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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 11 juin 1844

(Moniteur belge n°164, du 12 juin 1844)

(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et un quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La rédaction est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse rend compte de la pétition suivante.

« Le sieur Isidore-Joseph Cerisier, brigadier des douanes à Vlamertinghe, né à Bousies (France), demande la naturalisation ordinaire, avec exemption du droit. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Ordre des travaux de la chambre

M. Savart-Martel. - Messieurs, d’après ce qui nous a été dit hier, je crois que la session touche à sa fin, quoique je ne comprenne pas la nécessite absolue de cesser nos travaux à cause de la réunion des conseils provinciaux.

Je vois avec peine que l’intérêt du jury d’examen soit la seule chose qui semble nous préoccuper.

Si, à mon grand regret, on ne peut discuter cette année l’organisation de l’armée, qui ne vit depuis deux ans que de crédits provisoires, il me semble au moins que plusieurs projets de loi, qui nous sont soumis, et dont l’instruction est achevée, ne devraient plus être ajournés ; tels entre autres que l’interprétation de l’art. 442 du code de commerce, qui tient en suspens de nombreux intérêts, se trouvant ainsi sous le poids d’une espèce de déni de justice.

L’interprétation de l’art. 812 du code civil qui ne peut guère occuper la chambre que quelques instants.

Les innovations proposées au code pénal, titre II, section 4, Attentat aux mœurs ; innovations devenues urgentes, surtout depuis l’interprétation législative donnée à l’art. 34.

J’ajouterai la loi instruite depuis longtemps, et souvent mise inutilement à l’ordre du jour, sur les traitements de l’ordre judiciaire.

Rappelons-nous que la plupart de nos juges de paix ne reçoivent pas même la rémunération d’un simple commis. Ne laissons pas croire que l’ordre judiciaire ne mériterait aucun intérêt, que c’est le dernier de nos soucis, que le trésor a des fonds pour tous les besoins passés, présents et futurs, sauf pour la justice. Qu’on en finisse en acceptant ou rejetant la loi, de manière à ne point compromettre la couronne, qui depuis plusieurs années a recommandé cet objet à la sollicitude de la chambre.

La session prochaine sera de courte durée, car la moitié de la représentation nationale devant être renouvelée en 1845, le ministère nous congédiera d’autant plus volontiers, que, préoccupe de cette circonstance, il aura besoin de son temps ; bien que, suivant moi, les élections soient de ces choses auxquelles le ministère devrait rester indifférent pour laisser pleine liberté aux opinions du pays.

Puisque j’ai la parole, je crois devoir prévenir le ministère que s’il ne croit pas devoir proposer à la chambre une loi sur la contrainte par corps en matière civile et commerciale, j’userai moi-même de l’initiative dès l’ouverture de la prochaine session, dans le sens de l’opinion que j’ai déjà émise, savoir :

1° Que dans plusieurs cas, la contrainte par corps ne devrait être qu’une faculté accordée aux juges appréciant les circonstances, et non pas une obligation ;

2° Que les juges devraient être autorisés à prononcer la contrainte dans les cas de dol ou de fraude, même pour affaires civiles ;

3° Que la contrainte par corps n’étant point une peine, mais un simple moyen d’exécution, elle devrait cesser quand il y a certitude qu’elle ne peut plus atteindre son but.

Il serait ainsi satisfait à ce qu’exigent la justice et l’humanité.

M. de Garcia. - Les lois qui ont été indiquées par l’honorable M. Savart sont réellement urgentes ; mais j’avoue qu’en l’absence de M. le ministre de la justice on ne peut pas faire droit à la proposition de l’honorable membre, car M. le ministre doit nous dire s’il est prêt à défendre ce projet. La loi interprétative de l’art. 442 du code de commerce est surtout de la dernière urgence. Depuis 10 ans les faillites restent en suspens : on ne pourrait pas citer une seule faillite qui ait pu sortir ses effets depuis 10 ans. C’est un véritable déni de justice.

M. le président - On pourrait attendre l’arrivée de M. le ministre de la justice.

M. Savart-Martel. - M. le ministre la justice lira le Moniteur, et il pourra nous faire sa réponse demain. (C’est cela.)

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Second vote des articles

Article additionnel

M. le président. - La discussion continue sur l’article additionnel proposé par la commission d’enquête, et sur la motion d’ajournement faite par M. de Theux.

M. d’Elhoungne. - Messieurs, j’avais demandé la parole hier pour combattre la proposition de l’honorable comte de Theux.

Cet honorable membre a proposé de disjoindre de la discussion du projet actuel celle de l’article additionnel proposé par votre commission d’enquête, et d’ajourner cette dernière discussion.

Cette proposition ne me paraît admissible sous aucun rapport.

L’honorable M. de Theux a perdu de vue ce qui s’est passé dans la séance du 21 mai. Vous vous rappelez, messieurs, que M. de Haerne a développé, dans cette séance, un amendement qui consacrait un nouveau système de droits différentiels, ayant pour base le fait de l’exportation, et que déjà l’honorable M. Eloy de Burdinne avait auparavant présenté un amendement reposant sur le même principe. Ces deux amendements ont été développés et appuyés ; ils devaient faire partie de la discussion. Seulement la chambre, pour s’éclairer sur la portée des amendements, a soumis à la commission d’enquête une question de principe qui résumait les deux systèmes nouveaux.

Cette question est celle de savoir s’il convient de subordonner au fait de l’exportation la jouissance des droits différentiels. La commission a fait son rapport, elle a examiné la question du principe dont elle a été saisie, elle s’est occupée aussi de l’examen des systèmes présentés par les honorables MM. de Haerne et Eloy de Burdinne. Dès lors, vous n’avez pas seulement à discuter les propositions qui vous sont faites par la commission d’enquête, vous avez encore à examiner d’abord la question de principe que vous avez soumise à la commission ; ensuite les amendements des honorables MM. de Haerne et Eloy de Burdinne.

Ainsi, messieurs, vous ne pourriez prononcer la disjonction sans commettre une inconséquence palpable. Disjoindre, ce serait déclarer que les deux amendements n’ont aucune connexité avec le système des droits différentiels que vous allez voter ; ce serait déclarer un droit acquis aux honorables auteurs de ces amendements et aux membres de la chambre qui sont partisans de leur proposition. Evidemment, ces honorables membres ont eu le droit de présenter leurs amendements, ces amendements ayant été appuyés, ils doivent nécessairement être discutés.

Quelles sont, messieurs, les objections qu’on vous a faites hier ?

On a dit que les conclusions nouvelles de la commission d’enquête soulevaient cette grave, cette irritante question des primes d’exportation. Mais, dans l’opinion des partisans des droits différentiels, ces droits constituent une véritable prime d’exportation.

Sur quelle question a roulé en effet la longue discussion à laquelle nous nous sommes livrés ? Sur la question de savoir si les droits différentiels constituent ou ne constituent pas un moyen de favoriser les exportations. Si donc, les conclusions de la commission d’enquête soulèvent la question des primes d’exportation, ce ne serait pas une raison d’en ajourner l’examen ; cette question se confondant avec le principe même du projet de loi en discussion.

Mais je ferai remarquer, messieurs, que le rapport de la commission d’enquête soulève une tout autre question, et recèle une pensée bien plus féconde et plus haute.

En effet, la commission proposant de créer un fonds qui peut s’élever à un demi-million, demande qu’on en emploie la majeure partie à subsidier des compagnies de commerce qui établiraient des comptoirs dans les pays transatlantiques et dans le Levant.

C’est là une question vierge en quelque sorte, parfaitement indépendante de la création de primes d’exportation ; c’est là une pensée bien plus étendue, plus élevée. J’y vois le germe d’une institution qui manque à notre pays, à notre commerce et à notre industrie, d’une institution qui doit devenir en quelque sorte la clef de voûte du système des droits différentiels. J’entends parler de l’établissement d’une société de commerce qui, attirant à elle les capitaux pour les lancer dans la voie des expéditions lointaines, soit organisée de manière à venir au secours de nos industriels, qui ne peuvent, pas plus que les industriels de l’Angleterre, être à la fois des industriels et des exportateurs.

Il y a donc, je le répète, dans les propositions de la commission d’enquête bien autre chose que ce qu’y ont vu les honorables MM.de Theux et Dumortier ; il y a la des questions qui se lient de la manière la plus intime au système des droits différentiels ; prononcer la disjonction, ce serait une véritable dérision ; ce serait presque se jouer des honorables membres qui ont fait les propositions renvoyées par la chambre à la commission d’enquête et renvoyées, sans aucun doute, à cette commission, pour devenir l’objet d’une discussion d’autant plus sérieuse.

Je pense, messieurs, avoir prouvé que, sous aucun rapport, la motion de disjonction et d’ajournement faite par l’honorable M. de Theux, ne peut être accueillie.

M. de Garcia. - Messieurs, dans le premier comité général, j’avais adressé des interpellations au gouvernement pour savoir s’il entrait dans ses vues de se mettre dans les mêmes conditions que les pays qui ont établi le système des droits différentiels. J’avais demande si le gouvernement avait l’intention d’acquérir des colonies et d’établir une société de commerce, Le gouvernement a répondu que pour le présent, il ne pouvait pas s’expliquer sur ce point ; qu’il ferait de ces questions l’objet de méditations ultérieures. En admettant le principe des droits différentiels, je craignais d’engager le pays dans des opérations qui coûteraient beaucoup plus qu’elles ne rapporteraient ; je craignais que l’établissement des droits différentiels n’entraînât le pays dans des acquisitions onéreuses ; je craignais encore qu’on n’établît des primes d’exportation : c’est ce qu’on demande aujourd’hui. Mes prévisions se sont donc réalisées en partie, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, non content des droits différentiels, on demande des primes d’exportation : l’on va plus loin, et les propositions de la commission d’enquête, telles qu’elles sont formulées dans son dernier rapport, ne se résument pas dans les primes d’exportation, mais au fond concluent encore à toutes les autres institutions onéreuses que je prévoyais, sauf l’idée de possession de colonies.

Eh bien, aujourd’hui l’on nous demande des primes, l’on nous demande implicitement une société de commerce, des comptoirs sur les places lointaines et bientôt, sans doute, on nous demandera d’acquérir des colonies. Je conçois que toutes ces questions méritent la plus grande attention, mais pour le moment elles ne sont pas instruites ; je ne veux pas dès lors m’engager sur cette grave matière, et j’appuie la proposition d’ajournement faite par l’honorable M. de Theux.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, le but que nous cherchons à atteindre, c’est l’exportation des produits du sol et des produits de notre industrie.

Je vous avoue que si dans les droits différentiels, on n’adopte pas des dispositions propres à nous débarrasser de notre trop plein, je me verrai forcer de voter contre la loi. Sans doute des droits différentiels doivent être établis de telle manière qu’ils favorisent toutes les industries du pays ; d’abord la navigation pour autant que ce soient des navigateurs belges qui en profitent ; mais quand ce sont des navigateurs étrangers, je ne vois pas que nous devions leur accorder la protection, si ce n’est dans le cas où ils exportent nos produits. Qu’est-ce que l’introduction des produits étrangers ? Celui qui s’en occupe traite des intérêts étrangers.

Ce sont les intérêts belges qui doivent nous diriger dans une loi de droits différentiels. Or, cherchons par tous les moyens possibles à faire exporter les produits de notre sol et de notre industrie ; c’est le seul moyen de rendre la Belgique riche et dans le cas de pouvoir soutenir la dépense que nécessitent les différentes entreprises que nous avons faites.

Messieurs, je conçois, et je suis d’accord avec l’honorable M. de Garcia, que les primes sont dangereuses, qu’entrer dans ce système, c’est s’exposer à voir réclamer par tout ce qu’il y a d’industriels en Belgique. Mais je crois que nous avons manqué notre but ; dans notre loi de droits différentiels, nous avons été dans le cas de frapper les produits étrangers trop faiblement.

Nous aurions dû les frapper à un taux bien plus élevé ; en un mot, suivre l’exemple de nos voisins, les frapper d’un droit double ; nous aurions pu le réduire de moitié en faveur de notre navigation et de la navigation étrangère quand, après avoir importé, elle exporterait les produits du sol et de l’industrie. Je regrette beaucoup que nous ayons passé deux mois à faire une loi qui ne produira aucun effet avantageux pour le pays. Nous avons usé notre temps et fait peu de choses pour le pays, tandis que nous avions le moyen de faire convenablement les choses en élevant nos droits à la hauteur des tarifs étrangers, et en les modérant en faveur de ceux qui exporteraient.

Je le regrette, mais je crois que je serai forcé de voter contre la loi des droits différentiels.

M. de Haerne. - Je crois n’avoir pas besoin de vous dire que j’aurais préféré que ma proposition fût accueillie par la commission d’enquête telle que j’avais eu l’honneur de la présenter, je veux parler de la deuxième partie de ma proposition qui seule a été renvoyée à l’examen de la commission d’enquête et qui se rapportait à l’exportation. Il y était stipulé que l’armateur ou le capitaine de navire, pour jouir du bénéfice des droits différentiels, eût eu à rester en charge pendant un mois à fret réduit à la disposition du commerce belge. Mais voyant qu’une autre opinion avait surgi au sein de la commission d’enquête et qu’elle était à peu près généralement partagée par tous les membres, j’ai dû m’y rallier.

Cependant si je voyais que l’opinion de la commission d’enquête dût être définitivement écartée sans espoir de jamais y revenir, et que d’un autre côte, je visse que ma proposition aurait plus de chance de succès dans la chambre, j’y reviendrais ; je crois que j’en aurais le droit. Voilà pourquoi je me suis rallié à la proposition de la commission d’enquête, tout en donnant la préférence à ma proposition primitive.

On vous a dit hier et répété aujourd’hui que le système de la commission d’enquête ne pouvait pas être adopté, à cause des dangers que présentait tout système de primes, qu’on allait réorganiser les sociétés de commerce, que vous ne pouviez pas prévoir où tout cela vous conduira. Je crois qu’on s’exagère la portée de la proposition et des conséquences qu’elle renferme. Je considère le système propose par la commission d’enquête comme le corollaire nécessaire de la loi des droits différentiels telle qu’elle a été votée par la chambre, puisque cette loi, comme j’ai eu l’honneur de le dire, n’atteindrait pas sans cela le but qu’on s’est proposé et qui a été indiqué dès le commencement de la discussion : l’exportation des produits de notre industrie.

Je crois qu’en voyant la défectuosité de la loi sous ce rapport, nous ne pouvons pas nous dispenser d’accorder des encouragements pour les exportations. Le système qu’on vous propose n’est pas, à proprement parler, un système de primes, on s’est trompé quand on lui a donné cette qualification, c’est un système d’encouragement.

Je vous prie de voir les observations qui se trouvent dans l’exposé des motifs : les encouragements peuvent être des primes dans certains cas, mais ce ne sont pas toujours des primes ; par conséquent, on ne peut pas dire que ce soit un système de primes.

Je puis ajouter que le système formulé par la commission existait déjà dans le pays. Il y a un libellé du budget qui accorde des primes d’encouragement pour l’industrie. Plusieurs ont été faites même avec succès. Plusieurs exportations ont été faites sous la condition d’encouragements accordés par le gouvernement. Ces encouragements ont été obtenus quand l’expédition n’avait pas répondu à l’attente des expéditeurs ; et ils n’étaient pas accordés quand l’expédition avait réussi. Cela est arrivé pour des expéditions faites dans le Levant et dans les contrées transatlantiques qui ont répondu à l’attente de ceux qui les ont faites. Voilà le système que nous voudrions établir. C’est ainsi que nous voudrions encourager les spéculations des particuliers et de certaines sociétés.

L’honorable M. de Garcia vient de dire qu’il a peur de voir l’érection d’une société de commerce. Il ne s’agit pas d’une société fondée par le gouvernement, mais d’une compagnie libre, qui serait subsidiée comme pourraient l’être les particuliers. Plusieurs sociétés pourraient se fonder de cette manière. Une société pouvant produire plus de bien au pays que de simples particuliers, à cause de la plus grande quantité de capitaux dont elle dispose, aurait plus de droit qu’un particulier à l’obtention des encouragements. On pourrait accorder des encouragements à des particuliers ou à une société ou à plusieurs compagnies. On ne doit pas tant s’effrayer du montant des encouragements à accorder, ce n’est pas une somme si exorbitante qu’on propose d’allouer pour cet objet. Vous voyez qu’on se crée des chimères, et que c’est à tort qu’on s’alarme.

D’ailleurs, ce système existe déjà, la commission d’enquête ne fait que lui donner plus d’extension. Ce système existe dans les droits différentiels, Qu’est-ce que la loi des droits différentiels, si ce n’est un vaste système de primes ? N’avons-nous pas des primes pour le halage du canal de Charleroy ? Le système des primes repose sur la communauté d’intérêts, cette communauté d’intérêts qui existe dans la société pour toutes choses, doit exister dans l’industrie.

Les industries prospères doivent venir au secours de celles qui sont en souffrance. Nous ne devons pas nous épouvanter de ce mot primes. Le système de primes directes existe en Angleterre, en France, dans des pays éminemment industriels ; il existe surtout sur une grande échelle en Angleterre ; il est vrai qu’on les y appelle drawback.

On croit généralement que ce n’est qu’une remise de droit. Mais je vous prie de faire attention que ce n’est pas seulement un drawback proprement dit, qu’il y a des primes réelles. Mais les auteurs anglais déguisent la véritable prime sous la dénomination de drawback. Mais c’est une prime réelle. Je prie les honorables membres de consulter le London Commercial Dictionnary qui est à la bibliothèque, ils y trouveront la définition du mot Drawback, d’après les idées anglaises. Ils verront que les Anglais n’entendent pas par ce mot ce que nous entendons ; ils entendent une restitution ; mais la restitution peut excéder le droit payé à l’entrée. Or, lorsque la restitution excède la remise du droit payé, il y a encouragement, subside. C’est une véritable prime. C’est ainsi, par exemple, qu’en Angleterre, pour ce qui regarde l’industrie sétifère, voici comment les droits sont réglés : on paye un penny ou deux pence pour la soie brute à l’entrée ; on paye 2 schellings et demi pour le fil de trame et 3 schellings et demi pour le fil de chaîne ; et on obtient pour l’exportation de tous les produits en soie, une remise de 3 schellings et demi. C’est une véritable prime d’exportation qu’on accorde. On accorde d’autres primes qui n’ont aucune corrélation avec les droits payés à l’importation. Dans certains cas, les subsides sont accordés ; quand la matière première n’a pas subi de droit d’importation, il y a des primes pour l’exportation des ouvrages d’or et d’argent.

Il y a eu dernièrement une prime sur laquelle je veux pour un moment appeler votre attention, c’est la prime pour l’exportation des toiles. Savez-vous pourquoi cette prime a été instituée ? Pour nous chasser du marché espagnol. Cette prime était très forte ; elle a été accordée pendant assez longtemps, puis on l’a supprimée ; savez-vous pourquoi ? Parce qu’on avait atteint le but, parce que nous n’avions plus d’exportation en Espagne.

Voilà le système des primes ; ce sont des primes temporaires, accordées tantôt à telle ou telle industrie, à tel ou tel marché, d’après les circonstances et les besoins du moment. Voilà comment on entend le système des primes en Angleterre ; voilà comment je voudrais le voir appliquer. Ainsi il serait très utile d’accorder des primes pour les exportations dans les pays transatlantiques, et aussi pour regagner le marché espagnol, d’autant plus que nos toiles sont plus recherchées que les toiles anglaises, et que les Anglais sont obligés de faire passer leurs toiles pour des toiles belges, afin de les placer plus facilement.

En France, le système des primes est en pleine vigueur ; ainsi il y a des primes sur les laines qu’on exporte ; quelquefois, c’est un drawback, quand il y a eu un droit payé à l’entrée. Mais remarquez que la prime payée à la sortie excède considérablement le droit qu’on paye à l’entrée.

Ainsi, pour les fabricats de laine, la prime varie, d’après la valeur et la qualité, depuis 60 fr. jusqu’à 275 fr. par 100 kilog. Pour les tissus de soie, la prime varie de 67 à 300 fr. par 100 kilog. Il y a aussi des primes à la sortie sur les tissus de coton, les meubles, la viande salée, les produits chimiques, etc.

La pêche, notamment celle de la baleine et de la morue, sont encouragées par des primes considérables. En 1829 et 1830, le gouvernement français a cru un moment que le système des primes avait atteint son but, quant à la pêche (pour le reste, il ne fut pas proposé de modification.) Il vînt donc proposer aux chambres françaises de supprimer tout d’un coup les primes qui s’élevaient pour la pêche seule à 5 millions de fr. Les chambres n’y consentirent pas, elles n’admirent qu’une réduction progressive des primes jusqu’en 1843.

A cette époque, les primes étaient encore à un taux élevé. Le gouvernement avait cru pouvoir en proposer la suppression, parce qu’il supposait qu’elles avaient produit tous les résultats qu’on en pouvait attendre. Avant la révolution, le nombre des marins employés à la pêche n’était que de 7,000 ; en 1829 et 1830, il s’était accru presqu’à 11,000. En présence de ces résultats, le gouvernement français proposa la suppression des primes. Mais les chambres y ont mis embargo. Vous voyez qu’elles ne sont pas tellement attachées aux théories, qu’elles ne s’ingénient pas à repousser le système de protection. Nous nous ne devons pas avoir la prétention d’être plus sages que les autres nations.

Remarquez, d’ailleurs, qu’il ne s’agit pas de primes proprement dites. Les primes ne doivent pas constituer un système permanent. C’est pourquoi la commission d’enquête a cru devoir limiter à cinq ans le terme pendant lequel les primes seraient accordées. D’un autre côte, on ne peut voter un subside annuel, parce que cela ne donnerait pas assez de sécurité au commerce.

Lorsque le système des droits différentiels aura produit un résultat, lorsque la marine marchande se sera suffisamment développée, de manière qu’on possède en Belgique assez de navires pour faire des voyages de long cours, pour exploiter l’Amérique du Sud, alors nous pourrons entrer plus franchement dans un système de droits différentiels, nous rapprocher du système anglais. Notre marine étant plus développée, nos arrivages étant plus nombreux, nous pourrons renoncer au système d’encouragement qui vous est propose aujourd’hui par la commission d’enquête.

M. Desmaisières, rapporteur. - Bien que l’idée de venir au secours de la loi des droits différentiels par des encouragements directs n’ait pas été présentée par moi à la commission d’enquête, je n’en crois pas moins de mon devoir, comme rapporteur et comme représentant de la nation, de venir défendre la proposition que vous a soumise cette commission, proposition qui, dans mon opinion, est entièrement favorable aux intérêts généraux du pays.

Je dirai d’abord avec l’honorable ministre de l’intérieur que la loi, telle qu’elle a été votée dans ses articles, a subi des modifications telles que dans certaines parties elle a revêtu un caractère essentiellement transitoire, et que dès lors le secours résultant des encouragements directs est devenu d’autant plus nécessaire, si l’on veut obtenir de bons résultats de la loi en faveur de l’industrie et de l’agriculture.

Quatre propositions nous ont été faites : celle de l’honorable M. de Haerne tendait à augmenter dans de certaines proportions assez considérables le tarif général des droits d’entrée, afin de pouvoir accorder des remises proportionnelles assez considérables aussi sur ces droits d’entrée aux navires qui exporteraient des produits du sol et de l’industrie de la Belgique.

L’idée d’un deuxième système a été mise en avant dans le sein de la commission d’enquête ; il consiste à établir un tarif de droits différentiels à double échelle, accordant la faveur de droits moindres à l’importation pour tous les navires qui exportent des produits belges, mais en favorisant cependant le pavillon national plus fortement que le pavillon étranger.

Un troisième système nous a été soumis ensuite par l’honorable M. Eloy de Burdinne. C’est aussi un tarif différentiel double échelle, mais avec cette modification que la faveur du droit moindre accordé par ce tarif pour l’exportation, serait accordée aussi bien et dans la même proportion au pavillon étranger qu’au pavillon national.

Enfin un système d’encouragement direct a été présenté ; c’est celui que la commission d’enquête a cru devoir adopter. On vous l’a déjà dit avant moi, messieurs, il ne serait pas exact de dire que ce système d’encouragement direct ne consiste pas en autre chose que dans des primes d’exportation. Il n’est pas dit un mot de cela dans le texte de notre rapport, ni dans notre amendement lui-même.

L’amendement présenté par la commission tend à former un fonds spécial pour, à l’aide de ce fonds, subvenir à des encouragements directs de diverses espèces et d’abord pour le maintien et le développement de la navigation transatlantique à voiles. Tout le monde doit convenir que les chambres n’ont pas à se repentir de la confiance qu’elles ont accordée à cet égard au gouvernement, en portant pour cet objet au budget une somme de 115,000 fr. ; car, tout le monde doit reconnaître que les encouragements donnés par le gouvernement à l’aide de ce fonds de 115,000 fr., ont été tellement bien réparties et les conditions y attachées dans l’intérêt de l’industrie et de l’agriculture, tellement bien réglées, que ces encouragements ont produit les meilleurs effets.

Ce que le gouvernement a fait et continue à faire maintenant pour le fonds d’encouragement de la navigation transatlantique à voiles, nous devons l’attendre de lui pour le fonds spécial plus considérable à la vérité, dont la commission d’enquête a l’honneur de vous proposer la création.

Il y a encore dans notre proposition l’établissement de comptoirs belges dans les pays transatlantiques et le Levant, soit par le commerce privé, soit par une ou plusieurs compagnies ou société de commerce. C’est sans aucun doute avec raison que l’honorable M. Lesoinne (je crois que la chambre lui a même donné des marques d’approbation) a demandé que le commerce belge établît avant tout des comptoirs dans les pays transatlantiques et dans le Levant, s’il voulait arriver à pouvoir réaliser des exportations plus ou moins considérables vers ces pays lointains.

Ce but, je le répète, se trouve énoncé dans la proposition de la commission et il s’agit de chercher à l’atteindre au moyen du fonds spécial dont nous demandons la création.

Les primes d’exportation ne sont certainement pas interdites par la proposition de la commission d’enquête ; mais on n’impose nullement au gouvernement l’obligation d’en accorder, et on ne les interdit pas parce qu’il peut être nécessaire d’accorder de pareilles primes en faveur d’industries souffrantes.

Les droits différentiels, quoi qu’on en dise, ne sont pas autre chose que des primes. Ce sont des primes que le trésor paye, si je puis m’exprimer ainsi, en ne recevant pas.

On a dit : oui, cela est vrai ; mais au moins ces primes sont réglées, sont déterminées, et il n’y a que ceux qui remplissent les conditions voulues par la loi qui en profilent.

Mais, messieurs, si le gouvernement use des pouvoirs qui lui sont donnés par la proposition de la commission d’enquête pour accorder des primes d’exportation, il aura bien soin, il n’en faut pas douter, de régler aussi les conditions qu’il faudra remplir pour pouvoir en jouir. Ainsi l’objection qu’on a faite n’est nullement fondée.

Nous portons chaque année au budget des sommes assez considérables, qui n’ont d’autre destination que des primes. Nous y portons 40,000 fr. pour primes de construction de navires ; 95,000 fr. pour primes à la pêche nationale ; 33,000 fr. pour primes aux arts mécaniques, primes qui sont accordées en vertu de la loi du 12 janvier 1817. Nous y portons des primes d’encouragement pour la construction de bateau sur le canal de Charleroy et pour soutenir le halage de ce canal. Personne ne contestera l’utilité qu’il y a eu de construire le canal de Charleroy, et malgré cette grande utilité, démontrée aujourd’hui par le mouvement des transports qui s’opère sur ce canal, il a fallu accorder des primes aux constructeurs de bateaux pour qu’ils en construisissent qui fussent propres à la navigation de cette voie d’eau et afin de développer et soutenir le halage.

Mais, dit-on, c’est laisser la répartition d’un demi-million à l’arbitraire du gouvernement. Messieurs, nous laissons à l’arbitraire du gouvernement des sommes beaucoup plus fortes. Ainsi nous laissons à sa disposition le fonds de construction de routes. N’avons-nous pas accordé une première fois 6 millions et une seconde fois 2 millions pour construction de routes nouvelles ? Ne portons-nous pas au budget chaque année 7 à 800,000 fr. pour construction de routes nouvelles ? N’avons-nous pas abandonné entièrement au gouvernement la répartition de ces sommes cependant fort considérables ? Nous avons voté 2 millions pour construction de routes dans le Luxembourg ; n’avons-nous pas encore abandonné au gouvernement le soin de déterminer, quelles seraient les routes qui seraient établies au moyen de ces deux millions ? et ici, remarquez-le bien, messieurs, on n’a pas imposé au gouvernement l’obligation, comme nous le faisons dans notre proposition, de soumettre chaque année un compte-rendu à l’appréciation des chambres.

Comme vous l’a dit l’honorable M. de Haerne, déjà à l’aide de fonds de l’industrie, le gouvernement a plus d’une fois accordé des encouragements directs aux exportations des produits belges. A cet égard, je puis vous citer un fait extrêmement remarquable. Il y a peu de jours un négociant de Gand est venu me montrer toute sa correspondance relativement aux essais qu’ils ont tentés pour l’exportation des toiles vers les pays transatlantiques et vers le Levant.

Ce négociant, messieurs, a commencé ses opérations il y a environ trois ans. Il a expédié des toiles pour essai à Buenos-Ayres, à Rio de la Plata, au Mexique, à Bucharest et dans d’autres pays transatlantiques et du Levant. Mais il n’y a pas trouvé de comptoir, ni de maison belge. Il a donc été obligé de s’adresser soit à des maisons anglaises soit des maisons américaines, soit à des maisons françaises. On lui a répondu, immédiatement après la réception de ses toiles, qu’il devait baisser considérablement ses prix, s’il voulait qu’on pût vendre, et cet abaissement était tel qu’il aurait constitué pour le négociant une perte considérable.

Il n’a pas voulu y consentir. Il s’est adressé au gouvernement qui lui a donné une certaine assurance en lui garantissant 8 p. c. de perte. Il a persisté par suite de cette garantie ; il a fini par trouver des maisons moins dévouées aux intérêts anglais et aujourd’hui, après deux ans et demi à trois ans d’attente, il a reçu de plusieurs de ces maisons des lettres que j’ai eues en main et par lesquelles on lui apprend que ses toiles sont vendues, les unes avec 15 p. c., les autres avec 25 p. c. et quelques-unes avec 48 p. c. de bénéfice.

Vous voyez, messieurs, ce que peut produire pour le négociant la certitude de ne pas être exposé à des pertes trop considérables ; vous reconnaîtrez donc que les tentatives que l’on fait pour arriver à placer nos produits dans les pays lointains doivent être encouragées et surtout combien il est nécessaire, ainsi que le disait l’honorable M. Lesoinne, d’avoir des établissements belges dans les pays où nous voulons exporter.

Ces lettres, messieurs, et je suis heureux de pouvoir le dire ici hautement, apprennent que les toiles de ce négociant, qui étaient de bonnes toiles faites avec du fil à la main, se sont vendues 5 fr., lorsque les toiles anglaises similaires ne pouvaient pas même se vendre à 3 fr.

Personne de vous n’ignore, messieurs, que la nouvelle législation commerciale de 1822 à 1826 n’a produit du moins aussi promptement de bons effets qu’à l’aide des divers encouragements directs qui ont été accordés en même temps et notamment à l’aide de la formation de la Société de commerce des Pays-Bas : et cependant nous avions alors ce que nous n’avons pas aujourd’hui, une marine marchande considérable.

Je crois donc, messieurs, que les encouragements directs sont tout à fait nécessaires, au moins pendant les premières années de l’exécution de la loi. Alors surtout que cette loi a reçu un caractère tout à fait transitoire dans plusieurs de ses parties, et que le système de droits différentiels proposé en premier lieu par la commission d’enquête, a été fortement affaibli par les dispositions que vous avez adoptées.

Par suite de ces considérations, nous avions tout lieu de croire que notre proposition serait accueillie avec empressement par la chambre. Cependant, d’après ce qui s’est passé hier, et, s’ii m’est permis de le dire, d’après les conversations particulières que j’aie eues avec un grand nombre de membres de la chambre, j’ai pu m’apercevoir que malheureusement la question n’était pas bien comprise, qu’on ne l’envisageait pas sous son véritable point de vue, et qu’après six semaines de discussion, la chambre se trouvait dominée par une lassitude qui pourrait compromettre le sort de notre proposition.

Aussi, pour que rien ne soit compromis, j’aurai l’honneur de proposer à la chambre subsidiairement et par sous-amendement à la proposition de l’honorable M. de Theux, l’ajournement avec renvoi de la proposition de la commission d’enquête au gouvernement, pour qu’il instruise complètement la question et présente des conclusions motivées à la session prochaine. De cette manière, messieurs, une enquête pourra au besoin s’établir ; la question pourra être tout à fait éclaircie ; chacun pourra se former une opinion et je ne doute pas que vous n’accueilliez alors avec empressement la proposition semblable à la nôtre que le gouvernement viendra vous faire dans l’intérêt général du pays.

M. Eloy de Burdinne. - Je crois, messieurs, que l’honorable M. de Haerne est tombé dans une grave erreur, lorsqu’il a comparé les primes anglaises aux primes que l’on propose d’accorder en Belgique. L’honorable M. de Haerne a perdu de vue, que si en Angleterre on accorde des primes à la sortie, on les perçoit à l’entrée.

Sommes-nous, messieurs, dans la même position que l’Angleterre pour accorder des primes ? Comme je viens de vous le dire, ces primes se prélèvent en Angleterre sur les droits de douane. La Belgique perçoit 10 millions de francs de droits de douane, et l’Angleterre en perçoit 540 millions de francs. Quand on a de pareilles ressources, on peut faire des dépenses.

Mais le système que vous avez adopté jusqu’à présent ne nous permet pas de prendre sur les produits de la douane les moyens d’accorder des primes à l’exportation des produits de l’industrie

Messieurs, si je prends pour exemple le coton, cette denrée paie en Angleterre un droit très élevé, droit qui pèse à la vérité en partie sur le consommateur, mais qui pèse aussi pour une autre partie sur l’étranger. En Belgique que faites-vous ? Vous faites payer, pour 100 kilog. de coton, 1 centime ! Cependant, messieurs, le coton remplace en quelque sorte le lin qui est un produit du pays ; et pour produire 100 kilog.de lin, vous payez 2 fr. d’impôt

C’est là, messieurs, ce qui prouve qu’en Belgique on favorise de préférence les producteurs étrangers et que les producteurs des pays sont sacrifiées.

Comme je vois que la chambre est autant pressée que moi de finir cette discussion, je bornerai là mes observations.

M. de Theux. - Messieurs, la proposition de l’honorable M. Desmaisières est, au fond, la même que celle que j’avais faite hier. Il s’agit de soumettre la question à un examen plus approfondi. Je consens très volontiers à ce que la proposition soit renvoyée au gouvernement avec demande d’un rapport. Cela entre tout à fait dans le but que je m’étais proposé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le gouvernement manquerait à un devoir s’il ne consentait pas à faire l’instruction ultérieure lui demande. J’ai déjà fait ressortir hier ce qu’il y a d’ancien dans l’une et l’autre partie de la proposition (interruption.) La proposition a deux objets : d’abord le maintien et l’extension des lignes régulières de navigation transatlantique, et en second lieu des encouragements soit pour l’établissement de comptoirs, soit pour l’exportation industrielle dans les contrées lointaines. Ces deux choses existent aujourd’hui ; mais sur de faibles proportions, surtout la deuxième. Le gouvernement examinera s’il y a lieu de donner une extension à ces deux dispositions qui figurent déjà au budget de l’intérieur. Je pourrai même, si la chambre le juge nécessaire, lui donner dès à présent quelques renseignements sur les lignes de navigation à voiles déjà existantes. (Non ! non ! Aux voix ! aux voix !)

- La clôture est demandée et prononcée.

La proposition de M. Desmaisières est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - Il reste maintenant la proposition de M. Eloy de Burdinne.

Plusieurs membres. - C’est également ajourné.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, si l’on entend comprendre mon amendement dans l’ajournement, je n’insisterai pas ; mais je déclare que je voterai contre la loi.

M. de Haerne. - Si l’amendement de M. Eloy de Burdinne est compris dans l’ajournement qui vient d’être adopté, je crois qu’il doit en être de même de ma proposition primitive, car je ne me suis rallié que conditionnellement à la proposition de la commission d’enquête.

M. Delehaye. - Je pense qu’il est bien entendu que le gouvernement ne fera pas seulement un rapport sur les propositions qui ont été faites, mais qu’il examinera la question sous toutes ses faces et qu’il saisira la chambre de telle proposition qu’il jugera utile aux intérêts des différentes industries du pays. (Assentiment.)

Projet de loi réorganisant la poste aux chevaux et les autres services de transport en dehors du chemin de fer

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) dépose un projet de loi sur l’organisation de la poste aux chevaux et des autres services de transport en dehors du chemin de fer.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Messieurs, comme un projet de loi sur le même objet, présenté par mon honorable prédécesseur, a déjà été examiné par les sections et par la section centrale, je demanderai que la chambre veuille bien renvoyer le projet actuel, qui n’est que modificatif du premier, à la même section centrale.

M. de Garcia. - Messieurs, cette loi est de la plus haute importance, et, quant à moi, je désire en faire de nouveau l’examen en section.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - Comme je viens de le dire, un projet de loi sur le même objet avait été présenté par mon honorable prédécesseur. Les sections ont examiné le principe de ce projet ; la section centrale en a fait l’objet d’un examen approfondi ; je pense, dès lors, que le projet actuel pourrait être renvoyé directement à cette section centrale.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Commission d'enquête parlementaire sur la situation du commerce extérieur

Vote sur l'ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet de loi relatif aux droits différentiels.

75 membres sont présents.

43 adoptent.

25 rejettent.

7 s’abstiennent.

En conséquence le projet de loi est adopté, il sera transmis au sénat.

Ont voté l’adoption : MM. Devaux, de Villegas, Donny, Dumont, Dumortier, Fallon, Jadot, Jonet, Kervyn, Lejeune, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Dubus (aîné), Scheyven, Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Van Volxem, Verhaegen, Verwilghen, Wallaert, Zoude, d’Anethan, Dechamps, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Haerne, de Meer de Moorsel, de Meester, de Muelenaere, de Naeyer, de Roo, de Saegher, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt.

Ont voté le rejet : MM. de Tornaco, Eloy de Burdinne, Fleussu, Lange, Lebeau, Lesoinne, Lys, Malou, Osy, Pirmez, Pirson, Rogier, Savart-Martel, Sigart, Thyrion, Troye, Vandensteen, Castiau, David, de Baillet, de Chimay, de La Coste, Delehaye, Delfosse, de Renesse,

Se sont abstenus : MM. Duvivier, Manilius, Smits, Cogels, de Garcia, d’Elhoungne, de Theux.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. Duvivier. - Je me suis abstenu, parce que j’ai été obligé de me tenir éloigné des travaux de la chambre, pendant quelques séances où le projet sur lequel on vient de voter était en discussion.

M. Manilius. - Mon abstention n’a rien d’hostile au système des droits différentiels. Dés lors, il suffisait que le projet actuel procure un résultat favorable à notre marine nationale, pour que je m’abstinsse de refuser à cette industrie importante la protection que je désire pour toutes nos industries sans exception. Mais comme le système protecteur est le droit commun du pays, qu’il doit d’ailleurs être égal et efficace pour tous, et qu’ainsi le projet de loi actuel ne pouvait être complet que s’il eût embrassé toutes les branches du travail national, les lacunes que ce projet présente au point de vue industriel m’interdisaient de lui donner un vote favorable, et m’imposaient le devoir de m’abstenir.

M. Smits. - Partisan sincère du commerce direct, je ne saurais voter contre une loi qui consacre des principes propres à favoriser ce commerce ; mais, comme, d’un autre côté le projet renferme actuellement des exceptions qui paralysent le principe et quelques dispositions que je crains compromettantes pour certaines de nos relations maritimes, je n’ai pas pu voter pour. Dans cette situation, j’ai dû m’abstenir.

M. Cogels. - Messieurs, dans la longue discussion qui vient de se terminer, j’ai cherché constamment à défendre les véritables intérêts du commerce ; puisque toujours je me suis trouvé complètement d’accord avec ses principaux organes, et si, dans une circonstance récente, cet accord a été momentanément rompu, le vote presqu’unanime de la chambre a suffisamment justifié la nécessité de la mesure qui a été adoptée.

Les échecs partiels que mon honorable collègue M. Osy et moi, nous avons éprouvés dans la présentation de quelques amendements ne pouvaient donc être pour moi un motif assez puissant pour rejeter la loi.

Cependant, ainsi que vous vous le rappellerez sans doute, messieurs, dès le début de cette discussion, j’ai déclaré que je considérais l’extension des droits différentiels comme un essai dont le succès ne me paraissait réalisable que dans un avenir plus ou moins éloigné, les modifications qui ont été introduites dans la loi rendent cet avenir encore plus douteux.

Dans cet état de choses j’ai cru pouvoir, sans être inconséquent, faire un sacrifice à l’opinion qui vient de se manifester tout à coup dans notre métropole commerciale et parmi les armateurs eux-mêmes. Voilà pourquoi je me suis abstenu.

M. de Garcia. - Messieurs, je suis partisan du principe des droits différentiels en faveur de notre pavillon. Selon moi, l’intérêt du pays comme la dignité nationale, exigent que la Belgique prenne, vis-à-vis des puissances qui l’environnent, la position dans laquelle ces dernières se sont placées vis-à-vis d’elle. Je ne crains pas les représailles quand je tiens envers les étrangers la conduite qu’ils tiennent envers nous. Voilà pourquoi je n’ai pas voté contre la loi.

D’un autre côté, je n’ai pu lui donner mon assentiment ; d’abord, parce que les amendements et la discussion ont mutilé tout le système : en second lieu, parce qu’une loi politique de cette importance, destinée à amener des traités avantageux, contenant les germes d’une prospérité future, mais peut-être un peu éloignée, devait être accompagnée d’une majorité et d’une force morale imposante, double condition que la discussion m’avait démontrée ne devoir pas exister.

La loi telle qu’elle est votée n’est dans les mains du gouvernement qu’une arme émoussée et impuissante.

Enfin, messieurs, une dernière considération m’a déterminé à ne pas voter pour la loi, c’est la couleur qui lui a été donnée, lorsqu’on a dit qu’elle ne serait votée que dans le but d’imposer davantage le bois de construction étranger. Je n’ai pas voulu qu’on pût penser que je n’avais voté la présente loi en vue d’un seul intérêt national, celui des propriétés boisées.

M. d’Elhoungne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que mon honorable ami M. Manilius.

M. de Theux. - Le décès d’un proche parent m’a empêché, à mon grand regret, d’assister à la partie principale de cette discussion : c’est pour ce motif que je me suis abstenu.

Ordre des travaux de la chambre

M. Delehaye. - J’ai remarqué qu’on avait biffé des billets de convocation le projet de loi sur les tabacs, Est-ce le fait d’une erreur ou d’une décision de la chambre ? Je désire savoir si la chambre n’entend pas s’occuper de ce projet de loi qui avait été mis à l’ordre du jour. Le commerce attend avec une vive impatience une solution quelconque. Rien n’est plus nuisible aux intérêts commerciaux que l’incertitude.

M. le président. - Le projet de loi sur les tabacs est toujours à l’ordre du jour.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - C’est ce que je voulais faire observer. Je voulais demander, en outre, que la loi des tabacs vînt à l’ordre du jour immédiatement après la proposition de l’honorable M. Malou.

M. Rogier. - Messieurs, d’après les symptômes qui se manifestent dans cette enceinte, il est à croire qu’un ajournement de la chambre est prochain. Je crois que, quelle que soit la fatigue de la chambre, il est important de voter la loi des tabacs. La situation des fabricants et des commerçants doit être fixée le plus tôt possible. Voilà plusieurs mois qu’ils sont dans une incertitude très préjudiciable à leurs intérêts.

M. Mast de Vries. - Je demande qu’on mette l’ordre du jour et la loi des péages et un projet de crédit arriéré au département de la guerre. Ces deux lois n’occuperont pas longtemps la chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Dechamps) - J’appuie la motion de l’honorable préopinant : la loi des péages sur les chemins de fer expire au 1er juillet prochain. Je demande que le projet de prorogation soit mis à l’ordre du jour après la loi des tabacs,

- Cette proposition est adoptée.

M. Jadot. - Parmi les objets qui sont mis à l’ordre du jour, se trouve la loi d’organisation de la cour des comptes. Je demande l’ajournement de cette discussion. Il est impossible de s’occuper de ce projet de loi, avant que la chambre ait voté la loi générale de la comptabilité de l’Etat. (C’est juste !)

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - L’ordre du jour appelle en premier lieu la discussion des modifications proposées au règlement, en ce qui concerne la nomination de membres du jury d’examen universitaire ; après, viendront les nominations.

M. Delfosse. - La chambre ne peut pas s’occuper de la nomination des membres du jury avant la distribution des pièces dont nous avons besoin et qui doivent être déposées par le gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je prie la chambre de tenir ce second point en suspens. Je proposerai de fixer cette nomination à samedi prochain. La chambre pourrait se réunir à dix heures et demie, et elle ne ferait que cela.

M. Dumortier. - Il n’est pas possible de mettre cette nomination à samedi. Chacun sait que l’habitude des membres qui habitent les localités voisines de la capitale est de passer le dimanche dans leur famille. Nous n’avons pas cet avantage, nous qui sommes éloignés de Bruxelles ; mais il faut prendre les choses telles qu’elles sont. Nous ne devons pas empêcher les membres qui ont cette faculté d’en user. Vous savez que la chambre désire se séparer. Je vois beaucoup de membres qui habitent Bruxelles dire non. Ceux qui habitent Bruxelles ou ses environs, ou bien qui ont pris de longues vacances pendant la session peuvent désirer rester ici en permanence, je le conçois. Mais voilà déjà huit mois que la session dure et ceux qui sont restés assidus à leur poste, comprennent qu’il est temps de prendre un peu de repos.

Les fonctions législatives ne sont pas faites pour tuer ceux qui les exercent. On ne voit dans aucun pays les parlements siéger pendant des huit et dix mois. Après avoir voté la loi sur les tabacs nous devons songer à prendre un peu de repos. Je ne pense pas que cette loi prenne beaucoup de temps, car son compte est fait.

Je crois que quand on comptera les voix, le compte des voix qui l’admettent et celles qui la repoussent sera très facile à faire. Les opinions sont toutes formées sur cette loi, et tout ce qu’on pourra dire ne fera pas revenir une seule des opinions qui lui sont contraires.

J’examine les possibilités de la semaine. Je dis donc qu’il me paraît très possible de terminer cette semaine nos travaux.

Un membre. - Et le budget de la guerre !

M. Dumortier. - Le ministre de la guerre n’a pas encore envoyé les pièces nécessaires à la section centrale pour faire son travail. A moins que vous ne vouliez rester en permanence, il sera impossible de s’en occuper pendant cette session ; la section centrale n’est pas même en termes de l’examiner, elle n’a pas reçu les pièces qu’elle a demandées au département de la guerre, j’en suis informé par un membre de cette section centrale ; comment voulez-vous que la chambre reste pour discuter le budget de la guerre quand la section centrale n’est pas en mesure de faire son travail ? Au lieu de mettre à samedi la nomination des membres du jury d examen, ayons, s’il la faut, une séance du soir pour procéder à cette nomination. Je le répète, ceux qui travaillent depuis huit mois assidûment ont le droit de désirer de rentrer chez eux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense que la chambre devra siéger jusque vers la fin du mois ; alors le gouvernement pourra indiquer la marche ultérieure de la session. (Interruption.) Je ne dis pas qu’il l’imposera. Le gouvernement fera connaître sa manière de voir sur la marche ultérieure de la session.

M. Dumortier. - Le gouvernement demandera, il n’a rien à indiquer à la chambre.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne pense pas que la constitution ait donné à M. Dumortier le droit de clore la session.

Le ministre de la guerre n’a pas encore répondu à la section centrale chargée de l’examen de la loi relative à l’organisation de l’armée. Ces réponses seront faites dans quelques jours, On verra alors ce qu’on peut faire.

Dans tous les cas, comme le crédit voté n’ira que jusqu’à la fin du mois, il y aura nécessite de demander de nouveaux crédits. Quelle sera l’étendue de ces nouveaux crédits ? on ne le sait pas encore ; on les demandera du 20 au 25 ; alors le gouvernement saura quelle étendue ils devront avoir. La chambre doit se résigner à siéger jusqu’au 25 au moins.

M. Dumortier. - On peut s’ajourner et revenir le 25.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - il y a des nécessités, des devoirs que la chambre appréciera.

Nous allons nous occuper des dispositions réglementaires et de la loi relative aux indemnités des jurés ; il y a impossibilité de mettre à demain la nomination des membres du jury, je propose toujours de la fixer à samedi.

M. Mast de Vries. - A samedi 10 heures !

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - La discussion générale de la loi sur les tabacs serait très avancée sinon close.

M. de Garcia. - Je m’oppose à l’ajournement proposé par M. Dumortier. L’honorable membre dit qu’il est fatigué ; je suis aussi assidu que lui, et si je ne pouvais pas supporter le travail que m’impose le mandat que j’ai reçu de mes commettants, je me démettrais de mon mandat ; mais nous devons nous efforcer à vider notre arriéré.

Une masse de questions nous restent à décider, et en présence de travaux qui nous incombent, je déclare que je suis prêt à rester à mon poste et j’engage mes collègues à en faire autant. Rien ne s’oppose au moins à ce que nous allions jusqu’au mois de juillet ; à cette époque, d’après les usages de la chambre et surtout à cause de la réunion des conseils provinciaux, l’on pourra s’ajourner ou clore la session.

M. Malou. - Si de toute nécessité on doit interrompre la discussion de la loi sur les tabacs pour s’occuper de la nomination des membres du jury d’examen, on peut l’interrompre vendredi au lieu de samedi. Je crois que nous aurons reçu les documents nécessaires et que nous pourrons les avoir étudiés d’ici à vendredi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense que le samedi conviendrait mieux, parce que plusieurs membres absents pourraient être prévenus et assister à la nomination. Je ne vois pas pourquoi on voudrait confisquer le samedi.

M. Dumortier. - Je ne reçois pas la leçon que m’a adressée M. de Garcia.

M. de Garcia. - Je n’entends pas plus vous donner de leçon que je n’entends en recevoir de vous.

M. Dumortier. - J’ai pris pour une leçon la réponse que vous m’avez faite, que quand on ne se sentait pas la force de soutenir le poids de son mandat, on donnait sa démission. Je ne reçois de semblable leçon de personne et surtout de l’honorable membre qui la semaine dernière a pris encore une vacance de quinze jours.

Pour moi, je ne m’absente jamais quand la chambre siège. Je ne pense pas qu’on puisse trouver dans la chambre un membre qui ait manqué à moins de séances que moi. (C’est vrai !) C’est précisément parce que je suis toujours ici, quand la chambre siège, que j’ai le droit de parler de la fatigue que nous éprouvons de notre assiduité à suivre les travaux de la chambre. Voilà six semaines que nous siégeons sans interruption. On ne va pas, comme le dit M. de Garcia, de congé en congé ; on ne s’est ajourné deux jours que pour les élections provinciales. On ne peut pas rester des deux mois réunis sans prendre de repos. Il n’y a pas d’exemple de chose semblable dans aucun parlement. Si nous devons siéger jusqu’à la fin du mois, nous devons prendre huit jours de vacances et revenir quand nous aurons des travaux prêts.

M. le ministre vient de dire : Le gouvernement vous indiquera ce que vous aurez à faire. Le gouvernement n’a rien à nous indiquer, il ne vient à la chambre que par voie de pétition ! c’est là ce qui résulte de la constitution et de toutes les lois. Cela est vrai, surtout pour M. le ministre actuel de l’intérieur qui rit. Le gouvernement n’a pas d’ordre à donner à la chambre. Et quand à la suite de longs travaux nous désirons prendre quelque repos, le gouvernement serait fort mal reçu de vouloir retenir la chambre davantage, alors que nous allons avoir terminé tous les travaux soumis à nos débats.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne sais pourquoi l’honorable membre m’a interpellé. Je voudrais savoir ce qu’il ferait si le gouvernement laissait la session ouverte indéfiniment. Je ne crois pas avoir manqué de respect à la chambre en disant que le gouvernement ne serait à même que du 20 au 25 de savoir l’étendue des crédits provisoires dont il a besoin pour l’armée, et qu’il indiquerait alors la marche ultérieure de la session. J’espère qu’il se trouvera d’accord avec la chambre. Deux pouvoirs sont en présence, mais ces deux pouvoirs peuvent très bien s’entendre. Je prie l’honorable membre de traiter non pas moi, mais le gouvernement que je représente, avec autant d’égards que je traite la chambre. Nous ne pouvons rien décider en ce moment ; qu’on mette la nomination du jury à vendredi ou à samedi, cela ne changera rien aux incertitudes qui existent quant au budget de la guerre, mais nous ferons en sorte d’éclaircir la situation d’ici à la fin du mois.

M. de Garcia. - Je n’ai jamais donné de leçon à personne ; j’en donnerais moins encore qu’à tout autre à l’honorable M. Dumortier qui est académicien, mais je ne reçois pas non plus de personne celle qu’il a voulu me donner. Je n’accepte pas surtout les reproches qu’il m’a adressés, d’avoir pris congé la semaine passée. Ce fait n’est pas exact et si j’ai manqué aux séances de la chambre c’est pour cause d’indisposition.

Je pourrais, avec plus de vérité et d’exactitude, reprocher à mon honorable collègue son absence prolongée pendant les élections provinciales de Tournay, qui sans doute ne pouvaient être une cause d’indisposition pour lui ; cependant alors il a déserté la chambre pendant plusieurs jours.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - On me remet à l’instant les documents relatifs au jury d’examen. Je les dépose sur le bureau.

M. le président. - Ces documents seront imprimés.

- La chambre, consultée, fixe à vendredi la nomination des membres du jury d’examen.

Motion d'ordre

Modalités de souscription de l'emprunt

M. Verhaegen. - Puisqu’on vient de parler d’un ajournement, qui, dans tous les cas, n’est pas très éloigné, je crois ne pas devoir attendre davantage pour adresser une interpellation à M. le ministre des finances.

Lors de la discussion de la loi sur l’emprunt, M. le ministre des finances a pris l’engagement solennel de laisser le moyen de concours aux capitalistes du pays et d’ouvrir une souscription à l’intérieur.

Depuis l’adoption de la loi jusqu’à ce jour, aucune mesure n’a été prise par le gouvernement, pour remplir cet engagement, et s’il faut s’en rapporter à certains bruits qui circulent, un contrat aurait été fait, pour la totalité de l’emprunt avec une maison étrangère.

On ajoute même qu’on n’attend que la clôture de la session pour porter ce contrat à la connaissance du public.

Je demande sur ce point des explications formelles à M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Les motifs qui m’on empêché jusqu’à présent de négocier cet emprunt seront tacitement compris de la chambre : c’est que la chose ne dépend pas exclusivement du gouvernement belge.

Quant aux bruits de ville, ils peuvent être tels que les rapporte l’honorable membre ; mais ils n’ont pas le moindre fondement.

M. Verhaegen. - La réponse laconique de M. le ministre des finances me donne à moi la conviction que les bruits qui circulent ne sont pas dénués de fondement. Si je ne craignais pas de commettre une indiscrétion, je pourrais aller plus loin ; je me bornerai à rappeler à M. le ministre des finances l’engagement formel qu’il a pris vis-à-vis de la chambre d’admettre les capitalistes du pays en concurrence avec les capitalistes étrangers et d’ouvrir des souscriptions à l’intérieur.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je prie et en tant que besoin, je somme l’honorable M. Verhaegen d’aller aussi loin que possible ; car je suis très curieux de savoir ce que peuvent être ces bruits dont on parle, et qui les a répandus.

Je demande que l’honorable membre s’explique.

M. Verhaegen. - Je me suis suffisamment expliqué, mais puisque M. le ministre des finances désire quelque chose de plus, je veux bien ajouter qu’il a été question d’exclure la concurrence. M. le ministre doit bien se rappeler où et par qui la proposition lui a été faite ; la préférence était réservée à une maison étrangère. Il est vrai qu’il y a eu dissentiment à cet égard entre certains membres du cabinet, et pour se mettre d’accord on aurait arrêté de laisser les choses dans l’état où elles sont jusqu’à la clôture de la session.

J’ai rendu compte des bruits qui circulent, j’ai rappelé et je le devais, un engagement formel pris à la face du pays par M. le ministre des finances. C’était, je pense, le moment opportun, puisqu’on a parlé d’ajournement, de clôture. J’ai fait une interpellation à M. le ministre des finances, c’était mon droit. M. le ministre des finances ne m’a pas répondu d’une manière explicite, le pays appréciera sa conduite ; toutefois, j’ai lieu de croire que mon interpellation portera ses fruits, et que force sera au gouvernement d’en revenir à l’exécution de son engagement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je remercie l’honorable M. Verhaegen de s’être expliqué plus clairement, d’avoir spécifié quels étaient les bruits auxquels il a fait allusion. Je déclare qu’aucune discussion, aucun dissentiment n’a eu lieu dans le cabinet sur ce point, qu’il n’a pas été question d’une offre d’un demi pour cent de plus que tel taux qui aurait été antérieurement déterminé, que tout ce qui a été allégué est de la plus complète inexactitude.

Quant à l’engagement que l’on a rappelé, j’ai assez le sentiment de ma dignité pour croire que je n’ai pas besoin de renouveler les déclarations formelles que j’ai faites à la chambre.

M. Verhaegen. - Je prends acte de cette déclaration.

M. Pirmez. - On dit que M. le ministre des finances aurait pris l’engagement de donner la préférence aux capitalistes du pays. M. le ministre des finances n’a pas fait cette promesse. Il a promis d’ouvrir, autant que possible, une souscription dans le pays ; mais les étrangers pourront prendre part à la souscription. Il faut qu’il soit bien entendu qu’il n’y aura pas de préférence pour les capitalistes du pays.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Verhaegen a fait allusion à une dissidence qu’il y aurait eue dans le cabinet. Je déclare, en ce qui me concerne, que tous les bruits qui ont circulé depuis quelque temps sont calomniateurs.

M. Verhaegen. - Comment cela ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Non pas quant à vous, mais je déclare ces bruits calomniateurs.

M. Verhaegen. - Je ne comprends rien aux derniers mots de M. le ministre de l’intérieur. Il déclare calomniateurs les bruits qui ont circulé. Je voudrais bien qu’il s’expliquât à cet égard.

Des bruits circulent ; ils peuvent inquiéter le pays ; il est, en pareille circonstance, du devoir d’un député d’adresser des interpellations au gouvernement.

Je crois que les expressions dont s’est servi M. le ministre de l’intérieur sont au moins très inconvenantes et qu’il s’empressera de les retirer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n’y a rien d’inconvenant dans cette explication. Je répète à l’assemblée que ce qui a été dit d’une prétendue dissidence dans le cabinet à un but calomnieux. L’honorable membre sait à quels motifs cette dissidence a été attribuée.

M. Verhaegen. - A quels motifs ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous les connaissez. Les engagements qui ont été pris subsistent. La chambre et le pays verront de quelle manière ils seront remplis. Je m’en réfère, comme l’honorable membre, au jugement du pays dans un avenir très prochain.

Règlement de la chambre

Mode de nomination des membres du jury d'examen universitaire

M. le président. - Les dispositions réglementaires présentées par M. Malou, sont ainsi conçues :

« Les dispositions suivantes sont insérées entre l’avant et le dernier de l’article réglementaire adopté à la séance du 21 décembre 1835 :

« Les membres titulaires seront classés, pour chaque jury, d’après le nombre de suffrages qu’ils auront obtenus.

« Les bulletins, pour la nomination des suppléants, indiqueront, à côté du nom de chacun d’eux, le nom du titulaire qu’il peut être appelé à remplacer.

« A défaut de désignation spéciale, les suppléants seront présumés être inscrits sur le bulletin selon l’ordre de nomination des titulaires. »

- Ces dispositions sont mises aux voix et adoptées.

M. de Garcia. - L’appel nominal.

M. Malou. - Avant de présenter ces dispositions, j’ai recherché ce qui s’est passé en 1835. On s’est demande si les dispositions réglementaires devaient être mises aux voix par appel nominal ; il a été reconnu que ce n’était pas nécessaire, parce que c’était non pas une loi, mais une disposition du règlement.

M. de Garcia. - Je n’insiste pas.

Projet de loi réduisant le taux de l'indemnité des examinateurs du jury d'examen universitaire

Discussion générale

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet.

M. de La Coste. - Je ne m’attendais pas à ce que cette question fût traitée aujourd’hui. Je n’ai pas même sous les yeux le projet de loi. Cependant, puisque la discussion est ouverte, je me permettrai de soumettre une observation à la chambre, et plus particulièrement à la commission chargée par elle de l’examen du projet. Je ne sais si celui-ci ne va pas trop loin.

Je partage, en principe général, l’opinion de l’honorable rapporteur. Je pense qu’il est nécessaire de faire des réductions, que cela importe, même dans l’intérêt des travaux du jury, que cela concourra à faire atteindre le but que nous nous sommes proposé dans la loi sur l’organisation du jury. On propose de réduire l’indemnité de 5 à 3 fr. par heure d’examen. Je ne ferai point d’objection contre cette réduction ; j’admettrai même les deux réductions proposées mais je demanderai s’il ne conviendrait pas d’ajouter aux deux rétributions ainsi réduites une rétribution par élève examiné. (Réclamations.)

Nous accordons 10 fr. d’indemnité par jour pour les membres étrangers à la ville de Bruxelles, Je crois que ces frais de déplacement sont suffisants. Nous accordons 3 fr. d’indemnité par heure. En comptant 6 heures d’examen par jour, cela fait 18 fr. Eh bien, dix-huit francs pour des magistrats, pour des hommes qui occupent une position sociale élevée, c’est fort peu de chose pour vaquer pendant 6 heures par jour. Dans beaucoup de sociétés industrielles on accorde une rétribution plus considérable pour une heure ou deux de séance.

Si l’on établissait, en outre, une rétribution modérée par élève examiné, il n’y aurait pas un grand surcroit de dépense, peut-être même y aurait-il économie. Nous ne devons pas supposer que des considérations d’argent aient une grande influence sur les membres du jury. Cependant ce serait méconnaître le cœur humain que nier complètement cette influence. Lorsqu’on s’occupe de questions de finances, il faut bien avoir égard à de semblables tendances. Or, la rétribution par élève aurait celle d’empêcher les sessions de traîner en longueur. Il y a en des réclamations à cet égard ; le ministre avait même cru nécessaire de scinder le jury de philosophie, parce que les examens se prolongeaient trop longtemps ; la rétribution par élèves aurait une tendance contraire, Il en résulterait un intérêt à abréger les sessions.

Au reste, j’abandonnerai cette proposition, si elle n’est pas appuyée par M. le ministre de l’intérieur ou M. le rapporteur.

M. Savart-Martel. - L’honorable préopinant vient d’appeler votre attention sur la tendance à obtenir de l’argent, quand on sert le public. Si l’on veut traiter si largement des personnes, très respectables assurément, mais qui ont déjà pour la plupart de gros traitements, je ne conçois pas comment le trésor pourra y suffire tandis que les malheureux juges de paix qui sont traités à peine comme de simples commis, ne peuvent pas même obtenir qu’on discute leurs droits devant la chambre, probablement parce qu’il n’y a pas d’argent dans le trésor pour les payer. Ces malheureux juges de paix n’ont pas 3 francs par jour et l’on ne veut pas seulement déclarer qu’ils sont suffisamment payés. Mais si la pénurie de vos ressources vous empêche de vous occuper du sort de ces fonctionnaires, il ne faut pas augmenter les traitements d’autres fonctionnaires, mais plutôt les diminuer.

Je pense qu’il aurait été beaucoup plus raisonnable de payer les membres du jury à raison de chaque examen. Cependant, comme je n’aurais guère d’espoir de faire réussir une proposition dans ce sens, je ne la présenterai pas. Mais j’appuierai de toutes mes forces la proposition du gouvernement.

Je rappellerai qu’au commencement de la séance j’avais fait une proposition, pour s’occuper, dans la session actuelle, de quelques lois, notamment en ce qui concerne les reformes judiciaires ; M. le ministre de la justice étant présent, je le prie de nous donner demain ou après-demain son opinion.

M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, la section centrale qui a examiné la proposition du gouvernement, a pensé que 10 francs par jour de voyage et de séjour, et 3 francs par heure d’examen étaient une rétribution suffisante. Il en résultera que l’examinateur qui n’habite pas Bruxelles, recevra 28 francs par jour à raison de six heures d’examen.

La section centrale a également remarqué que les sessions se prolongeaient outre mesure ; mais elle n’a pas cru devoir recourir aux moyens indiqués par l’honorable M. de La Coste. Elle a pensé qu’il suffisait d’attirer sur ce point l’attention de M. le ministre de l’intérieur en l’engageant à prendre par des règlements d’ordre les mesures nécessaires pour parer à cet inconvénient.

M. de Garcia. - Messieurs, je combattrai aussi toute proposition qui tendrait à augmenter les chiffres que propose le projet de loi. Il suffit de se rappeler la comparaison que vient de faire l’honorable M. Savart, pour être convaincu que vous ne devez pas aller au-delà des propositions du gouvernement. Considérez, messieurs, la manière dont les juges de paix sont rétribués ; considérez aussi l’indemnité que reçoivent les magistrats, lorsqu’ils doivent s’absenter en acquit de leurs devoirs. Ces indemnités sont de deux francs par jour.

En vérité, messieurs, lorsqu’on voit une partie des fonctionnaires publics si mal traités, tandis que d’un autre côté on veut augmenter les indemnités d’autres fonctionnaires, il y a quelque chose qui révolte. Quant à moi, je m’oppose formellement à ce qu’on augmente les chiffres proposés par le gouvernement.

Vous avez aussi, messieurs, les docteurs en médecine appelés comme experts dans les affaires criminelles. Lorsqu’ils sont requis par un mandat de la justice, ils doivent obéir à ce mandat et abandonner leurs malades. Cependant leur indemnité est insignifiante.

Je n’en dirai pas davantage. Je crois que la chambre ne sera pas disposée d’aller au-delà des propositions du gouvernement.

M. Dumortier. - Messieurs, je partage la sympathie que viennent de témoigner les honorables préopinants en faveur des juges de paix. Déjà à plusieurs reprises, j’ai eu l’honneur de demander à l’assemblée qu’elle voulût améliorer leur sort. Mais il ne s’agit pas maintenant de cette question ; il s’agit des indemnités à accorder au jury d’examen.

A cet égard, je dois dire que, tout en approuvant le principe qui a été posé, je crois qu’on a été un peu trop loin dans la réduction de l’indemnité pour frais de voyage et de séjour. Je vous demande, si en réduisant cette indemnité à 10 fr. par jour, vous pouvez espérer que des médecins étrangers à Bruxelles, consentent encore à venir faire partie du jury d’examen,

Quant à moi, je ne pense pas qu’un médecin de Mons, de Gand ou de Liége consente à se déplacer pour 10 fr. par jour. Or, il faut laisser la possibilité aux médecins étrangers et aux sommités scientifiques de pouvoir accepter les fonctions de membres du jury.

Je désirerais donc que la chambre ne fût pas aussi sévère. On pourrait, me paraît-il, laisser l’indemnité de voyage et de séjour au taux où elle est aujourd’hui portée, ou la fixer seulement à 15 fr. A mon avis ce ne serait pas trop, car il s’agit pour ces médecins de s’absenter pendant un mois, six semaines, et de s’exposer à perdre leur clientèle. Si vous n’accordez pas une indemnité suffisante, il est à craindre que les hommes les plus distingués, étrangers à la capitale, refusent de siéger dans le jury national, et l’intérêt du pays réclame qu’ils en fassent partie.

- La discussion générale est close.

Discussion de l’article unique

M. le président - L’article unique du projet est ainsi conçu :

« Art. unique. L’art. 59 de la loi du 21 septembre 1835, sur l’enseignement supérieur, est remplacé par ce qui suit :

« Art. 59. Chaque examinateur, membre du jury, reçoit dix francs par jour de voyage et de séjour ; il est ajouté à cette indemnité un jeton de présence de la valeur de trois francs par heure d’examen.

« Il n’est pas alloué d’indemnité de séjour à ceux qui résident dans la capitale. »

M. Rogier. - Messieurs, je suis loin de m’opposer à ce qu’on introduise des économies dans les dépenses, les idées d’économie trouveront toujours faveur auprès de moi. Cependant il ne faut pas que, par un trop grand désir d’économie, on porte atteinte à un service important. J’avoue que je n’ai pas une parfaite sécurité sur l’effet de la loi, en ce qui concerne la bonté des examens. Je ne sais pas si en réduisant ainsi les indemnités qui seraient le juste prix du travail des examinateurs, nous n’amènerions pas dans le jury des hommes qui ne conviennent pas autant que d’autres qui apprécieraient à un prix plus haut leurs services. N’est-il pas à craindre que des hommes de mérite n’acceptent pas des fonctions qui sont ainsi mises au rabais ?

Du reste, je me borne à faire ces observations. Je suppose que le gouvernement a lui-même pesé toutes les conséquences de son projet.

Je crois, messieurs, que le vice du système actuel réside surtout dans la prolongation outre mesure des séances de chaque jour. Voilà où je vois un inconvénient auquel il faut porter remède, Il paraît que chaque jour une heure-ou deux sont consacrées à des mesures préparatoires qui ne tiennent pas même à l’examen.

Quant à l’indemnité en elle-même, il me reste des doutes ; il ne m’est pas démontré qu’elle soit trop élevée.

M. Maertens, rapporteur. - Messieurs, pour répondre à l’honorable M. Rogier, je lui dirai qu’avec l’indemnité fixée au taux actuel, il est arrivé qu’un seul membre du jury a reçu, pour les deux sessions de l’année, une somme de 1,912 fr. Réduites comme nous le proposons, ces indemnités se seraient élevées et pourront s’élever encore à plus de 2,300 fr. Je ne pense pas qu’une rétribution pareille soit de nature à exercer une fâcheuse influence sur la composition du jury.

Quant au second point dont vient de parler l’honorable membre, nous partageons son opinion, et c’est par ce motif que nous l’avons signalé à l’attention du gouvernement.

M. Dumortier. - Je ne suis pas de ceux qui voudraient laisser aux membres du jury des indemnités aussi fortes que celles qui ont existé jusqu’aujourd’hui. Et vous savez ce qui s’est passé, ces indemnités ont été en augmentant chaque année. La première année elles ne s’étaient élevées qu’à 50 ou 60,000 fr., et maintenant elles vont au-delà de 100,000 fr. C’est un point qui a donné lieu à beaucoup de réclamations et qui a surtout soulevé des plaintes contre la loi du jury.

Il était donc nécessaire de porter remède à l’état de choses actuel. Mais je doute que le remède n’aille pas au-delà du mal, surtout en ce qui concerne l’indemnité de déplacement.

D’un autre côté j’aurais voulu, et j’appelle l’attention de la chambre sur ce point, que les élèves qui sont ajournés payassent deux fois les frais d’inscription. Car ces élèves ne viennent se présenter qu’au moyen d’une faveur, et il me paraît très juste qu’ils paient cette faveur, car ils coûtent un double travail pour le jury, et ce double travail engendre une double dépense. Ce sont ces ajournements successifs qui font que les sessions durent beaucoup plus longtemps que par le passé, et qui amènent de plus ce fâcheux résultat que le jury doive siéger pendant le cours dont plusieurs restent ainsi sans professeur.

Vous le voyez donc, il faudrait borner ces prolongations successives qui ôtent au jury son caractère primitif. On pourrait, à l’avenir, soit interdire à l’élève ajourné de se représenter dans la même session, soit exiger que l’élève ajourné qui se représenterait dans la même session payât une seconde fois les frais d’inscription. Vous trouveriez ainsi de quoi couvrir l’augmentation d’indemnité qui résulte de ces prolongations de sessions.

Un des plus grands vices de la loi au point de vue financier est que les sessions ont été se prolongeant davantage d’année en année. Comme l’indemnité est forte, il a pu se faire que des membres du jury trouvassent intérêt à prolonger les sessions et obtinssent ainsi jusqu’à 5,000 fr. d’indemnité. Mais dans beaucoup de jurys et notamment dans celui des sciences, les membres n’ont jamais touché plus de 5 à 600 fr. d’indemnité ; et ce n’est pas là une somme énorme lorsqu’on doit se déplacer deux fois par an et venir passer un mois dans la capitale.

Le plus grand abus est donc dans la prolongation des sessions. C’est à cet abus qu’il faut porter un remède que je ne vois pas dans la loi.

D’un autre côté, au lieu de réduire les indemnités pour les heures d’examen, j’aurais préféré, comme l’honorable M. de La Coste, qu’on eût fixé une indemnité par élève examiné. De cette manière, le jury n’aurait pas eu intérêt à prolonger indéfiniment les sessions.

Quant à ce qui est des frais de voyage et de séjour, il me paraît que c’est trop les réduire que de les porter à 10 francs. Il est certain, comme vient de vous le dire mon honorable collègue M. Rogier, que des sommités qui se prissent un peu plus haut que les autres, ne consentiront pas à venir faire partie du jury pour 10 francs par jour, et dès lors l’économie tournera au préjudice des études en Belgique.

Je demanderai donc que la chambre veuille fixer l’indemnité de déplacement et de séjour à 15 francs par jour.

Du reste, en diminuant d’une manière exagérée les indemnités et en ne prenant point de mesures pour empêcher la prolongation indéfinie des sessions, je crois que nous manquerons le but que nous voulons atteindre.

M. de Theux. - Messieurs, lorsque la loi de 1835 a été mise à exécution, j’ai essayé de parer à l’inconvénient des longues sessions en demandant aux jurys de faire subir aux élèves deux examens par jour ; de cette manière, il aurait pu y avoir jusqu’à 5 ou 6 récipiendaires par jour. Mais bientôt les membres du jury reconnurent que la besogne était au-dessus de leurs forces ; ils se trouvèrent dans l’impossibilité de continuer un travail aussi fatigant. Mais, messieurs, il s’est produit un autre inconvénient qui n’a pas encore été signalé dons cette discussion.

Vous savez qu’il y a, aux termes de la loi et des règlements, un tirage au sort entre les élèves, pour déterminer le jour auquel chacun doit être examiné, mais il arrive que des élèves, cherchant a éluder le jour qui a été désigné pas le sort, prétextent une indisposition ou tel autre motif d’absence ; il résulte de là que le jury, au lieu de faire subir l’examen à trois récipiendaires, n’en examine que deux ou un seul. Voilà, messieurs, une des principales causes de la prolongation des sessions. Je voudrais que le gouvernement pût trouver un moyen de remédier à cet inconvénient, ainsi qu’à celui qui a été signalé en ce qui concerne les ajournés. Si ces deux inconvénients disparaissaient, je crois que l’on pourrait, sans la moindre surcharge pour le trésor, porter l’indemnité de séjour à 15 francs, ce qui ne me paraîtrait pas exorbitant. Je voudrais surtout que le gouvernement fît en sorte qu’il y eût au moins trois récipiendaires examinés par jour.

M. de Garcia. - Je serais charmé que le gouvernement trouvât le moyen de prévenir les inconvénients qui ont été signalés par l’honorable M. de Theux et par l’honorable M. Dumortier, mais je ne saurais consentir à adopter le remède indiqué par l’honorable M. Dumortier, et qui consisterait à faire payer deux fois son inscription à l’étudiant qui ne pourrait se présenter à l’examen au jour fixé. L’instruction, messieurs, coûte déjà très cher, et je n’appuierai aucune mesure qui aurait pour résultat d’augmenter les frais des études ; je voudrais, au contraire, diminuer ces frais, malgré le désir que j’ai d’introduire toutes les économies possibles dans les dépenses de l’Etat.

Quant à la proposition de l’honorable M. Dumortier, qui tend à fixer à 15 fr. les frais de route et de séjour, je suis forcé de la combattre, malgré l’appui qui lui prête l’honorable M. de Theux.

Si vous parcourez, messieurs, les indemnités accordées aux personnes qui doivent se déplacer et qui sont aussi nécessaires chez elles que les membres du jury d’examen, vous reconnaîtrez que ces indemnités sont bien inférieures à celle de ces derniers, qui, pour la plupart, touchent cumulativement le traitement de professeurs.

Ainsi, par exemple, les médecins sont souvent appelés par la justice criminelle, soit comme jurés, soit comme experts pour constater des empoisonnements ou des blessures ; ces hommes sont aussi arrachés à leur clientèle et à leurs occupations ; eh bien, dans ce service obligé, savez-vous, messieurs, ce que touche un médecin appelé par la justice devant le jury, non pas devant le jury universitaire, mais devant le jury qui statue sur la vie des hommes ? Ce médecin touche 1 fr. 50 c. ; cependant son absence peut se prolonger pendant 15 jours. N’est-il pas ridicule, après cela, de donner 15 fr. aux membres du jury d’examen ? Ne semblerait-il pas que ces hommes de science eussent plus soif d’argent que tout autre membre de la société ? C’est ce que je ne puis admettre ni supposer.

M. Devaux. - Messieurs, je voterai pour le projet du gouvernement. Il me semble que la rétribution qu’il propose est suffisante. Il s’agit ici de fonctions qui durent non pas toute l’année, mais quelques semaines. Voici cependant ce que les membres du jury d’examen ont touché en 1843. Chaque juré a touché : pour la philosophie et lettres, 4,800 fr. ; pour les sciences, 2,400 fr. ; pour le doctorat en droit, 1,500 fr. ; pour la candidature en droit, 2,200 fr. ; pour le doctorat en médecine, 4,000 fr. ; pour la candidature en médecine, 1,850 fr. Je concevrais que l’on payât très bien les professeurs, mais les professeurs des universités dont le traitement figure au budget de l’Etat sont très mal rétribués. Pourquoi donc donner des indemnités considérables pour des fonctions qui n’exigent que quelques semaines ? Non seulement les fonctions de membres du jury d’examen ne sont refusées par personne, mais elles sont extrêmement recherchées. Je dirai même que le chiffre élevé des indemnités excite de grandes jalousies parmi les professeurs.

Un autre grand inconvénient que je voudrais aussi voir disparaître, c’est la prolongation des sessions. Les cours sont suspendus dans les universités pendant tout le temps que durent les examens du jury. Cela est très nuisible à l’enseignement. Si les membres du jury étaient rétribués par examen au lieu de l’être par heure, je crois que cela vaudrait beaucoup mieux. Dans tous les cas, je trouve que l’indemnité de 10 fr. est suffisante, d’autant plus que les fonctions dont il s’agit, sont très recherchées parmi les professeurs et que c’est naturellement parmi les professeurs qu’il faut choisir les examinateurs.

M. de La Coste. - L’observation que vient de faire l’honorable M. Devaux est tout à fait dans le sens de celle que j’ai soumise à la chambre. Je crois cependant que ce serait aller trop loin que le supprimer entièrement la rétribution par heure d’examen, parce qu’alors il y aurait une tendance défavorable à la bonté des examens, une tendance à accélérer les examens. Je pense qu’il faudrait combiner les deux systèmes, donner une certaine rétribution par heure et une certaine rétribution par élève examiné Cependant, si l’on pouvait pourvoir suffisamment à ce que la tendance dont je viens de parler n’existât pas, alors je ne verrais pas d’inconvénient à ce que l’indemnité fût réglée par élève examiné.

M. Rogier. - Messieurs, c’est précisément parce que les professeurs reçoivent un traitement inférieur au mérite de beaucoup d’entre eux, que je vois avec une certaine défiance la proposition de réduire des émoluments qui viennent accroître ce traitement reconnu insuffisant.

Les fonctions de membres du jury sont maintenant recherchées ; et ce n’est pas un mal, mais le seront-elles encore, lorsque la rétribution sera réduite de moitié ?

Cela est douteux.

Je répète, messieurs, que la cause principale de l’accroissement des dépenses du jury d’examen, réside dans les heures perdues, dans les heures non consacrées à l’examen des récipiendaires. Cet abus m’a été signalé par des professeurs qui siègent depuis plusieurs années dans le jury d’examen.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je dirai à la chambre que la question m’a été présentée sous les différentes faces que viennent d’indiquer les honorables préopinants, et que je n’ai pas trouvé de proposition plus convenable, ou si l’on veut, offrant moins d’inconvénients dans l’exécution, que celle que j’ai eu l’honneur de présenter. Cette proposition est d’ailleurs conforme aux usages consacrés depuis 8 ans, c’est-à dire depuis la mise à exécution de la loi.

Terme moyen, messieurs, on peut dire que chaque examinateur aura 28 fr. par jour. Eh bien je dis que c’est là une indemnité suffisante pour résider dans la capitale.

Les fonctions de membres du jury d’examen sont recherchées, et elles continueront à l’être. Les professeurs les recherchent non pas seulement dans leur intérêt, non pas seulement dans l’intérêt de la science, mais aussi dans l’intérêt de l’établissement qu’ils représentent. Ce sont là des motifs suffisants pour que ces fonctions continuent à être recherchées. Quant à l’indemnité, telle que nous proposons de la fixer, elle sera encore supérieure à celle des membres du jury du concours universitaire. Or, je n ai pas rencontré de refus pour le concours universitaire. Je pense donc que l’on ne s’expose pas à des refus en réduisant l’indemnité des membres du jury d’examen, au chiffre que nous proposons de fixer.

J’ai dit que, terme moyen, l’indemnité serait encore de 28 fr. par jour. En effet, messieurs, mettez 6 heures d’examen, c’est la règle générale, à 3 fr. par heure, voilà 18 fr. ajoutez-y 10 fr. pour les membres étrangers à Bruxelles, vous arrivez à 28 fr.

- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi. Elle est adoptée à l’unanimité des 68 membres qui ont pris part au vote.

Un membre (M. Rogier), s’est abstenu.

M. Rogier motive en ces termes son abstention - Je n’ai pas voulu voter contre la loi, parce qu’elle consacre une économie, et que je suis partisan des économies ; mais comme on n’a pas levé mes doutes sur le préjudice que cette mesure pourrait causer aux examens, je n’ai pas voulu voter pour la loi. J’ai dû m’abstenir.

Motion d'ordre

Pensions des officiers des Indes orientales

M. Pirson. - Messieurs, à plusieurs reprises les officiers pensionnés ayant servi aux Indes, se sont adressés a la chambre pour réclamer son intervention, afin d’obtenir la pension supplémentaire des Indes.

Leur réclamation me paraît fondée et je viens l’appuyer.

Les pétitionnaires sont d’anciens et braves officiers qui ont bien servi le pays et qui ont des titres à sa reconnaissance ; presque tous ont été plus ou moins grièvement blessés et ils sont en outre accablés d’infirmités ou de maladies incurables. Ces officiers ne se trouvent pas tous dans la même position. Les uns ont été pensionnés depuis 1830, on leur a accordé la pension ordinaire ; ils réclament l’intégralité de la pension supplémentaire. Les autres ont été pensionnés avant 1830, ils touchent les trois cinquièmes de la pension supplémentaire ce qu’ils réclament, c’est le payement des deux autres cinquièmes. J’exposerai à la chambre ce qu’est la pension supplémentaire des Indes, comment il se fait que les officiers pensionnés avant 1830 n’en touchent que les 3/5, et pourquoi je crois, que tous, pensionnés avant 1830 et pensionnés après 1830, ont droit à l’intégralité de la pension supplémentaire. Si, comme je le pense, il résulte de l’énoncé des faits et de la discussion, la preuve que les pétitionnaires sont fondés dans leurs réclamations, j’espère que M. le ministre des finances voudra bien présenter un projet de loi tendant à leur faire accorder la pension supplémentaire qu’ils réclament.

Messieurs, en vertu d’un arrêté royal du 13 février 1815, n°88, et d’un arrêté du commissaire-général des Indes, du 19 novembre 1816, n°30, il avait été institué des pensions supplémentaires pour les officiers qui s’engageraient à aller servir aux Indes. Toutes les fois que dans la mère patrie, on organisait une nouvelle expédition, le gouvernement avait soin de rappeler ces avantages en même temps que d’autres avantages encore, afin de trouver des officiers qui voulussent partir pour Java.

D’après le tarif annexé aux arrêtés que je viens de citer, la pension supplémentaire pour les grades de capitaine et de sous-lieutenant était égale à la pension ordinaire, et, pour tous les autres grades, elle excédait un peu le taux de cette pension. La moitié de la pension supplémentaire était à la charge du trésor public, l’autre moitié était à la charge d’une caisse spéciale, formée au moyen de retenues extraordinaires et obligatoires imposées aux officiers et opérées sur leurs traitements. La pension supplémentaire, à charge du trésor public, était accordée à tout officier qui avait servi aux Indes, peu importait le nombre d’années ; la pension supplémentaire à charge de la caisse spéciale était accordée à tout officier qui avait servi 15 ans aux Indes ; mais pour ceux qui n’y étaient pas resté ce nombre d’années, elle était réglée à raison du quinzième pour chaque année.

Pour me faire mieux comprendre, messieurs, je prendrai pour exemple la position de l’un des signataires de l’une des pétitions. Il a servi 12 ans aux Indes où il occupait le grade de capitaine. Il lui revient donc pour pension de retraite, d’abord 800 fl., taux de la pension ordinaire, plus 400 fl. de pension supplémentaire à charge du trésor public, plus 12/15 de 400 fl. de pension supplémentaire à charge de la caisse spéciale. Il ne lui a été accordé que 800 fl., taux de la pension ordinaire ; ce qu’il réclame, ce sont les deux suppléments de pension de 400 fl. et de 12/15 de 400 fl., pour les 12 années qu’il est resté aux Indes.

En ce qui concerne les officiers pensionnés avant 1830, voici comment il se fait qu’ils ne touchent que les 3/5 de la pension supplémentaire. Jusqu’en 1828, l’intégralité de la pension supplémentaire leur était payée, mais cette année de 1828 le gouvernement de colonies s’étant trouvé dans la pénurie d’argent, et se voyant cependant obligé de soutenir la guerre à Java, s’empara des fonds de la caisse spéciale, fonds qu’il remplaça par un papier créé sur l’Etat portant intérêt à 3 p.c., tandis que les fonds de la caisse étaient placés à 9 p. c. , taux légal de l’intérêt aux colonies. Cette mesure eut pour effet de causer un préjudice considérable à la caisse de retraite, et dès 1829, on fut obligé de réduire la pension supplémentaire aux trois cinquièmes. Les intéressés protestèrent contre cet acte arbitraire, et en 1832 le gouvernement des Pays-Bas, pour mettre fin aux réclamations et aux plaintes qu’il recevait sans cesse, prit un arrêté par lequel il rétablissait l’intégralité des pensions supplémentaires.

Messieurs, un arrêté d’ordre intérieur, pris en Hollande après 1830, ne peut sans doute être obligatoire pour le gouvernement belge ; cependant il est positif que si la révolution de 1830 n’avait pas eu le résultat heureux qui a fondé notre indépendance, les pétitionnaires ne se trouveraient pas aujourd’hui dans le cas de réclamer, et l’arrêté de 1832, tout de justice, je dirai même de restitution, leur serait applicable, Il me semble que dans cette circonstance, on doit considérer la Belgique comme substituée aux obligations de l’ancien royaume des Pays-Bas vis-à-vis de nos compatriotes, et qu’il est de toute justice et de toute équité qu’il soit présenté un projet de loi, tendant à faire accorder aux pétitionnaires la pension supplémentaire qu’ils réclament.

J’ajouterai que les officiers ayant servi aux Indes et pensionnés depuis 1830, sont seulement au nombre de trois, et que je ne pense pas qu’il en reste dans l’armée plus de dix auxquels on serait dans le cas d’allouer dans la suite des pensions supplémentaires ; et que les officiers ayant servi aux Indes et pensionnes avant 1830 sont au nombre de huit, pour lesquels le montant des 2/5 qu’ils réclament pourrait s’élever, jusqu’à leur mort, à une somme d’environ 700 fr. par année.

Je terminerai, messieurs, en vous faisant remarquer que ce que les pétitionnaires réclament, c’est l’acquittement d’une dette sacrée et positive. Certainement on ne peut pas considérer comme un acte de munificence la pension supplémentaire des Indes, car personne n’ignore combien le climat des Indes était funeste aux Européens, que le plus grand nombre d’officiers qui se sont rendus dais cette contrée y ont trouvé la mort, et que presque tous ceux qui en sont revenus, à part les blessures qu’ils y ont reçues, y ont contracté des maladies ou des infirmités, qui ont augmenté leurs besoins et leurs dépenses.

Je demande donc que M. le ministre des finances veuille présenter un projet de loi tendant à faire accorder aux officiers pensionnés qui ont servi aux Indes, les mêmes avantages dont jouissent leurs anciens camarades restés en Hollande.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je partage la sympathie qu’a exprimée l’honorable préopinant envers les officiers qui ont servi aux Indes et qui certes ont couru de grands dangers. Il m’est rependant impossible de reconnaître à ces officiers un droit formel à un supplément de pension, en tant que ce supplément puisse être imputé sur les fonds de l’Etat.

Messieurs, il s’agissait d’un fonds spécial, créé par des retenues qui étaient prélevées sur les traitements des officiers ; lorsque ce fonds n’a plus été suffisant, le gouvernement des Pays-Bas lui-même a réduit les pensions. D’ailleurs, c’est à ce titre de fonds particulier que nous sommes rentrés en possession d’une partie des fonds ; si ce n’eût pas été un fonds spécial, le gouvernement des Pays-Bas n’aurait pas réintégré la somme de 120,000 fr. que nous avons recouvrée en capital et en intérêts, lors de la liquidation ; c’est précisément parce qu’il ne s’agissait pas d’un fonds de l’Etat que nous avons pu toucher cette somme.

Maintenant, si le gouvernement n’a pas fait de proposition en faveur de ces officiers, c’est qu’il existe d’autres personnes dignes d’intérêt qui ont obtenu des pensions sur des fonds particuliers, et que ces fonds sont également insuffisants pour pourvoir au service des pensions. Je citerai entre autres, les veuves des fonctionnaires des départements ministériels il en est qui sont dans une position peu heureuse, et le fonds est insuffisant pour subvenir au payement de toutes les pensions.

Je reconnais qu’il y a des considérations d’équité qui doivent porter le gouvernement à faire quelques propositions en faveur de ces officiers, mais je ne reconnais pas leurs droits à une pension supplémentaire à la charge de l’Etat ; remarquez bien que déjà ces officiers sont pensionnés de l’Etat ; que les années qu’ils ont passées dans les Indes, leur ont toutes été comptées triples. Quoi qu’il en soit, je crois que la réclamation des officiers mérite d’être ultérieurement examinée ; c’est ce que je ferai, et le gouvernement jugera s’il y a lien d’avoir égard eu tout on en partie aux observations de l’honorable préopinant.

M. de Garcia. - M. le ministre des finances a dit qu’il ne pouvait reconnaître un droit formel aux officiers qui ont servi aux Indes, pour obtenir de la Belgique une pension supplémentaire. Je ne conteste pas cela, mais au point de vue, non pas de l’équité, comme a dit M. le ministre, mais d’après les principes de la plus rigoureuse justice, le gouvernement ne doit-il pas présenter à la législature un projet, pour faire payer à ces officiers leur pension supplémentaire ? Voilà où est la question.

Je reconnais que les pétitionnaires n’ont pas un droit formel, un texte de loi pour réclamer leur supplément de pension, puisque nous provoquons une loi à cet égard ; mais leur prétention n’en reste pas moins fondée sur des principes les plus rigoureux de justice.

D’abord, quelles étaient les promesses faites aux officiers partant pour les Indes ? On assurait à ces militaires après 40 années de service dont partie passée aux Indes une pension double de celle accordée aux officiers de l’armée du continent. Cette promesse est la base d’un droit acquis et incontestable.

A la vérité, le gouvernement des Pays-Bas qui traitait les colonies sous le régime du bon plaisir comme le font du reste tous les pays qui ont des colonies, n’a pas toujours respecté les droits des officiers de l’armée des Indes. Parfois il a disposé de la caisse de retenue, d’autres fois il a pris des arrêtes pour n’accorder que partie des pensions promises, mais toujours par mesures arbitraires.

Ces mesures s’exerçaient d’autant plus facilement qu’elles tombaient surtout sur des militaires belges qui composaient pour plus des deux tiers l’armée de terre aux Indes. Personne n’ignore que les restes glorieux de l’ancienne armée de l’empire furent rebutés après 1815. Il ne leur resta d’autre ressource que d’aller chercher du pain sous le climat cruel et délétère des Indes. A cette époque, nous avons vu s’expatrier nos officiers les plus distingués et nos sommités militaires.

A cette occasion, qu’il me soit permis de citer le nom d’un compatriote, du brave Lafontaine , colonel à 30 ans dans l’armée française et qui comptait des pages brillantes dans l’histoire des guerres de l’empire ; ce brave, messieurs, a dû partir avec femme et enfants pour les Indes. Des enfants orphelins seuls en sont revenus, la mort y a frappé le père et la mère. En présence de tels faits, la justice ne commande-t-elle pas d’une manière impérieuse de présenter un projet de loi pour récompenser des services aussi méritants ? Les droits de ces officiers étaient acquis : s’ils ne viennent pas un texte de loi à la main, c’est que la révolution a déchiré leurs titres. S’ils étaient restés parmi les ennemis de leur pays, ils seraient pensionnés. La Hollande a été tellement pénétrée du fondement de ces prétentions, qu’aussitôt que ses finances le lui ont permis, elle a régularisé la position de ces officiers, en leur donnant la pension qui leur était promise ; c’est ce qui a été fait en 1831 et 1834. Serez-vous moins justes que la Hollande vis-à-vis de vos concitoyens qui étaient alors au service de h Belgique, car les colonies étaient une propriété de la communauté ?

Leur refuserez-vous la pension supplémentaires qu’ils auraient eu s’ils étaient restés en Hollande, en pays ennemi ? une conduite semblable serait aussi inique qu’antinationale. Je ne consentirai jamais à laisser consacrer une injustice semblable, et si le gouvernement ne présente pas un projet de loi à cette fin, je n’hésiterai à le déclarer, comme je l’ai déjà dit, j’userai de mon droit d’initiative, et présenterai un projet de loi pour accomplir l’acte de justice que je viens de signaler.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne comprends pas les distinctions que vient de faire l’honorable préopinant. J’ai dit qu’il y avait des considérations d’équité qui militaient en faveur de la réclamation des pétitionnaires. Mais l’honorable préopinant a fait une distinction entre la justice et l’équité, et il a prétendu qu’il y avait justice à admettre la réclamation, cependant il a reconnu que les pétitionnaires n’avaient pas de droits formels. Or, la justice qui ne s’appuie pas sur des droits formels, c’est de l’équité.

Je désire qu’on s’en tienne à la déclaration que j’ai faite que la question serait examinée avec bienveillance par le gouvernement.

M. Savart-Martel. - D’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, il y a lieu de penser qu’un projet de loi sera présenté ; dès lors je n’ajouterai rien à ce qui a été dit.

M. Pirson. - Messieurs, je crois pouvoir vous assurer que M. le ministre des finances était dans l’erreur lorsqu’il vous a dit que toute la pension supplémentaire des Indes était à charge de la caisse spéciale. La moitié seulement de cette pension était à charge dune caisse spéciale, l’autre moitié était à charge du trésor public. J’ai par-devers moi le tarif d’après lequel se payaient en 1816 et se payent encore aujourd’hui ces pensions. Pour chaque grade il y a deux colonnes. Dans la première se trouve inscrite la pension à charge du trésor, et dans la deuxième, celle à charge de la caisse spéciale.

Si je prends, par exemple, le grade de capitaine, la pension à charge du trésor public, affectée à ce grade, était pour les officiers ayant servi dans l’armée de la mère-patrie, de 800 florins. Dans ce tarif, elle est portée à 1,200 florins. Il y a donc une augmentation de 400 fl. à charge du trésor public, comme je l’ai indiquée tout à l’heure. Ensuite, dans la deuxième colonne se trouve indiquée la majoration de pension à charge de la caisse spéciale. Pour la première année, elle était de 26 florins 67 cents ; pour la secondé, de 53 florins 33 cents et ainsi de suite, et pour la quinzième, de 400 florins ; de telle sorte qu’un officier ayant servi quinze ans aux Indes touchait une pension de 1,600 florins, c’est-à--dire le double de la pension accordée aux officiers de la mère-patrie, dont 1,200 florins sur le trésor public et 400 florins sur la caisse spéciale.

En ce qui concerne la pension à charge du trésor, il me semble que par suite du traité conclu avec la Hollande, il ne peut y avoir doute et qu’elle doit être acquittée par la Belgique. Quant à la partie à charge de la caisse spéciale, elle était le résultat d’une retenue imposée aux officiers, retenue qui n’était pas facultative, mais obligatoire.

Dès lors il me paraît qu’il ne serait pas juste de les priver des avantages sur lesquels ils avaient droit de compter.

Je le répète, trois officiers seulement ayant servi aux Indes ont été pensionnes depuis 1830. Je ne pense pas qu’il en reste plus de dix dans l’armée qui puissent avoir des droits à faire valoir de ce chef, et il n’y en a que huit dans cette position qui l’aient été avant 1830. De telle sorte que la dépense qui eu résultera pour le trésor ne sera jamais bien considérable, et que cette dépense, par suite des effets de la mortalité, ira toujours en décroissant.

Je persiste à inviter M. le ministre à nous présenter un projet de loi tendant à faire accorder aux officiers pensionnés qui ont servi aux Indes la pension supplémentaire des Indes.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable préopinant vient de vous donner lecture d un tableau de pensions ; j’ai entre les mains le texte des arrêtes antérieurs à 1830, et je n’y vois pas que l’Etat intervienne pour la moitié dans les suppléments de ces pensions. Au reste, puisque la question ne doit pas être vidée aujourd’hui, il est inutile de discuter ce point, je m’en tiens à la déclaration que j’ai faite.

- La discussion est close.

La séance est levée à 3 heures 3/4.