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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 1er mai
1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Rapports sur des pétitions relatives
aux droits d’entrée sur les vins français (convention du 16 juillet 1842) (Zoude, Osy, Nothomb,
Desmet, de Haerne,
Simons, de Foere), aux droits
d’entrée sur les cires pour bougies stéariques (Zoude)
3) Motion d’ordre relative aux
inondations dans la vallée de l’Escaut (Delehaye, Dechamps, Dumortier, Lejeune, de Saegher,
Desmet, Dechamps, Dumortier, de Saegher)
4) Conclusions de la commission
d’enquête parlementaire (commission « de Foere »). Formation du
comité secret
(Moniteur
belge n°123, du 2 mai 1844)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en
est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECE ADRESSEE A LA CHAMBRE
« Les sieurs Mot et Persoons, cultivateurs à Herffelingen,
réclament l’intervention de la chambre, pour que le ministre de la justice
donne suite à leur plainte à charge du curé de la commune. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, des négociants en vin vous adressent leurs justes doléances
sur l’extension donnée à la convention du 16 juillet 1842 avec
Nonobstant, la France, envers laquelle
nous nous sommes empressés trop tôt de lever les mesures de prohibition prises
contre elle par le gouvernement précédent ; la France, qui feint d’oublier que
Mais à qui la faute de cette
interprétation plus que rigoureuse de la part de la France ?
Messieurs, ou vous l’a déjà dit, le
gouvernement et les chambres ont fait des écoles depuis notre émancipation, et
la pétition qui vous est soumise en fournit un nouvel exemple.
Est-il quelqu’un parmi nous
qui, lors de la discussion de cette convention, ait pensé que l’introduction
des vins par terre et par mer, pouvait s’entendre d’une autre manière que du
vin introduit par les frontières de terre du côté de la France et d’une
importation directe par mer ? Personne n’a demandé des explications à cet
égard, et notre confiance dans des expressions qui ne semblaient pas
susceptibles d’interprétation, est une arme dont la France s’est servie contre nous.
Mais l’équité peut-elle permettre que
nos vins soient repoussés de
Votre commission a l’honneur de vous
proposer le renvoi de cette pétition à M. le ministre des finances, en la
recommandant à son attention sérieuse.
M. Osy. - Messieurs, je regrette de ne pas voir à son banc M. le ministre des
finances, dans les attributions duquel rentre particulièrement l’objet de la
pétition, et qui peut dès lors mieux nous éclairer sur les plaintes articulées
dans la pétition. Toutefois, comme M. le ministre de l’intérieur est présent,
je présenterai quelques observations.
Messieurs, après l’exécution du
traité conclu avec la France, les marchands de vin de Maestricht avaient
demandé à pouvoir introduire les vins français avec les facilités accordées à
L’honorable M. Smits s’y est opposé,
pendant toute la durée de son ministère ; c’est par une circulaire du ministre
des finances actuel, du mois de septembre de l’année dernière, circulaire qui
n’a été ni insérée au Moniteur ni
communiquée aux négociants, et qu’un pur hasard m’a fait connaître ; c’est par
cette circulaire, dis-je, que le gouvernement a accordé la même faveur aux
Hollandais pour l’importation des vins ; c’est-à-dire, que les Hollandais ont
obtenu la diminution du droit d’entrée, et la diminution du quart du droit
d’accise.
L’honorable M. Smits s’est refusé à
gratifier de cet avantage les Hollandais, parce que l’arrêté pris en 1828 par
le roi des Pays-Bas contre la France, était rétabli en 1830 contre les
frontières de terre de
L’arrête de 1828 n’autorisait
l’entrée des vins par terre, qu’à raison de trois florins par hectolitre ;
aujourd’hui encore, quand nos marchands de vin veulent envoyer leurs vins en
Hollande, ils sont obligés de payer quinze francs par barrique, ou d’envoyer
leurs vins à Rotterdam, pour pouvoir les introduire à dix cents l’hectolitre.
Eh bien, l’honorable M. Smits, dans l’intérêt du pays, avait dit : Je
n’accorderai cette faveur que quand
Maintenant je vais prouver que
les marchands de vin hollandais importent les vins de France à meilleur compte
que les marchands belges.
Le traité avec l’Espagne n’étant pas
encore ratifié, nous sommes obligés, pour les vins de ce pays, de payer
l’ancien droit d’entrée et la totalité du droit d’accise. Or, les marchands
hollandais coupent les petits vins français avec du vin de Beni-Carlo,
jusqu’à concurrence de tiers ou moitié ; ils introduisent ainsi du vin français
mélangé avec du vin d’Espagne. Les marchands hollandais jouissent donc d’un
avantage qu’on refuse aux marchands belges.
Nous demandons quelquefois le retrait
d’arrêtés royaux. Une semblable mesure peut avoir des inconvénients, mais je ne
pense pas qu’il y en ait à retirer une circulaire ministérielle. Je demande
donc formellement que la circulaire ministérielle du mois de septembre soit
retirée et regardée comme non avenue.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je regrette que
nous n’ayons pas su qu’il serait fait rapport aujourd’hui sur cette pétition ; la
chambre me pardonnera, si je me permets, à cette occasion, de faire une
réflexion générale, c’est que les ministres sont ainsi très souvent pris au
dépourvu. Sans doute, ils ont toujours quelques notions de l’affaire, mais il
est impossible qu’ils arrivent ici, munis de toutes les pièces. Il faudrait
donc qu’on adoptât l’usage suivi dans d’autres pays constitutionnels, où les
interpellations et les rapports de pétitions sont annoncés à l’avance ; l’objet
en est indiqué au bulletin de l’ordre du jour.
J’ignore si l’honorable M. Smits a
donné mandat à l’honorable M. Osy, d’expliquer les motifs qui ont engagé M. le
ministre des finances, prédécesseur du ministre actuel, à ne pas accorder
l’application demandée.
Il n’y a pas eu de refus formel, il y
a eu un retard, en ce sens que la convention ayant été conclue entre
La convention conclue, le 16 juillet,
avec la France, accorde des faveurs aux vins français, sans dire qu’ils doivent
être importés par tel ou tel pavillon. Le gouvernement français a déclaré qu’il
n’entendait pas la convention dans un sens restrictif, c’est-à-dire que la
faveur devait être accordée aux vins importés, soit par pavillon français, soit
par tout autre pavillon ; c’est lorsque les intentions du gouvernement français
ont été connues, que nous avons cru ne pas devoir refuser au gouvernement
hollandais l’application de la convention. Voilà comment les choses se sont
passées.
On dit que, grâce à la mesure qui a
été prise par M. le ministre des finances actuel, du vin falsifié entre
maintenant par la frontière hollandaise. S’il en est ainsi, le gouvernement
français aura le plus grand intérêt à revenir sur sa déclaration. C’est un fait
tout nouveau qui nous est signalé pour la première fois.
Il y a donc au fond deux questions :
d’abord une question de droit, celle de savoir quel est le sens de la convention
du 16 juillet ; ensuite une question de fait, celle de savoir s’il est vrai que
des vins falsifiés entrent dans le pays du côté de
Ces quelques observations que j’ai
déjà présentées dans une séance précédente, doivent suffire pour expliquer la
conduite du gouvernement. Du reste, si l’on veut une discussion approfondie,
que l’on fixe à l’avance le jour où elle aura lieu, pour que les ministres
puissent se présenter avec le texte des pièces. Au surplus, la circulaire dont
l’honorable M. Osy a parlé, n’a pas été donnée furtivement, M. le ministre des
finances a fait en cette circonstance ce qu’il fait pour la plupart des lois
financières ; il donne des instructions, il adresse des circulaires, pour
l’exécution de ces lois ; cela ne se fait pas autrement.
M. Zoude, rapporteur. - Je dois faire observer que j’avais prévenu hier M. le ministre des
finances que je présenterais le rapport aujourd’hui.
M. Osy. - Je demande que la discussion soit continuée après-demain. M. le
ministre des finances pourra prendre connaissance de ce qui a été dit
aujourd’hui.
M. Desmet. - Je ne vois pas pourquoi l’on remettrait la discussion à un autre
jour. Cet objet est aussi important que l’affaire du transit du bétail. C’est
une conjuration de la France et de
M. de Haerne. - Je crois qu’on ne peut
révoquer en doute que le gouvernement français ait fait opposition à nos
réclamations, et qu’il appuie dans cette question les prétentions de la
Hollande ; par conséquent, le ministère belge doit en avoir été informé.
Il s’agit simplement de savoir, pour
le moment, s’il faut remettre la discussion à un autre jour ; pour ma part, je
ne trouve aucun inconvénient à ce que cette discussion soit remise à deux ou
trois jours. Le ministre des finances sera prévenu.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne suffit pas que le
ministre soit prévenu, il faut que les membres de la chambre le soient
également.
M. Simons. - Comme le fait observer M.
le ministre de l’intérieur, ce n’est pas seulement le ministre qui doit être
informé, il faut aussi que les membres de la chambre soient prévenus. Me
proposant de prendre la parole, je désire aussi que la discussion soit remise à
après-demain.
On a parlé de
M. Simons. - Je ne comprends pas
pourquoi ce que je viens d’avancer, excite les rumeurs de la chambre ; mis je
prouverai que le traité a été exécuté, immédiatement après, dans le sens de
l’interprétation de M. le ministre des finances actuel.
M. de Foere. - Je demande que la discussion soit remise après la discussion qui est
à l’ordre du jour. Je ferai remarquer que des discussions incidentes viennent
constamment empêcher cette discussion de marcher vers son terme.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je
demande que la discussion du rapport sur la pétition des marchands de vin soit
fixée à samedi.
- Cette proposition est adoptée.
M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, par sa pétition que vous avez renvoyée à votre commission
d’industrie, le sieur Quanone vous demande une
protection en faveur des bougies stéariques dont il a introduit et perfectionné
la fabrication en Belgique.
Cette protection consisterait dans
une augmentation de droit sur les cires étrangères, et notamment sur le blanc
de baleine ou spermaceti raffiné.
Par l’élévation du droit sur les
cires, qu’il propose de porter de 2 fr. à 25 fr., nous serions affranchis,
dit-il, d’un tribut assez considérable que nous payons à l’étranger ; tandis
qu’un droit sur le spermaceti, qui n’est que de 2 fr,, et qu’il propose
d’élever à 40 fr., repousserait une matière qu’il ne considère pas seulement
comme inutile, mais encore comme onéreuse au pays.
Au moyen de ces droits, sa fabrique,
qui l’emporte sur toutes les autres par la beauté et le bon marché de ses
produits, acquerra un nouveau développement. Cependant il est déjà tel, qu’en
1843 sa fabrique a fourni à l’exportation dès bougies pour une somme de 60
mille francs ; et puis l’acide oléique qu’il retire du suif, et qui remplace
l’huile de Gallipoli dans les fabriques de drap, procure déjà, à l’année, une
économie de 100 mille francs au pays, dont 40 mille au profit des fabricants de
drap et d’étoffes de laine. Présentée de cette manière, la pétition du sieur Quanone paraîtrait devoir être accueillie de la manière la
plus favorable.
Mais quelles en seront les
conséquences ? D’abord l’anéantissement des fabriques de cire, dont l’existence
dans le pays est aussi ancienne que celle des abeilles, et puis par la grande
élévation du droit dont elles seront frappées, d’empêcher le perfectionnement
de nos cires, qui, pour être blanchies, ont besoin d’être mélangées, dans
certaines proportions, avec la cire étrangère. D’ailleurs, nos besoins
dépassent nos produits ; le droit proposé pèserait entièrement sur nos matières
premières.
Cependant, s’il était vrai qu’il y
eût économie pour les consommateurs dans la production de ces nouvelles
bougies, qu’il y eût affranchissement du tribut que nos payons pour les cires
étrangères, et que l’acide que fournit cette fabrique procurât un avantage
aussi notable à nos fabriques de draps, votre commission ne pourrait hésiter de
vous proposer l’accueil le plus favorable à la demande du pétitionnaire.
Mais il est une considération plus
importante et qui doit dominer celle du bon marché, à savoir si l’emploi
de ces bougies n’a rien de contraire à la santé publique ; votre commission ne
hasarde aucun jugement à cet égard, mais elle doit vous rendre compte de
certaines appréhensions qu’elle a conçues d’après ce qui s’est passé à Paris en
1833 et 1834, et à Londres en 1837.
A Paris, on s’est aperçu que la fumée
de ces bougies stéariques exhalait une odeur d’ail, et que plusieurs personnes
en avaient été plus ou moins incommodées.
L’autorité, avertie, ordonna une
enquête, et la présence de l’arsenic dans ces bougies fut constatée, mais les
fabricants parvinrent à remplacer ce poison par un ingrédient innocent, qui
opéra le même effet sur la beauté et la blancheur de ces bougies. L’autorité, étant
ainsi rassurée, ne publia rien sur cette découverte, pour ne pas nuire à une
industrie qui devenait importante.
Il en fut autrement à Londres, en
1837. Un étranger y avait apporté une poudre blanche, au moyen de laquelle on
convertissait l’acide stéarique en belles bougies, qui firent bientôt fortune.
Mais une personne, qui avait été fortement incommodée par la vapeur de cet
éclairage consulta un médecin, qui fit analyser quelques-unes de ces bougies,
et y ayant découvert de l’arsenic, en fit immédiatement part à la Société
royale de médecine, qui reconnut que chaque litre de bougie contenait de 18 à
20 grains d’arsenic. Pour s’assurer de l’effet délétère de l’emploi de ces
bougies, on en alluma, et des oiseaux, soumis à l’action de l’air dans lequel elles
brûlaient périrent tous après un délai plus ou moins long, suivant la force de
chaleur.
Le gouvernement, éclairé par ce
fâcheux résultat, prohiba la vente de ces bougies arsenicales, et défense fut
faite aux fabricants de chandelles de jamais introduire de ce poison dans leur
fabrication.
Votre commission, en vous rendant
compte de ces faits, est loin de vouloir insinuer que les bougies du sieur Quanone sont suspectes, car il peut se faire qu’il soit en
possession du secret de cette poudre blanche inoffensive dont on fait usage à
Paris.
Mais il est de l’intérêt du sieur Quanone, comme il est du devoir de l’administration de la
police, de faire soumettre ses bougies à une analyse chimique, et c’est d’après
le rapport qui en sera fait, que votre commission aura l’honneur de vous
présenter ses conclusions.
M. Delehaye. - Messieurs, j’ai une interpellation à adresser à M. le ministre des
travaux publics.
Les cultivateurs et
propriétaires de prairies de la vallée de l’Escaut sont dans la plus grande
inquiétude, parce qu’une partie des terres et des prairies de cette vallée sont
encore couvertes d’eau à une élévation d’un à trois pieds, bien que, depuis plusieurs
semaines, nous n’ayons pas de pluie, et que Gand soit débarrassé de ses eaux.
Il faut qu’il y ait eu négligence de la part de l’administration des ponts et
chaussées ou inaction des écluses pour que de semblables inondations existent
encore à cette époque après avoir été aussi longtemps sans pluie. Si on ne
cherche pas à y mettre promptement un terme, la prochaine récolte sera
compromise ; c’est à cette époque que l’herbe se forme, et si les prairies ne
sont pas bientôt débarrassées des eaux, l’herbe ne pourra jamais acquérir les
qualités nécessaires à la nourriture des chevaux et du bétail.
Je prie M. le ministre de prendre mes
observations en sérieuse considération et de faire en sorte que cet état de
choses ne se prolonge pas plus longtemps. Je me bornerai à ces observations
pour le moment ; un jour la chambre me permettra de lui soumettre mes vues sur
les travaux à effectuer pour prévenir les inondations qui, si souvent, viennent
désoler nos populations ; il est de toute urgence que le gouvernement cherche à
détourner une partie des eaux de l’Escaut et de
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - Messieurs, chacun sait que
cette année les inondations ont été plus considérables que les années
précédentes que les eaux se sont élevées sur tous les fleuves et rivières à des
hauteurs extraordinaires. Ce fait, qui a frappé les autres pays comme
Du reste, les eaux de l’Escaut et de
Les inondations ayant été plus
étendues cette année que les années précédentes, il n’est pas étonnant que
l’écoulement des eaux se fasse plus lentement. D’après les rapports dont je
viens de parler, il y a lieu de penser que l’écluse d’Audenaerde pourra
prochainement être partiellement fermée, ce qui permettra d’assécher les
terrains en aval d’Audenaerde et en amont de Gand. Cette mesure n’a pas encore
pu être prise jusqu’à présent à cause de la hauteur à laquelle les eaux sont
restées entre Audenaerde et Tournay.
M. Dumortier. - Messieurs, je dois m’élever avec force contre ce que vient de dire
M. le ministre des travaux publies. Si les prairies de
D’où vient cet état de choses ? De ce
qu’une convention funeste a été conclue avec la France, convention dont j’ai eu
plusieurs fois l’honneur d’entretenir l’assemblée. Mais alors ma voix n’a pas
été écoutée, et aujourd’hui, nous voilà arrivés à ces malheureux résultats
qu’il eût été facile de prévoir.
Autrefois l’écluse d’Antoing n’avait
que neuf mètres, elle a été portée à 15 par le traité et en fait à 21 ; de
sorte que
Je le répète, de Tournay à Gand, sur
25 lieues de parcours, la vallée de l’Escaut est aujourd’hui inondée comme dans
les hivers les plus rigoureux au mois de janvier.
Je prie le gouvernement de porter son
attention sur cet état de choses, et de tâcher d’y mettre un terme. Le remède
serait de restreindre le débouche de l’écluse d’Antoing. Si vous voulez ouvrir
le débouché d’Antoing d’une manière aussi large, augmenter le débouché de la
région inférieure. Car si vous consentez à recevoir beaucoup d’eau et que vous
n’en écouliez que peu, vous serez toujours inondés.
Je vous ai indiqué l’état dans lequel
nous nous trouvons, et vous avez pu vous convaincre que le remède à y apporter
est opposé à celui indiqué par M. le ministre lorsqu’il a dit qu’il pourrait
opérer la fermeture partielle de l’écluse d’Audenaerde. Quand cette écluse sera
en partie fermée, les eaux supérieures ne pourront plus s’écouler.
M. Manilius. - Faites le canal de Zelzaete.
M. Dumortier. - Le canal de Zelzaete devait amener beaucoup de bien ; il n’amènera
rien. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ; il s’agit de l’écoulement des eaux
de l’Escaut. A Gand, l’écoulement des eaux est toujours facile, il peut se
faire par quatre voies : par le fleuve, par le canal de Bruges, par le canal de
Terneuzen et en quatrième lieu par le canal de Dam. Mais on a augmenté les
moyens d’arrivage, et on a restreint les moyens de descendre ; l’inondation
était la conséquence nécessaire. Si on avait écouté nos observations, cela ne
serait pas arrivé. Mais prenons les choses dans l’état où elles sont. On a eu
tort d’abord de faire le barrage d’Autrive ; ensuite
le gouvernement ne devrait donner à l’écluse d’Antoing que la dimension
rigoureuse portée par le traité, au lieu de la dépasser.
Les exigences sont telles de
la part de la France, qu’en ce moment où il est question d’établir une chaussée
entre Tournay et Audenarde, le gouvernement français exige du gouvernement
belge que cette chaussée soit sur ponts en bois, de crainte que l’arrivage des
eaux n’éprouve des entraves. Dès que la France obtient l’écoulement qu’elle a
toujours eu avant la révolution, elle n’a pas à se plaindre. Le gouvernement
français a insisté dans l’intérêt des propriétaires de la vallée de
M. Lejeune. - Messieurs, je viens confirmer ce que vous a dit l’honorable M.
Delehaye, qu’aujourd’hui une partie de la vallée de l’Escaut se trouve encore
sous les eaux. Mais je dois dire que je ne suis pas d’accord avec cet honorable
membre, quand il attribue cet état de choses à l’inaction de l’administration
des ponts et chaussées et au défaut de faire fonctionner les écluses. Je suis
persuadé que les écluses ont été constamment ouvertes. La situation de la
vallée de l’Escaut n’est pas extraordinaire ; les eaux ont été excessivement
élevées et il est connu que la vallée de l’Escaut se débarrasse très
difficilement et très lentement. Il y a quinze jours que Gand est débarrassé
des eaux ; à Audenaerde, nous en souffrons encore, mais cela ne résulte pas de
ce que les écluses auraient été fermées ; cela tient à d’autres obstacles.
M. Dumortier s’est élevé contre la
mesure annoncée par M. le ministre des travaux publics, de fermer prochainement
le barrage d’Audenaerde. Mais M. le ministre a entendu dire que cette mesure ne
serait prise que quand l’Escaut serait à son étiage d’été.
M. Dumortier. - Alors, nous sommes d’accord.
M. Lejeune. - Il est prévu que le moment arrivera dans quelques jours, peut-être
dans une dizaine de jours.
Je crois aussi que les inondations
dont nous souffrons doivent être attribués en grande partie à l’élargissement
de l’écluse d’Antoing ; c’est-à-dire que l’on a ouvert le robinet d’en haut et
que l’on n’a pas ouvert le robinet d’en bas.
On doit tâcher d’augmenter les
débouchés de l’Escaut, en proportion des moyens par lesquels on fait arriver
les eaux de la France chez nous. Ces moyens, nous les avons. Je ne pense pas
que l’on puisse recourir à ceux qu’a indiqués l’honorable M. Dumortier. Il
n’est pas possible aujourd’hui de refermer l’écluse d’Antoing.
Je ne répondrai pas à ce qu’a dit cet
honorable membre sur les moyens de faire écouler les eaux à Gand, il y aurait
trop à dire, et ce n’est pas le moment opportun ; je puis lui assurer que,
malgré ces moyens d’écoulement, la ville de Gand souffre beaucoup dans la
saison des eaux, et qu’on ne peut songer à augmenter l’écoulement des eaux par
la ville de Gand même ; des canaux de dérivation sont indispensables.
M. de Saegher. - Comme membre d’une sous-commission chargée de visiter le cours de
l’Escaut, et de rechercher les moyens de prévenir les inondations extraordinaires
de ce fleuve, je crois pouvoir donner à la chambre quelques explications à ce
sujet.
Il est très vrai, ainsi que l’a dit
l’honorable ministre des travaux publics, que les inondations actuelles
proviennent d’une cause tout à fait extraordinaire, savoir des grosses eaux
mêmes de France, par suite des pluies très abondantes.
Le lit de l’Escaut n’est pas assez
large pour qu’il puisse décharger assez promptement les eaux supérieures qui
nous viennent de France dans ces cas exceptionnels.
Voilà la seule cause des inondations
extraordinaires qui ont lieu en ce moment en amont d’Audenaerde
Quels sont les remèdes à apporter,
pour l’avenir, à un semblable état de choses ? Il sera impossible de remédier à
ces inondations extraordinaires, aussi longtemps qu’on ne fera pas des canaux
latéraux au lit de l’Escaut ; mais, pour exécuter ces canaux sans inconvénient,
il faudrait commencer les travaux en aval ; car, si vous faites d’abord des
travaux aux environs de Tournay et d’Audenaerde, vous allez inonder complètement
la ville de Gand. Avant de faire des ouvrages quelconques sur les points
supérieurs, il faut chercher les moyens de décharger les eaux en aval.
C’était principalement là l’objet des
recherches de la commission qui a été instituée, il y a quelque temps. La
commission s’est occupée, en premier lieu, des moyens de mettre Gand à l’abri
des inondations auxquelles donnent lieu les crues extraordinaires.
Parmi les moyens qui ont été mis en
avant, nous citerons : 1° des écluses à Termonde et à Hamme ; 2° une coupure
aux environs de Gand.
Vous voyez, messieurs, que ce sont là
des travaux de la plus haute importance.
Quant à l’objection de l’honorable M.
Dumortier, je crois pouvoir lui répondre, en ce qui concerne la convention avec
la France, que ce n’est pas cette convention qui peut être le motif des
inondations dont on se plaint actuellement aux environs de Tournay ; que c’est
à une cause extraordinaire que ces inondations doivent être attribuées.
Je lui répondrai, en second
lieu, que si l’élargissement de l’écluse de d’Antoing a pu causer un certain
préjudice sur ce point, elle a également procuré un avantage au pays en amont
de cette écluse.
Il y a souvent des inondations dans
le village de Laplaine, ou dans les environs, et si l’on
devait suivre les indications données par l’honorable M. Dumortier, il en
résulterait que le village serait presque constamment inondé.
M. Dumortier. - Vous ne connaissez pas le terrain.
M. de Saegher. - Pardon. J’ai visité les
localités avec la plus grande attention.
L’honorable M. Dumortier vous a dit
que l’écoulement des eaux, à Gand, est facile. C’est encore une erreur.
A Gand, on se plaint constamment,
presque tous les ans, des grandes inondations dont nous sommes affligés. Je le
répète, il n’y a qu’un remède, c’est de faire un plan général des travaux à
exécuter, et de commencer ces travaux en aval de Gand. Ce n’est qu’ainsi qu’on
atteindra le but que l’on désire.
M. Desmet. - Je ne dirai que deux mots sur cette motion. Mais je crois que c’est
ici le moment d’attirer l’attention de M. le ministre des travaux publics sur
les digues que forme le chemin de fer dans les vallées de
On a fait beaucoup de travaux dans le
haut Escaut, depuis peu de temps pour la chasse des eaux. Deux fortes coupures
y ont été pratiquées, le canal d’Eyne a été rouvert,
l’écluse d’Antoing a été élargie et
Le bas Escaut me paraît insuffisant ;
je crois que l’on pourrait faire un usage très utile du canal de Zelzaete et de
M. le ministre des travaux
publics (M. Dechamps) - La chambre comprendra que
je ne puis suivre l’honorable préopinant dans une discussion générale sur la
grave question des inondations de l’Escaut et de
Je n’ai pris la parole que pour
expliquer une phrase que j’ai prononcée, et qui n’a pas été comprise par
l’honorable M. Dumortier.
Lorsque j’ai dit, d’après les
rapports que j’ai reçus, que dans quelque temps il serait possible de fermer
partiellement l’écluse d’Audenaerde, afin d’assécher les terrains aux environs
de Gand, c’est à la condition, ainsi que l’a remarqué déjà l’honorable M.
Lejeune, qu’en amont d’Audenaerde l’Escaut serait rentré dans son lit
ordinaire, que les eaux seraient descendues à leur étiage d’été. Le fait de la
fermeture partielle du barrage d’Audenaerde est évidemment subordonné à cet
autre fait. L’honorable M. Dumortier ne partage pas l’opinion des ingénieurs
sur ce point. Il ne pense pas que la baisse des eaux du côté de Tournay puisse
avoir lieu aussi rapidement. C’est là une question de fait et d’appréciation.
M. Dumortier. - Je ne puis laisser, sans réponse, les observations de l’honorable
député de Gand. Selon cet honorable préopinant, pour assurer l’écoulement des
eaux de l’Escaut, il faut établir une écluse à Termonde. Depuis quand les
écluses sont-elles un moyen d’écoulement ? Elles sont au contraire un obstacle
à l’écoulement des eaux. Ainsi l’on dépenserait à Termonde cinq ou six millions
(car, remarquez-le, la dépense s’élèvera à ce chiffre), et au lieu de créer un
moyen d’écoulement, on aura apporté une entrave à l’écoulement des eaux. La
n’est pas le fait. Il est dans la trop grande quantité d’eaux qui arrivent de
France.
On a parlé des moyens de prévenir les
inondations à Gand. Mais il y a là un obstacle à l’écoulement des eaux que l’on
devrait chercher à faire disparaître. Je veux parler des usines et des moulins
Que le gouvernement achète ces usines, alors l’écoulement des eaux sera facile.
Si on laisse des moulins à moudre et des vannes pour produire des chutes d’eau,
cela entrave l’écoulement des eaux. M. le préfet de Faitpoult
qui portait un grand intérêt à cette localité voulait les faite disparaître.
Le gouvernement provisoire a aussi
voulu les enlever : on a dit que ce n’était pas possible. Cependant si l’on
veut un écoulement plus facile des eaux, il faut commencer par faire
disparaître les barrages artificiels qui se trouvent à Gand. Il fait
désobstruer le fleuve : il y a obstruction dans les régions inférieures et
ouverture trop grande dans les régions supérieures. Mas il est bien certain que
ce n’est pas avec de nouveaux barrages qu’on fera écouler les eaux à Tournay et
dans le Hainaut. On fera une dépense incalculable, qui n’aboutira qu’à empirer
la position.
M. de Saegher.- Lorsque j’ai parlé
d’écluses à construire à Hamme et à Termonde, je me suis servi d’un mot
impropre, j’aurais dû dire : « Portes à flots, » et, quant à ce système, il est
préconisé par un de nos meilleurs ingénieurs, qui a publié un mémoire sur cette
question. Je pense que M. Dumortier ne devrait pas venir dire avec autant
d’assurance que ce système ne vaut rien, Quant à ce qu’il a dit des usines
établies dans la ville de Gand, je lui répondrai qu’il est connu de tout le
monde que jamais les eaux dans cette ville n’ont été mieux administrées qu’elles
le sont aujourd’hui, que depuis plusieurs années on a travaillé à lever tous
les obstacles qui pouvaient s’opposer à l’écoulement des eaux et qu’on les a
fait complètement disparaître.
En ce qui concerne la vieille
anecdote de M. de Faitpoult, elle est tout à fait
inexacte ; La manœuvre des écluses se fait d’ailleurs très régulièrement
aujourd’hui.
CONCLUSIONS DE LA
COMMISSION D’ENQUETE PARLEMENTAIRE (COMMISSION « DE FOERE »)
Formation du comité secret
M. le
président. - L’ordre du jour appelle la suite
de la discussion des conclusions de la commission d’enquête parlementaire.
- La chambre se forme en comité
secret à 1 heure 3/4.