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Sommaire
1)
Pièces adressées à
2) Rapports de pétitions (raccordement d’Andenne au chemin de fer de Namur à Liége ; taxes de barrières)
3) Lecture d’une lettre du directeur du Moniteur (Lys, de Man d’Attenrode)
4) Projet de Budget du département des travaux publics pour l’année
1845.
a) Chapitre III – Chemin de fer et postes. Deuxième section. Postes. Service de la malle-poste dans la province de Luxembourg (Zoude, d’Hoffschmidt, Dechamps), réforme postale (d’Hoffschmidt, Rodenbach, de Garcia), situation des facteurs ruraux (de Garcia), réforme postale (Savart-Martel), Service de la malle-poste dans la province de Luxembourg (Pirson, Jadot), réforme postale, conventions internationales (Osy), réforme postale (Rogier, Dechamps), Service de la malle-poste dans la province de Luxembourg (d’Hoffschmidt), réforme postale (Lejeune), résultat d’exploitation de la poste aux lettres (Osy)
b) Chapitre IV. Mines. Situation des conducteurs de mines non issus de l’école des mines (Lesoinne, Dechamps, Delfosse, Lesoinne), traitements et nombre des ingénieurs (Delfosse, Dechamps, d’Hoffschmidt, Delfosse)
c) Chapitre V – Pensions. Pension de l’ancien receveur du canal de Mons à Condé (Savart-Martel, Dechamps)
d) Chapitre II – Ponts et chaussées – Canaux – Rivières – Polders – Ports et cotes – Bâtiments civils – Personnel des ponts et chaussées. Section 4 – Bâtiments civils. Entrepôt d’Anvers et intérêt de remplacement le bois par le fer dans les constructions civiles, pétition Marcellis (Osy, Manilius, Dechamps, David, de Mérode, Dubus (aîné), Dechamps, de Mérode, Osy, Mercier, Fleussu, Mercier, Cogels, Delfosse, Eloy de Burdinne)
(page 1123) (Présidence de M. Liedts)
M.
Huveners fait
l’appel nominal à une heure.
M.
de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction
en est approuvée.
Pièces
adressées à
M.
Huveners
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
« Les membres de
l’administration communale de Silly demandent la rectification des limites du
territoire de cette commune. ».
« La veuve Dubois réclame l’intervention
de la chambre pour que son fils unique, dont elle a demandé l’exemption du
service militaire, ne soit pas forcé de se rendre à son corps. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
______________________________
« L’administration de Mons prie la chambre
de déclarer que les lois existantes mettent la dépense des transports
militaires à la charge de l’Etat et d’ordonner que le trésor y pourvoie, ou
bien d’adopter une disposition nouvelle qui consacre expressément ce
principe. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________________
« La chambre de commerce et de fabriques
d’Anvers présente des observations contre la proposition de loi sur les
céréales. »
- Renvoi à la section centrale qui sera chargée
d’examiner la proposition de loi.
______________________________
« Le conseil communal de Diest demande que
le chemin de fer qui doit relier la province de Limbourg à la grande artère des
voies ferrées par St.-Trond et Weyer bifurque à ce dernier point vers Hasselt
et Diest. »
- Renvoi à la section centrale chargée de
l’examen du projet relatif à divers travaux publics.
_________________________
« Des propriétaires de la ville de Liége,
au nombre de 43, se plaignent de la destruction de la chasse par des
braconniers ; ils demandent qu’une loi nouvelle sur la chasse remplace
celle de 1790 ; ils expriment le désir de voir adopter les dispositions de
la loi française, en priant la chambre (pour autant que ses travaux ne lui
permettent pas de discuter une loi complète sur la chasse dans le courant de
cette session) de voter au moins quelques dispositions transitoires propres à
arrêter le braconnage. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_____________________________
Par message du 12 mars, le sénat informe la
chambre qu’il a adopté le budget de l’intérieur.
- Pris pour notification.
Rapports
de pétitions (raccordement d’Andenne au chemin de fer de Namur à Liége ;
taxes de barrières)
M. Zoude, rapporteur – Plusieurs propriétaires industriels, fabricants et négociants d’Andenne,
demandent que la concession du chemin de fer de Namur à Liége soit subordonnée
à la condition d’établir un raccordement d’Andenne au chemin de fer par un pont
sur
Les pétitionnaires fondent leur demande sur les
nombreux produits de leur industrie qui ont besoin d’un prompt
écoulement ; ils la fondent encore sur l’intérêt même du concessionnaire,
parce que la route de Ciney à Andenne fournit au chemin de fer beaucoup de
voyageurs et de marchandises au département des travaux publics.
- Ce renvoi est ordonné
_______________________________
« Plusieurs adjudicataires et
concessionnaires des taxes des barrières établies dans l’arrondissement
d’Audenaerde demandent la révision de la loi du 18 mars 1833 sur les barrières. »
Les pétitions fondent leur réclamation sur
l’abus que l’on ferait des exemptions accordées par les §§ 8 et 14 de l’art. 7
en faveur de l’agriculture pour le transport des engrais et de la chaux..
Ils insinuent que les autorités locales abusent
de la faculté des déclarations que leur attribue le § 12 du même article ;
ce soupçon n’est pas partagé par votre commission.
Toutefois, elle ne peut se refuser à vous
proposer le renvoi de cette pétition à MM. le ministre de l’intérieur et des
finances, en leur rappelant cependant ce que disait M. le ministre du commerce
à la tribune française, en 1836, que les intérêts agricoles sont tellement
essentiels, qu’il faut éviter jusqu’à l’apparence de ce qu’ils croiront leur
être dommageable.
Votre commission vous propose de renvoyer cette
pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.
- Ce double renvoi est ordonné.
Il est donné lecture de la lettre
suivante :
« Bruxelles, le 11 mars 1845
« M. le président,
« Des plaintes se sont élevées hier à la
chambre, au sujet de quelque incorrections qu’on a signalées dans le numéro du Moniteur de dimanche, 9 mars. Sans
entrer dans de longues explications à cet égard, je crois devoir vous faire
connaître que la démission donnée samedi par l’un des correcteurs et la maladie
de l’autre, ont amené divers embarras qu’a augmentés la nécessité de publier en
15 ou 16 heures, 32 colonnes, dont 24 consacrées aux Annales parlementaires. Il
doit donc paraître peu surprenant que quatre fautes typographiques soient
restées dans le journal. J’aurai l’honneur de vous faire observer d’ailleurs
qu’une des fautes signalées, ne mérite pas ce nom. Annonçant dans le même
numéro les obsèques de M. le docteur Van Cutsem, on eut pu trouver singulier
que dans le programme des cours de l’université de Bruxelles, on continuât à
indiquer le défunt au nombre des professeurs.
« Restent les véritables fautes
typographiques qu’il convient d’attribuer autant à la rapidité du travail, qu’à
la nécessité où je me suis trouvé de réclamer le secours de correcteurs, très
habiles sans doute, mais qui n’étant pas habitués au genre de travail que l’on
est obligé d’adopter au Moniteur
ont pu être un peu dépaysés.
« J’ose espérer, M. le président, que la
chambre entendra avec bienveillance les explications que j’ai l’honneur de vous
adresser. Des mesures sont prises pour que désormais la correction soit faite
avec autant de soin que le peut comporter un travail aussi précipité, et pour
que les diverses réclamations faites dans la séance d’hier, reçoivent leur
légitime satisfaction.
« Le directeur du Moniteur, Ph. BOURSON »
M.
Lys – Messieurs, on vient de vous donner
lecture d’une lettre adressée à la chambre par le directeur du Moniteur. Je crois que le résultat de
cette lettre aurait dû nous arriver par la voie de M. le ministre de la justice
(page 1124). Le directeur du Moniteur
ne doit pas correspondre directement avec la chambre (Adhésion).
J’ajouterai que certains
journaux parlent souvent contre les membres de cette chambre qui corrigent
leurs discours, les accusent même de les changer entièrement. Moi j’ai trouvé
le discours que j’ai prononcé à la séance d’avant-hier, complètement changé
dans le Moniteur ; il n’y a eu aucune faute ni de ma part, ni de la part
de MM. les sténographes, car MM. les sténographes avaient très bien recueilli
mon discours et m’en avaient soumis la copie pendant la séance ; je
l’avais revu immédiatement, et il avait dû arriver à l’imprimerie avant cinq
heures du soir.
J’ai été fort étonné de voir qu’on avait
intercalé dans ce discours des choses telles que dans ma province on doit
dire : M. Lys déraisonne.
Je vais vous en faire juges.
Après 34 lignes de mon discours, exactement
rendu, finissant par ce § :
«
On intercale un passage que M. le ministre à dû
envoyer à posteriori :
« Mais
enfin cette direction était divisée, affaiblie. L’administration du chemin de
fer rhénan était complètement désorganisée (Hilarité !).
L’intérêt belge, gouvernemental,
qui devait primer sur l’intérêt financier, exigeait que l’on constituât une
administration unitaire, forte, à la place d’une administration affaiblie.
Voilà le côté administratif, politique de la question. C’est à ce point de vue
que le gouvernement s’est placé. Le résultat a prouvé que le gouvernement avait
bien fait.
L’administration
rhénane a été reconstituée sur d’excellentes bases (nouvelles hilarités). Les hommes qui la composent sont des hommes d’influence, d’activité,
d’intelligence. Cette administration est forte comme l’était la première (Hilarité prolongée) .
Un fait ne doit pas
être perdu de vue ; un emprunt était nécessaire pour l’exécution de la
double voie, sans laquelle le transport des marchandises vers le Rhin eût été
très-difficile ; il est réalisé depuis la reconstitution de
l’administration du chemin de fer rhénan ; c’est là un premier résultat
obtenu.
Si le gouvernement
n’avait pas tenu la conduite qu’il a suivie, je ne pense pas que ce résultat
eût été atteint. C’est le côté administratif de la question.
Mon honorable
collègue vous a expliqué à quel point de vue le gouvernement s’est placé sous
le rapport financier. »
Après cela revient la suite de mon discours.
Vous voyez que c’est là la chose du monde la
plus ridicule. On doit dire, dans la province de Liége : M. Lys commence à
déraisonner !
Ces intercalations sont des rectifications
envoyées par M. le ministres des travaux publics. Je dois dire qu’à la séance,
il n’a pas parlé de l’emprunt et des difficultés que la conclusion de l’emprunt
aurait rencontrées sous l’ancienne direction ; car j’aurais répondu qu’il
n’avait pas été question de cet emprunt sous l’ancienne direction, mais
seulement sous la nouvelle et que cet emprunt a été facile à faire, puisqu’on
lui avait donné la priorité sur les 16 millions d’actions primitives. Rien
alors n’était plus facile à faire qu’un emprunt, lorsque les premiers
actionnaires consentaient à leur accorder cette priorité, car de premiers
actionnaires, nous devenons les derniers ; dès lors, le dernier emprunt
est assuré par 15 millions de francs, valeur approximative des premières
actions, qui ne peuvent plus rien recevoir aussi longtemps que les derniers
prêteurs ne sont pas pleinement satisfaits.
M. de Man d’Attenrode – D’après ce que nous venons d’entendre, on
attribue les fautes, dont le Moniteur fourmille depuis quelque temps, à la
démission donnée par un correcteur. D’après ce que j’ai ouï dire, il n’aurait
pas demandé sa démission, mais on la lui aurait donnée pour placer les
correcteurs comme les compositeurs dans la dépendance de l’entrepreneur, afin
de pouvoir améliorer la position du directeur.
Hier, j’ai reçu une réclamation d’un des
principaux imprimeurs de Bruxelles, qui demande avec insistance que
l’impression du Moniteur soit mise en adjudication. Je demande donc qu’il en
soit ainsi.
Quant à la lettre dont on vous a donné lecture,
il me semble que nous n’avons pas à entrer en relations avec le directeur du
Moniteur (Certainement ! certainement !). C’est au ministre du
département auquel il est attaché qu’il doit s’adresser. Je demande donc le
renvoi de la lettre du directeur au moniteur à M. le ministre de la justice (Appuyé !
appuyé !).
- Ce renvoi est mis aux voix et ordonné.
Fixation de l’ordre du
jour
M.
le président – Permettez, messieurs, que je vous entretienne
un instant de l’ordre du jour. Après le budget des travaux publics vous avez
mis à l’ordre du jour le rapport sur la pétition du sieur Marcellis et après,
par décisions successives, le canal de Turnhout, le rapport sur les pétitions
relatives à la législation des sucres et enfin la loi relative à l’entrée libre
des machines.
Après le second vote, la chambre a mis à
l’ordre du jour la loi sur les étrangers et deux ou trois autres projets
concernant la vente et l’acquisition de domaines, la poste aux chevaux, le
crédit pour travail et entretien du matériel au chemin de fer.
Qu’il me soit permis de faire observer qu’il
sera très difficile de terminer tous ces travaux avant samedi. Il y a surtout
une loi très-importante, très-urgente, celle relative aux étrangers, qui expire
le 1er avril. Je demande donc que l’assemblée veuille bien restée
réunie jusqu’à ce que cette loi soit votée. On pourrait ensuite s’ajourner
pour dix ou douze jours.
Un membre - Il faut commencer par celle-là.
M.
le président
– Je rappelle à la
chambre l’ordre du jour qu’elle a fixé. Si une proposition de priorité était
faite, je la mettrais aux voix.
M.
de Man d’Attenrode – Il est
probable que d’ici à quelques jours, nous prendrons, comme de coutume, le
chemin de nos foyers. J’ai une proposition à faire pour fixer l’ordre du jour à
la rentrée.
Plusieurs membres - Finissons le budget des travaux publics.
M.
de Man d’Attenrode – Mais cela
n’empêche pas que nous fixions dès à présent le projet qui sera mis à l’ordre
du jour pour la rentrée.
Plusieurs membres – Il y en a déjà plusieurs.
M.
Van Cutsem -
Nous avons entre autres l’organisation de l’armée à voter.
M.
de Man d’Attenrode – Il n’a
pas encore été question de l’organisation de l’armée. Quant à moi, je désire
proposer tout autre chose. Notre sessions sera très-courte à cause des
élections, nous pouvons nous borner à prendre huit ou dix jours de vacances et
revenir le mardi 25 mars.
Un membre – Attendez, pour faire votre motion, que nous
soyons sur le point de nous séparer.
M.
de Man d’Attenrode –
Soit ; je l’ajourne à après-demain. Mais il est à craindre que nous ne
serons plus en nombre.
Discussion des articles
Chapitre
III – Chemin de fer et postes
Section II Postes (Personnel)
Article 12
« Art.
12. Traitements de l’inspecteur général, des directeurs provinciaux, contrôleurs,
percepteurs, commis, adjoints-commis, distributeurs, facteurs-ruraux, boîtiers,
etc. : fr. 900.000 »
M. Zoude – Je regrette que le
discours prononcé hier, par l’honorable M. Jadot, ne soit pas encore reproduit
au Moniteur, j’aurai pu y répondre, mais comme j’ai compris qu’il était
question d’un service de malle-poste par Saint-Hubert, j’ai demandé la parole
pour expliquer à la chambre ce qui s’est passé à cet égard.
Dans leur session dernière, les
états provinciaux du Luxembourg et de Namur ont émis, simultanément, le vœu
qu’un service de correspondance fût établi à Namur, en passant par les villes
de Neufchâteau, Saint-Hubert, Rochefort et Ciney.
Les motifs que ces états ont
fait valoir près du gouvernement, sont le besoin des populations riveraines de
la nouvelle route qui relie entre elles les villes dont je viens de parler.
Sans un service, soit de
messageries soit de malle-poste, nous ressemblons assez aux Israélites qui ont
vu
Nous ne jalousons pas l’ancienne
route qui, pour deux villes, Marche et Bastogne, a le double service d’une
malle-poste et d’une messagerie ; nous demandons de la sollicitude du
ministre des travaux publics, que, cédant au vœu de deux provinces, il veuille
enfin nous faire jouir d’une correspondance. Déjà plusieurs fois une résolution
a dû être prise, mais l’exécution n’a pas eu lieu pour des motifs que nous ignorons.
Cependant une adjudication a été faite et non confirmée ; l’inquiétude de
nos pays s’accroît et je dois prier M. le ministre de vouloir nous dire s’il se
décidera enfin à nous rendre bientôt la justice que nous croyons avoir le droit
de réclamer.
Les états provinciaux ont fait
valoir les intérêts de la généralité, ils doivent primer l’intérêt particulier,
et je ne sache pas que le pouvoir exécutif, lorsqu’il prend une mesure dans
l’intérêt général comme dans celui du trésor, doive venir solliciter l’assentiment
des députés de telle ou telle localité ; à chacun son droit.
M. d’Hoffschmidt
– Je répondrai d’abord à l’honorable préopinant relativement à la question
qu’il vient de soulever.
L’honorable M. Jadot avait déjà
fait une interpellation sur cet objet à laquelle je regrette que M. le ministre
n’ait pas encore répondu. Il a exprimé les craintes qu’ont conçues les
habitants des arrondissements de Marche et de Bastogne, de voir la route qui
les traverse privée du transport des lettres dont elle jouit depuis un temps
immémorial. Ces craintes sont bien naturelles, car pour les habitants des
arrondissements de Marche et de Bastogne, un service de messagerie, chargé du
transport des lettres, crée des intérêts et établit des relations qu’ils
perdraient inévitablement par la suppression de ce service. Je ne comprends
pas, d’ailleurs, pourquoi on prendrait cette mesure. Il y a quelque temps, M.
le ministre des travaux publics avait adopté une mesure qui satisfaisait à
toutes les réclamations, à toutes les exigences, l’établissement d’une
malle-estafette d’Emptinnes à Neufchâteau. L’adjudication de ce service a eu
lieu à Arlon, il y a environ un mois, à un prix très-modéré.
Je ne sais pourquoi depuis lors,
l’adjudication n’a pas été approuvée, à moins, comme l’a dit l’honorable M.
Jadot, qu’une réclamation des entrepreneurs des messageries Van Gend n’en soit
la cause.
Je ne comprends pas pourquoi M.
le ministre reculerait devant une mesure utile qui, en conservant les deux
services de malles-estafette, satisfait aux vœux des deux provinces et à toutes
les réclamations et qui assurerait à la route de Marche à Bastogne un service
indispensable. Je serais charmé d’avoir sur ce point une explication de M. le
ministre des travaux publics.
J’aborde
maintenant une question importante qui a été soulevée hier : plusieurs
orateurs ont parlé de la réforme postale. Je désire présenter à la (page
1125) chambre quelques observations sur un côté de la question qui n’a
point été touché par les honorables préopinants.
Le système postal est,
messieurs, l’objet d’un reproche sérieux, c’est qu’il est injuste, et même
inconstitutionnel.
En effet le gouvernement perçoit
par la taxe des taxes : 1° la rémunération d’un service rendu ; 2° un
impôt. Or, cet impôt, d’après le système adopté, est réparti d’une manière tout
à fait inégale.
En France, dans la dernière
discussion, les vices du système postal qui est le même qu’en Belgique ont été
démontrés de la manière la plus évidente, et l’on n’a pas répondu à cette
démonstration. Voici, en effet, les calculs qui ont été établis à cet
égard :
En France, d’après le rapport de
la commission, sur la proposition de M. de St-Priest, la lettre transportée à
une distance de moins de
Frais généraux d’administration
fixes : 8 centimes ; frais variables de transport : 1 ¾
centimes ; total : 9 ¾ centimes.
Transportée à la plus grande
distance
Frais d’administration : 8 centimes ; frais de transport : 6 ¾ centimes ; total : 14 ¾ centimes.
Différence 5 centimes entre la
dépense faite pour la lettre qui parcourt la plus grande distance et celle qui
n’est transportée qu’à moins de 30 kil.
Il en résulte que l’un ne paye que
10 ¾ centimes d’impôt en raison d’un port de 10 cent., et l’autre 1 fr 5 ¼ c. à
raison d’une taxe d’un 1 fr. 20 c., c’est-à-dire un impôt onze fois plus fort.
Voilà, messieurs, les vices
graves qui ont été reprochés en France au système postal. Maintenant, je
demanderai à la chambre la permission de lire quelques passages d’un discours
prononcé sur ce point par l’honorable M. Odilon Barrot, ce qui achèvera de
démontrer à l’évidence l’inconstitutionnalité du système.
Voici comment s’exprimait M.
Odilon Barrot :
« Avant tout, l’égalité des
impôts ; c’est la règle fondamentale, non pas seulement de notre système
financier, mais de notre organisation politique ; et s’il est un impôt
qui, au lieu d’atténuer les inégalités naturelles, vient les aggraver, cet impôt
est vicié dans sa source. Eh bien, tel me paraît être l’impôt du port de
lettre.
« Je sais bien que cet
impôt est mixte, qu’il est tout à la fois un service rétribué et un impôt
perçu ; mais comme on l’a très-bien fait observer, le service, mettez-le de
côté ; ajoutez-le aux distances, vous êtes dans la justice. Mais l’impôt
qui est dû au delà de ce service, tout ce qui est perçu au delà de ce service,
cet impôt est-il égal pour les diverses parties de
« Eh bien, je parle ici
devant des représentants de toutes les parties de
« Il y a là une inégalité
choquante. L’inégalité n’est pas dans le service, il le pourrait justifier,
elle serait peut-être juste ; elle est dans l’impôt ».
Messieurs, ces considérations de
l’illustre orateur s’appliquent parfaitement au système belge. Nous avons en
Belgique à peu près le même système postal qu’en France. Nous avons aussi dans
notre constitution le même principe que celui qui figure dans la charte
française sur l’égalité de l’impôt.
En Belgique, messieurs, d’après
des renseignements que j’ai lieu de croire exacts, le port d’une lettre à la
plus courte distance, coûterait 11 centimes, 9 centimes de frais fixes
d’administration et un peu moins de 2 centimes de frais de transport, tandis
qu’à la distance la plus longue, le transport d’une lettre coûterait 15
centimes, 9 centimes de frais d’administration et 6 centimes de frais de
transport. Par conséquent une lettre payerait 9 centimes d’impôt et une autre
en payerait 66, ce qui constitue évidemment l’inégalité la plus choquante. Il
en résulterait par exemple que les habitants des parties les plus éloignées du
centre du pays qui correspondent soit avec la capitale, soit avec notre
métropole commerciale, avec Anvers, l’habitant d’Arlon, par exemple, paye pour
un port de lettre un impôt cinq ou six fois plus fort que l’habitant de
Bruxelles ou d’Anvers qui correspond avec une localité rapprochée.
Je crois donc qu’en présence des
vices de ce système, il importe qu’on le modifie et qu’on fasse disparaître
d’aussi graves abus.
Je sais bien que la question a
un autre côté, le côté financier, et les craintes que l’on manifeste sur la réduction
du revenu de la poste aux lettres sont légitimes. Je ne voudrais pas, quant à
moi, adopter une mesure dont le premier résultat serait de porter la
perturbation dans nos finances, de détruire l’équilibre financier que nous
avons eu tant de peine à obtenir dans les derniers temps. Nous sommes encore en
présence d’une dette flottante considérable, qui va s’accroître bientôt encore
de 12 millions de francs, et cette dette flottante, chacun reconnaît qu’il faut
la réduire autant que possible, si on ne peut point la faire disparaître
entièrement. En second lieu nos financiers, le ministre des finances tout le
premier, désirent obtenir une réserve pour faire face aux dangers que l’avenir
pourrait réserver à
M.
Rodenbach – On n’a pas demandé cela ; au contraire.
M. d’Hoffschmidt
– Je ne dis pas que l’honorable M. Rodenbach a demandé cela. J’aurais
désiré voir son discours au Moniteur, pour pouvoir répondre, s’il y a
lieu ; mais je ne l’ai pas vu.
Du reste, je crois qu’une
réduction très-modérée dans la taxe des lettres n’amènerait pas une diminution
notable dans les revenus du trésor, du moins au bout de quelques années.
D’abord toute réduction dans la taxe amène nécessairement à la suite un
accroissement du nombre des lettres. On en a un exemple dans ce qui s’est passé
en Angleterre, où depuis la réforme postale le nombre des lettres transportées
a triplé. D’un autre côté, ainsi que l’a signalé hier l’honorable M. Osy, une
fraude considérable doit s’exercer dans le transport des lettres, surtout
depuis l’établissement du chemin de fer ; or, la réduction de la taxe des
lettres amènerait nécessairement une diminution dans cette fraude.
Je crois donc que s’il l’on
arrivait progressivement, par exemple, à l’adoption d’une taxe uniforme de 20
centimes, comme l’indiquait hier l’honorable M. Osy, il ne faudrait qu’une
augmentation d’environ 80 p.c. dans le nombre des lettres transportées, pour
rétablir l’équilibre dans les revenus de la poste puisque la moyenne de la taxe
est de 37 centimes. Or, je crois que l’on pourrait espérer avec fondement une
pareille augmentation au bout de quelques années.
D’après des renseignements, dont
je ne puis cependant garantir l’authenticité, la poste ne transporterait
aujourd’hui à l’intérieur de
Je crois, messieurs, que cette
infériorité de la part d’un pays aussi éclairé que
On ne doit pas se préoccuper,
messieurs, des résultats de la mesure adoptée en Angleterre, au point de vue
financier ; en Angleterre, la moyenne du port des lettres était de 90
centimes avant la réforme et la taxe la plus faible était de 40 centimes ;
on a réduit tout d’un coup cette taxe à un droit uniforme de 10 centimes. Je
conçois qu’une semblable réduction ait nécessairement amené une diminution
considérable dans le revenu de la poste.
Eh bien, messieurs, malgré cette
diminution du revenu de la poste en Angleterre, on est tellement satisfait de
la réforme, que dans le moment actuel une souscription est ouverte en faveur du
promoteur de cette mesure, en faveur de sir Rowland Hill. Cette souscription
s’élève déjà à plus de 300,000 fr., et en tête des souscripteurs figurent sir
Robert Peel, chef du gouvernement, et lord John Russel, chef de l’opposition.
Vous le savez, messieurs, en
France la question peut être considérée comme tout à fait tranchée : une
proposition, faite par un simple député, a été adoptée au premier vote et n’a été
rejetée qu’à parité de voix au second vote. La presse française toute entière
est favorable à la réforme postale. Les économistes les plus distingués le sont
également. La proposition dont je viens de parler, consistait à réduire la taxe
à 20 centimes pour tout le royaume, et l’on peut prédire dès à présent que la
session prochaine des chambres françaises ne passera pas sans que cette mesure
ait été adoptée.
Messieurs, en présence de cet
élan général, je crois que
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)
– Je voudrais répondre quelques mots aux observations que l’honorable M.
Verhaegen a faites hier, mais je remarque à regret que l’honorable membre n’est
pas présent. Hier j’ai répondu à ce que l’honorable M. Verhaegen avait dit la
veille, lorsqu’il m ‘avait reproché de ne pas avoir anéanti l’arrêté du 8
avril 1843, relatif au personnel du chemin de fer. J’ai démontré que
l’honorable membre (page 1126) était tombé dans des erreurs de fait.
L’honorable M. Verhaegen est arrivé à la fin de la séance, et en me reprochant
l’inexécution d’un autre arrêté royal relatif aux postes, il a renouvelé son
accusation de la veille, comme si je ne lui avait pas répondu. Peut-être encore
aujourd’hui lorsque l’honorable M. Verhaegen arrivera à la fin de la séance, il
maintiendra son dire malgré les erreurs dans lesquelles il est de nouveau tombé
hier. Il faut cependant bien que je fasse ressortir ces erreurs sans attendre
sa présence.
L’honorable M. Verhaegen a cité
l’art. 26 de l’arrêté organique de 1841, qui attribue au Roi la nomination du
directeur, des contrôleurs et des percepteurs de la poste, et il a affirmé que
les nominations de ces fonctionnaires avaient été faites par arrêté
ministériel. C’est là une erreur : un seul directeur des postes a été
nommé depuis la publication de l’arrêté de 1841, c’est le directeur de
Mons ; il a été nommé par arrêté royal du 13 juillet 1843. Un contrôleur a
été nommé par arrêté royal du 29 juin 1844. Des arrêtés royaux ont sanctionné
la nomination de deux percepteurs en 1841, de huit en 1842, de cinq en 1843 et
de quatre en 1844. L’honorable député de Bruxelles s’est donc trompé à l’égard
de l’arrêté de 1841, comme il s’était trompé à l’égard de l’arrêté de 1843. Il
est vrai que, comme cela arrive dans toutes les administrations, quelques
fonctions ont été confiées à des intérimaires, mais c’est là une exception, et
des arrêtés sont préparés pour régulariser ces positions.
L’honorable M. Verhaegen a cité
l’art. 30 de l’arrêté de 1841, qui est ainsi conçu :
« Notre ministre des
travaux publics prendra toutes les dispositions et arrêtera provisoirement les
règlements nécessaires à l’exécution du présent arrêté. Ces règlements seront
coordonnés et soumis à notre approbation dans le délai d’une année. »
L’honorable membre a fait
remarquer que, jusqu’à présent, l’art. 30 n’a pas reçu d’exécution, que ces
règlements n’ont pas même été soumis à l’approbation royale, Messieurs, voici
les faits :
Je suis entré au ministère en
1843 ; un règlement provisoire avait été arrêté par mon honorable
prédécesseur, en juillet 1841. Ce règlement provisoire ne concernait que le
personnel.
Mon honorable prédécesseur a pensé
qu’il fallait coordonner, réunir en un seul règlement général toutes les
diverses dispositions qui régissent le service des postes, qu’il fallait
procéder à la révision de ces instructions.
Une commission a été nommée par
lui, par arrêté du 7 mars 1842, cette commission a été chargée de rédiger un
code complet d’instruction concernant le personnel, la taxe, le transport des
dépêches et la comptabilité. La première partie de ce travail fort important,
fort étendu, ne m’a été remise qu’en septembre 1843 ; cette première
partie concernait le personnel ; j’ai voulu attendre que la commission
m’eût présenté un travail complet, un code complet, avant de procéder à un
examen d’ensemble sur les questions que la commission était appelée à
instruire. Cependant, messieurs, depuis lors je me suis occupé de la
réorganisation du personnel, et une question nouvelle a surgi, celle de savoir
s’il ne faudrait pas amener une union plus intime entre les deux grandes
branches du service des transports : le chemin de fer et la poste.
Le projet de loi que j’ai
présenté sur l’organisation des relais et du service des transports en dehors
du chemin de fer par le personnel de la poste ; ce projet de loi, s’il est
adopté, devant amener des modifications notables dans l’organisation de la
poste, j’ai dû attendre la discussion de cette loi avant de pouvoir soumettre à
la sanction royale le règlement dont il est parlé dans l’art. 30 de l’arrêté
organique de 1841. C’est là l’unique cause qui a retardé l’exécution de cet
art. 30.
Messieurs, plusieurs honorables
députés de la province de Luxembourg m’ont interpellé sur l’intention du
gouvernement relativement au service de dépêches à organiser entre Hemptinnes
et Neufchâteau. Une adjudication a eu lieu ; il n’a pas encore été statué
sur cette adjudication, et je vais en faire connaître les motifs à la chambre.
Depuis cette adjudication il est vrai que la compagnie Van Gend m’a annoncé
officiellement que son intention était de supprimer son service de messageries
de Metz à Bruxelles, par Arlon et Namur, et que cette suppression était motivée
surtout par le maintien de la part du gouvernement de la malle-estafette
d’Arlon à Namur, qui lui fait une concurrence redoutable, par suite de laquelle
elle était constituée en perte progressive, enfin, qu’elle ne pouvait pas
maintenir son service de messageries, si le gouvernement maintenait le service
de la malle estafette sur la route d’Arlon à Namur.
Messieurs, les localités de
Bastogne et de Marche se seraient trouvées dans une position fâcheuse si on ne
leur avait laissé que le service de la malle-estafette, amenant la suppression
du service de messageries de la compagnie Van Gend, car la malle-estafette ne
dessert pas le service des marchandises, elle n’admet que des voyageurs.
J’ai donc cru, avant de prendre
une décision sur l’adjudication qui avait eu lieu, devoir prendre l’avis du
gouverneur de la province de Luxembourg.
Je pense que le gouvernement, en
présence de l’intention manifestée par la compagnie Van Gend, devait instruire
cette affaire. Aucune décision n’a été prise. J’ai demandé l’avis du
gouvernement du Luxembourg ; j’attendrai cet avis avant de prendre aucune
décision.
Je dirai peu de mots de la
question de la réforme postale.
Certainement si je n’avais à
émettre une opinion que comme chef de l’administration des postes, si je
n’avais à considérer que l’utilité commerciale de la mesure, je pourrais dire
que je partage en grande partie l’opinion des honorables membres qui ont pris
part à cette discussion. Ainsi quand on demande si, au point de vue de la
facilité des relations, il convient de supprimer le décime rural, de modifier
la taxe cantonale ; de réduire la taxe de bureau à bureau, je n’hésite pas
à me prononcer pour l’affirmative. Mais cette question est avant tout financière.
Je ne suis pas seulement chef de l’administration des postes ; je suis
membre du gouvernement, et en cette qualité je dois examiner la question par
tous ses côtés. Or, la question est avant tout financière. Pour formuler le
nouveau tarif postal, il suffirait de fixer le chiffre des sacrifices auxquels
l’Etat voudrait consentir sur ses revenus. Il est évident que, quelle que soit
la réforme, il y aurait immédiatement un déficit financier. Les partisans de la
taxe uniforme prétendent que le déficit serait comblé en quelques années par
l’augmentation progressive du nombre de lettres. C’est là un problème. Mais il
est certain qu’il y aurait un déficit immédiat, si l’on adoptait la taxe
uniforme de 10 à 20 c. soit même une taxe progressive comme en Prusse.
Je pourrais donner lecture à la
chambre d’un tableau que j’ai fait faire sur les diminutions probables du
revenu dans les diverses hypothèses. Je n’en communiquerai que les résultats
sommaires.
La taxe uniforme de 3 décimes
amènerait un déficit de fr. 649,220
La taxe uniforme de 2 décimes
amènerait un déficit de fr. 1,171,140
On cite l’Angleterre pour
démontrer que l’augmentation des lettres serait considérable, et pourrait, dans
un terme plus ou moins long, combler le déficit qui résulterait de la réduction
du tarif postal. Mais il ne faut pas oublier qu’en Angleterre, la moyenne de la
taxe était de 3 décimes ½. Or, en Angleterre, en réduisant la taxe à un penny,
c’est-à-dire de 9/10, le nombre de lettres n’a fait que tripler. En Belgique,
la réduction beaucoup moins considérable qui serait apportée n’exercerait donc
pas, à beaucoup près, une aussi grande influence sur l’augmentation du nombre
de lettres.
Mais il ne faut pas oublier non
plus qu’en Angleterre le revenu de la taxe des lettres qui était de 40 millions
de fr. en 1839 est tombé immédiatement à 10 millions.
On a prétendu dans une récente discussion, en France, que le revenu en Angleterre, tend à se relever d’année en année, que bientôt le déficit serait couvert. C’est là une erreur. Le revenu a été comme suit :
Années. Produit
1840 1,589,486 Liv. st.
1841 393,166
1843 478,479
1844 438,061
Ainsi il est inexact de
prétendre que le revenu tend à se relever. En 1844, il y a eu au contraire
réduction relativement à 1843. Le produit des postes qui était tombé de 40
millions à 10 millions, en 1841, ne s’éleve qu’à fr. 10,950,000 en 1844. La
progression est loin d’être rapide.
Depuis la réforme qui a été
introduite en Prusse, il y a eu aussi réduction dans le revenu. En comparant le
quatrième trimestre de 1843 au quatrième trimestre de 1844, on constate une
réduction de …. thalers. L’augmentation du nombre des lettres n’a pas été aussi
considérable qu’on l’avait supposé.
Je le répète donc, la question
est, avant tout, financière ; le premier devoir du gouvernement est de
maintenir l’équilibre financier. Si, par la taxe uniforme, on créait un déficit
d’un million, je ne sais par quels voies et moyens, par quel impôt nouveau on
le comblerait ; en attendant que l’augmentation problématique du nombre de
lettres vînt y suffire.
M. Rodenbach – Je suis fâché que
le Moniteur n’ait pas publié la séance d’hier. M. le ministre et les honorables
membres qui ont pris la parole auraient vu que je n’ai pas émis les opinions qu’ils
m’ont prêtées. M. le ministre a d’ailleurs déclaré qu’en sa qualité de chef de
l’administration des postes, il partageait mon opinion.
J’ai dit hier (je crois devoir
le répéter sommairement pour suppléer l’absence du Moniteur) que je ne veux pas
du système anglais, qui porterait préjudice au trésor public ; car je ne
veux pas diminuer les revenus du trésor.
M. le ministre a dit que la
réforme postale avait produit une diminution de revenu. Cette réforme est trop
récente pour qu’on puisse en apprécier les effets. J’ai dit hier quel était le
système prussien. Je crois qu’un système analogue est très-praticable en
Belgique. Au reste, je demande que l’on examine la question, car je suis
hostile à toute réduction de revenu public.
Je dis donc, messieurs, et mon
système sera très-clair et très-net, qu’il est juste de supprimer le décime
rural. Je défie le ministère de soutenir la légalité de ce décime. Je l’ai dit
et je dois le répéter, pourquoi un habitant de la campagne doit-il payer le
port des lettres 10 centimes plus cher que l’habitant des villes ? Je
crois qu’il serait très-utile de me répondre. Je demanderai aussi pourquoi,
dans la capitale, si on adresse une lettre d’une rue dans une autre, il
faudrait payer 10 centimes dans cette rue et 20 dans l’autre, parce que ces
deux rues sont séparées par une porte ? Pourquoi, parce qu’on reste à la
campagne, bien qu’on ne soit pas éloigné de la ville d’un quart de lieue,
faut-il payer davantage ? C’est là une chose qui n’est pas supportable, et
M. le ministre lui-même en a fait l’aveu.
Je dis aussi qu’à l’instar du
système prussien, il faut faire payer d’abord de canton en canton 10
centimes ; 20 centimes à une distance plus éloignée, et 30 pour les
parcours les plus longs. Dans notre petit royaume, messieurs, 30 centimes est
une taxe assez forte.
J’ai la conviction intime
qu’avec ces chiffres, le nombre de lettres doublera ; je ne demande pas
que, comme en Angleterre, le nombre de lettres soit triplé, je demande
seulement qu’il soit doublé.
Aujourd’hui, messieurs, une
lettre ne coûte pour son transport, tous (page 1127) frais compris, que
5 centimes, et ce chiffre, on ne peut le contester, car je l’ai puisé dans les
documents officiels. J’ai vu dans ces mêmes documents officiels que la moyenne
du port des lettre en Belgique est de 35 centimes, aussi le gouvernement reçoit
pour chaque lettre 35 centimes, tandis que son transport ne lui coûte que 5
centimes ; il a donc un bénéfice net de 6/7 du prix payé. Eh bien !
avec les chiffres de 10, 20 et 30 centimes, il est certain que la poste
transportera au moins deux fois autant de lettres qu’aujourd’hui, parce que
maintenant les messagers en transportent considérablement. Je vous ai même dit
hier, qu’une lettre à laquelle on attachait une pierre, payait moins cher,
transportée par le chemin de fer, que transportée par la poste ; que
l’argent était aussi transporté à meilleur marché par notre railway.
Un pareil état de choses peut-il
subsister ? C’est impossible. On ne peur répondre à de pareils arguments.
Tout ce qu’on peut alléguer, c’est de la crainte, c’est de la pusillanimité,
c’est qu’on n’ose pas.
J’espère donc, messieurs, que
pendant la vacance, et pour la session prochaine, on s’occupera sérieusement de
cette réforme. Je ne demande pas le système d’uniformité, je demande qu’on
fasse cesser de véritables abus. Je le répète, si le gouvernement ne nous
présente pas un projet, il sera dépassé. Nous ne pouvons pas rester
stationnaire, lorsque dans toute l’Europe, même dans les pays les plus stationnaires,
on s’occupe de la réforme postale.
Le gouvernement y pensera, j’en
suis certain.
M. de Garcia –
J’aurai très-peu d’observations à présenter à la chambre à l’occasion de
l’administration de la poste aux lettres.
Chaque année, à la discussion de
ce chapitre, je me suis félicité des efforts que faisait le gouvernement depuis
plusieurs années, car cela n’appartient pas seulement à ce cabinet, mais
appartient aussi aux cabinets précédents, je me suis félicité, dis-je, des
améliorations que le gouvernements avait cherché à établir et qu’il avait
réellement amenées dans l’administration de la poste aux lettres. Cependant,
messieurs, il ne faut pas induire de là que je veuille prétendre que tout soit
fait, tant s’en faut.
Les observations que je me
propose de présenter ne doivent avoir pour objet que de signaler des
améliorations qui existent sur cette matière importante. Plusieurs de mes
observations ont déjà été présentées par quelques-uns de mes honorables
collègues et notamment par l’honorable M. Osy, d’Hoffschmidt et Rodenbach.
Je crois d’abord que le
gouvernement doit faire tous ses efforts pour amener des conventions postales
avec les pays voisins. Je pense en outre qu’il doit faire un mûr examen et un
examen approfondi de la réduction du port des lettres. C’est une question
très-importante. Je crois que dans le moment actuel il est impossible de la
trancher ; car si la poste aux lettres est un véhicule puissant pour le
développement de l’intelligence et des relations commerciales de toutes les
localités du royaume, elle est aussi un moyen de recette pour l’Etat et il ne
faut pas sacrifier l’un de ces avantages à l’autre. Il faut maintenir le revenu
de la taxe aux lettres, et il faut d’un autre côté faire tous ses efforts pour
que ce système réponde à ce qu’on en attend. Pour ménager les instants de la
chambre, je pense, à ces différents points de vue, devoir m’en référer aux
considérations approfondies, présentées par mes honorables collègues.
L’année dernière, et cette
année, je me permets de renouveler ces observations, j’ai surtout attiré
l’attention du gouvernement sur la classe la plus infime de l’administration
des postes ; je veux parler des facteurs. Quelques-uns d’entre eux ont un
traitement réellement insignifiant et tout à fait en-dessous de leur besogne.
Je demanderai à M. le ministre si le crédit qu’il pétitionne suffira pour
porter au moins le traitement des facteurs ruraux à 600 fr.
Messieurs, je veux des
économies ; mais j’en veux lorsqu’elles sont utiles, lorsqu’elles sont
praticables. C’est toujours pour les petits que j’élève la voix et jamais pour
les fonctionnaires les plus élevés dans l’administration. Ceux-là sont toujours
suffisamment rétribués. Mais il n’en est pas de même dans les derniers échelons
de l’administration. Je réclame donc toute la sollicitude du gouvernement
envers ces fonctionnaires inférieurs.
J’ai
attiré l’attention de M. le ministre sur un autre point ; c’est sur la
nécessité de réduire la besogne qui incombe aujourd’hui à beaucoup de facteurs
ruraux. J’ai demandé que le gouvernement prît des mesures pour que les facteurs
ne fussent plus obligés de faire plus de cinq lieues par jour. Messieurs,
lorsqu’on pense que ces employés doivent voyager tous les jours, et par tous
les temps que nous venons d’avoir, on croira difficilement qu’ils puissent être
assujettis à un parcours de plus de cinq lieues par jour. Quand on fait voyager la troupe, les
étapes ne sont que de cinq lieues ; mais le troisième jour est un jour de
repos, et c’est ce qui n’existe pas pour les facteurs ruraux.
J’attire, messieurs, l’attention
du gouvernement comme sur celui des traitements. L’un dans l’autre constitue
une question d’humanité.
Je ne reviendrai pas sur les
observations qui vous ont été présentées. Je dirai seulement un mot du décime
rural.
Je crois, messieurs, que
réellement il y a, je ne dirai pas injustice, mais encore privilège
inconstitutionnel, à maintenir ce décime. Les campagnes, comme toutes les
localités du pays, ont besoin des communications faciles, puisque comme je le
disais il n’y a qu’un moment, ces mesures doivent amener le développement des
intelligences et des relations commerciales.
J’engage donc M. le ministre à
faire tous ses efforts pour opérer la suppression du décime rural. Sans doute
il faut éviter de réduire les revenus de l’Etat ; il faut éviter de rompre
l’équilibre entre les recettes et les dépenses. Quant à moi personnellement, je
m’impose d’autant plus cette conduite, que je ne veux pas mettre le
gouvernement dans l’embarras ; je ne veux surtout pas le mettre dans
l’impossibilité d’administrer. Dans tous les cas, si le gouvernement ne
reconnaît pas la possibilité de supprimer cette année le décime rural, au moins
je demanderai qu’on mette les campagnes à même de jouir de tous les avantages
de la poste aux lettres. Soumises à une taxe fort élevée pour le transport des
lettres, elles ont des droits à réclamer tous les avantages de cette
institution.
Dans la discussion générale,
j’ai présentée à M. le ministre quelques considérations à cet égard. J’ai
démontré que plusieurs localités très-importantes ne sont pas encore dotées de
bureaux de perception. Et c’est là un grave inconvénient, car les habitants de
ces localités, où le commerce est assez actif, ont quelquefois à faire deux à
trois lieues pour aller affranchir leurs lettres ou changer de l’argent. J’ai
surtout attiré l’attention de M. le ministre des travaux publics sur une
localité très-importante de la province de Namur, dans laquelle convergent cinq
routes provinciales, localité à laquelle donne en outre une grande importance
la proximité du canal et du chemin de fer. Je demanderai à M. le ministre si le
subside qu’il pétitionne suffira pour remplir les besoins impérieusement
commandés, et notamment les besoins que je lui ai indiqués à l’égard de la
ville de Fosse, qui se trouve aussi chef-lieu de canton.
Je terminerai, messieurs, en
observant que l’établissement de certains bureaux de perception ne doit
entraîner le gouvernement que dans des dépenses modiques et tout à fait
insignifiantes.
Si mes renseignements sont
exacts, et j’ai lieu de le croire, le changement d’un bureau ordinaire en un
bureau de perception ne donnerait lieu qu’à une dépense de 800 à 1,000 francs.
Lorsqu’il s’agit d’améliorer une semblable situation, l’économie d’une somme
semblable ne serait que de la lésinerie. Il faut faire jouir tout le pays des
mêmes avantages, alors surtout que les campagnes payent le décime rural, décime
qu’on ne paye pas dans les villes. S’il fallait, pour atteindre ce but, augmenter
l’allocation qui est demandée, je n’hésiterai pas à faire une proposition.
J’attends avec confiance la réponse que voudra me faire M. le ministre aux
diverses interpellations que je lui ai adressées.
M. Savart-Martel – Je désire,
comme plusieurs des préopinants, qu’on puisse trouver les moyens de frapper
d’une taxe uniforme et modérée toutes les lettres du pays ; l’équité le
commande ainsi.
Le service postal rapporte au
delà de trois millions ; la dépense est d’environ un million ; deux
millions constituent donc un véritable impôt, un revenu net pour l’Etat. Or, il
est injuste que ces deux millions soient exigés de ceux qui reçoivent des
lettres lointaines plutôt que de ceux dont les relations sont voisines. Les uns
comme les autres sont citoyens de l’Etat ; cette différence dans le
payement d’un impôt ainsi réparti inégalement, est une véritable injustice.
Peut-être n’a-t-on supporté jusqu’ici cette inégalité que par défaut de
réflexion et par la force de l’habitude.
D’autre part, la poste perçoit 5
p.c. sur l’argent dont elle se charge. Il est évident que ce sont les classes
les moins aisées, des malheureux souvent qui usent de ce moyen frayeux. Ce sont
d’ordinaire des parents qui envoient quelques secours à leurs enfants, ou des
enfants qui envoient des secours à leurs vieux parents. Or, un impôt de 4 p.c.
est ici le plus méchant qu’on puisse imaginer ; il est pire que le droit
de mouture, d’odieuse mémoire ; car, je le répète, il ne frappe que la
classe qu’on devrait le plus ménager.
Je dis ici qu’il y a au moins 4
p.c. d’impôt, car il est certain que 1 p.c. suffirait pour indemniser la
poste ; ce serait plus encore que n’exigent les messageries et les maisons
de banque. C’est 25,000 fr. que reçoit l’Etat de ce chef ; c’est au moins
20,000 fr. que l’on gagne sur le malheur et l’infortune.
J’appellerai l’attention de la
chambre sur un troisième point.
L’affranchissement des lettres
est encore dans l’état primitif ; il n’a subi aucun progrès.
Il fait perdre un temps considérable
aux maisons de commerce surtout et il nécessite une besogne pour les bureaux de
poste qu’il serait facile d’éviter aux uns et aux autres.
Un moyen serait de frapper d’un timbre de 20 centimes le papier destiné à l’affranchissement. Le public y gagnerait et l’Etat aussi car il pourrait diminuer son personnel.
Je pense qu’il serait inopportun
de faire à cet égard des amendements aujourd’hui, mais s’il n’y était pourvu
aux prochains budgets, je crois de mon pouvoir de faire à cet égard des
propositions conformes.
M. Pirson – Messieurs, j’adhère
entièrement aux observations qui ont été présentées tout à l’heure par
l’honorable M. Zoude ; je viens les appuyer de tous mes efforts.
Dans tous les développements à l’appui
des allocations demandées à l’article des postes, je remarque les conseils
provinciaux de Namur et de Luxembourg ont réclamé avec instance un service de
malle-estafette d’Arlon à Namur par Ciney, Rochefort, St.-Hubert et
Neufchâteau. Cette réclamation me paraît très fondée.
En effet, il est juste, je
pense, de relier au railway national la seule province qui ne jouisse pas de
cet avantage. Le subside que la législature a voté à titre de dédommagement pour
le Luxembourg, n’atteindrait pas entièrement le but que les chambres se sont
proposé, si le gouvernement n’établissait sur les routes nouvelles des services
de transports accélérés pour les voyageurs, ne mettait la province du
Luxembourg et son chef-lieu en rapport avec le chemin de fer aux points de
jonction de Liége et Namur.
Une malle-estafette, d’Arlon à Namur, en passant par Ciney, Rochefort (page 1128), St-Hubert, Neufchâteau et Abbaye-la-Ville, desservirait directement deux centres de population, et indirectement quatre centres de population qui sont Paliseul, Bouillon, Florenville et Wellin. Dans toutes ces localités, il existe un très grand nombre de petits commerçants auxquels un pareil service serait très-utile. Je pense, en outre, que ce service procurerait des bénéfices à l’Etat, au lieu de le constituer en dépense.
Je n’insisterai pas davantage,
M. le ministre des travaux publics ayant apprécié toutes ces considérations,
puisqu’il a dernièrement mis en adjudication un service pour le transport des
dépêches entre Arlon et Namur, par Ciney et Rochefort. Je me bornerai à prier
M. le ministre des travaux publics de faire commencer ce service, dès qu’il
aura reçu les rapports des gouverneurs des provinces de Namur et de Luxembourg.
M. Jadot – Je dirai d’abord à
l’honorable préopinant que je suis loin de contester l’utilité d’un service de
malle ou tout autre par Rochefort et St.-Hubert. Je consens, quant à moi, bien
volontiers à ce qu’il soit établi un ou plusieurs services de ce genre dans
cette direction.
Je dois maintenant un mot de
réponse à ce qui a été dit par M. le ministre des travaux publics.
Il est possible qu’il importe
aux intérêts de la compagnie Van Gend que le service de la malle-estafette de
Namur à Arlon, par Marche et Bastogne, soit supprimé. Il est possible aussi
qu’il soit maintenu, cette société se trouvera dans la nécessité de supprimer
le service de diligences auquel la malle-estafette fait une concurrence
ruineuse ; mais l’intérêt d’une portion notable de la population d’une
province ne peut être sacrifié à l’intérêt d’une compagnie ; non, le
gouvernement ne pourra jamais poser un acte qui consacre une semblable
injustice.
Du reste, je déclare ici que le
maintien du service de malle-poste dont nous jouissons est ce que nous
demandons, dût la compagnie Van Gend exécuter sa menace ; nous en subirons
les conséquences sans nous plaindre, mais nous tenons avant tout à conserver ce
que le bon plaisir ne peut nous ravir, et ce qu’il est de la justice du gouvernement
de nous laisser.
M. Osy – Je crois avec M. le
ministre des travaux publics que la question est, avant tout, financière.
Cependant, cette considération ne doit pas nous empêche d’examiner s’il n’y a
pas un moyen d’augmenter nos relations, tant avec l’étranger que dans l’intérêt
du pays.
En effet, les frais
d’exploitation dans ce pays montent à environ 15 centimes par lettre, en
prenant un nombre moyen de 9 millions de lettres distribuées annuellement par
les bureaux de poste ; si maintenant l’on établit des calculs sur une
recette de 3,300,000 fr., chaque lettre paye en moyenne 37 centimes.
M. le ministre des travaux
publics nous a fait connaître son opinion qui est d’accord avec la mienne,
c’est-à-dire qu’il y a quelque chose à faire ; mais M. le ministre a
ajouté que la solution dépend beaucoup de M. le ministre des finances ; en
ce sens qu’il s’agit d’empêcher que la diminution des ressources du trésor ne
soit trop considérable. J’engage beaucoup M. le ministre des finances à
examiner avec soin, dans l’intervalle des deux sessions, la question de savoir
s’il n’y aurait pas lieu à introduire le système du port uniforme des lettres.
J’engage aussi beaucoup le
gouvernement à s’efforcer de finir un arrangement postal avec
J’engage encore M. le ministre à
faire un arrangement avec
Il me reste à faire une autre
interpellation à M. le ministre des travaux publics. Si M. le ministre n’est
pas à même de me répondre en ce moment, je le prierai d’examiner la question,
pour donner des renseignements dans une autre occasion.
Mon interpellation porte sur les
deux arrangements postaux que nous avons conclu avec
Je désire donc savoir, si nous
avons les mêmes avantages que
M. Rogier – Je ne puis
qu’engager M. le ministre des travaux publics à se livrer à l’examen sérieux de
la question qui vient d’être soulevée relativement à la taxe des lettres. S’il
est un pays où la taxe uniforme puisse être introduite, c’est, sans contredit,
le nôtre ; où, grâce au chemin de fer qui le parcourt dans toute sa longueur,
les frais de transport ne varient pas d’un centime quelle que soit la distance,
car qu’une machine transporte une lettre de Bruxelles à Vilvorde ou qu’elle la
transporte à Ostende ou à Liége, les frais pour l’Etat sont absolument les
mêmes. Aujourd’hui il y a entre l’administration du chemin de fer et
l’administration des postes des anomalies tellement choquantes qu’il faudrait
en quelque sorte, pour l’honneur de l’administration, les faire disparaître au
plus tôt. Ainsi, par exemple, si je remets un paquet de papier d’un kilogramme
à la poste, le port en raison des distance pourra me coûter de 20 à 30 fr. Si,
au contraire, je dépose ce même paquet au chemin de fer, il sera remis, en
raison de la taxe uniforme établie sur le railway, pour 60 centimes à sa destination..
Il faut mettre en harmonie les tarifs du chemin de fer et ceux de la poste,
d’autant plus que le transport a lieu par la même voie. Il ne faut pas qu’on
ait à se payer pour le même paquet 60 centimes ou 20 francs, selon qu’on
s’adresse au bureau de l’administration des postes ou de l’administration du
chemin de fer qui est à côté, dans le même local.
La taxe uniforme pour les
lettres n’est pas une mesure qui doive faire reculer le pays. Si
Sans doute il y a ici deux
intérêts en présence, mais qui ne sont pas inconciliables, l’intérêt du fisc et
l’intérêt des relations d’affaire comme des relations d’affection. Il faut
concilier ces intérêts. Enrichir le trésor en rendant des services publics,
voilà la meilleure taxe, voilà le plus beau problème à résoudre. Or, en
examinant la question avec les soins qu’elle réclame, on peut arriver à ce
double but : satisfaire au besoin du public et satisfaire en même temps
aux besoins du trésor. C’est dans cette pensée que, quelque temps avant ma
sortie du ministère, j’avais chargé une commission d’examiner les différentes
questions qui se rattachent à la taxe uniforme des lettres. J’avais recommandé
à cette commission de concilier les intérêts du trésor avec les intérêts du
public en général.
Je demande que l’on prenne bien
garde à cette circonstance que je n’entendais pas diminuer les revenus de
l’Etat. Les revenus de la poste sont précieux à conserver car ils sont le prix
de services rendus. Mais la taxe des lettres se perçoit aujourd’hui à un taux
usuraire, si on la compare aux frais de transports et d’administration ;
quant au transport par le chemin de fer, on peut dire qu’il ne coûte absolument
rien à l’Etat. Que les convois portent des lettres ou qu’ils n’en portent pas,
on n’en consommera pas un kilogramme de charbon de plus ou de moins. Quant aux
frais de transport sur les routes ordinaires et aux frais d’administration, ils
sont également inévitables pour l’Etat, alors même que le gouvernement ne
transporterait pas les lettres des particuliers ; car il aurait ses
propres dépêches à transporter ; vous savez qu’on n’en est pas avare par
le temps qui court, et il ne lui en coûterait guère moins pour ce service
spécial que pour le service général. Le public a donc le droit d’exiger un peu
plus de modération dans cette taxation, surtout si en l’introduisant, on peut
arriver à conserver au trésor les mêmes revenus. J’ajoute qu’avec un tarif
modéré et bien combiné on parviendrait même à les accroître. Et ne serait-ce
pas un immense bien, je ne dirai pas pour la classe moyenne, mais pour les
classes inférieures, que de mettre à leur portée le bienfait des postes ?
Combien de familles se trouvent privées de la possibilité d’entretenir des
relations, si utiles même dans l’intérêt de l’union du pays, par suite du prix
trop élevé du prix des lettres.
Vous connaissez l’accroissement
énorme de circulation qui a suivi la diminution de la taxe des lettres en
Angleterre. Je ne demande pas qu’on opère ici une réduction des 9 dixièmes
comme en Angleterre, mais je suis convaincu qu’une réduction sagement pondérée
amènerait une augmentation de circulation qui,en rendant un service immense au
pays, augmenterait les revenus du trésor.
Je demanderai où en sont les
travaux de la commission nommée en 1842. Je sais qu’un assez grand nombre de
mesures que j’avais prises alors, n’ont pas eu le bonheur de plaire au ministre
qui m’a succédé ; je ne sais pas si celle concernant l’administration des
postes a trouvé grâce ; mais je n’ai pas vu trace de ses travaux. Je
demanderai donc à M. le ministre si elle a été réunie et si elle s’est occupée de
ces questions importantes pour le pays qu’elle était chargée d’examiner.
Avant de nommer une commission,
j’avais fait examiner la question sur les lieux en Angleterre, par M.
l’inspecteur Bronne, qui m’a soumis un rapport très important. Ce rapport a été
imprimé, j’engage tous les membres à en prendre lecture, il renferme les
documents les plus intéressants.
Puisque j’ai nommé cet
inspecteur, je demanderai s’il en est des inspecteurs des postes comme de ceux
de diverses autres branches d’administration. Nous avons vu qu’il y avait un
inspecteur de l’école vétérinaire ; mais que cet inspecteur n’inspectait
rien.
On avait nommé un
contrôleur-inspecteur à Guatemala ; il a été constaté que cet inspecteur
n’avait rien inspecté, un inspecteur des plantations avait été nommé sous mon
administration ; si je suis bien informé, depuis quatre années qu’il est
en fonctions, il n’a rien inspecté, il n’a pas fait de rapport, il n’a pas été
sollicité à en faire. Et cependant, ces fonctions ont été jugées tellement
importantes qu’au lieu d’un, on en a nommé trois, sans doute pour soulager
l’inspecteur unique des grands travaux dont on l’accablait. Je n’accuse pas le
zèle de cet inspecteur qui était rempli de bonne volonté, mais il n’a pas été
en position d’agir.
Si je suis bien informé,
l’inspecteur-général des postes et l’inspecteur divisionnaire, dont je viens de
parler, n’ont rien faire depuis quatre ans, pas une seule inspection.
Cependant, s’il est un service qui exige une inspection, une surveillance de
tous les jours, c’est l’administration des postes où les plus graves abus
peuvent se commettre. Je n’accuse pas l’inaction de ces fonctionnaires, mais
bien l’inaction de ceux qui, devant les faire agir, ont négligé de le faire.
Il se passe dans
l’administration des postes, sinon des abus, des singularités qui
disparaîtraient s’il y avait une inspection un peu active. J’ai parlé des
imprimés qui circulent moyennant une taxe modérée, ; il m’est arrivé de
recevoir un livre par la poste ; sur la première page de ce livre se trouvait,
selon l’usage, Hommage à l’auteur. A cause de cette simple ligne écrite
à la main, on a taxé le livre comme lettre ; et pour ne pas désobliger
l’auteur, j’ai dû payer le livre beaucoup plus cher que chez le libraire. Les
lettres de faire part de mort et de mariage, qui sont d’une assez grande
ressource en France, où elles circulent comme imprimés, sont taxées comme
lettres en Belgique et refusées par la plupart de leurs destinataires. Si je
suis bien informé, le bureau de rebuts est encombré de ces lettres.
Mon intention n’est pas
d’indiquer toutes les améliorations dont le service des postes serait
susceptible ; elles se présentent en masse à l’esprit ; c’est un
vieux service qui faut vérifier ; je compte sur la jeunesse de M. le
ministre des travaux publics, pour lui donner une impulsion nouvelle ; je
compte sur son activité, mais je désire que cette activité se traduise non pas
seulement en bonnes intentions, mais en actes utiles.
Je n’en dirai pas davantage pour
le moment. J’espère que le temps viendra bientôt où nous pourrons examiner dans
cette enceinte la question de la taxe des lettres, soit qu’on propose une seule
taxe uniforme où qu’on la divise en deux catégories. Et je dois prévenir M. le
ministre, sans vouloir faire ici une menace, que si le gouvernement ne
présentait pas un projet de loi, je croirai de mon devoir, après quatre ans
d’attente, de présenter, avec quelques-uns de mes bons amis, un système
conforme aux idées que j’avais exprimées en 1841. mais je préférerais que
l’initiative vint du gouvernement.
M. d’Hoffschmidt
– Je n’ai plus, messieurs, que quelques mots à dire à la chambre sur un
objet fort intéressant pour le Luxembourg, signalé par l’honorable M. Jadot, et
sur lequel M. le ministre vient de lui répondre.
D’après M. le ministre ce qui a
empêché d’approuver l’adjudication du service à établir sur la route d’Emptinne
à Neufchâteau, c’est une réclamation de la compagnie Van Gend, dans laquelle elle
déclare que si cette approbation avait lieu, elle supprimerait son service de
diligences entre Namur et Arlon. M. le ministre verrait là quelque chose de
très-fâcheux pour les arrondissements de Marche et de Bastogne. Je ne partage
pas à cet égard toutes ses craintes. Je crois qu’il serait infiniment plus
fâcheux pour les habitants qu’on supprimât la malle-estafette dont ils
jouissent actuellement.
Ce que veux la compagnie Van
Gend, c’est le monopole. Mais si elle supprime son service, je ne doute pas que
ce service ne soit remplacé par une autre compagnie. Je crois pouvoir en parler
en connaissance de cause : ainsi les habitants de cette partie du pays
perdraient ce dont ils ont joui jusqu’à présent, c’est-à-dire un service de
diligence et la malle-estafette.
La route de Namur à Arlon par
Marche et Bastogne a toujours été la route principale du Luxembourg. Elle
passerait au second rang si on la prive du passage de la malle-estafette.
Quant à ce qu’a dit tout à l’heure
l’honorable M. Pirson, je n’ai aucune objection à y faire.
Je désire aussi qu’un service
soit établi sur la route de Rochefort à St.-Hubert. Nous avons toujours été
d’accord sur ce point. Lorsque les honorables M. Zoude et d’Huart ont demandé
ce service, jamais ils n’ont demandé que l’on changeât celui établi sur la
route de Marche à Bastogne.
Je pris M. le ministre d’y bien
réfléchir, puisqu’il s’occupe de cette question, car dans le Luxembourg, on y
attache une grande importance. Je regretterais qu’il fût amené à prendre une
résolution qui sans aucun doute soulèverait de vives réclamations. Je ne
reviendrai pas sur la question de la réforme postale qui a suffisamment occupé
la chambre. Les honorables membres qui viennent de parler ont démontré complètement
l’utilité et l’opportunité de s’occuper de cette question. Quant à moi, je suis
convaincu quelle que soit notre opinion actuelle sur la taxe uniforme, que nous
serons avant peu d’années amenés à adopter une disposition semblable.
M. Lejeune – Cette discussion a déjà été assez longue. Je ne veux dire qu’un mot.
J’appuierai de toutes mes forces
les observations des honorables préopinants pour demander 1° la suppression du
décime rural 2° la taxe uniforme des lettres.
Lorsque la chambre a voté la loi
postale, elle a fait une loi d’essai, surtout en ce qui concerne l’organisation
de la poste rurale. Cet essai a été très-heureux, sous le rapport financier et
sous le rapport administratif. Sous le rapport financier, l’attente de tout le
monde a été considérablement dépassée. On a établi le décime rural, pour que le
gouvernement ne fût pas constitué en déficit. Mais l’application de la loi a
produit beaucoup plus que l’on n’en espérait. Aujourd’hui, il est parfaitement
démontré que l’on peut renoncer au décime rural, sans qu’il y ait déficit. Dès
lors il n’y a aucun motif pour faire peser sur les communes rurales ce surcroît
d’impôt.
La réforme postale en général est une question très-grave. Nous devons donner au gouvernement le temps nécessaire pour nous présenter un projet de loi bien élaboré. Mais, pour ce qui concerne le décime rural, on aurait pu le supprimer, on aurait pu depuis deux ans changer cette disposition de loi.
Je ne veux pas non plus que le
trésor soit constitué en déficit. Mais je pense que la suppression du décime
rural aurait plutôt pour résultat une augmentation de revenus. Ceux qui ont
quelques relations avec les campagnes savent que la taxe, trop élevée
aujourd’hui, arrête beaucoup de correspondances que, dans l’état actuel, un
grand nombre de lettres sont transportées en fraude, et arrivent à destination
sans passer par la poste. Je me joins donc à mes honorables collègues qui ont
réclamé cette réforme.
J’appuierai, à l’occasion, la
taxe uniforme des lettres.
M. de Garcia –
Je demande que M. le ministre réponde aux interpellations que je lui ai
adressées.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)
– La chambre est fatiguée. Je ne crois pas devoir répondre aux observations
qui ont été renouvelées sur la question de la réforme postale. Seulement, je
répondrai à quelques points isolés du discours de l’honorable M. Rogier.
L’honorable membre a demandé si
la commission qu’il avait instituée, en 1841, avait présenté son travail. Ce
travail a été remis au gouvernement. Seulement je n’ai pu admettre le système
de cette commission, qui tend à supprimer les degrés les plus élevés de
l’échelle de la taxe des lettres et à fixer le maximum de la taxe à cinq
décimes, sauf à le réduire à mesure que le nombre de lettres augmenterait. J’ai
pensé que cette réforme n’aurait amené d’autre résultat qu’une diminution de
revenu, sans chances d’augmentation sensible dans le nombre des lettres,
résultats que l’on attend de la réforme postale.
Du reste, j’examinerai cette
grave question d’ici à la session prochaine.
La position de l’inspecteur
général des postes est restée telle que l’avait faire l’arrêté du 6 avril 1841.
depuis que je suis entré au ministère, les inspections ont été plus nombreuses
qu’auparavant.
Quant à la position de M.
l’inspecteur divisionnaire Brown, elle ne tardera pas à être régularisée.
Je conviens que des réformes
doivent avoir lieu dans l’administration du personnel des postes.
Je me suis occupé d’abord de
l’administration centrale du chemin de fer. L’arrêté du 1er mars a
été le résultat de ce travail d’organisation. Le gouvernement ne peut embrasser
toutes les questions à la fois. Je me réserve de m’occuper de la réorganisation
du services des postes, après que l’arrêté du 1er mars aura été mis
en vigueur.
Relativement à l’interpellation
de l’honorable M. de Garcia, je me bornerai à répondre que je crois pouvoir
satisfaire à son observation sans augmenter le chiffre proposé.
M. Osy – Vous avez vu, page 31 du rapport de la section centrale, qu’on demande : 1° à combien s’élevaient les dépenses du service de la poste aux lettres avant la construction du chemin de fer ? 2° Quelles est l’économie produite par le transport des dépêches sur les différentes lignes du railway national ?
Nous savons que depuis dix ans
les dépenses de la poste ont doublé, tandis que les recettes n’ont guère
augmenté. La disproportion est frappante.
Nous voyons dans les
développements page 32, que le chemin de fer tout en permettant de réduire de
fr. 81,130 les frais ordinaires en transport de dépêches a, par contre, donné
lieu à plusieurs dépenses s’élevant à 48,908 fr. Cette dernière somme a été
affectée à la création de nouveaux bureaux de postes.
Je voudrais bien savoir comment
il se fait que depuis dix ans les dépenses de la poste ont doublé, il y a
encore cette année (sans tenir compte des frais de service entre Douvres et
Calais) une augmentation de 100,000 fr. Je désirerais que M. le ministre voulût
bien la justifier.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Vous
pouvez voir, messieurs, à la page 32 du rapport, la réponse détaillée que j’ai
faite à la question posée par la section centrale, question que vient de
renouveler l’honorable M. Osy. Je ne pourrais que donner lecture de ces
observations que je crois satisfaisantes.
Une remarque à faire, c’est qu’à
mesure que le personnel a été augmenté pour satisfaire aux exigences nouvelles
du service rural, les recettes ont augmenté dans la même proportion.
- La discussion est close.
Article 13 à 15
« Art. 13. Matériel – Frais
de bureau et de loyer, papiers, impressions, timbres, cachets, boîtes, frais de
tournées et de mission relatives au service des postes, transport des dépêches,
etc. : fr. 420,546. »
- Adopté
« Art. 14. Subvention pour l’établissement de deux nouvelles
communications par semaine entre Ostende et Douvres : fr. 40,000. »
- Adopté.
« Art. 15. Frais de construction de voitures destinées au service des postes sur le chemin de fer : fr. 20,000. »
- Adopté.
« Art.1er A. Traitements des fonctionnaires,
employés et gens de service du conseil des mines : fr. 42,000
« B. Frais de route, indemnités éventuelles pour les conseillers
honoraire : fr. 1,200.
« C. Entretien et renouvellement du mobilier, fournitures de
bureau, achats de livres, chauffage et éclairage : fr. 2,400
« Total : fr. 45,600 »
M.
Lesoinne – J’ai quelques observations à présenter à M. le
ministre des travaux publics sur la position de certains fonctionnaires de
l’administration des mines. Je veux parler des conducteurs des mines qui ont
été nommés avant que l’école des mines ne fût créée à l’université de Liége.
Ces conducteurs ont des
connaissances pratiques et se sont rendus fort utiles dans l’administration des
mines. Mais n’ayant pas été à même de suivre les cours de l’université, ils se
trouvent dans une sorte d’impasse, ils ne peuvent obtenir de l’avancement.
Cependant, ce sont des hommes instruits qui ont passé certains examens avant
d’entrer dans l’administration.
Je demanderai à M. le ministre
des travaux publics s’il ne pourrait pas leur faire obtenir l’avancement, soit
en leur faisant partager cet avancement avec les sous-ingénieurs qui sortent de
l’école des mines, soit même en leur accordant une petite partie de
l’avancement.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)
– Messieurs, l’honorable membre sait que des arrêtés royaux ont réglé les
conditions d’admission et d’avancement pour le service des mines, comme pour
les ponts et chaussées. Ici, il y a deux intérêts en cause ; d’abord
l’intérêt de l’école des mines attachée à l’université de Liége.
L’administration ne peut offrir pour débouché, si je puis me servir de ce
terme, aux écoles spéciales que deux places de conducteur à donner en moyenne
par année. Or, si l’on donnait un certain privilège aux anciens conducteurs qui
se trouvent en service actif, les élèves des écoles spéciales n’auraient plus
aucune espérance devant eux et l’on arriverait à devoir fermer les écoles et
nuire ainsi à l’enseignement universitaire.
C’est là le point de vue auquel
le gouvernement s’est placé en prenant les arrêtés qui on fixé les conditions
d’admission.
Une commission a été nommée,
composée des fonctionnaires du département de l’intérieur, qui représentaient
l’intérêt de l’enseignement, et de fonctionnaires du département des travaux
publics qui représentaient l’intérêt de l’administration, et c’est elle qui a
proposé la combinaison que les arrêtés ont consacrée.
M. Delfosse – Je comprends les
raisons que M. le ministre des travaux publics vient de donner ; l’arrêté
royal du 1er octobre 1838, qui a décidé que les places de
conducteurs et de sous-ingénieurs seraient données au concours, a produit et
produira encore de bons résultats. Mais M. le ministre des travaux publics doit
reconnaître qu’ils ont perdu de vue, lorsqu’ils ont pris cet arrêté, les titres
que d’anciens conducteurs nommés avant 1830 avaient à l’avancement ; on
n’a pas pensé qu’on les condamnait à rester éternellement conducteurs.
Vous devez, messieurs, sentir
qu’il est impossible à ces conducteurs de concourir avec des élèves qui sortent
des universités ; ceux-ci ont encore les leçons du professeur présentes à
la mémoire, ils ont une réponse toute prête aux questions qu’on leur
pose ; les autres, aussi instruits peut-être, ayant dans tous les cas l’avantage de la pratique et de l’expérience, manquent
néanmoins de certaines connaissances qui sont nécessaires pour réussir
dans ces concours. Ces connaissances ils les ont possédées autrefois, mais
elles se sont peu à peu effacées de leur esprit.
Il y a, messieurs, bien des
personnes qui occupent une haute position et qui sont renommées par leur
talent, qui éprouveraient un grand embarras si on les forçait à concourir avec
des élèves de rhétorique.
Pour être juste à l’égard des
anciens conducteurs, il faudrait ou bien établir pour eux des règles spéciales
d’avancement, ou bien les déclarer à l’école, comme on le fait pour le
militaire, afin qu’ils aient le temps et les moyens de se remettre au courant
de ce qui s’enseigne dans les universités et de se préparer au concours. Il y a
bien certainement une lacune dans le règlement de 1838, j’appelle sur ce point
toute l’attention de M. le ministre des travaux publics.
M. Lesoinne – J’ajouterai à ce
que vient de dire mon honorable ami, que le nombre de conducteurs n’est pas
très-considérable ; de sorte que l’avancement qu’on leur accorderait ne
pourrait nuire d’une manière sensible à celui des élèves qui sortiraient de
l’école des mines.
MM. les conducteurs dont je parle
sont accablés de travail ; ce sont eux en général qui mettent au fait les
sous-ingénieurs que l’on nomme et qui ne sont pas au courant de l’exploitation.
Je demanderai donc que M. le ministre veuille bien prendre en considération la position de ces fonctionnaires et aviser aux moyens de les tirer de l’impasse où ils se trouvent.
« Art. 2. Traitements des ingénieurs et conducteurs des
mines : fr. 129,400
« Frais de bureau et de déplacement, jurys d’examen et voyage des
élèves des mines : fr. 45,600
« Total : fr. 172,000. »
M.
Delfosse – Je remarque qu’il y a ici une augmentation de
6,000 fr., le gouvernement n’a donné aucun motif pour la justifier ; de
son côté la section centrale n’en dit pas un mot dans son rapport ; je
pris M. le ministre des travaux publics de vouloir bien nous expliquer pourquoi
une augmentation de 6,000 fr. est nécessaire, sans cela mon vote devrait être
négatif.
M.
Mast de Vries, rapporteur – Cette augmentation provient
de la nomination d’un inspecteur-général, à laquelle la chambre, l’année
dernière, a donné son assentiment.
M.
Delfosse – C’est l’année dernière qu’il a été question de
la nomination d’un inspecteur-général et l’on a voté alors les fonds
nécessaires.
M.
Mast de Vries – La moitié.
M.
Delfosse – Ce qui a été voté eût suffi, si on l’avait
voulu ; il y a trois divisions pour les mines, l’une de ces divisions n’a
pas une très-grande importance, on aurait très-bien pu réduire le nombre des
ingénieurs en chef de trois à deux. Au lieu de cela on a augmenté ce nombre, on
l’a porté à quatre. Nous avons aujourd’hui quatre ingénieurs en chef, il est
bien vrai que l’un d’eux ne jouit pas encore du traitement attaché à son grade,
mais c’est là une position anormale.
Les trois divisions des mines
comprennent sept districts, l’un de ces districts, celui d’Arlon, n’est dirigé
que par un sous-ingénieur, on a pensé qu’un sous-ingénieur suffirait pour ce
district peu important, au point de vue des mines ; pour les six autres
districts, il y avait quatre ingénieurs, il n’y en avait donc que deux à
nommer ; on en a nommé trois : il y en a un qui n’a pas de district à
diriger ; il reste attaché au bureau de l’ingénieur en chef, c’est-à-dire
qu’il remplit des fonctions qui sont ordinairement attribuées à des
sous-ingénieurs et même à des conducteurs. Pourquoi ces nominations ?
Pourquoi cette dépense inutile ? On m’a assuré, je ne sais si c’est vrai,
que l’un des trois ingénieurs récemment nommés, est quelque peu cousin de M. le
ministre des travaux publics, les deux autres étaient plus anciens que lui, on
n’aurait pu le faire passer avant eux sans injustice ; ce serait donc pour
concilier la justice avec la faveur qui est due au cousin d’une ministre, qu’on
aurait nommé trois ingénieurs et grossi la dépense. Remarquez bien, messieurs,
que je ne conteste nullement le mérite du troisième ingénieur, je dis seulement
que son tour n’était pas venu.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)
– Messieurs, je commence par déclarer que je n’ai nommé dans le corps des
mines aucun ingénieur qui soit de ma famille à quelque degré que ce soit, et je
remercie M. Delfosse de me fournir l’occasion de démentir un bruit à journaux
aussi peu fondé que le sont d’ordinaire les bruits de ce genre.
Quant à l’augmentation du
chiffre, on vient, en interrompant l’honorable M. Delfosse, d’en faire
connaître la cause. L’année dernière je n’avais demandé que la moitié du
chiffre nécessaire pour le traitement de l’inspecteur général, parce que je
n’avais besoin de la somme que pour la moitié de l’année ; j’ai donc dû
demander pour cet exercice la totalité de l’allocation.
Messieurs, j’ai nommé inspecteur
en chef, celui qui en remplissait les fonctions par interim à Namur depuis
plusieurs années. Je crois qu’en le nommant j’ai fait un acte de justice. Cet
ingénieur, de beaucoup de mérites, avait rempli ses fonctions intérimaires avec
distinction, et avait ainsi acquis des titres spéciaux que l’administration ne
pouvait méconnaître.
A la vérité, j’ai dû nommer en
même temps ingénieur en chef un membre du corps, qui était plus ancien que
celui-là, et qui avait un service spécial à Liége. Il a obtenu le titre de son
grade et il n’en touche pas le traitement. Ainsi, le trésor public n’est est
nullement affecté.
Il est vrai, messieurs, que
d’après les arrêtés, 7 ingénieurs peuvent être nommés, et ce nombre n’a pas été
dépassé. Je sais qu’à la résidence d’Arlon, il faudrait un ingénieur ; la
place est desservie par un sous-ingénieur. Il y a là une espèce d’irrégularité,
un des ingénieurs nommés remplissant ses fonctions au bureau de l’ingénieur en
chef du Hainaut ; cela provient de ce que l’état de santé de cet ingénieur
n’a pas permis au gouvernement de l’envoyer à la résidence d’Arlon. C’était là
un motif personnel, à la vérité, mais un motif personnel dont le gouvernement
devait tenir compte. L’irrégularité concerne une question de résidence.
M. d’Hoffschmidt
– J’ai demandé la parole, messieurs, pour présenter une seule observation.
L’honorable M. Delfosse a dit qu’il y a maintenant à Arlon un sous-ingénieur
pour toute la province. Cela est vrai mais il y a toujours eu à la tête de ce
district un ingénieur. M. le ministre vient de vous dire qu’il réparera bientôt
cette irrégularité ; dès lors je n’ai rien à ajouter sur ce rapport.
Certainement l’arrondissement d’Arlon est moins important que les districts
houillers, mais il n’en est pas moins assez important pour qu’il s’y trouve un
ingénieur à la tête du service des mines.
M. Delfosse – Quoi qu’en dise
l’honorable M. d’Hoffschmidt, il est certain que le district d’Arlon donne lieu
à peu d’affaires au point de vue des mines ; le gouvernement l’a reconnu,
puisqu’il n’a placé qu’un sous-ingénieur dans ce district ; je pense qu’un
sous-ingénieur peut suffire.
M. le ministre des travaux publics vient d’avouer qu’il y a effectivement un ingénieur de trop ; qu’il y en a un qui se trouve sans district ; cet aveu prouve que mes observations étaient fondées ; on fait une dépense inutile. D’après ce que M. le ministre vient de dire, ce ne serait ni pour un de ses cousins, ni pour un de ses alliés que la mesure aurait été prise, je le veux bien, mais alors M. le ministre aura cédé aux instances de quelque solliciteur influent, parent ou ami de la personne qui a été favorisée. L’abus que j’ai signalé n’en existe pas moins.
- L’art. 2 est mis aux voix et adopté.
Article 3
« Art. 3 Subsides aux
caisses de prévoyance ; secours et récompenses aux personnes qui se sont
distinguées par des actes de dévouement : fr. 45,000 »
- Adopté.
« Art. 4. Impressions, achats
de livres et d’instruments, encouragements et subventions pour la publication
des plans et mémoires, essais et expériences : fr. 10,000 »
- Adopté.
« Article unique. Pensions conférées à des fonctionnaires et
employés ressortissant au ministère de travaux publics, depuis le 1er
octobre 1830 : fr. 34,579 76.
« Pensions à accorder éventuellement pendant 1843 : fr. 5,420
24
« Total : fr. 40,000.
M.
Savart-Martel – Messieurs, il y a plusieurs mois que j’ai
appelé l’attention du gouvernement sur la convenance de fixer enfin la pension
de M. de Gouy-Danseroeuil, ancien receveur du canal de Mons à Pommeroeuil. Mon
honorable collègue, M. Dumortier, a fait la même observation au commencement du
présent budget ; si je ne me trompe, cet objet a été renvoyé au présent
chapitre.
Arrivé à ce chapitre, je dois
renouveler la demande.
(page 1131) Rien n’est
plus simple cependant que cet objet ; car enfin cet ancien receveur
requiert l’application de la loi.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)
– Lorsque l’honorable M. Dumortier a interpellé le gouvernement sur ce
point, il a été convenu qu’on attendrait la présence de M. le ministre des
finances, que cet objet concerne spécialement. Depuis lors, l’honorable M.
Dumortier se trouve absent ; mon honorable collègue du département des
finances est également absent en ce moment. Lorsqu’il sera présent, il donnera
sans doute des explications.
M.
Savart-Martel – Vu la réponse de M. le ministre des
travaux publics, je réserve d’en faire l’objet d’une interpellation quand M. le
ministre des finances sera présent.
L’article est mis aux voix et adopté.
« Article
unique. Secours à des employés, veuves ou familles d’employés qui n’ont pas
droit à la pension : fr. 3,000 »
-Adopté.
Chapitre VII – Dépenses imprévues
« Article
unique. Dépenses imprévues : fr. 30,000 »
- Adopté.
Chapitre II – Ponts et chaussées – Canaux – Rivières – Polders
– Ports et côtes – Bâtiments civils – Personnel des ponts et chaussées
M.
le président – Nous en revenons à la 4e section
du chapitre II – Bâtiments civils, à l’occasion de laquelle la chambre à décidé
qu’elle discuterait le rapport sur la pétition du sieur Marcellis.
M.
Osy – Comme j’ai eu l’honneur de le dire, il y a quelque
jours, je crois, messieurs, qu’il est nécessaire, dans l’intérêt du trésor et
du commerce, que nous prenions une résolution sur le rapport qui nous a été
fait par l’honorable M. Pirmez. Dès le mois d’octobre de l’année dernière, le
gouvernement a approuvé l’entreprise de la charpente de l’entrepôt d’Anvers. Je
désirerais savoir si le gouvernement est d’intention de forcer l’entrepreneur à
faire les approvisionnements, afin qu’on n’attende pas la charpente lorsque les
maçons en auront besoin. Voilà trois ans que nous avons voté 1,500,000 fr. pour
l’entrepôt d’Anvers, et il est nécessaire que nous sachions si le gouvernement
a changé d’opinion, car dans ce cas, il faudrait voter un crédit nouveau
d’environ 600,000 fr., soit au budget, soit par une loi spéciale.
M. Manilius – Messieurs, d’après
les conclusions du rapport de M. Pirmez, la pétition du sieur Marcellis devait
être renvoyée purement et simplement à M. le ministre des travaux publics, mais
on a demandé alors d’avoir des explications, et sur cette demande, la chambre a
renvoyé la discussion du rapport à celle du budget des travaux publics. On
espérait qu’à l’ouverture de cette discussion M. le ministre nous aurait donné
les renseignements que l’on désirait obtenir, mais il n’en a pas été
ainsi ; c’est alors qu’on a de nouveau remis la question, qu’on l’a
ajournée jusqu’à la fin du budget. Il me semble qu’il conviendrait que M. le
ministre prît maintenant la parole pour donner des explications ; alors on
pourra convenablement discuter la question. Je lui céderais donc volontiers la
parole, sauf à la reprendre ensuite dans le cours de la discussion.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)
– Messieurs, j’ai déjà répondu à l’interpellation qui m’avait été adressée
par l’honorable baron Osy sur les intentions du gouvernement relativement à
l’objet dont il s’agit en ce moment. Nous sommes, messieurs, en présence de
deux questions : l’une est agitée dans les pétitions de M.
Marcellis ; elle préoccupe beaucoup d’esprits, c’est la question de
l’emploi des métaux dans les constructions. Sous ce rapport, je partage
entièrement la manière de voir des défenseurs des pétitions de M. Marcellis. Je
pense aussi que l’emploi des métaux dans les constructions constitue un
progrès ; que ce débouché nouveau, ouvert à notre métallurgie, peut
devenir considérable, et qu’il est désirable que le gouvernement encourage ce
progrès dans les limites de ses moyens. L’autre question est une question
spéciale, c’est celle de savoir si le gouvernement doit appliquer ce principe à
l’entrepôt d’Anvers.
Quels ont été les faits devant
lesquels je me suis trouvé placé ? La question était complètement engagée
lorsque je suis entré au ministère ; j’avais à exécuter la loi de 1842,
pour laquelle il était alloué 1,500,000 fr. pour la construction de l’entrepôt
commercial d’Anvers. Veuillez vous rappeler, messieurs, que cette allocation
n’avait été votée qu’à deux voix de majorité, les honorables députés d’Anvers
l’ayant chaudement soutenue.
Le 13 janvier 1843, les plans
des fondations avaient été approuvés par mon honorable prédécesseur et les
travaux de ces fondations furent achevés ; les fondations avaient été
exécutées, comme la loi avait été votée, dans l’hypothèse d’un entrepôt en bois.
Je n’examine pas si elles pourraient supporter le poids d’un bâtiment en fonds.
M. Marcellis l’affirme ; le conseil des ingénieurs ne le pense pas. Peu de
temps après mon entrée au ministère, j’ai eu à approuver les plans généraux de
la station commerciale et de l’entrepôt d’Anvers. J’ai approuvé ces plans
généraux ; j’ai ordonné l’adjudication et le 2 avril 1844, cette
adjudication a eu lieu. Elle a été approuvée, à la somme de 1,137,000 fr.
Je sais, messieurs, que M. Marcellis, n’a pas cessé, depuis mon entrée au ministère, de me faire des propositions relatives à l’entrepôt commercial d’Anvers ; mais j’aurais toujours considéré cette question comme trop engagée pour que l’on pût y revenir.
Cependant, afin de ne rien
négliger pour m’éclairer, j’ai nommé une commission mixte, composée
d’ingénieurs, fonctionnaires supérieurs de corps des ponts et chaussées, de
membres de la chambre de commerce d’Anvers et de la commission de l’entrepôt,
afin d’examiner encore cette question, comme s’il était encore possible au
gouvernement de la décider.
Eh bien, messieurs, la
commission mixte et la chambre de commerce d’Anvers, ont résolu à l’unanimité
de proposer au gouvernement de maintenir sa décision, et de ne pas donner les
mains au changement que l’on demandait d’apporter au projet. Ainsi, messieurs,
si le gouvernement, en présence des faits accomplis, en présence surtout de la
question financière qui prime ici toutes les autres, n’a pas cru pouvoir
revenir sur la loi de 1842, il ne faut pas croire pour cela qu’il n’ait pas
compris l’utilité de l’emploi des métaux dans les constructions. Sa décision
spéciale par rapport à l’entrepôt d’Anvers ne doit rien préjuger de
l’application de la pensée qui a trouvé un intelligent défenseur en M.
Marcellis.
Je ne puis donc saisir la
chambre d’un projet de loi tendant à allouer une somme de 5 ou 600,000 fr., ou
plus peut-être, pour cet objet, enfin de revenir sur la loi de 1842.
Après avoir reçu le rapport de
la commission mixte et le rapport de la chambre de commerce d’Anvers, qui
étaient les principaux intéressés dans cette question, j’ai fait connaître à
l’entrepreneur, par l’intermédiaire de M. l’inspecteur général, que le cahier
des charges devait être littéralement exécuté ; j’ai communiqué cette
décision à M. Marcellis. Voilà la position dans laquelle le gouvernement se
trouve. Maintenant les membres de la chambre peuvent prendre l’initiative d’une
proposition, s’ils le jugent bon, mais le gouvernement ne croit pas pouvoir
prendre une pareille initiative, dans la situation actuelle du trésor.
M. David – J’étais certain,
messieurs, qu’au point de vue de l’utilité, du progrès même, la proposition de
M. Marcellis devait rencontrer les sympathies de l’honorable ministre des
travaux publics.
Maintenant que M. le ministre a
fait entrevoir qu’il ne négligerait aucune occasion de pousser à l’emploi du
fer dans les constructions civiles, celles du chemin de fer surtout, qu’il me
soit permis de lui recommander de nous donner bientôt des échantillons de ce
genre de construction, des preuves enfin de sa bonne volonté.
Quant à moi, qui ai l’honneur de
faire partie de la commission permanente d’industrie, je ne reviendrai pas sur
ce qui s’est passé dans son sein et qui est d’ailleurs connu de toute la
chambre par les pièces et rapports qui lui ont été soumis. Je déclarerai
seulement, que quelle que soit mon impatience de voir se réaliser le vœu de la
métallurgie belge et de M. Marcellis en particulier, je n’ai pour mon compte pu
voter en faveur de l’achèvement de l’entrepôt d’Anvers. Je me dispenserai de
citer ici mes motifs qui sont ceux du rapport de mon honorable collègue, M.
Pirmez.
Je demande seulement encore 2
minutes d’indulgence à la chambre pour développer devant elle, à cette
occasion, mais d’une manière extrêmement rapide, quelques considérations
générales qu’a fait naître la proposition de l’honorable M. Marcellis dans mon
esprit.
La pétition de M. Marcellis,
renforcée par celle d’une grande partie de l’industrie sidérurgique belge, a,
suivant mes faibles lumières, une grande portée.
Je déclare d’abord que depuis
les premières publications qui ont entretenu le monde des avantages presque
toujours incontestables de la substitution de l’architecture métallurgique à
l’architecture lapidaire, je me suis trouvé séduit par la grandeur de cette
belle idée.
Quand je me rappelle que le
terrible incendie de Hambourg a donné lieu à des conceptions absolument
nouvelles, et d’autant plus réalisables que la matière première de la bâtisse,
la pierre, provient de
Nous venons de passer,
messieurs, quelques bien mauvaises années pour l’industrie métallurgique. Si
l’on eût écouté plus tôt la voix du progrès, bien des pertes n’eussent pas été
ressenties.
Il est à désirer maintenant
qu’une ère nouvelle de prospérité pour la forgerie, ne nous endorme point sur
les idées généreuses qui ont rencontré un si persévérant défenseur dans la
personne de l’estimable auteur de la proposition, M. Marcellis. La métallurgie
belge peut dans quelque temps retomber dans le marasme et il est prudent dans
la prospérité de se ménager des ressources dans un avenir bien beau.
Malheureusement, les reproches
que l’on peut avec quelque raison adresser aux métallurgistes belges, c’est de
vivre toujours dans un état d’isolement et de concurrence, dont ils doivent
voir aujourd’hui que les intérêts anglais sont sortis depuis longtemps. Dans
l’association se trouvent la force et la prospérité. On a fait un étrange abus
de cette vérité, j’en conviens, mais elle est encore au rang des idées
nouvelles tout en touchant à la période de sa fécondité. Que l’industrie métallurgique
belge y songe donc et pour son intérieur et pour son exportation. En Belgique,
que de monuments, que de choses utiles et peu coûteuses pour nos constructions
civiles et surtout nos chemins de fer ne viennent pas s’offrir à elle ? A
l’exportation, un monde nouveau l’appelle à concourir avec la grande nation
anglaise, qui elle nous a bien devancé jusqu’ici, mais dont les avantages
faiblissent aujourd’hui dans la comparaison du prix des deux fers.
Je sais que
Je vous en donnerai la preuve,
messieurs, par l’extrait, que je vais vous soumettre d’un journal français
très-sérieux, où je lis : M. Leykock de Londres,
a construit un palais en fer pour Enyambo, roi africain. Le succès qu’a eu le
genre de construction a fait naître la pensée au gouvernement français (page
1132) de reconstruire
Quoiqu’il arrive de la
proposition de M. Marcellis, on doit savoir gré à cet industrieux concitoyen,
d’avoir fait faire un pas à une des questions modernes les plus importantes et
qui intéresse au plus haut degré
M. le président – la parole est
à M. de Mérode.
M.
de Mérode – Messieurs…
Des
membres – Aux voix ! aux voix !
M.
de Mérode – Si l’on veut clore la discussion, je
renoncerai volontiers à la parole
M. Dubus (aîné) – Je demande la
parole.
Je ne pense pas qu’il y ait lieu
à fermer cette discussion, avant même qu’elle soit en quelque sorte
ouverte ; on a demandé des explications à M. le ministre des travaux
publics, mais je ne pense pas que la chambre doive se borner à les entendre. La
question est assez importante pour mériter quelques instants l’attention de
l’assemblée (Parlez ! parlez !)
Messieurs, je sais infiniment gré à M. le ministre des travaux publics de la sympathie qu’il témoigne pour une des principales industries du pays. M. le ministre désire favorise l’emploi de la fonte dans la construction des grandes édifices publics ; mais il attend, paraît-il, une autre occasion plus favorable pour donner des preuves de cette sympathie.
Je lui demanderai quelle autre
meilleure occasion il pourrait choisir. Il a objecté qu’il avait trouvé la
question engagée. Mais si la question était engagée, elle n’était pas résolue
irrévocablement. Il faudrait prouver qu’il était devenu impossible de revenir
au système le plus rationnel, à celui de la construction d’un édifice
incombustible, destiné à recevoir des marchandises pour une valeur très
considérable ; il faudrait, dis-je, prouver cette impossibilité, pour dire
que l’occasion manquait pour faire un semblable emploi de la fonte.
Or, c’est ce qui ne résulte
aucunement des faits. L’édifice est commencé, mais à quel point en est-on
parvenu ? On a dit, et cela n’a été contesté par personne, que l’édifice
est seulement à fleur de sol, et que les fondations seules sont faites. Il
s’agit précisément d’élever maintenant un édifice, soit selon le système
suranné et qu’aujourd’hui on abandonne partout, soit selon le système nouveau
et le seul rationnel pour un édifice de cette nature.
Ainsi, bien loin que l’occasion
échappe, il me semble que l’occasion se présente d’elle-même. Je demande
pourquoi on ne la saisit pas…
M.
de Mérode – Je demande la parole.
M.
Dubus (aîné) – Il est vrai qu’on a été jusqu’à contester
l’utilité de l’emploi de la fonte pour un édifice de cette nature. Mais je ne
pense pas que M. le ministre des travaux publics partage cette opinion :
du moins ce qu’il nous a dit tout à l’heure doit nous faire croire que cette
conviction n’est pas du tout la sienne.
On a prétendu en effet qu’il n’y
avait aucun avantage, sous le rapport du danger d’un incendie, à avoir un
entrepôt construit en fonte, au lieu d’un entrepôt construit en bois. Mais il
me semble qu’il suffit de présenter cette seule comparaison et de laisser
chacun se prononcer.
Est-il quelque qui puisse douter
de l’immense intérêt qu’il y a à éviter tout danger d’incendie pour un entrepôt
colossal, destiné à recevoir des marchandises pour 20 ou 30 millions ?
est-il possible de ne pas être frappé des conséquences d’un désastre qui
pourrait survenir dans une ville commerciale comme Anvers ? Si l’entrepôt
de cette ville était consumé avec toutes les marchandises qu’il renferme, que
deviendrait le commerce d’Anvers pendant tout le temps nécessaire à la
construction d’un nouvel entrepôt, ou du moins à la recherche d’un nouveau
local où l’on pût déposer toutes les marchandises qui doivent y affluer.
J’ai dit tout à l’heure que le
mode de construction qui a été imposé à l’entrepreneur par l’adjudication, est
celui qu’on abandonne partout aujourd’hui.
Et effet, messieurs, en
Angleterre, où je pense que nous pouvons puiser des exemples en la matière,
c’est maintenant la fonte qui est exclusivement employée. Je citerai
particulièrement Liverpool, où tous les magasins qui bornent les docks sont
construits en fer. On m’a même affirmé qu’on a introduit à Liverpool une loi de
police municipale du genre de celles qui existent dans toutes nos villes, et
que, de même que dans les villes il est défendu de construire des édifices
couverts de chaume, à cause des incendies, de même à Liverpool, dans le
voisinage des docks, il est défendu de construire des édifices dont la
charpente soit en bois, précisément pour écarter des docks le danger des
incendies.
Et nous, Etat, nous faisons
construire des édifices destinés à devenir l’entrepôt de toutes les
marchandises de la ville d’Anvers, et nous prescrivons à l’adjudicataire de
construire la charpente en bois ; nous lui prescrivons même d’employer le
bois le plus combustible qu’il y ait, le bois de sapin !
J’ai dit, messieurs, qu’une
partie du commerce d’Anvers paraît contester l’avantage immense qu’il y aurait,
selon moi, à obtenir la construction en fonte. Il faut, messieurs, qu’il se
cache là-dessous quelque intérêt qu’on ne peut deviner, si l’on en juge par les
étranges raisons que l’on met en avant pour contester cet avantage.
On vient dire que peu importe à
peu près si la charpente est en bois ou en fer, parce que ce n’est pas le
bâtiment qui communique le feu aux marchandises ; que ce sont les
marchandises qui prennent feu et qui communiquent le feu au bâtiment. Et dans
le même document où cette étrange raison est mise en avant, on indique la
nature de la plupart des marchandises qui doivent remplir l’entrepôt. Or, sur
une quantité de 16 millions, il y a pour 13 millions de marchandises qui,
suivant le même document, se composent de grains, de sucre brut, de café, de
manière que c’est ce grain, ce café, ce riz qui va prendre feu et qui va
communiquer le feu au bâtiment.
Je ne dis pas que ces
marchandises ne soient pas susceptibles de brûler ; je crois que quant le
contenant brûle, elles brûlent aussi ; mais ce ne sont pas des
marchandises qui sont susceptibles de s’enflammer et de communiquer le feu au
bâtiment.
Avec la construction que l’on a
ordonnée, le désastre sera vraisemblablement un désastre complet et général,
tandis qu’avec la construction qui est proposé, il n’y aurait qu’une perte
partielle, facilement réparable ; l’édifice resterait debout et continuerait
à recevoir sa destination. Il n’y aurait aucune perturbation dans le commerce.
Il est donc évident, messieurs,
qu’il est de l’intérêt et du plus grand intérêt du commerce d’Anvers, qu’il est
de l’intérêt de l’Etat, auquel l’intérêt du commerce d’une ville comme Anvers
est nécessairement lié, que l’entrepôt d’Anvers soit construit en fonte comme
les magasins de Liverpool, afin d’être à l’abri du feu.
Maintenant, messieurs, se
présente une autre face de la question, c’est qu’en donnant au commerce
d’Anvers l’édifice le plus convenablement construit pour la destination qu’il
doit recevoir et pour éviter tout désastre à l’avenir, vous favorisez en même
temps l’une des plus importantes industries du pays, tandis que d’après le
cahier des charges qu’a approuvé M. le ministre des travaux publics, c’est un
produit étranger qui est favorisé et exclusivement favorisé au préjudice des
produits du pays, car remarquons-le bien, c’est du bois exotique, c’est du
sapin du Nord que les entrepreneurs sont obligés d’employer pour la
construction de l’entrepôt d’Anvers.
La commission, messieurs, a été
unanime aussi pour témoigner de sa sympathie en faveur d’une industrie aussi
importante. Il me semble que nous devrions être aussi unanimes sur ce
point ; mais cette sympathie , selon moi, ne devrait pas demeurer stérile,
être purement verbale ; je pense que nous devons saisir cette occasion de
la témoigner d’une manière efficace ; mais c’est à l’Etat à donner, dans
une occasion comme celle-ci, occasion qui ne se représentera plus de longtemps,
duquel on doit avoir soin surtout d’écarter tout danger d’incendie. Or, c’est
précisément l’Etat qui, au contraire, donne l’exemple de favoriser les produits
étrangers, en prescrivant l’emploi du sapin étranger.
M. le ministre a donné à
entendre que si une proposition était faite, il pourrait s’y rallier. Mais lui
ne veut pas faire de proposition.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps)
– C’est une erreur !
M.
Dubus (aîné) – J’ai cependant tenu note de paroles
semblables qui seraient sorties de la bouche de M. le ministre des travaux
publics. Il a dit positivement que si quelqu’un faisait une proposition…
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps)– J’ai dit
que le gouvernement n’avait pas cru devoir prendre l’initiative, et que si
quelqu’un dans la chambre voulait prendre cette initiative, c’était une
question qu’il laissait à l’appréciation de la chambre.
M.
Dubus (aîné) – Quant à moi, je pense qu’elle devrait être
prise par le gouvernement ; j’aurai beaucoup de répugnance à la prendre,
mais je ne saurais jamais assez engager le ministre à proposer un crédit pour
substituer la fonte au bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers. S’il
ne le fait pas, tout au moins, pour ce qui me concerne, je suis bien aise
d’avoir pris la parole, ne fût-ce que pour protester contre la manière dont cet
édifice est exécuté à Anvers.
M. de Mérode – Si l’économie
n’était pas un élément nécessaire d’administration publique et privée, nul
doute qu’il ne fût préférable de bâtir en pierre et en fer, que de faire entrer
le bois dans les constructions. Mieux vaudrait une charpente en fer dans une
ferme qu’une charpente en poutres et solives. Malheureusement les fermiers et
les propriétaires eux-mêmes n’ont pas les moyens de solder des édifices où le
fer remplace le bois, et malgré les dangers d’incendie, ils se contentent de
matériaux moins sûrs en se rejetant sur l’assurance comme compensation ;
parce qu’après tout elle est moins coûteuse que ne le serait le surcroît
d’intérêt d’un capital trop considérable, employé aux bâtisses pour une
complète sécurité.
Eh bien ! messieurs, je ne
vois pas que nos finances nous fournissent un excédant de recettes, tel que
nous puissions ajouter plusieurs centaines de mille francs aux frais déjà
considérables d’un entrepôt dont la dépense n’a été votée qu’à deux voix de
majorité. Rappelez-vous que pour le tunnel de Cumptich, nous avons déjà voté
trois cent mille francs de bons du trésor. En conséquence, j’engage,
contradictoirement à l’honorable M. Dubus, j’engage le gouvernement à ne pas
accroître une dépense déjà très élevée, quel que soit l’intérêt que je porte à
l’industrie intérieure.
M. Osy – Je vois avec plaisir
l’intérêt que l’honorable M. Dubus porte au commerce d’Anvers, mais je lui
dirai qu’à Anvers toutes les administrations de commerce sont contraires à la
proposition de M. Marcellis. J’en ferai connaître en peu de mots les raisons.
D’abord, ce serait une augmentation de 600 mille fr. représentant 30 mille fr.
d’intérêts ; si l’entrepôt venait à ne plus produire les intérêts de ses
frais de construction, les droits de magasins seraient augmentés. Ensuite,
comme nous l’a dit M. le ministre des travaux publics, c’est une expérience à
faire ; il s’agit de magasins qui vont convenir pour des millions de
marchandises ; le commerce ne se soucie pas de faire l’expérience de la
question de savoir si les magasins de quatre à cinq étages peuvent être
supportés par la fonte. Comme on en peut pas être assuré pour une expérience
pareille, le commerce ne veut pas courir ce risque.
L’honorable M. Dubus a parlé du
malheur qui résulterait d’un incendie. (page 1133). Sans doute ce serait
là un grand malheur, mais le commerce fait assurer les marchandises et le
gouvernement fait assurer l’établissement. La perte serait considérable, mais
elle serait réparable. Un désastre avec un bâtiment construit avec de la fonte
serait irréparable, et la perte serait certaine pour le commerce. Le commerce
d’Anvers, la chambre de commerce ne sont pas contraire à l’emploi des métaux
quand c’est possible. Nous faisons de grands hangars qui n’ont pas d’étages,
qui n’ont que des toits, nous les construirons en fer ; le commerce
d’Anvers fait tout ce qu’il peut pour utiliser les matières du pays de
préférence à la matière étrangère, mais quand il y a des risques à courir, il
ne veut pas s’y exposer.
Qu’arriverait-il, a dit
l’honorable M. Dubus, si l’entrepôt venait à brûler ? Depuis 1830, époque
à laquelle notre entrepôt a été incendié, jusqu’à 1834, où un nouvel entrepôt
fut construit, le commerce a loué des magasins particuliers qui étaient admis
par le gouvernement comme entrepôts fictifs. Si ce malheur arrivait, nous
devrions recourir au même moyen. Le gouvernement a consulté et fait consulter
les compagnies d’assurance, pour savoir si les primes seraient moindres avec
une construction en fonte que pour une construction en bois. M. le ministre
doit avoir reçu des compagnies d’assurances la réponse que les primes ne seraient pas moindres. L’ancien bâtiment qu’on va relier au nouveau a une charpente en
bois ; si, par malheur, un incendie s’y déclarait, les murs
crouleraient et les flammes envahiraient le nouveau bâtiment.
Le commerce est très-tranquille
sur le projet de construction avec charpente en bois ; il est donc inutile
de porter au budget une charge nouvelle de 600,000 francs. Je demande donc au
gouvernement que si personne ne fait la proposition formelle de voter un crédit
de 600,000 fr. pour exécuter le plan de M. Marcellis, et prenne l’engagement
d’ordonner à l’entrepreneur de faire ses approvisionnements, afin qu’il ne soit
pas en retard quand les murs seront en état de recevoir la charpente, et que le
commerce soit sûr d’avoir l’entrepôt dans le courant de l’année.
M. le ministre des finances (M. Mercier)
– Ainsi que l’a fait remarquer l’honorable comte de Mérode, il s’agit d’une
question financière qui n’est pas sans importance. Dans l’exposé de situation
du trésor que j’ai fait connaître à la chambre lors de la présentation du
budget, il était constaté un excédant probable de recettes sur les dépenses
d ‘environ 1,200 mille francs. Mais j’ai fait remarquer que plusieurs
dépenses à couvrir par cet excédant étaient déjà prévues. Je rappellerai qu’une
augmentation de 400 mille fr. a été votée au budget de l’intérieur ; que
l’excédant doit être imputé à l’augmentation de dépense résultant de la loi relative
au traitement de l’ordre judiciaire ; qu’un crédit de 300 mille francs a
été voté récemment pour le tunnel de Cumptich ; enfin qu’il y a lieu de
porter encore en ligne de compte l’intérêt des sommes qui seront employées à
l’amélioration du chemin de fer et aux travaux publics, de sorte que l’excédant
de 1,200 mille fr. qui serait nécessaire pour substituer le fer et la fonte au
bois dans la construction de l’entrepôt d’Anvers, l’équilibre entre nos
recettes et nos dépenses serait rompu, et nous retomberions dans les graves
inconvénients que tous nos efforts tendent à éviter.
Par ces motifs, je crois devoir
m’opposer au vœu que l’on émet en faveur de cette nouvelle dépense, quelque
utile d’ailleurs qu’elle puisse être à certains égards.
M. Fleussu – L’honorable comte
de Mérode, et après lui M. le ministre des finances, viennent de vous parler
d’économie. Sans doute, on est toujours sûr de faire quelque impression sur
l’esprit de la chambre quand on tient ce langage, mais je ferai remarquer
qu’avec des idées d’économie aussi restreintes, il faut renoncer à toute pensée
de progrès. Nous avons le bonheur d’avoir l’équilibre entre les recettes et les
dépenses, mais ce bonheur inespéré l’aura-t-on encore l’année prochaine ? Comment
ferez-vous alors s’il y a des constructions à faire ? renoncerez-vous à
les faire, quelle que soit leur utilité, quelle que soit même la
nécessité ? Voilà le résultat de ce système d’économie qu’on vient
préconiser aujourd’hui. J’ai meilleure opinion des sentiments de la
chambre ; je suis convaincu que quand des constructions seront utiles,
elle ne reculera pas devant les sacrifices nécessaires pour en doter le pays.
J’ai souvent entendu dire dans
cette enceinte qu’il fallait protéger le travail national, qu’il fallait
accorder des avantages à l’industrie nationale, donner la préférence aux
produits du pays ; c’est aussi ma manière de voir, mais surtout quand il
s’agit d’une industrie qui a des racines dans le pays et des chances de grand
développement dans l’avenir, et à laquelle se rattachent beaucoup d’autres
industries. C’est sur ce point de vue que j’envisage l’industrie métallurgique,
industrie qui enrichit la propriété foncière, puisqu’elle assure l’emploi des
minerais.
Elle enrichit l’industrie de la
houille, puisqu’elle emploie ses produits. C’est une industrie qui se rattache
à deux autres industries très-intéressantes pour le pays. Aussi il n’est pas
douteux qu’en favorisant cette industrie, vous n’avantagiez beaucoup le travail
national. Tout le monde est d’accord sur ce point. M. le ministre des travaux
publics vient de dire qu’il convenait de favoriser l’écoulement de la fonte, et
d’en substituer l’emploi à celui du bois. Après cela, quelles sont ses
conclusions ? Il demande si c’est au gouvernement à en faire l’essai. Je
demande à qui il appartient d’en faire l’essai, si ce n’est pas au
gouvernement, si ce n’est pas le gouvernement qui doit encourager le
développement d’une industrie. Ne serait-ce pas honteux pour le gouvernement
d’être en arrière des provinces et des communes ? La commune de Gand
n’a-t-elle pas donné l’exemple des constructions en fonte ?
Bruxelles ne construit-il pas un
entrepôt où il n’entre pas un morceau de bois ! Et le gouvernement
craindrait de mettre à la tête de ses chemins de fer une construction où le fer
tiendrait lieu de bois ! Vraiment, tout m’étonne de la part du ministre.
Après avoir témoigné sa sympathie à l’industrie métallurgique, il convie la
chambre à prendre l’initiative. Je vous le demande, est-ce à un membre de la
chambre qu’il appartient de prendre l’initiative ? N’est-ce pas là une
question sur laquelle le gouvernement doit exercer toute son influence ?
M. le ministre nous a dit autre
chose : il a dit qu’il avait trouvé la question trop engagée à son arrivée
aux affaires. Il a dit que les fondements ont été faits dans la prévision d’une
construction en bois. Mais si on lui donne l’assurance que les fondations sont
faites de telle manière qu’elles conviennent également à une construction en
fer, son raisonnement tombe, et laisse debout les fondations.
On a dit qu’il y avait
adjudication, que le gouvernement ne pouvait se dégager envers les
adjudicataires. Mais il y a une réponse à cette objection ; M. le ministre
la connaît, c’est que les adjudicataires consentent à laisser distraire du
cahier des charges tout ce qui concerne le bois et à y laisser subsister le
fer.
M.
le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Moyennant
quelle indemnité ?
M.
Fleussu – D’après les renseignements que j’ai pris, ils
n’en demandent aucune.
M. le ministre a présenté deux
objections qui ne tiennent pas. Croyez-vous, après cela, qu’il prenne
l’initiative ? Non. Il engage la chambre à prendre l’initiative. Si c’est là
du gouvernement, je ne m’y connais plus. Dans une question de cette importance,
quand il s’agit de donner l’impulsion à une grande industrie qui se rattache à
d’autres industries, c’est au gouvernement à prendre l’initiative. C’est à quoi
je l’engage.
M. le ministre des finances (M. Mercier)
– L’honorable préopinant nous demande si, parce que nous sommes parvenu à
atteindre l’équilibre financier, nous devons rester stationnaires, renoncer à
toute amélioration, à toute dépense, quelque nécessaire qu’elle puisse être.
Non, sans doute. Mais d’un autre côté, nous devons savoir mettre des limites à
nos dépenses et ne pas nous laisser dominer par la seule considération de
l’utilité de l’objet auquel elles sont consacrées ; c’est ce que la
prudence nous conseille. Du reste, nous avons prouvé que nous ne reculions pas
alors qu’il s’agit de dépenses essentiellement utiles ; nous avons demandé
récemment encore un crédit de douze millions, destiné à la création d’un canal
de Liége vers le Limbourg et au complément de la double voie de chemin de fer
et des stations. Ces travaux seront également productifs pour l’industrie
métallurgique à laquelle l’honorable membre semble à juste titre porter
beaucoup d’intérêt.
J’ajouterai que les gares des
stations doivent encore donner un écoulement aux produits de cette industrie.
Je réponds donc à l’honorable
membre que sans rester stationnaire, nous devons agir avec circonspection, et
ne consentir à de plus fortes dépenses qu’avec l’assurance de ne point altérer
notre position financière, qui serait bientôt compromise, si l’on s’empressait
à chaque instant de voter de nouveaux crédits pour tout établissement qui
offrirait quelque utilité.
M. Cogels – Les honorables
députés de Turnhout et de Liége, qui paraissent s’intéresser le plus vivement à
la pétition de M. Marcellis, ont plaidé pour les conclusions de la commission
d’industrie beaucoup plus éloquemment que je ne pourrais le faire, car ils vous
ont démontré que c’était une question où la chambre ne pouvait prendre
l’initiative ; que ce serait empiéter sur les attributions du
gouvernement, que ce serait faire acte non seulement d’administration, mais
d’ingénieur et d’architecte.
Quand j’ai soutenu, dans la commission d’industrie, les conclusions du rapport, je me suis appuyé principalement sur ce motif que cette question ne regardait nullement la chambre, qu’elle était complètement en dehors de sa compétence, que le gouvernement seul, éclairé des conseils de ses ingénieurs et autres personnes compétentes, pouvait apprécier quel serait le mode de construction à adopter ; s’il y aurait lieu, d’après cela, à demander un crédit ; quel serait ce crédit, et que ce serait alors seulement que la chambre examinerait s’il y avait des motifs suffisants pour allouer ce crédit, ou s’il fallait le refuser.
Je me bornerais à ce peu de
mots, si l’honorable M. Dubus n’avait pas fait supposer à la chambre qu’il y
avait, de la part du commerce d’Anvers, quelque intérêt caché. Cet intérêt
caché, le seul qui puisse exister, je vais le dévoiler. Ce serait celui
qu’aurait le commerce dans la livraison de bois étrangers destinés à la
construction de l’entrepôt. Or, cette question est beaucoup trop minime pour
pouvoir exercer la moindre influence sur le commerce d’Anvers, surtout sur les
honorables membres du commerce d’Anvers qui ont fait partie de la
commission ; ils sont bien au-dessus du misérable bénéfice que l’on
pourrait faire sur une telle quantité de bois. Mais il y a plus : c’est
qu’aucun des membres de la commission n’est intéressé, ni de près, ni de loin,
dans le commerce des bois. Par conséquent, le commerce d’Anvers n’a qu’un
intérêt, celui de voir terminer l’entrepôt le plus tôt possible et de la
manière la plus convenable, c’est-à-dire de manière à offrir le plus de
sécurité possible.
L’honorable membre a présenté
tout l’entrepôt d’Anvers comme exposé aux chances d’un seul incendie ; il
a prouvé ainsi qu’il ne connaît ni l’entrepôt actuel, ni le plan
d’achèvement ; car autrement il saurait que les pavillons sont
complètement isolés, de manière à ne pouvoir être victimes d’un même sinistre.
Le plan des nouvelles constructions a été fait de telle sorte qu’il n’y ait,
quant au feu, aucune communication possible avec les nouveaux pavillons que l’on
doit adosser aux anciens. Toutes les précautions possibles ont donc été prises
pour limiter soit l’incendie, soit l’écroulement, danger bien plus grave que le
premier ; car, ainsi que l’a fait observer l’honorable M. Osy, il y a des
assurances contre l’incendie ; il n’y en a pas contre les écroulements.
(p. 1156) Plusieurs membres – La clôture !
M.
Delfosse – Il s’agit
d’une pétition à laquelle un grand nombre d’industriels honorables ont
adhéré ; je pense que la chambre doit montrer quelques égards pour les
signataires. Sans doute on a présenté beaucoup d’observations de part et
d’autre, mais il y a encore bien des choses à dire. Je demande que la chambre
veuille au moins entendre M. d’Elhoungne, qui a demandé la parole.
M. Eloy de Burdinne – Je m’oppose également à la clôture. Cette question est assez grave pour qu’on entende encore quelques orateurs.
- La clôture est mise aux voix ; l’épreuve est douteuse. La suite de la discussion est renvoyée à demain.
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M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nous avons
entendu dire par plusieurs honorables membres que l’on considérait la séance de
samedi comme la dernière. Il est impossible que l’on se sépare aussitôt. M. le
président a énuméré au commencement de la séance les objets urgents qui sont à
l’ordre du jour.
M.
Mast de Vries – Je déposerai demain le rapport sur la loi
des péages, qui doit également être votée avant notre séparation.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Sans doute.
Nous pourrons demain nous
occuper définitivement de la fixation de l’ordre du jour. J’ai seulement voulu
faire observer maintenant qu’il était impossible que les lois urgentes fussent
votées avant samedi. Il faudra nécessairement siéger jusqu’à mardi ou mercredi.
Vous êtes saisis d’une
proposition relative aux céréales. Mais les prix haussent de semaine en
semaine. Il ne serait pas impossible qu’avant peu le prix fût arrivé à 20 fr.,
soit par un mouvement naturel soit par un mouvement factice, et vous savez,
messieurs, ce qui peut arriver dans ce cas-là ; on peut en quelques
semaines approvisionner votre pays pour toute une année.
Depuis ce matin, le sénat est saisi d’une proposition par sa commission permanente d’industrie, de commerce et d’agriculture. Je pense que cette proposition sera discutée comme urgente probablement après-demain, et il n’est pas impossible qu’au commencement de la semaine prochaine elle soit renvoyée à la chambre.
Il y aurait certes une grave
responsabilité pour la chambre, si le sénat votait une mesure transitoire et
que la chambre ne fût pas réunie pour s’en occuper à son tour.
M.
Rodenbach – Messieurs, en présence de l’intempérie de la
saison, ce que vient de dire M. le ministre de l’intérieur me paraît
très-fondé. Je vous l’ai dit lorsque nous avons présenté notre
proposition ; j’ai manifesté alors l’opinion que si une gelée intense
survenait, il en résulterait une augmentation du prix des grains. Cela
vous prouve combien notre proposition est utile.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il a été fait un
rapport sur un projet de loi autorisant le gouvernement à établir un conseil de
prud’hommes à Roulers. Je demanderai qu’il soit mis à l’ordre du jour.
M.
le président – Il figurera sur la liste des projets à
l’ordre du jour.
- La séance est levée à 4 heures trois quarts.