le gouvernement. Combien grand est déjà le nombre de
ceux qui ont demandé, avec toutes les instances de la nécessité, de faire
l’opération que, par dérision sans doute, on nomme rendre des services au pays
et qui ont été repoussés ! Et ces hommes trouvent le gouvernement pour
adversaire dans le combat de la vie. Quelle condition ! et quels
sentiments doit-elle inspirer ?
Dans la proportion que ce système se développe, les contrées du pays se
divisent entre elles. L’esprit des différentes contrées s’approprie certains
intérêts qui sont, comme ceux des individus, livrés à la merci de la pire de
toutes les puissances, celle qui est faible et arbitraire tout à la fois, celle
qui est menacée et qui tremble à chaque instant pour son existence et dont
toute la justice est basée, par conséquent, sur l’espoir de vivre et la crainte
de mourir.
De ce conflit entre les différentes contrées, et de l’intervention du gouvernement
dans des opérations qui devraient être laissées à la concurrence des individus,
résulte ce concert de plaintes et de récriminations éternelles, qui doit
naturellement toujours devenir plus bruyant à chaque nouvelle intervention de
l’Etat et propager de plus en plus la division.
Quel rôle l’extension d’un pareil système réserve-t-elle aux
représentants du pays ? Ne cherchons-nous et ne trouvons-nous pas déjà les
applaudissements ou le blâme de nos commettants dans l’ardeur ou la faiblesse
que nous mettons à attaquer la fortune nationale et quelquefois les intérêts
d’une contrée voisine ? Et quel spectacle offrent déjà ces députations,
moitié suppliantes et moitié menaçantes qui, dans le même but, assiègent le
gouvernement !
Vous le voyez, messieurs, l’intervention du gouvernement dans une
multitude d’opérations dégrade l’individu et dissout tous les liens moraux du
corps politique. Sont-ce là les fruits que devrait nous donner le régime
constitutionnel ?
Les institutions anglaises ont servi de modèle aux constitutions de
plusieurs autres nations. Serait-ce pour obtenir des résultats contraires qu’on
aurait essayé de les copier ? Nous ne voyons pas que le mouvement des
institutions britanniques, qui fonctionnent depuis si longtemps, ait livré au
gouvernement la plupart des intérêts de la société et ait placé chaque Anglais
à genoux devant lui. Nous voyons, au contraire, que nulle part au monde un
gouvernement ne s’en est si peu approprié, et que nulle part le citoyen n’a
conservé plus d’indépendance et de dignité. Que les passions et les intérêts
individuels se trouvent au sommet ou dans les rangs les plus infimes de la
société, cette glorieuse nation montre ainsi que la liberté consiste bien plus
à les réfréner qu’à les satisfaire.
Quand viendra le jour d’une mésintelligence entre les grandes
puissances, que notre position géographique doit tant nous faire redouter, que
fera la nation de tous ces intérêts qu’elle s’est appropriés malgré elle ?
Ce jour-là notre crédit sera mort, et le prestige qu’il communique aux
opérations du gouvernement évanoui. Ces opérations qui dans les mains des
particuliers n’existent même que par la paix, loin de nous procurer des
secours, deviendront une charge insupportable qui paralysera tous nos mouvements
de résistance.
Que ferez-vous, par exemple, du chemin de fer, de son immense personnel
et de la dette que vous avez contractée pour le construire ? S’il
appartenait à des particuliers, ce ne serait pas à nous à chercher s’il est
facile de répondre à cette question.
Il résulte de tout ce que je viens de dire que l’intervention du
gouvernement dans les opérations qui ne sont pas absolument indispensables à
l’existence de la société politique, crée et développe la corruption et pousse
aux actes les plus immoraux, éteint les sentiments de nationalité, divise entre
elles les parties du pays, et nous empêche de nous défendre le jour du danger.
Comment éviter ces maux ? Faire le contraire de ce que nous avons
fait, refuser au lieu d’offrir, reprendre au lieu de donner. C’est très
difficile sans doute, mais si nous n’avons pas cette force, il faut accepter
notre destinée et ne pas nous plaindre, de l’immoralité de la corruption et de
la servitude.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – La loi qui vous est soumise nous a valu un
discours très-remarquable de l’honorable préopinant. La chambre n’attend pas de
moi que je suive l’honorable membre dans les considérations générales qu’il
vient de présenter et par lesquelles il a défendu le système de libre
concurrence contre un système trop absolu, présenté par lui, de l’intervention
de l’Etat dans les intérêts de la société. Je crois que le vrai est entre ces
deux principes. Il est impossible de tout livrer à l’action individuelle. Ce
serait une erreur de vouloir arriver à l’absorption de tous les intérêts
sociaux dans les mains du gouvernement.
Je me renfermerai dans les limites de la discussion actuelle au point de
vue où s’est placé l’honorable membre, c’est-à-dire au point de vue de
l’entreprise de services publics.
L’honorable M. Pirmez vous a dit, en combattant le principe qui a
triomphé en 1834, qu’il espérait que nous allions entrer dans une phase
nouvelle, que l’expérience des pays voisins amènerait le gouvernement et la législature,
en Belgique, à abandonner l’action de l’Etat dans les travaux publics, pour y
substituer l’action de l’intérêt privé.
Je ne partage pas l’opinion de l’honorable membre. Je pense, au
contraire, que l’initiative glorieuse que
En Allemagne, messieurs, mais on peut dire que les chemins de fer les
mieux organisés, dans
Je ferai remarquer ici, en passant, que l’honorable M. Pirmez s’est
trompé. Ce n’est pas dans les pays constitutionnels que ces idées de monopoles
ont surtout triomphé ; c’est dans les pays absolus. Ainsi, sous Louis XIV,
tous les transports se trouvaient dans les mains du gouvernement. C’est au
contraire dans les pays constitutionnels que l’on est arrivé à une pondération
entre ces deux principes trop absolus.
En France, messieurs, quel est le principe qui domine le système de 1842
et le système qui est admis maintenant par le gouvernement ? Ce système,
ce sont les concessions à courts termes. Et pourquoi ? Le gouvernement
français ne croyant pas pouvoir mettre à la charge du trésor public la création
actuelle de toutes les grandes lignes de chemins de fer, n’a voulu les concéder
qu’à la condition de pouvoir rentrer dans la jouissance de l’exploitation par
l’Etat dans un terme très-court.
En Belgique, messieurs, le gouvernement n’a pas eu d’idées absolues à
cet égard. Ainsi en 1834 et 1837, il a cru utile de réserver dans les mains de
l’Etat l’exploitation des grandes lignes qui ont été créées au point de vue
international et au point de vue de rattacher les diverses provinces à un
centre commun. Je crois que le gouvernement a bien fait. Mais aujourd’hui,
messieurs, le gouvernement, précisément parce qu’il n’a pas d’idées absolues à
cet égard, vous propose de consentir à l’intervention de l’intérêt privé. Si le
gouvernement ne possédait pas les grandes lignes de chemin de fer, je ne vous
proposerais pas cette intervention des compagnies. Mais je regarde le système
de 1834 et de 1837 comme étant plus ou moins complet, et je crois qu’il est
permis maintenant de concéder aux compagnies certaines lignes qui ne seront pas
de grandes lignes, mais qui forment des affluents destinés à rattacher des
localités au chemin de fer de l’Etat et à augmenter ses produits et ses
ressources.
Ainsi, je pense que l’honorable membre s’est laissé trop impressionné
par des idées trop absolues. Le gouvernement belge, qui, du reste, ne fait rien
que par la loi, par l’intervention de la législature, s’est tenu jusqu’ici dans
un milieu entre des exagérations, entre le système du laisser faire, du laisser
passer complet, et le système que l’honorable M. Pirmez a appelé l’absorption
des intérêts sociaux dans les mains du gouvernement.
De ces considérations générales, messieurs, vous me permettrez de
descendre à la loi qui nous occupe. Car, enfin, le discours de l’honorable M.
Pirmez s’adressait surtout au projet de loi avant le retrait de l’art. 2 ;
car je ne pense pas que l’établissement de trois bateaux à vapeur entre Ostende
et Douvres ait pu mériter les reproches que l’honorable membre a adressés aux
gouvernement.
L’honorable M. Zoude m’a demandé si, dans le cas où les revenus du
service des bateaux à vapeur pourraient suffire pour le maintien et la
réorganisation (page 1428) des
relais, le gouvernement ne serait pas disposé à renoncer à la perception du
droit de 25 centimes. Sans doute, messieurs, s’il fallait vous proposer
l’établissement de cet impôt, il ne vous le proposerait pas ; mais l’impôt
existe, le gouvernement en a besoin pour constituer son fonds spécial, afin de
pouvoir maintenir les relais et les réorganiser. Si, dans la suite, les revenus
du service de bateaux à vapeur peuvent suffire au maintien et à la
réorganisation des relais, je ne fais aucune difficulté à déclare que, dans ce
cas, l’intention du gouvernement est d’abandonner cet impôt, dont il n’aurait
pas demande l’établissement, s’il n’avait pas existé.
Lorsque l’honorable M. Zoude a parlé de déceptions dont la province de
Luxembourg aurait été victime, je ne pense pas que l’expression s’adresse au
gouvernement ni à moi, en particulier : l’honorable membre sait avec quel
soin j’ai étudié depuis quelques mois l’organisation du service des transports
dans la province du Luxembourg ; mais voici ce qui est arrivé :
j’avais chargé l’inspecteur général des postes de présenter un projet relatif
aux transports publics dans la province de Luxembourg ; l’inspecteur
général a proposé trois systèmes ; j’ai choisi le système le plus
économique ; une adjudication a lieu, mais avant qu’elle ne fût approuvée,
une compagnie de messageries est venue déclarer au gouvernement que s’il
donnait suite à ce projet, elle dénonçait le service de Metz par le Luxembourg
vers Bruxelles.
Sans doute le gouvernement n’a pas cédé à cette menace, mais il était de
son devoir d’examiner jusqu’à quel point le système qui semblait prévaloir
pourrait être maintenu, dans le cas où la menace se réaliserait.
Il a donc fallu une instruction nouvelle. J’ai demandé des
renseignements à l’autorité provinciale, comme je l’ai déjà annoncé à la
chambre. Ces renseignements me sont parvenus, et je puis annoncer à l’honorable
membre que je serai en mesure de prendre une prochaine décision.
M.
Donny – Messieurs, comme je n’aime pas à
répéter les arguments des autres, je ne reproduirai pas ce qui a été dit dans
une séance précédente et par l’honorable M. d’Elhoungne et par l’honorable M.
d’Hoffschmidt pour établir l’utilité d’un service quotidien de bateaux à vapeur
entre
J’éprouve maintenant le besoin de dire quelques mots en réponse à ceux
de nos honorables collègues qui ont attaqué le service dont il s’agit, MM. Osy,
Malou, Meeus, Eloy de Burdinne, et, en dernier lieu, l’honorable M. Pirmez.
L’honorable M. Osy ne peut consentir, dit-il, à ce que le gouvernement
se fasse entrepreneur de bateaux à vapeur. Il veut abandonner cela à
l’industrie particulière, et il nous donne l’assurance que l’industrie
particulière ne fera pas défaut, là où elle pourra s’exercer avec les conditions
ordinaires de la concurrence. Malheureusement, l’honorable membre ne nous a pas
dit si, dans son opinion, une compagnie belge qui organiserait un service
quotidien de bateaux à vapeur entre
L’honorable M. Malou ne croit pas que, dans la sphère des intérêts qui
peuvent être exploités par les particuliers, il convienne d’étendre les droits
du gouvernement, s’il n’y a pas nécessité évidente, et, de plus, l’honorable
membre, jugeant du futur par le passé, prédit au gouvernement que le service
dont il s’agit sera plutôt onéreux qu’avantageux. J’espère pouvoir démontrer à
l’honorable membre qu’ici la nécessité évidente, dont il fait une condition
sine quâ non, existe bien réellement, et je crois pouvoir juger de la position
qu’aura le gouvernement dans le service dont il s’agit par celle qui est tombée
en partage aux particuliers dans des entreprises analogues.
L’honorable M. Meeus a raisonné dans une double hypothèse : Ou
bien, dit-il, il y aura moyen, pour l’industrie particulière, de trouver
l’intérêt des capitaux, et alors on fera des paquebots, on fera le service pour
lequel M. le ministre des travaux publics vient demander un subside ; ou
bien le service ne pourra s’organiser qu’au moyen de grands sacrifices, et,
dans ce cas, le moment d’imposer de nouveaux sacrifices à l’Etat n’est pas
venu, le moment n’est pas même venu d’examiner la question. J’espère pouvoir
établir que le dilemme posé par l’honorable membre n’est pas en harmonie avec
les faits et que, par conséquent, il manque entièrement de force logique.
L’honorable M. Pirmez vient de vous dire, messieurs, si je l’ai bien
compris qu’il est immoral que le gouvernement se mette en concurrence avec
l’industrie privée. L’honorable membre conviendra, sans doute, même en se
tenant sur son terrain, qu’il n’y a pas plus d’immoralité du moment que
l’industrie particulière se trouve dans l’impossibilité d’entrer en lice, et
c’est ce que j’espère lui prouver, en répondant à l’honorable M. Osy.
Quant à l’honorable M. Eloy de Burdinne, la partie sérieuse de son
discours, et c’est la seule à laquelle j’ai à répondre, rentre plus ou moins
directement dans ce que nous ont dit et l’honorable M. Malou et l’honorable M.
Meeus.
Je répondrai maintenant à tous ces honorables membres par un seul
argument, qui me semble fort simple et qui me paraît tout aussi concluant, et
cet argument je le baserai sur un fait, cité par l’honorable M. Malou lui-même,
fait qui n’a été contredit par personne et que je regarde, moi, comme rapporté
très-exactement. L’honorable M. Malou nous a dit, messieurs, qu’il y a eu à
Anvers une entreprise de bateaux à vapeur belges, que cette entreprise était
subsidiée par le gouvernement, et que, malgré les subsides qu’elle recevait,
elle n’a pas eu de succès. Et pourquoi ? Serait-ce parce que les
transports de voyageurs et de marchandises entre l’Angleterre et
La seule cause du non-succès de la compagnie belge est celle qui a été
signalée par l’honorable M. Malou, qui vous a dit, messieurs, que, malgré
l’existence du subside du gouvernement, la compagnie s’est trouvée dans
l’impossibilité de soutenir la concurrence contre une compagnie anglaise. Eh
bien, messieurs, cette compagnie anglaise existe encore aujourd’hui, et il est
probable qu’elle existera encore pendant assez longtemps, et tant qu’elle
existera, elle sera dans le futur, comme elle l’a été dans le passé, un
obstacle insurmontable pour une compagnie belge ; mais, veuillez remarquer,
messieurs, que cet obstacle insurmontable pour l’industrie particulière,
disparaît complètement quand c’est le gouvernement qui se charge du service. En
effet, messieurs, aussi longtemps que la compagnie anglaise s’est trouvée en
concurrence avec des particuliers qui devaient nécessairement ou faire des
bénéfices ou se retirer, avec des particuliers qui ne pouvant pas disposer de
capitaux aussi considérables que les siens, la compagnie anglaise a fait ce
qu’on voit faire souvent quand il y a concurrence et lutte ; elle s’est
résignée à transporter à bas prix, sans bénéfice, à perte même, parce qu’elle
avait l’espoir fondé, je dirai plus, parce que, à raison de la position de la
compagnie belge, elle avait la certitude complète de parvenir, un peu plus tôt,
un peu plus tard, à écraser cette compagnie, moins puissante qu’elle, et à
demeurer maîtresse du terrain. Mais quand la compagnie anglaise se trouvera en
face d’un gouvernement, elle comprendra bien vite que, malgré la puissance de
ses capitaux, une lutte de sacrifices serait complètement inutile, complètement
stérile pour elle, et elle n’entamera pas une lutte de ce genre.
Me fondant maintenant sur le fait cité par l’honorable M. Malou et sur les
considérations que je viens d’émettre, je crois pouvoir répondre à l’honorable
M. Osy que l’industrie particulière belge se trouve dans l’impossibilité de se
placer dans les conditions ordinaires de concurrence, et que par suite elle
nous ferait défaut. Je crois pouvoir répondre à l’honorable M. Malou que,
puisque l’industrie particulière ne peut organiser le service dont il s’agit,
il y a nécessité évidente d’en charger le gouvernement si l’on veut que le
service s’établisse. Je crois pouvoir répondre encore à l’honorable M. Malou et
en même temps à l’honorable M. Meeus ainsi qu’à l’honorable M. Eloy de
Burdinne, qu’ils ont tort lorsqu’ils pensent que l’entreprise sera onéreuse
pour le gouvernement par cela seul qu’elle a été onéreuse pour des particuliers,
et qu’ils se trompent encore lorsqu’ils pensent que l’entreprise peut être
avantageuse pour l’industrie privée, par cela seul qu’elle peut donner des
bénéfices au gouvernement.
J’ai maintenant quelques mots à dire sur l’art.
5 du projet, article à l’occasion duquel on a fait entendre un reproche
d’injustice, reproche grave, et qui fixera toujours l’attention de cette
assemblée et la mienne. Avant tout, il est bon de faire observer que l’art. 5
ne contient aucune disposition que l’on puisse qualifier d’injuste. Cet article
ne fait pas autre chose qu’ordonner le versement dans les caisses de l’Etat
d’une redevance qui, jusqu’ici, s’est payée entre les mains des maîtres de
poste. Ce n’est pas une injustice à l’égard de ceux qui payent ; car il
leur est indifférent dans quelles mains ils payent. Ce n’en est pas une non
plus à l’égard de ceux qui reçoivent ; car c’est dans leur intérêt que la
mesure est proposée. Aussi, n’est-ce pas précisément sur l’art. 5 qu’on a fait
porter le reproche d’injustice ; on l’a fait remonter à la loi du 15
ventôse an XIII, dont je vais maintenant m’occuper.
Mais d’abord je dois faire remarquer que, lors même que cette injustice
existerait réellement, le rejet de l’art. 5 du projet tout entier ne porterait
aucun remède à cette injustice ; car ce rejet n’aurait d’autre résultat
que de maintenir ce qui existait, par conséquent de maintenir les dispositions
de la loi du 15 ventôse an XIII, que l’on trouve injuste. Ensuite, cette
injustice, n’est pas évidente pour tout le monde ; elle ne l’est pas du
tout pour moi. Je vais avoir l’honneur de vous expliquer ma manière de voir à
cet égard.
Abstraction faite du chemin de fer, il y a deux manières de voyager en
voiture. On voyage à petites journées (on dirait aujourd’hui à petite vitesse),
en conservant les mêmes chevaux pendant tout le cours du voyage ; ou à
grande vitesse, en changeant de chevaux, en faisant usage de relais.
Le législateur, non-seulement en France, mais dans tous les pays policés
a pensé qu’il était de l’intérêt général d’établir un service public, pour
assurer à ceux qui voudraient voyager à grande vitesse les relais dont ils
pourraient avoir besoin. C’est là, si je ne me trompe, l’origine de la poste
aux chevaux.
Après plusieurs transformations dont il est inutile de parler ici, la
poste aux chevaux a été organisée en France, par la loi du 19 frimaire an
VII ; cette loi a dit à tous ceux qui veulent voyager à grande
vitesse : Je vous assurerai les relais dont vous avez besoin. Mais pour
vous les assurer, pour que le service public que je vais établir puisse remplir
le but que je me propose, j’ai besoin d’établir un monopole ; j’ai besoin
de poser en principe (page 1429) que
tous ceux qui voudront voyager à grande vitesse, voyager au moyen de relais,
seront obligés de se servir de mes relais ou de les payer.
Je conçois qu’il puisse se trouver des personnes qui blâment ce système,
qui trouvent une injustice dans ce monopole posé en principe. Mais une fois le
monopole admis, pris comme point de départ, comme base du raisonnement, tous
les résultats sont justifiés, même la loi du 15 ventôse an XIII.
Le monopole dont je viens de parler se trouve posé en principe dans les
art. 2 et 3 de la loi du 19 frimaire an VII. Il est vrai qu’un peu plus loin la
même loi fait une exception en faveur des messageries.
« Sont exceptés (dit l’art.5) les relais qui seraient établis pour
le service des voitures publiques partant à jour et heures fixés et annoncés
par affiches. » Mais, veuillez le remarquer, c’est là une exception, une
véritable faveur, un véritable privilège accordé aux entreprises de messageries
et aux voyageurs qui voudraient voyager à grande vitesse, sans employer les
relais de la poste. Le législateur pouvait ne pas accorder cette faveur
extraordinaire ; il pouvait n’accorder ce privilège qu’à titre onéreux,
moyennant une indemnité. Certes, ni dans un cas ni dans l’autre on n’avait le
droit de lui faire un reproche d’injustice, une fois le monopole posé en
principe.
Dans la loi que je viens de citer, le privilège est accordé à titre
gratuit. Mais il paraît que le législateur s’est aperçu bientôt qu’il avait été
trop loin, qu’il avait trop fait pour les messageries et pour les voyageurs
qu’elles transportent, qu’il n’avait pas fait assez pour les services publics
qu’il avait établis ; il a fait un pas en arrière par la loi du 15 ventôse
an XIII. Par cette loi, il a dit à ceux qui voudront voyager à grande
vitesse : « Vous pourrez, si vous voulez, vous servir comme tout le
monde des relais publics. Dans ce cas vous payerez d’après le tarif adopté pour
tout le monde. En d’autres termes vous pourrez, quand vous le voudrez, vous
placer dans le droit commun. Mais de plus je vous conserve le privilège qui
vous a été accordé par la loi du 19 frimaire an VII. Vous pourrez donc, comme
par le passé, vous dispenser de prendre mes relais. Seulement je ne vous
accorde plus ce privilège à titre gratuit, mais à titre onéreux, vous payerez
une indemnité de 25 c. par poste et par cheval, au maître de poste dont vous
n’emploierez pas les relais. » On a mis ainsi une restriction très-forte à
la faveur accordée par la loi du 19 frimaire an VII , mais ce n’en est pas
moins une position favorable et privilégiée qu’on a faites aux messageries.
Ce qui le prouve, c’est qu’un louageur n’a pas le droit de se placer
dans cette position. Il n’a pas le droit de dire : « Je ne veux pas
me servir de vos relais ; j’en prendrai d’autres et je payerai aux maîtres
de poste 25 c. par poste et par cheval. C’est une faveur accordée aux
messageries seules. C’est une position privilégiée. Je ne puis croire qu’une
faveur doive être considérée comme une injustice évidente et fragrante.
M.
de Garcia – Nous ne voulons pas de privilège.
M. Donny – Je conçois, messieurs, qu’aujourd’hui que les
habitudes des voyageurs sont changées, qu’aujourd’hui que le service des
messageries s’est étendu, s’est perfectionné, qu’aujourd’hui surtout que le
pays est traversé en quelque sorte en tous sens par des chemins de fer sur lesquels
on transporte les voyageurs à bas prix, je conçois, dis-je, qu’on puisse
désirer quelque chose de mieux que ce qui a été organisé par la république
française. Mais mes honorables contradicteurs me permettront de leur faire
observer que ce quelque chose de mieux ne saurait jamais consister dans le
renversement pur et simple de ce qui existe, quand on n’a pas un système
nouveau à substituer au système actuel. Or, jusqu’ici j’ai bien entendu
critiquer ce qui existe ; mais je n’ai encore rien entendu proposer que
l’on puisse immédiatement substituer à ce qui est aujourd’hui en vigueur.
Je voterai donc en faveur de l’art. 1er qui établit un
service quotidien de bateaux à vapeur entre
M. Rodenbach – Messieurs, je donnerai mon adhésion à l’art. 1er par lequel
le gouvernement demande l’autorisation d’acheter trois bateaux à vapeur pour le
transport des voyageurs et des dépêches en Angleterre. Je lui donnerai cette
adhésion surtout, parce que je suis convaincu que si le gouvernement n’établit
pas ce service, que je crois devoir être très-lucratif, aussitôt que le chemin
de fer de Lille à Calais sera achevé,
J’aurai très-peu de choses à dire sur l’art. 2. J’en avais demandé la
suppression ; M. le ministre n’a consenti qu’à l’ajournement. Comme
l’ajournement est à peu près la suppression, je n’ai pas d’opposition à faire.
Je reconnais toutefois que cet art. 2 était une excellente mesure pour les
voyageurs ; car le gouvernement leur aurait fourni de bonnes voitures dans
lesquelles ils n’auraient pas couru les dangers auxquels ils sont exposés dans
les mauvaises carrioles et à un cheval qui les transportent de plusieurs de nos
petites villes au chemin de fer.
Messieurs, si je suis bien informé, il existe des règlements sur les
voitures publiques ; mais ils sont tout à fait tombés en désuétude. Je
crois que le gouvernement devrait tenir la main à ce qu’ils fussent exécutés,
et s’ils ne suffisent pas, à en établir de nouveaux. On ne peut permettre qu’à
chaque instant la vie des voyageurs soit mise en danger.
L’art. 3 établit la réorganisation de la poste aux chevaux. Je crois que
cette réorganisation doit se faire. Voilà plusieurs années que l’on force les
maîtres de poste, notamment dans les petites villes, à tenir à la disposition
des voyageurs un certain nombre de chevaux dont ils font peu d’usage
aujourd’hui. Aussi, un grand nombre d’entre eux ont-ils fait des pertes considérables ;
car ils sont en outre forcés de payer l’impôt établi par la loi de 1822. On
nous propose par l’art. 9 de les exempter à l’avenir de cet impôt. C’est encore
une disposition utile et à laquelle je donnerai mon assentiment.
Messieurs, dans l’art. 5 il est dit que le revenu des 25 centimes que
l’on exige des entrepreneurs de messageries, en vertu de la loi de nivôse an
XIII, sera déposé dans les caisses du gouvernement. Mais il faut que la
répartition de ce fonds soit fait d’une manière équitable.
Certains maîtres de postes, messieurs, ont fait des bénéfices
considérables ; il en est qui recevaient 8, 9 et 10,000 fr. par an. Je
sais que leurs revenus ont diminué. D’autres maîtres de poste, au contraire,
établis dans des petites villes, ne recevaient que 2 ou 300 fr. par an ;
il y en avait même qui ne recevaient pas 100 fr. par an. Eh bien, je crois que,
dans la répartition qui sera faite du revenu des 25 centimes, il ne faut pas
que les petits soient sacrifiés aux grands. J’ai vu, dans le rapport de la
section centrale, que certains maîtres de poste proposaient l’établissement de
cinq catégories. Mais il résulterait, si cette proportion était adoptée, que
les petits maîtres de poste qui ont le plus besoin d’être aidés par le
gouvernement, seraient sacrifiés aux grands.
Ainsi, messieurs, tout en appuyant le projet, j’engage M. le ministre
des travaux publics à examiner attentivement la question de la répartition du
fonds spécial ; c’est au gouvernement à faire cette répartition d’une
manière équitable
Messieurs, l’honorable M. Pirmez a représenté l’entreprise par le
gouvernement de certains chemins de fer comme un monopole. Lorsque nous avons
voté la loi sur les chemins de fer en 1834, les honorables membres qui ont pris
part à ce vote se le rappelleront, notre intention formelle a été que le
contribuable n’eût à supporter aucune charge du chef de cette entreprise, que
le chemin de fer couvrît ses dépenses. Malheureusement, messieurs, cette
intention n’a pas été remplie. On vante beaucoup les chemins de fer, et
moi-même j’en suis grand partisan. Mais je dis qu’il est à regretter que les
contribuables, que les campagnards qui se trouvent à de grandes distances des
chemins de fer et n’en profitent nullement aient dû supporter des charges qui
ne s’élèvent pas à moins de 2 p.c. de l’énorme capital employé à la
construction de notre railway.
Aujourd’hui, messieurs, nous entrons dans une nouvelle voie, et j’en
félicite le pays. Les Anglais viennent nous demander des concessions auxquelles
ils devront consacrer un capital considérable. Mais au moins ceux qui ne
profitent pas des chemins de fer n’auront pas à contribuer à la dépense. C’est
pour ce motif que j’ai accueilli les projets qui nous ont été présentés.
Puisque des compagnies s’offrent pour exécuter ces travaux, j’espère que le
gouvernement ne viendra plus en proposer à la législature pour être exécutés
aux frais de l’Etat, aux frais des contribuables. J’ai dit.
M.
de Mérode – Messieurs, malgré ce que vient de
vous dire l’honorable ministre des travaux publics, je conçois beaucoup mieux
l’exploitation des services de transport par les gouvernements absolus que par
les gouvernements constitutionnels ; dans un gouvernement absolu,
l’influence du pouvoir est unique ; elle agit avec ensemble, sans
tiraillement ; dans le nôtre, au contraire, comme l’a démontré l’honorable
représentant de Charleroy, l’esprit solliciteur énerve la représentation
nationale, tend à la corruption par une action très-fâcheuse du ministre sur le
député et du député sur le ministre, comme de l’électeur sur le premier ;
mais tout en félicitant notre collègue, M. Pirmez, de ses judicieuses et utiles
observations, je dois reconnaître qu’elles ne peuvent aujourd’hui nous
faciliter le maintien d’une institution étrangère aux inconvénients qu’il a
signalés.
Il a paru en France, en 1840, une brochure intitulée : « Des postes menacées par les chemins de
fer », que publia M. Jouhaud. Voici les principales considérations
qu’a fait valoir l’auteur, en faveur du maintien des relais et qui méritent,
messieurs, votre attention bienveillante. Ce serait une grande erreur
d’appliquer à l’institution des postes, les idées qui s’attachent aux
industries ordinaires servant au transport des marchandises ou des personnes.
Ce n’est pas là, en effet, une de ces entreprises librement formées, courant
leurs chances de leur bonne ou de leur mauvaise fortune, et qui, nées de la
concurrence, doivent en subir les lois. Les postes sont instituées dans un
intérêt social et à titre onéreux. Leur destination, c’est le service public
assuré dans tout le pays, même là où il ne peut se faire comme spéculation
productive. Seules en effet, et alors même que les chemins de fer seraient
multipliés, elles offriraient entre tous les points du royaume une garantie de
continuité.
Il suffit, en temps de guerre, d’enlever quelques rails de la plus
longue ligne ferrée pour que les communications soient à l’instant même
interrompues. Des troubles intérieurs peuvent conseiller le recours à un moyen
si simple de perturbation. A l’époque de la dernière insurrection de Lyon, 20
courriers ont été expédiés de Paris en une seule journée. Que fût-il advenu
s’il eût dépendu d’une poignée de factieux de se porter sur un point de la
route et de défendre à la vapeur de surmonter l’obstacle invincible qu’ils
pouvaient, en quelques minutes, lui opposer.
Remarquez, messieurs, que c’était à cette même époque que se
produisirent les pillages de Bruxelles. J’étais alors membre du conseil des
ministres, et j’engageai fortement ce conseil à expédier immédiatement des
courriers dans toutes les grandes villes du royaume, afin de prévenir les
autorités de se tenir sur leurs gardes. Des estafettes furent également
envoyées afin de faire venir divers renforts de troupes sur la capitale ;
sans leur appui, un affreux désordre se fût prolongé pendant la nuit entière
qui suivit une déplorable journée, et Bruxelles aurait eu à payer les
indemnités, non pas de douze ou 15 maisons saccagées, mais de
quarante-cinq ; car tel était le nombre des habitations désignées par les
inventeurs de ce noble exploit, (page 1430) dont les contribuables
payent les frais, tandis que les fauteurs coupables, ou les provocateurs
imprudents, furent, les uns exempts de toute peine, et les autres reçurent
l’indemnité qu’ils n’auraient point obtenue en France, témoin M. de Curzay, à
Bordeaux.
Bien loin donc de partager l’opinion de ceux qui pensent qu’il faut
laisser périr les relais sur les grandes lignes, c’est-à-dire sur celles qui
mettent en communication les extrémités du pays, je tiendrais particulièrement
à les conserver, et je crois fermement qu’il faut avoir perdu le sens politique
pour traiter si légèrement une institution d’une si haute importance que la
poste aux chevaux, et ce nonobstant les chemins de fer. Et que faut-il donc
pour éloigner de pareils dangers, pour que les voies de communication de
natures diverses se maintiennent simultanément ? Maintenir, quant aux
nouvelles voies de communication, le principe de l’indemnité pour le transport
des voyageurs, en réduisant toutefois son application à un tiers ou un quart du
droit précédemment perçu.
« L’Etat, disait M. Odilon-Barrot, a eu de tout temps le monopole
des postes. Dès 1464 il en a confié l’exercice à des entrepreneurs. Des droits
se trouvaient à côté des obligations. Ces droits, qui ont été conservés jusqu’à
ce jour par tous les gouvernements, se résument en un seul le droit exclusif du
transport des voyageurs.
Quand la marche du temps a commandé une dérogation à ce principe, la compensation
en a été stipulée au même instant. Les waggons qui sillonnent nos chemins de
fer font maintenant ce que les messageries réclamaient en 1805, leur part du
privilège concédé aux relais de poste. La loi de la nécessité fut alors
entendue ; elle doit l’être encore aujourd’hui. Une indemnité fut stipulée
pour prix d’une partie du privilège transporté des maîtres de postes aux
entrepreneurs de messageries. La même transmission s’effectue en faveur des
concessionnaires des chemins de fer. Une indemnité analogue doit donc être
imposée ; c’est le même intérêt à défendre ; ce sont les mêmes règles
à invoquer, c’est le même principe à appliquer. Disons mieux : ce
principe, tel que le consacre la loi de 1805, appliqué aux transports des voyageurs,
embrasse, dans la généralité de ses termes, les créations nouvelles.
C’est ce que reconnaissait M. le garde des sceaux dans son rapport sur
la concession du chemin de fer d’Orléans, lorsqu’il dit : « Le droit
de 25 centimes est établi sur toute entreprise de transport de voyageurs qui
parcourt plus de dix lieues par jour. »
En Belgique, messieurs, c’est le gouvernement, il est vrai, qui fait
concurrence aux relais par l’exploitation directe des chemins de fer ;
c’est lui qui les compromet et les ruine ; mais comme c’est lui qui est le
plus intéressé à leur maintien, j’en suis convaincu pour des motifs très-graves
que j’ai déjà sommairement indiqués, je déclare que le jour même où il s’empara
d’une ligne quelconque, il devait payer aux maîtres de poste un dédommagement
égal à celui qu’ils obtenaient des diligences ; personne ne l’eût blâmé
d’en agir ainsi. Malheureusement, je l’ai dit et ne manquerai pas de le répéter
encore, chaque ministre s’occupe exclusivement des intérêts qu’il a dans sa
direction se souciant assez peu du reste.
Ainsi la poste aux chevaux devait demeurer une institution précieuse
dans certains circonstances, mais le ministre des travaux publics ne songeait
pas à la prévoyance politique, et comme celle-ci n’est dans les attributions
d’aucun département ministériel, elle est passée sous jambe et on ne regrettera
son absence que quand il ne sera plus temps de lui faire son lot. Mais l’Etat n’est pas le seul intéressé, au
maintien des relais ; il peu survenir à des particuliers, soit à la ville,
soit à la campagne, un pressant besoin de franchir rapidement une longue
distance au milieu de la nuit. Si la poste existe, elle offre une ressource
certaine en pareil cas. Si les relais sont en déconfiture, au contraire, on en
est privé, et de bien fâcheuses conséquences peuvent être la suite de cette
privation. Il est en outre un moyen d’utiliser plus habituellement les
relais ; c’est de leur donner, lorsqu’ils sont situés sur les voies
ferrées, l’obligation de conduire les voyageurs dans toutes les communes environnantes
jusqu’à une distance de 16 à
J’en revient à ce que dit M. Jouhaud dans son intéressant travail :
« L’administration des postes françaises a établi, dans un mémoire par
elle remis à la commission du budget de 1832, et cela par des calculs certains
que le droit de 25 centimes s’élève à 8 centimes par poste pour chaque
voyageur. C’est environ un centime par kilomètre. Nous proposerions de diminuer
le droit des trois quarts et de le réduire à 2 centimes par poste, soit un
quatre de centime par kilomètre. Ce dédommagement imposé aux nouvelles voies de
communication, ne pèserait pas sur les concessionnaires ou sur l’Etat ; ce
serait pour les voyageurs seulement une charge minime. Quant au mode de partage
de cette indemnité, il serait l’objet d’un règlement d’administration publique
émané du ministre que les postes concernent. A la puissance législative à
établir le principe, à l’administration supérieure à en faire une équitable
application.
Soyez persuadés, messieurs, qu’il y a dans la poste aux chevaux tout
autre chose qu’une institution commode pour les voyageurs riches. Les chemins
de fer servent à ceux-ci comme aux autres, et la preuve qu’ils en usent, c’est
la décadence des relais. Mais la poste aux chevaux est une institution
nationale, politique, qu’il serait bien peu sage de laisser tomber, tandis
qu’il est aisé de la maintenir et d’en faciliter, même l’usage assez fréquent,
aux voyageurs de la classe moyenne, avec tant soit peu de bonne volonté et
d’appui de la part des chambres et du gouvernement.
Ce qui se résume dans l’adoption de l’article 3 du projet :
« Le gouvernement est autorisé à réorganiser la poste aux chevaux et à
accorder des subventions aux titulaires des relais qui devront être
maintenus. »
M. Osy – Messieurs, comme j’ai eu l’honneur de m’en expliquer dans une séance
précédente, je partage l’opinion de l’honorable M. Pirmez. Le gouvernement doit
le moins possible entreprendre par lui-même, mais il doit donner le mouvement
aux entreprises. Je ne dis pas que, d’une manière absolue, toute entreprise
quelconque doit être interdite au gouvernement, mais en règle générale, je
pense que nous devons nous abstenir, autant que faire se peut, de faire
concurrence au public.
Pour ce qui est du maintien de la poste aux chevaux sur les lignes
latérales au chemin de fer, je me range à l’avis de ceux qui regardent ce
maintien comme tout à fait inutile…
M.
Verhaegen – Je demande la parole.
M. Osy – Vous aurez, à chaque relais, quelques chevaux qui,
dans le cours de l’année, auront très-peu à faire. S’il arrivait au chemin de
fer un malheur qui empêcherait la circulation, ce nombre de chevaux ne pourrait
nullement suffire pour transporter les voyageurs qui, sans cette catastrophe,
se seraient servis du chemin de fer.
Remarquez, d’ailleurs, qu’il n’y a pas de ville, pas même de gros bourg
où l’on ne trouve carrossiers en mesure de vous fournir des chevaux et des
voitures pour vous transporter où vous voulez aller. Soyez certains que si vous
ne maintenez pas la poste aux chevaux, ce service de voitures se développera là
où il n’existe pas encore.
Quant à l’indemnité que l’on propose en faveur des anciens maîtres de
poste, je la considère comme un privilège injuste : les anciens
entrepreneurs de messageries ont été obligés de faire les plus grands
sacrifices par suite de la construction du chemin de fer.
Si l’on maintient les chevaux de poste sur les routes latérales au
chemin de fer, il faudra bien s’imposer un sacrifice. Pour ma part, je ne puis
y donner mon consentement, surtout dans les termes où le gouvernement nous fait
cette proposition. M. le ministre abandonne, pour cette année, l’art. 2 relatif
à l’établissement de messageries aux frais du trésor public. Je le félicite de
sa résolution ; l’art. 2 aurait rencontré une vive opposition dans cette
chambre. Le gouvernement annonce qu’il reproduira, l’année prochaine, cette
proposition ; mais je reconnais qu’il y aura alors une amélioration,
puisque le gouvernement déterminera d’avance les endroits où il jugera utile
d’établir des messageries. D’après l’art. 2 qui est retiré, tout était laissé à
l’arbitraire du gouvernement.
Le gouvernement croit qu’il avait besoin des messageries dont il
proposait l’établissement aux frais du trésor public. Parcourons le pays et
nous remarquerons qu’il s’est créé des services de voitures dans toutes les
localités où anciennement il ne s’en trouvait pas. Voyez ce qui se passe dans
la province de Liége et dans la province d’Anvers. A Pépinster, il existe une
foule de voitures destinées à transporter les voyageurs à Spa, à Malmédy, etc.
Les voyageurs pour
Dans le but de constituer un fonds spécial, le gouvernement ne conserve
que l’art. 1er, indépendamment de la taxe des 25 centimes. L’art 1er
autorise le gouvernement à construire trois bateaux à vapeur. Dans le rapport
du gouvernement, pas plus que dans celui de la section centrale, nous ne voyons
le devis de ce que doivent coûter ces bateaux. Le gouvernement se borne à
demander un million. Nous ne savons si les bateaux seront construits en fer et
s’ils le seront dans le pays. Quant à moi, je suis opposé à l’établissement de
ces bateaux à vapeur ; toutefois, dans l’hypothèse de l’adoption de l’art.
1er, je demande que M. le ministre s’engage à faire construire les
trois bateaux dans le pays, avec publicité et concurrence.
Messieurs, je ne puis approuver le fonds spécial. L’art. 3 consacre une
disposition tout à fait arbitraire. Il est dit qu’un fonds spécial est créé et
que le gouvernement donnera des subventions aux titulaires qui seront obligés
de continuer le service des postes. On ne nous indique pas les règles qui
présideront à la distribution de ces subventions ; payera-t-on pour le nombre
des chevaux qu’on doit tenir ? Le gouvernement devrait donc au moins nous
donner des explications sur la manière dont il entend répartir le fonds
spécial.
Messieurs, si le gouvernement établit trois bateaux à vapeur, il est
certain que l’industrie particulière ne pourra lutter avec lui. En Angleterre,
comme en Belgique, ces bateaux à vapeur seront considérés comme navires de
guerre ; ils n’auront donc à payer de frais de port, ni à Ostende, ni à
Douvres. En outre le département de la marine prêtera à ces bateaux à vapeur
les équipages des bâtiments de l’Etat..
Un membre – Ces équipages sont sans emploi aujourd’hui…
M. Osy – S’ils sont sans emploi, licenciez-les, ou
utilisez-les pour les voyages au long cours ; mais si on les donne à l’administration
du chemin de fer, il devient impossible aux particuliers de lutter avec le
gouvernement, qui aura sur eux l’immense avantage de n’avoir à payer ni frais
de port, ni frais d’équipage. En outre, le gouvernement pourra tellement
baisser le prix du transport des voyageurs, que le service des bateaux à vapeur
qui se fait aujourd’hui péniblement d’Anvers en Angleterre, devra
nécessairement crouler. On ne nous dit pas quel tarif on établira. Si le
gouvernement fixe un tarif fort bas, pour le transport des voyageurs d’Ostende
à Douvres, tous les voyageurs préféreront naturellement les bateaux à vapeur (page
1431) du gouvernement, et l’industrie particulière qui existe
aujourd’hui, et qui a fait tant de sacrifices, devra indispensablement
succomber. L’administration de la société anversoise avait déjà essayé
d’établir un service pour d’autres ports que celui de Londres ; or, elle a
été obligée de vendre un de ses bateaux à vapeur, et si tous les voyageurs vont
prendre la voie d’Ostende, sur les bateaux à vapeur du gouvernement, la société
sera peut-être obligée de suspendre entièrement le service qu’elle a exploité
jusqu’ici.
Si donc le gouvernement est autorisé à se charger de cette entreprise,
il est juste qu’il prenne en considération l’économie qu’il fera du chef de
l’équipage, des frais de port, toutes dépenses qui ne lui incomberont pas. Si le gouvernement n’a pas égard à cette
circonstance dans la fixation de son tarif, il est impossible que les
particuliers continuent de lutter contre lui.
L’honorable M. Donny nous a parlé de la société qui existe à
Anvers ; l’honorable membre me permettra de compléter l’historique de
cette société. En effet, dans les commencements de l’établissement de la
société belge, la société anglaise lui a fait une concurrence extrêmement rude,
en diminuant les prix pour le transport des voyageurs et des marchandises, et
en augmentant le nombre des voyages. La société belge a dû consentir à des
sacrifices, et, pendant deux ans, elle s’est résignée à donner à la société
anglaise une part du revenu brut perçu par la société belge.
Cet état de choses n’a pas pu continuer. On a dû recourir à l’assistance
du gouvernement. Le gouvernement a pris une mesure qui a produit un excellent
effet. La société anglaise, voyant la société belge soutenue par le
gouvernement est entrée en arrangement avec elle ; par suite de cet
arrangement, le tarif entre autres se trouve fixé. Et aujourd’hui la société
belge, sans être dans une position brillante, marche cependant. Mais si le
gouvernement établit des bateaux à vapeur, les conditions d’existence de la
société deviendront bien plus difficiles ; le léger subside de l’Etat
deviendra insuffisant, et alors on sera obligé de demander une subvention plus
considérable.
En terminant, je demande de nouveau que si l’art. 1er est
adopté, le gouvernement s’engage à faire construire les bateaux à vapeur dans
le pays, avec publicité et concurrence.
M. de Garcia – Messieurs, le projet de loi que nous avons à
discuter, contient trois matières essentiellement distinctes, et dont chacune
aurait pu faire l’objet d’une loi distincte.
La première disposition se rapporte à l’établissement d’un service de
bateaux à vapeur entre
Une autre partie de la loi a pour but la réorganisation de la poste aux
chevaux ; une troisième avait pour objet l’établissement de messageries
comme prolongement du chemin de fer et pour desservir les besoins de cette
grande artère nationale. Ces trois matières sont de la plus haute
importance ; et quant à moi, je ne rejette, au fond, le principe d’aucune
de ces dispositions. M. le ministre des travaux publics a consenti à retirer la
partie qui concerne les messageries. J’avoue que, malgré l’intérêt que je porte
à cette fraction de la loi, c’est sans regret que j’en vois le retrait. Je
dirai en peu de mots les motifs qui me portent à penser ainsi. Cette partie du
projet est la plus neuve, c’est celle qui nécessite l’étude la plus approfondie
et les détails les plus étendus.
Reste donc en discussion la navigation à vapeur entre Ostende et Douvres
et la réorganisation de la poste aux chevaux. Je regrette que ces deux matières
importantes n’aient pas fait l’objet de deux lois spéciales, parce que l’une
pourrait être adoptée et l’autre rejetée, et que, par la réunion, on compromet
l’une par l’autre. Quant à moi, l’établissement d’une navigation à vapeur entre
M. le ministre des travaux publics me semble avoir établi à l’évidence
que, sous tous les rapports, il y a grand avantage pour l’Etat et pour
l’intérêt général à ce que le gouvernement se charge de cette exploitation. Si,
à bien des égards, l’on partage les principe que nous a développés l’honorable
M. Pirmez avec le talent que nous lui connaissons en économie politique, il ne
faut pas, je pense, les admettre d’une manière trop absolue. Dans le système où
nous sommes entrés, par la création de notre chemin de fer, la navigation à
vapeur par l’Etat est un complément nécessaire de ce qui existe. Au surplus, si
le principe de cette partie de la loi me convient, il y a un accessoire qui me
choque et qui ne me convient nullement. C’est ce qui concerne le produit de
cette navigation. A l’art. 7, je crois, il est dit, que ce produit doit former
un fonds spécial, une caisse spéciale. Un principe semblable est-il dans les
règles d’une bonne administration, de la bonne comptabilité de l’Etat ? Je
ne le crois pas. En effet, je demanderai au gouvernement, si le fonds spécial
qu’il veut établir par la loi, et qui est destiné à couvrir les frais des deux
branches de services publics, celui de la navigation à vapeur, et celui de la
poste aux chevaux, je demanderai, dis-je, au gouvernement, si un fonds spécial
devra aussi couvrir les dépenses à résulter des pensions à accorder aux
fonctionnaires de ces administrations spéciales et mises en quelque sorte en
dehors des autres branches d’administration publique. Pas un mot ne nous est
dit à cet égard, et ce point reste dans le vague le plus complet.
Voilà ce qui arrive quand on sort des règles ordinaires, des règles
d’une bonne comptabilité ; ces règles commandent impérieusement, selon
moi, que tous les services publics et généraux soient payés par le trésor
public ; en s’écartant de ce principe l’on s’expose à se heurter contre
des obstacles imprévus, et l’on peut compromettre des mesures administratives.
Nous nous rappelons que l’honorable M. Verhaegen, quand il s’est agi de
doter la magistrature, avait demandé un impôt destiné à l’objet spécial qu’il
poursuivait avec une grande persévérance. Son système, vivement combattu,
combattu par le gouvernement même, a été rejeté, au moins quand au point de vie
de sa destination. Personne n’a oublié les plaintes et les reproches de cet
honorable membre, qui disait ouvertement qu’on avait escamoté le fonds qu’il
avait créé pour la magistrature. Comment se fait-il que le gouvernement, qui
combattait la mesure proposée par l’honorable M. Verhaegen, vienne maintenant
présenter une mesure fondée sur un principe identique. Je ne puis m’expliquer
cette conduite. Quant à moi, aujourd’hui comme alors, le principe de deux
caisses dans l’Etat est faux et contraire à une administration régulière.
Je n’en dirai pas davantage au point de vue de la navigation à vapeur,
mais je désire que ses produits viennent dans les caisses de l’Etat, comme tous
les autres revenus publics. Quand nous serons à cet article, je proposerai un
amendement, si je trouve de l’appui en faveur des idées que je viens d’émettre.
Reste la réorganisation de la poste à chevaux, question d’une très-haute
gravité, question d’intérêt général et d’intérêt politique.
A ce point de vue, je partage l’opinion de l’honorable M. de Mérode. Je
pense que l’organisation de la poste aux chevaux doit avoir lieu même en regard
du chemin de fer ; il peut arriver telles circonstances qui nécessitent
l’emploi de ce service. L’honorable comte exige aussi que ces lignes de poste
soient établies seulement sur les grandes lignes, de la capitale vers les pays
voisins. Ici encore, je suis d’accord avec l’honorable comte. Je demanderai à
M. le ministre quel est son système à ce point de vue. Aujourd’hui, les routes
les plus insignifiantes sont qualifiées de lignes de poste ; uniquement
pour rançonner des petites messageries l’impôt de 25 centimes par poste et par
cheval ; uniquement pour se faire un revenu d’un impôt injuste, d’un impôt
contraire au progrès, au commerce et à la civilisation.
Je traiterai ce point en répondant à quelques observations de
l’honorable M. Donny.
Je reviens aux interpellations que j’ai adressées à M. le ministre des
travaux publics. Je lui demande positivement quelles sont les lignes qu’il
entend déclarer lignes de poste. En faisant cette déclaration, et en indiquant
le nombre de relais, nous serons à même d’apprécier les dépenses que
nécessitera utilement la réorganisation de ce service. J’ai demandé aussi
quelle était la base de l’indemnité que le gouvernement entendait accorder aux
maîtres de postes ; ces données et ces renseignements sont indispensables.
Voulez-vous que le gouvernement soit autorisé à réorganiser la poste, à donner
aux maîtres de postes l’indemnité qu’il jugera convenir, et déclarer lignes de
poste les routes qu’il lui plaira de désigner ? Ce n’est pas là faire une
loi, c’est dire au gouvernement : Faites ce que vous voudrez. Moi, cela ne
me convient pas.
Si je n’ai pas mes apaisements sur le système du gouvernement, sur les
routes qu’il entend déclarer lignes de poste, s’il ne dit pas les indemnités
qu’il entend accorder aux maîtres de poste,s’il ne fait pas connaître quel sera
le minimum et le maximum de l’indemnité, en un mot, le système qu’il suivra,
j’avoue que je ne pourra donner mon assentiment à la loi. Ce sera à mon grand
regret, car je regarde la réorganisation de la poste aux chevaux comme
très-utile, comme indispensable à la chose publique.
J’ai annoncé aussi l’intention de présenter un amendement pour supprimer
le droit de 25 centimes payé par les petites messageries sur les routes
déclarées lignes de poste. Dans une séance précédente, l’honorable M.
d’Elhoungne et moi avons signalé l’injustice qui résultait de l’état de choses
actuel. L’honorable M. Donny, pour combattre les considérations, que nous avons
présentées, s’est placé à l’époque et dans les circonstances de la loi du 15
ventôse an XIII. Restant sur ce terrain et ne tenant aucun compte des
changements intervenus, il s’est demandé si cette loi avait quelque chose
d’injuste. En partant de là je dois reconnaître que cette mesure législative
n’avait rien d’inique.
Mais il y a injustice à maintenir cette loi quand la face du pays a
changé, quand les voies de communication ont subi une métamorphose.
Etes-vous dans l’état où vous étiez quand la loi de ventôse an XIII a
été portée ? Non sans doute, les chemins de fer ont anéanti les besoins
des postes pour la plupart des populations dans le royaume. Quelle est la
fraction du pays qui supporte aujourd’hui l’impôt de la loi du 15 ventôse an
XIII ? C’est précisément celle qui retire le moins d’avantage des grandes
voies de communication créées avec l’impôt de tous les Belges. Les 25 centimes
d’impôt qu’on veut maintenir pour alimenter le fonds spécial destiné à
réorganiser la poste aux chevaux, même parallèlement au chemin de fer, seraient
payés par les localités les moins bien dotées pour celles qui ne jouissent
point du chemin de fer.
Je n’hésite pas à le dire, et la chambre, je l’espère, partagera mon
opinion, la conservation de cet impôt est une injustice manifeste.
Tout le monde le reconnaît : la réorganisation de la poste aux
chevaux doit avoir lieu dans l’intérêt social tout entier ; dès-lors vous
ne pouvez en (page 1432) faire supporter les frais
exclusivement par les localités les moins favorisées du pays, mais bien par la
nation entière et par le trésor public.
M. le ministre a reconnu la justesse de mes observations à cet égard, en
disant que s’il s’agissait d’établir ce droit, il ne le ferait pas. Par cet
aveu, M. le ministre reconnaît lui-même l’injustice de cet impôt ; or,
s’il serait injuste de l’établir, il est évident que les mêmes motifs doivent
conduire à le supprimer…
M. Donny – Proposez quelque chose de mieux.
M.
de Garcia – Mais la proposition va d’elle-même.
Si le service de la poste est d’utilité publique, c’est le trésor public qui
doit faire les frais nécessaires pour l’assurer.
Pour maintenir le droit de 25 centimes par cheval et par poste qu’on
prélève sur les messageries, l’honorable M. Donny a dit que l’Etat a un
privilège. Eh bien, je ne veux pas de privilège ; ceci peut paraître
étrange jusqu’à un certain point, mais je demande l’abrogation de ce que
l’honorable M. Donny qualifie de faveur et de privilège pour les localités dont
je défends les intérêts dans ce moment. J’espère que je trouverai appui dans
cette chambre, car je pense que personne n’y aime les mesures qui peuvent
porter un semblable cachet.
Messieurs, d’après ce que je viens d’avoir l’honneur de dire, vous voyez
que mes observations ont deux buts essentiels : d’abord que les frais du
service de la poste soient à la charge du trésor ; qu’il n’y ait pas de
fonds spécial pour un objet d’intérêt général ; en second lieu, qu’on
supprime le droit de 25 centimes par cheval et par poste auquel sont soumises
les messageries. Sous ces deux rapports, je me réserve de présenter des
amendements quand nous en seront venus aux articles.
M.
de Theux – La discussion se complique de tant
de questions qu’il est très-difficile de la suivre. Il me semble qu’il serait
préférable de clore la discussion générale et de passer à la discussion des
articles. (Adhésion.)
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je me rallie à cette proposition.
- La chambre consultée prononce la clôture de la discussion générale.
Article 1er
« Art.
1er. Il sera
établi entre
« A cet effet, il est ouvert au département des travaux publics,
pour l’acquisition de trois paquebots, un crédit de un million de francs, à
couvrir par émission de bons du trésor. »
M. Osy – Comme j’ai eu l’honneur de vous l’annoncer, je
demande que, si l’on adopte l’art. 1er le gouvernement s’engage à
créer ce service avec publicité et concurrence.
Ce qu’on vous propose, c’est « l’acquisition » de trois
paquebots. Je proposera de substituer à ce mot celui de
« construction ».
A cela j’ajouterai que lorsque la société d’Anvers s’est établie, elle a
acquis son premier paquebot à l’étranger. Les autres ont été construits dans le
pays, à Bruges et à Anvers ; ce sont des modèles de navires. Les machines
viennent d’Angleterre ; elles peuvent servir de modèles à nos ateliers,
s’ils en ont besoin. Mais je suis persuadé que les ateliers belges sont assez
avancés pour construire eux-mêmes ces machines, sans modèles de l’étranger. Je
demande donc que la construction des machines ait lieu dans le pays.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Je ne crois pas nécessaire de revenir sur les
considérations qui ont déjà été développées dans cette discussion sur l’utilité
d’un service de bateaux à vapeur entre Ostende et Douvres.
L’honorable M. Osy réclame du gouvernement des renseignements
relativement à l’acquisition des trois bateaux que ce service nécessite. Il
s’est plaint de ce que la chambre n’avait pas sous les yeux des documents
suffisants, des devis, des évaluations, de manière à pouvoir éclairer son
vote. L’honorable membre probablement n’avait pas sous les yeux le rapport très-circonstancié
de la commission spéciale qui a examiné à fond la question des bateaux à
vapeur. Dans l’exposé des motifs de la loi, j’ai rectifié ces calculs. En
lisant ce rapport, à la page 23, l’honorable membre aurait pu se convaincre que
le gouvernement a entre les mains une soumission de la société de Seraing, pour
la construction de ces trois bateaux à vapeur.
L’honorable membre demande si le gouvernement a l’intention de les faire
construire dans le pays. Oui, c’est l’intention du gouvernement. Cependant, je
ne voudrais pas qu’on liât le gouvernement d’une manière trop absolue. Il y
aura à examiner s’il ne serait pas utile (peut-être les constructeurs belges
eux-mêmes le demanderont-ils) de pouvoir acquérir à l’étranger un bateau qui
servirait de modèle aux autres. Si le gouvernement peut s’en passer, il le
fera. Mais c’est un point sur lequel je désire conserver toute latitude.
Relativement à la concurrence et à la publicité, je crois qu’il est
impossible d’imposer cette condition au gouvernement. Il y a très-peu
d’établissements qui aient l’habitude de faire ces constructions ; le
gouvernement devra choisir entre ces établissements qui sont très-peu nombreux
dans le pays.
L’honorable M. Osy voudrait que l’on substituât le mot
« construction » au mot « acquisition ». L’expression
serait impropre ; car construction suppose un travail en régie. Or
évidemment le gouvernement devra acquérir soit à l’étranger, soit dans le pays.
Il me paraît donc que les termes de la loi ne peuvent être modifiés.
Je le répète ; l’intention du gouvernement est de faire construire
les bateaux dans le pays. Seulement je fais une réserve relativement à la
question de savoir s’il ne serait pas utile d’acquérir un bateau qui servirait
de modèle aux autres.
M. de Muelenaere – Je pense qu’il doit être entendu que les paquebots seront construits
dans le pays. Toutefois, je ne veux pas enlever au gouvernement une certaine
latitude à cet égard. L’explication donnée par M. le ministre des travaux publics
me paraît satisfaisante.
Mais, j’ai une autre observation à faire sur la rédaction du § 1er
de cet article. Je vois, dans cet article, que le gouvernement serait en
quelque sorte dans l’obligation d’établir entre
A moins que M. le ministre des travaux publics n’ait des motifs spéciaux
pour que l’on conserve la rédaction, je demande la suppression du mot
« quotidien », afin que le gouvernement ait tout latitude à cet
égard.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne m’oppose pas à la suppression ; car
le gouvernement restera libre d’établir ce service quotidien. Je veux seulement
faire remarquer que je crois à la nécessité de ce service quotidien. Le grand
défaut de nos relations avec l’Angleterre, c’est précisément de ne pas être
quotidiennes. Il y a, par semaine, 4 départs de bateaux de l’office
britannique, approprié au service des dépêches et non à celui des voyageurs. Il
n’y a que deux jours par semaine départ de bateaux de la compagnie de Douvres.
Il y a donc nécessité d’un service quotidien, afin d’amener une grande
affluence de voyageurs.
Je ne m’oppose pas, je le répète, à la suppression, parce que le
gouvernement reste libre d’organiser le service d’après les besoins publics.
M. d’Elhoungne – Le crédit dont il s’agit est ouvert au département des travaux publics.
Je crois qu’il devrait être ouvert au département de la marine ; car il
faudra que l’achat se fasse de commun accord entre les deux départements. C’est
le personnel de notre marine qui doit faire le service de ces paquebots ;
il devra être consulté au sujet de l’acquisition.
Je n’appuie pas la proposition de l’honorable député d’Anvers. Je crois
qu’il serait dangereux d’imposer d’une manière trop absolue l’obligation de
faire construire les trois paquebots dans le pays, parce que le nombre des
établissements qui peuvent construire ces paquebots étant très-restreint, ils
pourraient faire la loi au gouvernement, si cette obligation lui était imposée.
Je pense donc que cette proposition ne peut trouver d’appui dans cette
assemblée, et qu’il faut maintenir la rédaction en ajoutant « et au
département de la marine ».
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – On pourrait ouvrir le crédit au
gouvernement.
M.
d’Elhoungne
– Fort bien, s’il
est entendu que le département de la marine intervient.
M.
Rogier – Il faudrait entrer dans une discussion
générale fort étendue, si l’on voulait répondre à toutes les observations d’un
honorable député de Charleroy.
Mais comme nous aurons prochainement à nous expliquer sur le système de
l’intervention de l’Etat, opposé au système de l’intervention de l’intérêt
privé, nous pouvons aujourd’hui restreindre le débat. Pour moi, je ne suis
absolu dans l’un ni dans l’autre système. Je ne demande pas que l’Etat fasse
tout, mais je ne voudrais pas non plus qu’il ne fît rien.
L’opinion de l’honorable M. Pirmez remonte, qu’il me permette de le
dire, à cette doctrine déjà un peu vieillie des économistes qui voulaient que
le rôle du gouvernement consistât à ne rien faire, qu’il se bornât à la mission
de lever des hommes et de l’argent.
Je crois, messieurs, que le gouvernement, en se présentant exclusivement
aux populations sous l’aspect d’un gendarme, ou d’un receveur des
contributions, ne fait pas précisément ce qu’il faut pour répandre parmi elle
ces sentiments de sympathies et de bien-être que l’honorable préopinant prétend avoir disparu depuis que le
gouvernement s’est occupé de faire le bien du pays en intervenant dans les
travaux publics.
On a cité, messieurs, l’exemple de l’Angleterre, où le gouvernement ne
fait rien, où l’industrie privée fait tout. Mais si l’honorable préopinant a
suivi l’histoire parlementaire contemporaine, il verra que, dans ce pays de
progrès, il se fait une réaction contre la maxime du laisser faire, et de la
nullité gouvernementale.
Dans un mémoire remarquable émané du ministère du commerce, des agents
supérieurs de l’administration de sir Robert Peel vont jusqu’à réclamer en
faveur de l’Etat britannique le rachat de toutes les concessions de chemins de
fer, rachat qui peut aller jusqu’à une somme de 1,500 millions de francs. Voilà
ce qui est proposé aujourd’hui en Angleterre par le parti conservateur. Et
pourquoi ? Parce que ce parti conservateur comprend la nécessité d’assurer
le bon marché des transports au commerce et à l’industrie, parce qu’il comprend
qu’il n’y a, dans l’avenir, de tranquillité pour le pays, de sécurité pour le
gouvernement qu’à la condition de s’occuper surtout du bien-être des classes
inférieures, de ne pas les laisser impitoyablement exposées aux persécutions, à
la rapacité de l’intérêt privé.
Le tableau des vexations exercées par certains concessionnaires de
chemins de fer vis-à-vis des classes ouvrières a été vigoureusement tracé, dans
ce mémoire de l’administration anglaise. J’engage l’honorable M. Pirmez à se
pénétrer de cette lecture. Il pourra revenir de ce qu’il y a de trop absolu (page 1433) dans ses opinions. Et
vraiment, je ne comprends pas, messieurs, comment l’honorable membre, dont je
ne mets pas en doute, d’ailleurs la parfaite indépendance, mais qui a toujours
figuré presqu’invariablement dans les rangs des défenseurs des ministères,
quels qu’ils fussent, se montre aujourd’hui si défiant vis-à-vis du
gouvernement.
M.
Pirmez – Je demande la parole.
M.
Rogier – Messieurs, c’est parce que je suis
partisan de l’intervention sage et limitée du gouvernement, que je ne voudrais
pas la voir compromise dans des entreprises faites ou étudiées à la
légère ; et, sous ce rapport, je dois le dire, la proposition relative aux
bateaux à vapeur semble se ressentir de l’esprit qui a présidé à la rédaction
de la loi entière dans laquelle cette proposition se trouve englobée. Déjà M.
le ministre des travaux publics vient de faire disparaître de son projet ce qui
est faisait l’élément principal.
Une idée étendue, élevée même, dominait le projet de loi. Cette idée
consistait à charger le gouvernement de tous les transports dans le royaume.
Messieurs, elle avait, sans doute, été profondément étudiée, et elle méritait
certes d’être défendue. Mais à peine a-t-elle éprouvé quelque résistance que
tout de suite M. le ministre des travaux publics s’est montré disposé à la
retirer.
Mais cette première proposition retirée, la seconde qui était la
réorganisation de la poste aux chevaux combinée avec l’établissement des
transports par l’intervention du gouvernement, vient évidemment aussi de
tomber. Car je ne pense pas que M. le ministre des travaux publics veuille se
borner maintenant à demander pour les directeurs de la poste aux chevaux un
subside de 3 à 400,000 fr., sans combiner la réorganisation du service de la
poste aux chevaux avec l’organisation du service des transports. Je concevrais
l’indemnité à accorder aux maîtres de poste, si M. le ministre avait voulu
faire marcher les deux choses ensemble. Mais pouvons-nous maintenant décider
que MM. les maîtres de poste, outre les 240,000 francs qu’ils reçoivent des
entreprises de messageries, obtiendront, en outre, du gouvernement, un subside
de 250,000 francs, sans savoir et sans déterminer quelles obligations nouvelles
leur incomberont, de quels nouveaux services ils seront chargés ?
Ces dispositions me paraissent donc mériter un plus mûr examen.
Je retrouve aussi des traces de légèreté dans le système propose pour
l’établissement des bateaux à vapeur. On nous a présenté le tableau comparé des
dépenses qu’occasionnerait le service exploité par l’Etat et exploité par des
particuliers, et on en fait entre les mains du gouvernement une fort belle
affaire. Pour les particuliers, les charges sont énormes ; pour l’Etat, au
contraire, ces charges sont presque nulles.
Messieurs, il ne faut pas se faire illusion : dans l’intérêt du
principe de l’intervention de l’Etat, il importe d’éviter l’exagération, les
faux calculs.
On dit qu’un service de transports par bateaux à vapeur aux mains de l’Etat
aura à faire moins de dépense qu’un service établi par des particuliers, et
voici le calcul que je trouve dans le rapport de M. le ministre :
Pour le personnel de trois bateaux à vapeur, une société aurait à
dépenser 67,155 francs ; l’Etat, au contraire, ne dépensera rien. Pourquoi
cela ? Parce que, dit-on ; l’Etat emploiera dans les bateaux le
personnel de la marine. Mais si l’on prend à la marine son personnel pour le
placer dans les bateaux à vapeur, ne faudra-t-il pas remplacer ce personnel de
la marine ? J’interrogerai sur ce point M. le ministre des affaires
étrangères. Si ce personnel est tellement disponible, qu’il puisse sans
inconvénient passer d’une manière permanente à un autre service, je demanderai
à quoi il sert aujourd’hui ? Ou ce personnel qu’on enlèverait à la marine
devrait être remplacé ; ou nous devons conclure qu’il n’a rempli qu’une
sinécure depuis que nous avons une marine.
Il y a plus. Le personnel de la marine ne peut suffire entièrement à
desservir les bateaux à vapeur, parce que autre est le personnel des bateaux à
vapeur et autre est celui de la marine. Voici à cet égard quelques détails
extraits des documents fournis par M. le ministre des travaux publics.
Il y aura, outre le personnel que l’on pourrait emprunter à la marine, trois
chefs mécaniciens et trois chauffeurs. Peut-être prendra-t-on ces chefs
mécaniciens et ces chauffeurs au chemin de fer. Mais alors je ferai pour le
chemin de fer la même observation que pour la marine. Ou il faudra remplacer
ces mécaniciens et ces chauffeurs au chemin de fer, ou, s’il ne faut pas les
remplacer, il y avait de ce chef des sinécures. Mais, messieurs, il n’y a pas,
on peut le croire trop de mécaniciens et de chauffeurs au chemin de fer, et si
on lui en emprunte, il faudra les lui rendre. Il n’y aura donc pas économie.
Il faut aussi que les bateaux à vapeur aient le personnel domestique
nécessaire : trois maîtres d’hôtel à 1000 fr. ; trois cuisiniers à
1000 fr. ; six domestiques à 600 fr. Ce personnel ne pourra pas être
enlevé à la marine militaire. On nous a dit aussi qu’il faut sur chaque bateau
une femme de chambre, épouse légitime
d’un des marins de l’équipage. (On rit).
Messieurs, cette condition a été dictée par un sentiment très-moral ;
comptons donc encore trois épouses légitimes pour les trois bateaux à vapeur,
et ces épouses légitimes, vous ne les enlèverez pas à la marine nationale.
Voilà donc, messieurs, autant de dépenses qui ne figurent pas dans le
relevé des dépenses à charge de l’Etat et qui cependant ne doivent pas être
perdues de vue.
Il y aura, messieurs, un autre mécompte bien plus considérable. Trois
bateaux à vapeur, desservis par une société particulière, ont à payer par an à
l’Etat, en frais de pilotage, de tonnage, de fanaux, de port, une somme de 68
mille fr. M. le ministre nous dit dans son rapport : « L’Etat étant
exempt de ces frais, il jouit par là d’un grand avantage. » Mais la
chambre verra tout de suite qu’il y a là une grande erreur, car si le
gouvernement ne reçoit pas les 68 mille francs de ses propres bateaux à vapeur,
et si ces bateaux empêchent les particuliers d’établir un service, l’Etat perd
évidemment ce qu’il ne perçoit pas.
On dit que nos bateaux à vapeur, ne transportant que des voyageurs, des
dépêches, et des matières d’or et d’argent, seront considérés en Angleterre
comme des bâtiments de guerre, et n’auront presque pas de frais à supporter. Je
désire que cette assertion soit exacte ; cependant on fait figurer parmi
les choses à transporter, outre les voyageurs et les matières d’argent, 150 voitures,
100 chevaux, 50 chiens.
Je ne sais si en Angleterre ces objets sont considérés comme matières
d’or et d’argent ou comme dépêches (on
rit) ; mais s’ils n’étaient pas considérés comme tels ou comme
accessoires des voyageurs, les bateaux à vapeur ne pourront les transporter
sans s’exposer à payer les droits ; ou s’il fallait renoncer aux
transports des voitures et des chevaux, il y aurait 16 mille francs à
retrancher de ce chef dans les recettes.
Il faut donc, messieurs, ne pas s’exagérer dans cette circonstance les
avantages de l’exploitation par l’Etat, comparée à l’exploitation par les
particuliers. Je ne suis pas contraire à ce que l’Etat exploite 3 bateaux à
vapeur ; mais j’aurais voulu que M. le ministre eût présenté à l’appui de
sa proposition des calculs plus exacts. Ceux qu’ils nous a soumis pèchent par
la base, et s’il n’y avait pas, messieurs, urgence, je crois que l’on ferait
bien d’ajourner toute la loi, dont la partie principale se trouve déjà retirée.
D’ici à la session prochaine, M. le ministre pourrait se livrer à une étude
plus approfondie de la question, et nous présenter alors un système plus
complet et plus acceptable.
M.
Pirmez – Messieurs, je ne vois pas où
l’honorable M. Rogier trouve dans mon discours que le gouvernement ne devait se
présenter aux populations que sous la forme d’un gendarme. J’ai dit qu’il ne
fallait lui donner que ce qui était nécessaire à la conservation et à la bonne
administration d’une société politique, et j’ai cité la justice, l’armée, la
perception de l’impôt et l’administration civile. En quoi cette proposition
dit-elle que le gouvernement doit apparaître sous l’aspect d’un gendarme ?
L’honorable membre dit qu’il se fait une réaction en Angleterre. Je
croirai à l’exploitation des chemins de fer par le gouvernement anglais,
seulement lorsque cet événement arrivera. Cette opération répugne trop à ses
institutions, pour que j’y croie avant qu’il ne soit arrivé.
Je sais, ou au moins j’ai entendu dire, qu’il existait des brochures sur
ce sujet, et même qu’une proposition de loi d’achat avait été faite au
parlement. Mais assurément cette proposition n’a pas pour but de faire
exploiter les chemins de fer par le gouvernement.
Mon discours avait pour but principal de démontrer que l’absorption d’un
grand nombre d’intérêts par le gouvernement, devait amener l’immoralité et la
corruption dans la société. Voilà la thèse que j’ai soutenue. C’est à cela
qu’il faudrait répondre. L’honorable membre n’en a rien dit.
L’honorable M. Rogier, en me reprochant de soutenir tous les ministères,
s’étonne de ce que je le combatte si fort aujourd’hui. A la vérité, je ne veux
pas renverser un ministère uniquement pour le plaisir de le renverser. Je crois
même qu’on ne doit pas le faire légèrement. Mais je ne lui sacrifie pas mon
opinion, et moins dans la matière qui nous occupe qu’en toute autre.
Quant à l’expression d’économie politique vieillie, dont il a qualifié
ce que j’ai dit, cette expression n’est ni une preuve ni un raisonnement, et
chacun peut facilement en gratifier son adversaire.
M.
Osy – Messieurs, vous vous rappellerez
tous que sous le ministère de notre honorable président, vous aviez voté une
somme de 400 mille fr. pour subsidier une société de bateaux à vapeur, et que,
sous le ministère de l’honorable M. Nothomb, ces 400 mille fr. ont été
capitalisés pour acheter deux bateaux à vapeur qui coûtaient 4 millions. Ce
fait me semble prouver la nécessité de ne pas faire une loi aussi vague que la
disposition de l’art. 1er. J’ai toute confiance dans la déclaration
de l’honorable M. Dechamps, qu’il compte acheter tout au plus un seul navire à
l’étranger et faire construire les deux autres dans les principaux ateliers du
pays ; si j’étais sûr que l’opération se ferait pendant le ministère de
l’honorable M. Dechamps, je ne demanderais rien ; mais, comme le ministère
pourrait changer, je demande positivement que M. le ministre consente à ce
qu’on mette au procès-verbal qu’il pourra acheter tout au plus un seul navire à
l’étranger et que les autres seront construits dans le pays. A cette condition,
je retire mon amendement.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Messieurs, je ne trouve aucune difficulté à ce
que la déclaration que j’ai faite soit insérée au procès-verbal.
Je ne veux pas prolonger cette discussion, mais je dois dire deux mots
de réponse à quelques observations faites par l’honorable M. Rogier. D’après
l’honorable membre, l’ajournement de l’art. 2 du projet de loi ferait perdre à
ce projet le caractère d’ensemble qu’il avait primitivement. Le projet,
messieurs, avait un double but ; il avait un but d’utilité générale,
c’était l’établissement de bateaux à vapeur, et de certains services en dehors
du chemin de fer ; il avait un autre but, la centralisation de l’impôt de
25 centimes pour former un fonds spécial. Au point de vue de l’utilité générale
qu’avait le projet je conviens que l’ensemble n’existe plus au même degré que
lorsque le projet a été présenté, mais il ne faut pas oublier que le but
initial du projet de loi était le maintien et la réorganisation de la poste aux
chevaux.
Pour maintenir et réorganiser la poste aux chevaux, sans recourir
directement au trésor public, il faut trouver le moyen de couvrir une dépense
qui est évaluée à 250,000 fr., et non pas à 500,000 fr., comme le dit
l’honorable membre. Eh bien, au pont de vue financier du projet de loi, le
retrait de l’art. 2 ne change rien à l’ensemble. On n’avait pas compté sur les
services de messagerie pour constituer le fonds spécial ; le fonds spécial
(p. 1434) continuera d’exister à
l’aide des 25 centimes centralisés, et à l’aide des revenus des paquebots à
vapeur. Ainsi, messieurs, le gouvernement pourra réorganiser les relais de la
poste aux chevaux, et, en deuxième lieu, il pourra desservir la ligne
importante de bateaux à vapeur, sans l’article 2, comme avec l’art. 2.
L’article 2 avait une utilité très-grande, et comme je l’ai déjà indiqué, je me
réserve de demander au budget prochain des allocations, pour établir certains
services sur des lignes déterminées.
Messieurs, je n’ai pas retiré l’art. 2 légèrement et sans motif ;
j’ai indiqué les motifs qui me déterminaient à proposer l’ajournement de cet
article ; c’était ce fait nouveau de concessions de lignes assez
nombreuses de chemins de fer que nous sommes venus demander à la législature.
Il est évident pour tous que les bases de l’organisation de ces services de
messagerie, considérés comme affluents du chemin de fer, que ces bases ont été
profondément modifiées par la présentation des projets dont il s’agit. J’ai dû
demander des renseignements nouveaux qui ne me sont pas encore fournis, et
l’ajournement de l’article 2 à la session prochaine n’a pas eu d’autres motifs
que celui-là.
L’honorable M. Rogier a cru que le gouvernement ne s’était pas entouré
d’assez de renseignements relativement à l’organisation du service de bateaux à
vapeur. Mais, messieurs, il est arrivé bien rarement que le gouvernement réunit
autant de renseignements qu’il en a réuni pour l’organisation de ce service.
Ainsi, on a nommé une commission spéciale, composée des directeurs du chemin de
fer, d’un fonctionnaire de la marine, d’un fonctionnaire supérieur des postes.
Cette commission a fait un travail étendu. Depuis, messieurs, ses calculs ont
été vérifiés. J’en ai présenté les résultats à la chambre et l’expérience faite
depuis le mois d’août par la société de Douvres, a confirmé, et au-delà, toutes
les prévisions de produits qui ont été présentées. Il est fort probable que
quelques dépenses de personnel seront nécessaires, mais on comprendra que le
gouvernement n’aura pas les frais d’administration générale que doit avoir une
compagnie. Ainsi par exemple le service des dépêches se fera sur le bateau à
vapeur, par le personnel des postes, comme il se fait sur les bureaux ambulants
du chemin de fer. Le gouvernement espère trouver dans le corps de la marine,
sans augmenter de beaucoup l’effectif de la marine, le personnel nécessaire
pour desservir ces bateaux.
L’honorable M. Rogier a soutenu que les frais de pilotage et de port
n’étaient pas un bénéfice pour l’Etat. La réflexion que l’on a voulu faire à
cet égard, c’est que l’Etat, considéré comme rival d’une compagnie, n’aurait
pas à payer, en Angleterre, par exemple, les frais de port, de fanaux et de
pilotage, qui tous sont à la charge d’une société particulière. On a présenté
cette observation, non pas en considérant l’Etat sous le point de vue du trésor
public, mais en le considérant comme concurrent d’une société particulière.
Je le répète, messieurs, il serait impossible de s’entourer de plus de
renseignements que ne l’a fait le gouvernement. Si la chambre adoptait
l’ajournement proposé par l’honorable M. Rogier, le gouvernement ne pourrait
que nommer une commission nouvelle composée probablement des mêmes membres qui
faisaient partie de l’ancienne. Je ne vois donc pas que l’ajournement puisse
présenter le moindre avantage. (Aux
voix ! aux voix !)
M.
le président
– Si personne ne
demande plus la parole je déclarerai la discussion close.
- La suppression du mot « quotidien »
est d’abord mise aux voix et adoptée.
- La chambre adopte ensuite la proposition tendant à substituer les mots
« au gouvernement » à ceux de : « au département des travaux publics ».
L’article ainsi modifié est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à 4 heures et demie.