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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 14 janvier 1845

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 497) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et demi.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Joseph de la Fébure, préposé de deuxième classe dans l’administration des douanes à Ypres, demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi au ministre de la justice.


« Le sieur J.-Jean Michaelsen, capitaine de navire à Anvers, né à Eylandsill (Danemark), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur J.-Corneille Brarens, capitaine de navire à Anvers, né à Oldsum (Danemark), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.

M. Osy – Messieurs, par une circulaire en date du 25 novembre, M. le ministre des finances a informé les capitaines étrangers, qui commandent des navires belges, qu’en vertu de la loi du 21 juillet, ils sont obligés de présenter, dans les six mois, leur acte de naturalisation. Les armateurs ont été obligés de signer un engagement de faire retirer les lettres de mer aux capitaines, si, dans les six mois, ils ne pouvaient fournir leur acte de naturalisation.

Vous sentez qu’il ne dépend pas des armateurs de produire cet acte de naturalisation, cela dépend de la chambre ; il est donc impossible aux armateurs de satisfaire à l’engagement qui a été pris.

Je demande donc au bureau de hâter autant que possible l’instruction des deux demandes dont il vient de lui être donné connaissance. Je demanderai en même temps à M. le ministre des finances d’informer les receveurs de la douane que la demande de naturalisation suffira pour que les capitaines soient maintenus dans leur position ; car il ne dépend pas des armateurs de presser les travaux de la chambre.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je conviens que, comme il ne dépend pas des intéressés d’obtenir immédiatement leur naturalisation, quelques retards peuvent être apportés dans le vote de la chambre sur leur demande ; il doit suffire que dans les six mois cette demande ait été adressée à la législature ; les capitaines non naturalisés seront maintenus provisoirement, mais ils cesseront d’être admis si leur demande était rejetée.

M. Osy – Je remercie M. le ministre des finances de l’explication qu’il vient de nous donner ; mais je lui demande de prendre l’engagement d’envoyer une circulaire en conséquence aux receveurs des douanes ; car sans cela on retirera aux capitaines leurs lettres de mer.


« Le sieur Auguste Lambelin, fermier à Pecq, né à Ennevelin (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Même renvoi.


« Le sieur Jean-Victor Lambert, secrétaire communal à Rossignol, prie la chambre de statuer sur sa demande en naturalisation. »

« Le sieur Gommaire Teeuwen, négociant et propriétaire à Sutendael, prie la chambre de statuer sur sa demande en naturalisation. »

- Renvoi à la commission des naturalisations.


« Le sieur Louis-Félix Margnier, qui a demandé la naturalisation ordinaire, prie la chambre de l’exempter du droit d’enregistrement. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les cabaretiers de la ville de Warneton demandent l’abolition de l’impôt de consommation sur les boissons distillées, établi par la loi du 18 mars 1838. »

« Même demande des débitants de boissons distillées à Middelbourg et Boom. »

Renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.

M. Rodenbach – Tout en appuyant le renvoi de ces requêtes à M. le ministre des finances avec demande d’explications, je prierai cet honorable ministre, qui a déjà reçu au moins douze ou quinze pétitions du même genre, de bien vouloir nous donner des explications dans une des prochaines séances, et de nous faire connaître s’il n’est pas possible de modifier la loi du 18 mars 1838, non pas de manière qu’elle ne rapporte plus rien à l’Etat, telle n’a jamais été mon intention, mais de manière que les bases en soient plus justes et ne fassent pas, je dirai le mot, détester le gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs je ne puis pas promettre de vous faire un rapport dans une de nos prochaines séances ; il vous sera présenté avant la fin de la session et le plus promptement possible. Des travaux fort importants auxquels je dois me livrer en ce moment, ne me permettent pas de m’engager à examiner cette question immédiatement.

M. Rodenbach – Je suis assez satisfait de la réponse de M. le ministre des finances, d’autant plus qu’il nous promet formellement d’examiner la question endéans un mois ou deux.

Je suppose que les débitants de liqueurs payeront encore l’abonnement tel qu’il est établi pendant six mois ; mais j’aime à croire qu’ils ne le payeront pas pendant toute l’année, et que pour le semestre prochain cet impôt sera modifié dans un sens plus populaire et plus juste.


« Plusieurs habitants de la commune de Thoricourt présentent des observations contre le projet de distraire cette commune du canton d’Enghien pour la réunir au canton de Lens. »

- Renvoi à la commission chargée d’examiner le projet de loi sur la circonscription cantonale.


« Les sieurs Delen et de Jonghe, maîtres de poste à Westmalle et à Turnhout, présentent des observations contre une mémoire de quelques maîtres de poste, annexé au projet de loi soumis à la chambre en mars 1843. »

- Renvoi à la commission chargée d’examiner le projet de loi sur l’organisation de la poste aux chevaux.

M. Rodenbach – Messieurs, déjà depuis 1843, un projet nous a été présenté pour améliorer la position des maîtres de postes. Maintes pétitions nous sont arrivées et nous arrivent tous les jours pour demander la discussion de ce projet. Je crois que M. le ministre actuel a modifié le premier projet.

Une commission a été nommée pour examiner cette loi ; je prierai M. le président d’inviter la commission a bien vouloir s’occuper immédiatement de cet examen. Il me semble qu’il est temps de rendre justice aux pétitionnaires. Je ne demande pas qu’on leur accorde de fortes indemnités qui pourraient froisser les intérêts du trésor ; mais au moins qu’on examine la question.

M. le président – J’inviterai M. le président de la commission spéciale chargée de l’examen de ce projet, à la convoquer.


« Le sieur Van Schevensteen présente des observations contre l’interprétation de l’art. 21 de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice. »

- Renvoi à la section centrale chargée d’examine le projet de loi tendant à modifier la législation sur la milice.


« Le capitaine Coulon prie la chambre de statuer sur sa réclamation contre une décision de M. le ministre de la guerre, qui refuse de lui tenir compte de ses services civils pour la liquidation de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Tarte, fondé de pouvoirs de la Société anonyme des routes réunies, demande que l’Etat rachète les routes et ponts construits pour la société. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Haenen, essayeur de la garantie d’or et d’argent à Hasselt, demande un supplément de traitement. »

- Même renvoi.


« Les sieurs Perrin, Justin et autres demandent qu’on réduisent les traitements de quelques employés de l’administration des accises. »

- Même renvoi.


« Le sieur Timmermans prie la chambre de statuer sur sa demande tendant à obtenir une subvention pour le défrichement d’une partie de bruyères sises à Westwezel. »

- Même renvoi.


« Le sieur Spronck, chef de bureau au commissariat de l’arrondissement de Mons, demandent que les chefs de bureau des commissariats d’arrondissement soient nommés par le gouvernement et salariés par l’Etat. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur.


Par dix messages, en date du 21, du 27, du 28 et du 30 décembre, le sénat informe la chambre qu’il a donné son adhésion aux projets de loi :

Contenant le budget du département de la justice pour l’exercice 1845 ;

Prorogeant la loi du 29 décembre 1843, relative aux céréales ;

Fixant le contingent de l’armée pour l’exercice 1845 ;

Ouvrant un crédit provisoire pour les dépenses du département de la guerre, pendant l’exercice 1845 ;

Prorogeant la loi qui autorise le gouvernement à modifier le régime d’importation en transit direct et en transit par entrepôt ;

Prorogeant la loi concernant la réduction des péages sur les canaux et rivières ;

Prorogeant la loi sur les étrangers ;

Allouant un crédit supplémentaire au budget du département de la justice de l’exercice 1844 ;

Ouvrant un crédit provisoire au département des travaux publics pour ses dépenses des deux premiers mois de 1845 ;

Allouant un crédit supplémentaire au département de la justice pour ses dépenses de l’exercice 1842.

- Pris pour notification.


Il est fait hommage à la chambre, par M. Gachard, d’un exemplaire de la lettre à la commission royale d’histoire.

- Dépôt à la bibliothèque.


M. Castiau informe la chambre qu’une indisposition l’empêche d’assister aux premières séances de la chambre.

- Pris pour information.

Projet de loi sur les mesures à prendre pour empêcher l'invasion de la maladie parmi les bestiaux

Dépôt

(page 498) M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) présente un projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à prendre les mesures nécessaires contre l’invasion des maladies épizootiques réputées contagieuses.

Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; il sera imprimé et distribué.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je demanderai le renvoi de ce projet à une commission spéciale. Il est urgent.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, que ce projet de loi soit renvoyé à une commission spéciale ou aux sections, cela m’est indifférent, mais je crois devoir appeler l’attention de la chambre sur la nécessité et l’importance d’activer son examen.

Vous le savez, messieurs, une maladie épizootique sévit en Bohème, peut-être même déjà en Prusse, et elle cause des désastres déplorables ; car sur deux mille et quelques centaines de têtes de bétail, à peu près deux mille ont dû être abattues ou ont péri. Ce serait une grande calamité si cette épizootie s’introduisait dans le pays.

Je demande donc que, soit la commission, soit les sections, s’occupent immédiatement de l’examen du projet, que le rapport soit fait le plus tôt possible, et que la discussion en ait lieu avant celle du budget de l’intérieur.

Je demanderai en même temps que le projet de loi sur l’entrée du bétail, dont le rapport nous est distribué, et qui est mis à l’ordre du jour immédiatement après le budget de l’intérieur, soit également discuté avant ce budget.

La chambre renvoie le projet présenté à l’examen d’une commission spéciale qui sera nommé par le bureau.

M. le président – Quant à la proposition d’inviter la commission de se livrer à un prompt examen, je crois qu’il suffira d’adresser à cette commission la prière de nous faire un rapport le plus tôt possible.

M. Eloy de Burdinne – J’ai fait une autre proposition. J’ai demandé que le projet de loi relatif à l’entrée du bétail étranger soit également discuté avant le budget de l’intérieur.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président fait connaître à la chambre, que le bureau a reçu de M. le ministre des finances une lettre où il insiste sur l’extrême urgence de la loi relative à la péréquation cadastrale. Il annonce que les sections seront convoquées pour demain, afin d’examiner ce projet, et il engage MM. les membres de la chambre à bien vouloir se rendre exactement dans leurs sections pour s’occuper de ce objet afin que les rapporteurs puissent être nommés le plus tôt possible.

Règlement de la chambre

Recours au comité secret

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je prierai M. le président de vouloir constituer la chambre en comité secret pour entendre une communication du gouvernement.

M. le président – La chambre étant peu nombreuse il vaudrait peut-être mieux renvoyer ce comité secret à demain.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’observation de M. le président est juste. Il est préférable que le comité secret n’ait lieu que demain.

M. Vilain XIIII – Je demanderai si le ministère a fait connaître à M. le président l’objet qu’il doit soumettre à la chambre en comité secret. La Constitution donne bien au président le droit de former la chambre en comité général ; mais il faut au moins que le président connaisse l’objet qui doit être traité en comité général. Il ne suffit pas qu’un ministre demande le comité secret, il faut que le président soit mis à même de juger si le comité secret est utile. C’est ma propre expérience qui me suggère cette réflexion. Dernièrement j’occupais le fauteuil de la présidence lorsque M. le ministre de l'intérieur demanda le comité secret. Ne sachant pas quel était le motif de cette demande, j’insistai un instant ; je finis cependant par user du pouvoir discrétionnaire que la Constitution accorde au président ; mais une autre fois, je le déclare, je ne déclarerais plus la chambre en comité secret sans avoir pu apprécier les motifs pour lesquels le secret serait demandé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je n’aurais pas hésité à donner à M. le vice-président toutes les explications qu’il aurait pu me demander, relativement à la nécessité du comité secret que j’avais provoqué, mais cette nécessité s’était révélée au milieu de la discussion, et dès lors il m’avait été impossible de m’entendre avec lui à cet égard. Je le remercie beaucoup d’avoir eu assez de confiance en moi pour ne pas me demander des explications, que je me serais du reste empressé de lui donner.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’observation de M. Vilain XIIII est fondée ; c’est à M. le président qu’il appartient de déclarer que la chambre se constitue en comité secret. Aussi c’est à notre honorable président que le gouvernement s’est adressé d’abord, en le mettant à même d’apprécier l’utilité du comité secret. Toutefois, je suis d’accord avec lui sur la convenance de remettre le comité secret à demain, à cause du petit nombre de membres présents à la séance.

M. le président – Voici ce que porte l’art. 33 de la Constitution :

« Les séances des chambres sont publiques.

« Néanmoins, chaque chambre se forme en comité secret sur la demande de son président ou de dix membres.

« Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet. »

Ainsi, la déclaration du président ne lie en aucune façon la chambre ; la chambre reste libre de rendre la discussion publique aussitôt qu’elle a connaissance des motifs qui ont fait déclarer le comité secret.

M. Verhaegen – Messieurs, j’ai pris envers moi-même l’engagement de demander la parole lorsqu’il serait encore question de comités secrets pour protester hautement contre ce que j’ai le droit d’appeler un véritable abus.

Chaque fois que le ministère se trouve embarrassé et qu’il lui faut un échappatoire, c’est au comité secret qu’il a recours, et ainsi il veut se soustraire au contrôle du pays.

Depuis 1830, en France et en Angleterre, en France où une seule parole imprudente tombée de la tribune pouvait allumer la guerre générale, je ne sache pas qu’on ait eu recours au huis clos, et, dans la petite Belgique, le huis clos est devenu la ressource banale du cabinet.

D’après les précédents, j’ai lieu de croire que les promesses faites naguère par M. Nothomb, et répétées par ses collègues sous des formes différentes, resteront sans effet et que c’est pour trouver un dernier moyen de se maintenir au pouvoir qu’ils demandent un comité secret.

Quel que soit le parti que prenne la majorité, je déclare d’avance que je ne me croirai pas obligé à garder le silence. Comme tous mes collègues, je resterai juge des vrais intérêts du pays et de la nécessité de tenir secrète une discussion qui intéresse si vivement le pays.

M. le président – Je ne comprends pas le but de la protestation de M. Verhaegen. Encore une fois, il ne dépend pas du président de lier la chambre. Aussitôt que la président a déclaré que la chambre se constitue en comité secret, la majorité est libre de rendre de nouveau la séance publique.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je voulais précisément présenter l’observation qui vient d’être faite par M. le président.

M. Dumortier – Je suis parfaitement d’accord avec M. le président, sur le pouvoir que lui donne la Constitution, de déclarer la chambre en comité secret lorsque les circonstances l’exigent. Je sais aussi que la chambre décide ensuite si elle maintient ou si elle ne maintient pas le comité secret, mais je ferai observer qu’il est toujours fâcheux de voir la chambre désavouer son président comme elle le ferait si au moment même où celui-ci vient de déclarer le comité secret, elle décidait que la séance est rendue publique. Je désire que pareille chose ne se passe jamais. Je pense donc que le président ne doit user de sa prérogative que lorsqu’il y a de très-graves motifs pour le faire, lorsque le secret est exigé non point par des intérêts de portefeuille, mais par les intérêts de l’Etat. Je fais cette observation, parce que d’une part je verrais avec peine la chambre désavouer son président lorsqu’il aurait déclaré le comité secret, et que, d’autre part, je verrais avec non moins de peine le maintien du comité secret sans qu’il fût exigé par une nécessité réelle.

Je dirai, comme l’honorable M. Verhaegen, que je ne comprends rien à tous ces comités secrets ; car, en vérité, si nous continuons à marcher ainsi, toutes les grandes discussions de l’Etat auront lieu en comité secret, et le pays ne saura plus ce qui se traite ici.

Depuis plusieurs années, nous avons souvent des comités secrets ; ils n’ont pas toujours été à l’avantage du gouvernement. Peut-être demande-t-on le comité secret parce qu’on suppose que la discussion ne sera pas à l’avantage du gouvernement ?

Il serait à désirer qu’il y eût beaucoup moins de comités secrets.

J’adjure M. le président de ne pas déclarer la séance publique, à moins qu’il n’y ait en jeu un intérêt de l’Etat. Si cet intérêt était en jeu, je serais le premier à demander le comité secret.

Mais s’il n’y a pas un intérêt sérieux, je ne comprends pas pourquoi il y a comité secret le jour de la reprise de nos travaux.

M. le président – C’est un sentiment de délicatesse qui a dicté l’observation de l’honorable membre et je l’en remercie ; mais j’ajouterai que si la chambre ne partageant pas une première appréciation qui m’aurait fait déclarer le comité, ordonnait la reprise de la séance en public, jamais je ne m’en trouverais blessé.

Vous devez sentir, messieurs, que me trouvant en présence de tout un cabinet qui déclare que la discussion publique offrirait quelque danger, je désire ne pas trancher la question et la laisser résoudre par la chambre. (Approbation.)

M. Devaux – Il y a des comités secrets qui peuvent être utiles, d’autres qui sont inutiles et fâcheux. Je ne sais pas l’objet du comité secret ; je ne puis donc m’expliquer à ce sujet.

Je ferai remarquer que tout n’est pas dit quand la majorité a déclaré le comité secret. Il pourrait y avoir abus du comité secret malgré cet assentiment. La discussion et la publicité sont le droit de la minorité.

Un comité secret peut avoir une mauvaise influence, alors même qu’il est sanctionné par la majorité.

Je crois qu’on ne peut se prévaloir du comité secret pour limiter la discussion publique des actes du gouvernement.

Quant à moi, je me réserve le droit d’apprécier en séance publique tous les actes posés par le cabinet. Il ne faut pas que les comités secrets soient un moyen d’abréger ou d’éluder notre contrôle public. Ce n’est qu’ainsi que je puis accepter le comité secret.

M. le président – C’est toujours dans ces termes que le comité secret a été prononcé.

(page 499) M. Devaux – Je fais cette observation, parce que, dans les dernières discussions, on a interrompu plusieurs membres, en leur faisant observer que l’objet dont ils s’occupent avait été traité en comité secret. Il ne suffit pas qu’il se soit agi d’un objet en comité secret, pour qu’il soit défendu de s’en occuper en séance publique ; car ainsi on pourrait ôter toute publicité à nos débats les plus importants, en les commençant en comité secret.

M. de Theux – Je ne suis pas non plus partisan des comités secrets, lorsqu’il n’y a pas nécessité absolue. Pendant toute la durée de mon administration, nous avons constamment suivi cette règle.

Cependant, je ne puis admettre sans réserve ce qu’a dit l’honorable M. Devaux. Il me semble que la majorité reste juge de la question de savoir s’il est permis de parler, en séance publique, des objets traités en comité secret.

M. Devaux – Je conviens que c’est une question délicate. Le droit de la minorité n’est pas sans limites, mais il faut qu’elle ait celui de contrôler tous les actes du gouvernement.

Projet de loi portant le budget du ministère de la marine de l'exercice 1845

Discussion générale

M. Osy – Vous connaissez tous mon opinion sur l’inutilité d’une marine royale. Mais puisque la majorité en veut une, il faut une marine respectable, et où toutes les positions soient bien nettes ; qu’on donne tous les soins nécessaires non-seulement à la situation des officiers, mais encore au moral des hommes.

Dans la section centrale, dont je faisais partie, j’ai adressé au ministre un grand nombre d’interpellations. Ses réponses ont été consignées au rapport, mais elles ne m’ont pas tout à fait satisfait. Je me réserve de m’expliquer à cet égard dans la discussion des divers articles.

Je ferai maintenant une observation générale qui m’a frappé.

Je conviens que le directeur de la marine est un homme en qui l’on a parfaitement raison d’avoir confiance. Mais je trouve que cette personne, qui est revenue de Hollande en 1834, qui n’a jamais commandé dans la marine, qui était le plus jeune de nos capitaines-lieutenants, ne devait pas obtenir le grade de capitaine de vaisseau, de préférence à un de ses collègues qui avait huit années de grade de plus que lui.

Ensuite il est étrange que nous ayons un capitaine de vaisseau, quand nous n’avons que des bricks et des canonnières.

La nomination de ce capitaine de vaisseau est une injustice envers les deux autres capitaines-lieutenants.

Le gouvernement l’a si bien senti qu’il n’a publié l’arrêté de juillet 1844 dans le Moniteur, ni dans le Bulletin Officiel. Cela prouve bien que le gouvernement était honteux d’avoir pris cet arrêté. Quand on n’est pas honteux d’un acte, on le publie ; or l’arrêté de nomination n’a pas paru. L’augmentation de traitement ne figure pas au budget.

A la section centrale nous avons demandé quel avancement avait eu lieu ; alors on a donné communication de l’arrêté suivant :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Considérant l’extension qu’ont prise les attributions du département de la marine ;

« Voulant fortifier le contrôle que l’administration centrale de ce département est appelée à exercer sur les services qui en dépendent ;

« Sur la proposition de notre Ministre des affaires étrangères,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Art. 1er. Le capitaine de vaisseau Lahure, V.-D.-N., préposé sous l’autorité du ministre à l’administration centrale du département de la marine, portera le titre de directeur de la marine.

« Art. 2. Ce fonctionnaire est en même temps chargé de la surveillance spéciale des services indépendants de la marine militaire qui sont dans le ressort du même département ; ces services comprennent :

1° Personnel – Les officiers, sous-officiers et marins de l’Etat, distraits momentanément du service des bâtiments de guerre ; le génie militaire, les agents et aides attachés aux services des bateaux à vapeur, des phases et fanaux, des chantiers et des magasins de la marine, de la police maritime et du sauvetage ; les inspecteurs, commissaires et autres employés du pilotage et les pilotes, et généralement tout le personnel institué dans l’intérêt de ces divers services.

2° Matériel – Les navires de l’Etat, en construction ou en réparation ; les embarcations du pilotage ; les phares et fanaux ; les chantiers et magasins de l’Etat, avec les objets qu’ils renferment, tels que les bouches à feu, les armes et l’équipement de la marine et, en général, tout le matériel employé aux services qui embrassent ces divers objets.

« Notre Ministre des affaires étrangères est chargé de l’exécution du présent arrêté.

« Donné à Bruxelles, le 7 juillet 1844.

« Léopold. »

A Anvers, où se trouve presque toute notre marine, vous avez un capitaine-lieutenant qui aujourd’hui n’a plus rien à faire, sinon à aller à sa canonnière ; le chantier de construction, les habillements militaires, etc., etc., tout enfin est concentré à Bruxelles. Il y a plus : dans l’arrêté dont je parle, le ministre à lui-même abdiqué. Le capitaine de vaisseau, qui est à l’administration centrale, est aujourd’hui en réalité le ministre de la marine. Voici le second arrêté :

« le ministre des affaires étrangères,

« Vu l’arrêté du 7 de ce mois qui institue un directeur de la marine,

« Arrête :

« Art. 1er. Le directeur de la marine travaille directement avec le ministre.

« Art. 2. Il reçoit du ministre tous les ordres, décisions, arrêtés ou extraits qui ont rapport à la marine, ou qui pourraient lui être utiles pour le bien du service.

« Art. 3. Il signale immédiatement au ministre tous les événements extraordinaires et accidents relatifs au service ; dans le cas où ces événements exigent des mesures urgentes, il peut les ordonner de son chef, sauf à rendre compte au ministre et à demander son approbation.

« Art. 4. Il remet, chaque année, au ministre, un état approximatif des sommes nécessaires pendant l’année suivante, pour tout ce qui a rapport à la marine.

« Art. 5. Il veille à ce que les travaux à effectuer n’entraînent pas à des dépenses qui surpassent les sommes allouées au budget pour le service.

« Art. 6. Il autorise l’achat et le renouvellement du matériel ainsi que l’approvisionnement des magasins et bâtiments de l’Etat, d’après les instructions du ministre ; il convoque les commissions de réception du matériel et des vivres.

« Art. 7. Toute la correspondance à échanger avec les fonctionnaires désignés à l’art. 2 de l’arrêté royal du 7 juillet 1844, lui est adressée directement. Il tient les états de conduite de ce personnel et adresse au ministre toutes les propositions, soit pour l’avancement, soit pour la pension.

« Art. 8. Il signe, en outre, au nom du ministre, toutes les lettres d’envoi, d’accusé de réception, demande de renseignements, états de remises et de consommation et autres affaires, que le ministre ne s’est pas réservés et qui sont adressés au personnel de la marine.

« Art. 9. Il accorde également des congés à l’intérieur du pays, quand ils ne dépassent pas le terme de huit jours.

« Art. 10. Il veille à ce que les règlements et instructions relatifs aux différents services de la marine soient ponctuellement exécutés.

« Art. 11. Il surveille la liquidation mensuelle des soldes, traitements et indemnités du personnel de la marine.

« Art. 12. Il tient la liste de tour d’embarquement des officiers de la marine et tous les registres relatifs au personnel.

« Art. 13. Le directeur ne peut faire d’inspections du personnel et du matériel sans un ordre spécial du ministre.

« Il peut provoquer de tels ordre quand il le juge nécessaire.

« Art. 14. Il a sous ses ordres le matériel de l’administration centrale, la bibliothèque, ainsi que le dépôt de cartes et d’instruments de la marine. »

Vous voyez, messieurs, les attributions qu’on a donnés à M. le directeur de la marine ; aujourd’hui, quand les officiers de la marine ont à se plaindre, ont des observations à faire, ils doivent les présenter à celui qui, il y a quelques années, était leur inférieur. Je ne dis pas qu’on ait fait un mauvais choix, en nommant ce directeur ; mais on aurait dû se borner à lui conserver son grade, sans l’élever au-dessus de ses supérieurs. Je crois véritablement qu’il y a lieu de révoquer l’arrêté dont il s’agit, et cela dans l’intérêt de la bonne discipline de notre marine.

Il y avait dans le principe, à Anvers, un conseil d’administration qui surveillait le chantier de construction, et tout ce qui avait rapport à l’habillement, etc., comme cela a lieu dans tous les régiments de l’armée ; aujourd’hui, il n’y a plus de conseil ; le chantier de construction est dirigé actuellement par un jeune ingénieur qui correspond directement avec le directeur de la marine. Je pense que réellement le gouvernement devrait porter son attention sur les arrêtés du 7 et du 24 juillet ; je crois qu’il devrait veiller à ne pas abdiquer lui-même son pouvoir, et à respecter les droits acquis par les personnes qui sont aujourd’hui en fonction dans la marine.

J’ai à présenter d’autres observations que je soumettrai à la chambre, lorsque nous arriverons aux articles auxquels elles se rapportent.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Messieurs, persuadé que la marine ne laisse rien à désirer dans son administration intérieur, j’avais engagé la section centrale à m’adresser le plus de questions possible, et j’en ai reçu un certain nombre, auxquelles j’ai répondu avec beaucoup de développement.

Après un examen attentif du budget, je n’ai pas été étonné de voir que la section centrale, à une grande majorité, a appuyé les demandes de crédit que j’avais faites pour les divers services relatifs à ce département.

Ma confiance se justifiait assez par la comparaison qu’on peut faire entre les budgets successifs depuis 1840 ; il est vrai que si l’on ne considérait le montant de ces budgets que superficiellement, si l’on ne faisait attention qu’au total de chacun d’eux, on les apprécierait mal, et l’on ne se rendrait pas compte des améliorations qui se sont réellement introduites dans l’emploi (page 500) des fonds appliqués aux services compris dans le département de la marine.

Mais en ne tenant compte de l’accroissement successif des recettes qu’ont produites ces différents services, on est forcé de convenir que les recettes réelles qu’occasionne ce département, ont successivement diminué d’une manière considérable : en effet, si l’on prend pour point de départ l’année 1840, on voit par le tableau suivant, la diminution remarquable qu’éprouvaient les dépenses réelles.

1840 :

Total du budget : 959,952 ;

Total des recettes : 164,750 40 ;

Dépenses réelles : 845,202 60 ;

1841 :

Total du budget : 960,849 ;

Total des recettes : 180,303 43 ;

Dépenses réelles : 780,545 57 ;

1842 :

Total du budget : 1,051,849 ;

Total des recettes : 248,350 40 ;

Dépenses réelles : 803,498 44 ;

1843 :

Total du budget : 1,136,520 69 ;

Total des recettes : 419,100 66 ;

Dépenses réelles : 717,420 03 ;

1844 :

Total du budget : 1,060,800 ;

Total des recettes : 465,902 21 ;

Dépenses réelles : 588,800.

On voit donc que, quoique le budget ne paraisse pas diminué dans son chiffre total, il l’est réellement, de 1840 à 1844, d’une somme de 256,402 fr. 60 c., et l’on doit rester convaincu des améliorations qui ont été apportées dans l’administration des divers services compris dans le département de la marine.

Messieurs, on m’a fait un reproche très sévère sur l’organisation que j’ai cru devoir donner au département de la marine. J’accepte la responsabilité ministérielle dans toute sa vérité ; mais je veux aussi avoir les moyens de la supporter ; je veux pouvoir, dans les limites que les lois m’accordent ; organiser l’administration de la manière la plus convenable ; je veux pouvoir désigner les agents que je désire voir servir sous mes ordres ; et aussi longtemps qu’on ne me prouvera pas que dans l’arrêté du 24 juillet, j’ai violé les lois, je le maintiendrais comme bon et valable.

Il me répugne de suivre l’honorable préopinant dans des questions de personnes. Les nominations des officiers supérieurs et généraux sont au choix du gouvernement ; je crois que, dans le cas cité par l’honorable préopinant, le gouvernement n’a pas fait un mauvais usage de sa prérogative ; l’honorable préopinant lui-même a été obligé de rendre justice à l’officier dont il a parlé ; sans déprécier le mérite du second officier auquel l’honorable préopinant a fait allusion, je ne le juge pas capable d’exercer les fonctions de directeur de la marine, comme celui qui est en possession de ce poste.

Je crois qu’il est inutile de recourir à l’arrêté dont on a parlé, pour faire voir que, dans tous les cas, le directeur de la marine ne peut rien faire sans l’approbation du ministre. On ne peut certainement pas critiquer la faculté qui lui est attribuée, de donner, dans un cas d’urgence, un ordre, sauf à le communiquer au ministre. D’ailleurs, il faut ignorer complètement l’organisation des inspections générales dans les divers départements de l’inspection générale du génie, par exemple, pour venir critiquer les attributions qui ont été données au directeur de la marine. Ces attributions sont calquées, autant que l’analogie le permet, sur celles des inspecteurs généraux de l’arme de l’artillerie et du corps du génie, attributions que je dois sans doute connaître mieux que l’honorable préopinant.

J’attendrai les observations particulières que l’honorable préopinant a annoncées sur les articles du budget.

M. Osy – Je conviens que M. le ministre des affaires étrangères connaît beaucoup mieux que moi tout ce qui a rapport à l’armée et à la marine, mais cela ne doit sans doute pas m’empêcher de présenter les observations que je crois utiles au pays. J’avoue aussi que vous avez fait un bon choix dans la personne du directeur actuel de la marine, et que les deux autres lieutenants n’auraient pas été aussi propres à la besogne des bureaux. Mais je dis qu’en ne respectant pas les droits acquis, vous découragez tout le corps.

M. le ministre des affaires étrangères nous parle des réductions que le budget de la marine a éprouvées depuis l’année 1842. M. le ministre aurait dû ajouter que cette diminution tient à cette circonstance, qu’on ne construit plus de navires. L’année dernière encore, on a voté une somme de 56 mille francs pour l’achèvement du Prince-Royal. Si l’on examine attentivement le budget de 1845, il y a, dans ce budget, comparativement à celui de 1844, une augmentation de 28 mille de francs, si vous défalquez les 56 mille francs demandés en 1844 pour le Prince-Royal. En outre, en 1842 et en 1843, nous avons fait des dépenses pour la construction de bateaux-pilotes, ainsi que du brick la Louise-Marie. Aujourd’hui qu’on ne demande à faire aucune construction, il est naturel que le budget de la marine soit dégrevé.

M. Lebeau – Messieurs, il a été introduit incidemment par l’honorable M. Osy, des questions qui me paraissent très-délicates à traiter, surtout en séance publique. Ces questions de personnes acquièrent un degré de gravité plus considérable encore quand il s’agit de l’armée, car la marine militaire me paraît avoir avec l’armée proprement dite, une analogie qui ne peut échapper à la chambre. Ces questions, par les discussions qu’elles soulèvent, pourraient devenir des questions de discipline et de subordination ; elles sont donc, je le répète, fort délicates.

Je n’ai pris la parole que pour remplir un devoir résultant des fonctions que j’ai occupées dans le gouvernement.

J’ai eu sous mes ordres l’administrateur auquel on a fait allusion. Je crois, sans vouloir jeter la moindre défaveur sur les concurrents de cet officier supérieur, que le gouvernement a fait non seulement un usage légal, ce qui n’est pas contesté par l’honorable membre, mais un usage très-opportun, très-équitable, de sa prérogative en agrandissant le cercle de confiance qu’il accordait à cet officier et en améliorant sa position. Je crois qu’il s’était écoulé au moins une période de sept années lorsqu’il a reçu sa dernière promotion, tandis que la loi sur l’avancement n’exige, je pense, que deux ans de grades pour passer à un grade supérieur. J’ajouterai que les attributions du ministère de la marine sont considérablement accrues depuis quelques années et notamment par l’adjonction du pilotage ; le pilotage, vous le savez, a reçu depuis les derniers traités avec la Hollande, un développement que personne ne peut méconnaître ; j’ajoute que ce développement est loin d’être improductif.

Quant à la loyauté, à l’impartialité, à l’intégrité de cet administrateur, l’expérience que j’en ai faite, par mes rapports avec lui, est de telle nature, que je n’hésite pas à me joindre à M. le ministre des affaires étrangères pour en rendre un bon témoignage. C’est, du reste, ce que l’honorable député d’Anvers a été loin de méconnaître.

M. Verhaegen – L’honorable M. Osy n’a pas traité une question de personne, mais une question de principe ; et je dois le dire, j’ai été fort surpris de la réplique vive, trop vive, de M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – On avait qualifié l’arrêté de honteux !

M. Verhaegen – Je répète que j’ai été étonné de la réponse vie, trop vive de la part de M. le ministre des affaires étrangères.

Nous rendons tous hommage au talent et aux qualités de l’officier qui a été promu à la direction de la marine, et l’honorable M. Osy lui-même n’a soulevé à cet égard aucune objection ; mais il a examiné la portée de l’arrêté ministériel du 24 juillet 1844.

Je le dis de nouveau, l’honorable M. Osy ne méritait pas pour ses observations la réplique inconvenante de M. le ministre des affaires étrangères. En lisant cet arrêté, on pourrait se demander, en effet, si au lieu de directeur de la marine, il ne s’agit pas d’un véritable ministre de la marine ; bientôt on ajoutera sans doute des colonies et ce sera alors le ministre de la marine et des colonies belges. Si on examine de près l’arrêté ministériel, on trouve que le ministre des affaires étrangères chargé de la marine s’efface complètement, il n’y figure plus que de nom ; je doute même si, dans certaines circonstances, il conserve encore toute la responsabilité.

En effet, voyez l’art. 4, il porte : « Il remet chaque année au ministre un état approximatif des sommes nécessaires pendant l’année suivante pour tout ce qui a rapport à la marine. »

De qui toutes les explications qu’a demandées la section centrale sont-elles arrivées au sein de cette section ? Est-ce du directeur qui remplace le ministre ? C’est le nom du ministre qui figure, mais c’est le directeur de la marine qui agit par lui-même et sans contrôle.

L’honorable M. Osy, s’il suit le plan qu’il a annoncé, aura occasion de démontrer que ces demandes d’explication sont restées sans réponse.

Si j’examine les autres articles du 27 juillet 1844, je vois que ce fonctionnaire est plus qu’un directeur ordinaire d’administration. Ces articles portent :

« Art. 4. Il remet, chaque année, au ministre un état approximatif des sommes nécessaires pendant l’année suivante, pour tout ce qui a rapport à la marine.

« Art. 5. Il veille à ce que les travaux à effectuer n’entraînent pas à des dépenses qui surpassent les sommes allouées au budget pour le service.

« Art. 6. Il autorise l’achat et le renouvellement du matériel ainsi que l’approvisionnement des magasins et bâtiments de l’Etat, d’après les instructions du ministre ; il convoque les commissions de réception du matériel et des vivres.

« Art. 7. Toute la correspondance à échanger avec les fonctionnaires désignés à l’art. 2 de l’arrêté royal du 7 juillet 1844, lui est adressée directement. Il tient les états de conduite de ce personnel et adresse au ministre toutes les propositions, soit pour l’avancement, soit pour la pension.

« Art. 8. Il signe, en outre, au nom du ministre, toutes les lettres d’envoi, d’accusé de réception, demande de renseignements, états de remises et de consommation et autres affaires, que le ministre ne s’est pas réservés et qui sont adressés au personnel de la marine.

Ainsi toute la correspondance est adressée au directeur sans que le ministre en sache rien. Il reçoit également les demandes. Il y fait droit ou il n’y fait pas droit, il répond ou il ne répond pas ; le ministre n’en sait rien. Quant à tout cela, c’est un véritable ministre de la marine, car il n’est pas obligé de communiquer au ministre, son prétendu chef, la correspondance non plus que les demandes qui lui sont adressées.

L’honorable M. Osy avait donc le droit de dire qu’à certains égards le directeur met complètement de coté M. le ministre des affaires étrangères. Il ne méritait pas des reproches dont je ne puis attribuer la vivacité qu’à la conviction qu’a M. le ministre que son arrêté n’est pas soutenable.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Je ne saurais que répéter que les inspecteurs généraux dépendant du département de la guerre, comme le directeur de la marine, ont la correspondance directe avec leurs inférieurs, mais dans certaines limites. Si vous lisez l’arrêté ministériel, vous verrez que le directeur n’a droit de prendre l’initiative qu’en cas d’urgence. C’est une faculté qu’il fait lui laisser dans l’intérêt de l’administration ; car, s’il ne l’avait pas, il pourrait en résulter de graves inconvénients.

Je reviens sur la question de publicité, et je dis que, s’il y a eu absence de publication, il n’y a pas eu absence de publicité ; car il a fallu mettre l’arrêté à exécution, en donner connaissance aux intéressés. Je ne sais si cette (page 501) communication a été insérée au Moniteur ; mais il en a été donné connaissance aux fonctionnaires que la chose concernait, ainsi qu’à la cour des comptes qui devait être informée du changement apporté au traitement du directeur de la marine qui a rang de colonel et les appointements des colonels des armes spéciales.

Cet officier avait été nommé lieutenant-colonel en 1837, et après avoir rendu autant de services que lui, ce n’était pas chose extraordinaire que de recevoir une promotion qui lui accorde une augmentation de solde de 800 fr. par an.

Les directeurs de la plupart des départements ministériels sont placés sur le même pied que le directeur de la marine ; l’étonnement qu’on manifeste provient de ce qu’on n’est pas suffisamment familiarisé avec l’organisation intérieure des départements ministériels.

M. Osy – M. le ministre des affaires étrangères m’a reproché d’avoir qualifié d’honteux l’arrêté qu’il a pris ; j’ai dit que M. le ministre était honteux de son acte, puisqu’il n’a pas publié l’arrêté de nomination et n’a pas accordé l’augmentation de traitement, car dans le budget vous ne demandez pas d’augmentation d’allocation pour le traitement de cet officier.

M. le président – L’expression était inconvenante et si je l’avais remarquée je l’aurais relevée.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Je viens d’expliquer comment il y a eu publicité, s’il n’y a pas eu publication ; maintenant, quant à l’observation que le traitement n’a pas été portée au budget, je répondrai que le budget a été déposé au ministère des finances au mois de mars et que la nomination dont il s’agit n’a eu lieu qu’au mois de juillet, et que c’est un oubli qu’on n’a pas fait faire la rectification au ministère des finances. Voilà ce qui s’est passé ; on n’a pas eu et on ne pouvait avoir aucune intention de dissimuler un acte connu de la cour des comptes et de tous ceux qui sont en rapport avec l’administration de la marine.

M. Verhaegen – M. le ministre des affaires étrangères maintient son arrêté du 24 juillet en invoquant ce qui se passe dans d’autres administrations. Je ne comprends pas que de pareils abus puissent exister dans d’autres administrations. Si je savais qu’ils y existassent, je m’élèverais contre comme je m’élève contre ceux qui résultent pour la marine de l’arrêté du 24 juillet. Ce dont je me plains, c’est qu’on adresse directement à ce fonctionnaire toute la correspondance à échanger avec les fonctionnaires.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Désignés à l’art. 2.

M. Verhaegen – Eh bien, lisez l’art. 2 ; je vous ai déjà dit que cet article avait une grande portée. Toute cette correspondance se fait par le directeur de la marine ; le ministre lui abandonne exclusivement ce soin.

Ainsi, si un individu de la catégorie de l’art. 2 de l’arrêté du 24 juillet a à se plaindre, il adresse une supplique au directeur, lequel fait droit ou ne fait pas droit, répond ou ne répond pas, le ministre n’en sait rien. Voilà donc toute une administration ou du moins une catégorie d’employés abandonnés au bon plaisir d’un directeur. Si une catégorie d’employés est abandonnée au bon plaisir d’un individu, c’est que cet individu est ministre.

L’honorable M. Osy avait donc raison ; ses plaintes étaient fondées ; on a eu tort de lui répondre avec tant de vivacité.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Il était bon de désigner les fonctionnaires qui ont droit de correspondance directe ; ces fonctionnaires sont indépendants de la marine ; ce sont les agents du pilotage, du sauvetage, de la police maritime et autres administrations qui ne dépendent pas de la marine militaire.

Cette correspondance directe n’autorise donc pas le directeur de la marine à porter le moindre préjudice aux officiers de marine.

M. Verhaegen – Lisez l’art. 2.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) donne lecture de l’art. 2, qui est ainsi conçu :

« « Art. 2. Ce fonctionnaire est en même temps chargé de la surveillance spéciale des services indépendants de la marine militaire qui sont dans le ressort du même département ; ces services comprennent :

1° Personnel – Les officiers, sous-officiers et marins de l’Etat, distraits momentanément du service des bâtiments de guerre ; le génie militaire, les agents et aides attachés aux services des bateaux à vapeur, des phases et fanaux, des chantiers et des magasins de la marine, de la police maritime et du sauvetage ; les inspecteurs, commissaires et autres employés du pilotage et les pilotes, et généralement tout le personnel institué dans l’intérêt de ces divers services. »

On a dit tout à l’heure, continue M. le ministre, qu’on avait enlevé ce service au commandant de ce qu’on a appelé la flotte qui se trouve à Anvers ; mais jamais ce commandant n’a été chargé de ce service. Depuis 1840, l’honorable ministre, M. Lebeau, l’a distrait du commandement de la flottille. Le sauvetage et le pilotage n’ont jamais été dans ses attributions. On n’a donc rien enlevé à ce comandant.

M. Osy – Les chantiers de construction.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Vous savez tous ce que doivent être nos chantiers de construction. Mais nous n’avions pas d’ingénieurs de construction maritime, nos écoles n’en avaient pas encore produits. Alors nécessairement quand il y avait de petites réparations à faire aux bâtiments de l’Etat, les officiers les ordonnaient eux-mêmes et les faisaient réparer. Mais il y avait à cet état de choses beaucoup d’inconvénients, et l’on ne pouvait le laisser subsister qu’autant que nous n’eussions pas d’hommes spéciaux. Ces hommes, nous les possédons maintenant ; c’est lors du retour des ingénieurs maritimes, formés à l’école pratique de Lorient, où ils avaient fait leur application, que ces fonctionnaires ont été installés dans leurs attributions. Mais cela ne résulte pas encore de l’arrêté du 17 juillet ; cet arrêté n’a fait que régulariser ce qui existait, et comme j’avais la responsabilité, j’ai voulu que les choses fussent placées dans les mains d’un homme que je regardais comme bien capable de diriger ce service.

Quant au matériel, il est évident qu’il doit dépendre de l’administration centrale, comme cela a lieu dans les autres départements, comme le matériel de l’artillerie dépend du département de la guerre.

Vous voyez donc que l’accusation d’avoir dépouiller quelqu’un pour en enrichir un autre, n’est pas fondée. Elle est complètement inexacte.

- La discussion générale est close.

Discussion du tableau des crédits

La chambre passe à la discussion des articles.

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Personnel : fr. 6,050. »

- Adopté.

Article 2

« Art. 2. Matériel : fr. 3,500 »

M. Osy – La section centrale avait demandé à M. le ministre s’il ne serait pas plus convenable que les livres que l’on achète pour la marine fussent déposés dans la ville où se trouve cette marine, qu’au ministère ; la section centrale n’a pas reçu de réponse. Il me paraît que les ouvrages destinés à l’instruction des officiers de marine se trouveraient plus convenablement déposés à Anvers qu’à Bruxelles.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Malgré ce qui a été dit par la section centrale sur l’observation de l’un de ses membres, la bibliothèque qui se trouve au département de la marine est complètement à la disposition des officiers. Ils peuvent se procurer tous les ouvrages qu’elle renferme, quoiqu’étant à Anvers ou à Ostende ; et quoiqu’on dise le contraire, par des reçus de ces officiers, qu’on ne leur refuse aucun des ouvrages que renferme la bibliothèque.

Quant à placer cette bibliothèque à Anvers, je ne sais quel degré d’utilité cela aurait. Car souvent il ne reste pas assez d’officiers à Anvers pour compléter un conseil de guerre. Il y a quelque temps, avant le retour des équipages du Charles et du Macassar, il n’y avait que très-peu d’officiers à Anvers.

Il n’y a donc pas de motifs suffisants pour y placer la bibliothèque, qui doit être consultée plus souvent à l’administration centrale qu’à Anvers.

M. Osy – Comment voulez-vous que des officiers de marine qui se trouvent à Anvers, viennent ici consulter les ouvrages que le gouvernement achète ?

Il est certain que vous avez plus d’officiers de marine à Anvers qu’à Bruxelles, où il ne s’en trouve qu’un seul, le directeur, et un matelot.

Il ne faut pas oublier que les officiers ne peuvent se déplacer sans avoir obtenu un congé. S’ils s’absentent un seul jour, on s’empresse de les punir. Ainsi, j’ai été malheureusement cause de la punition d’un officier qui était à Anvers et auquel j’avais demandé des renseignements. Comme j’étais retenu à la chambre, il est venu me trouver et je l’ai engagé à rester jusqu’au lendemain à sept heures. On l’a mis aux arrêts.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Il existe un catalogue de la bibliothèque ; ce catalogue est connu des officiers ; ils n’ont, par conséquent, pas besoin de se déplacer pour venir chercher les livres. Ils peuvent les demander par écrit, et ils leur sont envoyés.

Quant à l’officier qui a été puni pour avoir quitté son poste, sans permission, personne ne m’en fera un grief, surtout quand on voit évidemment dans quel but il s’était rendu à Bruxelles.

- L’art. 2 est mis aux voix et adopté.

Chapitre II. Bâtiments de guerre

Article premier

« Art. 1er. Personnel : fr. 297,471 »

M. Osy – Je demanderai à M. le ministre s’il n’a pas une modification à nous proposer à cet article. Vous voyez qu’il y a à payer le traitement de trois capitaines-lieutenants, et si l’on avait pas demandé les fonds nécessaires lorsque le budget de la marine a été envoyé au département des finances, il me paraît que pour la régularité de la comptabilité, il faudrait faire publier aujourd’hui l’arrêté et demander le crédit nécessaire. Sans cela, il est impossible que la cour des comptes liquide le traitement que vous avez accordé.

Mais il me reste une autre observation à faire.

Au budget de 1844 il a été voté des fonds pour 518 hommes. En admettant comme exact le tableau qui nous a été fourni par le ministère, il paraîtrait qu’il n’y a eu en activité que 408 hommes. Je demande donc à combien s’élève l’économie provenant de cette différence de 110 hommes.

Je demanderai aussi pourquoi on ne porte que douze enseignes, tandis que nous en avons quatorze. Pourquoi ne pas avouer ce que nous avons ?

On nous dit dans le même tableau que nous avons 13 aspirants de première classe ; nous en avons 14.

On nous dit que nous avons 7 agents comptables ; nous en avons 8, dont 3 portent le titre de sous-commissaires avec rang d’enseigne.

(page 502) On dit que nous avons 5 chirurgiens ; nous en avons 6, j’ai leurs noms que je me suis procurés à la cour des comptes.

Par suite de la nomination d’un capitaine de vaisseau, je crois qu’il faudrait que le ministre présentât un amendement.

Je demande s’il est vrai qu’il y a eu économie de 110 hommes.

Je demande pourquoi, dans l’état du personnel des officiers, on n’a pas donné des chiffres exacts.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Il n’y a rien à régulariser dans le budget.

Si l’honorable membre veut bien y faire attention, il reconnaîtra que la cour des comptes n’a pas besoin de s’en rapporter aux détails donnés à l’article 1er et qu’elle n’a qu’à voir le montant de l’article. Il est inutile, pour la régularité de la comptabilité, de mettre dans les détails : un capitaine de vaisseau au traitement de 8,400 fr., au lieu de 7,600 fr. Ces 800 fr. de différence entre les appointements antérieurs et les appointements actuels seront facilement trouvés sur les congés qu’on accorde aux officiers revenant de leur voyage au long cours, sur les autres économies provenant soit de vacatures, soit de ralentissement dans le recrutement, s’il n’en résultait pas d’inconvénient.

L’honorable préopinant dit qu’il y a eu, en 1844, 110 hommes de moins qu’en 1843.

Cela n’est pas tout à fait exact ; car ce résultat est celui de la situation du personnel de la marine au 15 décembre. Dans le reste de l’année, il a pu y avoir plus ou moins d’hommes. Je ne sais si la moyenne des hommes manquants a été de 110.

Au reste, je ne sache pas que jamais on ait engagé le ministre de la guerre à dépenser son budget jusque dans ses dernières limites ; chaque matelot comme on semble vouloir maintenant le faire pour moi, coûte annuellement à l’Etat 800 fr. Si le ministre peut en restreindre le nombre, sans que le service en souffre, je crois qu’il faut plutôt l’en féliciter que l’en blâmer.

Il est vrai qu’il y a 14 enseignes au lieu de 12. Cela est facile à expliquer. Un de ces enseignes, qui avait été mis en non-activité pour cause de maladie, est rentré en activité depuis la confection du budget.

Le deuxième enseigne a été nommé il n’y a pas longtemps, parce que les équipages accordés aux bâtiments de commerce nous avaient enlevé tous nos officiers ; il n’en restait pas assez pour former un conseil de guerre. On a nommé enseigne un aspirant qui avait neuf ans de grade.

Voilà l’explication de cette augmentation de personnel.

M. Verhaegen – Je ne pense pas que M. le ministre des affaires étrangères ait compris l’objection de l’honorable M. Osy. M. Osy ne se plaint pas de ce que le gouvernement fasse des économies ; au contraire, il se plaint de ce que le gouvernement ne veuille pas en faire. En effet, messieurs, quoique par le budget de 1844 on peut accordé au gouvernement les fonds nécessaires pour employer 518 hommes, il n’en a employé que 408 ; il y a donc eu économie de 110 hommes sur le budget de 1844 ; et M. Osy demande : pourquoi, au budget de 1845, on vient de nouveau demander une allocation pour 518 hommes alors que les besoins sont restés les mêmes.

Qu’on ne vienne pas dire à l’honorable M. Osy qu’il est en opposition avec le désir qu’il manifeste, de faire des économies ; car M. Osy demande que le ministère fasse en 1845 ce qu’il a fait en 1844. Des interpellations ont été faites au sein de la section centrale et à ces interpellations, le ministre n’a pas répondu, ou plutôt, qu’il me soit permis de le dire, il n’y a répondu que par des échappatoires. Il a dit qu’il aurait besoin, en 1845, d’un plus grand nombre d’hommes parce qu’il s’agissait, en décembre 1844, si je ne me trompe, de faire un voyage aux Indes et qu’on voulait faire trois voyages semblables en 1845. Mais quel est le navire qui a voyagé en 1844 ? de quel port est-il parti ? Quel était son équipage ? Quels sont les navires destinés à voyager en 1845 ? Il ne pouvait être question de la British-Queen ni du brigantin Le Congrès qu’on veut vendre de l’aveu même du gouvernement, et il serait dès lors curieux de savoir quels sont les autres navires en état d’aller aux Indes.

Il reste donc vrai qu’en 1844 on n’a eu besoin que de 408 hommes, qu’on a dû faire de ce chef une économie notable et que cette économie on peut encore la faire en 1845, qu’il n’existe pas de nouveaux besoins et que les voyages aux grandes Indes ne sont que des prétextes.

Ensuite on porte au budget 12 enseignes, et cependant d’après la découverte faite par M. Osy, il y en a 14. De plus, s’il faut s’en rapporter à une note qui nous a été distribuée tantôt, il y aurait également un plus grand nombre d’aspirants, de chirurgiens, etc., et à cet égard, on reste en défaut de s’expliquer. Ce qu’il y a de plus clair pour moi, c’est qu’en demandant des fonds pour 110 hommes de plus on a les coudées franches, si je puis m’exprimer ainsi, pour faire d’autres dépenses qu’on n’ose pas avouer tout haut, et entre’autres pour poser des actes de favoritisme.

L’observation de M. Osy est donc restée entière. M. le ministre n’y a pas répondu.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Je concevrais qu’on fît des reproches au ministre s’il portait au budget le traitement de plus d’officiers qu’il n’en existe ; mais lorsque par des circonstances particulières il existe plus d’officiers que ceux pour lesquels il avait d’abord demandé des fonds et qu’il ne vient pas réclamer de ce chef un supplément de crédit, quels reproches peut-on lui faire à cet égard ? Quant au motif pour lequel on demande maintenant 110 hommes de plus qu’on n’en a employé en 1844, ce motif est tout simple : Vous savez, messieurs, qu’on a construit un nouveau brick, le Prince-Royal, ce brick prendra la mer cette année et il exigera un équipage de 110 hommes. Cet équipage ne sera employé que si la nécessité en est démontrée, mais nous demandons la somme que son emploi éventuel peut exiger, parce que dans un budget il faut porter le maximum des besoins prévus. Du reste, je ferai observer que ce n’est pas moi qui envoie les bâtiments aux Indes. Au commencement de chaque année M. le ministre de l'intérieur me donne connaissance des voyages qui sont projetés et m’invite à me mettre en mesure de remplir les conditions auxquelles ces voyages ont été arrêtés. Il peut arriver, comme cela a eu lieu au mois de décembre dernier, qu’un bâtiment, pour lequel je devais tenir des hommes à la disposition de M. le ministre de l'intérieur, ne parte point. J’ignore complètement les motifs qui ont empêché le bâtiment dont il s’agit, de prendre la mer, au mois de décembre ; mais en conservant des hommes sous les armes de ce bâtiment, je n’ai fait que me conformer à l’invitation du département de l’intérieur qui est autorisé par l’usage, par tout ce qui s’est fait antérieurement, à fréter des équipages militaires à la marine marchande.

M. Osy – Je trouve très-irrégulier l’état de choses que j’ai signalé à M. le ministre, et je ne conçois pas les motifs qui l’empêchent de faire droit à mes observations. Il est évident que la cour des comptes ne liquidera que les traitements de trois capitaines-lieutenants ; cependant on en a nommé quatre. Il y a également des agents comptables, des chirurgiens au-delà du nombre de ceux dont le traitement figure au budget. Evidemment cela devrait être régularisés.

M. le ministre vient de nous dire que le Prince-Royal sera armé cette année, qu’il pourra voyager, et qu’il exigera un équipage de 110 hommes. Je suis charmé que cela me fournisse l’occasion de présenter une réflexion ; c’est que véritablement les armateurs ne voudront plus bientôt de l’espèce de prime qu’on a l’air de leur accorder en leur prêtant des équipages de l’Etat.

L’année dernière un navire a été aux Indes ; il avait besoin d’un équipage de trente-trois hommes ; au lieu de cela, on a forcé l’armateur à en prendre soixante-dix, parce qu’il y avait des miliciens qu’il fallait former à la mer. Vous sentez, messieurs, que lorsqu’un bâtiment est ainsi forcé de prendre quarante hommes de plus qu’il ne lui en faut, il doit prendre beaucoup de place pour les vivres, l’eau, les effets qui sont nécessaires à ce surplus d’équipage. Cela finit par balancer l’avantage que le gouvernement fait à ce navire. Un de mes amis m’a communiqué le compte d’un navire revenant des Indes. Il résulte de ce compte qu’en accordant à l’armateur un équipage de l’Etat, comme on l’a fait jusqu’à présent, on lui donne une prime de 15,000 fr.

Mais, par contre, comme vous donnez une équipage beaucoup plus fort, on est obligé de tenir en réserve pour les vivres, pour l’eau et pour l’habillement de ces matelots, une place tellement considérable que le bénéfice est en quelque sorte annulé. Ainsi, ce navire qui avait obtenu une prime de 15,000 fracs avait perdu une place de 110 tonneaux, ce qui fait une différence de 6,000 florins.

De plus, on est obligé d’ajouter à ce que vous donnez à votre équipage d’après le tarif. Il résulte de cet état de choses que, d’après le compte qui m’a été remis, il n’y a plus qu’un bénéfice réel de 1,800.

Aussi, si les choses sont maintenues sur ce pied, les armateurs à qui vous offrirez des équipages de la marine, vous remercieront du cadeau que vous voulez leur faire ; et ainsi le nombre des marins en activité sera encore moins considérable

Je crois donc que nous ferons cette année la même économie que l’année dernière, et j’engage M. le ministre à réduire sa demande en conséquence.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Les renseignements que vient de donner l’honorable préopinant sur la perte que font les armateurs auxquels on prête des équipages de l’Etat sont tout nouveaux pour moi. Car, le gouvernement a un grand nombre de demandes ; il a dû, dans beaucoup de cas, refuser des équipages.

Je ne comprends pas comment, d’une part, on insiste tant pour avoir des équipages de l’Etat et comment, d’un autre côté, il se trouve que par cette espèce d’acte de munificence du gouvernement, l’armateur est en perte.

M. Osy – J’ai dit que le bénéfice n’était que de 1,800 fr.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il y aurait presque perte.

Je dois le dire, les armateurs désirent vivement que la marine de l’Etat continue à être à leur disposition. Maintenant, d’après les renseignements donnés par l’honorable préopinant, il se trouverait que ces armateurs comprendraient fort mal leurs intérêts, qu’au contraire ils se constituent en perte.

Le gouvernement doit désirer, de son côté, de mettre ainsi à la disposition des armateurs des équipages de l’Etat. C’est là un grand moyen d’instruction pour nos marins. Si vous n’agissez pas ainsi, comment instruirez-vous les marins de l’Etat, à moins de les envoyer exprès dans les mers lointaines aux frais de l’Etat ; uniquement pour se promener ?

Je crois donc qu’il faut maintenir les usages qu’on a suivis jusqu’à présent, et qui sont loin de faire naître les réclamations tout à fait nouvelles dont l’honorable préopinant s’est fait l’organe. Du reste, ces réclamations feront l’objet d’un examen de notre part.

M. Dumortier – Je reconnais avec M. le ministre de l'intérieur qu’il est fort utile qu’une partie de nos marins soient mis au service de la navigation commerciale. D’une part, cela donne à nos officiers une grande expérience pour la navigation au long cours, et d’autre part cela rend des services réels à l’industrie. Notre marine commerciale était encore peu (page 503) considérable, nous trouverons dans la marine de l’Etat des éléments pour l’augmenter.

Puisque cette question est soulevée, j’adresserai une observation au gouvernement. Il me semble que lorsqu’il accorde à des armateurs commerciaux une partie de nos soldats, il devrait au moins exiger d’eux les garanties pour que ces soldats ne se trouvent pas exposés sans moyens de défense, dans les parages fréquentés par les pirates. Or, presque toujours les navires de commerce auxquels on accorde des soldats de notre marine n’ont pas même à bord, de canons en fer ou en bronze ; ils n’ont que des canons de bois. Je demande ce qu’on peut faire avec de pareils instruments contre les pirates ? Que les armateurs fassent ce qu’ils veulent avec leurs propres navires, avec leurs propres matelots ; mais lorsque le gouvernement expose ainsi sur des vaisseaux les soldats du pays, il me semble que le moins qu’il puisse faire, c’est de demander qu’il y ait à bord les instruments nécessaires pour la défense du navire.

C’est là une observation très-sérieuse, à laquelle je prie le gouvernement de prêter son attention.

Puisque j’ai la parole, je témoignerai ma surprise de n’avoir vu dans le budget aucun poste relatif à ce grand vaisseau qu’on appelle le British-Queen. Je pensais que le gouvernement, à l’occasion du budget de la marine, nous aurait dit quelque chose à ce navire. Il me paraît que, puisque, puisqu’au dire des journaux, il veut le vendre, il aurait dû en demander l’autorisation aux chambres. Car, remarquez-le bien, cette autorisation est nécessaire.

M. Rodenbach – Elle est accordée depuis longtemps.

M. Dumortier – Le code de commerce est positif quant au fait de la vente des navires. L’art. 220 porte : « La licitation du navire ne peut être accordée que sur la demande des propriétaires formant ensemble la moitié de l’intérêt total dans le navire, s’il n’y a pas, par écrit, convention contraire. »

La vente est ici de licitation, et certes, le propriétaire du navire est le peuple belge et non le gouvernement. Il me semble donc qu’avant de vendre la British-Queen, le peuple belge, qui est le propriétaire, devrait donner son consentement.

Je suppose que le gouvernement n’est pas pressé de demander ce consentement, parce qu’il devrait déclarer la perte énorme qu’a faite le pays. Si le gouvernement a fait une mauvaise spéculation, j’en suis fâché pour lui, et encore plus pour le pays. Mais les choses doivent se faire conformément à la loi ; et je ne conçois pas comment on ferait cette vente, sans savoir si les chambres y consentent et n’entendent pas donner une autre destination à ce vaisseau.

Je demanderai donc au gouvernement et surtout à l’honorable M. Nothomb, qui est le seul membre restant du cabinet qui a présidé à cette magnifique opération, de nous dire quelle est la loi qui autorise cette vente. L’explication me paraît urgente, puisqu’on veut vendre dans le courant du mois. Quand il s’agit d’une valeur qui nous a coûté 2 millions, il me paraît qu’on ne peut la réaliser pour 150,000 fr. sans que les chambres aient rien à y dire.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – On vient de parler de la vente de la British-Queen, comme s’il n’en avait jamais été question dans cette enceinte. Mais vingt fois déjà différents membres ont engagé le gouvernement à faire cette vente.

Le gouvernement vous a déjà entretenus d’une première adjudication qui a eu lieu et qui a été publiée par tous les journaux du pays, mais qui malheureusement n’a produit qu’une offre de 17,000 francs. Non-seulement il en a rendu compte dans la note qui se trouve annexée au rapport de la section centrale ; mais chaque fois qu’il a été question de ce navire dans cette chambre, des membres ont engagé le gouvernement à s’en défaire.

Du reste, vous n’ignorez pas, messieurs, que le domaine est autorisé à vendre les objets que l’on considère comme étant hors d’usage. Cette faculté ne peut lui être contestée.

Quant à la British-Queen, il a toujours été entendu qu’elle serait vendue ; la déclaration en a été faite plusieurs fois sans donner lieu à aucune objection.

Je m’abstiendrai de faire connaître à la chambre tous les détails des négociations qui ont eu lieu depuis la mise en adjudication. Nous n’avons pas cru pouvoir céder ce bâtiment au prix d’adjudication, qui n’était que de 170,000 fr. Quelque temps après cette première adjudication, un prix un peu plus élevé nous a été offert ; mais ce prix nous a paru encore bien au-dessous de la valeur actuelle du bâtiment. Le gouvernement est en ce moment même en négociation pour le vendre à de meilleurs conditions, ainsi que le fait connaître l’annexe B du rapport de la section centrale ; je désire ne pas entrer dans d’autres détails à cet égard. Aussitôt que la vente aura pu avoir lieu, le plus avantageusement possible et sous la responsabilité du gouvernement, un rapport sera fait à la chambre. Pour le moment, je crois que de plus longues explications ne pourraient que nuire aux transactions qui sont maintenant en projet.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – On a omis d’expliquer pourquoi le budget de la marine ne comprend aucune allocation pour l’entretien de la British-Queen. La raison en est que ce bâtiment a été remis à l’administration du domaine et que même depuis le 1er janvier le département des finances pourvoit à sa garde et à son entretien.

M. Dumortier – Il importe assez peu de savoir si vingt fois dans cette chambre quelques orateurs ont demandé que le gouvernement vendît la British-Queen. Lorsqu’un orateur quelqu’il soit demande au gouvernement quelque chose, c’est simplement l’engagement de présenter à la chambre un projet de loi sur lequel elle soit appelée à se prononcer, mais il ne dépend pas de deux, trois ou quatre membres de lier la chambre en telle ou telle matière. Tout ce qui a été dit à l’égard de la British-Queen n’a donc nullement autorisé le ministre à vendre ce navire ; cela prouve uniquement que beaucoup de membres ont compris que le gouvernement avait fait une très-mauvaise affaire. Evidemment le domaine ne peut pas vendre ce bâtiment sans l’autorisation du propriétaire, ce serait contraire à tous les principes, ce serait contraire au Code de commerce. C’est ici une véritable licitation ; le gouvernement ne peut pas vendre la British-Queen sans que les chambres l’y aient formellement autorisé Comment ! vous avez acheté la British-Queen en vertu d’une loi et maintenant vous viendriez défaire cette loi sans le concours des chambres ! Cela n’est pas possible ; ce que la loi a fait, la loi seule peut le défaire. Que le gouvernement nous présente un projet, nous l’examinerons et nous examinerons en même temps la question de la responsabilité qu’il a encourue dans cette opération. Il serait extrêmement commode pour le gouvernement de faire des opérations désastreuses pour le pays et de n’encourir de ce chef aucune responsabilité. Ce n’est pas ainsi que les choses peuvent se passer.

L’honorable M. Mercier dit que le domaine peut vendre les objets hors d’usage. Cela est possible pour des objets de peu de valeur, mais cela ne peut être pour un navire qui a coûté deux millions, qui a été acquis, en vertu d’une loi, et cela depuis deux ou trois ans seulement.

Mais, messieurs, pour un petit budget comme le nôtre, une perte de deux millions est considérable, et il y a là une responsabilité grave pour le gouvernement. Evidemment, nous ne pouvons pas ainsi donner des pleins pouvoirs au gouvernement, sans examiner même ce qu’il convient de faire. Je le répète, si 20 membres ont demandé que le gouvernement vendît la British-Queen, c’est un vœu qu’ils ont exprimé, rien de plus, et cela ne lie en aucune manière le parlement, cela n’a donné au gouvernement aucune espèce d’autorisation.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – J’ai dit tout à l’heure que le domaine a le droit de vendre le matériel hors d’usage. C’est ce qui se fait tous les jours. Lorsqu’un bâtiment de l’Etat, quelle qu’en soit la valeur, ne peut plus servir pour la marine, on en tire le meilleur parti possible, on le vend comme matériel. Quant à la British-Queen, je le répète, la chambre s’en est occupée très-souvent et toujours il a été entendu que ce navire serait vendu. Je suis fâché que dès la première fois qu’il a été question de cette vente l’honorable M. Dumortier n’ait pas produit l’observation qu’il présente maintenant. Il y a plus, dans la discussion du budget de la marine de l’année dernière, la chambre n’a voulu accorder un crédit, pour l’entretien de la British-Queen, que pendant neuf mois, afin de forcer ainsi le gouvernement à vendre le navire avant l’expiration de l’année. Il était bien entendu par tout le monde qu’il ne fallait point de loi spéciale pour autoriser le gouvernement à faire cette vente. Plus tard, lorsque le gouvernement est venu annoncer que cette vente n’avait pu avoir lieu, on lui en a fait en quelque sorte un grief. Aujourd’hui la situation est la même, si ce n’est que le gouvernement n’a pas voulu céder le bâtiment au prix trop faible de l’adjudication.

M. de La Coste – J’ai demandé la parole parce qu’ayant été rapporteur de la section centrale l’année dernière, dans ces questions, je crois pouvoir fournir quelques éclaircissements à la chambre. J’admettrai volontiers, en thèse générale, la plupart des idées exprimées par l’honorable M. Dumortier, mais je dois rappeler que les conclusions du rapport de la section centrale, conclusions que je ne puis cependant répéter textuellement de mémoire, tendaient non-seulement à ce que le gouvernement fût implicitement autorisé, mais à ce qu’il fût mis en demeure de disposer de la British-Queen de la manière qu’il aurait reconnu la plus utile dans l’intérêt de l’Etat. Je crois donc que la position est spéciale.

- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Vivres : fr. 148,000 »

M. Osy – Messieurs, je dois faire quelques observations relativement à un navire qui est revenu des Indes au mois de décembre. Plusieurs des marins qui montaient ce navire étaient dans un état de santé tel qu’il a fallut les débarquer dans des voitures pour les transporter à l’hôpital. Je me suis informé de ce qui pouvait avoir amené ce résultat ; je me suis fait rendre compte de ce que l’on donne aux matelots de la marine royale et de ce que l’on donne à ceux de la marine marchande ; j’ai reconnu que la différence de prix n’est pas considérable. La ration de nos marins en mer coûte 98 centimes, tandis que celle des matelots appartenant à la marine marchande, coûte 50 cents, de manière qu’il n’y a qu’une différence de 11 à 11 centimes. Je crois que le mal provient de ce que le gouvernement a maintenu l’ancienne manière de distribuer les vivres ; ce mode de distribution a été changé non-seulement par le commerce mais encore par toutes les puissances qui ont une marine royale : on donne beaucoup trop de viande salée et beaucoup trop peu de vivres frais. Lorsque les navires dont relâche dans un port quelconque du globe, on devait de temps en temps donner des vivres frais à l’équipage.

- L’art. 2 est mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Entretien, chauffage et éclairage : fr. 62,320 »

M. Verhaegen – Je lis à la page 3 du rapport de la section centrale, ce qui suit :

« La 4e section, ayant demandé s’il ne serait pas possible d’opérer plus d’économies sur cet article, la section centrale a transmis cette demande au ministère qui lui a fourni une note justificative (annexe II) du crédit pétitionné. »

(page 504) Au n°6 de cette note qui se trouve à la page 18, je lis ce qui suit :

« « 6° 1,000 francs sont demandés pour la poudre à renouveler, pour le service de quarantaine et les saluts, peu importants du reste que l’on est dans le cas de tirer. L’économie est tellement observée qu’on doit renoncer à faire faire aux équipages l’exercice à feu, quoique cela soit très-nécessaire. »

Ici, loin de m’élever contre une dépense, je m’élève contre une économie. Que signifie, d’après cela, notre marine, pour laquelle cependant nous avons un budget d’au-delà d’un million ? Comment ! on n’a pas même de la poudre à tirer pour faire l’exercice à feu, quoi que cela soit très-nécessaire, dit M. le ministre.

Je comprends, en effet, que cela soit très-nécessaire. Ainsi, si l’un de nos bricks fait un voyage aux Indes, il est exposé à être attaqué par des pirates, et il ne pourra pas se défendre ; des pirates malais n’ont-ils pas dernièrement incendié le brick Richard ? A moins de vouloir mettre sur nos navires des canons de bois et de s’exposer à tous les dangers d’une attaque quelconque, comme le disait tout à l’heure l’honorable M. ; Dumortier, je dis que si l’on veut sérieusement une marine, quelque petite qu’elle soit et pour laquelle cependant il est porté au budget une somme de plus d’un million, il faut avant tout se procurer ce qui est indispensable à une défense, car la vie de nos soldats et de nos matelots se trouve engagée.

Mes observations se réduisent à ceci : veut-on maintenir une marine qui vous coûte plus d’un million ? qu’on ne fasse plus des économies semblables à celles que je combats S’il faut une somme de 5,000 ou 10,000 francs pour les exercices à feu, qu’on les demande et qu’on fasse faire à nos marins des exercices convenables, sans cela, il me serait permis de dire que la marine belge, loin d’être une chose sérieuse, n’est qu’une mauvaise plaisanterie ; au surplus, les explications données par M. le ministre des affaires étrangères prouvent que les dépenses que nous faisons en cette circonstance sont faites en pure perte.

- L’art. 3 est mis aux voix et adopté.

Article 4

“Art. 4. Equipement d’un brick : fr. 33,000”

-Adopté.

Chapitre III. Magasins de la marine

Article unique

« Article unique. Magasin de la marine : fr. 11,200 »

M. Osy – M. le ministre des affaires étrangères, dans les réponses fournies par lui à la section centrale, dit que tous les objets fournis par adjudication publique sont reçus par une commission de cinq membres, et nous renvoie, pour les formalités de ces réceptions, aux cahiers des charges. Or, d’après un de ces cahiers des charges que je me suis procuré, la réception se faisait, dans tous les cas, exclusivement par une commission antérieurement à la nouvelle organisation que j’ai critiquée ; depuis lors, on a ajouté dans les cahiers des charges que la réception pouvait se faire par une commission ou par l’officier chargé des travaux. Je demande qu’on en revienne à l’ancien système.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Comme l’a dit l’honorable préopinant, toutes les fournitures sont reçues par des commissions, sauf en ce qui concerne les bois, pour lesquels il y a une exception dans certains cas. Cette exception se conçoit facilement. S’il y avait à faire une grande fourniture de bois, certainement il y aurait nécessité de rassembler une commission ; mais on a donné la faculté de réception à l’ingénieur civil, lorsqu’il s’agit d’un objet de très-minime importance, d’un madrier, par exemple, par la réparation d’une chaloupe. Serait-il, messieurs, raisonnable de réunir une commission pour recevoir une planche ou tout autre objet d’aussi peu d’importance ?

- L’article unique du chapitre III est mis aux voix et adopté.

Chapitre IV. Pilotage

Article unique

« Article unique. Pilotage. Personnel des stations :

« 1° Anvers, fr. 52,620

« 2° Terneuzen, f. 3,480

« 3° Flessingue : fr. 62,220

« 4° Station de la Manche : fr. 17,040

« 5° Ostende : fr. 20,430

« 6° Remises à paye aux pilotes : fr. 140,980

« 7° Entretien des bateaux-pilotes : fr. 49,650

« Total : fr. 350,520 »

M. Osy – Nous avons à la tête du personnel pour le pilotage, un inspecteur, à raison de 3,500 fr. et un commissaire permanent de l’Escaut, à raison de 2,500 francs. On croirait que ce sont deux personnes différentes qui occupent ces deux emplois, mais il est de fait que c’est la même personne qui les occupe, et qu’elle à un traitement de 6,000 fr. Je demande qu’on mette dans le budget un inspecteur à 6,000 fr.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Messieurs, une question m’avait été adressée à ce sujet par la section centrale, et j’y ai répondu.

A entendre l’honorable préopinant, on croirait que c’est pour chercher à dissimuler que l’inspecteur du pilotage reçoit 6,000 fr. qu’on a disposé dans le budget les choses telles qu’elles y sont établies. Mais la chambre n’ignore pas l’arrangement qui est intervenu ; cet arrangement date de 1840. je prendra la liberté de communiquer à la chambre la note que j’avais remise à la section centrale et que celle-ci n’a pas jugé convenable d’insérer dans son rapport ; j’y disais :

« Qu’on nous permettre d’abord de faire observer que le titre de Commissaire de pilotage n’est point applicable au fonctionnaire dont il s’agit.

« L’inspecteur du pilotage d’Anvers dirige le personnel de l’administration intérieure des services de pilotage dépendants de l’arrondissement d’Anvers et qui sont :

« 1° le pilotage de Termonde à Anvers et vice versâ ;

« 2° De Willebroeck à Anvers et vice versâ ;

3° D’Anvers à Flessingne et vice versâ ;

4° De Terneuzen à Flessingue et vice versâ ;

5° De Flessingue à la mer et vice versâ.

« Le commissaire permanent de la navigation de l’Escaut est un fonctionnaire dont les attributions ne concernent nullement le service intérieur ou l’administration du pilotage.

« Ses fonctions sont déterminées par l’art. 9, §2, du traité du 19 avril 1839 et par le règlement sur la navigation adopté à Anvers, le 20 mai 1843.

« L’inspecteur du pilotage d’Anvers est en même temps commissaire permanent pour la navigation de l’Escaut.

« Le gouvernement, en présentant le budget de la marine pour l’exercice 1840, le premier qui suivit l’organisation du pilotage dont la remise fut faite à l’Etat, par la loi du 1er juin 1839, a donné connaissance à la chambre des motifs qui l’avaient engagé à confier ces fonctions supplémentaires à l’inspecteur du pilotage d’Anvers.

« On lit, en effet, à la page 170 des développement du budget des dépenses pour 1840, ligne 44 :

« Le reprise du pilotage à Anvers, l’organisation future d’un semblable service aux bouches de l’Escaut et dans la Manche rendaient nécessaire la nomination d’un inspecteur ; à cette fonction vint bientôt se joindre celle de commissaire permanent de l’Escaut, à laquelle cet inspecteur fut appelé avec l’inspecteur-général du pilotage, par arrêté du 7 août dernier (1839)

« La modicité du traitement de l’inspecteur a démontré la nécessité de lui allouer une indemnité comme commissaire permanent. L’inspection-général du pilotage n’en touche aucune de ce chef.

« La chambre des représentants, appréciant les motifs présentés par le gouvernement à l’appui de ce budget, accorda sans observation le crédit demandé pour le traitement de l’inspecteur général et son indemnité en qualité de commissaire permanent. Les budgets des dépenses pour les années 1841, 1842, 1843 et 1844 ont reproduit exactement la même demande d’allocation, et aucun membre de la chambre n’a fait des observations à ce sujet.

« La division du traitement total de l’inspecteur du pilotage d’Anvers a été constamment maintenue afin de ne pas poser un précédent, qu’on n’aurait pas manqué d’invoquer plus tard pour faire admettre comme conséquence de la nomination aux fonctions d’inspecteur, les fonctions de commissaire permanent de la navigation sur l’Escaut. Un fonctionnaire moins actif et moins zélé que l’inspecteur actuel du pilotage d’Anvers, se trouverait dans l’impossibilité de s’occuper de ces deux services ; il faudrait alors scinder les attributions et rétribuer séparément un commissaire permanent pour l’Escaut.

« On saurait difficilement alléguer que le traitement d’inspecteur et l’indemnité de commissaire, réunis, forment un traitement trop élevé pour l’inspecteur d’Anvers.

« L’inspecteur néerlandais à Flessingue, dont les occupations sont moins multipliées et qui joint également à ses fonctions ordinaires celles de commissaire permanent de l’Escaut, reçoit un traitement de 3,200 florins ou en francs 6,772 48.

« En terminant, nous devons faire remarquer que les états mensuels ont depuis 1839 indiqué constamment le traitement total dont jouissait l’inspecteur, tant sous ce rapport que sous celui du commissaire permanent de sorte qu’une seule signature constatait la réception et formait quittance de son traitement annuel. »

Ainsi, vous voyez, messieurs, qu’on en a agi de cette manière, dans le but de ne pas poser un précédent qui pourrait nuire plus tard aux intérêts du service.

M. Osy – Les explications de M. le ministre des affaires étrangères ne me satisfont nullement. Tout le monde devait croire qu’il y avait deux fonctionnaires différents pour les deux places.

Je crois donc que, pour l’année prochaine, M. le ministre pourra réunir le traitement des fonctions attribuées à la même personne, afin de nous dispenser de faire des recherches difficiles.

Puisque j’ai la parole, je dirai encore un mot sur les magasins d’habillement. Une grande partie des habillements de la marine se confectionne hors de Bruxelles et dans les prisons. Au lieu d’avoir des magasins là où est la marine, on les a près du ministère sous la garde d’un seul marin, tandis que, dans un port de mer, ils seraient confiés à la surveillance d’un garde-magasin sous le contrôle des officiers de marine, contrôle qui n’existe pas aujourd’hui.

M. le ministre dit qu’il n’y a pas d’emplacement à Anvers pour ces magasins et qu’il y en a à Bruxelles. Je me suis assuré qu’il y a à Anvers une place plus convenable que celle de Bruxelles. Souvent on envoie des magasins de Bruxelles des habillements remplies de mites. J’ai vu un procès-verbal de refus d’effets rongés par les mites ; à Anvers, on les placerait dans des endroits où l’on dépose les cordages, et on n’aurait pas cet inconvénient à craindre. Je crois donc que pour la sûreté et la conservation des effets militaires, il serait plus avantageux d’établir les magasins là où se trouve (page 505) la marine. Je demanderai à M. le ministre si on ne pourrait pas, comme auparavant, avoir ces magasins à Anvers.

M. le ministre des affaires étrangères et de la marine (M. Goblet d’Alviella) – Depuis 1832, les choses ont toujours été comme elles sont aujourd’hui. J’examinerai la question, et je verrai s’il y a lieu de donner suite à la demande.

- L’article unique du chapitre IV est adopté.

Chapitre V. Service des bateaux à vapeur de l'Escaut

Article unique

« Article unique. Service des bateaux à vapeur de l’Escaut : fr. 58,758 »

M. Osy – J’ai une observation à faire sur cet article. Le gouvernement a arrêté un tarif pour le passage d’Anvers à la Tête-de-Flandre : ce tarif est de 12 c. pour les voyageurs et de 20 c. par 100 kil. pour les marchandises ; en temps de glaces, ce tarif est de 60 c. pour les voyageurs. Le gouvernement a établi pour le passage avec le chemin de fer de St-Nicolas, une taxe à raison de 3 centimes par voyage. Vous voyez que les riverains de l’Escaut ne peuvent traverser le fleuve qu’en payant un droit plus considérable que les voyageurs qui vont en Flandre ou en viennent par le chemin de fer de St-Nicolas. Nous avons à la Tête-de-Flandre un chantier où se trouvent des navires en construction ; les ouvriers qui y travaillent et viennent chaque jour d’Anvers, doivent payer plus que les voyageurs qui viennent par ce chemin de fer, qui fait concurrence à ceux de l’Etat. Je demande pourquoi on a accordé cette réduction. Pour les marchandises on fait plus : celles qui arrivent ou partent par ce chemin de fer sont transportées gratis, tandis que les autres payent 20 centimes par 100 kilog.

Je demande ce qui a pu autoriser le gouvernement à faire un pareil arrangement.

Quand les bateaux à Anvers ne peuvent pas marcher, on opère les transports au moyen de pontons. Ces pontons sont destinés aux bestiaux et non aux voyageurs qu’ils exposent à de grands dangers.

- L’article est adopté.

Chapitre VI. Police maritime

Article unique

« Article unique. Police maritime : fr. 30,000 »

- Adopté.

Chapitre VII. Sauvetage

Article unique

« Article unique. Secours maritime (sauvetage) : fr. 16,500 »

- Adopté.

Chapitre VIII. Pensions et secours

Article unique

« Article unique. Pensions civiles et secours : fr 14,400 »

- Adopté.

Vote sur les articles et sur l’ensemble de la loi

Aucun amendement n’ayant été introduit, la chambre passe au vote définitif des articles.

« Art. 1. Le budget de la marine, pour l’exercice 1845, est fixé à la somme de 1,031,719 fr. conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


« Art. 2. la présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.


Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

49 membres répondent à l’appel.

46 répondent oui ;

3 répondent non.

En conséquence, la chambre adopte le projet de budget ; il sera transmis au sénat.

Ont répondu non : MM. Osy, Verhaegen et Delfosse.

Ont répondu oui : MM. Desmet, de Theux, de Tornaco, Devaux, d’Hoffschmidt, Dubus (aîné), Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Goblet, Huveners, Jadot, Kervyn, Lange, Lesoinne, Liedts, Lys, Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Pirmez, Pirson, Sigart, Vanden Eynde, Verwilghen, Zoude, Brabant, Coghen, d’Anethan, de Chimay, de Corswarem, de Florisone, de Garcia de la Vega, de Haerne, de La Coste, de Meester, de Renesse et Liedts.


M. le président – Le bureau a procédé à la composition que la chambre l’a chargé de nommer. Les membres qu’il a désignés sont : MM. de Renesse, Desmet, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Lesoinne, Malou et Pirmez.

- La séance est levée à 3 heures trois quarts.