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Sommaire
1) Pièce adressée à la chambre
2) Présentation d’un projet de loi (contingent de l’armée pour l’année 1845)
3) Présentation de rapports (projet de crédits provisoires pour le budget de l’armée, loi sur les étrangers)
4) Rapport sur une pétition relative aux droits de douane sur le café (Zoude)
5) Motion d’ordre (exception du café dans la loi des droits différentiels) (Delfosse, Cogels, Delfosse)
6)
Projet de loi relatif au traité de commerce et de navigation conclu avec le
Zollverein. Discussion générale. Loi des droits différentiels et commercer
maritime, commerce des céréales, du bois et des cotons, transit, rapports avec
(page 412) (Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et un quart.
M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
Pièce adressée à
M. de Renesse présente l’analyse de la pièce ci-après, qui a été adressée à la chambre :
« Le sieur Louis-Auguste-Edouard Gobert, sous-ingénieur à l’administration des chemins de fer, né à Cambrai (France), demande la naturalisation ordinaire.
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
Présentation d’un projet de loi (contingent de
l’armée pour l’année 1845)
M. le ministre de la guerre (M. Du Pont) dépose un projet de loi relatif à la fixation du contingent de l’armée pour l’année 1845.
- Ce projet est renvoyé à la section centrale qui est chargée de l’examen du projet de loi concernant l’organisation de l’armée.
La chambre le met à l’ordre du jour de demain.
Présentation de rapports (projet de crédits
provisoires pour le budget de l’armée, loi sur les étrangers)
M. Pirson dépose le rapport de la section centrale sur le projet de loi tendant à accorder un crédit provisoire au département de la guerre.
- La chambre met ce projet à l’ordre du jour de demain.
M. Van Cutsem présente le rapport sur le projet de loi tendant à proroger de trois ans la loi relative aux étrangers.
La commission propose de proroger provisoirement de trois mois (du 1er janvier au 1er avril 1845) la loi dont il s’agit.
M. Van Cutsem, rapporteur – On pourrait discuter cet objet tout de suite.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Nous pourrions fixer notre ordre du jour de demain. Nous avons à l’ordre du jour la loi relative au Moniteur, puis quelques crédits, puis la loi des péages, et celle sur le transit qui a quelque analogie avec la loi précédente ; ensuite, la loi sur le contingent de l’armée que je place avant la loi des crédits pour la guerre, d’après les observations que l’on a faites hier ; et enfin la loi sur l’expulsion des étrangers…
Des membres – On pourrait discuter immédiatement la loi sur les étrangers.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Ce serait une dérogation au règlement ; et très-souvent, en pareil cas, on a fait de vives réclamations. D’ailleurs, l’urgence n’est pas telle qu’on ne puisse attendre jusqu’à demain.
M. Dubus (aîné) – Je n’ai pas très bien saisi l’ordre dans lequel M. le ministre de l'intérieur a proposé la discussion des projets de loi dont la chambre s’occupera demain ; il me semble que, dans cet ordre, M. le ministre de l'intérieur n’a pas mis en tête les lois dont la discussion serait la plus courte et la plus facile. Je crois que c’est cet ordre qu’il faut établir : la loi sur le contingent de l’armée, celle sur laquelle l’honorable M. Van Cutsem vient de faire un rapport ; et quelques autres lois que M. le ministre de l'intérieur a mises à la fin de l’ordre du jour, devraient venir au commencement. Il y a une loi que M. le ministre a placée en première ligne à l’ordre du jour, je veux parler de la loi relative à la substitution du Moniteur au Bulletin officiel. Je voudrais que cette loi vînt la dernière ou même qu’elle fût ajournée jusqu’après les vacances. Le rapport n’a été distribué qu’hier au soir. C’est une loi qui mérite un grave examen et qui donnera lieu à une longue discussion. Or, si l’on veut que cette loi soit convenablement examinée, il faut que l’on nous donne le temps nécessaire pour l’étudier, et pour nous préparer à la discussion.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, c’est sur la demande de M. le ministre de la justice que la chambre a mis hier à l’ordre du jour la loi relative au Moniteur. Je pense que ceci et reste décidé. Je déclare ne pouvoir prendre sur moi de faire une proposition contraire ; mon collègue, M. le ministre de la justice, regarde ceci comme une chose décidée. Si la chambre voulait maintenant changer l’ordre du jour, je la prierais d’attendre l’arrivée de M. le ministre de la justice qui démontrera qu’il faut s’occuper, avant le 1er janvier, de la loi concernant le Moniteur, ou qu’il faut y renoncer pour une année.
M. Fallon – Je crois aussi que nous devons attendre l’arrivée de M. le ministre de la justice, avant de rien décider. Il peut même arriver que nous terminions aujourd’hui de bonne heure le projet de loi relatif au traité ; nous pourrions encore, dans ce cas, voter aujourd’hui quelques-uns des petits projets de loi à l’ordre du jour. Je propose donc à la chambre d’attendre l’arrivée de M. le ministre de la justice, avant de prendre une décision, tant pour la loi relative aux étrangers, que pour celle relative au Moniteur.
- Cette proposition est acceptée.
M. Zoude (au nom de la commission d’industrie) – Messieurs, par une pétition que vous avez envoyée à votre commission de l’industrie, les épiciers et marchands de café brûlé de la ville d’Eecloo exposent à la chambre que le tarif des douanes ne faisant pas de distinction entre le café cru et celui qui est brûlé, les Hollandais importent chez eux de ce dernier café en telle quantité, que leur débit en est déjà diminué des 4/5 ; et si la loi, disent les pétitionnaires, ne vient pas combler la lacune qu’ils signalent, le débit considérable qu’ils en avaient jadis passera entièrement aux Hollandais, qui, outre l’emploi de la main-d’œuvre, jouissent encore d’un bénéfice de 25 p.c. sur les droits d’entrée ; on sait, en effet, que le café cru perd ¼ de son poids quand il est brûlé.
Votre commission considérant que ce qui se fait sur une partie de la frontière peut s’étendre bientôt sur toute la ligne, ce qui serait très-préjudiciable à un grand nombre de débitants, estime que le tarif de douanes, article Café, doit subir une modification, dans ce sens qu’il sera établi une distinction entre le café cru et le café brûlé, et que le droit à payer par ce dernier sera plus élevé de 25 p.c. que celui qui frappe le café cru.
Telle est la conclusion que la commission d’industrie m’a chargé de vous présenter sur cette pétition, dont elle propose le renvoi à MM. les ministres de l’intérieur et des finances.
- Ces conclusions sont adoptées.
M. Delfosse – Le gouvernement devra bientôt faire, pour l’année 1845, la répartition des sept millions de kilogrammes de café pour lesquels une exception a été introduite dans la loi sur les droits différentiels.
D’après la répartition qui a été faite pour 1844, la province de Liége n’a obtenu que 1,200,000 kilogrammes ; je pense que cette part est trop faible.
Quelles sont les raisons qui ont engagé la chambre à voter
l’exception dont je viens de parler ? Il y en a eu deux : on voulait,
d’un côté, éviter des représailles de la part de
M. le ministre de l'intérieur, interpellé par moi sur la part qui serait accordée à la province de Liége, m’a répondu dans la séance du 23 mars : « Soyez tranquille, vous avez importé jusqu’à présent environ 1,200,000 kil de café par année, le gouvernement ne vous accordera certainement pas moins de 1,200,000 kil. »
M. le ministre disait que nous n’aurions pas moins de
1,200,000 kil, mais il nous laissait espérer que nous aurions davantage ;
il reconnaissait qu’il fallait « une compensation pour les surtaxes dont
d’autres objets importés par
D’autres collègues, et entre autres celui qui était alors gouverneur de la province d’Anvers, reconnaissaient également qu’on devait nous donner une bonne part dans les sept millions de kilogrammes de café ; cette opinion était partagée par la grande majorité des membres de cette chambre.
Croiriez-vous, messieurs, après cela, que la ville d’Anvers, qui a été si favorisée par la loi sur les droits différentiels, et au profit de laquelle l’exception n’a certes pas été votée, a obtenu que la répartition de 1844, 4,800,000 kil., alors qu’on n’accordait à Liége que 1,200,000 kil.
On a pris, il est vrai pour base de la répartition, la
moyenne des importations pendant les années 1841, 1842 et 1843, mais on a perdu
de vue que ce n’est guère qu’en 1843 que la navigation de
Si l’on tient compte de toutes les importations, même à une
époque où la navigation de
Où est, je vous le demande, le dédommagement que la chambre
a voulu accorder à la province de Liége ? Nous n’avons pas même le statu
quo pour le café, et nous n’avons rien en compensation des surtaxes dont la
navigation de
J’appelle sur ce point l’attention du gouvernement ; je l’engage fortement à faire, pour 1845, une répartition conforme à l’esprit de la loi et aux intentions de la chambre.
M.
Cogels – Messieurs,
vous vous rappellerez que lorsque l’exception en faveur de
M. Delfosse – Je ne veux pas abuser de l’attention de la chambre ; je ne répondrai que quelques mots à l’honorable préopinant.
L’honorable préopinant n’a pas contesté ce que j’ai dit des motifs qui ont engagé la chambre à voter l’exception des sept millions de café.
Je vous le demande, messieurs, lorsque vous avez voté cette
exception, avez-vous pu croire qu’elle serait beaucoup plus profitable au port
d’Anvers qu’à
Je suis convaincu que si la chambre avait fixé elle-même les
parts, nous aurions obtenu bien au-delà des
Je voulais présenter un amendement dans ce sens, je voulais engager la chambre à faire elle-même la répartition. C’est M. le ministre de l'intérieur qui m’a prié de renoncer à ce projet. M. le ministre de l'intérieur m’a dit alors d’être tranquille ; il m’a dit que le gouvernement avait intérêt à ne pas mécontenter la province de Liége ; il m’a dit qu’elle obtiendrait probablement plus du gouvernement que de la chambre.
Je prie M. le ministre de l'intérieur de vouloir bien se rappeler cette espèce de promesse, et d’y avoir égard dans la répartition qui se fera pour 1845.
Je répète que la répartition de 1844 ne nous a pas même donné le statu quo. Nous avons le droit de réclamer une part plus forte, et nous avons un grand intérêt à le réclamer.
Nos négociants ont en ce moment de fortes quantités de café
dans les entrepôts de Liége, elle est dans l’intérêt de toutes les provinces
qui peuvent d’approvisionner par
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Messieurs, une nouvelle instruction se fait aux départements des finances et de l’intérieur ; je ne puis dire si on fera ou non des changements à l’arrêté de répartition.
M. le président – Il s’agit de l’interprétation d’un article de la loi des droits différentiels, qui pourrait occuper toute la séance, et cela sans résultat ; car je ne suis saisi d’aucune proposition.
Un grand nombre de voix – La clôture ! la clôture !
- La chambre, consultée, ferme la discussion.
Aucune proposition n’étant faite, on passe à l’ordre du jour.
Discussion
générale
M. Cogels – Messieurs, l’honorable député de Gand auquel j’étais disposé à répondre mardi, quant à une question incidente est venue interrompre le cours de la discussion, a félicité le gouvernement d’avoir trouvé deux orateurs qui eussent voulu prendre la défense du traité. Je viens lui offrir un sujet de félicitations de plus et j’espère que le vote du traité par la chambre viendra bientôt mettre le comble à ses félicitations.
Quant à moi, je félicite le traité d’avoir trouvé un adversaire qui ait bien voulu l’attaquer avec autant de ménagement ; car, il faut l’avouer, l’honorable M. Manilius s’est beaucoup préoccupé d’un de ses collègues, de la conduite de ce collègue à la section centrale, des déclarations des ministres, des travaux de la section centrale ; mais, au lieu de lui voir porter au traité ce coup de massue auquel il nous avait préparés, à peine lui a-t-il fait quelque égratignure.
Au reste, messieurs, ceci ne m’étonne pas : le traité avait été accueilli par le pays, il n’avait rencontré aucune opposition dans les sections ; il n’avait pas rencontré d’opposition sérieuse dans la section centrale. Je crois qu’il aurait suffi de retrancher deux lignes de l’article 24, pour qu’il eût réuni l’unanimité des voix.
Dans les attaques auxquelles on s’est livré au début de la discussion, on s’est adressé au gouvernement, on a attaqué les négociations beaucoup plus que leur résultat. On a été extrêmement sévère, on a mis une certaine passion, et quand on met de la passion on cesse souvent d’être juste. Ainsi on a fait au gouvernement des reproches qu’il ne méritait pas. Je n’en citerai qu’un seul. On a reproché au gouvernement d’avoir présenté un projet très-important pour l’agriculture du pays sans avoir parlé des promesses qui avaient été faites à l’étranger. On avait dû, a-t-on dit, deviner ces promesses. Ce n’était cependant pas très-difficile, car le gouvernement avait appelé l’attention de la chambre sur ces promesses, dans l’exposé des motifs de la loi, dès le 31 octobre. J’ai été étonné d’entendre un des membres de la section centrale chargée d’examiner ce projet de loi, dire qu’il avait fallu deviner ces promesses.
Voici ce que porte l’exposé des motifs, numéro 14 des documents de la chambre :
« En faisant droit à cette réclamation, nous remplirons
en même temps une promesse faite au royaume des Pays-Bas, dans la négociation
qui a suivi la clôture des travaux de la commission d’Anvers, et qui a amené,
le 7 août 1843, la signature de la stipulation qui forme l’article additionnel
au règlement du 20 mai sur la navigation de
Vous voyez que la chambre était prévenue qu’il s’agissait d’une promesse, que le gouvernement n’a rien caché ; au contraire, il a appelé l’attention de la chambre sur la promesse qui avait été faite. Je n’entreprendrai pas de défendre en ce moment le gouvernement ; l’occasion se présentera bientôt où chacun pourra expliquer la ligne de conduite qu’il a suivie, expliquer les motifs de son hostilité à l’égard du ministère ou de l’appui qu’il lui donne ; on verra alors si effectivement il faut, pour faire marcher le char gouvernemental, jeter des bâtons dans les roues.
Des membres – Comment jette-on des bâtons dans les roues ?
M. Cogels – Par les discussions incidentes qui interrompent le cours de nos travaux et nous empêchent de nous occuper des projets de loi que nous aurions dû aborder.
M. le président – J’avais passé déjà une expression pour laquelle je vous aurais interrompu si je n’avais considéré qu’elle vous était échappée dans l’improvisation, et que vous observez toujours les convenances parlementaires.
Vous aviez dit qu’on avait attaqué le gouvernement avec passion, et maintenant vous supposez l’intention de mettre des bâtons dans les roues. Il ne faut jamais prêter de semblables intentions à ses collègues.
M. Cogels – Je vous avouerai, messieurs, que je suis extrêmement surpris des interruptions de l’opposition. Dans une discussion précédente, on a reproché aux membres de la majorité de ne pas oser prendre la défense du cabinet. Aujourd’hui que je viens consacrer autant de minutes à défendre le cabinet qu’on a consacré de séances à l’attaquer, on ne veut pas m’accorder la moindre indulgence, tandis que les attaques ont obtenu l’indulgence la plus soutenue.
Au reste, messieurs, examinons le traité en lui-même, et pour lui-même. Ce traité a été accueilli, nous dit-on, en Allemagne, avec enthousiasme ; on a trouvé dans cet enthousiasme la condamnation du traité. Je dirai qu’il n’a pas été accueilli avec moins d’enthousiasme en Belgique. Je rappellerai seulement qu’à une réunion qui a eu lieu à l’occasion de l’anniversaire de l’inauguration du chemin de fer de Cologne, réunion à laquelle se trouvaient les notabilités du commerce belge et du commerce allemand, l’enthousiasme a été partagé par tout le monde, sans rencontrer la moindre contradiction
Cela n’était pas étonnant, car le traité mettait un terme à une guerre de tarifs que tout le monde avait déplorée ; il faisait plus : il consacrait comme définitive une situation qui jusque-là n’avait été que précaire, et convertissait en véritables concessions à titre onéreux, des concessions qui jusque-là avaient été considérées comme gratuites et dont le retrait aurait été un acte d’hostilité. Il offrait à une de nos principales industries un vaste débouché et il tendait à augmenter nos relations commerciales avec l’Allemagne, relations qui étaient une des principales branches de notre richesse commerciale et auxquelles les événements de 1830 étaient venus apporter une interruption momentanée.
Quels sont les reproches qu’on a faits au traité ? On en a fait beaucoup et de très-graves. D’abord, on a dit qu’il portait une atteinte directe à la loi des droits différentiels, qu’il détruisait ce système, qu’il était préjudiciable à notre agriculture, qu’il devait mettre obstacle à nos relations politiques et commerciales avec les nations voisines.
Examinons ces trois points :
Quant aux droits différentiels, vous vous rappelez tous quel
en a été le véritable but. La proposition première de ces droits était
complètement étrangère au commerce de cabotage. Ce que voulait l’auteur de la
proposition, c’était de créer à
C’est aussi le système que la chambre a consacré.
Voyons ce que nous avons accordé à l’Allemagne, c’est-à-dire
au pavillon du Zollverein. Nous lui avons accordé l’assimilation parfaite au
pavillon belge ; par conséquent, le pavillon prussien pourra aller
chercher dans les entrepôts du Zollverein, pour les importer en Belgique, les
cafés et les sucres avec une réduction de 10 p.c. Jusqu’à présent, cette
faveur, pour ce qui regarde les articles coloniaux, est sans aucune importance,
parce que ce n’est pas des ports de
Mais, dit-on, l’accession des villes anséatiques pourra donner à cette concession une très-grande importance. De là les regrets exprimés dans la quatrième section et dans la section centrale, regrets auxquels je me suis associé, sans attacher à la question la gravité qu’on y a donnée depuis lors.
(page 414) En
effet, pour bien apprécier l’importance de cette accession, il faut voir quelles
étaient nos relations avec les villes anséatiques, avant que les droits
différentiels eussent été établis, alors qu’aucune protection n’était accordée
pour les importations directes ; or, il se trouve que les villes
anséatiques nous ont importé en 1842,
Tandis que l’Angleterre nous a importé : en 1842
Maintenant, je vous le demande, tandis qu’avec notre tarif actuel, le café importé des villes anséatiques par pavillon belge ou prussien est souvent à un droit de 13 fr. 50 c., tandis que l’on peut importer du café du brésil directement à 11 fr. 50 c. ; je vous le demande, avons-nous à redouter un accroissement d’importation ? ne devons-nous pas plutôt supposer qu’il y aura décroissement ?
Mais, dit-on, l’Angleterre, malgré les droits différentiels, nous importe des cafés ! Oui ; mais ceci tient à un fait fort simple. Je suis étonné que mon honorable collègue d’Anvers l’ai perdu de vue. L’Angleterre est dans une position où ne se trouvent pas les villes anséatiques.
L’Angleterre par sa législation, ne peut introduire dans sa consommation que le manquant des produits de ses propres colonies ; elle est obligée d’exporter le reste. Il y a d’ailleurs un droit différentiel si élevé, qu’il équivaut à plus de 60 p.c. de la valeur de la marchandise. Mais rien de semblable dans les villes anséatiques.
Les villes anséatiques approvisionnent tout le nord de l’Allemagne ; elles peuvent livrer à la consommation tout ce qu’elles importent, et par conséquent ce n’est pas de là que nous viendront de fortes quantités de marchandises coloniales.
L’Angleterre est obligée d’exporter, et dès lors il faut
bien qu’elle s’adresse aux marchés qui lui sont ouverts. Ceci est d’autant plus
vrai, qu’ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de vous le faire remarquer, pour
l’Angleterre l’importation n’est que la conséquence, l’exportation est le
principe ; tandis que pour
Au reste, messieurs, pour prouver que l’on n’a par là porté aucun tort au commerce, je citerai le passage d’un mémoire adressé au ministère et d’ont l’honorable ministre des travaux publiques vous a déjà lu quelques lignes :
« Les navires appartenant aux Etats riverains de ces fleuves, possèdent, par leur bas fret, l’économie de leurs constructions et de leurs armements, et le faible salaire de leurs équipages, des avantages contre lesquels notre marine n’est pas en état de lutter. La statistique le prouve, puisque depuis 1836 jusqu’en 1841, le nombre des navires belges venus dans ces parages, en y comprenant les villes anséatiques, ne dépasse pas la moyenne annuelle de quinze bâtiments ; encore ce nombre aurait-il été beaucoup plus réduit sans le service à vapeur entre Anvers et Hambourg.
« Le cabotage vers l’Ems, le Weser et l’Elbe est donc
d’un intérêt trop secondaire pour être mis en balance avec les avantages que le
commerce et l’industrie en général ont lieu d’attendre d’un traité de
navigation et de commerce avec
« Par les considérations qui précèdent, nous sommes
d’avis, M. le ministre, que
Vous voyez donc, messieurs, que, quant aux droits différentiels, ils restent complètement intacts, que le commerce n’a à se plaindre en aucune façon des dispositions qui ont été introduites dans le traité.
Voyons maintenant les conséquences du traité pour l’agriculture.
Ici se présenter deux articles : les céréales et les bois.
On nous a dit que, par suite du traité, la protection dont jouissent les céréales viendrait à diminuer encore, et quelques membres trouvent que cette protection est déjà insuffisante.
Messieurs, nous allons voir encore ici, et nous allons voir par des faits, que l’opinion de ces honorables membres est complètement erronée.
Quelle sera la protection dont jouira le pavillon prussien ? C’est la protection accordée au pavillon belge, c’est-à-dire 10 p.c. sur les droits. Voyons quelles ont été les importations en 1842 ? Je ne prendrai que le froment.
En 1842, on nous a importé 55,680,000 kilog. de froment ; en 1843, l’importation a été de 42 millions de kilog. Ces années-là l’agriculture n’a pas eu à se plaindre, aussi n’avons-nous entendu aucune plainte de sa part, car les prix ont été constamment élevés. Eh bien, messieurs, supposons que toutes ces importations se soient faites sous pavillon prussien, voulez-vous savoir quelle est la faveur dont le pavillon prussien aurait joui ? En 1842 les 55,680,000 kilog. ont été introduits libres de tout droit, et 1,600,000 kilog. ont payé le droit de 37 fr. Le surplus a été importé du Limbourg. Ainsi la faveur aura été, en 1843, de 6,400 fr. !
Maintenant, messieurs, je le demande que peut produire pour l’agriculture une protection de 4 fr. par 1000 kilog., ce qui revient à 30 et quelques centimes par hectolitre, différence moindre que celle qui existe constamment entre les mercuriales des divers marchés ? Une chose fort étrange, c’est que l’agriculture se plaint, et elle a raison de se plaindre, lorsque les prix sont trop bas ; mais alors, messieurs, il n’y a plus d’importation de grains étrangers (Interruption.) Je vous demande pardon, alors il n’y a plus d’importation de grains étrangers.
L’année 1844 est, depuis quelque temps, la première où le
froment a été constamment au-dessous du prix rémunérateur de 20 fr. et où par
conséquent l’importation a été régulièrement soumise à l’application du
droit ; eh bien, voulez-vous savoir, messieurs, quelle est la situation
des grains en 1844 ? Au 15 novembre, il y avait en entrepôt
Si l’on suivait ce raisonnement jusqu’à la conclusion extrême, il faudrait dire que la prospérité c’est la disette, que le comble de la prospérité c’est la famine !
Je crois, messieurs, avoir suffisamment prouvé que le traité ne peut avoir aucune influence sur l’agriculture quant aux céréales. Voyons maintenant une autre question où les observations ont été plus fondées : je veux parler des bois. Vous vous rappellerez, messieurs, que j’ai combattu l’augmentation du droit sur les bois étrangers, parce que, comme je l’ai dit alors, on faisait trop ou trop peu ; parce que l’augmentation proposée pouvait avoir pour résultat d’accroître les revenus du trésor, mais qu’elle devait imposer une aggravation de charges à l’industrie, en ce qui concerne les constructions commerciales, navales, industrielles, et même les constructions civiles, et que les prix du bois indigène ne s’en ressentiraient nullement. L’événement a justifié cette opinion ; car le vote de la loi est loin d’avoir exercé une influence favorable sur le prix des forêts ; il ne les a pas empêcher, à ce qu’il paraît, de se déprécier encore. Mais voyons encore une fois quelle est ici la faveur accordée au pavillon prussien par le traité ; voyons quel serait le résultat du traité, en prenant pour base les importations de 1843.
Les droits sur les bois n’étaient autrefois que de 60
centimes par tonneau sur les bois en grume, et de 4 fr. pour les bois sciés, et
ici j’ai été surpris, je l’avoue, d’entendre dire, au début de la discussion
par un honorable député de Hasselt, habitué à examiner les choses avec beaucoup
d’attention, d’entendre dire par cet honorable membre que la loi sur les droits
différentiels avait maintenu pour le pavillon national l’ancien droit. C’est
une erreur, car l’ancien droit a été plus que triplé. Mais venons au droit
actuel. Le droit actuel sur le bois en grume, sur les poutres, est de 2 fr. par
pavillon national, et de 4 fr. par pavillon étranger ; pour les planches
il est de 9 fr. et de 11 fr. ou bien de 13 fr. 50 c., et de 16 fr. 50 c. selon
les épaisseurs. Eh bien, messieurs, en 1843, on a importé de
En appliquant à ces quantités la faveur accordée au pavillon prussien, on trouve 5,600 fr. pour les poutres et 42,500 fr. pour les bois sciés, ensemble 48,100 fr. Je le demande, messieurs, une réduction de droits de 48,000 fr. sur des bois qui ne sont pas similaires aux nôtres, pourrait-elle exercer une influence fâcheuse sur la vente des produits de nos forêts ? Je ne le pense pas. Avouez, messieurs, que quant aux bois de sapin, les bois de Riga et du Nord ne nous font pas une véritable concurrence. Quant à nos bois de chêne, les produits étrangers peuvent nous faire une certaine concurrence dans les provinces où les transports sont maintenant faciles et peu coûteux, mais généralement encore cette concurrence n’est pas considérable.
Ce n’est pas, messieurs, au-delà de
Une question moins importante, messieurs, mais qui cependant a aussi donné lieu à des regrets de la part de la section centrale, c’est l’exception en faveur des cotons. Messieurs, vous vous rappellerez tous que, il y a quelques années, lorsqu’il s’agissait de voter une modification à nos lois de douanes en ce qui concernait la répression de la fraude, les honorables députés de Gand disaient que le tarif de cette époque offrait une protection suffisante, que tout ce qu’ils demandaient c’était l’application sévère, l’application rigoureuse du tarif, la répression efficace de la fraude. Aussi, n’a-t-on jamais réclamé une élévation du tarif ; tout ce qu’on réclamait, c’étaient des mesures d’une sévérité extrême, que la chambre n’a pas voulu admettre, et d’autres mesures auxquelles la chambre s’est ralliée, mesures qui ont eu le succès qu’on en attendait, puisqu’on dit que la fraude a considérablement diminué, qu’elle a pour ainsi dire complètement disparu.
Eh bien, messieurs, quelle est la situation que l’on a fait
à l’industrie cotonnière en ce qui concerne l’Allemagne ? Diminue-t-on
l’ancien tarif ? Non, on promet seulement de ne pas l’élever. En ce qui
concerne
Eh bien, messieurs, St-Nicolas ne se plaint pas de
On s’est plaint encore du traité en ce qui concerne le
transit, on a dit que, dans l’intérêt de notre industrie, il ne fallait pas
faciliter ainsi l’exportation des produits allemands vers les colonies, que
c’était attirer une concurrence à notre propre industrie. Cette observation
serait extrêmement juste, messieurs, si nous formions un cercle autour de
l’Allemagne ; mais comme l’Allemagne a d’autres débouchés que notre
territoire, comme elle peut se passer de nous, comme elle ferait usage des ports
de
On a fait une autre observation quant aux laines ; moi-même, dans la section centrale, j’ai demandé au gouvernement une explication sur ce que l’on entendrait par abus, parce que je trouvais ce mot extrêmement large et que, par conséquent, il me semblait que l’interprétation pourrait en être souvent douteuse. Mais, messieurs, si nous considérons bien l’article, si nous en envisageons la véritable portée et le sens qui y sera, je pense, donné, nous verrons que la disposition ne nous laisse pas grand’chose à désirer.
Quel était l’intérêt de
Quant aux vins et soieries, un honorable député de Gand nous a dit que le retrait de la convention du 16 juillet pourrait donner une très-grande importance pour l’Allemagne à cette exception.
Quant aux vins, cette exception ne sera jamais d’une grande portée ; vous connaissez tous la différence entre les produits ; vous savez tous qu’à cause des prix et des goûts que l’on s’est créés, les vins du Rhin ne remplaceront jamais, dans la consommation, les vins de France.
Ce que je viens de dire pour les vins est applicable aux soieries, mais dans une proportion moindre, parce que l’on pourra faire pour les soieries ce que l’on ne pourra pas faire pour les vins ; on imitera plus facilement les soieries que les vins de France. Cependant on sera bien longtemps encore avant d’avoir imité les soieries de Lyon, avant d’avoir amené la fabrication à ce degré de perfection. Par conséquent nous recevrons toute espèce de soierie d’Allemagne et de France, comme nous en recevons d’Angleterre, comme, d’un autre côté, nous en exportons nous-mêmes ; car vous savez qu’il y a à Anvers une fabrication très-ancienne de soieries, que nous exportons non-seulement en Angleterre et en Allemagne, mais même en France.
Maintenant, il ne me reste plus qu’une question à traiter : la question principale, la portée politique du traité.
Cependant, je dirai encore deux mots quant aux compensations.
Pour déprécier le traité, on réduit aux proportions les plus
minimes les concessions faites à
On ne perdra pas de vue que dans les faveurs accordées à
Il y a plus : c’est que cette faveur pourrait nous amener d’autres faveurs de la part des puissances du Nord ; car il est certain que ces puissances, pour obtenir l’assimilation du pavillon, seront obligées de nous accorder quelque chose.
Quant à la portée politique du traité (je ne m’étendrai pas
longtemps sur ce point), quel reproche peut-on lui faire ? On dit que nous
nous jetons beaucoup trop dans les bras de l’Allemagne, que nous nous rendons
hostile un pays avec lequel nous avons le plus grand intérêt, dit-on, à
chercher à établir des relations. On nous a parlé de nos relations avec
Ce qui m’a étonné, c’est que cette union intime a été invoquée au nom de la liberté commerciale ; l’union douanière réclamée au nom de la liberté commerciale !
Mais que nous serait-il arrivé ? Est-ce que
Au reste, si l’on veut se faire une idée de ce que peuvent
être nos relations avec
Je me bornerai donc là.
Je crois, en adoptant le traité, faire chose utile au pays, à l’intérêt général du pays.
Je crois que les localités qui s’opposent à son adoption verront par la suite qu’effectivement il ne leur a porté aucun préjudice.
M. Delehaye – Pour ne pas mériter le reproche que l’honorable préopinant vient d’adresser à mon honorable ami M. Manilius, je lui dirai que mon intention est d’examiner le traité.
Cependant il me sera permis de faire remarquer qu’il a été un peu sévère envers mon honorable ami. Si le député de Gand n’a pas examiné tous les détails du traité, il a du moins rendu un immense service ; c’est à lui, en effet, que nous devons d’avoir obtenu du gouvernement une explication catégorique sur des points que l’on voulait nous cacher.
Avant d’examiner le traité, j’ai une réponse à faire à M. le ministre des travaux publics, qui a bien voulu m’interpeller à la séance de vendredi.
L’honorable ministre vous a dit qu’un ministère qui ne proposerait pas la prohibition pour l’industrie cotonnière et l’estampille n’aurait mon assentiment.
L’honorable ministre eût été complètement dans le vrai s’il avait dit que le ministère actuel (même en proposant ces mesures) n’aurait pas mon appui.
Mais, à aucune époque, je n’ai proposé le système prohibitif pour l’industrie cotonnière ; proposer, messieurs, cette mesure, ce serait méconnaître les progrès de cette industrie. Elle n’a pas besoin du système prohibitif. Grâce à l’expérience, à l’esprit d’ordre et d’économie qui dirigent les chefs de nos établissements, elle ne craint pas la liberté illimitée du commerce ; mais elle demande que cette liberté soit réciproque, c’est-à-dire que nous soyons librement admis chez les nations dont les produits sont librement admis chez nous.
Je veux, dit-on l’estampille ; mais je n’y tient pas du tout. Si l’on veut adopter ce qui existe en Prusse, pays pour lequel on a de si fortes sympathies, je m’y soumettrai volontiers.
Un pareil reproche m’étonne cependant de la part du ministère. Avec un peu de perspicacité, avec un peu d’habilité, vous auriez vu que, avec l’estampille ou dans les mesures adoptées en Prusse, nous eussions eu de puissants moyens de négociations.
Quel est, en effet, l’obstacle le plus sérieux que nous a
opposé
Eh bien ! par l’estampille ou par des mesures analogues, vous répondriez à tous ces reproches. Vous démontriez que la fraude ne se commettait plus en Belgique, que sa production, quoique considérable, ne répondait certainement pas aux besoins de sa consommation.
Messieurs, je n’aurais pas tenu à répondre à ces faits, si je n’avais à signaler le système que suit le ministère, chaque fois qu’il s’agit de certaines industries. Vous voulez, me dit-on, le système prohibitif, et l’on n’a pas assez d’énergie pour repousser ce système, quand il s’agit de l’adopter pour certaines autres industries. Cependant tout en agissant ainsi, on préconise ce même système pour les industries d’autres provinces. Voilà comment le ministère entend le système d’égalité qui devrait le guider.
C’est là, messieurs, une chose réellement déplorable. Toutes les fois qu’il s’agit d’une industrie importante (car, par les capitaux qu’elle emploie, pour le nombre d’ouvriers qu’elle occupe, l’industrie cotonnière mérite la même protection, les mêmes faveurs que les autres industries) ; toutes les (page 416) fois, dis-je, qu’il s’agit d’une industrie appartenant à certaine province, le gouvernement se montre toujours animé d’un sentiment de profond dédain.
J’aborderai maintenant, messieurs, l’examen de nos relations commerciales.
Quelle était, messieurs, la puissance avec laquelle
Je ne sais, messieurs, de quelle manière le gouvernement s’y
est pris avec
Se présentait ensuite
D’abord, je dois faire remarquer que jamais ces trois diplomates n’ont eu la mission de négocier la réunion douanière ; j’en puis donner la certitude la plus complète. Jamais, d’ailleurs, il ne nous a été dit ni en comité secret, ni en séance publique, que nos négociateurs eussent reçu semblable mission.
Mais
Mais avez-vous oublié, messieurs, ce qui s’est passé en comité secret ? Ne savez-vous pas ce qui vous a été dit lors de la discussion des droits différentiels ?
J’ai dit, messieurs, que vous pouviez obtenir l’union
douanière avec
Il se présentait enfin un troisième pays : l’Allemagne.
Messieurs,
Quels autres avantages, messieurs, aviez-vous à espérer de
l’Allemagne ? Des avantages politiques ? Mais vous savez de quelle
manière
Aussi, messieurs, de ces trois pays deux vous présentaient de grands avantages et n’éveillaient aucun soupçon. Ces deux pays, vous les avez négligés pour leur préférer le troisième. Et pourquoi. Non pas parce que vous avez des sympathies pour l’Allemagne, mais, comme cela vous arrive toujours, pour obéir aux nécessités du moment, c’est-à-dire, que, vous étant mis dans une impasse, force vous était d’en sortir et peu vous importaient les moyens d’y parvenir.
Ici, je dois rencontrer une observation de M. le ministre
des travaux publics. J’ai dit, vous a rappelé cet honorable ministre, que, dans
toutes les négociations, le gouvernement ne cherchait qu’à consolider sa
position sans égard pour les intérêts du pays. Messieurs, nous avons eu de
longues négociations avec
Enfin,
Nos négociateurs avaient perdu de vue l’amendement de
Lespaul, amendement dont la mise à exécution nous enlevait une partie des
avantages que
Aussi, un jour, le maréchal Soult, ministre de la guerre,
annonce l’adjudication des fournitures nécessaires aux vêtements des troupes
françaises ; il déclare, en même temps, que des produits français seront
seuls admis pour cette fourniture. Qu’arrive-t-il alors ? Des membres de
cette chambre accusent
Le ministère a laissé tout le monde injurier
Qu’est-ce qui s’est passé dans la négociation
actuelle ? Il est fort heureux que nous ayons à l’appui de ce que nous
avançons le memorandum prussien. Comme on avait agi envers
Aussitôt notre gouvernement sort de sa léthargie, il demande
à négocier ; vous connaissez le reste ; qu’il me soit permis
d’appeler un instant votre attention sur un fait que le pays aurait peine à
admettre. Dans le memorandum, le plénipotentiaire prussien accuse notre
ministère de mauvaise foi, de déloyauté : vous croyez, sans doute,
qu’après une pareille accusation le ministère belge se refusera de traiter avec
son accusateur ? Il n’en est rien ; non-seulement il continue les
négociations, il accepte ce document officiel dans lequel il est si mal
traité ; mais il donne à ce diplomate étranger une marque de
reconnaissance nationale ; il lui a accordé le grand cordon de l’ordre de
Léopold. Qu’il me soit permis de dire que ce qui s’est passé hier et avant-hier
me donne la conviction que tout ce qui a été avancé par le ministre de
Ce même principe, ce principe de petits moyens, d’expédients
que nous voyons dans la convention conclue avec
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Pour certaines relations.
M. Delehaye – C’est là porter sans doute une grave atteinte à la loi des droits différentiels.
Vous vous rappelez tous le discours remarquable et
patriotique que M. le ministre de l'intérieur a prononcé, au début de la
discussion de la loi des droits différentiels. Que fallait-il à l’industrie
belge, selon M. le ministre de l'intérieur ? Il lui fallait le marché
intérieur. « Assez longtemps, disait-il, les nations voisines se sont
emparées de notre marché pour s’y enrichir ; il est temps que le commerce
de commission cesse en Belgique. » Ce même ministre répondant à notre
honorable collègue, M. Rogier, ajoutait : « Anvers a trop longtemps
appartenu à des (page 417) étrangers
faisant le commerce de commission, nous voulons mettre un terme à cet état de
choses. » Or, par le traité conclu avec
Mais M. le ministre de l'intérieur allait plus loin ;
il proclamait alors la nécessité d’un droit différentiel établi sur une large
échelle ; il reconnaissait que le produit qui pouvait faire concevoir
d’heureuses espérances pour le succès de la loi des droits différentiels, était
le café. Le discours de M. le ministre de l'intérieur avait jeté une vive
inquiétude sur les bords de
Vous voyez, messieurs, que le système du gouvernement ne se dément jamais ; jamais il n’a eu en vue les intérêts réels du pays ; quand il s’agit de reculer devant ses propres assertions, cela ne l’effraye point ; pourvu qu’il pare aux embarras, aux dangers du moment, c’est tout ce qu’il désire.
Messieurs, mon honorable ami M. d’Elhoungne vous a déjà
exposé d’une manière irréfutable quels sont les immenses sacrifices que nous
nous imposons en faveur de l’Allemagne, et combien sont faibles les
compensations que l’Allemagne nous accorde en retour. Mon honorable ami a
oublié d’insister sur un fait ; c’est que les craintes que doit faire
concevoir à
Pourquoi les villes anséatiques n’ont-elles pas voulu jusqu’ici s’adjoindre au Zollverein ? Mais c’est parce que le port de Hambourg servait d’entrepôt à l’Allemagne pour les produits tropicaux, les denrées coloniales. Hambourg est aujourd’hui en possession de fournir à tout le marché de l’Allemagne ; dès lors Hambourg comprenait parfaitement bien que si une fois elle entrait dans le Zollverein, elle serait dans la même position, dans laquelle se trouvera bientôt la ville d’Anvers, c’est-à-dire qu’on y débarquerait des produits tropicaux, des denrées coloniales, pour être exportés immédiatement vers l’Allemagne. Hambourg n’avait donc aucun intérêt à accéder au Zollverein. Mais, maintenant, par la convention faite avec l’Allemagne, les villes anséatiques ne sont plus intéressées à reculer devant cette accession.
Et je ne doute pas que la convention que
La même chose existait pour
Messieurs, un avantage considérable que nous accordons
encore à l’Allemagne, c’est le transit. Nous permettons à l’Allemagne de
transiter sur notre territoire pour les produits similaires aux nôtres,
c’est-à-dire que sur les marchés étrangers nous appelons nos concurrents dont
nous facilitons la position. Et puis est-il bien certain que ce transit passif
nous rembourse des frais qu’il nous impose ? Vous savez, messieurs, que
pour chaque tonneau nous devons payer à
Il est un autre point sur lequel je dois faire une observation à M. le ministre de l'intérieur.
Le traité fait avec le Zollverein ne porte-t-il pas atteinte
à la convention conclue avec
A présent, je vous demanderai si les négociants français,
les commis français qui voyagent en Belgique pour les vins et les soieries ne
sont pas en droit de réclamer. Vous vous êtes obligés à admettre les voyageurs
français sur le pied des nations les plus favorisées ; par le traité avec
le Zollverein, vous avez affranchi les voyageurs allemands du droit de patente
double. Sur ce point, le gouvernement doit y réfléchir,
Nous accordons ensuite à l’Allemagne une réduction du droit sur 250,000 kil. de fils. Ces fils se fabriquent dans le pays, mais on ne les fabriquait pas en assez grande quantité pour alimenter nos fabriques, et la chambre en avait autorisé momentanément l’introduction à un droit réduit.
Vous avez rendu cette introduction permanente. Savez-vous combien il faut d’ouvriers pour fabriquer cette quantité de fil ? 2,500 ouvriers endéans une année ne peuvent faire que 250 mille kilogrammes de fils. Ainsi vous enlevez le travail à 2,500 ouvriers, alors que la classe ouvrière est dans la misère, faute de travail.
Messieurs, on vous a parlé tantôt de l’industrie cotonnière ; on vous a dit que, sous ce rapport, Gand n’avait pas à se plaindre du traité. D’abord, mes honorables amis et moi nous n’avons pas l’habitude de ne nous laisser guider que par des intérêts de localité ; nous ne sommes pas députés de Gand, mais députés de la nation.
Quand l’industrie gantoise n’aurait pas à se plaindre du traité, ce n’est pas une raison pour nous de ne pas l’attaquer, alors que l’industrie d’autres localités peut en souffrir, alors que nous le trouvons contraire aux intérêts d’une partie du pays. L’Allemagne, dit-on, n’avait qu’un faible intérêt à l’exception relative aux cotons ; le gouvernement est d’autant plus condamnable, il est d’autant plus répréhensible de l’avoir accordée. D’après M. Cogels, parce que Saint-Nicolas seul en souffre, nous devrions nous taire ! Nous concevons ce seulement de la part du député d’Anvers, mais nous ne voulons pas nous y associer. Si nous ne voulons pas admettre une disposition qui nous atteindrait, nous n’en voulons pas davantage lorsqu’elle lèse les intérêts des autres.
Je me sens fatigué. Après une indisposition assez longue,
c’est la seconde fois que je prends la parole ; cependant, avant d’en
finir, qu’il me soit permis de faire remarquer qu’il y a dans la convention des
avantages, problématiques à la vérité, pour les provinces wallonnes, pour leur
industrie métallurgique, et l’industrie des laines ; ces avantages
problématiques, vous les obtenez au moyen d’un double sacrifice que vous
imposez à deux branches de l’industrie des Flandres ; que les députés des
Flandres y prennent garde, ils contribuent à placer leurs commettants vis-à-vis
des provinces wallonnes dans la position qu’avait autrefois
M. le président – Il n’y a pas ici de députés des
Flandres, mais des députés de
M. Delehaye – Je le veux bien, M. le président ; je me conformerai à vos désirs ; je m’adresserai à la chambre ; ceux à qui je veux bien m’adresser me comprendront facilement. Je disais donc que bientôt les deux Flandres ne seront plus mentionnées que pour savoir jusqu’où peuvent aller les sacrifices, les fardeaux qui leur seront imposés. Si l’on veut obtenir quelque concession pour l’une ou l’autre province, ce sera chez nous que l’on viendra chercher des compensations. C’est notre devoir d’y veiller, et, pour ma part, je n’y manquerai pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je pense qu’en effet, il est impossible de laisser sans réponse les dernières paroles du discours de l’honorable préopinant, paroles que je n’ose pas même qualifier. Comment peut-on représenter une partie du pays comme vaincue par l’autre ? C’est allez bien loin ! Que l’honorable préopinant y songe, nous sommes en séance publique ?
M. Delehaye – C’est pour cela que je l’ai dit !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est d’autant plus imprudent ! Qu’auriez-vous répondu à ceux qui, lors de la convention du 16 juillet, qui n’a été faite que pour sauver une industrie dont le siège principal est dans les deux Flandres, auraient dit qu’on sacrifiait les autres provinces.
M. Delehaye – On ne leur imposait pas de sacrifices.
M. le président – N’interrompez pas.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est un langage bien imprudent, puisque l’honorable préopinant persiste en m’interrompant, c’est un langage bien imprudent que de séparer le pays, quant à ses intérêts matériels, en deux parties et à présenter l’une comme vaincue par l’autre. Pour qu’un pareil langage fût excusable, il faudrait qu’il pût s’appuyer sur des faits nombreux et de la plus grande évidence.
Nous avons fait avec
Quel est le grand intérêt qu’on a sacrifié en Flandre par le traité du 1er septembre ? Vous avez accordé le statu quo pour les tissus de coton allemands. Il s’agit d’une importation qui n’atteint pas 200,000 francs. (Interruption.)
Je sais l’objection qu’on va me faire : c’est que l’exception insérée dans le traité du 1er septembre, amène celle de l’arrêté du 13 octobre. C’est cette corrélation que nous nions ; nous disons que, quand même l’exception en (page 418) faveur de l’industrie cotonnière allemande n’aurait pas été faite par le traité du 1er septembre, on n’aurait pas mieux fait l’exception en faveur des cotons français par cet arrêté du 13 octobre. (Interruption.) On me dit : Précisément, vous doublez la faveur ! C’est que jamais vous n’avez égard aux faits. Quelles sont les importations de l’Allemagne en cotons ? Vous recevez de l’Allemagne des tissus en coton pour une valeur qui ne s’élève pas à 200 mille francs.
M. d’Elhoungne – Raison de plus pour ne pas l’accorder !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je rétorque contre vous-même votre observation : raison de plus de ne pas refuser l’exception, puisque vous faisiez une si mince concession. Comment, on avait annoncé depuis longtemps qu’il fallait élever les droits sur les tissus de coton teints et imprimés, la chose était annoncée, et c’est le lendemain du traité que vous auriez frappé l’Allemagne dans l’importation si peu importante de ses cotons ! Vous aviez prévenu l’Allemagne, vous aviez annoncé que le tarif sur les tissus de coton teints et imprimés allaient être augmenté. C’est par cet avertissement qu’on a rendu inévitable l’exception que le traité renferme ; il était impossible de ne pas l’accorder ; on l’avait, en quelque sorte, provoquée. Ce n’était pas, d’ailleurs, contre l’Allemagne qu’il s’agissait de protéger nos cotons. Quand on a demandé l’augmentation du tarif… (Interruption.)
M. le président – Si les interruptions continuent, je serai forcé de rappeler à l’ordre les membres qui interrompent.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Plus on m’interrompra, plus mes observations seront longues. Et puisqu’on m’en offre l’occasion, je dirai que j’ai entendu avec plaisir l’éloge de la convention du 16 juillet. C’est chose nouvelle pour vous (interruption) ; vous devez vous rappeler que la convention du 16 juillet n’a pas toujours été l’objet des éloges du préopinant.
M. Delehaye – Je ne l’ai jamais blâmée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Je ne voudrais pas donner un démenti à l’honorable membre ; mais il faut que mes souvenirs me servent bien mal, si je me trompe en disant que la convention du 16 juillet n’a pas toujours obtenu les éloges que vient de lui donner l’honorable membre. (Interruption.)
Je répète donc que la convention du 16 juillet n’a pas toujours été l’objet des éloges de quelques-uns des députés des Flandres, notamment des députés de Gand. Elle a été représentée comme un acte insignifiant, comme une concession ne valant pas le sacrifice qu’on impose au trésor public.
Un membre – Ce n’est qu’après le vote de la loi qu’ils ont dit cela !
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Dans beaucoup d’occasions, on a parlé de la convention du 16 juillet comme d’un acte insignifiant. On nous a blâmé quand nous disions naguère que l’exception en faveur des tissus de coton français était au moins temporairement nécessitée pour ne pas compromettre la convention du 16 juillet ; on nous a blâmé en considérant cette convention comme beaucoup moins nécessaire que le suppose aujourd’hui l’honorable préopinant. Je ne veux pas faire d’autres réflexions, je ne dirai pas même que peut-être on ne se prononce aujourd’hui en faveur de cette convention que parce qu’elle semble menacée par les réclamations soulevées en France.
Je me résume ; car je voulais plutôt faire une protestation contre les paroles provocatrices d’un honorable membre, que présenter des observations ; ces sont les interruptions qui ont étendu ma réponse.
Je me résume donc : le traité du 1er
septembre accorde sur le marché de l’Allemagne une existence privilégiée à une
de nos grandes industries, l’industrie métallurgique, de même que la convention
du 16 juillet accorde sur le marché de
Voilà donc deux industries ayant des privilèges sur deux grands marchés ; fasse le ciel que nous conservions longtemps ces deux positions exclusives !
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je ne répondrai pas à l’étrange reproche que M. Delehaye nous a fait d’avoir conclu un traité en sept jours, après une négociation de sept années. Je ne le suivrai pas non plus dans les détails dans lesquels il est entré en ce qui concerne ce qui a amené la rupture momentanée et bientôt après la reprise des négociations mêmes. Je considère cette discussion comme épuisée. L’honorable M. Delehaye a cru que je lui avais fait un reproche, dans une séance précédente, d’avoir proposé la prohibition en 1835 et l’estampille en 1842 ; il a ajouté que j’avais parlé avec dédain de l’industrie cotonnière. Je ne lui ai adressé aucun reproche ; je n’ai pas eu l’aveuglement de parler avec dédain d’une grande industrie comme l’industrie cotonnière. J’ai voulu seulement, dans une séance précédente, faire remarquer que le grief qu’il a fait à la politique commerciale du ministère retombe sur la chambre, qui n’a pas voulu, comme lui, ni du système prohibitif, ni de l’estampille. Ces opinions qu’il a professées, il les abandonne aujourd’hui ; je l’en félicite ; nous sommes ainsi plus près de nous entendre.
Du reste, mon opinion est assez connue ; s’il est possible de renforcer plus qu’on ne l’ai fait les mesures pour la répression de la fraude en faveur de l’industrie cotonnière, je suis prêt à appuyer ces mesures de tous mes efforts.
J’aurais voulu me dispenser de répondre à la partie personnelle des discours prononcés dans les séances précédentes, par les honorables MM. Castiau et Osy. Je l’aurai voulu, afin d’arriver immédiatement aux arguments sérieux de l’honorable M. d’Elhoungne, qui a eu le bon esprit de débarrasser immédiatement cette discussion importante de toutes ces personnalités qui, s’il m’est permis d’employer une expression dont on a abusé contre nous, sont les expédients de l’opposition.
M. Castiau – Quelles sont ces personnalités ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – L’honorable M. Castiau a reproduit un reproche qu’on m’a adressé sans que j’aie cru devoir le relever : il m’a accusé d’avoir, lors de l’inauguration du chemin de fer belge-rhénan, prononcé des paroles chaleureuses, des discours imprudents. Mais l’honorable membre s’est bien gardé de citer ces paroles chaleureuses, ces discours imprudents. Je suis convaincu, pour ma part, que s’il avait voulu se donner la peine que j’ai prise moi-même depuis son discours de relire mes paroles, il aurait reconnu que je n’ai prononcé aucune parole qui pût compromettre le gouvernement que je représentais.
J’ajouterai un mot : c’est qu’à cette époque je n’ai fait que reproduire, en les affaiblissant, les discours prononcés par les ministres belges, dans la discussion de la loi du 1er mai 1834, organique de nos chemins de fer. Alors des discours chaleureux, mais non pas imprudents, ont été prononcés. N’a-t-on pas annoncé, comme un résultat heureux que nos ports s’ouvraient à l’Allemagne. Ai-je été plus loin, et peut-on me reprocher d’avoir énoncé un fait géographique ?
Je n’ai pas été plus imprudent en 1843 que ne l’ont été les ministres, mes prédécesseurs, en 1834.
L’honorable M. Osy a formulé contre moi un reproche d’une nature plus grave ; j’ai besoin de lire à la chambre les termes dont il s’est servi, parce que je n’en ai compris ni la signification, ni la portée.
(Le ministre donne lecture d’un fragment du discours de M. Osy.)
Comment ! parce que j’ai donné mon assentiment à l’art. 5 du traité, parce que j’ai appuyé cette conviction sur les arguments employés par la chambre de commerce d’Anvers…
M. Osy – Je demande la parole.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Pour cela l’honorable M. Osy m’accuserait de me laisser corrompre au contact de l’un de mes collègues. J’en demande pardon à la chambre si j’insiste. Mais j’aurais bien peu de respect pour moi-même et je tiendrais bien peu au respect des autres, si je laissais froidement tomber de telles accusations, qui portent non pas sur mes discours ou mes actes, ce qui est de guerre légitime, mais sur ma conscience et mon caractère. J’ai toujours eu l’habitude, dans tous les débats parlementaires où j’ai été mêlé, de considérer le caractère et les convictions comme un sanctuaire inviolable pour les autres ; j’ai le droit d’exiger qu’il soit considéré comme inviolable pour moi-même. (Assentiment.)
J’arrive au fond même du débat, au traité du 1er septembre ; on a critiqué ce traité, les uns par rapport à sa portée politique, comme l’honorable M. Castiau, les autres par rapport aux clauses industrielles et commerciales, comme l’honorable M. d’Elhoungne.
D’après l’honorable M. Castiau, il y aurait une politique commerciale allemande qu’il a opposée à la politique commerciale française ; le ministère aurait adopté la première, et aurait ainsi posé un acte de politique hostile à l’intérêt belge.
Les deux ministères de 1834 et de 1840 ont été en butte à une pareille accusation. Chose remarquable ! on a combattu et l’on a défendu la loi mémorable du 1er mai 1834, exactement par les mêmes arguments qui ont servi à combattre et à défendre le traité du 1er septembre. En effet, comme on l’a dit avec justesse, le traité du 1er septembre n’est que le corollaire, la continuation de la loi du 1er mai.
L’honorable M. Rogier, en 1840, lorsqu’il était ministre des travaux publics, répondait par les paroles suivantes à la même accusation :
« Un honorable préopinant (disait l’honorable M.
Rogier), se fondant sur je ne sais quelle hypothèse, a présenté le nouveau
cabinet comme prêt à se jeter dans les bras de l’Allemagne ; d’autres,
nous n’en doutions pas, seraient disposés à présenter le nouveau cabinet comme
prêt à se jeter dans les bras de telle autre puissance, de
C’est aussi notre profession de foi.
Comment donc le traité du 1er septembre est-il
hostile aux intérêts français ? Quelles sont les intérêts français qu’il
lèse ? L’honorable M. Castiau n’en a cité aucun. Il n’est donc hostile à
ses yeux (comme il l’a franchement déclaré) que par rapport à la pensée
politique qu’il lui a attribuée. L’honorable M. Castiau semble partager
l’opinion d’un publiciste français, qui écrivait naguère que le traité du 1er
septembre n’avait rien d’hostile aux intérêts matériels de
M.
Castiau – Ce sont les
circonstances que j’ai critiquées ; pendant que vous négociiez avec
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Cela est faux !
M. Castiau – Si M. le ministre n’est pas rappelé à l’ordre, je me chargerai de la police de l’assemblée ; je lui demanderai raison.
M. le ministre des travaux publics
(M. Dechamps) - Je retire volontiers l’expression qui m’est
échappée, mais que M. Castiau a mal comprise. Je (page 319) n’ai pas voulu attaquer son intention, mais j’ai pu, sans
le blesser, taxer son allégation d’inexacte et d’erronée. Nous ne traitions pas
sourdement avec le Zollverein pendant que nous faisions un simulacre de
négociation avec
Ce n’est donc pas ce que le traité renferme que vous attaquez, mais c’est le fait même d’un traité conclue avec la fédération allemande.
Mais c’est là dénier à
Le gouvernement français, qui a aussi son devoir européen à remplir, est
loin d’être aussi exclusivement français que l’honorable M. Castiau ; car
il n’a pas consenti à négocier avec
Je suis aussi partisan que l’honorable M. Castiau, d’un
traité de commerce avec
Aussi, avons-nous mis un soin particulier à éloigner du traité du 1er septembre tout ce qui aurait pu léser, même en apparence, un intérêt français. Mais l’honorable membre croit-il, en éveillant la susceptibilité française contre nous, rendre plus faciles les négociations que le gouvernement belge continue avec le gouvernement français ? A-t-il fourbi des armes à nos amis ou à nos adversaires quand la question belge sera prochainement agitée à la tribune de France ? Ses paroles ne doivent-elles pas nuire à la cause belge ? Si elles doivent nuire, l’honorable M. Castiau n’a-t-il pas sacrifié l’intérêt du pays au désir de blâmer le ministère ?
Si nous avions inséré dans le traité la clause que
J’ajouterai que le traité du 1er septembre, selon
moi, rend plus faciles désormais les négociations avec
Ainsi, les négociations avec
J’arrive au discours de M. d’Elhoungne.
Une réflexion d’abord : c’est que devant l’opposition, qui conserve toute liberté dans l’attaque, les ministres n’ont pas la même liberté dans leur défense, à cause de la réserve qui leur est imposée. S’ils mettent quelque chaleur en répondant à une critique exagérée, les adversaires du traité leur reprochent de vouloir monter au Capitole, et les partisans les accusent d’imprudence.
L’honorable M. d’Elhoungne a passé en revue les concessions faites au Zollverein, exagérant, selon moi, l’importance de chacune d’elles. Il a placé en regard les concessions que nous avions obtenues du Zollverein, en les amoindrissant outre mesure. Il en a conclu que la balance n’était pas égale, qu’elle penchait évidemment du côté du Zollverein.
Mais l’honorable M. d’Elhoungne a oublié trois choses qui renversent complètement le plaidoyer ingénieux qu’il a prononcé devant nous : d’abord, c’est que les cinq sixièmes des concessions qu’il a si longuement énumérées, et qui auraient été accordées par nous au Zollverein, étaient accordées d’avance par des arrêtés et par des lois ; en second lieu, c’est que ces concessions ne renferment aucun sacrifice réel pour aucune industrie belge ; en troisième lieu, c’est que dans la plus importante des concessions, celle de la navigation, nous avons satisfait autant l’intérêt des ports belges que l’intérêt du Zollverein lui-même.
Quels étaient en effet les faits devant lesquelles les négociateurs belges se trouvaient placés lors de la reprise des négociations ? Quelles étaient les concessions qui étaient faites d’avance par les ministères précédents au Zollverein ? Ces concessions, les voici :
1° L’assimilation relative aux charges maritimes, les navires prussiens en jouissaient depuis 1830 ;
2° Le remboursement du péage sur l’Escaut était acquis au Zollverein ;
3° La liberté du transit était consacrée par la loi belge de 1842 ;
4° Les avantages accordés par l’arrêté du 17 octobre 1842 aux fils de Westphalie, ces avantages existaient ;
5° La faveur accordée aux vins et aux soieries d’Allemagne par l’arrêté du 28 août était déjà ancienne ;
6° La loi du 6 juin relative au Luxembourg était en vigueur.
Ainsi le ministère n’avait qu’à confirmer des concessions qui avaient été accordées et qui faisaient partie, aux yeux du gouvernement prussien, du statu quo.
Mais ces concession anticipées avaient-elles été faites gratuitement et uniquement pour céder aux exigences de l’Allemagne ? Messieurs, ce serait une erreur de le croire. Ces conditions avaient été accordées avant tout dans un intérêt belge. Le remboursement du péage sur l’Escaut, vous savez qu’on l’a considéré comme étant la condition même de la liberté de l’Escaut ; et l’honorable M. Rogier, si j’ai bon souvenir, a été dans la discussion de la loi sur les droits différentiels, jusqu’à prétendre que ce droit était tellement acquis qu’il n’étais pas permis au gouvernement de le suspendre.
La liberté presque absolue du transit a été consacrée en 1842, évidemment dans un intérêt belge.
Les avantages pour les fils de Westphalie ont été accordés,
vous le savez, pour favoriser une industrie de
La faveur accordée par l’arrêté du 28 août aux vins et aux soieries d’Allemagne ? Mais l’honorable M. Dumortier, dans une séance précédente, nous a fait le reproche de ne pas l’avoir gratuitement renouvelée. Selon cet honorable membre, c’était une mesure de bon procédé nécessitée par la convention du 16 juillet, et le gouvernement aurait commis une faute en ne la maintenant pas.
La loi du 6 juin relative au Luxembourg ? Mais les intérêts du Luxembourg belge y sont aussi attachés que les intérêts du Luxembourg allemand.
On me répondra : Mais ces concessions faites d’avance, vous les avez sanctionnées par le traité ; vous leur avez donné la garantie de la durée du traité. Je viens, messieurs, de répondre à cette objection. Si ces concessions avaient été consenties dans un intérêt belge, elles étaient garanties par le fait même. Si vous retiriez ou la loi du transit, ou la loi du 6 juin, ou le remboursement du péage sur l’Escaut, vous soulèveriez des plaintes de la part des intérêts que vous auriez froissés.
Si le traité était rejeté, ces concessions dont M. d’Elhoungne nous a fait l’effrayante énumération ne resteraient-elles pas debout ?
Ainsi, messieurs, dans le bilan qu’a dressé l’honorable M. d’Elhoungne, il ne pouvait pas faire figurer comme concessions les avantages qui avaient été accordés dans un intérêt belge par les ministères précédents, concessions que nous n’avons pas à faire, mais à régulariser.
M. d’Elhoungne – Vous a-t-on laissé pour les fers les avantages dont vous jouissiez auparavant ?
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je répondrai tout à l’heure à votre interruption.
Ainsi, messieurs, toute la première partie du discours de
l’honorable membre, où il a longuement énuméré, en les exagérant, les
concessions faites par
Mais, de notre côté les concessions que nous avons obtenues étaient-elles anciennes ? Non, messieurs ; ces concessions sont nouvelles : c’est l’extension du transit au-delà du Rhin ; c’est la réduction des droits de sortie sur la laine ; c’est la réduction des droits d’entrée sur les fontes, les ferres en barre et les rails.
En regard de ces concessions nouvelles que nous avons obtenues, quelle est la concession nouvelle que nous avons accordée ? Une seule importante, messieurs, c’est l’assimilation des deux pavillons ; c’est le bénéfice, pour les transports directs entre les deux pays, de la loi des droits différentiels.
Avant la loi des droits différentiels, messieurs, le traité avec le Zollverein n’était pas possible. Si nous n’avions eu à offrir que la faveur insignifiante de la suppression des 10 p.c. que frappaient les droits de douane avant la loi des droits différentiels, nous n’aurions certainement pas obtenu les concessions du transit, la concession sur la laine, la concession sur les fers, en compensation d’un aussi mince avantage.
Je ne veux pas, messieurs, amoindrir l’importance des
concessions que nous avons faites ; mais ce que je désire faire remarquer,
c’est que ces concessions de navigation n’ont pas été accordées au détriment
d’un intérêt belge. La marine belge n’a jamais espéré faire le commerce dans
les parages de
Je dis, messieurs, que je ne veux pas amoindri cette
concession ; et en effet si elle n’était pas importante, il y aurait à
craindre qu’à l’expiration du traité, le Zollverein ne le renouvelât pas, comme
il n’a pas renouvelé le traité de 1839 avec
L’honorable M. d’Elhoungne a formulé contre le traité l’étrange grief d’avoir fait des ports belges les ports du Zollverein, et l’honorable M. Devaux vient de reproduire la même accusation. Il vous disait, lorsqu’il s’est agi de la création du chemin de fer qui devait joindre l’Escaut au Rhin :
« Il ne s’agit de rien moins que de donner deux ports nouveaux à l’Allemagne, que de donner géographiquement l’Allemagne à nos deux ports. »
Messieurs, je ne veux pas m’approprier cette phrase, qui pourrait paraître exagérée. On dirait encore que je veux monter au Capitole.
En 1840, l’honorable M. Rogier répondait d’une manière plus explicite encore, et, selon moi, d’une manière péremptoire à l’argumentation de l’honorable M. d’Elhoungne.
« Quant à l’utilité commerciale des chemins de fer,
disait-il, il s’est élevé une singulière appréhension dans le sein de
l’assemblée. Je ne sais si ce (page 420)
n’est pas un honorable représentant de
Cette réponse est complète. Et effectivement, l’intérêt du commerce d’Anvers n’est-il pas le même ici que l’intérêt du Zollverein lui-même ? Mais depuis longtemps le commerce d’Anvers ne disait-il pas dans tous les rapports qu’il adressait au gouvernement : Hâtez-vous de conclure le traité avec l’Allemagne ; si vous ne vous hâtez pas, les villes anséatiques entreront dans l’union douanière ; un système de droits différentiels sera adopté le lendemain par l’Allemagne et ce système des droits différentiels sera admis à l’exclusion des ports belges.
M. d’Elhoungne – Cela se fera encore.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Vous vous trompez.
Il faut un traité qui donne la garantie à nos ports, que
Ainsi, messieurs, la concession de navigation que nous avons
faite et que l’honorable M. d’Elhoungne qualifiait d’immense, était demandée
avec d’autant d’instance par le commerce belge que par
L’honorable M. Cogels vient de vous le démontrer et il a lu un passage du rapport de la chambre de commerce d’Anvers qui conclut de la même manière que moi. Cette concession, nous ne l’avons donc pas faite en sacrifiant un intérêt belge. Cette concession nous est commune avec le Zollverein.
M. d’Elhoungne met cette concession immense en regard de
celle que nous avons obtenue pour les fers et il a voulu démontrer que celle-ci
n’avait qu’une importance comparativement insignifiante. M. le ministre de
l'intérieur nous a déjà fait remarquer, messieurs, dans une séance précédente,
ce qu’il y a eu de difficultés pour obtenir de l’Allemagne l’adoption d’un
droit différentiel de douanes au profit de
La conquête du principe a une portée qu’on n’a pas assez remarquée. Avant d’entrer dans l’examen des chiffres, qui démontrent l’importance de cette concession, je citerai une autorité, celle des intéressés eux-mêmes. L’honorable M. d’Elhoungne a prétendu que nous devons avoir peu de confiance dans le dire des intéressés. Mais l’honorable membre fera difficilement admettre que ses études récentes et improvisées en fait de métallurgie, doivent faire plus autorité que l’expérience éclairée des maîtres de forges. J’ajouterai qu’il est peut-être en droit de se défier des plaintes des industriels lorsqu’il se refusent à admettre comme suffisantes les faveurs que le gouvernement est parvenu à obtenir, mais quand ils se déclarent satisfaits, on peut les croire, sans crainte de se tromper.
Eh bien, messieurs, voici ce que le chef d’un de nos grands établissements métallurgiques dit dans un mémoire que j’ai entre les mains, et qui était écrit avant la conclusion du traité.
Après avoir établi que la concurrence à craindre n’est pas la concurrence de l’Allemagne, mais celle de l’Angleterre, cet industriel ajoute :
« En effet 5 gros et la durée (3 ans) du nouveau tarif est trop courte pour que de nouvelles usines puissent être créées par l’industrie peu aventureuse des Allemands.
« Ce droit est aussi trop peu important pour faire équivaloir dans l’usage la fonte au bois et celle au coke ; la différence entre elles restera toujours comme 2 à 3 et même 2 à 4 selon qualités.
« D’un autre côté, indépendamment de la supériorité reconnue de nos fontes d’affinage (les seules que nous exportions en Allemagne) sur les fontes anglaises, la différence des 2 droits, de 5 gros, établira encore un motif de préférence. Ainsi, dans l’hypothèse de l’adoption du système dans lequel nous raisonnons, en supposant que l’Angleterre puisse produire les fontes d’affinage à fr. 2 aux 100 kilog. moins que nous, par la différence du droit d’entrée, 1 fr. 25, et celle du fret, à Cologne, qui est de 75 centimes au moins, nous nous mettons sur le même pied qu’elle, et alors nous l’emporterons par la qualité.
« Toutes les réflexions ci-dessus émises pour les fontes sont également applicables aux gros fers et rails. En effet la différence de l’ancien droit à celui proposé de 15 gros par quintal pour les fontes étrangères et seulement 7 ½ pour les fontes belges représente exactement la différence de la valeur de la fonte étrangère (qui seule peut être employée en Allemagne à cette fabrication) frappée d’un droit d’entrée de 10 et 5 gros par quintal à raison de l’emploi de 1,500 kil., fontes pour 1,000 kil fer fin. Donc nos laminoirs, par suite de cette modification aux tarifs du Zollverein, sont maintenus sur le pied actuel, quant au fabricant allemand, et éloignent la fabrication anglaises par une différence de fr. 1 87 ½ aux 100 kilog, fret 87 ½ minimum, soit fr. 2 75 aux 100 kilog sans compter que déjà, à prix supérieur, ils obtiennent la préférence.
« Je conclus donc que le système, par lequel les fontes
et fers ordinaires belges seraient frappés à l’entrée en Allemagne, d’un droit
de 5 gros, et th. 17 ½ par quintal par exception des produits similaires
étrangers auxquels serait appliqué un droit plus élevé de 10 gros et 1 th. 15
s. par quintal, serait également avantageux aux deux nations : à
Cette autorité pourrait suffire, mais la chambre me permettra de lui citer une autre autorité, celle des faits et des chiffres.
Le marché des fers en Allemagne comprend trois zones.
Le marché du nord de l’Allemagne est inaccessible à notre
forgerie ; il est évident que le transport par Anvers jusqu’à Hambourg ou
Stessin rendrait la concurrence impossible à l’égard des forges de la haute
Silésie. La zone centrale comprend
La contrée cisrhénane forme le bassin d’Eschweiler et de Duren. Sans le droit différentiel du traité, nous rencontrions la concurrence anglaise sur ce marché même, dans le cas de dépréciation anormale dans le prix des fontes d’Ecosse ; le droit différentiel du traité nous met, à Duren, à l’abri de la concurrence anglaise. Ainsi, l’honorable de l’honorable M. Delfosse qui a prétendu que le marché de Duren…
M. Delfosse – Je demande la parole pour un rappel au règlement.
Je ne pense pas qu’il soit permis à M. le ministre des travaux publics de révéler en séance publique ce qui a été dit en comité secret.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je croyais que vous aviez présenté cet argument en séance publique.
M. Delfosse – Je n’ai parlé que dans le comité secret.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Mais il n’y a rien de secret dans votre argument.
M. Delfosse – Non, sans doute mais vous ne pouvez isoler l’un de mes arguments ; vous me forceriez à vous répondre et à dire ce qui s’est passé dans le comité.
M. le président – J’engage M. le ministre à ne pas reproduire ce qui s’est dit dans le comité secret.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je retire volontiers mon observation.
Les faits que je viens d’indiquer je vais les établir par des calculs :
Pour connaître d’une manière exacte le prix des fontes anglaises sur le marché de Cologne, centre de la consommation, j’ai choisi trois bases de comparaison avec les prix des fontes belges : 1° Les prix de la crise de 1843, et chacun sait que cette crise a été causée par celle de l’Amérique où on a vu en 1843, à Vera-Crux seul, 100 millions de kilogrammes de fers laissés pour compte des expéditeurs anglais. Ces prix de la crise de 1843, je les considère comme un minimum. 2° Les prix cotés en Angleterre le 25 juin 1844, alors qu’une hausse assez rapide eut lieu. Je considérerai ces prix comme maximum. 3° Les prix cotés il y a quelques jours en Ecosse. Une baisse s’est fait remarquer depuis le mois de juin, baisse plus régulière, moins exceptionnelle qu’en 1842 et en 1843. ces prix du mois courant me serviront de moyenne et de taux normal.
Je ne pense pas que l’on puisse se placer plus près de l’exactitude des faits.
Quels étaient les prix des fontes d’affinage anglaises, sur le marché de Cologne, pendant la crise de 1843 :
La fonte d’affinage mise à nord à Cardiff ou à Nieuport, en juin 1843, était vendue de 1. 1 17 à l. 1 20 : fr. 4 80 par 100 kil. ; fret jusqu’à Cologne : fr. 3,20. Ensemble : fr. 8 00 les 100 k.
A Liège à la même époque la fonte se vendait fr. 7 80, transport jusqu’à Cologne : fr. 1 25. Ensemble : fr. 9 05 par 100 kil.
Ainsi, sans le droit différentiel du traité du 1er septembre, la fonte d’Ecosse pouvait faire concurrence à la fonte belge jusque sur le marché limitrophe de Duren. Mais ajoutez au prix de la fonte anglaise le nouveau droit de 2 fr. 50 et au prix de la fonte belge le droit réduit de 1 fr 25 c. et la différence, en faveur de notre forgerie, à Cologne, sera de 30 centimes par 100 kil., différence qui lui assure, même en cas de crise, la prédominance, sur le marché allemand, à cause de la supériorité reconnue de la qualité de nos fers.
En juin 1844, la côte des prix à Wales et à Clyde, était de l. 4 5 ; l. 4 ; l. 3 10 ; l. 3 5. la moyenne est 1.4.
Je pourrais, à la rigueur, considérer cette moyenne, non comme un prix maximum de hausse, mais comme un taux normal ; en voici la preuve : D’après un relevé de 64 prix trimestriels de juillet 1825 jusqu’à juillet 1841, en 16 ans, la fonte, en Angleterre, a été 34 fois au-dessus de l.4 et 30 fois au-dessous.
(page 421) Mais pour ne rien exagérer, j’admets le chiffre de l. 4 comme un maximum de hausse, soit fr. 10 20 par 100 kil ; le fret jusqu’à Cologne, fr. 3 20 ; droits, 10 gros, fr. 2 50 ; ensemble fr. 15 90 par 100 kil.
La fonte belge à la même époque à la station de Liége se vendait fr. 9, transport jusqu’à Cologne fr. 1 25 ; droits, 5 gros, fr. 1 25 ; ensemble fr. 11 50 pour 100 kil.
La différence en faveur de la métallurgie belge est de fr. 4 40, ce qui éloigne complètement la rivalité des hauts-fourneaux de l’Angleterre.
J’arrive à la troisième base de comparaison ;
Le prix actuel de la fonte anglaise est de l. 2 10, mais à ce prix il y a refus d’opérer des transactions et ce chiffre est donc trop bas.
Soit fr. 6 40, fret fr. 3 20, droits fr. 2,50 ; ensemble fr. 12 10 pour 100 kil.
Le prix actuel de la fonte belge étant de fr. 11 50, une différence de près de 1 fr reste acquise à notre forgerie, et eu égard à notre supériorité de fabrication, cette différence suffit pour démontrer que le traité du 1er septembre nous assure, dans les temps ordinaires, le marché du centre de l’Allemagne.
Le marché de Duren a une importance de près de 20 millions de
kilogrammes de consommation de fonte annuellement. L’importance du marché de
Des orateurs ont appelé ces résultats insignifiants. Je ne dispute pas sur la valeur des mots, mais il suffit que les faits prouvent le contraire et que les intéressés le reconnaissent.
Je me résume. Voici ce que le traité du 1er
septembre donne à
La position d’Anvers, comme port d’approvisionnement et
d’écoulement pour le Zollverein, devient supérieure à celle du Havre : par
sa situation géographique, supérieure à celle des villes anséatiques qui n’ont
pas à offrir un marché privilégié, comme ne le pouvons depuis la loi des droits
différentiels ; supérieure enfin à celle de
En second lieu, l’industrie drapière obtient une réduction de moitié sur le droit de sortie de la laine, matière première pour cette importante industrie.
En troisième lieu, par le droit différentiel sur les fontes, sur les fers en barre et sur les rails, la forgerie belge aura, en temps ordinaire, éloigné la concurrence anglaise du Rhin et du centre de l’Allemagne.
Un honorable député du Luxembourg a dit, dans une séance précédente, que les forgeries du Luxembourg qui allaient s’éteignant, ont repris, depuis le traité conclu avec le Zollverein, quelqu’espérance et quelqu’activité.
La prospérité métallurgique produit nécessairement la prospérité de l’industrie des houilles : en 1837, le principal débouché de nos houilles n’était-il pas nos hauts-fourneaux allumés ?
Ainsi, l’intérêt commercial de nos ports, celui de la
métallurgie, celui des houillères, celui de l’industrie drapière, c’est-à-dire
les intérêts réunis d’Anvers, de Liège, du Hainaut et du Luxembourg, tout cela,
je le demande franchement à la chambre, ne constitue-t-il donc que des
avantages insignifiants ? Ces résultats, nous ne les avons pas achetés par
des sacrifices réels. J’ai démontré que la marine belge n’était pas sacrifiée,
et que, en ce qui concerne la navigation, les avantages étaient communs.
Dira-t-on que j’arrive à cette conclusion, que la balance est tellement
favorable à
M. le président – La parole est à M. Dedecker, rapporteur de la section centrale.
- Des membres réclament la clôture ; d’autres membres font observer que la parole doit être donnée à un orateur inscrit contre.
M. le président – Il est vrai que des ministres viennent de parler pour le traité ; mais d’après les précédents de la chambre, les ministres ne font pas tour de parole pour les inscriptions pour et contre ; si donc la chambre ne veut pas déroger à ses précédents, je dois accorder la parole à un orateur inscrit pour, puisque le dernier orateur qui a parlé avant les ministres M. Delehaye, a parlé contre. (Adhésion.)
M. Devaux – Il est bien entendu qu’il n’y a rien de décidé quant à la clôture ; car si la chambre devait clore aujourd’hui, il dépendrait de MM. les ministres d’occuper toute la séance.
M. Verhaegen – J’ai à examiner un des articles du traité sous un point de vue nouveau ; je n’annonce dès à présent.
M. le président – Je dois rappeler que lorsqu’un traité international est soumis à la ratification de la législature, la discussion est générale et porté à la fois sur l’article unique sur lequel la chambre doit voter. Ainsi, il n’y aura plus de discussion spéciale, lorsque la clôture de la discussion générale aura été prononcée.
M. Verhaegen – C’est précisément pour ce motif que j’annonce dès à présent que j’ai à présenter sur un des articles du traité une observation qui n’a pas été faite jusqu’ici ; je dois pouvoir présenter cette observation avant la clôture de la discussion générale.
M. le président – Comme on ne réclame plus la clôture, la parole est à M. Dedecker, rapporteur de la section centrale.
M.
Dedecker, rapporteur –
Messieurs, quelques orateurs ont soulevé devant vous la question de savoir
quelle doit être la politique commerciale de
Messieurs, la discussion qui a eu lieu jusqu’ici, a dû vous convaincre que, dans l’appréciation du traité du 1er septembre, il faut surtout éviter deux écueils : agrandir démesurément la portée du traité, ou l’amoindrir outre mesure. Et ici ce n’est point en vue des personnes que je parle : peu importe, que l’on considère le traité comme une faute de la part du gouvernement, ou qu’on y voie pour le ministère un titre à la considération, à la reconnaissance nationale. C’est en me plaçant au point de vue des seuls intérêts du pays que je tiens à faire observer que, si d’un côté, il y a imprudence à exagérer la portée du traité, il y aurait, d’autre part, injustice à l’amoindrir.
Messieurs, c’est ce caractère d’impartialité que la section centrale est parvenue, je pense, à donner au travail qu’elle m’a fait l’honneur de soumettre à la chambre ; c’est encore ce caractère de justice et d’impartialité que je tâcherai d’imprimer aux observations que je suis amené à présenter, pour défendre les conclusions de la section centrale.
Je n’entrerai pas dans la discussion spéciale de chacun des
intérêts qui sont en jeu dans le traité ; qu’il me soit permis de
circonscrire ma défense dans l’examen des questions qui, de l’aveu de tous,
dominent le débat, je veux parler de la question maritime et de celle du
transit, du côté de l’Allemagne, et de la question des fers, du côté de
.Je crois pouvoir démontrer que, relativement à ces trois questions, la section centrale a examiné et apprécié le traité du 1er septembre à sa juste valeur, et que les adversaires du traité, en allant au-delà des réserves ou des regrets de la section centrale, ont commis des inexactitudes, ou sont tombés dans des exagérations.
Examinons d’abord la question maritime.
A en croire l’honorable M. d’Elhoungne, on dirai que personne jusqu’à ce jour n’a entrevu la portée de la création d’une marine marchande pour le Zollverein. Mais, messieurs, pour peu qu’on ait examiné la constitution intérieure des Etats de l’union douanière ; pour peu qu’on ait suivi le mouvement ascendant de son industrie, on conçoit sans peine les vœux et les efforts que fait le Zollverein, pour se procurer une marine marchande qui lui ouvre des débouchés dans les pays transatlantiques. Voyons si, sous ce rapport, le traité du 1er septembre est venu réellement, comme le pense l’honorable M. d’Elhoungne, combler et au-delà les vœux du Zollverein.
Quelles sont, en définitive, les concessions que nous avons faites au Zollverein, par rapport à la question maritime ?
La section centrale vous a dit que, relativement à la
navigation entre
La section centrale a fait ensuite une autre
concession : elle a dit que
Maintenant, est-il vrai de dire, comme l’assurent quelques
orateurs de l’opposition, que
(page 422) Il y a
dans cette assertion une erreur matérielle.
Messieurs, vous vous rappelez que l’art. 12 assimile le
pavillon national au pavillon du Zollverein, non-seulement quant à la
navigation maritime, mis encore quant à la navigation fluviale. Ici, encore, les
orateurs de l’opposition n’ont tenu aucun compte de l’avantage que nous avons
obtenu, c’est-à-dire que
Une autre inexactitude avancée par les orateurs de
l’opposition, et il n’y a pas un instant encore, par l’honorable M. Delehaye,
c’est que, par le traité du 1er septembre,
Messieurs, je commencerai par vous dire que, relativement à
notre commerce avec
« Lorsque vous avez voté la loi des droits différentiels, quelle a été votre pensée ? Avez-vous fait entrer dans vos calculs le droit que vous établissiez pour la marine nationale ? N’avez-vous pas, au contraire, basé vos calculs sur le droit que vous établissiez pour pavillon étranger ? La réponse n’est pas douteuse. Vous saviez, messieurs, que l’introduction sous pavillon national serait sinon impossible, du moins imperceptible, qu’elle se bornerait à quelques planches prises, par hasard, pour compléter une cargaison.»
L’honorable M. de Theux a confirmé l’assertion de M. d’Elhoungne. Voici ses paroles :
« Dans la discussion de la loi des droits différentiels, il a été étabi que, malgré les droits différentiels, les navires belges ne pourraient jamais concourir avec les navires allemands pour l’importation des bois. Cette observation a été faite par l’honorable M. Donny, député d’un de nos ports, et qui est à même de connaître cette question. »
Je ne prends ici pour exemple que l’article Bois, parce qu’il est un des plus
importants, relativement à la navigation entre
Ainsi, donc, messieurs, il est prouvé par les aveux mêmes
des orateurs de l’opposition, que vous n’aviez aucun espoir, par suite de la
loi des droits différentiels, de prendre part à la navigation entre
Donc, ni relativement aux importations de
En effet, messieurs, quand vous avez voté la loi des droits
différentiels, vous l’avez votée non pas exclusivement comme but, mais comme
moyen. Avant cette loi, vous n’aviez aucun moyen de négocier des traités ;
toujours vous reprochiez au gouvernement d’avoir accordé gratuitement toutes
les faveurs qu’il pouvait faire aux autres nations, et de n’avoir plus d’armes
en main pour exiger une réciprocité de concessions en faveur de
Je passe à la question du transit.
Je dois renouveler le regret que la section centrale a
exprimé au nom de toutes les sections que
Et puis, si cette absence de réciprocité atteint surtout une grand industrie, celle des draps, il est juste de reconnaître que cette même industrie trouve dans le traité, à côté d’une réduction du droit de transit, un autre avantage, celui de la réduction du droit de sortie sur les laines qu’elle tire d’Allemagne. Si, dans les circonstances actuelles, l’industrie drapière parvient à soutenir la concurrence en Italie et dans le Levant avec l’industrie similaire d’autres pays, à plus forte raison pourra-t-elle le faire, placée qu’elle est par le traité dans une position doublement meilleure relativement à l’Allemagne.
Quant au transit de l’Allemagne, à travers
M. Delehaye, tout à l’heure encore, a renouvelé cette
contradiction. MM. d’Elhoungne, Osy et Desmet ont dit que
Loin de moi cependant la pensée de vouloir diminuer
l’importance de la concession faire à l’Allemagne, ne fût-ce que pour avoir
fourni à cette nation les moyens de négocier avec nos voisins du Nord des
conditions plus favorables encore pour son transit ! Mais voyons toutes
les faces de la question : n’est-il pas vrai de dire que le transit offre
aussi un immense intérêt pour
L’honorable M. Castiau dit que, par suite du traité, notre chemin de fer devient un chemin de fer prussien, le port d’Anvers devient un port prussien. Messieurs, entendons-nous : mais c’est précisément ce que nous avons voulu ! Quand nous avons espéré pour la ville d’Anvers de grandes destinées, que nous avons voulu faire de cette place un centre important d’affaires, un grand marché qui pût rivaliser avec celui du Havre, de Hambourg et de Rotterdam, nous avons voulu qu’il devînt prussien, c’est-à-dire que le transit de l’Allemagne, lui donnât du développement et de l’importance ! Nous avons voulu que notre chemin de fer devînt prussien en ce sens que nous considérions sa prospérité comme attachée au transit de l’Allemagne. Ne jouons donc pas sur les mots ; car, au fond, la question qui s’agite en ce moment, la question du traité, c’est la question du chemin de fer. Pour vous en convaincre, relisez les discussions qui ont eu lieu dans cette chambre, relativement à l’établissement du chemin de fer.
C’est que le traité du 1er septembre n’est que la consécration de notre système du chemin de fer. A cette époque aussi on exagérait peut-être les avantages que cette route ferrée allait procurer à l’Allemagne ; on exagérait le danger de la concurrence que l’industrie allemande devait faire à notre industrie sur les marchés lointains ; on exagérait aussi le reproche de tendances allemandes. Aujourd’hui que la construction du chemin de fer est achevée, n’oublions pas le but de sa création, la condition de sa prospérité. Sachons mettre dans nos idées, dans nos discussions, cet esprit de suite qui doit nous faire considérer le traité comme un corollaire de l’établissement de notre chemin de fer. Il y aurait une sorte d’inconséquence à admettre l’un sans l’autre.
Messieurs, permettez-moi une réflexion. Jusqu’il y a
quelques mois, on a toujours dit : il est impossible à
A propose de la question du transit, qu’il me soit permis de dire quelques mots en réponse à d’autres considérations, qui ont été présentées par l’honorable M. d’Elhoungne. L’art. 28, quelque sage qu’il soit, n’a pas trouvé grâce devant lui. Cet article stipule que les gouvernements, de commun accord, prendront des mesures pour réprimer la fraude.
Il semble que tous les rôles sont intervertis. Quelle est la ville qui a le plus incessamment réclamé l’exécution sévère des lois protectrices de l’industrie, qui a le plus instamment réclamé la répression de la fraude ? N’est-ce pas la ville de Gand, qui a toujours dit qu’elle attachait moins d’importance à une augmentation de droits qu’à l’application rigoureuse des tarifs actuellement existants ?
Lorsqu’il s’est agit récemment de la création des entrepôts
francs, n’est-ce pas la ville de Gand qui s’est émue la première, qui a envoyé
une députation à Bruxelles parce qu’elle entrevoyait là un moyen d’expédier,
presque sans formalités, les marchandises étrangères à travers
J’ai donc lieu de m’étonner que les remarques critiques contre cet art. 28 soient venues précisément d’un honorable député de Gand !
Vous savez, a-t-il dit, que le gouvernement prussien a
frappé de droits très-élevés le tabac étranger, et qu’il se réserve le monopole
du sel. Lequel donc des deux gouvernements, belge ou prussien, avait le plus
d’intérêt à empêcher la fraude sur la frontière belge-rhénane ? Ne nous y
trompons pas, messieurs, cet avantage du commerce interlope n’est pas
exclusivement pour
Je viens de parler des tissus de coton. Arrêtons nous un instant sur ce point.
L’honorable M. Delehaye, à l’exemple de plusieurs orateurs, se plaint de ce que le gouvernement belge ait sacrifié un intérêt gantois en s’interdisant la faculté d’augmenter, pendant la durée du traité, les droits d’entrée sur les tissus de coton originaires d’Allemagne.
D’abord, M. le ministre de l'intérieur a prouvé que cette introduction de coton d’Allemagne n’a pas une si grande importance qu’on le suppose, puisqu’il ne s’agit ici que de tissus connus sous le nom de cotonnettes, article qui intéresse spécialement St-Nicolas.
Eh bien, j’ai encore, à ce propos, d’autres considérations à présenter : tous ceux qui connaissent la fabrication des cotonnettes à St-Nicolas savent que son développement au point de vue de l’industrie cotonnière, n’est plus aussi considérable, aujourd’hui que les deux tiers des fabriques de St-Nicolas travaillent la laine, font les tartans et les plaids, étoffes qui sont désormais d’un grand usage dans le pays, et pour lesquelles nous étions, jusqu’à ce jour, tributaires de l’industrie étrangère.
Ensuite, je suis étonné que ces observations critiques soient présentées par les représentants de la ville de Gand ; car il s’agit ici, non pas d’un intérêt gantois, mais de l’intérêt de St-Nicolas, opposé, sous ce rapport, à l’industrie gantois. Je crois ne pas trop m’avancer en disant que l’industrie de St-Nicolas ne demande pas une augmentation de droits du côté de l’Allemagne ; mais elle demande à être mise sur le même pied que l’industrie de l’Allemagne, relativement aux fils de coton, qu’on peut considérer comme la matière première de cette fabrication.
Voyez l’anomalie :
Je le répète donc, ce n’est pas au nom de l’industrie des cotonnettes qu’on est admis à élever des réclamations contre le traité.
Messieurs, je viens d’examiner devant vous la valeur des
concessions que nous avons faites. Avons-nous obtenu, de notre côté, toutes les
concessions, tous les avantages que nous pouvions obtenir ? Evidemment,
non, et le gouvernement lui-même n’oserait pas soutenir cette prétention,. On
n’a pas toujours été aussi exigeant, on n’avait non plus réglé que certains
intérêts dans les conventions et les traités avec les autres puissances. Il est
déjà fort heureux qu’un traité donne satisfaction à certains intérêts ; on
ne peut embrasser dans quelques stipulations toutes les questions commerciales
ou industrielles. La difficulté était plus grande encore relativement à un
traité conclu par
D’ailleurs, savons-nous tout ce qu’il faut de correspondance entre les chancelleries, ce qu’il faut d’instructions, de notes, d’enquêtes, lorsqu’il s’agit d’introduire dans les programme des négociations le moindre petit intérêt, la moindre petite question ?
Il est donc un grand nombre d’industries à qui le traité ne donne pas satisfaction. Mais je ne pense pas que l’on puisse en faire un reproche au gouvernement. N’oublions pas que le traité que nous examinons est un premier traité, un premier jalon. Il est évident que les rapports plus étroits et plus suivis qui vont en résulter entre les populations germaniques et belges auront pour résultat de rendre plus complète dans les deux pays l’intelligence des intérêts réciproques, et de favoriser ainsi, dans l’avenir, les négociations d’autres traités.
Ces observations faites, examinons quelle est la concession majeure que nous a faite le traité ; celle relative à l’industrie métallurgique. Comme rapporteur, je n’ai qu’à renouveler les aveux et les regrets de la section centrale. Nous ne pouvons nous dissimuler, messieurs, que, dans des moments exceptionnels de crise, la protection accordée à nos fontes, ne suffirait peut-être pas pour écarter la concurrence anglaise sur le marché de l’Allemagne. Mais cette concurrence de la métallurgie anglaise, je le répète, ne sera à craindre que dans les grandes crises, ainsi que le prouvent les chiffres de M. le ministre des travaux publics, qui m’a dispensé ainsi d’entrer dans de longs détails.
De plus, la section centrale avait cru qu’il y avait lieu de redouter même la concurrence de l’industrie similaire de l’Allemagne. Mais d’après la déclaration qu’ont faite plusieurs membres de l’opposition, il n’est plus permis d’avoir cette crainte. La section centrale ne demande pas mieux que de mettre hors de cause la concurrence de l’Allemagne même, et de trouver dans ce fait un motif de plus de se rassurer sur les résultats du traité.
Quelques orateurs ont dit que notre industrie métallurgique n’avait pas besoin du traité pour exporter ses produits. La section centrale a reconnu elle-même que nos exportations actuelles de fontes auraient pu se faire sans ce traité, et grâce aux circonstances.
Pour ma part, je le reconnais encore ; mais cette réunion de circonstances est momentanée ; rien n’en garantit la durée. L’avantage du traité, c’est précisément de nous garantir ces exportations pour 6 ans, ce qui est beaucoup, à raison de l’instabilité de la position de la plupart de nos industries. La garantie d’une admission privilégiée de nos fontes et de nos fers, pour six années, sur le marché de l’Allemagne, l’exclusion des autres nations de ce bénéfice : voilà deux avantages réels, incontestables qui résultent de l’art. 19 du traité, et sur lesquels je ne crois pas devoir insister davantage.
Faisons donc une dernière fois le bilan des avantages et des sacrifices à résulter du traité.
De la part de
Mais il ne peut en être autrement dans un traité qui n’est pas imposé par la conquête, mais qui est le résultat d’une transaction librement opérée entre deux peuples commerciaux et industriels.
Qu’il me soit permis de le dire en passant, j’ai regretté d’entendre l’honorable M. Delehaye parler de provinces vaincues. Comme l’a dit M. le ministre de l'intérieur, le traité ne donne pas, il est vrai, satisfaction aux intérêts de toutes les provinces ; il me suffit que, sans nuire à aucun intérêt spécial, il donne satisfaction aux intérêts généraux du pays. Dans des traités de ce genre, d’ordinaire on procède par parties. Si dans le présent traité, il s’est agi principalement des intérêts des provinces wallonnes, dans d’autres conventions on a tenu compte des intérêts des Flandres. Je suis Flamand, comme l’honorable M. Delehaye. Mais j’envisage autrement que lui mon devoir comme député flamand ; je subordonne l’intérêt de ma province à l’intérêt général, que je considère comme le résumé, le total de la somme des intérêts particuliers de toutes les provinces.
Oh ! messieurs, qu’à plus forte raison on pourrait élever en Prusse des plaintes de cette nature ! Dans la question de la navigation, comme dans celle du transit, ne pourrait-on pas dire que les principaux avantages sont prussiens et que, en stipulant au nom du Zollverein, le cabinet de Berlin s’est surtout placé au point de vue des intérêts de Stettin, Memel, Dantzig et Cologne ? A-t-on tenu en Allemagne cet égoïste langage ? Evidemment non. On vous l’a dit, le traité a été accueilli en Allemagne par des acclamations unanimes. J’ai hâte d’arriver à la question politique.
Quelques orateurs ont exprimé la crainte de voir le traité
du 1er septembre nuire à nos relations commerciales avec
Quel est l’éternel grief de l’opposition, chaque fois qu’il
s’est agi, dans cette enceinte, de nos relations commerciales avec
Autre inconséquence : tous les orateurs de l’opposition ont commencé par insinuer que le traité du 1er septembre n’est pas d’un intérêt majeur, qu’il n’a aucune portée politique ; quelques instants après, il s’en effrayent ; ils y soupçonnent un système longuement préconçu, la reconstitution de l’Europe, voire même, selon l’expression de M. Castiau, la continuation de la politique de Frédéric le Grand ! De deux choses l’une : ne dites pas que la portée du traité du 1er septembre est nulle, ou ne vous en effrayez pas.
Examinons si
D’abord
Maintenant, qu’attendez-vous de
L’honorable M. Delehaye vient de vous rappeler que, dans le
comité secret qui a précédé la loi des
droits différentiels, il vous a été donné connaissance des propositions de
Qu’espérez-vous de
A ce sujet, qu’il me soit permis de dire un mot de l’industrie linière ; car je crois que quelques opposants au traité fondent leur opposition sur l’intérêt de cette industrie. Je suis Flamand ; je crois comprendre les intérêts des Flandres aussi bien que qui que ce soit.
Eh bien, je crois, messieurs, que ceux qui se disent les
amis de l’industrie linière et qui prétendent que
Examinons maintenant, messieurs, en quelques mots si le traité blesse les intérêts français. Evidemment non. Aussi personne n’a soutenu cette thèse.
Est-ce dans la question du transit que nous aurions blessé
les intérêts de
Est-ce la question maritime ? Mais si
Ainsi donc les trois grands intérêts qui ont été réglés dans
le traité du 1er septembre, sont tout à fait en dehors des questions
qui sont agitées entre
Qui donc, messieurs, le traité du 1er septembre peut-il alarmer en France ? j’aurai le courage de poser nettement la question, telle que me la montrent mes convictions personnelles.
Il ne peut pas alarmer le gouvernement français, parce que le
gouvernement français respecte notre nationalité. Il ne peut pas alarmer ceux
qui, en France, respectent notre indépendance. Mais savez-vous qui il
effarouche ? Ce sont ceux qui, en France, ne croient pas à l’avenir de
« Un ministre belge peut bien imaginer que
Messieurs, je ne sais si vous sentez comme moi ce qu’il y a
dans ce langage d’attentatoire à nos droits, d’humiliant pour notre orgueil
national ! Je regrette sincèrement qu’un tel langage ait, à l’insu des
orateurs, sans doute, trouvé un certain écho dans cette chambre. Car, vous vous
le rappelez, l’honorable M. Castiau surtout, lorsqu’il a examiné la portée
politique du traité du 1er septembre, a fait un appel à la dignité,
aux susceptibilités de
Je dis, messieurs, qu’un semblable langage est au moins
maladroit. Comment voulez-vous que
Si donc je félicite le gouvernement d’avoir conclu le traité
du 1er septembre, ce n’est pas que j’y voie l’ombre d’une pensée
hostile à
Combattre l’influence naturelle que
Trop longtemps, messieurs, on a entretenu en Europe, des
préjugés contre nous ; trop longtemps l’Allemagne a cru que
Ces préjugés, messieurs, se sont donc dissipés. Et ce n’est pas d’aujourd’hui qu’ils se sont dissipés. Il y a un an, à l’ouverture du chemin de fer belge-rhénan, c’est alors que les deux peuples se sont rencontrés. Déjà alors se produisit cet enthousiasme qui fait aujourd’hui l’objet des plaisanteries de quelques orateurs. Déjà alors régnait cet enthousiasme non-seulement sur les bords du Rhin, mais aussi sur les bords de l’Escaut. Et ici je fais un appel aux souvenirs de tous les membres de cette assemblée qui ont assisté à cette magnifique scène.
Ce premier contact entre les deux peuples est confirmé aujourd’hui par le traité du 1er septembre. Il se peut que ce traité, je l’ignore, ait excité d’universelles acclamations en Allemagne. Mais, quant à moi, cet enthousiasme me plaît ; il me console, il me rassure, parce qu’il vient de la part de populations réfléchies, sérieuses, de la part de populations qui ont appris à nous connaître et qui sauront nous apprécier ; de la part de populations qui nous traiteront, non comme une province, non comme un peuple vassal, mais comme une nation digne de son indépendance et résolue à la conserver !
Viennent alors ces crises que l’Europe redoute ; viennent
des jours de danger où les jeunes nationalités chancellent sur leurs bases mal
assises,
Ainsi le traité,dans ma pensée, n’est pas du tout antifrançais. Je serais désolé qu’il fût tel, même paraître tel ; s’il l’était, je le regretterais tout le premier ; mais le traité est belge. Il ne peut contrarier (j’insiste une dernière fois sur ce point, parce que je ne veux pas qu’on se méprenne sur le fond de ma pensée, toute personnelle d’ailleurs,) que ceux qui, en (page 425) France ou en Belgique, n’ont pas foi en l’avenir de la nationalité belge ; il ne peut contrarier que ceux qui ne respectent pas cette nationalité. Or, je ne crois pas que nous devions beaucoup de ménagements envers ces politiques égoïstes qui commencent par nous contester le plus sacré de nos droits, celui de vivre, et la première prérogative de notre souveraineté, la liberté de nos alliances. Messieurs, encore une réflexion et je finis.
En ouvrant la session parlementaire de 180 à 1841, le ministère d’alors mettait dans la bouche royale les paroles que voici : « La neutralité, nous ne pouvons trop nous en convaincre, est la véritable base de notre politique ; la maintenir sincère, loyale et forte, doit être notre but constant. » Voilà, messieurs, ce que disait le ministère Lebeau-Rogier et j’applaudis, comme vous, à ces paroles. Quelque temps après, un honorable publiciste, examinant quels étaient les actes de ce ministère, quels étaient ces titres à la considération, aux sympathies du pays, vous citait cette phrase comme un de ces actes. Cette phrase est un acte, disait-il, et il avait raison.
Maintenant, vous avez devant vous, non pas une phrase, mais un acte : quel nom lui donnerez-vous ? Ce traité qui est aujourd’hui soumis à vos délibérations ; ce traité qui consolide notre nationalité ; ce traité, qui constate notre admission définitive dans une fraction importante de la famille européenne ; ce traité qui inaugure une politique ferme, nationale, avais-je tort de l’appeler un événement ? (Marques d’approbation.)
M. le président – La parole est à M. Savart.
M. Savart-Martel – M. le président, il souffle sur le banc de la gauche un vent qui vient de je ne sais où, qui m’a tellement indisposé, qu’il ne me serait guère possible de parler en ce moment. J’espère que ce n’est point un vent politique. (On rit.) J’étais inscrit contre le projet ; l’honorable M. Castiau étant aussi inscrit contre, je demande à lui céder la parole.
M. Castiau – Je regrette, messieurs, de ne pouvoir suivre l’honorable orateur, qui vient de se rasseoir, dans les immenses développements qu’il a donnés à sa pensée. Je regrette de ne pouvoir le suivre sur le terrain quelque peu brûlant qu’il a abordé avec tant d’imprudence ; j’ai besoin de le dire, je le regrette, mais c’est un sacrifice que je fais en ce moment à l’impatience de la chambre.
Voilà plus de dix jours déjà que ce débat dure. La chambre a hâte d’en finir. De nombreux orateurs sont encore inscrits. Déjà une première fois j’ai pris la parole. Je dois donc me circonscrire dans un cercle étroit et me borner à quelques mots de réponse.
Je le regrette vivement ; je regrette de devoir borner cette réponse à une énergique protestation contre les paroles que vous venez d’entendre. Ces paroles et ces attaques, dirigées contre moi et les amis politiques, mériteraient d’être longuement réfutées.
Heureusement, messieurs, une autorité imposante est venue en aide aux orateurs de l’opposition pour les dispenser de répondre. C’est la voix même de la chambre qui a protesté contre l’orateur ; c’est la réprobation presque générale qui a accueilli ces imprudentes et inexplicables paroles. (Non ! non ! Oui ! oui !).
M. Mast de Vries – Pas le moins du monde.
M. Castiau – Si nous, orateurs de l’opposition, nous avions le droit de venir censurer le gouvernement, d’attaquer sa politique, de prouver que cette politique était une politique de provocation et d’hostilité contre certaine puissance, il n’appartient pas, ce me semble, au rapporteur de la section centrale de tenir dans cette enceinte le langage provocateur que vous venez d’entendre et qui a excité vos murmures. Il parlait devant vous avec un caractère officiel et presque ministériel. Il parlait comme rapporteur d’une section centrale ! Ses paroles prenaient donc un nouveau degré d’aggravation et d’imprudence par suite de l’honorable mandat qui lui avait été confié.
Aussi, me serait-il permis de m’étonner que, dans cette circonstance, la majorité de sa section centrale ne se soit pas levée, à l’instant même pour protester contre le discours de l’orateur, pour le désavouer avec énergie et en faire retomber sur lui seul l’imprudence et le danger.
Inutile donc, messieurs, de prendre au sérieux et de réfuter longuement le discours de M. Dedecker. La désapprobation d’une partie de la chambre en a fait, je le répète, une éclatante justice. Je n’ai pris la parole que pour répondre aux insinuations et aux attaques que M. le ministre des travaux publics vient de diriger contre moi. Et à la rigueur, j’aurais pu demander la parole pour un fait personnel, à la suite de son discours. La réponse que m’adresse M. le ministre est quelque peu tardive. Il faut le reconnaître, puisqu’elle n’arrive qu’après huit jours de réflexion. Il y a, si je ne me trompe, huit grands jours que je m’étais permis de caractériser et d’attaquer ce que M. le ministre appelait la politique du gouvernement ; j’avais attaqué les résultats les plus saillants de cette politique, et spécialement le traité du 1er septembre, qui en était en quelque sorte le couronnement.
C’est après huit jours de méditation que M. le ministre des travaux publics répond à ces attaques, et y répond en des termes qui ont tous les caractères de la personnalité. (Réclamation de M. le ministre des travaux publics.) Vos paroles avaient tous les caractères de la personnalité, et vous avez dû vous-même retirer l’une des expressions dont vous vous êtes servi, pour éviter le rappel à l’ordre que vous aviez mérité.
M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) – Je les ai expliquées.
M. Castiau – Le langage de M. le ministre était d’autant plus étrange, que c’était de lui qu’était partie la provocation adressée à l’opposition.
L’attaque nous est permise à nous ; c’est là le rôle habituel de l’opposition. L’attitude du gouvernement, au contraire, devrait être celle du calme, de la réserve de la modération. Cette fois les rôles ont été intervertis ; c’est le gouvernement, c’est M. le ministre des travaux publics, qui a pris l’initiative des hostilités. C’est lui qui nous a provoqués dès le début de la discussion. (Dénégation de la part de M. le ministre des travaux publics.) J’en appelle, messieurs, à vos souvenirs ; est-ce que les premières paroles de M. le ministre des travaux publics, il y a huit jours, n’ont pas été des paroles de blâme et des agressions contre l’opposition en général et contre quelques-uns des membres de la chambre ? Est-ce qu’il ne s’est pas présenté dans cette enceinte en quelque sorte comme un paladin qui descend en champ clos ? Est-ce qu’il ne nous a pas jeté le gant ? Est-ce qu’il n’a pas donné rendrez-vous à l’opposition toute entière, et en la bravant, sur le terrain du traité ? (Interruption.) Puisqu’on nie, et que M. le ministre m’engage à lire les passages de son discours auxquels je fais allusion, je vais faire passer le Moniteur sous vos yeux. Au début du discours de M. le ministre se trouve d’abord l’attaque toute personnelle de M. le ministre contre trois de nos collègues de Gand, dont il avait vivement attaqué les doctrines industrielles.
Arrivant ensuite à l’opposition qui se permet de douter de l’infaillibilité ministérielle, et de trouver que le ministère ne cesse de corrompre, par ses impudences et ses expédients, les intérêts du pays, voici en quels termes dédaigneux M. le ministre parlait de cette opposition :
« Eh bien, messieurs, aux paroles dédaigneuses qu’on a fait entendre, il y quelque temps, dans cette enceinte, à ces paroles dédaigneuses nous opposons des faits significatifs. On nous parle au nom du mécontentement du pays, nous répondons en vous disant ce que nous avons fait pour le pays. On croit défendre à cette tribune les intérêts industriels par des plaintes exagérées, par des récriminations injustes et toujours stériles ; nous les avons défendus, ces intérêts industriels, par des actes formels, et qui ont été appréciés, j’ose dire par les grandes industries du pays. »
Puis viennent les hommages, les éloges, les félicitations qui sont arrivées de toutes les parties du pays à M. le ministre et qu’il a portés à cette tribune avec autant de modestie que de convenance :
« L’industrie drapière nous a remerciés de l’arrêté du 14 juillet ; l’industrie des machines et des mécaniques, l’industrie des produits chimiques et en partie du moins l’industrie cotonnière, nous ont remerciés de l’arrêté du 13 octobre. Le commerce d’Anvers nous a hautement félicités de la conclusion du traité du 1er septembre, qui assure des relations avec l’Allemagne ; les chefs des principaux établissements métallurgiques et houillers de la province de Liège et du pays de Charleroy me disaient, il y a peu de temps encore (et ils m’ont permis de porter cette déclaration à la tribune), me disaient que le traité du 1er septembre avait sauvé leurs provinces, avait sauvé trois grands intérêts. »
Vous voyez donc, messieurs, que j’étais bien près de la vérité, quand je présentais M. le ministre comme une sorte de triomphateur, s’attribuant modestement l’honneur d’avoir sauvé le pays ; il y avait seulement, je le reconnais, quelque peu d’exagération dans mes paroles ; M. le ministre n’a pas sauvé tout le pays, mais s’il faut en croire ses courtisans, il avait sauvé deux provinces et trois grandes industries. (Interruption.) Eh bien ! à ces félicitations exagérées que s’adressait M. le ministre des travaux publics, par l’organe de ceux des industriels qui viennent encombrer ses antichambres, j’ai cru devoir opposer le langage de la vérité, je regrette qu’il ait pu paraître importun ou blessant.
Vous l’avez entendu nous attaquer de nouveau et prétendre
que ceux qui combattent le traité dénient en quelque sorte à
Ce n’est donc pas le principe du traité du 1er septembre que nous avons attaqué, ce sont les clauses spéciales qu’il renferme ; ce sont surtout les circonstances qui ont accompagné la négociation. Je l’ai attaqué avec énergie, parce qu’en considération de ces circonstances, ce traité m’a paru constituer un acte d’hostilité contre le pays que nous avions le plus intérêt à ménager au point de vue industriel, comme au point de vue politique. Je l’a attaqué, pace que j’attribue à ce traité la rupture des négociations entamées avec le gouvernement français dans le courant des mois de juillet et d’août.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – C’est ce que je nie.
M. Castiau – M. le ministre de l'intérieur me
répond par une dénégation ; mais quand nous l’avons sommé de descendre à
son tour dans l’arène, de produire les pièces relatives à cette négociation,
qui avait éveillé tant d’espérances dans le pays, il a refusé la communication
de ces pièces. Aussi longtemps, M. le ministre, que vous persisterez dans ce
refus, j’aurai le droit de vous dire que votre refus vous condamne et que les
négociations avec
Ce que nous avons encore combattu, ce sont les tendances
politiques du traité ; c’est la pensée politique de ce traité, pensée
toute allemande, pesée qui a pour but l’extension de l’influence politique de
Eh bien, messieurs, étions-nous dans l’erreur sur ce
point ? En vous rappelant qui avait été le négociateur du traité, en vous
rappelant que c’était, en définitive, M. le ministre des travaux publics qui
avait imprimé la (page 426) dernière
impulsion aux négociations, n’étions-nous pas en droit de nous défier des
sympathies de M. le ministre pour
« Ce jour, messieurs, n’est pas une solennité ordinaire. Il forme une de ces dates qui restent imprimées dans l’histoire des nations.
« Cette fête belge-allemande, à laquelle nous voyons
deux peuples concourir, cette triple inauguration qu’Anvers, Liége et Cologne
ouvrent sur l’Escaut,
Un événement ! C’est absolument comme dans le rapport ; l’expression s’y trouve aussi. Dans le rapport aussi on veut élever le traité du 1er septembre à la hauteur d’un événement. Poursuivons.
« Oui, et vous venez de le dire, chacun a compris que cette pose de la première pierre à la porte du Rhin était bien la consécration du port d’Anvers, comme port du Zollverein et du centre de l’Allemagne. »
Vous voyez, messieurs, que, de son autorité privée, M. le
ministre, en vassal empressé, disposait d’avance, en faveur de
Mais comment s’en étonner, lorsque nous voyons ensuite ces
paroles et ces sympathies allemandes inspirer la partie politique du rapport de
M Dedecker, dont on connaît les relations intimes avec M. le ministre ?
Déjà je vous ai cité un passage de ce rapport où semblent percer
l’arrière-pensée de l’accession de
Est-il quelque chose de plus provocateur, de plus hostile à
Cette pensée d’hostilité contre
Et c’est après ces imprudences, ces exagérations, ces
attaques et ces provocations, que l’on vient nous accuser de provoquer
Mais ce sont vos actes et vos paroles qui sont autant de
provocations adressées à
La politique de M. le ministre de l'intérieur n’a-t-elle pas
été tellement provocatrice à l’égard de
Maintenant, et depuis deux ans surtout, c’est à
C’est vous, sachez-le, c’est vous qui êtes les provocateurs.
Votre politique est une politique d’agression et d’imprudence, et elle finira
par attirer sur
Un mot encore, messieurs, et je termine, car je ne veux pas
abuser de la patience de la chambre et du tour de faveur que je dois à
l’obligeance de l’honorable M. Savart. Je ne puis m’empêcher de répondre deux
mots au démenti de M. le ministre des travaux publics. Ce démenti, quelque
adouci qu’il soit quant à l’expression, ne m’en laisse pas moins sous
l’accusation d’avoir produit dans cette enceinte une assertion inexacte. Or,
quelle était cette assertion ? J’avais dit que l’on avait continué à
négocier simultanément avec
C’est donc à lui que je renvoie ce démenti ; le démenti d’un collègue, après les accusations et les humiliations de toute nature que M. le ministre de l'intérieur a eu à supporter dans cette discussion, c’est trop vraiment ! Aussi, s’il est vrai que M. le ministre touche au dernier moment de sa carrière ministérielle, je me permettrai de lui rappeler la fable du Lion mourant, et la réponse qu’il adresse à la dernière insulte qu’il reçoit. Le moment me semble venu d’en faire l’application.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Presque constamment, il y a eu de la part du gouvernement belge simultanéité de négociations ; l’honorable préopinant y voit en quelque sorte de la duplicité et de la déloyauté. C’est à la fois méconnaître et les nécessités et les avantages de notre situation.
Nous avons eu des négociations avec l’Allemagne, avec
Je reconnais donc cette position. L’Allemagne est
aujourd’hui hors de cause ; mais il y a eu en même temps des négociations
avec d’autres puissances ; il y a même en ce moment encore des
négociations avec quatre Etats, deux pays transatlantiques, le Brésil et les
Etats-Unis, et deux Etats européens, les Pays-Bas et
L’honorable préopinant semble adhérer aux accusations portées en France contre le gouvernement belge par un parti auquel certes je n’associe par notre honorable collègue ; mais qu’il me permette néanmoins de citer les faits.
Il y a, en France, un parti pour qui la nationalité belge
est une hostilité permanente, un grand grief politique ; un parti qui n’a
pas accepté cette nationalité sincèrement et définitivement ; qui ne
tolère cette nationalité que comme un fait transitoire dans sa pensée. Ce parti
n’est ni
C’est ce parti, messieurs, qui recueillera vivement toute parole hasardée tombée de cette tribune ; c’est ce parti qui, contre les intentions de l’honorable M. Castiau sans doute, je n’hésite pas à le répéter, acceptera les paroles qu’il vient de prononcer, comme une confirmation des reproches mal fondés qu’on prépare en France contre le gouvernement belge.
Le traité du 1er septembre est un acte belge ; rien de plus ; c’est l’exercice d’un droit belge, pour des intérêts belges ; sans lésion d’aucun véritable intérêt français. Voilà le terrain sur lequel on doit se placer et rester constamment placé. Aller au-delà, c’est se livrer à des suppositions que rien ne justifie.
Ne perdez donc pas de vue qu’il y a en France un parti que
j’appellerai un parti de regrets et de grandes espérances : c’est ce parti
qui, comme je le disais tout à l’heure, n’accepte
Je ne me permets donc aucune insinuation à l’égard de l’honorable préopinant ; je le répète, et il peut croire à la sincérité de cette déclaration ; je ne l’associe pas à ce parti, ennemi d’une nationalité belge ; mais je désire que les discours qu’il a prononcés dans cette enceinte ne fournissent pas des armes contre nous au parti dont je parle.
Messieurs, nous avons donc négocié simultanément ; oui,
mais le traité du 1er septembre n’est venu rompre aucune négociation
quelconque avec
L’honorable préopinant est remonté bien loin dans le passé. Il vous a cité l’arrêté du 28 août 1842 qui accordait temporairement et conditionnellement à l’Allemagne les réductions sur les vins et sur les soieries, acte dans lequel il a cru voir une mesure antifrançaise.
Eh bien, je suis encore forcé de revenir sur une ancienne
justification.
(page 427) Le
traité du 1er septembre, et c’est par cette réflexion que je
terminerai, le traité du 1er septembre a-t-il pu être un acte bien
inattendu pour
M. Delehaye – Cette crise, vous l’avez provoquée.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Cette crise, nous l’avons provoquée !... Par cette interruption, l’honorable membre me force de prolonger ces quelques réflexions. Cette crise, nous l’avons provoquée !... Voyons ! L’arrêté du 28 août, concédé temporairement et conditionnellement, était venu à tomber ; et, j’en appelle ici aux souvenirs et à la bonne foi de chacun de vous, comment cet arrêté avait-il été accueilli ? Il l’avait été à regret, même comme un acte temporaire, conditionnel, qui devait tomber, si les négociations n’amenaient pas de résultat. L’acte est donc venu à cesser au 1er avril ; l’Allemagne a usé de représailles. Que devait faire le gouvernement. Ne pas user de représailles ? rester passif sous les coups des actes de représailles de l’Allemagne ? Mais qu’auraient dit ceux qui viennent tous les jours nous reprocher de manquer de fermeté ? Messieurs, j’ose le dire, vous devriez, au contraire, féliciter le gouvernement belge d’avoir aussi eu recours à des actes de représailles par l’arrêté du 28 juillet. Il n’est pas impossible que votre gouvernement soit encore amené (Dieu fasse qu cet événement ne se réalise pas !) à répondre à des représailles par des représailles. C’est une chance que vous courez comme nation indépendance. N’allez pas blâmer, décourager votre gouvernement, lorsqu’il lui est arrivé un jour, contre votre attente (murmures et rires), d’être ferme, comme vous l’avez tant de fois demandé. Je crois que ce langage ne devrait exciter ici ni murmures, ni rires. Puisque l’opposition est venue dire constamment que votre gouvernement manquait de fermeté, et qu’elle l’a défié de poser un acte énergique ; eh bien, ce jour qui ne devait jamais arriver pour lui, ce jour est arrivé ; le gouvernement s’est trouvé engagé dans une guerre de tarif, les seules guerres peut-être de nos temps pacifiques ; pardonnez-moi ce rapprochement de mots.
Vous avez fait de grands avantages, pour la navigation, entre autres, à certains Etats, en ne stipulant à votre profit qu’une réciprocité de droit qui, à mes yeux, est illusoire, n’a aucune valeur. Eh bien que fera votre gouvernement, lorsque ces inconvénients viendront à cesser ? Il les laissera expirer, et si les gouvernements, au profit desquels ces conventions existent, usent de représailles, votre gouvernement répondra par des représailles. Ne le découragez donc pas aujourd’hui. Que ces Etats sachent même que vous accepterez, s’il le faut, une crise ; cette crise, si vous avez quelque énergie, sera heureuse, il en sortira des arrangements plus avantageux que ceux qui existent aujourd’hui.
Je proteste donc de nouveau, comme je l’ai fait dans les premières séances, je proteste contre toute proportion exagérée que l’on voudrait donner au traité du 1er septembre ; c’est l’exercice d’un droit belge, au profit d’intérêts matériels belges, acte dont on a affecté d’écarter tout caractère antifrançais. C’est ainsi que je considère cet acte, et je prie la chambre de ne pas lui donner d’autre portée.
M. le président – La parole est à M. Lys.
M. Lys – Si on désire clore aujourd’hui, je céderai volontiers la parole à l’honorable M. Devaux.
- Plus de dix membres demandent la clôture.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) – Il n’est pas possible de clore maintenant la discussion.
Des membres – Il n’est pas encore quatre heures et demie, continuons jusqu’à cinq heures.
M. Devaux – Je crois que, puisque la chambre ne paraît pas encore disposée à clore la discussion, on pourrait remettre la fin du débat à demain, puisque demain nous n’avons à l’ordre du jour que de petites lois dont le vote n’exigera pas un temps fort long.
M. le président – Les membres sont à leur banc, la séance continue. La parole est à M. Devaux.
M. Devaux – Vouloir me faire parler maintenant, c’est vouloir me faire taire ; il est impossible que je termine avant cinq heures, je désire être écouté sérieusement, et on ne peut guère espérer de l’être à 4 heures et demie.
M. le président – Je répète mon observation ; toute la chambre étant en place, la séance continue, et je dois donner la parole à M. Devaux.
M. Devaux – Je prie alors M. le président de consulter la chambre sur la question de savoir si la séance continuera ou sera remise à demain.
M. d’Hoffschmidt – Est-ce qu’un autre orateur ne serait pas disposé à prendre la parole ?
M. le président – Le premier orateur inscrit après M. Devaux, c’est M. Dumortier.
M. Dumortier – Je suis fatigué ; je ne puis pas parler aujourd’hui.
M. le président – Je donne alors la parole à M. Eloy de Burdinne.
M. Eloy de Burdinne – Je suis aussi fatigué que les honorables membres qui renoncent à la parole. Depuis 11 heures je suis occupé à la commission d’industrie et à la chambre ; il est difficile, après un tel travail, de s’exprimer de manière à se faire comprendre. Je suivra l’exemple des orateurs auxquels on a donné la parole, je me tairai.
Plusieurs voix – A demain, à demain ! à 10 heures !
D’autres voix – Non ! non ! à 11 heures.
- La chambre, consultée, décide qu’elle se réunira demain à 10 heures.
M. le président – Demain continuation de la discussion
du traité entre
- La séance est levée à 4 heures ¾.