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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 30 octobre 1844

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 41) (Présidence de M. d’Hoffschmidt)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à deux heures un quart. La séance est ouverte.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse de la pétition suivante adressée à la chambre :

« Les veuves Orlye, Goffin, Ragus et Verbeke, privées depuis le 1er juillet 1843 des avantages que leur assurait la caisse du fonds des veuves, réclament l’intervention de la chambre pour rentrer dans la jouissance de leurs pensions.. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

Projet de loi ayant pour objet d’abroger les articles de la loi du 4 août 1832 relatif à l'interprétation des lois après un deuxième recours en cassation

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) présente un projet de loi ayant pour objet d’abroger les art. 23, 24 et 25 de la loi du 4 août 1832, qui obligent à recourir au pouvoir législatif, après un deuxième recours en cassation.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à l’examen d’une commission qui sera nommée par le bureau.

Projet de loi sur le domicile de secours

Discussion des articles

Article 13

La chambre est parvenue à l’art. 13, ainsi conçu :

« Art. 13. Si la commune où des secours provisoires sont accordés n’est pas le domicile de secours de l’indigent, le recouvrement des frais pourra être poursuivi et obtenu conformément aux articles suivants. »

M. le président – M. Thyrion présente à cet article l’amendement suivant :

« Si la commune où des secours provisoires sont accordés n’est pas le domicile de secours de l’indigent, la commune est tenue au remboursement des frais, quand bien même elle prétendrait que l’individu secouru n’est pas indigent, sauf son recours, en ce cas, contre cet individu.

« Le remboursement des frais pourra être poursuivi et obtenu conformément aux articles suivants. »

M. Thyrion, rapporteur – Un grand nombre d’ouvriers, appartenant aux communes rurales, viennent travailler dans les villes, dans les grandes centres de population ; ils y arrivent souvent le lundi pour rentrer chez eux le samedi. Quelquefois ces ouvriers tombent malades, ou sont victimes d’un accident. Lorsque cela arrive, ils sont transportés à l’hospice où tous les soins possibles leur sont donnés.

Lorsque l’administration des hospices réclame le payement des frais à leur domicile de secours, la commune répond que l’individu n’est pas indigent. Voilà ce qui arrive presque constamment. C’est une manière facile de se tirer d’affaire, d’échapper au remboursement des frais.

Souvent l’individu secouru n’est pas indigent, en ce sens que jusque-là il n’a pas demandé l’aumône, que jusque-là il n’a pas reçu de secours du bureau de bienfaisance. Mais c’est un simple ouvrier, un manœuvre, et s’il est blessé ou malade, il devient, par cela même, indigent, puisqu’il ne peut plus gagner de quoi subvenir à ses besoins et à ceux de sa femme et de ses enfants.

Dans des cas semblables, les administrations des hospices éprouvent mille difficultés pour obtenir le remboursement des frais, et il est arrivé que des communes qui refusaient de rembourser ces frais, sous le prétexte que l’individu n’était pas indigent, ont trouvé un appui dans certaines députations permanentes de conseils provinciaux.

Je ne citerai qu’un fait :

Un malheureux ouvrier a le bras fracassé dans une commune qui n’est pas celle de son habitation ; on le transporte à l’hôpital d’où il sort guéri après un certain nombre de jours de traitement. L’administration des hospices réclame le payement de frais. La commune du domicile de secours répond que le blessé n’est pas indigent, et que, par conséquent, elle n’est pas tenue de rembourse les frais.

Force est à l’administration des hospices de s’adresser à la députation du conseil provincial, de lui exposer les faits ; voici la réponse que l’administration des hospices a reçue de la députation permanente :

« L’administration communale de … de laquelle on a réclamé les frais d’entretien à l’hospice de … du nommé L …, a répondu que cet individu n’était pas indigent, et que, du reste, la commune n’étant pas intervenue pour le faire admettre audit hospice, elle persiste dans son premier refus.

« Il semble que l’administration des hospices n’aurait pas dû accorder ses secours à un individu dont l’indigence n’était pas constatée.

« Il paraît, en effet, résulter des renseignements recueillis que L .. n’est pas indigent ; ce fait, allégué maintenant par la commune de … l’eût probablement été avant l’entrée de cet individu à l’hospice, si on y avait exigé un certificat d‘indigent délivré par l’administration de la commune du domicile de secours… »

Ainsi, vous le voyez, selon cette députation permanente, une administration des hospices, qui serait prudente, devrait laisser sur la voie publique un malheureux blessé, jusqu’à ce que l’administration communale du domicile de secours lui ai fait parvenir un certificat constatant l’indigence et une permission de recevoir à l’hospice.

Vous ne partagerez pas, messieurs, de semblables idées.

La question que mon amendement a pour objet de résoudre a été soulevée dans une des sections de la chambre ; elle a fait aussi l’objet des délibérations de la section centrale.

Permettez-moi de vous lire la partie du rapport qui est relative à cette question ?

« La section centrale va rencontrer ici une question sur laquelle la deuxième section, examinant l’article 20, a appelé son attention. Cette question est ainsi conçue : « Lorsqu’un individu non indigent, ou dont l’indigence est contestée, a été secouru dans une circonstance grave par une commune qui n’est pas celle de son domicile de secours, laquelle des deux communes doit faire les poursuites contre cet individu pour en obtenir la restitution de la valeur des secours fournis ?

« La section centrale est d’avis que, dans l’hypothèse posée, la commune du domicile de secours doit rembourser les frais avancés par l’autre commune, sauf à la première à prendre les mesures qu’elle jugera nécessaires pour obtenir son remboursement de l’individu qu’elle soutient ne pas être indigent. On conçoit, en effet, qu’il lui sera plus facile d’obtenir ce remboursement qu’à l’autre commune, peut-être très-éloignée de la demeure de l’individu secouru. Il est d’ailleurs évident que si cette marche n’était pas suivie, les communes et les administrations des hospices se montreraient très-difficles à accorder des secours à des étrangers qui pourraient cependant en avoir un très-puissant besoin. Elle fait encore remarquer qu’en adoptant cette marche, on préviendra les discussions qui ont souvent eu lieu entre les communes sur la question de savoir si tel individu secouru est ou n’est pas indigent. Néanmoins, la section centrale ne croit pas qu’il soit nécessaire de formuler une disposition nouvelle à cet égard, les explications qui précèdent lui paraissant devoir suffire pour assurer, dans leur sens, l’exécution de la loi. »

Tel est le but de l’amendement que j’a l’honneur de présenter.

M. le président – M. le ministre de la justice présente à l’art. 13 la disposition additionnelle suivante :

« Le remboursement ne pourra être refusé, sous le prétexte que l’individu secouru n’était pas indigent, sauf le recours que pourra exercer contre celui-ci la commune qui aura effectué le remboursement. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Cette addition que je propose à l’art. 13 rentre absolument dans les principes de l’opinion émise par l’honorable M. Thyrion ; mais elle me semble préférable à son amendement, parce qu’elle laisse subsister le principe général de l’art. 13.

M. Thyrion – Je me rallie à la rédaction proposée par M. le ministre.

M. de Saegher – Messieurs, je demande pardon à la chambre de revenir si souvent sur le même sujet ; mais il me paraît que l’on va rendre a position des petites villes et des communes rurales très-fâcheuse.

Vous avez déjà, messieurs, changé le délai de quatre ans en celui de huit années ; vous avez déjà établi que, dans certaines circonstances, ce délai de huit années peut être prorogé jusqu’à 10 et 12 années. Maintenant on vous propose une disposition qui a des conséquences plus graves encore. Vous n’allez plus seulement charger les petites villes et les communes de subvenir aux besoins de leurs indigents, mais vous allez encore mettre à leur charge des personnes dans l’indigence est contestée, et qui auront été (page 42) secourues par les localités où elles ont porté leur industrie. Car c’est là le cas que veut prévoir l’honorable M. Thyrion. Il suppose un ouvrier qui s’est rendu dans une localité industrielle pour y exercer son industrie. Par suite d’un accident, il se trouve incapable de continuer son travail et l’administration communale juge à propos de le placer dans un hospice. Mais, d’après l’amendement, cette administration communale ne devra plus examiner si la personne qu’elle secours est indigente, si elle se trouve réellement dans le cas d’être secourue par le bureau de bienfaisance, ou si elle est dans une position assez favorable pour pouvoir subvenir à ses propres besoins. Il y aura, à cet égard, arbitraire complet. On pourra toujours placer l’individu dans un hospice, et la commune où cet individu ne demeure plus depuis huit ou neuf années sera obligée de subvenir à ses besoins, de payer des frais, lors même qu’il ne serait pas constant que cet individu est indigent, sauf à elle à entamer une action contre lui, et qui sera presque toujours sans résultat.

Il me paraît, messieurs, que c’est encore là une proposition qui ne peut être adoptée, parce qu’elle donnerait lieu à des inconvénients graves.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, l’honorable M. de Saegher sembla avoir perdu de vue la disposition de l’article 12 que vous avez votée hier :

L’art. 12 dit : « Tout indigent, en cas de nécessité, sera secouru provisoirement dans la commune où il se trouve, et, s’il est malade, il sera placé dans l’hospice le plus voisin. » L’art. 13 n’a donc rapport qu’à des secours provisoires donnés dans des cas de nécessité.

Or, lorsqu’il existe une nécessité bien réelle, de secourir un individu, je demande si l’humanité ne commande pas impérieusement de le faire ? Ce devoir ne peut être méconnu, et rien ne doit l’entraver. Un individu se trouve dans une commune qui n’est pas le lieu de son domicile de secours et a besoin de secours immédiats ; ils ne peuvent lui être fournis que par la commune où il est momentanément. Il ne faut pas que celle-ci puisse craindre d’avoir à soutenir un procès contre la personne qu’elle aura secourue. Cette crainte pourrait faire hésiter la commune, l’engager à prendre des informations préalables et à retarder ainsi la distribution des secours à des malheureux qui en auraient un besoin urgent.

Je pense que la question d’humanité doit avant tout nous préoccuper, et qu’il faut écarter de la loi toute disposition qui serait de nature à paralyser l’accomplissement des devoirs que la loi impose aux communes.

Je pense donc que les craintes qu’a exprimés l’honorable M. de Saegher, ne sont pas fondées, parce que l’art. 13, avec l’addition que j’ai proposée, ne sera applicable qu’aux cas prévus par l’art. 12, c’est-à-dire aux cas de nécessité ; j’adopte l’opinion de l’honorable M. Thyrion, j’ai formulé mon amendement dans ce sens, j’espère qu’il sera admis par la chambre ; le rejet pourrait avoir des conséquences fatales pour l’individu qui se trouverait dans une situation où des secours lui seraient indispensables.

M. Malou – Je désire seulement ajouter un mot à l’appui de l’amendement.

Voici réellement la difficulté administrative qu’il s’agit de prévoir. Des secours ont été accordés à une personne dans une commune. La dépense a été faite. La question qui s’est élevée est celle de savoir si, lorsque ces secours ont été accordés à une personne qui n’étaient pas réellement indigente, la commune qui les a accordés doit agir directement contre l’individu indûment secouru, ou si, dans ce cas, comme dans tous autres, elle doit réclamer le remboursement de la dépense à la commune où l’individu a son domicile de secours. On suppose donc des secours accordés, et l’on demande s’il faut autoriser les deux actions, ou s’il faut maintenir le principe général de la loi, sauf à la commune, qui a le domicile de secours, et qui peut le mieux apprécier la position de l’individu, à agir contre celui-ci, si elle croit qu’il a été indûment secouru.

La question ainsi posée, il me semble que l’amendement est justifié. La marche la plus simple est celle que l’on propose de consacrer par la loi ; c’est-à-dire qu’on n’arrêtera pas la bienfaisance d’une commune par la discussion, souvent étrangère à cette commune, du point de savoir si la personne qui réclame du secours, y a réellement droit.

La personne qui réclamera des secours les obtiendra ; la commune qui les a accordés, en réclamera le remboursement à charge de la commune où l’individu a son domicile de secours, et celle-ci récupérera les frais, à charge de l’individu secouru, s’il l’a été indûment.

Tel est le système, l’explication et en même temps la justification de l’amendement.

- La discussion est close.

L’article 13, rédigé comme le propose M. le ministre, est mis aux voix et adopté.

Article 14

« Art. 14. La commune où les secours provisoires seront accordés sera tenue d’en donner avis, dans la quinzaine, à l’administration de la commune qui est, ou que l’on présume être le domicile de secours de l’indigent.

« Si l’on ne peut préciser laquelle des deux ou de plusieurs communes est le domicile de secours, l’avertissement sera donné, dans le même délai, aux administrations de ces différentes communes.

« Il sera donné avis de ces avertissements aux gouverneurs de province où sont situées les communes présumées débitrices.

« Si, malgré les diligences de l’administration de la commune où les secours provisoires sont accordés, le domicile de secours de l’indigent ne peut être immédiatement découvert, le délai de quinzaine ne prendra cours qu’à dater du jour où ce domicile sera connu ou pourra être recherché, d’après les indications recueillies. »

M. Mast de Vries – Messieurs, j’ai une observation à faire sur cet article.

Si un indigent se trouve dans une commune, on lui doit des secours et la commune qui a donné ces secours est obligée, dans le délai de quinzaine, d’avertir celle qu’elle croit être son domicile de secours.

Mais il me paraît qu’il faudrait dire aussi que la commune à laquelle on donne avis est obligée de répondre, dans le délai de quinzaine, qu’elle doit ou se reconnaître débitrice ou présenter les observations qu’elle a à faire. Car il arrive souvent que des localités auxquelles on donne avis que des individus qui y ont leur domicile de secours ont été secourus, restent un ou deux mois sans répondre, et alors l’individu étant parti, la commune qui l’a secouru ne peut parfois plus prouver où il avait son domicile de secours.

Je désire obtenir quelques éclaircissements, à cet égard, de la part de M. le ministre.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, l’inconvénient signalé par l’honorable M. Mast de Vries, peut se présenter sans doute si la commune ne répond pas. Mais il a paru difficile de l’obliger à répondre dans un délai de quinze jours et surtout de déterminer ce qui arriverait si elle ne répondait pas. Si elle garde le silence, sera-t-elle, par l’absence de réponse, considérée comme le domicile de secours ? Si ce défaut de répondre n’a pas ce résultat, il n’y aura pas de sanction, et dès lors l’obligation est illusoire.

Nous pensons qu’il est suffisamment satisfait aux observations de l’honorable M. Mast de Vries par le 3e paragraphe de l’art. 14, qui ordonne de communiquer les avertissements aux gouverneurs des provinces où sont situées les communes présumées débitrices. Nous croyons que le gouverneur de la province, en recevant cet avis, fera en sorte d’obliger la commune à répondre dans un délai raisonnable.

Il me paraît donc que toutes les garanties possibles sont données par ce paragraphe. La commune débitrice saura que le gouverneur a été instruit de l’avertissement qu’elle a reçu, et elle ne tardera pas à répondre lorsqu’elle aura pris les renseignements nécessaires pour savoir si l’individu qu’on lui signale comme étant un de ses indigents, a réellement son domicile de secours chez elle.

Il me semble même, messieurs, qu’un délai de quinze jours serait souvent trop court ; il peut y avoir, en effet, des renseignements à prendre pour s’assurer que la personne secourue a réellement son domicile de secours ; cette personne, quoique née dans une commune, quoique l’ayant même habitée, peut avoir ailleurs son domicile de secours. Ces renseignements à recueillir peuvent demander un délai de plus de 15 jours.

Je crois donc, messieurs, qu’il serait imprudent de fixer un délai, qu’il serait, dans tous les cas, dépourvu de sanction, puisqu’il est impossible de déclarer qu’une commune sera le domicile de secours, par cela seul qu’elle n’aura pas répondu dans le délai déterminé.

- L’art. 14 est mis aux voix et adopté.

Articles 15 à 26

Les articles 15 à 26 sont successivement adoptés sans discussion. Ils sont ainsi conçus :

« Art. 15. A défaut d’avoir donné les avertissements de la manière et dans les délais ci-dessus déterminés, la commune sera déchue du droit de réclamer le remboursement des avances faites antérieurement à l’envoi de ces avertissements.


« Art. 16. L’indigent secouru provisoirement sera renvoyé dans la commune où il a son domicile de secours, si celle-ci en fait la demande.


« Art. 17. Le renvoi pourra être différé, lorsque l’état de l’indigent l’exigera.

« Il pourra ne pas avoir lieu, si l’indigent est admis ou doit être traité dans un hospice ou institut spécial qui n’existerait pas dans la commune où il a son domicile de secours.


« Art. 18. Lorsque des secours provisoires seront accordés à un étranger qui n’a point de domicile de secours en Belgique, l’avertissement sera donné au gouvernement, conformément à l’art. 14.


« Art. 19. Les administrateurs de secours publics peuvent, lorsque cette exception est basée sur des motifs de justice ou d’humanité, faire participer aux secours ceux qui n’y auraient pas un droit acquis en vertu de la loi.


« Art. 20. Les différends en matière de domicile de secours sont décidés :

« 1° Entre des institutions de bienfaisance existant dans une même commune, par le conseil communal, sauf recours à la députation permanente.

« 2° Entre des communes d’une même province ou des institutions de bienfaisances existant dans des communes d’une même province, par la députation permanente, sauf recours au Roi ;

« 3° Entre des communes ou des institutions de bienfaisance n’appartenant pas à une même province, par le Roi, sur l’avis des députations permanentes des provinces ou des communes où les institutions de bienfaisance sont situées.


« Art. 21. Les avances faites à titre de secours provisoires seront remboursées sur la présentation d’un état de débours.

« Dans les deux mois à partir de la présentation, la taxe de cet état peut être demandée ; elle sera faite selon les distinctions établies par l’article précédent.

« A défaut de payement dans les trois mois de la présentation, ou dans le mois à dater de la taxe, il sera dû un intérêt de 5 pour cent l’an sur les sommes réclamées ou admises en taxe, à moins que la commune ou l’institution (page 43) débitrice n’ait obtenu un délai de payement, soit du créancier, soit de la députation permanente à laquelle ce créancier est subordonné.


« Art. 22. Dans les cas prévus par l’art. 17, les dépenses seront remboursées chaque trimestre, d’après un tarif arrêté par la députation permanente du conseil provincial et approuvé par le Roi.


« Art. 23. Ceux qui, antérieurement à la promulgation de la présente loi, ont acquis le droit de participer aux secours publics dans une commune, y conservent leur domicile de secours.


« Art. 24. La présente loi ne déroge pas aux statuts des fondations particulières. »


« Art. 25. Tout différend que feraient naître les actes d’indemnité, de garant, de décharge, réadmission, etc., antérieurs à la loi du 28 novembre 1818, sera décidé conformément à l’art. 20.

« Les actes de cette nature, passés depuis cette loi ou qui le seraient à l’avenir, sont déclarés nuls et de nul effet.


« Art. 26. La loi du 28 novembre 1818 (Journal officiel, n°40) est abrogée. »

Second vote des articles

M. le président – Comme les amendements introduits dans le projet ont reçu l’assentiment du gouvernement, il va être, d’après les antécédents de la chambre, procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi.

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole pour un rappel au règlement. Je crois que, d’après les antécédents de la chambre, les amendements présentés dans le cours de la discussion, qu’ils aient été proposés ou non par le gouvernement, qu’ils aient reçu ou non l’assentiment du gouvernement, n’en exigent pas moins que le vote définitif soit reis à une autre séance.

M. le président – Chaque fois que des amendements ont été introduits dans un projet de loi avec l’assentiment du gouvernement, la chambre a toujours décidé qu’un second vote n’était pas nécessaire. Toutefois, si l’on insiste, je mettrai la question aux voix.

M. Dubus (aîné) – Le but de l’article du règlement dont il s’agit, c’est que des dispositions improvisées ne puissent pas être introduites dans une loi, sans être soumises à un second vote. Or, des amendements présentés dans le cours de la discussion, soit par l’un ou l’autre membre, soit par le gouvernement, sont toujours, pour la chambre, des propositions en quelque sorte improvisées. Ce serait donc contraire à l’esprit du règlement que d’interpréter, comme on veut le faire maintenant l’article dont il s’agit et qui a toujours été entendu dans un tout autre sens.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Il n’y a pas d’inconvénient à remettre le vote définitif à un autre jour.

M. David – Je demande que la chambre soit consultée. En pareil cas on a toujours décidé que l’on voterait immédiatement.

M. le président – Proposez-vous l’urgence ?

M. David – Oui, M. le président.

M. Delfosse – Il n’y a aucune urgence. Le sénat n’est pas réuni. Il ne le sera pas lundi ; ainsi, ; que nous votions aujourd’hui ou que nous votions demain, c’est parfaitement la même chose.

M. le président – Persistez-vous, M. David.

M. David – Je persiste, parce que je crains que demain nous ne soyons pas en nombre.

- La proposition tendant à ce que le vote définitif ait lieu immédiatement est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

La question de savoir si le vote définitif aura lieu demain, est mise aux voix et résolue négativement.

Le vote définitif est ensuite fixé à lundi.

Projet de loi interprétatif de l'article 442 du code de commerce

Discussion de l’article unique

M. le président – L’ordre du jour appelle maintenant la discussion du projet de loi interprétatif de l’art. 442 du Code de commerce.

Le projet de loi, qui avait été adopté par la chambre et transmis au sénat, était ainsi conçu :

« Article unique. Le failli, à compter du jour de l’ouverture de la faillite, est dessaisi, de plein droit, de l’administration de tous ses biens.

« Néanmoins, ce dessaisissement n’entraîne pas d’une manière absolue la nullité des actes à titre onéreux et non constitutifs de privilège ou hypothèque, passés par des tiers de bonne foi, avant le jugement déclaratif de la faillite. »

Le sénat a adopté la disposition suivante :

« Article unique. L’art. 442 du Code de commerce est interprété de la manière suivante :

« Le failli n’est dessaisi de l’administration de ses biens qu’à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite. »

La commission spéciale propose un article ainsi conçu :

« Le failli, à compter du jour de l’ouverture de la faillite, est dessaisi de plein droit de l’administration de ses biens. »

M. le ministre de la justice se rallie-t-il à cette proposition ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Oui, M. le président.

M. Pirmez – Il me paraît, messieurs, que si la question sur laquelle nous avons à nous prononcer de nouveau, a donné lieu à de si vifs débats, c’est que, dès l’origine, elle a été mal posée ; on lui a donné une portée beaucoup trop grande, on l’a fait embrasser une foule de transactions qui lui étaient étrangères. Ainsi, l’on a changé et l’on veut changer encore l’art. 442 du Code de commerce, tandis que le sens de cet article à lui seul n’a jamais été légalement douteux ; c’est toute la législation qui est légalement douteuse, mais elle ne l’est légalement que sur un seul point, sur la question de savoir si les payements faits par le failli, après l’ouverture de la faillite, doivent être rapportés à la masse. Voilà toute la question que nous ayons à décider : un payement a été fait ; il s’agit de savoir si ce payement doit ou ne doit pas retourner au profit de la masse créancière. Tout ce qu’il y aurait donc à redire se réduit à ceci : « Les payement faits par le failli, à partir du jour de l’ouverture de la faillite, doivent ou ne doivent pas être restitués à la masse. »

La seule question qui se présentait dans le procès Valensart est celle-ci : Le payement fait dans l’époque intermédiaire est-il bien ou mal fait ? doit-il ou ne doit-il pas être reporté à la masse ? Voilà tout ce qui vous est soumis.

Et, remarquez qu’en adoptant la rédaction de la commission, et qu’en changeant l’art. 442, vous ne donnez pas de solution au procès Valensart lui-même ; car la commission elle-même dit qu’on ne peut pas poser des règles fixes aux effets de dessaisissement. Ces effets tombent donc sous l’arbitraire des juges. Ainsi, un juge entendant le dessaisissement et les effets du dessaisissement d’une manière, pourra dire que le payement fait par Valensart est valide, et un autre juge pourra décidé, toujours d’après la commission, que ce payement doit être reporté à la masse. Il faut poser, à cet égard, des règles fixes, invariables, qu’on puisse appliquer dans tous les cas. Ne dites pas : Le dessaisissement sera reporté à l’ouverture de la faillite, car en ne définissant pas les effets du dessaisissement, vous ne dites rien.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, l’honorable M. Pirmez vient de vous dire que le sens de l’art. 442 du Code de commerce n’est pas légalement douteux, et qui si l’on adopte la rédaction de la commission, la difficulté soulevée, à l’occasion du procès Valensart, ne sera pas tranchée. L’honorable membre prétend que la difficulté consiste, non pas à « découvrir » le sens de l’art. 442 du Code de commerce, mais à indiquer si les payements faits après une faillite sont ou ne sont pas valables.

Il suffit, pour réfuter cette opinion, de lire les arrêts qui ont été rendus par la cour de cassation, et la lecture du dispositif de ces arrêts convaincra la chambre que la question traitée par la commission est bien véritablement celle qu’il s’agit de résoudre.

Le dernier considérant du premier arrêt de la cour de cassation est ainsi conçu :

« Attendu que l’arrêt attaqué ne constate ni que les payements reçus par le syndicat dans le temps intermédiaire entre l’ouverture reportée et la déclaration de la faillite Devalensart et compagnie, l’auraient été de mauvaise foi et avec la connaissance de l’état d’insolvabilité des débiteurs, ni même que ces payements auraient occasionné un préjudice à la masse en ce sens qu’elle n’aurait pas profité de l’équivalent en nature ; que cet arrêt annule ces payements et en ordonne le rapport du seul chef du dessaisissement de plein droit du failli de l’administration de ses biens prononcé par l’article 442, qu’en ce faisant il a faussement appliqué ledit article, créé dans le chef de Valansart et compagnie une incapacité que la loi ne prononçait pas à l’époque où les payements ont eu lieu, et par suite violé ouvertement l’art. 1123 du code civil… »

L’arrêt de la cour d’appel a donc uniquement été cassé, parce que la cour d’appel avait déclaré que le dessaisissement avait lieu à une époque autre que celle que la cour de cassation lui assignait.

Le second arrêt de la cour de cassation est basé sur les mêmes motifs ; il est ainsi conçu :

« Attendu qu’il résulte de ce qui précède, que c’est à tort que la cour d’appel de Bruxelles a attribué au dessaisissement fictif tous les effets d’un dessaisissement réel, sans aucun égard à la bonne ou à la mauvaise foi des tiers ; que c’est contre les principes du droit et de l’équité et contre l’intérêt du commerce qu’elle a donné à l’art. 442 précité une extension dont il n’était pas susceptible, et que par suite elle a contrevenu audit article ainsi qu’à l’article 1123 du Code civil… »

Ainsi, c’est toujours à cause de l’époque à laquelle la cour d’appel avait reporté le dessaisissement que l’arrêt de la cour d’appel a été cassé dans l’un comme dans l’autre cas. La cour de cassation ne méconnaissait pas que s’il y avait dessaisissement réel, les payements n’auraient pas été valables, et que les actes faits par le failli auraient été entachés de nullité ; mais la cour de cassation décidait qu’il n’y avait pas eu dessaisissement réel, mais seulement dessaisissement fictif. En décidant ainsi, elle me paraît avoir créé une espèce de dessaisissement, que la loi ne reconnaît pas, un dessaisissement auquel la cour n’a attaché aucun des effets que doit avoir le dessaisissement réel ; de manière que la cour de cassation a déclaré virtuellement que le dessaisissement réel, le seul dessaisissement dont s’occupe la loi, n’existait pas à dater de l’ouverture de la faillite, mais seulement à dater du jugement déclaratif.

Ainsi, la véritable question est celle de savoir à quelle époque commence le dessaisissement, le dessaisissement réel, auquel seul la cour de cassation reconnaît des effets ; dès que cette question sera décidée, les conséquences sur lesquelles tout le monde sera d’accord, en découleront naturellement.

S’il est décidé que le failli, à compter de l’ouverture de la faillite, est dessaisi de l’administration de ses biens, il est évident qu’à dater de cette époque, il ne peut plus faire aucun acte d’administration valable, et dans cette hypothèse, il ne pourra plus être question de valider un payement qui aurait eu lieu après l’ouverture de la faillite.

Je le répète donc, la véritable question est celle de savoir dans quel sens il faut entendre ces mots : jour de la faillite, qui se trouvent dans l’article 442 ; lorsque cette question sera décidée, le procès Valensart recevra (page 44) une solution ; l’application des principes généraux ne rencontrera plus aucune difficulté.

M. Fallon – Messieurs, je n’avais demandé la parole que pour ramener l’honorable M. Pirmez au véritable état de la question : c’est ce que vient de faire M. le ministre de la justice. Je n’ai donc plus rien à dire pour le moment. Si on attaque le projet de votre commission, je prendrai la parole pour le défendre ; en d’autres termes, s’il y a des partisans du système de la cour de cassation, je les attends.

M. Lys – Messieurs, je n’aurais pas pris la parole à l’occasion de cette discussion, parce que j’ai déjà justifié mon vote lors de la première discussion ; mais les conclusions du rapport étant tout à fait contraires à la décision du sénat, je crois, messieurs, qu’il est convenable de donner quelque étendue à cette nouvelle discussion.

La question d’interprétation que soulève le conflit qui existe entre la cour de cassation et les cours d’appel est très-grave : cette discussion aura pour résultat, nous l’espérons, de démontrer qu’il y a urgence de modifier la loi commerciale. Remarquons d’abord, messieurs, qu’il n’y a dissidence entre la cour de cassation et les cours d’appel, que sur les effets du dessaisissement. La cour de cassation reconnaît que le dessaisissement remonte au jour où l’ouverture de la faillite est reportée, mais la cour de cassation considère le dessaisissement comme fictif, elle le considère comme n’étant que le résultat d’une fictif légale ; la cour de cassation cherche, en conséquence, à établir que le Code de commerce a admis deux dessaisissements : l’un qui est un dessaisissement réel, public, notoire, résultat du jugement qui déclare l’ouverture de la faillite ; l’autre qui, se rapportant à un temps antérieur au jugement déclaratif de la faillite, à une époque où le failli administre de fait, n’est qu’une fiction. Cette seule observation juge à elle seule le système de la cour de cassation en matière de faillite. Il ne s’agit jamais de fiction, il ne s’agit jamais que d’un fait ; la loi n’a donc pu ni voulu créer un dessaisissement fictif, distinct du dessaisissement réel et produisant d’autres effets que ce dessaisissement.

Il est vrai, messieurs, que le système d’interprétation, que nous avons toujours cru devoir être consacré par vous, présente des inconvénients graves ; mais nous ne sommes pas appelés à faire une loi proprement dite, nous sommes seulement appelés à déclarer le sens d’une loi existante.

Si nous reconnaissons que le sens de la loi, que la volonté du législateur ont été que le dessaisissement opérât, du jour de l’ouverture de la faillite, force nous sera, quelles que soient les conséquences de notre interprétation, de déclarer quelle doit être l’entente à donner à la loi.

En France, la difficulté ne peut plus se présenter, l’art. 442 a été remplacé par un art. 443 ainsi conçu :

« Le jugement déclaratif de la faillite emporte, de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le failli de l’administration, de tous ses biens, même ceux qui peuvent lui échoir, tan qu’il est en état de faillite. »

Mais c’est là un droit nouveau ; ce n’est pas l’interprétation de l’art. 442, tel qu’il a été primitivement décrété.

Lorsque le législateur a dit, dans l’art. 442, que le failli, à compter du jour de la faillite, est dessaisi de plein droit de l’administration de tous ses biens, il a entendu et il a voulu parler du moment où la faillite a pris naissance, et non pas seulement du moment où l’existence de la faillite a été déclarée. En effet, messieurs, la faillite existe nonobstant le jugement qui la déclare : le jugement ne crée pas l’état de faillite, le jugement en constate seulement l’existence.

Or, quand y a-t-il faillite ? Il y a faillite lorsqu’il y a cessation de payement ; mais, pour que cette cessation de payement opère légalement la faillite, il faut : ou que le commerçant fasse la déclaration de son état de déconfiture, ou que les créanciers dénoncent le fait au tribunal de commerce, ou bien encore que la notoriété publique mette le tribunal de commerce en demeure de prononcer d’office l’existence de la faillite.

L’ouverture de la faillite ne peut donc dépendre d’actes latents ; la faillite ne peut résulter, dans l’esprit du Code de commerce, que d’actes publics, capables d’instruire les tiers. Il n’est guère possible de concevoir l’ouverture d’une faillite, sans une notoriété qui s’y attache. L’époque de la retraite du débiteur, la clôture de ses magasins, les actes constatant le refus de payement, sont constitutifs de la notoriété publique, et la loi déclare que ces actes déterminent la date de l’ouverture de la faillite (art. 441).

Il résulte de là que le mot faillite, employé seul par la loi, se confond avec l’expression : ouverture de la faillite.

Il nous est impossible de concevoir, en présence d’un texte aussi formel que celui de l’art. 442, que le dessaisissement du failli ne daterait pas du jour même de l’ouverture de la faillite, ou, ce qui est la même chose, de la cessation de payement, qui constitue l’état de faillite.

La loi a donc pourvu à tous les besoins : d’une part, elle veille aux intérêts de l’avenir, en faisant annoncer juridiquement qu’il y a faillite, afin que les biens du débiteur soient frappés de main-mise et à l’abri de toute dépréciation ; de l’autre, elle assure les intérêts du passé, en faisant déterminer avec précision l’époque à laquelle la faillite a pris sa première origine. Les créanciers, les tiers mêmes, n’ont pu ignorer cet état éclatant de détresse ; ils sont donc répréhensibles, s’ils ont traité avec un homme dont la position était désespérée ; ils sont en faute si, dans cet état de choses, ils ont amélioré leur position aux détriment des autres créanciers.

Il serait inconcevable que le législateur, pénétré des dangers graves que la fraude fait courir à la masse créancière, n’aurait pas fait remonter le dessaisissement au jour de l’ouverture de la faillite. Ne serait-il pas étrange, que l’état de la faillite, découlant nécessairement de symptômes publics, ne placerait pas dans une présomption de fraude ceux qui, malgré la notoriété du discrédit d’un commerçant, traitant avec lui, se font payer et obtiennent des garanties ? La fixation de l’ouverture d’une faillite, par le tribunal de commerce, ne repose-t-elle pas sur des faits publics de détresse, de perte de crédit, de cessation de payements ? S’il en est ainsi, il n’y a pas de faillite ouverte, qui ne soit censée connue ; et, par suite, il est impossible de trouver un motif plausible pour justifier le système d’un dessaisissement fictif et d’un dessaisissement réel.

Prenez-y garde, messieurs, l’interprétation contraire conduirait directement à la conséquence qu’il y aurait autant d’époques différentes d’ouverture de la faillite, qu’il y aurait de créanciers. En effet, il faudrait rechercher, dans le système d’un double dessaisissement, le moment précis où l’insolvabilité du débiteur est parvenue à la connaissance de tel créancier déterminé. Or, c’est ce que la législation n’a pas voulu : en donnant au tribunal de commerce la mission de fixer l’époque de l’ouverture de la faillite, la législature a voulu que la faillite s’ouvrît d’une manière absolue pour tous les créanciers ; elle a voulu que ce qui est public pour les uns fût public pour tous ; elle a attaché à la fixation de l’ouverture de la faillite par le tribunal de commerce, une présomption que cette faillite l’annonçait à tous par des signes extérieurs.

La loi présume donc que chacun connaissait les actes publics et notoires qui annonçaient le discrédit du débiteur ; si, en fait, celui qui a traité avec le failli ignorait la déconfiture, c’est une circonstance dont la loi ne tient pas compte ; elle a dû considérer cette ignorance comme l’effet d’une négligence sans excuse.

Qu’importe que, pour arriver à la fixation de l’ouverture de la faillite, le tribunal de commerce doive se livrer à des investigations longues et difficiles. Il n’y a pas de parité entre un tribunal et celui qui traite avec un failli ; le tribunal ne contracte pas avec le failli, il n’a pas à s’enquérir de la gestion de ses affaires, à recherche quelle est la position du débiteur. Le créancier doit, lui, avoir l’œil ouvert, il ne doit pas rester étranger aux avants coureurs d’une faillite ; il ne doit pas se reposer sur un crédit fragile et périssable ; le législateur a donc pu et même dû frapper le créancier négligent, le législateur a donc pu et dû le considérer comme étant en faute.

N’est-il pas vrai, d’un autre côté, que si la faillite est remontée, c’est parce que le tribunal a acquis la certitude que la faillite était signalée au dehors par des actes publics et certains ? Quel motif d’équité y aurait-il donc à introduire une distinction que rien ne justifie ?

Et que l’on ne craigne pas que la consécration de ce système entraîne des conséquences désastreuses pour le crédit ! Non, messieurs, il n’en est rien. La loi permet de former opposition au jugement qui fixe l’ouverture de la faillite. Que celui qui prétend avoir traité de bonne foi use de cette voie ; qu’il prouve qu’il n’y avait pas notoriété, qu’il prouve sa bonne foi à l’époque du payement et le juge, appréciateur des faits, se gardera de reporter la faillite au-delà. Admettre un système contraire, c’est bouleverser toute l’économie de la loi.

Sans doute, messieurs, l’application de cette interprétation peut avoir des inconvénients dans la pratique, mais la faute n’en est pas tout à fait au législateur, qui n’a pas dû supporter que l’état de faillite arrivant, ni le failli, ni les créanciers, ni le tribunal de commerce, n’en constateraient immédiatement l’existence.

Il y a même un remède facile aux abus possibles dans le système consacré par le Code de commerce. Qu’une loi nouvelle, imitant le Code de commerce des Pays-Bas, fixe une limite de temps, au-delà de laquelle aucune faillite déclarée ne pourra être reportée ; quarante jours, par exemple : les faillites deviendront alors moins ruineuses, parce que les créanciers, forcés par leur intérêt, à veiller activement sur l’avoir de leurs débiteurs, et sur leurs actes, parviendront à ce que les faillites se manifestent à une époque où leur liquidation pourra encore donner un résultat avantageux.

Je crois donc, messieurs, que nous devons déclarer que le dessaisissement opère du jour de l’ouverture de la faillite ; nous ne devons pas nous préoccuper des résultats possibles de l’interprétation que nous allons consacrer ; nous ne sommes pas, en effet, appelés à décréter un principe ; nous sommes seulement appelés à déclarer quelle est l’entente à donner à une loi existante. Ne perdons pas de vue, messieurs, que la loi interprétative se confond avec la loi interprétée ; ne perdez pas de vue que vous n’êtes pas appelés à appliquer la loi, mais que vous êtes uniquement investis du droit de déclarer quelle est la volonté de la loi.

Je suis aussi d’avis qu’il y a urgente nécessité de réviser la loi des faillites, et d’adopter, sur ce point, un système qui, comme celui admis par le Code hollandais, sauvegarde tous les droits et protège tous les intérêts ; je réclame, à cet égard, le lumières et la vigilance de M. le ministre de la justice.

M. Pirmez – Messieurs, d’après l’opinion de M. le ministre de la justice, la décision qu’il s’agit de prendre, peut recevoir une application pour des cas autres que pour celui du payement fait par le failli pendant l’époque intermédiaire. Je crois qu’un pouvoir aussi exorbitant ne peut jamais avoir été donné à aucune législature ; nous devons nous restreindre dans le cas spécial qui nous est soumis. Je ne hasarderais pas de combattre seul la commission, si de profonds jurisconsultes n’avaient pas eu cette opinion, que je trouve fondée en raison.

Ainsi, vous avez entendu, lors de la première discussion, un honorable conseiller dire que ce serait une hérésie, que de prétendre que la législature peut consacrer la rétroactivité sur des points autres que la question du payement fait par le failli pendant l’époque intermédiaire, seule question qui soit soumise à son interprétation.

(page 45) Lorsque nous avons interprété la loi des cautionnements, qu’avons-nous fait ? avons-nous changé le texte des lois ou arrêtés ? Non ! nous avons résolu le cas spécial qui se présentait. Il me paraît que nous devons agir de même dans la circonstance présente. La législation est douteuse pour le cas des payements faits pendant l’époque intermédiaire. Ce payement ne sera-t-il pas versé à la masse ? Voilà la question à décider, et lorsqu’elle sera décidée, toutes les contestations identiques le seront aussi.

M. Orts – La solution de cette question m’a toujours paru résulter si clairement de la combinaison de deux dispositions du Code de commerce, que je ne conçois véritablement pas comment on peut équivoquer sur la législation telle qu’elle existe. Je ne dis pas que, lorsqu’il s’agira de revoir tout le système des faillites, on ne pourra pas faire autre chose que ce qui a été fait par le Code de commerce ; mais nous devons interpréter le Code tel qu’il existe. Or quelle est l’économie du Code quant à la loi des faillites ? La faillite est un fait. Ce fait est défini par l’article 441. L’ouverture de la faillite est déclarée par le tribunal de commerce. Son époque est fixée, soit par la retraite du débiteur, soit par la clôture de ses magasins, soit par la date de tous actes constatant le refus d’acquitter ou de payer des engagements de commerce. Tous les actes mentionnés ci-dessus ne constateront la faillite que quand il y aura cessation de payement. Qui fixe cette cessation de payement ? un jugement qui dit qu’il y a eu cessation de payement depuis telle époque ; c’est en raison de la cessation de payement, qui a eu lieu à telle époque, que ce jugement déclare qu’il y a faillite. A compter du jour de la faillite, le failli est dessaisi de plein droit de l’administration de ses biens. Toute la difficulté vient de ce que l’article ne dit pas : Le failli, à compter du jour « de l’ouverture de la faillite », est dessaisi de plein droit de l’administration de ses biens ; parce qu’on n’a pas répété du jour de l’ouverture de la faillite, il n’en résulte pas que le dessaisissement a lieu seulement du jour où l’acte du juge a fixé l’époque où ce fait de la fait a préexisté.

Ces deux articles combinés m’amènent à ce syllogisme auquel je voudrais qu’on répondît. Si mes prémisses sont fausses, ma conséquence le sera. Je dis donc : Il y a faillite à partir du jour où il y a cessation de payement. C’est à partir de ce jour-là que la faillite existe. Or, le failli est dessaisi à partir du jour de la faillite ; donc, le dessaisissement à lieu du jour de la cessation de payements Je ne vois pas la possibilité d’équivoquer sur ce raisonnement. Il y a faillite à partir du jour où le fait matériel de la cessation de payements s’est manifesté. Le jour de la faillite n’est donc pas le jour du jugement, puisque le jugement émane le jour où le payement a cessé. Il est difficile de pouvoir donner à ces deux articles une interprétation autre.

Vous le voyez, les règles de la simple logique viennent apprendre qu’il n’est pas possible de substituer le jour du jugement qui ne fait que déclarer un fait préexistant au fait même qui est le véritable caractère de la faillite. Il me semble que ce point de législation doit être entendu dans le sens présenté par votre commission.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je demande la permission de répondre encore un mot à l’honorable M. Pirmez ; cet honorable membre persiste à soutenir que la question à décider n’est pas la question posée. J’ajouterai quelques mots pour justifier ce que j’ai dit tout à l’heure dans ma première réponse. La question n’est pas de savoir si un failli, dessaisi de l’administration de ses biens, peut faire un payement valable ; cette question n’en serait pas une. C’est cependant celle que pose M. Pirmez. Tout le monde est d’accord sur ce point, qu’un failli dessaisi est incapable de faire un payement. Mais il s’agit de savoir quand le failli est dessaisi ; en d’autres termes, à quelle époque il devient incapable. Dès que cette époque sera fixée, elle amènera comme conséquence la nullité ou la validité des payements faits.

L’honorable M. Pirmez semble s’effrayer des conséquences générales que pourra avoir la loi ; il dit que c’est un pouvoir exorbitant qu’exerce la chambre ; mais ces conséquences résultent de toutes les lois interprétatives. Le droit écrit dans l’art. 28 de la Constitution, n’est pas limité. Lorsqu’une interprétation, par voie d’autorité est prononcée, il est évident qu’elle s’appliquera à tous les cas qui rentreront dans le cercle de la loi interprétée.

Si la loi que vous allez voter décidait purement et simplement que le payement fait par le failli avant le jugement déclaratif n’est pas valable, elle ne trancherait qu’une des difficultés de la question ; car demain, une question semblable pourrait se présenter à propos de ventes, de donations, etc. ; il faudrait des lois interprétatives pour tous les actes quelconques qu’un failli pourrait faire.

Nous avons un exemple qu’une loi interprétative peut avoir d’autres conséquences que celles applicables au fait spécial à raison duquel elle a été portée. Ainsi l’interprétation de l’art. 821 du Code civil a eu lieu parce qu’une difficulté s’était élevée relativement aux créanciers hypothécaires, vous avez établi le sens dans lequel cet article devait être entendu, aussi bien relativement aux créanciers hypothécaires qu’aux autres, par conséquent aux créanciers nantis de gage ou ayant d’autres garanties. Il en résultera que les créanciers de cette dernière catégorie, dont il n’a pas été question, auront, comme les créanciers hypothécaires, le droit d’agir conformément à l’art. 821 du Code civil, interprété par vous. La solution à donner toutes ces questions résultera donc d’une loi interprétative, votée à l’occasion de difficultés survenues pour les créanciers hypothécaires seulement.

M. Pirmez - M. le ministre de la justice dit que tout le monde est d’accord sur les effets du dessaisissement. Mais la preuve qu’on n’est pas d’accord, c’est que la commission dit le contraire. En effet, voilà ce que je lis dans son rapport :

« Mais si, contre la volonté manifeste du législateur et par l’inexécution de la loi, le failli reste à la tête de ses affaires, quels sont les effets du dessaisissement, quel sera le sort des actes qu’il a faits depuis l’époque de l’ouverture de la faillite ?

« Poser à cet égard des règles fixes et invariables que l’on puisse appliquer indistinctement à tous les cas, nous paraît chose impossible. Il en sera de ces actes comme de tous les actes en général ; le juge, en les appréciant, se conduira d’après les règles ordinaires du droit et d’après les principes de justice et d’équité. »

Le dessaisissement n’est donc pas défini, puisqu’on dit qu’on agira suivant les principes de justice et d’équité.

- La discussion est close.

L’article unique proposé par la commission est ainsi conçu :

« Le failli, à compter du jour de l’ouverture de la faillite, est dessaisi de plein droit de l’administration de ses biens. »

Il est procédé au vote par appel nominal sur cet article.

En voici le résultat :

53 membres répondent à l’appel.

48 membres répondent oui.

5 membres répondent non.

En conséquence, le projet de loi est adopté, il sera transmis au sénat.

Ont répondu oui : MM. Rodenbach, Savart, Simons, Smits, Thienpont, Thyrion, Van Cutsem, Vanden Eynde, Verwilghen, Zoude, Brabant, Castiau, Coghen, Coppieters, d’Anethan, David, de Corswarem, Dedecker, De la Coste, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Meester, de Naeyer, Denef, Deprey, de Renesse, de Roo, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Donny, Dubus (aîné), Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Goblet, Kervyn, Lange, Lesoinne, Lys, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb et Orts.

Ont répondu non : MM. Sigart, Vilain XIII, Cogels, de Villegas et Pirmez.

Projet de loi approuvant le traité de commerce et de navigation conclu avec le Zollverein

Dépôt

M. le ministre des affaires étrangères (M. Goblet d’Alvieilla) présente le projet de loi relatif au traité conclu avec le Zollverein le 1er septembre.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à l’examen des sections.


Sur la proposition de M. Delehaye, appuyée par M. Eloy de Burdinne, la chambre fixe sa séance de demain à onze heures.

La séance est levée à 4 heures.