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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 29 octobre 1844

(Annales parlementaires de Belgique, session 1844-1845)

(page 36) (Présidence de M. Liedts)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à deux heures.

M. de Man d’Attenrode donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse d’une pétition adressée à la chambre :

« La veuve Laublin demande à être relevée de la déchéance prononcée par l’art. 9 de la loi du 11 avril 1835, concernant les pensions civiles. »

M. Lange demande le renvoi de cette pétition à la commission des pétitions, avec prière de faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.


« Quelques habitants du faubourg de Charleroy réclament l’intervention de la chambre pour qu’il soit donné suite à leur demande en séparation de la ville de Charleroy. »

M. Verhaegen – Messieurs, par cette requête, on demande à la chambre de vouloir s’occuper d’une demande en séparation du faubourg de Charleroy d’avec la ville

Une première pétition avait été adressée à la chambre, et celle-ci l’avait renvoyée pour instruction à M. le ministre de l’intérieur

Aux termes de la loi, le conseil provincial devait donner son avis ; une enquête devait avoir lieu et la chambre ensuite avait à prendre une décision ; il n’en a pas été ainsi. Par un arrêté ministériel dont j’ignore la date, la demande a été rejetée comme non fondée.

Les pétitionnaires s’adressent de nouveau à vous et vous demandent de faire ce qui, aux termes de la loi, aurait dû être fait.

Je pense, messieurs, pour ne pas entrer dans l’examen du fond de cette affaire qui est fort importante, que nous pourrions nous borner, pour le moment, à demander des explications à Monsieur le ministre de l’intérieur, et le prier de déposer sur le bureau, un jour à fixer, toutes les pièces de l’instruction. Alors, si M. le ministre de l’intérieur ne juge pas à propos de formuler un projet, l’un ou l’autre d’entre nous pourra user de son initiative pour le faire.

Je demande donc le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, avec demande d’explications et du dépôt des pièces sur le bureau.

- Cette proposition est adoptée.


« Plusieurs habitants du hameau de Cureghem-lez-Bruxelles, demandent leur séparation de la commune d’Anderlecht. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Par dépêche en date du 26 octobre, M. le ministre de l’intérieur adresse à la chambre 96 exemplaires du tome III des Annales de l’Observatoire royal de Bruxelles.

- Distribution aux membres de la chambre, et dépôt à la bibliothèque.


M. le président – Avant de passer à l’ordre du jour, je dois faire connaître à l’assemblée que la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi relatif à la poste aux chevaux et au services des transports en dehors des chemins de fer n’est plus complète, un de ses membres, M. de Behr, ne faisant plus partie de la chambre. Il sera nécessaire de la compléter.

- La chambre décide que le bureau complètera cette commission.

Nomination des commissions permanentes

Commission des naturalisations

M. le président – L’ordre du jour appelle la nomination au scrutin secret de deux membres de la commission permanente des naturalisations.

Je dois faire connaître à l’assemblée de M. Dubus (aîné) a témoigné le désir de ne pas faire partie de cette commission. Il prie ceux des honorables collègues qui lui ont donné leur voix au premier scrutin, de porter leur suffrage sur un autre membre.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants, 54

Majorité absolue, 28

M. Van Cutsem obtient 49 suffrages

M. d’Elhoungne 24

M. Vandensteen 24.

M. Van Cutsem ayant obtenu la majorité absolue, est proclamé membre de la commission des naturalisations. Il est procédé à un scrutin de ballottage entre MM. d’Elhoungne et Vandensteen.

En voici le résultat :

Nombre de votants, 59

M. d’Elhoungne obtient 36 suffrages

M. Vandensteen 23.

M. d’Elhoungne est proclamé membre de la commission des naturalisations.

projet de loi sur le domicile de secours

Discussion des articles

Article 3

M. le président – L’ordre du jour appelle maintenant la suite de la discussion du projet de loi sur le domicile de secours. Nous en sommes restés, hier, au deuxième paragraphe de l’art. 3. M. le ministre de la justice retire l’amendement qu’il avait proposé à cet article, et présente la rédaction suivante :

« N’est point comptée comme temps d’habitation, pour acquérir un nouveau domicile de secours, la durée du séjour sur le territoire d’une commune, des sous-officiers et soldats en service actif, des détenus, des individus admis ou placés dans des établissements de bienfaisance ou des maisons de santé, ou secourus à domicile par la charité publique.

« Le temps d’habitation antérieur et postérieur à celui qui ne peut compter aux termes du paragraphe précédent, sera réuni pour former le temps nécessaire à l’acquisition d’un nouveau domicile de secours.

« S’il est reconnu qu’une administration communale, pour se soustraire à l’entretien de ses indigents ou pour empêcher des individus d’acquérir domicile de secours dans la commune, les a, par dons, promesses, ou autres moyens, engagés à s’établir ailleurs, l’autorité compétente décidera, d’après les faits, si le séjour antérieur ne doit pas être censé continué malgré ce changement d’habitation. »

M. Castiau – Il est difficile de saisir, après une simple lecture, les termes et la pensée de l’amendement assez long qui vient de vous être présenté par M. le ministre de la justice. Je me vois donc obligé de lui demander s’il adopte la pensée de l’amendement présenté par deux de nos honorables collègues, amendement qui tendait à faire rejeter du temps requis pour l’acquisition d’un nouveau domicile, le temps pendant lequel l’indigent aurait reçu des secours de son ancien domicile.

M. le ministre me fait un signe affirmatif. Je dois donc me transporter dans l’hypothèse que je viens de prévoir et, dans ce cas, je ne puis m’empêcher de déclarer que cet amendement renverse l’application de la loi et la rend inexécutable.

Si l’on ne compte pas, dans les années de résidence pour l’acquisition d’un nouveau domicile, le temps pendant lequel l’indigent aura été secouru par la commune de sa dernière résidence, il en arrivera presque toujours qu’il sera impossible d’acquérir un nouveau domicile, quelle que soit la durée de la résidence dans la nouvelle commune.

Car, messieurs, remarquez-le, la commune de l’ancienne résidence n’est pas libre d’accorder ou de refuser des secours. Elle y est obligée, non-seulement par l’humanité, mais encore par la loi. Or, comment l’accomplissement d’une obligation légale pourrait-elle devenir une cause de déchéance ? N’y aurait-il pas là une véritable contradiction ? Peut-on ainsi imposer à une commune l’obligation de fournir des secours à l’indigent aussi longtemps qu’il n’a pas acquis un nouveau domicile, et la punir ensuite en quelque sorte, pace qu’elle aura obéi tout à la fois et au vœu de l’humanité et à la prescription de la loi ?

L’amendement que je combats a été inspiré par la pensée d’en finir avec les fraudes administratives dont on nous a entretenus dans la séance d’hier. A cet égard, messieurs, on vous a révélé des faits affligeants, et qui accuse l’incurie du gouvernement. Si les faits sont exacts, et ils doivent l’être, puisqu’ils sont attestés dans cette enceinte par des voix consciencieuses, ils prouvent le mépris avec lequel certaines administrations communales traitent la pauvreté et l’humanité puisqu’elles exporteraient leurs pauvres vers la ville comme un vil bétail. Ils prouveraient en même temps l’incurie du contrôle administratif dans les localités auxquelles on a fait (page 37) allusion, puisqu’on y laisserait les communes faire un usage frauduleux de leurs ressources, et disposer de leurs capitaux en dehors de leur budget.

Ces manœuvres et ces fraudes, puisqu’elles existent, seront suffisamment réprimées, ce me semble, par la disposition qui exige maintenant huit années de résidence pour l’acquisition du nouveau domicile. On comprend que des communes aient pu entretenir, pendant quatre années, leurs pauvres au sein des villes pour se débarrasser ensuite de la charge de leur entretien ; mais elles reculeront devant cette spéculation quand il s’agira de prolonger cet entretien pendant huit années entières. Cet entretien dans les villes doit être onéreux pour elles ; il est bien plus dispendieux que l’entretien dans la localité. Or se décideront-elles à sacrifier le certain pour l’incertain, et à fournir des secours frauduleux pendant huit ans, quand , à l’expiration des huit ans, la mortalité pourrait les débarrasser de l’indigent ? car, on ne le sait que trop, c’est surtout dans les rangs des classes pauvres que la mortalité étend ses ravages ; et quel est l’indigent qui peut compter sur huit années d’existence ? La nouvelle disposition de la loi me paraît donc suffisante pour faire disparaître les inconvénients et les fraudes signalés par les auteurs des amendements que je combats.

A cette occasion, messieurs, l’honorable M. Devaux s’est livré à des considérations d’une haute portée. Il nous a signalé les émigrations qui ont lieu maintenant des campagnes vers les villes. Il nous a dit que le nombre de pauvres croissait chaque jour dans les villes. Il nous a cité la ville qu’il habite, et où la moitié de la population se trouve portée sur les liste de la bienfaisance publique. Il nous a dit que c’était là un état anormal et menaçant pour l’ordre public. Il aurait pu ajouter que c’était là un véritable scandale social. Ces tristes révélations, messieurs, ont mis à nu, devant vous, l’une des nos plaies sociales les plus douloureuses. Elles étaient de nature à éveiller toue la sollicitude du gouvernement, et j’ai le droit de m’étonner de l’impassible silence dans lequel s’est renfermé M. le ministre de la justice, en entendant révéler des faits qui devraient soulever toutes les sympathies humaines.

Mais, en vous signalant la gravité du mal, l’honorable M. Devaux en a par trop circonscrit les causes. Il s’est contenté de rattacher aux manœuvres frauduleuses des communes, l’invasion effrayante du paupérisme dans les villes et la dépopulation des campagnes. Je ne nie pas, je l’ai dit déjà, l’existence de ces manœuvres frauduleuses ; mais la dépopulation des campagnes a une autre cause, une cause plus profonde et plus alarmante. Cette cause, c’est la misère, c’est l’impossibilité trop fréquente de trouver dans les campagnes des moyens de travail et d’existence. Ce sont la misère et l’espoir d’y mettre un terme, qui chassent vers les villes une partie de la population rurale. Car, croyez-le bien, messieurs, quelque malheureux qu’il soit, l’indigent des campagne porte aussi au cœur l’amour de la famille et de la localité où il est né. Il tient autant et peut-être plus que les autres classes de la société à tous ces sentiments de famille qu’on vous a dit être la garantie de la moralité. S’il quitte son domicile de naissance, s’il s’isole de ses souvenirs d’enfance et des affections de la parenté, c’est que la plus impérieuse nécessité le presse souvent et le pousse à venir chercher, dans les villes, les moyens d’existence qui, lorsqu’ils lui manquent, le laissent en présence d’une misère plus effrayante encore.

C’est donc, messieurs, la question du paupérisme que le projet de loi vient soulever indirectement devant vous. Or, cette grave question, elle ne sera résolue ni par le projet de loi ni par les amendements que nous examinons. Les émigrations des campagnes vers les villes n’en auront pas moins lieu, et l’on se trouvera toujours en présence du grand problème de la misère publique et de la réorganisation de la bienfaisance.

C’est ce problème que j’aurai voulu voir examiner par M. le ministre, lorsqu’il a été si directement provoqué, hier, par M. Devaux. Il faut le reconnaître, messieurs, la bienfaisance publique est livrée aujourd’hui à un véritable état d’anarchie. Ici les secours sont abondants, dans d’autres localités ils manquent complètement. Pendant que les uns en sont encore à l’aumône, d’autres pensent à organiser le travail ; des manœuvres frauduleuses sont pratiquées dans d’autres localités pour échapper à l’accomplissement de ce devoir légal. Je le répète, c’est là de l’anarchie et de l’anarchie la plus déplorable encore, puisque c’est le pauvre qui en est la victime. Il serait bien temps de sortit de ce malheureux état de confusion et de faire marcher, à la suite d’une loi qui ne remédiera à rien, l’examen trop longtemps ajourné, de la question du paupérisme et des moyens de faire disparaître cette lèpre sociale. Ainsi qu’on vous l’a dit, ainsi qu’on ne doit cesser de le répéter, il ne s’agit pas seulement ici d’une question d’humanité, de droit et de justice, il s’agit d’une question d’ordre public et de prévoyance sociale, car l’urgence du problème grandit chaque jour, et chaque jour aussi, il devient plus menaçant pour la société et plus impérieux pour les chambres et le gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, l’honorable M. Castiau vient d’entrer dans des considérations qui sont, ce me semble, étrangères au projet de loi que nous discutons. Il ne s’agit pas maintenant, à l’occasion de la loi sur le domicile de secours, d’examiner quels sont les moyens à employer pour faire disparaître le paupérisme. Il ne s’agit pas maintenant de discuter la marche à suivre, ni de juger ce qui a déjà été fait pour parvenir à ce résultat. Au reste, je puis donner l’assurance à l’honorable membre que je n’ai pas perdu de vue cet objet important. Des renseignements nombreux ont été recueillis ; des règlements sont projetés pour régulariser la charité publique, et lui donner une meilleure direction ; des instructions ont été envoyées aux bureaux de bienfaisance dans le but d’aider à l’organisation du travail. Je m’occupe d’introduire des modifications importantes dans les dépôts de mendicité ; la législation sur les monts-de-piété est soumise à une révision, et j’espère, à l’aide de ces moyens, améliorer autant que possible le sort de la classe indigente.

Mais comme il ne s’agit dans ce moment que d’une loi sur le domicile de secours, je me bornerai à ce peu de mots, et je reviens l’examen de la loi elle-même. Produira-t-elle les résultats que nous devons en espérer ? Voilà la question. Cette loi n’est pas destinée à faire cesser le malaise existant dans plusieurs classes de la société, mais uniquement à indiquer quelles sont les localités qui devront venir en aide aux malheureux ayant besoin de secours. Voilà uniquement le but d’une loi sur le domicile de secours. Les développements dans lesquels est entré hier l’honorable M. Devaux méritent sans doute de fixer l’attention ; mais j’ai cru ne pas devoir le suivre dans cette discussion, afin de rester dans le cercle de la loi et de ne pas distraire l’attention de la chambre par des dissertations étrangères à la matière que nous devions seule traiter.

L’honorable M. Castiau a qualifié de « fatales » les émigrations qui ont lieu des campagnes vers les villes. Je pense que ces émigrations, que je regarde aussi comme fatales, seront successivement diminuées par la loi qui est soumis au vote de la chambre. Je pense que ces émigrations diminueront, parce que les moyens à l’aide desquels elles était favorisées, ne pourront plus exister, en présence surtout de la disposition finale de l’art. 3, sur laquelle je vais avoir l’honneur de donner quelques explications à la chambre.

Entrant dans la discussion de l’art. 3 du projet de loi, je répondrai à ce qu’a dit l’honorable M. Castiau, qui a prétendu trouver dans ce qui était proposé une contradiction avec d’autres propositions de la loi.

Le paragraphe que j’ai proposé porte ce qui suit :

« N’est point comptée comme temps d’habitation, pour acquérir un nouveau domicile de secours, la durée du séjour sur le territoire d’une commune, des sous-officiers et soldats en service actif, des détenus, des individus admis ou placés dans des établissements de bienfaisance ou des maisons de santé, ou secourus à domicile par la charité publique. »

L’honorable M. Castiau ne critique que la dernière partie de cet article, contenant ces mots : « secourus par la charité publique » ; je pense que l’honorable membre est d’avis que, si un individu non indigent arrive dans une commune volontairement, et si, après quelques années d’habitation, il est placé dans un hospice, le temps pendant lequel il sera dans cet établissement ne devra pas être compté pour l’acquisition d’un nouveau domicile de secours. C’est ce que portait la rédaction primitive du projet, et je n’ai fait que reproduire cette disposition, en y apportant une modification qui consiste à faire rentrer dans l’exception l’individu qui, sans être placé dans un hospice, sera secouru par la charité publique. Il n’y a pas de différence entre les deux cas. Supposons un individu qui arrive dans une ville et y séjourne pendant quelques temps. Cet individu vient à être frappé d’aliénation mentale, et par suite de cette infirmité, il devient indigent. Si l’individu est dangereux pour la sécurité publique, on l’enfermera dans un hospice ou une maison de santé ; si, au contraire, il n’est pas dangereux, il restera dans son domicile, ou il sera confié à une personne qui en prendra soin. Je demande quelle différence il peut y avoir entre ces deux cas ; je demande pourquoi dans le premier cas, l’individu, qui a été placé dans un hospice, à cause de son aliénation mentale, n’acquerrait pas domicile de secours, si l’individu dans la même situation, mais secouru à domicile ou placé chez un particulier, pouvait en acquérir un ? Pour moi, je ne vois aucune différence entre ces deux cas. Dès l’instant où un individu est secouru par la charité publique, il faut qu’il y ait interruption, soit qu’on place l’individu dans un hospice, soit qu’on lui donne des secours à domicile.

Le motif pour lequel, après un certain nombre d’années, un individu acquiert un domicile de secours dans une commune est sans doute que cet individu a rendu ou est censé avoir rendu des services à la commune pendant le temps de son habitation ; qu’il est censé, durant ce temps, avoir supporté les charges qui incombent aux habitants de la commune. Eh bien, cette présomption existe, dès l’instant où l’individu, loin de pouvoir rendre des services à la commune, loin de pouvoir en supporter les charges, devient, au contraire, un fardeau pour elle.

La § 3 de l’article porte :

« Le temps d’habitation antérieur et postérieur à celui qu’on ne peut compter, aux termes du paragraphe précédent, sera réuni pour former le temps nécessaire à l’acquisition d’un nouveau domicile de secours. »

J’ai introduit ce paragraphe pour prévenir les inconvénients que j’avais signalés, en répondant hier à l’honorable M. Deprey, pour empêcher que, si un individu avait habité, pendant six années, je suppose, une commune où il serait devenu indigent, ou mis dans un hospice ; pour empêcher, dis-je, que les six années antérieures ne pussent pas être comptées et ajoutées aux années pendant lesquelles il serait resté dans la commune, après que son état d’indigence aurait cessé. Je pense que ce paragraphe est de nature à prévenir les abus qui m’avaient préoccupé dans la séance d’hier.

Le dernier paragraphe est nouveau. Ce paragraphe est en quelque sorte le résume de l’opinion de l’honorable M. Devaux. Il est destiné à empêcher les fraudes que cet honorable membre a signalées hier. Je demande à la chambre la permission de dire encore deux mots, pour établir les motifs qui m’ont porté à proposer cette disposition.

Le paragraphe est ainsi conçu :

« « S’il est reconnu qu’une administration communale, pour se soustraire à l’entretien de ses indigents ou pour empêcher des individus d’acquérir domicile de secours dans la commune, le a, par dons, promesses, ou autres moyens, engagés à s’établir ailleurs, l’autorité compétente décidera, d’après (page 38) les faits, si le séjour antérieur ne doit pas être censé continué malgré ce changement d’habitation. »

Il peut arriver en effet qu’une commune fasse quelques dons ou promesses, ou emploie d’autres moyens frauduleux pour engager un individu appartenant à la localité, à se rendre dans une autre commune, et ce dans l’intention de se débarrasser de la charge qui pesait sur elle. Je dis que, dès l’instant où cela sera prouvé, l’autorité compétente décidera que le séjour antérieur de l’individu, envoyé dans une autre commune, est censé continué. Ce sera une appréciation ; l’autorité décidera d’après les faits ; il est impossible de les préciser ici et de les détailler tous.

M. de Man d’Attenrode – Messieurs, je commencerai par dire que je considère comme une très-grande amélioration la disposition proposée, qui consiste à doubler le nombre des années voulues pour acquérir les droits que confère un domicile de secours. Cette mesure tend à faire prédominer le principe du domicile de la naissance, qui est le plus régulier. Il mettra au moins quelque obstacle à cette lutte établie entre les communes qui cherchent par mille subtilités à se décharger de leurs mendiants, et à les mettre à la charge d’autrui. La nouvelle loi donnera des règles plus sûres, plus certaines, à l’administration supérieure qui, souvent, après des enquêtes qui durent des 3 et 4 ans, se voir obligée de prendre une résolution après mille incertitudes, résolution grave, puisque son résultat est d’imposer à une commune une charge très-lourde, car il s’agit pour elle d’admettre au nombre de ses concitoyens des hommes trop souvent fort peu estimables, et qui sont et seront la source de dépenses considérables.

Il est donc désirable de laisser le moins possible à l’arbitraire dans une matière aussi délicate, et d’abandonner cette charge, autant que faire se peut, à la source d’où elle provient.

L’amendement que M. le ministre de la justice vient de déposer tend, par son dernier paragraphe, à donner à l’administration provinciale une espèce de caractère judiciaire. Il me semble que la constitution la rend peu propre à remplir ce devoir. Cette disposition mérite d’ailleurs un examen approfondi, et il me serait impossible de l’adopter aujourd’hui. J’ajouterai encore que le but qu’on s’est proposé, en demandant la révision de la loi, a été de simplifier les procédures administratives, qui sont quelquefois interminables. Je crois que la nouvelle disposition aura pour résultat de les compliquer.

J’en viens à l’amendement de l’honorable M. Deprey, reproduit sous une autre forme par l’honorable M. Devaux. Je pense que l’amendement aura une faible portée pour mettre obstacle aux abus fort graves dont nous a entretenus l’honorable député de Bruges. Comment l’administration d’une grande ville pourra-t-elle constater qu’un individu, habitant son territoire depuis quelque temps, est entretenu par une commune voisine ? Cela ne pourra se prouver que très-rarement, si l’individu, qui est allé habiter la ville pour y contracter domicile de secours, est d’accord avec la commune qui l’entretient.

MM. Devaux et Deprey déclarent renoncer à leurs amendements et se rallier à celui de M. le ministre de la justice.

Je crois pouvoir, malgré le retrait de l’amendement de M. Devaux, ajouter l’observation suivante. Il s’agit aussi d’une autre catégorie d’indigents qui vaguent de droite et de gauche, sans que la commune de leur domicile cherche à en imposer la charge à une autre.

Je crains que, pour ceux-là, ces dispositions ne permettent pas à leur administration, zélée et intelligente, dont le ressort n’est pas trop étendu pour être surveillé, d’empêcher qu’aucun indigent ne contracte domicile sur son territoire.

Ne serait-il pas possible que les administrations, en voyant arriver un indigent, lui donnent des secours, dont elles transmettraient l’état à l’administration supérieure pour remboursement de la part de la commune du domicile réel ? En renouvelant de temps en temps cette manœuvre, ne pourrait-on pas établir que l’indigent a reçu des secours d’une commune autre que celle du domicile ou séjour actuel, et mettre obstacle à ce qu’il contracte un nouveau domicile ?

J’adopterai purement et simplement la rédaction de la section centrale.

M. de Saegher – Messieurs, les mêmes motifs qui m’ont engagé hier à proposer mon amendement me portent à m’opposer à une partie de l’amendement de M. le ministre de la justice.

A cet égard, je dois commencer par répondre à ce qu’a dit hier l’honorable M. Devaux.

Je ne veux pas contester l’exactitude du tableau qu’il nous a fait, relativement à la ville de Bruges. Mais il est certain que ce qu’a dit l’honorable M. Devaux ne peut pas être attribué à une cause générale, mais doit tenir à des circonstances particulières. Je crois également que si un nombre de pauvres aussi considérable que celui qui a été indiqué par l’honorable M. Devaux, existe dans la ville de Bruges, il en est peu, parmi ce nombre, qui se trouvent dans cette localité par suite des manœuvres qui auraient été employées par les administrations communales. Quel est le véritable motif des émigrations qui se font des campagnes dans les villes ? Est-ce la misère ? non, messieurs Au moment où des familles entières se rendent dans des villes, ce n’est pas toujours la misère qui les y pousse. Les habitants de la campagne se rendent souvent dans les villes manufacturières, afin d’y trouver du travail ; ils apportent donc à ces villes le tribut de leur travail ; c’est donc au profit des villes qu’ils se rendent dans les villes ; et lorsque ces individus, après y avoir été établis quelques temps deviennent malades, lorsqu’ils sont affligés d’infirmités, sont-ce là, en principe d’équité, les villes ou les communes qui doivent les entretenir ?

Il me paraît qu’en principe d’équité, ce seraient les villes qui devraient entretenir les malades qui ont contracté leurs maladies, leurs infirmités, par suite des travaux auxquels ils se sont livrés dans ces villes mêmes. Je sais qu’il est impossible de poser des principes généraux à cet égard ; mais plus on étend le détail exigé pour acquérir le domicile de secours, plus on rend la condition des ouvriers et des communes défavorable, plus on s’éloigne des véritables principes d’équité. En effet, à quoi tend l’amendement de M. le ministre. Il tend à augmenter encore le délai pendant lequel ils seront venus habiter et où ils se sont rendus utiles. Un ouvrier se rend avec sa famille dans une ville manufacturière ; il y travaille pendant plusieurs années, pendant quatre ou cinq ans ; il devient infirme par suite du genre d’occupation auquel il s’est livré ; il a besoin d’être secouru pendant un an par la bienfaisance publique ; la cinquième année il reprend ses travaux ; il pourra obtenir droit aux secours publics de cette commune, non pas au bout de huit ans, mais seulement au bout de neuf ans.

Vous voyez que l’amendement tend encore à augmenter le délai proposé primitivement. M. le ministre dit que son amendement est fondé sur le principe : que l’on ne peut avoir droit à des secours que là ou l’on a supporté des charges. J’invoque ce même principe pour soutenir que le délai qu’on veut établir est trop long. Comment ! pendant sept années on a supporté le tribut de son travail et de son industrie, l’on y a vécu pendant huit années, et au bout de ce temps, on n’aurait pas le droit d’y obtenir des secours ! Pour peu qu’on ait eu le malheur d’être malade pendant un an dans le cours de ces huit années, on serait renvoyé dans une commune où l’on n’est plus connu !

Il m’est impossible d’admettre une semblable disposition. Pour quel motif augmente-t-on le délai ? C’est, dit-on, pour éviter la fraude. Si je ne me trompe, la dernière partie de l’amendement atteint ce but. Outre cet amendement, vous avez le délai de huit ans adopté dans la séance d’hier. Il me semble qu’il n’y a pas lieu d’augmenter encore ce délai.

Aujourd’hui, les ouvriers affluent vers les grandes villes, notamment vers les villes manufacturières ; ces villes sont les plus prospères relativement aux secours publics dont elles disposent ; ce sont ces villes qui ont reçu le plus de dotations, qui possèdent, proportion gardée avec le nombre des indigents qu’elles renferment, le plus de ressources.

Vous savez que la misère est au comble dans les communes rurales, surtout dans les communes des Flandres qui manquent de ressources pour venir au secours des indigents. Je connais des communes dont l’habitant le plus riche n’a pas 50,000 fr. de capital, où plusieurs habitants sont imposés à 150 fr. pour l’octroi, et qui ne peuvent pas cependant subvenir à l’entretien de leurs pauvres. Par la disposition adoptée hier, et l’addition proposée par M. le ministre, vous rendez pire encore la condition de ces communes déjà incapables de subvenir aux besoins de leurs habitants, par conséquent vous rendez plus misérable encore la condition des habitants indigents dans les communes rurales. D’après ces considérations, je me trouve forcé de voter contre l’amendement proposé par M. le ministre.

M. Devaux – Il me semble qu’on n’a pas bien saisi l’amendement de M. le ministre de la justice, dans plusieurs objections que viennent de faire MM. de Man et M. de Saegher. M. de Saegher a raisonné comme si le secours donné par une commune autre que celle de l’indigent est venu habiter, anéantissait l’effet des années de séjour antérieur. Ainsi, il pense que si au bout de cinq ou six ans d’habitation dans une commune nouvelle, un individu venait à recevoir un secours d’une autre commune, les cinq années antérieures d’habitation ne lui comptent plus. C’est une erreur, on décompte seulement l’année pendant laquelle les secours ont été rendus.

M. de Saegher – Ce qui fait neuf ans !

M. Devaux – Ce qui fait neuf ans, quand des secours ont été reçus.

M. de Man est tombé dans une autre erreur. Si je l’ai bien compris, il a supposé, ce qui ne me paraît pas praticable, que la commune ferait donner des secours pour empêcher un nouveau venu d’acquérir le domicile de secours dans son sein. Comme on ne décompte que le temps pendant lequel des secours ont été donnés, quel intérêt aurait cette commune à donner de l’argent pour prolonger le délai après lequel l’individu auquel elle le donnera devra tomber à sa charge, puisqu’elle ne prolongera ce délai que du temps pendant lequel elle l’aura entretenu ? Elle n’y gagnerait rien, elle n’aurait pas plus d’avantage qu’à exécuter la loi.

Le droit d’être secouru, entretenu par la cité est, il faut le dire, un droit extrême, un droit fort extraordinaire, qui n’existe que dans les communes et qui n’existe pas à l’égard de l’Etat. Dans l’Etat, vous reconnaissez au Belges des droits civils et politique, mais non le droit d’être secourus par la généralité. Le droit de vivre aux frais d’une commune est un droit extraordinaire qui doit être soumis à certaines conditions. Une commune ne doit supporter cette charge que pour les membres réels de la commune. La loi a bien le droit de déterminer à quelle condition s’acquiert cette qualité.

On devient membre de l’Etat par la naturalisation. Il s’agit ici d’une naturalisation communale. Quelle est la première condition qu’on exige de celui qui demande à être naturalité membre de l’Etat ? C’est qu’il ait des moyens d’existence. Vous ne vous chargez pas des pauvres d’un pays voisin. Pour les communes, il n’y a pas de naturalisation. Il est permis à un Belge de s’établir dans la localité de son choix et par le fait de sa volonté. Il finit par acquérir le droit de cité. Quand il ne s’agit pas seulement de conférer des droits civils et politiques mais de donner le droit de vivre à charge d’autrui, droit que ne confère pas la naturalisation que vous entourez de tant de précautions, la loi peut légitimement exiger qu’on ait habité, pendant un certain temps, la commune, sans être à sa charge, qu’on ait (page 39) été sinon un citoyen utile, di moins un citoyen non onéreux. On exige cela pendant un certain nombre d’années ; jusque-là, on a tous les autres droits civils et politiques, mais on n’a pas le droit extrême de vivre aux dépens de la cité, de s’imposer comme charge à ses nouveaux concitoyens, par son propre fait, par cela seul qu’on est venu s’établir parmi eux. Cette précaution est nécessaire ; comme le droit de s’établir dans la commune qu’on choisit est indéfini, il faut bien déterminer certaines conditions quand il s’agit de faire tomber des charges nouvelles sur la commune. C’est d’ailleurs ce qu’on a toujours voulu. La législation qu’on propose est bien plus onéreuse pour les communes vers lesquelles les pauvres se portent, que les anciennes législations. On exigeait autrefois que l’indigent eût été d’abord dans une situation d’aisance pour pouvoir tomber plus tard à charge de la nouvelle commune qu’il habitait ; on exigeait qu’il eût payé des contributions. On n’exige plus cela aujourd’hui : il aura seulement fallu se nourrir par son travail, n’avoir été à charge de personne. En exigeant autrefois qu’on eût payé une contribution, c’était exiger qu’on eût eu une certaine fortune. La précaution que nous demandons a pour unique but de prévenir les fraudes, d’empêcher qu’une commune ne puisse se décharger de ses pauvres au préjudice d’une autre Si on ne prend pas cette précaution bien faible, bien insuffisante, vous verrez le mal dont on se plaint s’étendre ; je ne vois pas pourquoi une commune s’arrêterait dans ces huit années de séjour qu’on exige ; il ne lui en coûte pas plus de donner des secours hors de la commune que dans la commune même. Ce que vous verrez, c’est que les moyens se perfectionneront. Les petites communes finiront par avoir dans les communes plus grandes des maisons où elles logeront leurs pauvres pour qu’ils finissent par tomber à charge de celles-ci, et on n’aura pas les moyens de les en empêcher. Dans d’autres pays aujourd’hui, on s’occupe de coloniser les campagnes, de faire refluer vers les champs les populations pauvres des villes ; chez nous, c’est le contraire qui a lieu :ce sont les campagnes qui établissent des colonies pauvres dans les villes ; je puis dire « colonies », car il est des saisons où, en une semaine, il en arrive une cinquantaine.

M. de Saegher – C’est exagéré.

M. Devaux – J’ai dit hier que je regrettais que le délai de la mise à l’ordre du jour eût été trop court pour pouvoir me procurer des chiffres exacts sur les lieux. Mais je puis assurer que le mouvement est réel. On dit que les pauvres viennent chercher de l’ouvrage dans les manufactures. Malheureusement, les villes qui se plaignent le plus ne sont pas des villes manufacturières. Cependant la ville de Gand se plaint aussi ; les fraudes sont signalées par la députation de la Flandre orientale. Les villes de Bruges, Furnes et Ypres, qui se plaignent le plus, ne sont pas des villes manufacturières.

Ce n’est pas pour trouver du travail dans les manufactures, ce n’est pas même toujours pour trouver d’autre travail que les pauvres arrivent à Bruges ; car il y a à Bruges beaucoup d’ouvriers sans travail ; il y a des ouvriers de trop. Je sais que les villes ont un attrait qui attirer naturellement les pauvres. Mais ce mouvement, nous ne devons pas le favoriser, dans l’intérêt de l’ordre public, de la morale publique, dans l’intérêt des pauvres même ; personne n’ignore qu’ils sont mieux à la campagne, et pour leur bien-être physique et surtout pour leur bien-être moral ; le contact des hommes désoeuvrés engendre dans les villes une foule de vices qui n’existent pas pour eux dans les campagnes. L’influence de l’exemple, la contagion des mauvaises aspirations font naître des habitudes qui n’existent pas dans les campagnes.

Puisque nous révisons une législation qui peut avoir une influence sur le mouvement des pauvres vers les villes, c’est plutôt le mouvement contraire que nous devons favoriser. Nous devons empêcher que notre législation n’augmente, ne renforce le mouvement actuel, en augmentant les fraudes qui ont été signalées.

Ce que propose M. le ministre de la justice, je l’ai déclaré hier en parlant de mon propre amendement, je le regarde comme insuffisant ; mais c’est un frein moral ; c’est un moyen d’action, c’est un éveil donné aux autorités, c’est prouver à ceux qui veulent user de fraudes qu’on a l’œil sur ce qui se passe.

Comme tel, j’adopte l’amendement.

M. Verhaegen – L’amendement en discussion fait une exception pour les militaires en activité de service, les détenus, etc. J’admets volontiers cette exception. Mais je désirerais savoir de M. le ministre de la justice si elle comprend les compagnies sédentaires. Il y a à Vilvorde et à Alost de ces compagnies qui sont attachées aux maisons de réclusion. Je crois que l’exception leur est applicable. Mais pour qu’il n’y eût pas de doute, je voudrais que M. le ministre de la justice s’en expliquât.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Il me paraît évident que l’exception s’applique à la catégorie des personnes dont vient de parler l’honorable M. Verhaegen ; en effet, les compagnies sédentaires font le service de la prison et de la ville ; les militaires qui en font partie sont en activité de service comme tous les militaires qui ne sont pas en congé.

M. Verhaegen – Cela me suffit.

M. Mast de Vries– Je demanderai à M. le ministre de la justice ce qu’il entend par maison de santé. A Gheel les aliénés sont dans des fermes ; la disposition ne devrait-elle pas être étendue à ces fermes, quoique ce ne soient pas des maisons de santé ?

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – L’expression « maisons de santé » s’applique à Gheel. Les maisons des personnes qui reçoivent des aliénés pour les soigner doivent être considérées comme des maisons de santé, dans le sens de la loi. Le § 3 confirme cette opinion ; car les aliénés qui sont à Gheel sont évidemment secourus par la charité publique.

- L’amendement de M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté

L’ensemble de l’article 3 est adopté, avec cet amendement.

Articles 4 et 5

« Art. 4. Le domicile de secours, acquis par une habitation de huit années consécutives, est remplacé par le domicile de secours acquis de la même manière dans une autre commune. » - Adopté.


« Art. 5. Celui qui rentre en Belgique après avoir habité à l’étranger reprend le domicile de secours qu’il avait au moment de son départ, s’il n’a point perdu ou s’il retrouve la qualité de Belge. » - Adopté.

Article 6

« Art. 6. La femme mariée a pour domicile de secours celui de son mari.

« Les enfants ont pour domicile de secours, pendant leur minorité, celui de leur père ou de leur mère, selon les distinctions établies par l’art. 11 ci-après.

« La veuve conserve, pour elle et pour ses enfants mineurs, le domicile de secours qu’avait son mari ; néanmoins, après le décès de celui-ci, elle acquiert par un second mariage, ou peut acquérir conformément aux articles 3 et 4, un nouveau domicile de secours, tant pour elle que pour ses enfants mineurs.

« La femme divorcée ou séparée de corps, et celle dont le mari est absent, peuvent aussi à dater du divorce, de la séparation de corps ou de l’absence, acquérir un nouveau domicile de secours pour elle et pour leurs enfants mineurs. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – J’ai deux amendements à présenter à cet article.

D’après le § 2 de cet article et l’art. 11 le sort des orphelins ne se trouve pas réglé ; en effet, le § 2 porte :

« Les enfants ont pour domicile de secours, pendant leur minorité, celui de leur père ou de leur mère, selon les distinctions établies par l’art. 11 ci-après. »

Ainsi, l’enfant mineur qui aurait perdu ses père et mère, ou dont les père et mère seraient absents, n’aurait plus de domicile de secours ; ou du moins on ne saurait plus quel domicile de secours lui assigner. Je pense qu’il faut laisser aux orphelins le même domicile de secours qu’avaient leurs parents au moment de leur décès, ou de leur disparition. L’union de la famille exige qu’il en soit ainsi pendant la minorité. Il ne faut pas qu’un mineur soit entretenu par une commune, un autre par une autre commune, un troisième par un autre commune ; il ne faut pas qu’on dissémine ainsi la famille. Jusqu’au moment où les enfants acquièrent, par la majorité un nouveau domicile, il est important que le domicile des parents soit maintenu dans l’intérêt de l’unité de la famille. Je pense donc que l’on doit rédiger ainsi le § 2.

« Les enfants ont pour domicile de secours, pendant leur minorité, celui de leur père ou de leur mère, ou le dernier domicile de ceux-ci, en cas de décès ou d’absence, selon les distinctions établies par l’art. 11 ci-après. »

Au quatrième paragraphe, j’aurais aussi un amendement à proposer. Ce paragraphe porte :

« La femme divorcée ou séparée de corps, et celle dont le mari est absent peuvent aussi à dater du divorce, de la séparation de corps ou de l’absence, acquérir un nouveau domicile de secours pour elles et pour leurs enfants mineurs. »

Avant de parler du domicile que peut acquérir la femme divorcée, il faut indiquer celui qu’elle conserve. Autrement se présenterait la question de savoir si la femme ne reprend pas le domicile qu’elle avait avant son mariage. Je crois donc qu’il faudrait rédiger ainsi le paragraphe :

« La femme divorcée ou séparée de corps et celle dont le mari est absent conserveront le domicile de secours qu’avait le mari ; elles peuvent aussi (le reste comme au projet). »

Il est bien entendu qu’il s’agit des enfants mineurs qui seraient confiés à la femme divorcée car si les enfants étaient confiés au mari, ils conserveraient le domicile de leur père.

M. Malou – Il me semble que dans le premier des amendements dont il vient d’être donné lecture, on confond encore le domicile ordinaire avec le domicile de secours. Je me rallie au fond à l’amendement de M. le ministre de la justice. Mais je pense qu’il faudrait ajouter après les mots : « dernier domicile », ceux : « de secours ». De cette manière toute équivoque disparaîtrait.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je me rallie à ce sous-amendement.

- L’amendement proposé par M. le ministre de la justice au § 2 est adopté avec le sous-amendement de M. Malou.

L’amendement de M. le ministre de la justice au § 4 est aussi adopté.

L’ensemble de l’art. 6 est adopté.

Article 7

« Art. 7. Le domicile de secours d’un enfant devenu majeur est déterminé conformément à l’article premier. »

« Il en est de même lorsqu’un mineur est devenu orphelin. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Le domicile de secours acquis pendant la minorité est conservé jusqu’au jour où l’enfant, devenu majeur, en aura acquis un autre par lui-même. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je ne puis me rallier à l’amendement de la section centrale, et j’en propose un autre pour concilier, autant que possible, le principe établi dans l’article 7 qui n’est, au reste, que la reproduction du principe consacré dans l’art. 1er, avec les dispositions formulées par la section centrale, dont je reconnais l’utilité, mais qui doivent être modifiées.

La section centrale propose de substituer à l’art. 7, d’après lequel le domicile de secours d’un enfant devenu majeur pouvait être déterminé conformément (page 40) à l’art. 1er, c’est-à-dire d’après lequel le mineur, devenu majeur, avait pour domicile le lieu de naissance, un principe tout contraire, et d’établir que le domicile de secours acquis pendant la minorité, est conservé jusqu'au jour ou l’enfant, devenu majeur, en aura acquis un autre par lui-même.

Ce principe, messieurs, viendrait renverser toute l’économie de la loi. Car il en résulterait que le domicile de secours de tout majeur serait non pas le lieu de naissance, mais le domicile de secours de ses parents. Le projet de la section centrale pose, en effet, comme règle générale que le domicile du mineur devenu majeur est celui qu’avaient ses parents pendant sa minorité. Il est donc évident que toujours, lorsqu’on s’adressera à une commune, celle-ci demandera à l’individu qui vient réclamer des secours : Où était le domicile de vos parents au moment de votre majorité ? C’est alors que votre domicile de secours a été définitivement fixé, c’est alors qu’a été établie la commune qui devait vous secourir. Il ne s’agit pas de remonter à l’art. 1er, mais il s’agit uniquement de s’arrêter aux dispositions de l’art. 7, dirait la commune à laquelle on s’adresserait. Les dispositions de l’art. 7, telles que l’entend la section centrale, n’établissent pas une exception à l’art. 1er, mais créent un principe général en opposition avec cet article. Car, d’après ce principe, tout majeur aura pour domicile de secours celui qu’avaient eu ses parents pendant sa minorité, et non pas le domicile de secours de naissance.

L’art. 1er deviendrait donc sans application possible. Ce serait toujours à l’ancien domicile des parents qu’il faudrait recourir.

Il me paraît donc qu’après avoir adopté les dispositions de l’art. 1er, il y aurait contradiction à adopter le principe formulé par la section centrale dans son art. 7.

La section centrale a été préoccupée de certains inconvénients dont je dois convenir et qu’entraînerait la disposition isolée de l’art. 7. Elle a posé notamment le cas où un individu aurait habité pendant vingt-sept ans une commune et n’y aurait pas encore acquis son domicile de secours.

J’ai pensé, messieurs, qu’il y avait moyen de parer à ces inconvénients en exigeant, pour que le domicile de secours des parents soit conservé par le mineur, que les parents aient, depuis la naissance de l’enfant, habité pendant huit années une commune avec cet enfant. De cette manière, l’inconvénient signalé par la section centrale ne pourra plus se reproduire, et, d’un autre côté, la règle général subsistera.

Cette disposition, ainsi rédigée, mettra l’art. 7 en parfaite concordance avec les art. 1er et 3 ; ce sera l’application du même principe qui se retrouvera dans l’un et l’autre article.

Voici la rédaction qu je propose :

« Art. 7. Le domicile de secours du mineur émancipé ou devenu majeur est déterminé conformément à l’art. 1er, à moins que ses parents n’aient, pendant sa minorité, acquis un domicile de secours, conformément à l’art. 3, auquel cas ce domicile lui sera conservé jusqu’au jour où il en aura acquis un autre par lui-même. »

Je crois que de cette manière nous restons fidèle au principe que nous avons déjà posé en maintenant en première ligne le domicile de naissance, et en seconde ligne le domicile des parents, mais en exigeant une habitation réelle de ceux-ci pendant huit années depuis la naissance de leur enfant ; de manière à empêcher les inconvénients qui pourraient se produire si ce temps d’habitation n’était pas exigé et dont voici un exemple.

Des parents, par exemple, auraient eu leur domicile de secours à Bruxelles et auraient habité la ville de Louvain. L’enfant serait né à Louvain, et après sa naissance, les parents auraient été successivement, sans y rester huit ans, dans différentes communes autres que Bruxelles et Louvain. Il en résulterait qu’à l’âge de 21 ans, le majeur aurait pour domicile de secours la ville de Bruxelles, où ses parents, au moment de sa majorité, avaient encore leur domicile de secours et que lui n’aurait jamais habitée.

(M. Vilain XIIII remplace M. Liedts au fauteuil de la présidence.)

M. Thyrion, rapporteur – Messieurs, l’amendement proposé par M. le ministre de la justice, me paraît atteindre le but que se proposait la section centrale.

La section centrale voulait que l’enfant, devenu majeur, conservât le domicile que ses parents avaient au moment de sa majorité. Elle le voulait ainsi, parce que le système contraire entraînait de singuliers inconvénients.

La rédaction de M. le Ministre, je le reconnais, est plus claire et plus précise que celle de la section centrale. En, conséquence, j’y adhère complètement.

- La rédaction nouvelle, proposée par M. le ministre de la justice, est mise aux voix et adoptée.

Article 8

« Art. 8. L’étranger, admis à établir son domicile en Belgique, acquiert domicile de secours pour lui et pour ses enfants mineurs, conformément aux articles 3 et 4 de la présente loi. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je dois proposer à cet article une addition. Il porte :

« L’étranger admis à établir son domicile en Belgique acquiert domicile de secours, pour lui et pour ses enfants mineurs, conformément aux art. 3 et 4 de la présente loi. »

Je pense qu’il faut dire : « pour lui, pour sa femme et pour ses enfants mineurs. »

Il me paraît, en effet, impossible que lorsqu’un étranger a été admis à établir son domicile en Belgique et lorsqu’on lui reconnaît, par l’effet de l’autorisation qu’il a obtenue, un domicile de secours pour lui et pour ses enfants mineurs, on ne reconnaisse pas le même domicile de secours pour sa femme.

- L’art. 8, modifiée comme le propose M. le ministre, est adopté.

Articles 9 et 10

« Art. 9. L’individu, né d’un Belge à l’étranger, a pour domicile de secours, selon les distinctions établies par l’art. 11 ci-après, la commune qu’habitait son père ou sa mère au moment de leur départ.

« Si le lieu d’habitation, soit du père, soit de la mère, ne peut être découvert, l’individu a pour domicile de secours le lieu de la naissance de son père ou de sa mère, d’après les mêmes distinctions.


« Art. 10. L’individu, né en Belgique, d’un étranger, a pour domicile de secours, jusqu’à l’époque de son option de patrie, la commune sur le territoire de laquelle habitait, au moment de la naissance, son père ou sa mère, selon les distinctions établies par l’article suivant, et sauf l’application, le cas échéant, de l’art. 8.

« Si le père ou la mère n’habitait point la Belgique, ou si le lieu de leur habitation ne peut être découvert, la commune sur le territoire de laquelle l’individu est né, est son domicile de secours. »

- Ces deux articles sont adoptés.

Article 11

« Art. 11 Dans les cas prévus par le § 2 de l’art. 1er, par le § 2 de l’art. 6 et par les articles 9 et 10, l’individu, s’il est enfant légitime, suit la condition de son père, et après le décès de son père, il suit la condition de la mère ;

« Dans tout autre cas, il suit la condition de sa mère. »

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – J’ai à proposer à ces articles deux additions pour réparer un oubli qui a été commis lors de la première rédaction du projet.

« Le premier paragraphe porte :

« Dans les cas prévus par le deuxième paragraphe de l’art. 1er, par le deuxième paragraphe de l’art. 6 et par les articles 9 et 10, l’individu, s’il est enfant légitime, suit la condition de son père, et après le décès de son père, il suit la condition de la mère. »

Il faut ajouter après le décès : « ou l’absence du père. »

Au paragraphe suivant, il faudra de même dire : « Après le décès ou en cas d’absence du père. »

- L’article ainsi modifié est adopté.

Article 12

« Art. 12. Tout indigent, en cas de nécessité, sera secouru provisoirement dans la commune où il se trouve, et s’il est malade, il sera placé dans l’hospice le plus voisin. »

M. Mast de Vries – Messieurs, cette disposition est extrêmement grave ; elle a déjà existé sous l’empire, et elle a donné lieu aux abus les plus révoltants ; on a vu des communes conduire des malades devant la porte de l’hôpital voisin et les y abandonner. Que fera une petite commune où il y a, par exemple, un hôpital de 20 lits, un hôpital trop exigu, même pour les besoins de la localité, que fera cette ville lorsqu’elle devra encore recevoir à son hôpital les malades de toutes les communes environnantes, alors que, dans un rayon de 3 ou 4 lieues, il n’existera pas un seul hospice, ainsi que cela arrive fréquemment ? Les communes conduiront leurs malades dans cette ville où l’on ne saura qu’en faire, et les malades, comme la chose s’est vue souvent sous l’empire, devront être transportés ainsi d’une commune à une autre et leur vie sera souvent compromise. Il me semble qu’il faudrait exiger qu’avant de transporter un malade dans une ville où il y a un hôpital, on s’assurât que le malade peut être reçu, qu’il y a un lit disponible.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Messieurs, je ne conçois pas trop comment il serait possible de rédiger autrement l’art. 12. L’art. 12 prescrit un mesure toute d’humanité ; il est impossible que lorsqu’un individu se trouve dans une commune et que sa position exige des soins, des secours, il est impossible que la commune ne soit pas obligée de les lui donner. Si l’état de l’indigent exige qu’il soit placé dans un hôpital et si la commune où il se trouve n’en a point, il paraît convenable de dire qu’il doit être conduit à l’hôpital le plus voisin. La commune qui sera chargée d’exécuter cette disposition de la loi, n’ira pas jeter en quelque sorte le malade à la porte d’un hôpital voisin ; elle devra s’assurer d’avance s’il est possible que ce malade soit reçu et s’il ne peut être reçu, la commune devra le faire soigner chez elle.

Il en serait de même s’il arrivait qu’il n’y eût pas un hospice plus ou moins à proximité de la commune où le malade se trouve ; certainement, on ne peut pas exiger que le malade soit transporté à 8 ou 10 lieues, ou même à une plus grande distance. La disposition ne pourra pas être interprétée ainsi ; interprétée sainement, elle ne présente pas d’inconvénients, et consacre un principe tout dans l’intérêt de l’humanité.

M. Mast de Vries – Si la disposition est adoptée, les abus que j’ai signalés se reproduiront infailliblement ; dans les hôpitaux de la plupart des villes il n’y a point de place pour les malades qui viendraient de la campagne et alors que deviendraient ces malades ? Je conçois que la position est difficile, mais je crois que la commune où se trouvera le malade doit le garder chez elle jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un hôpital où il puisse être reçu. Je voudrais que M. le ministre modifiât la disposition dans ce sens car il faut éviter que les malades soient renvoyés d’une commune à une autre, au grand péril de leurs jours.

M. Malou – Messieurs, il me semble que dans l’art. 12 il y a deux choses : un principe d’humanité et une application spéciale de ce principe. Je demande maintenant s’il ne suffirait pas de consacrer le principe d’humanité en laissant en dehors de la loi les divers cas d’application de (page 41) ce principe. Je me bornerais donc à dire : « Tout indigent, en cas de nécessité, sera secouru provisoirement dans la commune où il se trouve. » Je supprimerais le reste de l’article.

Je crois, messieurs, que l’objection de M. Mast de Vries est très-sérieuse ; il n’existe guère d’hôpitaux que dans les villes, et si vous dites dans la loi, d’une manière absolue, que l’indigent malade sera placé dans l’hospice le plus voisin, il est évident que tous les malades des communes rurales reflueront vers les hôpitaux des villes, où l’on serait dans l’impossibilité de les recevoir. Je crois, messieurs, que ce principe, l’eussions-nous décrété, ne recevrait pas d’application. Laissons donc en dehors de la loi ce cas d’application, et bornons-nous à dire que l’indigent sera secouru provisoirement par la commune où il se trouve.

M. Mast de Vries – Je me rallie à la proposition de M. Malou.

M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) – Je me rallie aussi, messieurs, à la suppression proposée par M. Malou, et je proposerai en outre de remplacer les mots : « dans la commune, » par ceux de : « par la commune, », afin de mieux indiquer l’obligation de la commune où se trouvera l’indigent.

- L’amendement de M. le ministre de la justice est mis aux voix et adopté.

Le retranchement proposé par M. Malou est également adopté.

L’article 12 est ensuite adopté avec ces changements.


La séance est levée à 4 ½ heures.