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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 19 mars 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi relatif aux pensions
civiles et ecclésiastiques. Caisses des veuves et orphelins (Malou, Mercier), principe de la mise
à charge de l’Etat du paiement des pensions de retraite (de Garcia, Mercier, Donny, de Garcia, Donny,
de Garcia, Nothomb, Donny, Desmet, Malou,
de Garcia, Nothomb, Desmet, Eloy de Burdinne), conditions
d’octroi de la pension (infirmités, Moniteur) (Verhaegen,
Nothomb, Mercier, Malou, Verhaegen, Mercier, Osy, Mercier,
Malou, Vanden Eynde, Verhaegen, de Mérode, d’Huart, Verhaegen, Malou, de Mérode)
3) Projet de loi autorisant le gouvernement à effectuer la
conversion des titres de l’emprunt de 100,800,000
francs. Amendement du sénat
4) Projet de
loi relatif au rendiguement du
polder de Lillo (Cogels)
5) Projet
de loi relatif aux pensions civiles et ecclésiastiques. Droit de saisie (Savart-Martel, Malou, d’Elhoungne), interdiction de cumul (Malou)
6) Projet de loi autorisant le gouvernement à effectuer la
conversion des titres de l’emprunt de 100,800,000
francs (Cogels, Mercier, Devaux, Cogels, Devaux,
d’Huart)
7) Projet
de loi relatif aux pensions civiles et ecclésiastiques. Déchéance de la pension
en cas de résidence à l’étranger (Mercier, Malou, Orts, Malou,
Orts, d’Huart, Mercier,
Malou, Nothomb, Orts,
Mercier, de Muelenaere, Mercier, Malou, Mercier, de Mérode, Rodenbach, Orts, Malou)
8) Motion d’ordre relative aux
conclusions de la commission d’enquête parlementaire (Nothomb,
Mast de Vries, Eloy de Burdinne, Coghen)
(Moniteur belge n°80, du 20 mars 1844)
(Présidence
de M. Liedts.)
M.
de Renesse procède à l’appel nominal à une heure
et quart ; il donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la
rédaction en est approuvée.
M.
de Renesse présente l’analyse des pièces
adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le
sieur Van Hamme présente des observations concernant l’article 63 du projet de
loi sur les pensions. »
-
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi.
_________________________
« Le
sieur Bona, fabricant de tabac, à Roeulx, prie la chambre
de mettre à son prochain ordre du jour, le projet de loi sur les tabacs. »
-
Renvoi à la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi.
_________________________
« Le sieur Honoré Verhavert,
vérificateur des douanes, à Peruwelz, demande d’être réintégré dans la
jouissance de la pension qui lui a été accordée, sous l’empire, pour ses années
de service dans les droits réunis. »
-
Renvoi à la commission des pétitions.
_________________________
« Plusieurs habitants de la commune de Heusden
demandent un canal d’écoulement pour les eaux de l’Escaut et de la Lys qui,
chaque année, inondent leurs propriétés. »
-
Même renvoi.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
PENSIONS CIVILES ET ECCLESIASTIQUES
Discussion des articles
M. le président. - L’ordre du jour appelle la
suite de la discussion sur les articles du projet de loi générale des pensions.
La
chambre est parvenue au chapitre II.
Titre II. Des pensions des veuves et orphelins
Chapitre II. - Revenus des caisses de pensions
«
Art. 38. Les revenus des caisses de pensions se composeront des ressources
indiqués ci-après, telles quelles seront déterminées cumulativement ou
séparément pour chaque caisse, par arrêté royal :
« 1°
Retenue sur les traitements et suppléments de traitement, sur les remises et
sur les émoluments, jusqu’à concurrence de 5 p. c.,
sans pouvoir excéder une somme annuelle de 500 francs par traitement ;
« 2°
Retenue du premier mois, au plus, de tout traitement ou supplément de
traitement, des remises ou émoluments accordés à l’avenir ;
« 3°
Retenue, pendant un mois au moins et trois mois au plus, de toute augmentation
de traitement ou supplément de traitement, d’émoluments ou de remises ;
« 4°
Retenues sur les traitements, opérées en vertu des lois ou règlements pour
congé, absence ou punition disciplinaire ;
« 5°
Parts assignées par les lois ou règlements dans les amendes, saisies,
confiscations, ou tout autre produit ;
« 6°
Retenues sur les pensions de retraite des magistrats, fonctionnaires ou employés,
mariés ou ayant des enfants mineurs ;
« 7°
Retenues sur les traitements et suppléments de traitements équivalentes au
montant d’une année de la pension éventuelle des veuves.
«
Cette dernière contribution pourra être payée en un ou plusieurs termes, selon
ce qui sera déterminé dans les statuts arrêtes par le Roi.
« Les
traitements des chefs de département, des agents diplomatiques et des
gouverneurs de province ne sont point soumis à la retenue mentionnée aux n°2 et
3 du présent article. »
La
section centrale propose l’adoption de cet article, moins le dernier paragraphe
dont elle propose la suppression.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - D’après les explications données par la section centrale, je me
rallie à cet amendement.
M.
Malou, rapporteur. - Dans la discussion
générale, l’honorable M. Savart avait remarquer que les mots « jusqu’à
concurrence de 5 p. c. » dans le n°1 de l’article en discussion pouvaient
prêter à une équivoque. Je pense que toute espèce de doute sera levé, si l’on disait « retenue de 5 p.c. au plus. »
Une
observation m’a été faite au sujet du n° 4°. On n paru craindre que le
gouvernement se crût, en vertu de cette disposition, investi d’un droit nouveau
d’exercer des retenues sur les traitements pour congé, absence ou punition
disciplinaire. Je tiens à déclarer que telle ne peut être la portée du n° 4°,
qu’il ne s’agit ici que des règlements, des lois existantes, des règlements en
exécution de la loi, que le n° 4° n’a pas pour objet d’étendre le droit de
réglementer en cette matière.
- Le
changement de rédaction, tendant à substituer dans le n° 1° aux mots « jusqu’à
concurrence de 5 p. c. », les mots suivants : « de 5 p. c. au
plus », est mis aux voix et adopté.
La
suppression du dernier alinéa de l’article est prononcée.
L’art.
38 est adopté avec ces deux modifications.
«
Art. 39. Les magistrats, fonctionnaires ou employés démissionnés ou
démissionnaires pourront conserver à leurs femmes et à leurs enfants mineurs
des droits éventuels à la pension, en souscrivant l’engagement, dans le délai
qui sera assigné, de continuer les versements à la caisse, et en opérant ces
versements. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je viens présenter un nouvel article concernant les caisses de
retraite pour les veuves et orphelins.
Lorsqu’on
forme une nouvelle branche d’administration et qu’on établit une caisse de
pension pour les veuves et orphelins, il est juste et convenable que les
revenus pour alimenter cette caisse soient obligatoires pour tous les membres
de cette nouvelle administration. C’est ainsi qu’on a toujours opéré. Mais
lorsqu’on impose une semblable caisse à des administrations déjà existantes, dont
les fonctionnaires n’ont contribué à aucune caisse de retraite, il me semble
qu’il y aurait lieu de faire une exception temporaire pour ceux qui ne peuvent
retirer aucun bénéfice de cette institution. Ainsi pour la caisse des veuves et
orphelins, il est clair que les magistrats, par exemple, qui sont veufs, qui
n’ont pas d’enfants mineurs et qui seraient à un certain âge, n’ont aucun
intérêt réel à l’alimentation des caisses des veuves et orphelins.
Il
m’a donc paru qu’il serait juste d’établir dans la loi une disposition
transitoire qui rendrait facultative pour ces fonctionnaires la contribution à
la caisse des veuves et orphelins.
L’article
que je soumets à la chambre est conçu dans ce sens, il porte :
«
Les magistrats, fonctionnaires et employés qui n’ont contribué jusqu’à présent
à aucune caisse de retraite de veuves et orphelins, qui seront célibataires ou
veuf sans enfants mineurs, et qui seront âges de plus de 55 ans, au moment de
la promulgation de la présente loi, ne seront point tenus à contribuera la
caisse de retraite instituée ers vertu de l’article … de la loi pour les
administrations auxquelles ils ressortissent.
« Un
délai de 3 mois, à dater de l’institution de la caisse qui leur aura été
assignée, leur est accordé pour déclarer leur intention d’user de la faculté
que leur laisse le § précédent. »
M.
Malou, rapporteur. - Il me semble que cette
disposition pourra être discutée avec mes dispositions transitoires.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - En effet.
M. le
président. - La chambre passe au titre III.
Titre III. Dispositions générales
Chapitre premier. - Pensions de retraite
Section première. - Inscription des pensions et
payement des quartiers
« Art.
40. Les pensions de retraite sont à la charge du trésor public. »
M. le
président. - Dispositions additionnelles à l’art. 40, proposées par M. de
Garcia :
« §
2. Mais tous les fonctionnaires ayant droit à ces pensions concourront à la
formation du fonds de dotation nécessaire à ce service, en versant au trésor de
l’Etat partie de leur traitement, dans la proportion suivante :
« 1°
5 p. c. des traitements et émoluments, dont le montant s’élève ensemble à 3,600
fr. et au-delà ;
« 2°
4 p. c. des traitements et émoluments, dont le montant s’élève ensemble de
2,400 à 3,600 fr. ;
« 3°
3 p. c. des traitements et émoluments, dont le montant s’élève ensemble de
1,200 à 2,400 fr. ;
« 4°
2 p. c. des traitements et émoluments, dont le montant s’élève ensemble de 600
fr. à 1,200 fr.
« Sont
exempts de toute retenue, les ministres à portefeuille et les fonctionnaires
dont le traitement et les émoluments sont inférieurs à la somme de 600
fr. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’ai demandé la parole pour combattre l’amendement de l’honorable M.
de Garcia. Le principe de la loi est que les fonctionnaires ont droit à une
pension de l’Etat, après un nombre d’années de services déterminé et à un
certain âge. En outre, pour assurer une existence à leurs veuves et orphelins,
ils sont soumis à une retenue, également en vertu des dispositions du projet de
loi. L’honorable M. de Garcia veut leur imposer une deuxième retenue, au profit
d’une caisse de pensions pour eux-mêmes. Nous avons déjà fait remarquer que les
traitements des fonctionnaires sont en général très modérés ; que les soumettre
à une retenue exorbitante, ce serait enlever aux uns leurs moyens d’existence,
et aux autres de quoi tenir un rang convenable.
J’ai déjà indiqué à la chambre quels sont, en général, les traitements
des fonctionnaires ; j’ai fait remarquer que pour ceux du département des
finances, sur 7,600 fonctionnaires, 5,974 ont moins de 1,500 fr. de traitement.
Je demande s’il est possible de faire subir à ces fonctionnaires, qui, par leur
nombre, embrassent les trois quarts du budget, une double retenue, la première
pour alimenter la caisse des veuves et orphelins, la deuxième pour aider à leur
propre pension. Reconnaissons, messieurs, que nous ne pouvons pas y penser. La
plupart des employés, on le sait, n’ont pas une position bien brillante, et
beaucoup d’entre eux seraient réellement dans le besoin, si l’amendement était
admis.
Qu’en
arriverait-il ? Que bientôt le gouvernement reconnaîtrait qu’il ne peut se
dispenser d’augmenter les traitements. Ainsi, vous feriez, d’une part, une
retenue de 10 p.c.. et vous
seriez obligés, d’autre part d’augmenter les traitements à peu près dans la
même proportion. De manière qu’en définitive il n’y aurait aucune économie pour
le trésor.
Quant
aux traitements en très petit nombre plus élevés, ils sont proportionnés à
l’importance des fonctions et aux relations que doivent entretenir les
titulaires. Il ne serait pas juste de leur imposer une charge nouvelle.
Pour
ce qui est de la retenue que ces employés continueront de subir pour alimenter
la caisse des veuves et orphelins nous avons déjà dit, dans l’exposé des
motifs, que le produit en sera toujours insuffisant pour alimenter une caisse
de pensions pour les fonctionnaires eux-mêmes, leurs veuves et orphelins, mais
qu’il pourra pourvoir au service d’une caisse restreinte aux pensions des
veuves et orphelins. Je crois que la chambre doit rester dans ce système, c’est
le seul rationnel.
Je
m’oppose donc à l’amendement de l’honorable M. de Garcia, parce qu’il est tout
à fait contraire aux principes de la loi en discussion et à ceux des lois de
pensions de tous les pays de l’Europe.
M. Donny. - Messieurs, je viens combattre l’amendement de l’honorable M. de
Garcia ; et comme je rends pleine justice au caractère franc et loyal de
l’honorable membre, je viens combattre son amendement avec l’espoir qu’il
reconnaîtra lui-même qu’il s’est trompé en le présentant.
L’honorable
M. de Garcia, tout en admettant en principe que l’Etat doit accorder la pension
aux magistrats fonctionnaires et employés qui l’ont servi fidèlement pendant un
grand nombre d’années, soutient en même temps que les serviteurs de l’Etat ne
trouvent pas dans la législature actuelle des droits acquis ou plutôt des
droits immuables que la législature ne pourrait pas modifier. Je ne veux pas,
messieurs, m’occuper de cette question, elle appartient à la discussion
générale. J’accepte le terrain de l’honorable membre ; je dis avec lui que vous
avez, vous, législateurs, le droit de modifier, en ce qui concerne les
pensions, la position que les fonctionnaires occupent aujourd’hui et de la
modifier même à leur détriment.
Mais,
messieurs, après vous avoir reconnu ce pouvoir, il me reste à vous poser une
question : Convient-il, dans l’intérêt bien entendu de la chose publique, de
faire usage de ce pouvoir, de jeter des germes de mécontentement, des germes de
découragement dans l’esprit de tous les serviteurs de l’Etat, et cela,
messieurs, pour modifier un ordre de choses qui existe depuis 30 ans, qui a été
maintenu par le gouvernement précédent et que le congrès, qui a change tant
d’institutions, a cru devoir laisser subsister ? Je ne le pense pas.
Mais
pour rencontrer l’honorable membre, je me place encore sur son terrain et,
malgré mon opinion personnelle, je dirai, en ce moment, avec lui : Oui, il
convient de rendre la position des serviteurs de l’Etat moins avantageuse, en
ce qui concerne les pensions. Voyons comment nous allons atteindre ce but.
L’honorable
membre vous dit ; il faut que les pensions restent une charge de l’Etat, mais
il faut en même temps que les serviteurs de l’Etat concourent à supporter cette
charge. Ainsi : pension à la charge de l’Etat ; concours des fonctionnaires à
ces charges ; voila, si je ne me trompe, le principe de l’honorable membre.
Comment
s’y prend-il pour organiser son principe ? Il veut, messieurs, établir le
concours des fonctionnaires au moyen d’une retenue de 5 p. c. sur les
traitements qui s’élèvent à 3,600 fr. et au-delà ; d’une retenue de 4. p. c.
sur les traitements qui s’élèvent de 2,400 à 3,600 fr. ; d’une retenue de 3 p.
c. sur les traitements qui s’élèvent de 1,200 à 2,400 fr. ; et enfin d’une
retenue de 2 p. c. sur les traitements de 600 à 1,200 fr.
Mais
je me permettrai de demander à l’honorable membre pat quels calculs, par quelle
opération de son intelligence, il est arrivé à ces chiffres ? et puisqu’il s’agit de concours, je lui demanderai si les
chiffres de son amendement ne représentent pas un concours d’un dixième de la
charge, d’un cinquième, d’un quart, d’un tiers ? Je pense avoir le droit
d’adresser cette question à celui qui, en qualité de législateur, vient nous
présenter un système tout nouveau.
Eh
bien ! messieurs, l’honorable membre ne répondra pas à
cette question ; il n’y répondra pas, parce qu’il n’a pas calculé la portée de
son amendement.
Messieurs,
j’ai calculé cette portée. Les chiffres que renferme l’amendement ne
représentent pas un concours ; à l’exception d’un seul cas, ils représentent la
pension tout entière. Il y a plus, ces chiffres représentent non seulement la
pension entière, mais encore un excédant, et pour les classes les plus élevées,
un excédant considérable. Je vais vous le prouver.
Je
vous citerai d’abord un fait. L’ancienne caisse de retraite devait faire face
aux pensions personnelles des employés, et, dans aucun cas, ces pensions
n’étaient inférieures à celles qui se trouvent formulées dans le projet ; elles
étaient dans certains cas supérieures à celles qu’il s’agit d’accorder
aujourd’hui. De plus, l’ancienne caisse de retraite devait aussi faire face aux
pensions des veuves et des orphelins des employés des finances.
Il
suit de là, messieurs, que cette ancienne caisse avait à remplir des
obligations beaucoup plus étendues que celles dont s’occupe l’honorable membre
; et cependant si le règlement de cette caisse n’avait pas renfermé certaines
dispositions absurdes dont j’ai eu l’honneur de vous entretenir hier, et si
elle avait été convenablement administrée, elle existerait encore et ferait
face à tous ses engagements, moyennant un subside peu considérable de la part
du trésor.
Cependant,
messieurs, cette caisse n’a pas été alimentée dès le principe par des retenues
de 5, de 4 ou de 3 p. c. ; elle l’a été, pendant le
plus grand nombre d’années de son existence, par une retenue de 2 p. c. Ce
n’est qu’en 1831 qu’on a porté la retenue à 3 p. c.,
et ce n’est qu’en 1831 qu’elle a été élevée pour quelques employés à 5 p. c. du
traitement.
Vous
voyez déjà par là que l’honorable membre, qui veut faire payer des retenues de
5, de 4 et de 3 p. c. pour faire face, non pas aux pensions des fonctionnaires,
de leurs veuves et de leurs orphelins, mais simplement aux pensions
personnelles des fonctionnaires, a fixé ces retenues à des taux exagérés, à des
taux qui représentent plus que la pension et qui seraient des charges pour les
serviteurs de l’Etat, sans rémunération pour eux.
Mais,
messieurs, je ne me contenterai pas de citer un fait, je vais passer à des
chiffres, parce que les chiffres sont des arguments sans réplique, il faut les
détruire ou les respecter.
Je
suppose, messieurs, cent fonctionnaires qui soient soumis chacun à une retenue
de 200 francs par an. Je suppose que ces fonctionnaires entrent au service à
l’âge de 23 ans, et que conformément à ce qui a été arrêté dans une séance
précédente, ils n’obtiennent la pension qu’à l’âge de 65 ans ; arrivés à cet
âge, le nombre de ces fonctionnaires ne sera plus de cent ; d’après les tables
de mortalité de M. Quetelet, il se trouvera réduit à
40 seulement.
J’ai
calculé, messieurs, ce que ces fonctionnaires auront versé successivement ; ce
qui sera resté au profit de l’Etat, du chef de ceux qui sont décédés avant
d’avoir l’âge voulu ; les intérêts cumulés de ces capitaux, non pas à raison de
5 p. c., taux légal, non pas même à raison de 4 1/2 p.
c., taux que vous venez de fixer par votre dernière loi de conversion, mais au
taux de 4 p c. seulement. J’ai fait plus : bien que pour la plupart des
employés les appointements soient payés tous les mois, que pour d’autres ils
soient payés de trimestre en trimestre, et qu’ainsi il y aurait moyen de placer
les sommes provenant des retenues de mois en mois et de trimestre en trimestre,
j’ai supposé que le placement des retenues n’ait lieu qu’une fois par an, et
que ce placement ne soit fait que par mille francs, et voici les résultats
auxquels je suis parvenu.
Lorsque
tous les employés que j’ai supposés du même âge seront arrivés au moment de
pouvoir jouir de leur retraite, c’est-à-dire à 65 ans, leurs versements
successifs et les intérêts de ces versements auront créé un actif de 1,661,000 fr., somme qui devra faire face aux pensions qu’il
faudra accorder aux 40 fonctionnaires survivants.
Je
suppose encore ici, en faveur du système de l’honorable membre, que tous ces
fonctionnaires soient immédiatement pensionnés au moment où ils accomplissent
leur 65ème année. Ils n’ont pas le droit de l’être, d’après la loi ; mais pour
travailler en chiffres ronds, admettons qu’ils reçoivent tous la pension le
même jour. Voici ce qui arrivera : les intérêts des capitaux qu’on a mis en
réserve ne seront pas suffisants pour faire face à toutes ces pensions ;
indépendamment de ces intérêts, il faudra y consacrer une partie du capital
réservé. Ce capital va donc décroître pendant un certain nombre d’années ; mais
d’un autre côté, les titulaires arrivés à l’âge de 65 ans, doivent aussi
décroître en nombre d’année en année, et décroître dans des proportions assez
rapides. Il arrivera un moment où ce qu’il y aura payer
du chef des pensions sera inférieur à l’intérêt du capital qui restera encore.
J’ai fait ces calculs et je vais vous en présenter les résultats.
Lorsque les personnes qui ont fait le fonds sont des employés sur
lesquels on prélève 5 p. c., comme l’honorable membre le propose pour la
première classe, il restera, après l’extinction de toutes les pensions, un
excédant de plus de 1,600,000 fr. Si les fonctionnaires étaient soumis à une
retenue de 4 p. c., il y aurait encore un excédant de 1 million et près de
200,000 fr. ; s’ils étaient soumis à une retenue de 3 p. c., il y aurait encore
un excédant d’au-delà de 300,000 fr. Ce n’est, messieurs, que pour ceux qui
seront soumis à une simple retenue de 2 pour cent, qu’il y aurait déficit ;
pour ceux-là il y aurait une insuffisance de 1,200,000 francs. Supposons
maintenant 100 employés à 5 p.c. de retenue, 100 à 4 p. c., 100 à 3 p. c. et
100 à 2 p. c. et supposons, pour la commodité des calculs que tous aient à
verser, de ce chef, 200 francs par an pour pensionner les survivants de ces 400
employés, il faudrait suppléer aux versements de ceux de la dernière classe,
jusqu’à concurrence de 1,200,000 francs, tandis que les employés des autres
classes auraient non seulement payé d’avance leurs propre pensions, mais encore
fourni au gouvernement un excédant de 3,235,000 francs, excédant qui, après
déduction des 1,200,000 francs payés aux fonctionnaires infirmes, laisserait
encore au gouvernement un bénéfice net d’environ deux millions ; tribut levé
sur les fonctionnaires supérieurs, qu’on croit cependant favoriser au moyen des
pensions qu’on leur accorderait.
Vous
voyez, messieurs, que ce sont là des résultats qu’on ne peut accepter, que ce
sont des résultats qui s’éloignent totalement de ce que l’honorable membre a
voulu ; il n’y aurait plus là concours de la part du gouvernement ; dans ce
système, le gouvernement ne versera pas un centime ; ce sont les fonctionnaires
supérieurs qui paieront tout, et leurs propres pensions, et les pensions de la
dernière classe et de plus un tribut considérable au profit du trésor de
l’Etat, tribut que, sous l’empire de la constitution, personne en Belgique n’a
le droit de prélever sur une classe spéciale de citoyens.
Je
crois, messieurs, avoir suffisamment démontré que l’amendement de l’honorable
membre n’est pas susceptible d’être accepté par la chambre. J’en voterai le
rejet.
M. de Garcia. -
Je commencerai par remercier l’honorable préopinant de la loyauté, de la
franchise qu’il a bien voulu accorder a mes intentions, il m’a rendu une
justice que je sens avoir mérité au fond de mon cœur.
Quel
est le but de l’amendement que j’ai présenté à la chambre ? Ce but résulte de
la lecture même de cet amendement ; c’est de soulager les charges du trésor et,
par suite, celles des contribuables. Je commencerai par répondre à une question
faite par l’honorable préopinant. Il a demandé où mon intelligence a pu trouver
le principe que consacre mon amendement et les développements de ce principe.
Il
ne me sera pas difficile, messieurs, de trouver dans les annales des lois des
autres peuples et dans les annales des lois précédentes que mon amendement
n’est ni neuf dans son principe ni neuf dans son application. Qu’il me soit
permis de donner lecture d’une loi portée en l’an VII de la république, et à
cette époque, messieurs, la république française avait des grands hommes qui
dirigeaient ses destinées. La république française, à cette époque, avait aussi
ses finances en mauvais état. Vous verrez, messieurs, à la simple lecture de
cette loi, que mon intelligence n’a pas dû faire de grands efforts ni pour
trouver le principe, ni pour en trouver l’application.
Voici
ce qui porte cette loi :
« Résolution
du 29 messidor, an VII.
« Art.
1er. Tous mandats, fonctions ou emplois civils donnant lieu à traitements,
indemnités, salaires ou remises payés, soit directement par le trésor public,
soit indirectement sur les centimes additionnels aux contributions, soit par
retenues sur le produit des sommes perçues pour le compte du trésor national,
subiront, quant auxdits traitements, indemnités, salaires ou remises, et
jusqu’à la paix générale, une réduction d’après les proportions qui suivent :
Un membre. -
Jusqu’à la paix générale.
M. de Garcia. -
J’entends relever le mot : jusqu’à la paix générale. Sans doute, nous ne sommes
pas, comme le gouvernement français de l’an VII, dans un état de guerre contre
l’ennemi extérieur de la patrie, mais, dans l’état où se trouve le trésor, dans
l’état de combat continuel où nous nous trouvons, pour mettre nos ressources au
niveau de nos dépenses, l’on ne peut se dissimuler que nous aussi nous sommes
dans des circonstances telles que nous devons viser à obtenir des réductions
dans les dépenses de l’Etat.
Continuons
la lecture de la loi dont il s’agit.
Vous
allez voir, messieurs, quelles étaient les retenues que l’on faisait, et vous
verrez qu’elles étaient échelonnées à peu près de la même manière que celles
que je propose ; seulement elles étaient beaucoup plus fortes, et s’élevaient
jusqu’au 6ème dans les gros traitements.
« Art.
2. Sont exceptés de toute espèce de réduction, les traitements, indemnités,
salaires ou remises qui n’excèdent pas 600 fr. par an. »
«
Art. 3. Les traitements, indemnités, salaires ou remises qui s’élèvent depuis
600 fr. jusqu’à 2,000 fr. inclusivement par année, seront réduits d’un dixième,
sans néanmoins que, pour cette classe d’employés ou fonctionnaires, la
réduction puisse porter sur les premiers 600 fr., mais seulement sur la partie
excédante. »
« Art.
« Art.
5. Les réductions ci-dessus auront lieu à partir du 1er thermidor. »
«
Art. 6. Au moyen des dispositions ci-dessus, toutes autres retenues cesseront :
les lois des 5 nivôse et 27 floréal an VII demeurent rapportées en ce qu’elles
ont de contraire à la présente ; elles n’auront d’exécution que sur les
indemnités, traitements et salaires échus au 1er thermidor prochain. »
Vous
voyez que j’ai suivi complètement le principe de la loi que je cite, et si j’y
ai parfois dérogé, ce n’a été que pour rester au-dessous de la moitié et même
des deux tiers.
Vous
voyez, messieurs, que je n’ai pas dû faire de grands efforts pour trouver
appliqué le système de retenues que j’ai l’honneur de vous proposer.
En
France, toutes les lois qui ont suivi celle que je viens de citer ont consacré
les principes d’une retenue pour allouer les pensions de retraite.
Messieurs,
j’ai toujours été sous une influence, en présence de la loi qui nous est
soumise. J’ai craint que cette loi n’ouvrît la porte à des dépenses énormes, et
cette crainte est bien justifiable devant le déficit de notre trésor.
Je
me félicite cependant d’avoir vu la chambre rejeter toutes les mesures qui
tendaient à élargir le cercle des pensions, rejeter toutes les mesures qui
auraient été trop préjudiciables à notre état financier. Toutefois je persiste
à croire que la loi, telle quelle est formulée jusqu’ici, sera plus onéreuse au
trésor que la législation actuelle ; on a souvent prétendu que la loi en
discussion devait dégrever le trésor. Sous un point de vue, je dois convenir
que ce résultat sera atteint. Sous le point de vue de la diminution des grosses
pensions, je dois convenir que la loi apportera des améliorations à l’ordre de
choses actuel, mais sous d’autres rapports, je suis loin de partager l’opinion
des honorables membres qui pensent que la loi actuelle aura (quelques mots illisibles) et général
qu’ils supputent.
D’abord,
messieurs, vous avez maintenant des retenues dans diverses administrations,
vous en avez dans l’administration des finances, dans l’administration des
douanes, dans l’administration des postes, dans l’administration du chemin de
fer, etc., etc. ; la plupart de ces administrations étaient soumises à des
retenues, non seulement pour subvenir aux pensions des veuves et orphelins,
mais encore pour subvenir aux pensions de retraite des fonctionnaires publics
eux-mêmes. Eh bien, dorénavant le trésor perdra ces retenues. J’ai voulu,
messieurs, réparer cette perte par la mesure générale que j’ai l’honneur de
vous proposer.
Il
est d’autres dispositions qui élargissent encore le cercle de la dépense. En
vertu de la loi actuelle, une grande quantité de fonctionnaires qui, sous
l’empire de la loi ancienne, ne pourraient demander la pension, y auront droit
aujourd’hui. Il y a même quelque chose de singulier, c’est que moyennant
certains changements dans la qualification, le gouvernement pourra faire entrer
dans la catégorie des ayants droit à la pension des fonctionnaires qui n’y ont
aujourd’hui aucun droit. C’est tellement vrai, que M. le ministre de l’intérieur
et l’honorable rapporteur de la section centrale n’ont pu se fixer sur le point
de savoir si les fonctionnaires de certains établissements, tels que les
conservatoires, par exemple, auraient droit ou n’auraient pas droit à la
pension.
Quand
la chambre a voulu avoir des éclaircissements à cet égard, l’honorable
rapporteur a dit que quant à lui, il ne voulait pas donner acte au gouvernement
que les fonctionnaires dont il s’agissait auraient droit à la pension, qu’ils y
auraient droit s’ils tombaient sous le principe du titre 1er de la loi, que,
s’ils ne tombaient pas sous ce principe, ils n’y auraient point droit. Mais
faites bien attention, messieurs, qu’en changeant un peu la qualification de
ces fonctionnaires, on pourra les faire tomber sous le principe de la loi. L’on
voit évidemment par là que le trésor se trouve encore menacé indéfiniment.
Messieurs,
pour attaquer mon amendement, on a prétendu que les traitements des
fonctionnaires publics sont à peine suffisants pour leurs besoins. Je ne puis
pas partager complètement cette opinion. Je sais bien qu’en Belgique les
traitements ne sont pas généralement très élevés, mais faites attention que les
contribuables aussi ne peuvent pas supporter de nouvelles charges, que leurs
charges sont déjà énormes : de quel côté devez-vous vous laisser aller ?
Allez-vous laisser les traitements sans aucune retenue ? Alors vous devrez
charger les contribuables. Nous ne devons pas, pour faire plaisir aux
fonctionnaires, sacrifier l’intérêt de la nation. Quant à moi, je crois qu’on
peut imposer une légère contribution aux fonctionnaires, dans le but d’alléger
les charges de la nation.
L’honorable M. Donny, entrant dans l’examen, par des chiffres, des
résultats de mon système, l’honorable M. Donny a voulu établir en quelque sorte
que mon système était inconséquent, en ce que la retenue établie pour certaines
classes d’employés donnerait un bénéfice au trésor, produirait trop pour payer
les pensions de ces fonctionnaires, tandis que pour d’autres catégories il y
aurait trop peu, que, pour ces autres catégories le trésor devrait contribuer.
M. Donny. - Jamais dans votre système.
M. de Garcia. -
Je ne sais pas si je vous ai bien compris, mais d’après ce que j’ai entendu, il
y aurait des catégories d’employés dont la retenue ne couvrirait pas les
pensions, pour lesquelles une dotation nécessaire.
M. Donny. -
Me permettez-vous de donner une explication ?
M. de Garcia. -
Volontiers.
M. Donny. - Voici le résultat de mes calculs pour tous les employés : sauf ceux
de la dernière classe, votre système établit des retenues qui excèdent, et de
beaucoup, ce qu’il faudra payer aux employés pour la pension. A la vérité, il y
a insuffisance dans la dernière classe mais cette insuffisance est largement
compensée par l’excédant des trois premières classes, et il reste encore, après
avoir satisfait au déficit de cette dernière classe, des millions dans le
trésor de l’Etat.
M. de Garcia. - J’avais compris l’observation exactement comme l’honorable M. Donny
vient de l’expliquer de nouveau. Eh bien, que résulte-t-il de là ? Que le
crédit public fera des bénéfices sur les gros traitements. Dans l’état actuel
du trésor public, vous devriez vous féliciter de cette circonstance,
puisqu’elle vous aidera à combler votre déficit. Evidemment cette proposition a
pour objet une réduction de traitements, je ne veux pas le contester,
On a
encore argumenté de ce que les hauts fonctionnaires, par mon système, seraient
appelés à former le fonds destiné à pourvoir aux pensions des fonctionnaires
inférieurs, et que la chose était injuste. Je ne puis reconnaître le fondement
de cette objection, le bonheur d’arriver aux fonctions élevées est très
restreint et ne peut échoir qu’à un petit nombre de citoyens.
Il
est une foule d’employés publics qui, avec le plus grand talent du monde, n’ont
pas le bonheur d’arriver à ces hautes fonctions ; y a-t-il dès lors injustice à
faire opérer sur les traitements des fonctionnaires de l’ordre supérieur une
retenue proportionnée à l’importance des fonctions dont ils sont revêtus ? Je
ne le pense pas. Quant à la circonstance, que mon amendement aura pour résultat
de procurer un bénéfice au trésor, je ne crois pas que ce soit un motif pour
combattre la proposition.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, la proposition de l’honorable M. de Garcia nous place sur un terrain
tout nouveau ; le caractère de la loi est complètement changé.
Par
la loi en discussion, nous faisons deux choses ; d’abord nous maintenons (il
serait inexact de dire que nous créons), nous maintenons un système de pensions
en faveur des titulaires des fonctions publics, et nous le maintenons, en
régularisant l’arrêté-loi du 14 septembre 1814.
En
second lieu, nous faisons une chose nouvelle, en ce sens que nous inscrivons
dans la loi la nécessité de l’institution, pour tous les fonctionnaires
publics, de caisses de pensions pour leurs veuves et leurs orphelins.
A
entendre l’honorable M. de Garcia, il s’agirait véritablement d’une législation
nouvelle en tout point, mais c’est là une complète erreur...
M. de Garcia. -
Je n’ai pas dit cela.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
La loi renferme donc deux choses : d’abord nous maintenons le système de pensions
en faveur des titulaires des fonctions publiques, nous régularisons en ceci
l’arrêté-loi du 14 septembre 1814. En second lieu, nous inscrivons dans la loi,
pour tous les fonctionnaires publics indistinctement, y compris la
magistrature, la nécessité de la création de caisses pour les veuves et pour
les orphelins.
Que
vous propose maintenant l’honorable M. de Garcia ?
La
caisse des veuves et des orphelins ne sera pas une charge pour le trésor public
; cette caisse sera alimentée au moyen de retenues sur les traitements.
M. de Garcia. -
Je demande la parole.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. de Garcia va plus loin ; il veut qu’on applique le
système des retenues aux pensions mêmes des titulaires. C’est là une chose tout
à fait nouvelle ; la loi ne grève pas le trésor public pour les pensions des
titulaires ; à cet égard, nous restons dans le statu quo ; aujourd’hui, les
pensions des titulaires sont une charge pour le trésor public ; quoi que vous
fassiez, la loi actuelle ne vous eût-elle pas été soumise, ou dût-elle être de
nouveau agitée, l’obligation du trésor public de payer les pensions des
titulaires des fonctions publiques n’en subsisterait pas moins.
Pour
faire cesser cette obligation, voici ce que l’honorable M. de Garcia devrait
proposer : il devrait demander l’abrogation de l’arrêté-loi du 14 septembre
1814.
M. de Garcia. -
Je demande la parole.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
C’est là ce qu’il y a au fond de votre pensée, si vous voulez aller au fond de
votre pensée.
Je
prie la chambre de se replacer sur le terrain où nous avons été depuis le
commencement de la discussion, et où nous devons nous tenir, à moins qu’on ne
veuille complètement innover.
M. Donny. -
Messieurs, quand le législateur veut réduire les pensions, sans se poser aucune
règle, aucune mesure, rien n’est plus facile : il a le pouvoir en mains, il n’a
besoin ni de calcul, ni d’opération de l’intelligence ; il peut se contenter
d’ouvrir au hasard un recueil de lois, il peut même remonter jusqu’à la
république française, et proposer de faire ce qu’on a fait en 1799, lorsque la
France se trouvait dans une position gênée, et qu’elle était forcée de
rassembler toutes les forces de la nation, pour faire face aux événements qui
pressaient ce pays.
Mais
lorsqu’on veut autre chose, lorsqu’on propose un système, lorsqu’on vous dit :
« l’Etat paiera la pension, mais le pensionnaire concourra à former un
fonds pour cette pension, » alors il y a des conditions au problème ;
alors il faut des efforts d’intelligence pour le résoudre, je suis fâché de le
dire, c’est ce que l’honorable M. de Garcia paraît avoir oublié.
L’honorable
membre veut que l’Etat paie les pensions, mais que le pensionné futur contribue
pour une partie dans cette pension. Eh bien, ce problème qu’il s’est ainsi
posé, l’honorable membre ne l’a pas résolu ; pour obtenir le résultat qu’il
désire, il impose au pensionné et sa propre pension et la pension des employés
les plus infimes, et plus encore, un excédant qui doit tourner au profit du
trésor. Est-ce là un simple concours ?
Je
demanderai à l’honorable membre dans quel article de la constitution il a puisé
le droit de frapper d’un tribut spécial une classe déterminée de fonctionnaires
? Si le trésor a besoin de l’appui des fonctionnaires, il faut que cette
nouvelle charge soit répartie sur tout le monde. Sous prétexte de faire une
pension à un employé, vous n’avez pas le droit de lui dire : Vous ferez votre
pension et celle de votre voisin, en versant dans le trésor public une somme
qu’un autre contribuable ne versera pas.
Je
crois inutile d’entrer dans de plus longs détails ; je pense que la chambre
appréciera à sa juste valeur le système de l’honorable membre.
M.
Desmet. - Messieurs, on a adressé divers
reproches à l’amendement de l’honorable M. de Garcia.
On a
d’abord blâmé le principe même de la retenue.
Mais
je demanderai quelle est la retenue la plus juste ? N’est-ce pas celle à
laquelle les fonctionnaires publics pourront se soumettre facultativement ?
N’est-elle pas plus juste que la retenue forcée que vous avez déjà consacrée,
et qui ne profitera guère à un grand nombre de ceux que vous y astreignez ? Je
crois même que cette dernière disposition sera un motif suffisant pour engager
des membres de la chambre à voter contre l’ensemble de la loi.
On a
dit encore que l’amendement de l’honorable M. de Garcia détruit le système de
l’arrêté-loi du 14 septembre 1814.
Mais,
messieurs, je ne sache pas qu’on ait jamais considéré en Belgique l’arrêté de
1814 comme consacrant un bon système sur la collation des pensions ; on l’a
constamment critiqué, et l’on y a apporté des modifications après la
révolution. La constitution ordonne la révision de la liste des pensions. Ces
pensions sont celles qui ont été accordées en vertu de l’arrêté-loi de 1814.
On
dit que nous allons faire une exception à toutes les législations en matière de
pensions.
Mais,
messieurs, c’est la loi en discussion qui fera exception à toutes les
législations sur les pensions.
On a
fait un reproche à l’honorable M. Donny de s’être appuyé sur une loi de la
république française.
On a oublié, sans doute, que cette loi existait toujours en France. On a
présenté en 1810 un projet de loi dont la principale disposition consiste dans
l’institution d’une caisse de retenue. J’engage l’honorable M. Donny à lire le
rapport de M. Michaud, rapport qui a été fait sous la date du 20 juin 1840 ; il
pourra se convaincre que le seul système des pensions qui ait des chances de
succès en France, c’est celui de l’institution d’une caisse de pensions. La
France a 75,000 employés sur un budget de 1,300
millions, et elle reconnaît qu’il n’y a pas de système de pensions possible,
sans l’institution d’un caisse de retenue.
Je
passe à
Il y
a un tantième primitif du douzième de tous les émoluments, tout ce qui est
touché doit payer son tantième pour la caisse des pensions. Quel est l’avantage
de l’amendement de M. de Garcia ? C’est que votre pension ne sera pas une chose
forcée mais facultative, qu’on sera obligé de demander la pension.
On
veut faire un budget des pensions, on veut que le riche reçoive directement sa
pension, que le millionnaire ne puisse pas refuser une pension à charge des contribuables.
Si nous avions le bonheur de voir passer l’amendement de M. de Garcia, ceux qui
voudraient jouir de la pension s’imposeraient la retenue. Il n’en résulterait
pas de charge nouvelle, votre loi passerait au gré de tout le monde.
J’ai
donc établi que votre système va faire exception de tout ce qui existe partout,
aux dépens des contribuables. Prenons-y bien garde, notre budget va devenir une
curée, permettez-moi le mot. Cependant voyez dans quel état se trouve le pays,
tout le monde voudra vivre du budget, on ne s’occupera plus d’autre chose. J’ai
lu dans un journal qu’un percepteur de
M.
Malou, rapporteur. - Je ne m’attendais pas à
voir surgir une discussion aussi longue sur l’amendement de l’honorable M. de
Garcia, veuillez-vous rappeler les résistances qui se sont manifestées quand il
s’est agi d’établir une retenue pour la formation d’une caisse de veuves et orphelins,
ce qui était une chose nouvelle ; on a invoqué l’insuffisance des traitements
de plusieurs ordres de fonctionnaires on voulait que la retenue ne fût pas
obligatoire.
Dès
le début de la discussion, quand l’honorable M. de Garcia a présenté son amendement,
je lui ai demandé s’il entendait exclure le système de prévoyance. Il m’a
répondu que non ; j’en ai conclu que quand nous serions arrivés à l’art. 40,
l’honorable membre retirerait son amendement. L’on ne peut pas obliger les
fonctionnaires aux deux retenues, lorsqu’on prétend que les traitements sont
insuffisants.
M. de Garcia. -
C’est là une conclusion qu’il vous a plu de tirer.
M.
Malou, rapporteur. - Soit, j’abandonne ce
point. Mais je dirai en premier lieu, avec M. le ministre de l’intérieur, que
le système qu’on propose est entièrement nouveau. En France, en Prusse, et dans
les législations d’autres pays, on a adopté ou le système de la caisse de
retraite, ou celui proposé en 1838 par l’honorable M. d’Huart, mais nulle part
on n’a soumis les fonctionnaires à une double retenue en divisant l’obligation.
Ainsi le système de caisse de retraite avec retenue et subside au moyen
desquels les pensions sont assurées aux fonctionnaires, à leurs veuves et à
leurs orphelins, c’est là le système qui existe en France, non en vertu de la
loi de l’an VII, mais en vertu d’autres décrets beaucoup plus récents. Le
projet que l’honorable M. d’Huart avait présenté en 1838 tendait à faire une
retenue qui aurait été versée au trésor comme recette générale, et l’Etat se
serait chargé de la pension des fonctionnaires et de leurs veuves et orphelins.
Il y a une énorme différence entre l’un et l’autre de ces systèmes et celui que
propose l’honorable M. de Garcia. Quelle en est l’expression la plus simple ?
On pourrait le formuler en deux mots, ce serait de dire : il n’y a plus de
pensions. D’abord, à charge du trésor, il n’y a pas de pension de veuves et
orphelins, puisque l’honorable membre, je m’en félicite, a voté la formation de
caisses qui doivent se suffire sans aucun subside ; il n’y aura plus de
pensions de fonctionnaires parce qu’au moyen d’une seconde retenue on les force
à couvrir leur pension. Il y a plus ; l’honorable membre est tellement franc qu’il
avoue que, par son amendement, il dégrèverait le budget de plusieurs millions
au moyen de cette réduction des traitements.
Voilà
une étrange loi de pensions. Nous allons obliger les fonctionnaires à pourvoir,
au moyen de retenues, à la pension des veuves et orphelins ; d’un autre côté, à
rebours de la loi des pensions, on veut opérer une économie de plusieurs
millions. Voilà l’amendement tel qu’il est.
La
loi de l’an VII que l’on invoque n’établissait pas ce système. L’honorable
membre n’a pas trouvé d’antécédent. On conçoit une réduction de traitement
fondé sur des circonstances difficiles, sur des événements de guerre comme ceux
qui avaient motivé la loi de l’an VII. Pour trouver un exemple semblable, il
n’était pas nécessaire de remonter si haut. Car, en 1831, la même chose s’est
faite en Belgique. Mais quand on réduisait les traitements dans des
circonstances politiques, jusqu’à la paix générale, on ne rémunérait pas moins
celui qui avait consacré toute son existence au pays.
Par
l’examen de cet amendement, nous nous trouvons, en quelque sorte, reportés dans
la discussion générale. Nous sommes ramenés à examiner de nouveau s’il faut ou
non qu’il y ait des pensions ; car l’amendement de l’honorable M. de Garcia,
c’est la suppression des pensions et la réduction des traitements, afin de
combler le déficit du budget.
Je suis partisan des économies, je désire que nous ne soyons pas obligés
de recourir à de nouveaux impôts ; pour cela il faut éviter de créer des
dépenses nouvelles, mais il ne faut pas chercher les économies là où il n’y a
que le strict nécessaire.
Qu’il
me soit permis, en terminant, de faire remarquer de nouveau quelle sera la
position si la loi actuelle n’est pas adoptée. Les charges du trésor
seront-elles diminuées ou augmentées ? Prenez les divers ordres de
fonctionnaires, ils ont droit à la pension en vertu de l’arrêté-loi de 1814 ;
cet arrêté subsistera jusqu’à l’adoption de l’amendement de M. de Garcia.
Vous
avez, il est vrai, en outre le fatal arrêté de 1822, qui a créé la fâcheuse situation
de la caisse des retraites, situation qui continuera à s’aggraver par le temps
même. Il s’agit ici non pas de grever mais de dégrever le trésor. C’est ainsi
qu’on a modifié le taux de la pension, établi des garanties nouvelles contre la
collation abusive des pensions et rendu possible et efficace le contrôle des
chambres.
Il y
a donc des améliorations notables. Aussi, nonobstant l’accroissement du nombre
des fonctionnaires dans certaines branches d’administration, j’ose dire qu’il y
a certitude de réaliser des économies au moyen de cette loi.
Je
me bornerai à ces observations, il me semble que la discussion a suffisamment
duré.
M. de Garcia. -
Pour me combattre, M. le ministre de l’intérieur m’a supposé des pensées que je
n’avais nullement émises. Je crois inutile dès lors de répondre aux objections
qui ont été développées par l’honorable ministre.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Quelles pensées ?
M. de Garcia. -
Entre autres choses, vous avez supposé que je voulais en tout point une
législation nouvelle sur la matière, et cela n’est pas exact, puisque, d’après
les lois existantes aujourd’hui, il se fait des retenues dans certaines
branches d’administration pour concourir à la caisse de retraite ; je reconnais
que ce n’est pas la généralité, je fais quelque chose de nouveau, en ce que
j’applique à la généralité ce qui existe pour des spécialités, tandis que le
gouvernement veut détourner la spécialité de la retenue. Dès lors mon système
n’est pas plus innovateur que celui du gouvernement, mais il est plus conforme
au principe d’économie réclamé par l’état de nos finances.
Je
n’ai pas voulu davantage qu’on abrogeât le système des pensions, je désire
qu’on rémunère les services rendus à la chose publique, mais en agissant avec
prudence et en ménageant les intérêts des contribuables. Mon amendement
atteindrait ce but.
L’honorable
rapporteur a dit que, lorsque j’avais présenté mon amendement, il m’avait
demandé si j’entendais proposer la suppression du titre relatif à la pension
des veuves et des orphelins. J’ai répondu que non, et l’honorable rapporteur en
a conclu que je retirais mon amendement. Je ne comprends pas la logique de
cette conclusion. Il a prétendu, comme M. le ministre, que dans mon système il
y avait suppression complète des pensions. Il s’est appuyé, pour soutenir cette
opinion, sur le raisonnement de chiffres de l’honorable M. Donny.
Je
dois observer d’abord que je n’ai pas vérifié ces chiffres ; une vérification
de cette nature ne se fait pas de mémoire, tout en me félicitant du résultat de
ces chiffres, puisqu’il tendait à démontrer que mon amendement enrichirait le
trésor, j’avoue que je ne puis admettre leur exactitude. Le passé vient à mon
aide pour démontrer le contraire de l’argumentation de M. Donny. En effet, sous
l’empire de la loi actuelle on a fait des retenues de 5 p. c. pour les pensions
des fonctionnaires et de leurs veuves, et on est arrivé à un déficit de près
d’un million. Donc, j’ai lieu de croire que les chiffres de l’honorable M.
Donny ne sont pas exacts, puisque la pratique a amené un déficit énorme. Si ces
chiffres avaient été justes en tous points, au lieu d’être obligé de venir au
secours de la caisse de retraite, nous y aurions trouvé un boni.
On
objecte aussi : c’est un système nouveau. J’ai déjà démontré qu’il n’en est
rien. Au surplus, fût-il nouveau, ce n’est pas une raison de le rejeter, s’il
est bon et s’il est réclamé par l’état de nos finances. Il s’agit d’une loi
organique ; aucune de nos institutions ne pourra être améliorée si vous rejetez
tout ce qui est neuf. On parle souvent de rétrogrades, de stationnaires. Ce
serait se montrer bien stationnaire que de repousser toute innovation, quelles
que soient les améliorations qui puissent en résulter.
Pour combattre mon système enfin, on dit qu’il en résulterait une double
retenue très considérable et des plus onéreuses aux fonctionnaires publics, je
ne partage pas cette opinion, et l’avenir le prouvera.
Je
n’hésite pas à dire que je suis convaincu qu’au département de la justice l’on
pourra, dans l’avenir, pourvoir aux pensions des veuves et orphelins au moyen
d’une retenue d’un à deux pour cent.
Quel
inconvénient y aurait-il à mettre en regard de ces retenues une retenue pour
pourvoir aux pensions des fonctionnaires eux-mêmes, surtout si leurs
traitements étaient élevés à la hauteur qu’ils doivent avoir.
Quant
à moi, je crois que l’on exagère pour faire rejeter le principe ; je crois que
la double retenue qui résulterait de mon amendement ne pourra jamais s’élever à
plus de 6 ou 7 p. c. sur le traitement des fonctionnaires placés le plus
défavorablement sur l’échelle de mon amendement.
Je
n’ai sans doute pas grand espoir de voir triompher ma proposition, les
économies radicales ont de la peine à se faire jour. Quoi qu’il en soit, cette
proposition fût-elle encore à faire, je ne reculerais pas ; je la présenterais
de nouveau, parce que je la regarde comme rationnelle et praticable, parce que
je veux des économies, et que le fonctionnaire doit, autant que le comporte sa
position, diminuer les charges du pays.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je veux que l’opinion ne s’accrédite pas dans cette chambre et au-dehors, que
la loi doit grever le trésor public. C’est une erreur en fait et en droit. En
ce moment, les titulaires de fonctions publiques jouissent de pensions. A
charge de qui sont ces pensions ? A charge du trésor public, même pour
l’administration des finances (interruption).
Elles sont directement à charge du trésor public, en vertu de l’arrêté- loi du
14 septembre 1814, pour tous les fonctionnaires publics, à l’exception de
l’administration des finances. Mais qu’est-il arrivé pour cette administration
? Que la caisse instituée pour ce département par un arrêté de
La
proposition de l’honorable M. de Garcia revient à ceci. Est-ce qu’à l’avenir,
les pensions des titulaires de fonctions publiques seront encore à charge du
trésor public ? ce serait une innovation complète,
changer le statu quo existant en vertu de l’arrêté-loi de 1814 et, par suite,
du subside que nous accordons à la caisse des finances devenue insuffisante.
Je
ne puis assez insister pour qu’on n’accrédite pas dans cette chambre et
au-dehors l’opinion que cette loi imposerait des charges nouvelles au trésor.
C’est le contraire.
M. Vanden Eynde. -
C’est une réalité.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il
faudrait le prouver. Cela revient à dire que l’arrêté-loi de 1814 n’existerait
pas. Il existe ; les fonctionnaires publics jouissent de pensions à charge du
trésor public.
Il
n’y aurait qu’une chose à faire, ce serait d’abroger l’arrêté-loi de 1814.
Une voix. -
Et de 1822.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis forcé de le
répéter, l’arrêté de 1822 porte que les pensions seront à charge de cette caisse
; mais en fait, cela n’est pas. Vous êtes forcés d’accorder un subside tel, il
est vrai de le dire, qu’indirectement les pensions sont retombées à la charge
du trésor public.
Il
en résulte qu’aujourd’hui, de fait ou de droit, toutes les pensions titulaires
sont supportées par l’Etat.
Plusieurs membres. - La clôture !
M.
Desmet. - J’aurais deux mots à dire, parce
qu’il me semble avoir mal compris l’amendement de l’honorable M. de Garcia.
J’avais compris que son amendement était facultatif. Je demande qu’il en soit
ainsi, c’est-à-dire, qu’il n’y ait que celui qui veut jouir de la faveur de la
loi qui doive contribuer à la caisse des pensions.
M. Eloy de Burdinne. -
Mon intention est plutôt de faire adopter que rejeter la loi. C’est dans ce
sens que je désirais présenter quelques observations.
- La
clôture est mise aux voix et prononcée.
L’art.
40 est mis aux voix et adopté.
Article 41
« Art.
41. Des arrêtés royaux, insérés au Bulletin
officiel, détermineront :
« 1°
Les formes dans lesquelles seront justifiées les causes, la nature, la gravité
et les suites des infirmités ou blessures, pouvant donner des droits à la
pension, selon les cas prévus par la présente loi ;
« 2°
Les pièces et documents qui devront être produits pour justifier des droits à
la pension ;
« 3°
Le taux moyen pour lequel le casuel et les autres émoluments entreront dans la
liquidation des pensions. »
-
Adopté.
« Art.
42. Les crédits nécessaires au service des pensions seront portés au budget du
département auquel les intéressés ressortissent. Chaque année, le ministre,
lors de la présentation du budget de son département, y joindra une liste
nominative et détaillée des personnes admises à la pension dans le courant de
l’année. »
-
Adopté.
« Art.
43. Aucune pension ne sera accordée qu’en vertu d’un arrêté royal rendu sur le
rapport du ministre au département duquel ressortit l’intéressé.
« Chaque
arrêté énoncera les motifs et les bases légales de la liquidation de la pension
; il sera inséré au Bulletin officiel. »
M. Verhaegen. -
Un des graves abus qui a concouru à épuiser la caisse des retraites consiste en
ce que des fonctionnaires auraient été admis à la retraite, sans y avoir des
droits, en ce qu’ils auraient été considérés comme infirmes, alors qu’ils ne
l’étaient pas. Dans une précédente séance, j’avais exprimé l’opinion que, pour
mettre un terme à cet abus, on devait mentionner non seulement dans le Bulletin officiel, mais encore dans le Moniteur les demandes de pensions et les
motifs sur lesquels les arrêtés qui les accordent avaient été appuyés. Je
reconnais que cela pourrait avoir des inconvénients. Je me borne à demander que
l’on mentionne dans le Moniteur les certificats
de médecin, et les noms des médecins qui les ont délivrés.
Il
me paraît que ce sera une garantie. Si c’est un certificat de médecin qui vient
attester une infirmité, on saura au moins que la pension a été obtenue sur ce
certificat et que c’est tel médecin qui l’a délivré.
Je
crois que c’est la seule garantie qu’on puisse ajouter à celles mentionnées
dans le projet de loi, et je borne à celle-là mon amendement, qui consiste à
rédiger ainsi le deuxième paragraphe de l’article 43 :
« Chaque
arrêté énoncera les motifs et les bases légales de la liquidation de la pension
; il mentionnera en outre, les certificats et les noms de ceux qui les ont
délivrés. Il sera inséré au Bulletin
officiel et au Moniteur.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, jusqu’à présent on
avait montré beaucoup de défiance envers le gouvernement ; il s’agit maintenant
d’une défiance toute nouvelle, c’est la défiance envers les médecins. (On rit.)
J’ignore
si de grands abus ont été commis dans la délivrance des certificats des
médecins ; mais c’est au ministre responsable à apprécier la réalité des
déclarations faites par les médecins. Je crois, messieurs, que ce serait
complètement déplacer la responsabilité que d’exiger les conditions nouvelles
proposées par l’honorable M. Verhaegen ; je dirai même plus, c’est qu’il y
aurait peut-être ici un danger, et c’est très sérieusement que j’appelle
l’attention de la chambre sur ce danger.
Si
vous exigez qu’à l’avenir les certificats soient mentionnés avec les noms des
médecins qui les ont délivrés, je dis que vous déplacez jusqu’à un certain
point la responsabilité. A l’avenir, le ministre pourra dire : je suis à l’abri
de tout, parce que le nom du médecin certificateur sera inséré au Moniteur et au Bulletin officiel, et que c’est sur lui que doit retomber la
responsabilité ; c’est lui, en un mot, qui est cité devant le public comme
étant responsable de l’acte.
Je
crois, messieurs, qu’il faut éviter cet écueil. Les certificats continueront à être
délivrés par les médecins ; le ministre les appréciera, sons sa responsabilité.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - J’ajouterai quelques mots
ce que vient de dire mon honorable collègue.
L’honorable
M. Verhaegen n’a pu faire sa proposition que sous l’influence de ce qui se
pratique d’après la législation actuelle. Mais l’honorable membre se trompe,
s’il croit que de pareils faits peuvent se renouveler sous l’empire de la
législation que nous discutons. Je demanderai plutôt, quant à moi, la
publication des certificats des médecins qui déclareront que tel ou tel employé
est encore valide, que la publication des certificats d’infirmités.
Je
puis donner l’assurance que, sous la législation nouvelle, aucun fonctionnaire,
ne sera tenté de demander sa pension. Tous aurons
intérêt, je ne puis assez le redire, à rester dans leurs fonctions, parce que
les conditions que nous leur faisons ne sont pas assez favorables pour les
engager à demander leur pension.
Le
gouvernement aura, au contraire, un autre devoir à remplir, lorsqu’il aura la
conviction que tel fonctionnaire ne peut plus s’acquitter convenablement de ses
obligations, il se verra obligé de provoqué lui-même sa démission. Mais ; je le
répète, vous ne devez pas vous attendre à voir des fonctionnaires produire de
faux certificats d’infirmités ; leur intérêt sera, au contraire, de se faire
passer pour plus valides qu’ils ne le seront.
M. Malou, rapporteur. -
Messieurs, l’article 43 est le même que l’article 26 de la loi relative aux
pensions militaires. Cet art. 26 porte : « Les pensions de toute nature sont
accordées par un arrête royal précisant les motifs pour lesquels elles ont été
données. Ces arrêtés sont insérés textuellement au Bulletin officiel. »
Nous
avons cependant fait plus dans cette loi par l’art. 41, nous obligeons le
gouvernement à établir des règles générales pour qu’en aucun cas, quel que
puisse être l’intérêt du fonctionnaire, la religion du ministre ne puisse être
surprise au moyen d’infirmités feintes.
Le
but de cette disposition dans la loi des pensions militaires et dans la loi
dont nous nous occupons, est exclusivement de rendre possible le contrôle des
chambres, et dès lors, messieurs, la publication du Bulletin officiel suffit. Chacun de nous reçoit ce bulletin, chacun
de nous connaît toutes les lois qui s’y trouvent.
J’entends
dire qu’on ne reçoit le Bulletin officiel
que tous les trois mois ; mais vous n’êtes pas réunis toute l’année, vous ne
discutez pas jour par jour, si telle ou telle pension a été accordée
abusivement ; vous capitaliserez tous les griefs, vous les apporterez tous
ensemble dans une seule discussion, lors d’une demande de crédit.
Je
dis que la publication au Bulletin
officiel suffit ; et si je me permets d’insister sur ce point, ce n’est pas
que j’aie de la répugnance pour la publicité, mais c’est parce que je trouve
que le Moniteur est suffisamment
surchargé de publications d’une utilité plus ou moins contestable et que je ne
voudrais pas en ajouter d’autres, de peur d’y rendre les recherches de plus en
plus difficiles.
M. Verhaegen. - D’après M. le ministre des finances, mon amendement aurait été utile
avec la législation ancienne, mais il ne le serait plus avec les articles du projet
actuel. M. le ministre des finances est allé jusqu’à dire que les
fonctionnaires, loin de demander aujourd’hui leur pension, seront disposés à la
refuser, tant la loi actuelle leur est défavorable.
M.
le ministre des finances, tout en faisant un aveu qu’il aura à regretter, se
trompe, car il y a de ces infirmités qui peuvent servir de base à une demande
de pension, quel que soit l’âge du fonctionnaire ; celle, entre autres, dont
s’occupent les art. 3 et 4 du projet. Le fonctionnaire qui voudra invoquer une
de ces infirmités, aura besoin d’un certificat de médecin, et s’il l’obtient,
il sera admis à la pension.
Les
inconvénients sont donc encore aujourd’hui ce qu’ils étaient autrefois, et mon
amendement aura l’utilité d’y parer. D’ailleurs, je ne vois pas quel mal
pourrait amener ma disposition ; augmenter la publicité n’est pas un mal ; les
colonnes du Moniteur n’en souffriront
pas beaucoup ; car, qu’on ne s’y trompe pas, je me borne à demander l’insertion
de l’arrête qui accorde la pension avec mention seulement des certificats et
des noms de ceux qui les auront délivrés.
Quels
motifs, en définitive, a-t-on pour s’opposer à l’insertion que je demande ?
Vous n’avez pas de confiance dans les médecins, me dit M. le ministre de
l’intérieur ; vous ne suspectez pas seulement le ministère, mais voilà que vous
suspectez la faculté. C’est une plaisanterie à laquelle je n’ai pas à répondre.
Les faits sont là pour prouver que des abus ont été commis. Il est arrivé plus
d’une fois que certains médecins ont donne des certificats avec trop de
légèreté ; et en effet, ne voyons-nous pas que des hommes très bien portants
ont été mis à la retraite, sous prétexte d’infirmités qui n’ont jamais existé ;
les noms propres ne me conviennent pas à la discussion, mass je suis convaincu
que chacun de vous me comprend de reste.
Il
ne faut que ces abus bien constants pour vous démontrer l’utilité de mon
amendement. Si MM. les médecins appelés à signer des certificats du chef
d’infirmités étaient soumis au contrôle de la publicité, ils se garderaient
bien de se laisser aller à des actes de complaisance.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, je me lève pour
déclarer que je maintiens mon observation.
Quel
était le mobile des certificats dont on a parlé ? C’était évidemment l’intérêt
du fonctionnaire à être mis à la pension. Eh bien, par ma propre expérience, je
sais qu’il est très rare que des fonctionnaires demandent leur retraite Une
seule catégorie fait exception, et c’est cette catégorie, celle des comptables
à remises élevées, que nous frappons surtout par cette loi. A l’avenir, ils se
garderont bien de demander leur pension.
M. Osy. - Messieurs, j’appuie
l’amendement de l’honorable M. Verhaegen.
On
prétend que l’insertion au Bulletin
officiel suffit. Mais je crois que peu de nous lisent le Bulletin officiel ; d’ailleurs, nous ne
le recevons que trois ou quatre fois par an, tandis que nous recevons tous les
jours le Moniteur, de manière que
c’est un fait récent que nous avons sous les yeux, et alors nous pouvons faire
des observations, tandis que 3 ou 4 mois après la chose est oubliée.
Ainsi,
messieurs, j’appuie la première partie de l’amendement ; j’appuie également
l’autre partie, mais comme il est des membres qui voteront probablement pour la
première disposition sans vouloir adopter la seconde, je demanderai la
division.
Je ferai remarquer que les certificats donnés à tort ont
considérablement augmenté les charges de l’ancienne caisse de retraite. Nous
avons voté pour cette caisse des sommes très élevées ; on nous disait que ces
sommes nous seraient remboursées par
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je dois, messieurs, insister
sur l’observation faite par l’honorable rapporteur de la section centrale. Il a
faut remarquer que l’on pourrait prendre connaissance des arrêtés dans le Bulletin officiel. J’ajouterai que
l’insertion de ces arrêtés, jour par jour, au Moniteur, ne peut donner lieu qu’à des discussions de personnes. Il
me semble qu’il faut une série de faits pour apprécier convenablement la
conduite du gouvernement en pareille matière ; lorsque les arrêtés seront
insérés au Bulletin officiel, on
pourra les examiner dans leur ensemble, et l’on aura évite par-là
l’inconvénient des interpellations journalières sur des faits individuels.
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, mon devoir de
rapporteur et l’impartialité : Je désire que les honorables membres soient
également impartiaux, surtout à l’égard des médecins. (On rit.) Un médecine délivre un certificat à un fonctionnaire dont
la santé est dans une situation désespérée ; cependant la nature plus savante
que la médecine, guérit le malade et celui-ci peut encore se promener pendant 8
ou 10 ans, sans éprouver la moindre infirmité ; l’on ne peut dans de pareils
cas, accuser le médecin qui aura délivré un certificat.
Je
crois, messieurs, qu’il résulte des garanties suffisantes de la combinaison des art. 41 et 43, et que l’amendement est complètement
inutile.
M. Vanden Eynde. -
Messieurs, j’appuie l’amendement de l’honorable M. Verhaegen, et l’explication
qui vient d’être donnée par M. le ministre des finances me confirme dans
l’opinion que j’avais de l’utilité de cet amendement. M. le ministre des
finances convient que l’insertion au Bulletin
officiel ne signifie rien, parce que les actes que l’on y publie sont
voués, en quelque sorte, à l’oubli.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Pas du tout.
M. Vanden Eynde. -
Cela résulte de vos paroles.
Il y
a, messieurs, plusieurs autres arrêtés royaux qui doivent être insérés au Bulletin officiel et qui ne sont jamais
publiés par le Moniteur ; eh bien,
ces arrêtés sont presque dans l’oubli.
Je
voterai pour l’amendement.
M. Verhaegen - Mais, messieurs, au lieu de la garantie que je demande, j’aurais pu en
demander une autre, sans suspecter le moins du monde les médecins en général,
ce qui est loin de ma pensée. En matière de milice, que se fait-il ? Est-ce que
là il suffit d’un certificat délivré par un médecin quelconque ? Non, il y a en
cette matière des garanties bien plus fortes que celles que nous demandons ;
cependant ici la chose est bien importante aussi. Si, au lieu de se contenter
d’un certificat délivré par le premier venu, on désignait un certain nombre de
médecins parmi lesquels on en tirerait un ou plusieurs au sort, pour examiner
la situation du fonctionnaire qui demande la pension, ce serait là une
garantie. Eh bien, cette garantie, nous ne le demandons pas, nous nous
contentons de la publicité ; je ne vois pas pourquoi on nous refuserait cette
garantie, à défaut d’autre.
M. de Mérode. -
Je dois vous faire observer, messieurs, que d’après l’art. 4, il doit être
fourni, tous les ans, une liste des fonctionnaires et employés qui ont été
admis à la pension.
M. Verhaegen. -
Cette liste ne contiendra pas les motifs.
M.
de Mérode. - Mais quand un nom vous paraîtra
suspect, vous chercherez ce nom dans le Bulletin
officiel, et là vous trouverez les motifs. Il me semble aussi qu’on ne peut
pas remplir le Moniteur d’une foule
de détails comme ceux dont il s’agit. Le Moniteur
deviendrait immense.
M. d’Huart. -
Si vous vous décidiez, messieurs, à adopter la proposition de M. Verhaegen, il
y aurait lieu de la modifier, en ce sens qu’il ne serait inséré au Moniteur qu’une simple analyse ; car
insérer au Moniteur, comme au Bulletin officiel, les arrêtés accordant
des pensions, avec tous les développements, ce serait donner lieu à des
impressions considérables, cela absorberait, comme l’a dit l’honorable
rapporteur de la section centrale, une partie notable du Moniteur, qui est déjà surchargé d’une foule de publications qu’on
peut considérer comme plus ou moins inutiles.
Je pense, comme l’honorable M. de
Mérode, que la présentation de la liste dont il est parlé à l’art. 42, jointe à
l’insertion des arrêtés au Bulletin
officiel constitue une publicité suffisante. Cependant je ne vois pas grand
inconvénient à ce que le Moniteur
fasse une simple mention des arrêtés dont il s’agit, en y ajoutant même le nom
du médecin qui a donné le certificat d’incapacité.
M. Verhaegen. -
Je consens volontiers à modifier mon amendement dans le sens indiqué par
l’honorable M. d’Huart.
M.
Malou, rapporteur. - On pourrait dire : « Il
sera également inséré par extrait au Moniteur. »
M. Verhaegen. -
C’est cela.
M.
de Mérode. - Je crois que, dans tous les cas,
il ne faudrait pas faire mention du nom du médecin, car ainsi qu’on l’a fait
observer, si l’individu qui a reçu un certificat de maladie, alors qu’il était
réellement malade, si cet individu se rétablit, des reproches pourront être
adressées au médecin qui a donné le certificat. D’un autre côté, le médecin,
alors même qu’il aura délivré un certificat de complaisance, aura toujours une
excuse ; il pourra toujours dire que le fonctionnaire dont il s’agira était réellement
malade lorsqu’il l’a traité, mais que la nature l’a guéri.
-
Les deux dispositions de l’amendement de M. Verhaegen sont successivement mises
au voix et adoptées.
L’art.
43 est ensuite adopté avec cet amendement.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A EFFECTUER LE
REMBOURSEMENT DES TITRES DE L’EMPRUNT DE 100,800,000 FRANCS
Amendement du sénat
M. le
président donne lecture d’un message par
lequel le sénat transmet à la chambre le, projet de loi sur la conversion de
l’emprunt de 1832, dans lequel il a introduit un amendement.
La
chambre renvoie le projet amendé par le séant à la section centrale qui a
examiné ce projet. Elle l’invite à s’en occuper immédiatement.
M.
Cogels. - Messieurs, j’ai l’honneur de vous
présenter le rapport de la section centrale que vous avez chargée de l’examen
du projet de loi relatif au rendiguement du polder de Lillo.
Plusieurs membres. - Les conclusions.
M.
Cogels. - Les conclusions sont l’adoption
du projet, tel qu’il a été présenté par le gouvernement.
Il
conviendrait, messieurs, de discuter ce projet sans retard : dans le contrat
passé avec l’entrepreneur, il y a une clause en vertu de laquelle la loi
devrait être adoptée avant le 31 mars, pour que le contrat fût sanctionné. Les
frais étaient évalués d’abord à 930,000 fr., l’entreprise est faite pour
508,000 frs. Au reste, nous pourrons attendre l’arrivée de M. le ministre des
travaux publics, qui nous proposera sans doute un jour pour la discussion.
- La
chambre ordonne l’impression et la distribution du rapport. Le jour de la
discussion sera fixé ultérieurement.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
PENSIONS CIVILES ET ECCLESIASTIQUES
Discussion des articles
Titre III. Dispositions générales
Chapitre premier. - Pensions de retraite
Section première. - Inscription des pensions et
payement des quartiers
Article 44 à
48
« Art.
44. La pension court à dater du jour où l’intéressé aura cessé de toucher son
traitement d’activité. »
« Art.
45. Nulle demande de pension ne sera admise si elle n’est présentée, avec les
pièces à l’appui, dans le délai de trois ans, à partir du jour indiqué à
l’article précédent. »
« Art.
46. Tout prétendant droit à la pension, qui aura laissé s’écouler plus d’une
année, à partir de la même date, sans former de réclamation ou sans justifier
de ses titres, n’en jouira qu’à dater du premier jour du trimestre qui suivra
sa demande.
« Art.
47. Lorsqu’un pensionnaire aura laissé s’écouler deux années consécutives sans
réclamer les quartiers de sa pension, ils seront prescrits. Il ne rentrera en
jouissance qu’à dater du premier jour du trimestre qui suivra sa demande.
«
Aucun payement n’aura lieu au profit d’héritiers ou ayants cause, qui
n’auraient pas produit dans l’année l’acte de décès du pensionnaire. »
« Art.
48. Les pensions seront payées par trimestre, sur certificat de vie des parties
prenantes.
« Elles
seront acquittées intégralement pour tout mois commencé.
« Les
certificats de vie seront délivrés par l’autorité communale du lieu de la
résidence du pensionnaire ; ils le seront sans frais pour les pensions
n’excédant pas six cents francs. »
-
Ces articles sont successivement adoptés sans discussion.
« Art.
49. Les pensions ou leurs quartiers ne peuvent être saisis et ne sont cessibles
que jusqu’à concurrence d’un cinquième pour dette envers le trésor public, et
d’un tiers pour les causes exprimées aux art. 203, 205
et 214 du code civil. »
M. Savart-Martel. - Je pense, messieurs, que 1’art. 49 présente quelque obscurité dans
la rédaction. Je pense aussi qu’on a trop restreint le droit de cession, et le
désir de saisir.
On
devrait être autorisé à saisir aussi pour logement et aliments, et frais
funéraires.
Je
voudrais que l’honorable rapporteur s’expliquât à cet égard.
Il
n’est pas raisonnable d’admettre au profit du fisc un privilège nouveau, au
préjudice des créances les plus sacrés.
Il y
a même quelque chose d’absolument contraire aux principes du droit, en ce qui
concerne la pension des veuves et orphelins, car ce sont là des pensions
acquises à prix d’argent (la retenue sur traitement).
Or,
on ne peut se constituer ainsi de pensions au préjudice de ses créanciers, avec
une partie de son avoir.
Rappelons-nous
que l’art. 49 s’applique à toute la pension, même à celles qui pourront monter
à 4,000 fr. ou 6,000 fr.
M. Malou, rapporteur. -
Messieurs, je ne puis reconnaître dans l’art. 49 l’erreur de rédaction que
l’honorable M. Savart signale. En effet, cet article porte :
« Les
pensions ou leurs quartiers ne peuvent être saisis et ne sont cessibles que
jusqu’à concurrence d’un cinquième pour dette envers le trésor public... »
Qu’il
y a-t-il de contradictoire à déclarer que la pension est à la fois cessible et
saisissable pour dette envers le trésor public ? Nous posons seulement une
limite. J’ajouterai que dans le projet de 1841, ainsi que dans tous les autres
projets que j’ai sous les yeux, on s’est servi de la même locution. Je ne puis
donc adhérer à la première observation de l’honorable M. Savart.
La
deuxième observation consiste à savoir s’il faut étendre plus loin la faculté
de saisir la pension ou de la céder. J’ai déjà fait remarquer, dans le rapport,
que le principe consacré par le projet et qui a été inséré dans la loi sur les
pensions militaires était déjà une extension donnée à la législation
antérieure. L’on comprend facilement la réserve qui a été apportée par le
législateur à cette faculté, parce que la pension dans la plupart des cas, est
alimentaire, et dès lors il faut ce qu’on appelle en droit, des causes
extrêmement favorables pour pouvoir en disposer, même en partie.
M. Savart-Martel. - Je persiste dans mes observations, d’autant qu’on ne répond rien à
ce que j’ai dit.
M.
d’Elhoungne. - Il est absolument nécessaire de maintenir
dans l’article 49 les deux mots saisis et cessibles, parce qu’il y entre ces
deux mots une corrélation évidente. Si vous accordez à l’Etat le droit de
saisir les pensions jusqu’à concurrence d’un tiers, vous devez aussi investir
le pensionnaire, pour lui éviter les désagréments et les frais d’une saisie, du
droit de céder sa pension à l’Etat. Il faut donc admettre à la fois les deux
dispositions.
-
L’article 49 est mis aux voix et adopté.
Section II. - Interdiction du cumul ; cas de
déchéance
Article 50
« Nul
ne pourra jouir simultanément, à charge du trésor public, de deux pensions, ou
d’un traitement et d’une pension. L’intéressé aura le choix du traitement ou de
la pension.
« L’option
du pensionnaire pour le traitement n’aura d’autre effet que de suspendre la
jouissance de la pension aussi longtemps qu’il touchera le traitement.
Cependant ses derniers services seront ajoutés aux précédents pour faire opérer
éventuellement une nouvelle liquidation de sa pension.
M. le
président. - La
section centrale propose en remplacement de cet article, l’article suivant :
« Art.
45. Nul ne pourra jouir simultanément, à charge, du trésor public, de deux
pensions, ou d’un traitement et d’une pension. L’intéressé aura le choix du
traitement ou de la pension.
«
L’option du pensionnaire pour le traitement n’aura d’autre effet que de
suspendre la jouissance de la pension aussi longtemps qu’il touchera le
traitement.
« §
3. Dans tous les cas, les derniers services seront ajoutés aux précédents pour
faire opérer éventuellement une nouvelle liquidation de sa pension. »
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, lorsque la
section centrale a adopté le paragraphe additionnel, il a été fait une
observation que je crois devoir reproduire, parce qu’elle a été omise dans le
rapport.
Il
peut arriver qu’un fonctionnaire pensionné rentre en activité avec un
traitement moins élevé, et qu’en joignant ses services nouveaux à ses service
anciens, sa pension se trouve être réduite, au lieu d’être augmentée. Dans la
pensée de tout le monde, lorsqu’on autorise à compter les services nouveaux,
c’est dans l’intérêt du fonctionnaire, mais non pas à son détriment, telle nous
a paru être la force du mot éventuellement.
Ainsi le fonctionnaire réclamera cette liquidation nouvelle, lorsque des
services nouveaux lui donneront des droits nouveaux, quant à la pension. Je
tenais à faire cette observation pour qu’on ne se méprît pas sur le sens du nouveau
paragraphe.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je me rallie à la rédaction de la section centrale, et je partage
complètement l’opinion que vient d’émettre l’honorable rapporteur.
-
L’art. 50 est mis aux voix et adopté.
PROJET DE LOI AUTORISANT LE GOUVERNEMENT A EFFECTUER LE
REMBOURSEMENT DES TITRES DE L’EMPRUNT DE 100,800,000 FRANCS
M.
Cogels (à la tribune). - Messieurs, la section
centrale à l’examen de laquelle vous venez de renvoyez le projet de loi relatif
à la conversion d’une partie de nos emprunts à 5 p. c.,
amendé par le sénat, n’a trouvé dans la disposition nouvelle, introduite dans
le projet de loi, rien qui fût en opposition formelle avec la résolution, prise
en premier lieu par votre section centrale et sanctionnée par la majorité de la
chambre.
Voici
cette disposition additionnelle au dernier alinéa de l’art. 2, qui était conçu
en ces termes :
« Le
paiement des intérêts aura lieu en Belgique. »
Le
sénat ajoute :
« Le
gouvernement est autorisé à l’effectuer également à Paris sous la réserve que
la dépense qui résultera de cette mesure n’excédera pas une somme annuelle de
15,000 fr. »
« Ce
que la section centrale avait voulu surtout, c’est que le paiement des intérêts
à Paris ne fût pas stipulé dans les titres nouveaux ou dans leurs coupons
d’intérêt, comme clause obligatoire ; que l’on pût éviter ainsi, à l’avenir,
les frais considérables auxquels le payement des intérêts à l’étranger donne
lieu jusqu’ici, et faire en sorte que ces frais ne fussent plus prélevés
dorénavant que sur les coupons dont le payement se ferait réellement à
l’étranger.
« Les
principaux inconvénients auxquels la majorité de la chambre avait cherché à
obvier par son vote, ne se trouvant pas reproduits par la nouvelle disposition
introduite dans la loi par le sénat, la section centrale vous propose,
messieurs, à l’unanimité, l’adoption du projet de loi tel qu’il a été
amendé. »
M.
le ministre des finances (M. Mercier) -
Messieurs, la disposition qui a été votée par le sénat, étant très facile à
comprendre et étant déjà connue de tout le monde, je demanderai qu’elle soit
discutée d’urgence, d’autant plus que la section centrale l’a adoptée à
l’unanimité.
M. Devaux. -
Je demande que les choses se fassent régulièrement ; le projet d’emprunt de 80
millions n’a pas été mis à l’ordre du jour, et je demande que la discussion
soit remise à demain. Je ne pense pas qu’un retard de quelques heures puisse
nuire. On a déjà marché avec trop de précipitation dans une matière aussi
importante : nous en avons eu preuve dans le second projet de loi ; on a, de
l’assentiment du gouvernement, décidé dans quelques dispositions le contraire
de ce qu’on avait décidé la veille. Je demande donc formellement que la
discussion soit remise à demain.
M. Cogels. -
Je dois faire remarquer qu’il ne s’agit pas de l’emprunt de 84 millions, mais de
la conversion sur laquelle la chambre a été généralement d’accord. Il s’agit
d’une modification sur la seule disposition qui avait été débattue dans la
chambre. Ce que la section centrale avait voulu, ainsi que la majorité, c’est
que
La
clause insérée par le sénat n’entraîne plus ces inconvénients, car le
gouvernement sera libre, il aura la faculté de payer les intérêts à Paris, et,
s’il y trouvait des inconvénients, il pourrait ne pas faire usage de cette
faculté. On conçoit qu’avec quinze mille francs, il est impossible de s’engager
définitivement vis-à-vis des porteurs d’obligations. Voilà les motifs qui ont
engagé la section centrale à adopter l’amendement du sénat, elle engage
également la chambre à adopter la proposition de M. le ministre des finances,
de voter la loi d’urgence. Un retard dans des questions de ce genre peut être
très préjudiciable. La conversion bien plus importante de l’Angleterre a été
proposée le 8 mars, elle sera terminée le 23. On aura commencé huit jours plus
tard que nous et on aura fini peut-être avant que nous n’ayons commencé.
M. Devaux. -
Le retard ne nous est pas imputable ; il vient de l’amendement du sénat.
L’honorable rapporteur a examiné l’amendement à fond, cela lui était facile,
car ces matières lui sont très familières. La chambre doit avoir le temps de se
livrer à cet examen, de relire le projet et de voir quel rapport la nouvelle
disposition peut avoir avec les autres. Quand un projet nous revient du sénat,
n’examinons-nous que l’amendement du sénat ? La chambre n’a-t-elle aucun droit
de revenir sur les autres articles ?
M. le
président. - D’après les précédents, on peut revenir sur tous les articles.
M.
Devaux. - Il s’agit ici jusqu’à certain
point d’une question constitutionnelle. Ce serait poser un précédent fâcheux
que de discuter une loi de cette importance sans qu’elle ait été mise à l’ordre
du jour, c’est contraire au règlement, et la constitution nous oblige d’exercer
nos fonctions d’après le règlement.
M.
d’Huart. - Lorsque M. le ministre a proposé
de voter d’urgence la loi dont il s’agit, j’étais tout disposé à donner mon
assentiment à cette proposition, mais comme on demande un délai très court, il
me semble que cette opposition à la discussion immédiate mérite accueil. Je
pense que dans une matière aussi délicate, il convient de tenir compte des
observations qui peuvent être faites. Bien que je sois disposé à adopter le
projet amendé, je verrais avec plaisir que le vote n’ait lieu que demain. Je
demanderai même à M. le ministre de ne pas s’opposer à cette remise.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je regardais la discussion immédiate comme utile, mais puisqu’elle
rencontre de l’opposition, je retire ma proposition.
M. le
président. - Le rapport sera imprimé et distribué et la discussion est fixée à
demain au commencement de la séance.
PROJET DE LOI RELATIF AUX
PENSIONS CIVILES ET ECCLESIASTIQUES
Discussion des articles
Titre III. Dispositions générales
Chapitre premier. - Pensions de retraite
Section II. - Interdiction du cumul ; cas de déchéance
Article 51
« Sont
exceptées des dispositions qui précèdent :
« 1°
Le traitement et la pension qui, réunis, n’excèdent pas fr. 1,200 ; il sera
permis de les cumuler, s’ils sont dus à raison de services différents ;
« 2°
Les pensions qui, réunies, n’excèdent pas fr. 800 ;
« 3°
Les pensions accordées à titre onéreux ;
« 4°
Les pensions attachées à un ordre militaire, en vertu des lois. »
-Adopté.
« Toute
personne jouissant d’une pension sera tenue, sous peine de déchéance, de
résider dans le royaume, à moins d’une autorisation expresse du Roi. »
La
section centrale propose d’ajouter un ainsi conçu :
«
Dans ce cas, il sera fait une retenue de 1/3 sur toute pension de 2,000 fr. et
au-dessus. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Il me semble qu’une pareille retenue serait extrêmement rigoureuse.
Il y a des cas où une veuve a sa famille à l’étranger, où un fonctionnaire à
des affaires qui nécessitent sa présence à l’étranger, et où le gouvernement ne
trouverait pas d’inconvénient à lui accorder l’autorisation nécessaire, il
serait extrêmement rigoureux de restreindre cette faculté au point d’exiger une
retenue de 1/3. Si la disposition avait été facultative j’aurais pu l’admettre.
Mais formulée d’une manière aussi absolue, je ne puis m’y rallier.
M. Malou, rapporteur. -
L’arrêté-loi de 1814 porte que tous les pensionnés civils sont tenus d’avoir
leur domicile dans le royaume et qu’ils ne peuvent demeurer ailleurs, sans
l’autorisation expresse du roi.
Il
s’agit donc dans la disposition proposée par le gouvernement, en ne tenant pas
compte de l’amendement de la section centrale, d’introduire une disposition
nouvelle dans le régime des pensions. Nous devons nous demander si cette
innovation est justifiée. La rémunération qu’on accorde, on doit exiger qu’elle
soit consommée dans le pays. Nous avons donc cru devoir maintenir le principe
de la retenue sur les pensions qui ne doivent pas être considérées comme
alimentaires. L’arrêté de 1814 était plus absolu ; il imposait des retenues à
toutes les pensions quelque minimes qu’elles fussent. On m’objectera que l’art.
17 permettait de dispenser de toutes règles. Mais ici nous devons sortir de ce
système, nous devons poser des règles fixes. Il faut donc se demander, s’il y a
injustice à exiger que les pensions soient consommées dans le pays. Ceux qui
vont dépenser leur pension à l’étranger sont de gros pensionnaires qui
obtiennent plus facilement l’autorisation, et ont des motifs d’agrément
personnels pour la solliciter. Au lieu de provoquer cette tendance, il faut la
restreindre.
M. Orts. - L’arrêté du 14 septembre
1814 porte que le pensionné devra fixer son domicile en Belgique et ne pourra
demeurer ailleurs. Je voudrais qu’on définît ce qu’on entend par résider. Le
domicile consiste dans le fait de l’habitation réelle joint à l’intention de
fixer dans un lien déterminé son principal établissement. Mais la question de
résidence dépendra-t-elle d’une absence de quelque temps ? Sera-ce six mois, un
an ? Il y a beaucoup de vague dans ce mot. Comme les discussions des chambres
doivent répandre sur les termes de la loi, la lumière et la véritable entente,
je voudrais que l’honorable ministre des finances nous expliquât quelle est la
portée de ce mot résider, et si un voyage d’affaire tomberait sous l’application
de la loi. Si ce cas y tombe, quelle devra être la durée de l’absence ?
M. Malou, rapporteur. -
L’arrêté porte que les pensionnés civils sont tenus de fixer leur domicile dans
le royaume et ne peuvent demeurer ailleurs. Je vois là qu’il fallait avoir le
domicile, ce qui implique l’idée de droit et la demeure qui est la résidence de
fait. Le gouvernement, d’accord avec la section centrale, propose d’exiger la
résidence du pensionné en Belgique. Il faut que la résidence soit exigée si
l’on veut que la loi atteigne son but ; c’est-à-dire, pour que les pensions
profitent au pays. On peut poser une variété infinie de cas sur le sens du mot
résidence. Mais il ne m’est jamais arrivé d’en rencontrer la définition dans
une loi.
Le
fonctionnaire devra prouver qu’il remplit cette condition. Le gouvernement,
nonobstant le silence de la loi, pourra exiger qu’elle soit fournie. Dire qu’en
s’absentant six mois, on ne cesse pas de résider, c’est donner le droit d’aller
passer six mois à l’étranger. Dire quel sera l’effet d’une absence de trois
mois, c’est encore poser une règle absolue qui ne peut produire que de mauvais
résultats. Telle absence accidentelle pourra se prolonger assez longtemps sans
que le pensionné ait cessé d’avoir sa résidence.
Dans
telle autre circonstance, on peut avoir l’habitude de passer quelque temps à
l’étranger, sans que, pour cela, il y ait cessation de résidence dans le pays.
En un mot, c’est une question toute de fait, et la définition par la loi
des caractères de la résidence est impossible.
M. Orts. - Le mot demeure placé comme
il l’est dans l’arrêté-loi de 1814 n’a pas besoin d’explication ; il est en
opposition avec le mot domicile ; ce
qui en indique parfaitement le sens.
L’arrêté-loi
de 1814 est plus sage, en ce qu’il n’ouvre pas la porte à l’arbitraire.
L’honorable rapporteur convient qu’avec les termes de la loi, une absence même
accidentelle et de peu de durée peut mettre le pensionnaire dans le cas
d’encourir la pénalité de l’article. Je pense qu’il ne devrait pas en être
ainsi et que le mot domicile, dont le
sens est défini par le code civil, devrait être substitué au mot vague de résidence. Si l’on tient à ce mot, qu’on
l’explique, car on ne peut admettre qu’un fonctionnaire pensionné qui irait
passer 15 jours à l’étranger, et qui y serait retenu quelques jours de plus par
des affaires, serait déchu de sa pension.
M. d’Huart. - Il
me semble que la disposition est trop rigoureuse, parce qu’elle est absolue. On
vous propose d’exercer, dans tous les cas, une retenue d’un tiers sur les
pensions de 2000 fr. et au-dessus, si le pensionnaire réside à l’étranger ; or
il y a des circonstances où le fonctionnaire pensionné est obligé de résider à
l’étranger ; sa santé altérée par de longs services, les infirmités de la
vieillesse, en un mot les causes qui lui ont fait obtenir la pension,
l’obligent à aller chercher un climat plus doux que le nôtre. Je crois donc
qu’il faudrait donner au gouvernement la faculté d’autoriser la résidence à
l’étranger, sans retenue. C’est une question de responsabilité, comme la loi en
présente tant. Je voudrais que la retenue fût facultative. Cette disposition n’a
rien qui doive alarmer ; il est évident que la grande majorité des
pensionnaires dépenseront leur pension dans le pays. Il ne peut s’agir que de
quelques exceptions.
Je
pense que la disposition additionnelle proposée par la section centrale devrait
commencer par ces mots « Dans ce cas, il pourra
être fait une retenue, etc. »
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - J’ai déjà fait remarquer,
comme vient de le faire l’honorable M. d’Huart, que, dans certains cas, il
serait bien rigoureux d’opérer la retenue ; des circonstances semblables à
celles dont a parlé l’honorable préopinant se présentent quelquefois. Je
connais tel fonctionnaire qui, chaque année, va passer plusieurs mois dans un
pays qui offre un climat plus doux, et qui, à cause de ses intérêts et de ses
relations, passe une partie de l’année en Belgique. Il est obligé, dans
l’intérêt de sa santé, de faire ces absences prolongées. Serait-il juste
d’exercer sur la pension de ce fonctionnaire une retenue d’un tiers ? Je ne le
crois pas.
Du
reste, le gouvernement a tout intérêt à ce que les pensionnés ne résident pas à
l’étranger. Par conséquent, s’il a la faculté d’exercer des retenues, il en
usera chaque fois qu’il croira que c’est pour son agrément ou par préférence qu’un
fonctionnaire réside à l’étranger.
Quant
aux observations de l’honorable M. Orts, je conçois qu’elles ont quelque chose
de sérieux. Cependant il nous serait bien difficile de définir ce que c’est que
la résidence. C’est une appréciation à faire d’après les circonstances. Je
crois qu’il conviendrait d’adopter un amendement qui rendît la retenue
facultative, parce que tout se bornerait alors à une simple appréciation des
faits.
Je
propose donc l’amendement suivant :
« Cette
autorisation pourra être subordonnée à une retenue, qui toutefois ne pourra pas
excéder le tiers de la pension. »
M. Malou, rapporteur. -
En général, je suis porté à accorder de la confiance au gouvernement en cette
matière. Voyez cependant où nous allons en venir à l’égard des pensions déjà
liquidées. Je conçois que le gouvernement apprécie les titres d’un
fonctionnaire à une pension ; mais ce qui est plus difficile à admettre, c’est
que le gouvernement, en présence de deux pensions liquidées, accorde la résidence
à l’étranger, à un pensionnaire, et ne l’accorde pas à un autre. C’est sortir
des principes qui doivent régir les pensions liquidées.
Il
faut adopter ou le projet du gouvernement, ou le projet de la section centrale.
Mais l’amendement de M. le ministre des finances me paraît consacrer le pire de
tous les systèmes ; car il abandonne à l’arbitraire du gouvernement les
titulaires de pensions déjà liquidées.
Les
faits sont là : ce seront les titulaires de grosses pensions qui obtiendront la
faculté de résider à l’étranger. Il est permis de craindre que, lorsqu’il
s’agit d’un acte de faveur, moins il sera justifié, plus facilement sera-t-il
accordé.
Je
reviens sur ce point que l’arrêté-loi du 14 septembre 1814 impose cette retenue.
On veut la rendre facultative ; j’en demande le motif, on n’en cite aucun.
L’article est trop rigoureux, nous dit-on ; mais je me suis borné tout à
l’heure à un seul point, à indiquer l’impossibilité de définir l’habitation et
la résidence ; il faut tenir compte des circonstances diverses qui doivent être
appréciées dans chaque cas.
L’intérêt
du gouvernement à empêcher que les pensionnaires résident à l’étranger, est
difficile à comprendre. Ce ne sont plus des fonctionnaires, ce sont des hommes
rentrés dans la vie civile et délivrés de tout lien hiérarchique.
M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Ce n’est pas comme pouvoir que le gouvernement peut avoir intérêt à
ce qu’un ancien fonctionnaire réside dans le pays mais c’est parce qu’il est
chargé de veiller à tout ce qui peut être de l’intérêt du pays, qu’il est de
son devoir d’exiger que les pensions ne soient pas dépensées à l’étranger.
L’honorable
M. Malou nous dit que nous introduisons dans la loi un nouveau principe ; c’est
ce que je conteste. Au moyen de l’art. 17 dont on a parlé, le chef du
gouvernement des Pays-Bas avait la faculté que nous demandons maintenant ; il
l’avait pour toutes les dispositions de la loi. Nous ne la demandons que pour
une disposition exceptionnelle.
Bien
loin de poser un nouveau principe, nous ne réclamons l’application d’un
principe préexistant que dans un seul cas.
D’un
autre côté, nous donnons de l’extension à la proposition de la section centrale
; car elle n’exige une retenue d’un tiers que sur les pensions de plus de 2,000
fr. Le gouvernement demande la faculté d’exercer la retenue, sur toutes les
pensions, lorsque le pensionnaire réside à l’étranger, pour son agrément et par
préférence.
Du
reste, je le répète, le principe de la faculté se trouve dans l’arrêté-loi de
1844, au moyen de l’art. 17, qui s’appliquait à toutes ses dispositions.
M. Orts. - Vous ne pouvez invoquer
l’arrêté-loi de 1814, lorsqu’à l’idée si positive de domicile, vous voulez
substituer l’idée vague de résidence. Le code civil détermine les conditions
caractéristiques du domicile, les formalités qu’il faut remplir pour changer de
domicile. Mais qu’est-ce que la résidence ? Ce mot n’est défini nulle part.
Comme
l’a fait observer avec beaucoup de justesse M. le ministre des finances,
d’après l’arrêté-loi de 1814, le roi avait le droit d’autoriser un
fonctionnaire pensionné à être domicilié à l’étranger, sans subir aucune
retenue. Le projet de loi est bien plus rigoureux ; la simple résidence entraîne
la retenue d’un tiers pour les pensions au-dessus de 2,000 fr.
Remarquez que si vous imposez l’obligation de la retenue, le
gouvernement, forcé d’obéir à la loi, devra l’exercer pour une absence même de
15 jours.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’ai demandé la parole pour faire observer à la chambre qu’une
disposition comme celle-ci doit être considérée en rapport avec les
explications données par le gouvernement, relativement à son application ; car
si le gouvernement s’écartait des explications qu’il a données, on serait en
droit de lui adresser des reproches.
M. de Muelenaere. - Je crois que l’on a dénaturé la pensée de la section centrale. Je ne
pense pas qu’il soit entré dans sa pensée d’opérer une retenue d’un tiers pour
une simple absence, lors même que cette absence serait plus ou moins longue. Si
cette absence avait des motifs plus ou moins sérieux, évidemment elle ne serait
pas dans le cas de l’art. 52. Le cas de l’article est celui où un pensionnaire
de l’Etat se serait établi à l’étranger.
Il y
a une distinction à faire entre le domicile et la résidence. Je dis qu’il faut
se servir du mot résidence ; car si vous vous servez du mot domicile, on pourra
être domicilié en Belgique et résider en France. C’est ainsi que la plupart des
fonctionnaires pensionnés par le gouvernement français, qui appartiennent à la
Belgique, ont conservé un domicile à Lille, pour se conformer à la loi
française ; mais ils demeurent réellement en Belgique.
Dès
lors, il serait imprudent, selon moi, de parler du domicile. Car le domicile a
quelque chose d’abstrait. Si vous exigez le domicile réel, c’est-à-dire la
résidence avec l’intention de demeurer ; si vous exigez qu’on ait dans le pays
son principal établissement, le siège de sa fortune, je comprends qu’on puisse
se servir du mot domicile ; mais,
dans le cas prévu par la section centrale, il me semble que l’on pare à tous
les inconvénients, en parlant seulement de la résidence, c’est-à-dire, d’une
résidence habituelle dans le pays. Car il ne peut être ici question d’une
simple absence qui serait motivée par des raisons de santé ou quelque autre
cause.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, la distinction
que vient de faire l’honorable M. de Muelenaere peut exister dans son esprit,
mais elle n’existe pas dans la loi. Je soutiens que dans l’application de la
disposition de la section centrale, le gouvernement serait extrêmement
embarrassé. Je connais tel fonctionnaire qui, depuis plusieurs années, habite
plus longtemps la France que
M. Malou, rapporteur. -
Messieurs, la difficulté que vient de signaler M. le ministre des finances se
rattache au premier paragraphe et non au deuxième paragraphe de l’art. 52.
Le
paragraphe du gouvernement établit que toute personne jouissant d’une pension
sera tenue, sous peine de déchéance, de résider dans le royaume, à moins d’une
autorisation expresse du Roi. Eh bien, si vous êtes embarrassé de reconnaître
le caractère de la résidence, si la distinction que signale l’honorable M. de
Muelenaere existe dans son esprit, mais n’existe pas dans la loi, c’est sur
l’application du premier paragraphe que vous aurez des difficultés.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Pardonnez-moi.
M.
Malou, rapporteur. - La non-résidence emporte
privation de la pension ; voilà votre principe. Dès lors, il s’agit de définir
la résidence ; il s’agit de savoir dans quel cas la déchéance est encourue, de
sorte que si la difficulté existe, c’est votre article qui est inexécutable.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande la parole.
M.
Malou, rapporteur. - C’est par votre
proposition que vous exigez la résidence, sous peine de privation absolue de la
pension. Le paragraphe additionnel de la section centrale ne fait qu’imposer
une retenue, lorsque l’autorisation de résider à l’étranger aura été obtenue.
Si donc vous rejetez le 2ème § comme inexécutable, il faut rejeter tout
l’article.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je crois qu’en raisonnant
par des exemples, nous nous comprendrons mieux qu’en raisonnant sur les
dispositions d’un article.
Je
suppose qu’un fonctionnaire réside ordinairement, pour une cause quelconque, à
l’étranger. Ce fonctionnaire doit avoir obtenu, pour cela, une autorisation
royale ; eh bien, avec la proposition de la section centrale, on devra lui
faire la retenue. Ainsi, le fonctionnaire dont je parlais tout à l’heure sera
dans ce cas ; car il réside à l’étranger.
Je
crois, au contraire, qu’il faut laisser au gouvernement le soin d’apprécier si
le fonctionnaire doit être soumis à la retenue, ou, s’il peut en être exempté.
C’est ainsi, s’il était constant qu’il ne résidait à l’étranger que pour cause
de maladie prolongée, on ne le soumettrait pas à la retenue, parce que le
gouvernement aurait cette faculté en vertu de l’amendement que je propose.
M. de Mérode. -
Il peut arriver qu’un fonctionnaire soit obligé d’aller passer l’hiver dans un
climat plus doux que celui-ci ; forcerez-vous alors le gouvernement à opérer la
retenue ? Il me paraît que ce ne serait pas juste.
Si,
au contraire, vous adoptez la proposition de M. le ministre des finances, et
que ce soit par telle convenance secondaire, qu’un fonctionnaire désire résider
à l’étranger pendant un temps assez long, on lui appliquera la retenue, tandis
qu’à celui pour lequel la nécessité de s’absenter sera reconnue, on accordera
la pension entière.
M.
Rodenbach. - Messieurs, il n’est
question que des pensionnaires qui ont une pension d’au moins 2,000 fr. Il faut
nécessairement leur imposer une retenue, lorsqu’ils vont résider à l’étranger ;
sans cela plusieurs de ceux qui ont de fortes pensions abandonneront le pays,
soit pour résider dans des contrées où la vie est à meilleur marché, soit pour
toute autre cause.
Messieurs,
nous pouvons d’autant mieux établir dans ce cas une retenue, que cela se fait dans
les autres pays. Croyez-vous qu’est France on permette aux fonctionnaires en
retraite, d’aller manger leur pension dans un autre pays ? Cela est
formellement défendu ; si un pensionnaire allait résider à l’étranger, ce ne
serait pas le tiers de la pension, mais la totalité qu’on lui retiendrait.
M. Orts. - Je propose par amendement
de substituer, dans le § proposé par la section centrale, aux mots :
« dans ce cas, il sera fait une retenue, etc. », ceux-ci :
« Dans ce cas il pourra être fait une retenue, etc. »
M.
Malou, rapporteur. - Messieurs, je préfère ne
voir adopter aucun des deux amendements. Mais si l’un d’eux devait passer, je
préférerais de beaucoup celui de M. le ministre des finances. Car l’amendement
de l’honorable M. Orts ne laisse d’alternative que la retenue d’un tiers, ou
rien, tandis que j’aurais l’espérance, en voyant passer l’amendement de M. le
ministre des finances, qu’il serait fait quelquefois une petite retenue
quelconque. (Hilarité.)
- La
discussion est close.
L’amendement
de M. le ministre des finances et l’amendement de M. Orts sont successivement
mis aux voix ; ils ne sont pas adoptés.
Le §
nouveau proposé par la section centrale est adopté, ainsi que l’ensemble de
l’article ainsi amendé.
Plusieurs membres. - A demain.
M. le
président. - Je proposerai à la chambre de fixer entre les deux votes de la loi
des pensions la nomination du bibliothécaire.
-
Cette proposition est adoptée.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Messieurs, il y a quelques jours qu’un honorable membre de cette chambre que je
regrette de n’avoir pas vu à sa place aujourd’hui ni hier, a proposé
l’impression par les soins du gouvernement et de la questure, d’un tarif
comparatif. J’ai promis à la chambre de lui donner des explications sur la
possibilité d’exécuter ce travail.
Un
libraire de Bruxelles, M. Balleroy, s’est mis en rapport avec moi. Il se trouve
avoir déjà fait imprimer des tarifs de ce genre, de sorte qu’il serait la fois
chargé, sous la direction du ministère, de rédiger le travail et de l’imprimer.
Il
offre pour l’un et l’autre travail toutes les garanties nécessaires. Voici,
messieurs, la note qu’il m’a remise. Il y a joint un spécimen du travail :
« Le
tableau comparatif des droits des douanes de six pays à publier pour document
pour les chambres belges serait alphabétique, suivant l’ordre du tarif belge, avec
indication par une disposition typographique de la classification légale en
Belgique ; c’est la marche adoptée dans le tarif des douanes belges publié par
J.-B. Balleroy (juillet 1843).
« En
regard de cette nomenclature alphabétique et des droits belges, les droits de
chaque pays seront indiqués avec la classification légale, lorsqu’elle sera
jugée utile.
« Les
droits pour les pays étrangers seront établis en mesures, poids et monnaies
belges, ce qui me permet une véritable comparaison.
« Des
tableaux comparatifs des mesures, poids et monnaies des pays étrangers et de
« Les
dispositions réglementaires et particulières seront mises en rapport par des
renvois de notes avec les marchandises qu’elles concernent.
« Les
droits à la sortie et le régime de transit seront traités dans des sections
distinctes.
« L’ensemble
du travail formera un volume de 300 à 400 pages, format des documents de la chambre
des représentants. »
Telle est l’espèce de prospectus que m’a soumis le sieur Balleroy.
Il
suppose, messieurs, qu’il faudrait deux mois pour ce travail, rédaction et
impression : Je regarde ce travail comme extrêmement utile, je dirai même comme
nécessaire, et je crois dès lors qu’il faut donner suite à la proposition qui a
été faite à cet égard. La dépense ne serait pas considérable. Je viens de dire
que le sieur Belleroy suppose qu’il lui faudrait deux
mois pour faire ce travail : la discussion de la question des droits
différentiels doit avoir lieu dans un mois, mais je persiste à croire que le
document dont il s’agit n’a rien de commun avec cette question. L’exposé dont
vous avez besoin pour l’examen de la question des droits différentiels, vous
sera fait par moi au début de la discussion, et la plupart des renseignements
relatifs à cette question se trouvent déjà dans l’immense recueil qui est en
votre possession.
M. Mast de Vries. - Messieurs, le document dont M. le ministre de l’intérieur vient de
vous entretenir est de la plus grande nécessité, mais comme les tarifs changent
souvent, je pense qu’il faudrait insérer des feuilles blanches entre les
feuilles d’impression, afin que les personnes qui posséderont ce volume
puissent tenir note des changements qui seront introduits successivement, soit
dans les tarifs belges soit dans les tarifs étrangers.
M. Eloy de Burdinne. - Je pense, messieurs, que la proposition relative à l’impression du
document dont il s’agit devrait être discutée dans un autre moment ; nous
sommes maintenant prêts à lever la séance. Je ferai cependant remarquer qu’il
faudrait, avant tout, modifier notre tarif, cette modification est
indispensable, elle est de la plus grande urgence. Si vous ne modifiez pas le
tarif avant de l’imprimer, vous serez obligé de l’imprimer une seconde fois
avec les changements que vous y aurez introduits.
M.
Coghen. - Messieurs, notre tarif est divisé
en grandes classifications. Si nous allons seulement imprimer un travail dans
lequel les différentes tarifications seront comparées, ce travail ne sera pas
complet. Il faudrait que le document dont il s’agit fût divisé comme l’est
notre tarif. Je citerai un exemple : je prendrai l’article aciers ; je voudrais que sous ce titre on donnât la manière dont
les différents ouvrages d’acier sont imposés dans les divers pays. Ainsi pour
tous les articles du tarif.
M. Eloy de Burdinne. -
Je crois qu’il faut remettre cette discussion à un autre moment.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je ne sais, messieurs, quelle résolution vous prendrez relativement à cette impression
; vous en déciderez. Quant à moi, je devais vous donner les explications que je
vous avais promises.
De toutes parts. - A demain !
- La séance est levée à 4 1/2.