Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 13 mars
1844
Sommaire
1) Pièce adressée à la chambre
2) Projet de loi ouvrant un crédit supplémentaire au budget de la dette
publique du chef de traitements d’attente
3) Projet de loi
contenant un mode définitif de nomination des jurys universitaires (de La Coste). Homogénéité gouvernementale et question
politique (de Haerne, Mercier, de Muelenaere)
4) Projet de loi relatif aux
pensions civiles et ecclésiastiques. Cumul des pensions (de
Garcia, Malou, de Garcia, Malou)
5) Projet de loi contenant un mode définitif de nominations des jurys
universitaires (Nothomb)
6) Projet de loi relatif aux pensions civiles et ecclésiastiques. (A :
Droit des fonctionnaires et conditions d’octroi d’une pension à charge de
l’Etat ; B : pensions du personnel des finances et caisse des veuves
et orphelins) (A (d’Hoffschmidt, Vandensteen, Pirmez, de Muelenaere, Savart-Martel, de Garcia, Orts), B (Verhaegen, Jadot), A (Orts), B (Donny), A et B (Coghen), Malou)
(Moniteur belge n°74, du 14 mars 1844)
(Présidence
de M. Liedts)
M.
Huveners procède à
l’appel nominal à 1 heure 1/4.
M.
de Renesse lit le
procès-verbal de la séance précédente, la rédaction en est adoptée.
M.
Huveners présente
l’analyse d’une pièce adressée à la chambre :
PIECE ADRESSEE A
« Le
sieur Charles-Mathieu Linthel, chirurgien-accoucheur
à Saint-Laurent, né à l’Ecluse (Pays-Bas), demande la naturalisation ordinaire.
»
- Renvoi
au ministre de la justice.
PROJET DE LOI OUVRANT UN CREDIT
SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DE
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’ai l’honneur de présenter à la chambre un
projet de loi ayant pour objet d’ouvrir au budget de la dette publique
(exercice 1843), un crédit supplémentaire de 646,338 fr. 89 c., applicable au
paiement des créances arriérées restant à liquider sur des exercices clôturés,
du chef de traitements d’attente, de traitements supplémentaires, de pensions
supplémentaires et de secours annuels.
- Il est
donné acte à M. le ministre des finances de la présentation de ce projet de loi
ainsi que des motifs qui l’accompagnent ; il sera imprimé et distribué.
La chambre
le renvoie à l’examen des sections.
M. le
président. - Deux autres projets de loi relatifs à des
crédits supplémentaires, ont déjà été renvoyés aux sections. Je prie MM. les
présidents de convoquer leurs sections pour demain, afin de s’occuper de
l’examen de ces projets.
DEMANDES EN NATURALISATION
M. Henot. - J’ai l’honneur de présenter différents
rapports sur des demandes en naturalisation.
- Ces
rapports seront imprimés et distribués.
Le jour du
vote pour la prise en considération sera ultérieurement fixé.
M. de La Coste. - Messieurs, je viens vous présenter le rapport de
votre section centrale sur le projet de loi contenant un mode définitif de
nominations des jurys universitaires.
Plusieurs membres. - Les conclusions ?
M. de La Coste. - Si la chambre désire connaître les conclusions, je
donnerai lecture du projet de loi :
« Art. 1er. Les articles 41 et 42 de la loi du 27 septembre 1835 sur
l’instruction supérieure, sont remplacés comme il suit :
« Art.
41. Chaque jury est composé de sept membres : deux sont nommés par la chambre
des représentants, deux par le sénat et trois par le gouvernement.
« Il
est nommé de la même manière un suppléant individuel à chaque titulaire.
« Les
membres titulaires désignés par chaque membre sont soumis annuellement à un
tirage au sort qui détermine la sortie de l’un des deux et de son suppléant.
« Les
membres et les suppléants nommés par le gouvernement le sont pour une année.
« Les
membres titulaires choisis par les chambres législatives, qui auront été
éliminés par le sort, ainsi que les titulaires nommés par le gouvernement, qui
auront fait partie d’un jury pendant deux années consécutives, à partir de la
mise en vigueur de la présente loi, ne pourront être replacés dans le même jury
qu’après une année d’intervalle.
« Les
suppléants sortants peuvent être immédiatement replacés dans le même jury, soit
en ladite qualité, soit comme titulaires.
« Chaque
chambre ne pourra placer dans le même jury plus d’un membre titulaire
appartenant à un même établissement d’instruction.
« Chaque
jury ne peut comprendre à la fois plus de deux membres titulaires appartenant à
un même établissement d’instruction.
« Les
nominations à faire par les chambres ont lieu un mois, au moins, avant
l’ouverture de la première session du jury. Le tirage au sort se fait dans
chaque chambre quinze jours, au moins, avant ces nominations.
« La
chambre des représentants procède la première, au choix qui lui est attribué,
et le porte, dans les 24 heures, à la connaissance du sénat qui, ensuite, fait
le sien.
« Ces
nominations effectuées, le gouvernement procède à celles qui lui sont
attribuées dans le mois qui précède la première session du jury.
« Art 42. Un jury distinct pour la
philosophie et les lettres, et pour les sciences, est chargé de procéder à
l’examen de candidat et à celui de docteur. Pour le droit et la médecine, il y
a un jury pour le grade de candidat et un pour le grade de docteur. »
« Art.
2. La loi du 27 mai 1837 continuera à sortir ses effets jusqu’à la fin de la
2ème session de 1844. »
M. le
président. - A quel jour la chambre veut-elle fixer la
discussion ?
M. de Haerne. -
Messieurs, avant de fixer le jour auquel l’assemblée se décidera à discuter la
grave question des jurys d’examen, je désirerais faire une interpellation à MM.
les ministres, et en particulier à M. le ministre de l’intérieur que je
regrette de ne pas voir présent dans ce moment.
Voici,
messieurs, quel est l’objet de cette interpellation.
Vous
savez que les journaux ont répandu le bruit de la dissolution du ministère d’un
côté, de la dissolution de la chambre de l’autre, à propos du projet de loi sur
lequel il vient de vous être fait rapport.
Messieurs,
je ne crois pas à ces bruits, mais le pays s’en alarme, parce qu’on croit que,
dans ce moment, une dissolution du cabinet aussi bien qu’une dissolution de la
chambre serait désastreuse, et surtout en présence des projets importants qui
devront être discutés après les vacances de Pâques, d’après l’engagement du
cabinet.
Messieurs,
représentez-vous ce qui arriverait, si dans ce moment une dissolution avait
lieu ou si le cabinet avait à se retirer. (Bruit.)
Un membre. - Nous n’avons pas à nous occuper d’une pareille
question.
M. de Haerne. - Messieurs, j’ai commencé par dire que je ne croyais
pas à ces bruits ; mais je désirerais que quelques apaisements fussent donnés à
cet égard au pays, afin que l’on sache si les conclusions de la commission
d’enquête commerciale ainsi que les changements à apporter à notre tarif des
douanes pourront être discutés dans cette session. Car il est certain que, dans
le cas, soit de la dissolution des chambres, soit de la retraite du cabinet,
ces deux graves questions seraient encore ajournées indéfiniment.
Dans ces
deux cas, je demanderais que la discussion du projet de loi sur le jury
d’examen fût ajournée, jusqu’après l’adoption des mesures relatives à l’enquête
commerciale et à la révision du tarif.
Je tiens
beaucoup, messieurs, à ce que ces deux dernières questions soient discutées
dans cette session, et le pays y tient autant que moi. C’est pour cela que je
désire que le cabinet veuille bien nous donner quelques explications.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, je
déclare que le gouvernement n’a rien de commun avec les journaux qui ont pu
répandre les bruits dont vient de parler l’honorable membre. Aucun de ces
journaux ne peut être considéré comme étant l’organe du gouvernement, comme
ayant avec lui le moindre rapport direct ou indirect.
M.
de Muelenaere. - Il me semble
qu’il serait désirable que M. le ministre de l’intérieur fût présent, avant que
la chambre fixe le jour auquel la discussion du projet de loi aura lieu. (Oui ! oui !)
M. le
président. - La chambre attendra la présence de M. le
ministre de l’intérieur.
Motion d’ordre relative au cumul
M. de Garcia. - Messieurs, la chambre est saisie d’un projet de loi
d’un haut intérêt, et dont les discussions qui ont eu lieu dans cette enceinte
depuis quelque temps, ont prouvé la nécessité. Je veux parler du projet de loi
sur le cumul.
Messieurs,
la loi sur le cumul se rattache à la loi de comptabilité et au projet de loi
que l’honorable M. Verhaegen nous a promis de présenter ; elle se rattache
aussi à la loi des pensions.
Depuis 1838, un projet de loi sur le cumul, présenté par
l’honorable M. d’Huart, est resté dans les cartons de la chambre. Je demande
que la chambre en décide le renvoi à l’examen des sections, pour que nous
puissions nous en occuper le plus tôt possible.
M. le
président. - Ce projet a été examiné par cinq sections. Mais
deux des rapporteurs des sections devraient être remplacées, de manière qu’il a
été impossible de réunir la section centrale. Les membres à remplacer sont M.
de Langhe et M. le ministre des finances actuel.
M. Malou. - Je
ferai remarquer que le projet de 1838 se trouve presque tout entier dans la loi
que nous discutions ; il doit donc être considéré comme retiré, du moins en
grande partie, par suite de la présentation de la loi générale sur les
pensions.
Cette
observation se trouve dans le rapport de la section centrale.
M. de Garcia. - Je ne puis admettre l’observation que vient de
présenter l’honorable rapporteur du projet de loi sur les pensions.
Il est
bien vrai que, dans la loi des pensions on prévoit les cas de cumul ; mais il
est d’autres cas de cumul qui n’y sont pas prévus : c’est lorsqu’il s’agit de
donner des indemnités, c’est enfin lorsqu’il s’agit des cas dont on s’est
occupé depuis quelques semaines c’est enfin lorsqu’il s’agit de collation de
fonctions hors les cas prévus par la circonstance des pensions.
Je ne
vois donc pas que les dispositions de la loi des pensions nous dispensent
d’examiner le projet de loi présenté par l’honorable M. d’Huart, et les
observations de l’honorable M. Malou ne me donnent nullement la conviction que
nous ne devons pas nous en occuper.
Si la chambre veut s’occuper précisément du projet de loi
sur le cumul, elle pourrait prier le bureau de nommer une commission spéciale
pour faire rapport sur ce projet de loi qui est fort court. Nous ne pouvons
être arrêtés par la considération que des commissions ne peuvent plus être
composées comme elles l’étaient au moment de la présentation des projets de
loi. Ce serait dire, en effet, que les projets de loi qui ont été présentés
lorsque la chambre était composée autrement qu’elle ne l’est aujourd’hui, ne
pourront jamais être examinés. Au surplus, messieurs, si vous ne voulez pas
renvoyer le projet à une commission spéciale, nous pourrions autoriser le
bureau à compléter la section centrale qui a été chargée de l’examiner.
M. Malou. - Je dois, messieurs, reproduire l’observation
que j’ai faite tout à l’heure ; je tiens en main le projet de loi sur le cumul
; ce projet renferme deux dispositions essentielles et quelques dispositions
accessoires ; les deux dispositions essentielles se trouvent presque tout
entières dans le projet de loi sur les pensions ; je pense dès lors, que
l’honorable membre ferait bien d’ajourner au moins sa proposition jusqu’à ce
que la chambre ait voté sur ce dernier projet. C’est alors seulement que nous
pourrons juger s’il y a utilité de compléter la section centrale, chargée de
l’examen du projet de loi sur le cumul.
Je
propose donc à la chambre de ne pas statuer, quant à présent, sur la
proposition de l’honorable M. de Garcia.
- La proposition de M. Malou est mise aux voix et
adoptée.
(Moniteur belge n°75, du 15 mars 1844) M. le président. - M. le ministre de l’intérieur étant maintenant
présent, nous pourrions fixer le jour de la discussion du projet de loi sur le
jury universitaire.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je proposerai un jour lorsque le rapport sera
distribué, car si je faisais une proposition maintenant, sans savoir quand
l’impression sera achevée, je m’exposerais à indiquer un jour trop éloigné ou
trop prochain.
Motion d’ordre relative au cumul
(Moniteur
belge n°74, du 14 mars 1844) M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs,
dans la séance d’hier, plusieurs orateurs ont combattu le projet de loi qui
vous est soumis. Ces honorables membres n’adoptent pas même le système qui sert
en quelque sorte de base au projet. Ils ont formulé ou plutôt indiqué quelques
autres systèmes qui, selon eux, mériteraient la préférence.
Il
importe, comme le disait hier, avec raison, l’honorable membre qui a parlé à la
fin de la séance, il importe qu’avant d’aborder la discussion des articles, la
chambre soit bien fixée sur le système qu’elle veut définitivement adopter. Ce
système une fois admis, les conséquences en découleront tout naturellement et
notre tâche sera considérablement simplifiée.
Je crois,
messieurs, qu’il est un premier point sur lequel nous sommes tous d’accord,
c’est la nécessité de changer la législation actuelle. En effet, messieurs,
cette législation n’est point complète, elle n’est point uniforme. Elle
consacre deux modes de rémunération différents : l’une accorde directement des
pensions sur le trésor public, c’est celui qui résulte de l’arrêté-loi de 1814.
Or, cet arrêté, vous le savez, messieurs, est tout à fait incomplet ; il ne
fait aucune distinction entre les fonctionnaires, quelle que soit la nature des
services qu’ils rendent ; ensuite il garde le silence le plus absolu sur ce qui
concerne les veuves et les orphelins.
L’autre
mode de rémunération, messieurs, c’est celui qui résulte du règlement de 1822.
D’après ce règlement les pensions des employés du ministère des finances sont
imputées sur une caisse de retraite alimentée par des retenues faites sur les
traitements de ces employés. Vous connaissez tous, messieurs, les embarras que
l’exécution de ce règlement a entraînés à sa suite ; on lui a reproché de faire
naître des abus et les revenus de la caisse de retraite ont fini par être
complètement insuffisants, de sorte que, dans la situation actuelle, vous êtes
obligés de porter chaque année au budget des sommes très considérables pour
suppléer à cette insuffisance, sommes qui ne font que s’accroître tous les ans.
Il est
donc évident, messieurs, qu’il faut, le plus promptement possible, réviser la
législation actuelle. Il ne suffit pas d’apporter à cette législation des
améliorations nombreuses, il faut faire une législation d’ensemble, une
législation qui comprenne toutes les classes de fonctionnaires et qui puisse
s’appliquer à tous les cas.
Mais si
l’on est d’accord sur la nécessité de réviser la législation actuelle, il
paraît, d’après ce qui s’est passé dans la séance d’hier, qu’on ne l’est point
sur le système qui doit remplacer cette législation. Ainsi que je l’ai dit,
plusieurs systèmes ont été indiqués. On n’a point, à la vérité, développé ces
systèmes, on s’est borné à émettre seulement quelques idées ; cependant ces
idées méritent d’être sérieusement examinées.
Parmi les
différentes opinions émises, celle de l’honorable M. Pirmez est la plus
excentrique. Si cette opinion était admise, la loi sur les pensions serait
facile à faire ; il suffirait de déclarer qu’aucune rémunération ne sera
accordée, sauf dans des circonstances tout à fait extraordinaires. Mais une
pareille idée revient à nier le principe même, à nier l’obligation où se trouve
l’Etat de rémunérer les fonctionnaires publics qui ont servi, pendant de
longues années utilement leur patrie ou qui ont contracté des infirmités ou
reçu des blessures dans l’exercice de leurs fonctions. Or, cela serait tout à
fait contraire à ce qui s’est constamment pratiqué chez toutes les nations
civilisées ; cela serait aussi contraire à tous nos antécédents.
Messieurs,
on nous a distribué une brochure qui est due à la plume du savant directeur de
l’administration des mines. Dans cette brochure on trouve un résumé des
législations sur les pensions de plusieurs nations qui nous avoisinent, et l’on
peut y remarquer que ces nations sont toutes très généreuses envers les
employés qui les ont servies fidèlement. On nous a cité hier l’Angleterre et un
honorable membre a même émis le vœu de voir adopter chez nous le système
anglais, qui consiste à faire conférer les pensions par la loi. Eh bien,
messieurs, en Angleterre il existe des pensions qui s’élèvent jusqu’à 35,000 et
même jusqu’à 50,000 fr. ; et voulez-vous savoir à quel chiffre s’élève le total
des pensions accordées dans ce royaume ? Il s’élève à 141 millions de fr. Dans
cette somme sont comprises à la vérité les pensions accordées à l’armée et à la
marine, mais le chiffre des pensions civiles seules dépasse 30 millions de fr.
En
Autriche et en Saxe, les fonctionnaires civils obtiennent aussi des pensions
sur le trésor public. Je citerai encore le royaume de Wurtemberg, où l’on a
adopté un système exactement conforme à celui qui vous est soumis ; les
pensions des fonctionnaires publics y sont à la charge du trésor public sans
retenue, et quant aux pensions des veuves et des orphelins, on y subvient au
moyen de caisses de retraite particulières, comme le prescrit également le
projet de loi dont nous nous occupons.
En
France, messieurs, ces principes ont également été suivis d’une manière
invariable ; il est vrai qu’avant la révolution de 1789, il n’existait, je
pense, aucune loi sur les pensions, mais il ne résultait point de là qu’aucune
rémunération n’était accordée ; il en résultait seulement que la collation des
pensions était abandonnée entièrement à l’arbitraire du pouvoir. En 1790 une
loi intervint ; c’est celle du 22 août 1790 ; et cette loi consacra aussi de la
manière la plus formelle le principe de la rémunération.
Et que
l’on ne dise point que la loi dont je viens de parler n’avait en vue que des
services extraordinaires ! Car l’art. 14 de cette loi affectait une somme de 10
millions de francs aux pensions et une somme de 2 millions aux gratifications,
et certes, si elle n’avait en vue que des cas extraordinaires, cette somme
n’aurait pas dû être aussi élevée.
L’arrêté
loi de 1814, qui nous régit encore aujourd’hui, consacre le même principe, et
depuis 1814 les chambres ont constamment approuvé ce principe. Le projet de loi
présenté en 1838 le proclamait, et lorsque ce projet fut discuté en 1841, le
principe dont il s’agit fut adopté à une grande majorité. Enfin, messieurs, vos
sections n’ont fait aucune objection contre cette base du projet de loi et la
section centrale l’a adopté à l’unanimité.
Savez-vous,
messieurs, comment le gouvernement français considère le principe de la rémunération
? A la page 10 de la brochure que j’ai déjà citée, nous trouvons un passage de
l’exposé des motifs du projet de loi présenté en 1841 par le ministre des
finances en France, M. Humann, et voici comment ce ministre s’exprime :
« Les
lois et règlements qui assurent des pensions de retraite aux fonctionnaires
civils, sont le nerf de l’administration, le lien le puis puissant de sa vaste
hiérarchie, la sanction la plus efficace des devoirs imposés à tous ses agents.
La perspective de cette rémunération, qui doit leur donner le pain de la
vieillesse, au bout d’une carrière utilement et honorablement remplie,
entretient la discipline, anime le zèle, et suscite parfois le dévouement, etc.
»
Ces
expressions, messieurs, démontrent suffisamment quelle importance
l’administration attache, en France, au principe de la rémunération en faveur
des fonctionnaires civils.
Il est
heureux, disait-on hier, d’obtenir une place, et celui qui l’obtient est plutôt
l’obligé de l’Etat que l’Etat son obligé.
Je
conçois, parfaitement, messieurs, qu’au moment où la place est conférée, celui
qui l’obtient est l’obligé du gouvernement, et doit lui en savoir gré. Mais
aussi ce n’est pas à l’employé qui vient d’obtenir la place qu’on propose
d’accorder une pension ; c’est à celui qui aura 60 ans d’âge, et qui aura
fidèlement servi l’Etat pendant 30 ans ; c’est à celui à qui des infirmités ne
permettront plus de servir, à celui qui aura reçu des blessures dans l’exercice
de ses fonctions ! Or, dans de cas pareils, il est certain que le corps social
doit une certaine reconnaissance à celui qui a passé la plus grande partie de
sa vie à exécuter fidèlement ses devoirs, et il y aurait une espèce
d’ingratitude à le laisser en quelque sorte dans la misère, et à lui prêter
aucun secours dans sa vieillesse.
Je passe
maintenant aux idées qui ont été émises par l’honorable M. Savart.
L’honorable
M. Savart adopte le principe de la rémunération ; mais il voudrait que l’on fît
une espèce de classification des fonctionnaires et que l’on n’accordât la pension
qu’à ceux qui n’ont pas certaines conditions de fortune.
Messieurs,
je crois que cette classification est impossible. Ce serait d’abord faire de la
pension une espèce d’aumône ; ce serait en livrer aussi la collation à un très
grand arbitraire de la part du gouvernement. Ce serait enfin récompenser la
dissipation et punir l’esprit d’ordre et d’économie.
D’ailleurs,
messieurs, la pension n’est pas seulement conférée comme un acte d’humanité ;
elle est aussi conférée comme une récompense des services rendus à l’Etat.
Ensuite,
messieurs, quelle serait la limite que vous traceriez entre les fonctionnaires
pensionnés et les fonctionnaires non pensionnés ? Hier, l’honorable M. Savart
fixait cette limite à 10,000 fr. de revenu. Mais il y aurait d’abord de très
grandes difficultés à connaître quelle est la fortune de celui qui demande la
pension. Il faudrait, comme on l’a fort bien dit, une espèce d’inquisition dans
les fortunes. De plus, cela consacrerait les plus étranges anomalies. Par
exemple, à un célibataire qui aurait 9,500 fr. de revenu, vous accorderiez une
pension ; et au père de famille qui aurait 10,000 fr. de revenu et une famille
de dix enfants, vous n’accorderiez rien.
Sans
aucun doute, messieurs, un pareil système soulèverait encore une foule de
difficultés qui en rendraient impossible l’application juste et équitable, et,
ce qui le prouve, c’est que, malgré son côté séduisant, il n’a jamais été
adopté dans aucun pays ni dans aucune législation sur la matière.
L’honorable
M. de Garcia n’adopte pas non plus le système que propose le gouvernement, si
toutefois je l’ai bien compris, car il n’a pas beaucoup développé ses idées.
M. de Garcia. - Je demande la parole.
M. d’Hoffschmidt. - Son système est resté un peu dans le vague.
Il
voudrait, m’a-t-il paru, subvenir aux pensions des fonctionnaires au moyen de
retenues à faire sur leurs traitements.
Déjà hier
l’honorable rapporteur de la section centrale vous a démontré les nombreux
inconvénients d’un semblable système. En France, le gouvernement se trouve à
peu près dans la même situation qu’en Belgique. Il y a aussi deux modes de
rémunération : un mode fondé sur les dispositions de la loi du 22 août 1790 et
du décret de 1806, et un autre mode imputant les pensions sur des caisses de
retraite subsidiées. Les pensions de cette seconde catégorie sont infiniment
plus nombreuses et plus considérables que celles de la première ; c’est au
point que le montant des pensions accordées maintenant sur la caisse des
retraites en France, s’élève jusqu’à 18 millions de francs, et que l’Etat
intervient par des subsides pour une somme de 11 millions de francs.
Cet état
de choses inspire des inquiétudes au gouvernement et il se propose d’y mettre
un terme. Cinq projets de loi ont déjà été présentés depuis 1834 sur les
pensions ; ces projets de loi, examinés par des hommes très compétents, n’ont
pas subi l’honneur d’une discussion. Le dernier est de 1841 et jusqu’à présent
les chambres ne s’en sont pas occupées.
Eh bien,
ces projets de loi, messieurs, consacraient tous le système des pensions en
faveurs des fonctionnaires avec retenue sur les traitements, mais en y
ajoutant, à charge du trésor public, les pensions des veuves et des orphelins.
Ce
système a toujours paru très compliqué aux commissions de la chambre des
députés qui l’ont examiné. Du reste, messieurs, tous ces projets adoptent la
même disposition que celle qui nous est présentée et ce qui concerne les
pensions du passé, les pensions qui sont payées par la caisse de retraite ; ils
mettent ces pensions à charge du trésor public, et les dispositions nouvelles
qu’ils consacrent n’ont rapport qu’aux pensions qui seront accordés à l’avenir.
D’un
autre côté, messieurs, ce système des retenues pour payer les pensions aux
employés de l’Etat n’est pas du tout conforme aux principes sur la matière.
Vous voulez déclarer, d’une part, que l’Etat doit une rémunération au
fonctionnaire public arrivé dans l’âge ou il ne peut plus servir l’Etat, et
d’un autre côté vous voulez payer cette rémunération au moyen des retenues à
faire sur leurs traitements ; de sorte que, comme on l’a fort bien dit, vous
leur retireriez d’une main ce que vous leur accorderiez de l’autre. De deux
choses l’une, messieurs, ou les traitements des fonctionnaires publics en
Belgique sont trop élevés, et alors vous devez les réduire, ou bien ils ne sont
pas trop élevés et alors le système que l’on voudrait introduire, consisterait
en une véritable diminution dans les traitements, en une véritable contribution
que l’on ferait peser sur les employés de l’Etat.
Qu’on ne
croie pas d’ailleurs, messieurs, que ces retenues seraient suffisantes pour le
payement de toutes les pensions. Il est démontre par des calculs qui ont été
faits en France, qu’une retenue de 5 p. c. sur les traitements des
fonctionnaires publics serait insuffisante pour leur accorder les pensions
nécessaires, ainsi qu’a leurs veuves et à leurs orphelins, et que, pour que la
retenue fût suffisante, il faudrait qu’elle fût portée de 7 à 8 p. c.
Quant à
moi, messieurs, je pense que le projet qui vous est présenté est fondé sur des
principes beaucoup plus rationnels. Remarquez, d’ailleurs, que ces principes ne
sont pas nouveaux ce sont les mêmes que ceux que vous avez adoptés lors de la
discussion de 1841. Il est vrai qu’alors l’ensemble du projet a été rejeté à
une faible majorité, mais on peut dire que d’autres circonstances ont pu
influer sur ce rejet.
On
redoute que le projet de loi, s’il est adopté, n’entraîne des charges immenses
pour le trésor public. Il est certain que les pensions seront toujours une
charge très lourde pour le trésor, et on ne peut pas se dissimuler que cette
charge doit s’accroître d’une manière assez notable par suite de la nouvelle
administration qui s’est établie dans le pays, l’administration des chemins de
fer.
C’est là
une classe nouvelle et assez nombreuse de fonctionnaires, dont les pensions ne
peuvent manquer de peser dans l’avenir sur le trésor public, quel que soit le
système que vous adoptiez : mais je dis que le projet qui vous est présenté est
plus avantageux au trésor que le système qui existe actuellement. Dans l’état
actuel des choses, tons les fonctionnaires et employés de l’Etat ont droit à la
pension : rien n’est changé à cet égard par le projet, sauf qu’il introduit des
améliorations importantes.
En effet,
il contient un grand nombre de garanties dont plusieurs ne se trouvent pas dans
la législation actuelle.
Indépendamment
des garanties d’âge et de durée des services, vous avez celles qui doivent
résulter de dispositions claires et précises, en ce qui concerne la collation
des pensions, conditions qui ne laissent en quelque sorte rien à l’arbitraire,
Vous avez encore une garantie dans la publicité, qui devra être donnée aux
arrêtés qui confèrent les pensions ; vous avez surtout une garantie très
importante dans le contrôle des chambres, contrôle que le nouveau projet de loi
organise.
En effet,
il prescrit que les pensions seront payées par chaque département ministériel :
les sommes nécessaires de ce chef, seront portées à chaque budget particulier ;
d’après une autre disposition du projet de loi, la liste des pensions sera en
quelque sorte annuellement contrôlée par les chambres.
It
résultera de là que ces pensions ne seront jamais accordées que dans les
limites des crédits qui auront été votés par les chambres, de sorte que la
législature aura toujours un moyen facile d’arrêter les charges qui
dépasseraient les ressources du trésor public.
Toues ces
dispositions me semblent donc de nature à rassurer la chambre sur les
conséquences financières du projet de loi.
J’avoue cependant que j’aurais désiré voir ajouter
au projet de la section centrale quelques calculs sur les charges qui dans
l’état normal incomberont probablement au trésor public ; je crois que des
calculs de ce genre auraient été de nature à tranquilliser beaucoup de membres
de la chambre sur les dangers que peut faire courir au public le projet qui
vous est présenté,
Quoi
qu’il en soit, messieurs, le système formulé par ce projet, me paraît
indubitablement mériter la préférence sur ceux qu’on a formulés dans la séance
d’hier ; il est conforme aux vrais principes sur la matière ; il établit
l’ordre et la régularité dans la collation des pensions ; enfin il organise le
contrôle des chambres, sur la liste des pensions, contrôle qui doit nous
rassurer, je le répète, sur les conséquences financières de la loi.
M. Vandensteen. - Messieurs, les orateurs qui ont pris la parole dans
la séance d’hier ont semble plutôt appeler l’attention de la chambre sur les
charges qui pèseraient sur le trésor par le système proposé, qu’ils n’ont
combattu le principe même. La rémunération de longs et honorables services
rendus à l’Etat se trouve consacrée depuis longtemps par notre législation. Les
pays voisins ont aussi rendu justice à ce principe dans une application plus ou
moins large, mais au moins ils l’ont reconnu.
Il ne
pourrait en être autrement, car la rémunération s’applique à des individus qui
ont constamment rendu des services à l’Etat, à des hommes auxquels leur âge et
leurs infirmités ne permettent plus de se livrer à un service actif. C’est une
question de convenance, je dirai plus, c’est une question de sage
administration.
Avant
1830, comme depuis notre régénération politique, il y a eu certainement des
abus et des abus très graves dans la collation des pensions, mais ces abus
étaient inévitables, sous l’empire d’une législation qui, il faut bien le dire,
s’appuyait sur les bases incertaines et très élastiques résultant, les unes
d’arrêtés, les autres de règlements qui venaient souvent régir la matière dans
d’autres sens ou lui donner plus d’extension.
Je crois,
messieurs, que le moment est venu de faire disparaître ces abus. C’est pour
atteindre ce but, que le projet de loi vous a été présenté. La constitution
même impose à la législature l’obligation de s’occuper de cet objet, on
pourrait même dire que la constitution, dans son art. 114, semble tout au moins
présupposer un droit à la pension. Cet article porte, en effet :
« qu’aucune pension, aucune gratification à charge du trésor public, ne
peut être accordée qu’en vertu d’une loi. »
Or, il me
semble que, par cet article, on a eu en vue de remédier à des abus auxquels
avait donne lieu l’application de la législation précédente, et qu’on a voulu
en même temps reconnaître les droits qu’ont les fonctionnaires publics à une
pension.
C’est sur
cette disposition que repose la légitimité de l’opinion de ceux qui pensent que
l’Etat est obligé envers des fonctionnaires.
Dans la
séance d’hier, l’on a formulé deux systèmes, l’un consistant à ne rémunérer que
les fonctionnaires qui sont en quelque sorte dans un état d’indigence ; dans
l’autre système, on subordonnerait la pension à la condition que les
fonctionnaires auront contribué à la formation d’une caisse de retraite.
Quant au
premier système, il me paraît inadmissible et impossible dans la pratique. En
effet, quelle serait la base d’après laquelle on établirait les droits des
intéressés ? Evidemment, il ne pourrait y avoir d’autre règle que l’arbitraire,
ainsi que l’a fort bien démontré l’honorable M. d’Hoffschmidt, telle somme qui
pour un individu pourrait être considérée comme le constituant dans un état
d’aisance, serait pour le collègue une somme qui le placerait dans l’indigence
peut-être.
Il y a
une autre considération qui est très puissante : il me semble impossible
d’exiger que le fonctionnaire ou l’employé vienne pour ainsi dire constater sa
misère à la face de la nation.
Cette
rémunération ne serait plus le prix de services rendus à l’Etat, ce serait un
secours accorde à l’indigence, ce serait un aveu blessant pour celui auquel le
secours serait accordé.
Je crois
donc que le premier système ne pourrait être admis.
Le second
système n’est pas nouveau, c’est celui qui a donné lieu aux abus contre
lesquels on a tant réclamé.
Il est
évident que si l’on n’impose pas une retenue très considérable aux
fonctionnaires, les fonds de la caisse seront insuffisants. L’expérience nous
l’a prouvé. N’avons-nous pas été obligés de voter annuellement des sommes fort
élevées pour couvrir le déficit de la caisse de retraite actuellement existante
au département des finances ?
D’un
autre côté, je ne pense pas qu’en Belgique les fonctions soient rétribuées
au-delà du strict nécessaire. On est d’accord sur ce point. Il est des
administrations où le traitement des employés n’est nullement en rapport avec
la position qu’ils occupent.
Je crois
donc que le second système n’a pas beaucoup plus de chance de viabilité que le
premier, et, suivant moi, il conduirait inévitablement à ce résultat,
l’augmentation des traitements. Or, c’est ce que nous ne voulons point.
L’honorable
M. Pirmez a développé un système à lui, système qui ne paraît pas exclure le
principe de la rémunération. L’honorable membre a poussé un peu loin les
conséquences de ce système ; toutefois, j’ai vu avec plaisir qu’il admettait la
rémunération ; seulement il ne veut pas que l’on considère cette rémunération
comme une obligation stricte pour l’Etat, et il ne l’admet que dans certains
cas.
Quant au
projet de loi en discussion, je crois que sous bien des rapports, il offre des
garanties. Ces garanties se trouvent dans l’obligation où se trouvera en
quelque sorte placé le gouvernement, de ne plus accorder de pension qu’aux
fonctionnaires qui sont réellement dans l’impossibilité de rendre encore
service à l’Etat. Je sais bien que cette restriction n’est pas positivement
écrite dans le projet ; on pourrait examiner s’il n’y aurait pas lieu à insérer
cette clause d’une manière précise dans la loi ; quant a moi, je n’y verrais
point d’inconvénient.
En second
lieu, je vois dans le projet de loi un grand avantage, c’est qu’il va nous
faire sortir de cette espèce de législation provisoire qui a régi les pensions
jusqu’ici, législation qui n’a cessé d’être interprétée de la manière la plus
large dans l’intérêt des individus auxquels on l’appliquait. Cela ne pouvait
être autrement, puisqu’ils concouraient à ces différentes caisses.
Dans le
projet actuel on consacre un principe que, pour ma part, je reconnais juste,
c’est que pour les caisses des veuves et orphelins le gouvernement, bien qu’il
ne reconnaisse pas devoir une rémunération plus étendue que celle qu’il accorde
aux fonctionnaires, se charge cependant de la surveillance et de la direction
de la caisse sans y intéresser l’Etat en aucune manière. Je crois que c’est là
un très grand avantage et un bienfait.
Je ne terminerai pas sans donner mon assentiment à
une proposition qui sera faite par un honorable membre relativement à
l’utilité, à la nécessité qu’il y a de régler par une loi les différents
traitements des fonctionnaires de l’Etat. Je crois que le système où nous
entrons, qui tend à mettre à charge de l’Etat toutes les pensions des
fonctionnaires, quand ils se trouvent dans les conditions établies par la loi,
oblige la législature à s’occuper de ce point essentiel. Car il ne faut pas
qu’au moyen de suppléments et d’indemnités on augmente des traitements, qui
dans la suite servent de base pour la fixation des pensions.
M.
Pirmez. - On m’a reproché d’avoir
sur les pensions un système excentrique. Si je m’étais fait doter de quelque
bonne sinécure, peut-être ma position aurait-elle rectifié mes idées en cette
matière.
Mais,
messieurs, je n’ai fait sur le projet actuel aucune proposition. On m’a
reproché d’avoir été contraire au système des pensions, et dans la réponse que
j’ai faite à M. le ministre de l’intérieur, j’ai dit que je n’étais pas du tout
contraire à ce principe. J’ai répondu à deux ou trois orateurs qui avaient
parlé du droit des fonctionnaires à la pension d’après la législation
existante. J’ai cru devoir dire que la législation existante, l’arrêté-loi de
1814 qu’on invoque, ne donnait pas ce droit aux fonctionnaires, que vous étiez
entièrement libres d’agir comme vous le vouliez et que vous aviez carte
blanche, que vous pouviez faire votre loi comme vous l’entendiez. Mais on a
tant de fois invoqué la loi de 1814 que je devais dire qu’on en avait fait un
très grand abus en prétendant qu’on donnait aux fonctionnaires des pensions en
vertu du droit que leur conférant cet arrêté-loi.
Il est
inutile d’examiner les termes de la loi pour s’assurer du contraire, il suffit
de voir ce qu’a fait l’auteur de la loi, avant 1830 ; ce qui était alloué alors
et ce que l’on paie maintenant.
Messieurs,
on n’est parvenu à faire donner de si grosses sommes au trésor que par des
déclamations sur le service des employés et qu’on n’aurait pas accordé
pareilles sommes pour les pensions si on n’avait pas été aveuglé par ces
déclamations.
J’ai dit
aussi que la plupart des employés recevaient une faveur du gouvernement quand
on les nommait, qu’ils demandaient des places en grâce et en concurrence avec
d’autres individus qui mettaient autant d’insistance qu’eux et étaient aussi
capables de remplir l’emploi. J’ai dit que dans cette circonstance, c’était le
gouvernement qui rendait le service à l’employé et non l’employé qui le rendait
au gouvernement, J’ai reconnu que dans d’autres circonstances l’Etat recevait
des services qui ne pouvaient être rendus que par certains employés et qu’aux
employés de cette catégorie la nation devait de la reconnaissance pour leur
travail.
Je crois qu’au moment où vous allez voter une loi
sur les pensions, je devais présenter cette distinction pour que vous ne vous
ne vous laissassiez pas entraîner à des dépenses trop considérables, pour qu’on
ne fît pas ce qui a été fait jusqu’à ce jour.
Je ne nie
pas que tous les employés rendent des services, mais ces services, il ne faut
pas les exagérer. Ils trouvent déjà d’ailleurs une grande compensation en ce
qu’on les met en dehors de la concurrence du travail qui existe dans les
industries.
Je crois
que ce que j’avais eu l’honneur de vous dire hier ne méritait pas les termes un
peu durs dont s’est servi un honorable membre, en taxant ces idées
d’excentriques.
M.
de Muelenaere. - Il paraît
que les paroles prononcées par l’honorable M. Pirmez avaient été assez
généralement mal comprises. L’honorable membre vient de déclarer qu’il n’est
pas entré dans ses intentions de contester le principe de la loi. Dès lors, les
considérations que je me proposais de vous présenter deviennent sans objet. J’y
renonce volontiers. Il est cependant une seule de ses observations à laquelle
il n’a pas été répondu jusqu’à présent, qui me paraît constituer une grave
aberration. L’honorable membre a paru croire qu’antérieurement à la loi de
1790, ii n’existait pas de pensions en France.
C’est là
une erreur. La loi de 1790 n’a pas créé un système ni un principe nouveau en
faveur des fonctionnaires de l’Etat. L’assemblée constituante, en décrétant
cette loi, n’a eu qu’un seul but, celui de régulariser cette partie du service
public, en France, et d’extirper les abus qui étaient très nombreux, et dont on
se plaignait généralement ; en un mot, l’intention de l’assemblée constituante
a été de substituer l’ordre au désordre. Les pensions, surtout en France, sont
anciennes, je crois qu’il faudrait monter bien haut pour trouver l’origine de
ces pensions, mais il est vrai qu’avant 1790 ces pensions ne constituaient que
de véritables faveurs, elles étaient accordées par les gouvernants, selon leur
bon plaisir, sans règle fixe, sans contrôle, sans qu’on tînt compte du mérite
et des services rendus. C’est à cause de cela que les nombreuses pensions, les
nombreux bénéfices accordés par le gouvernement précédent avaient fait naître
des plaintes générales. L’assemblée constituante a voulu faire cesser ces
plaintes. C’est dans l’intérêt du trésor et non des fonctionnaires qu’elle a
voté la loi du 22 août 1790, qui la première en France a soumis la collation
des pensions à des règles fixes et invariables.
Messieurs,
il n’est donc plus question, ce me semble, de contester le principe de la loi.
La nécessite, la convenance d’accorder des pensions à d’anciens fonctionnaires
me paraît plus ou moins généralement reconnue. L’honorable député du Luxembourg
qui, le premier, a porté la parole dans cette séance, vous a fait remarquer que
le système de la loi qui vous occupe était adopté par toutes les nations de
l’Europe. Je ne crois pas qu’il y ait une seule de ces nations où on n’accorde
pas de pension aux fonctionnaires dans certaines limites et à certaines
conditions. Tous les hommes pratiques, tous les hommes qui se sont occupés de
cette matière, soit comme membres des assemblées délibérantes en France et en
Angleterre, soit ceux qui ont traité la question ex professo sont d’accord sur
la nécessité, la convenance d’accorder une pension à des fonctionnaires qui ont
rendu de longs et éminents services.
Dès lors,
il ne peut, ce me semble, y avoir contestation que sur la manière d’admettre
les fonctionnaires à la pension et sur le taux de la pension. Ce sont là des
questions de détail, des questions sur lesquelles je ne veux pas m’étendre en
ce moment. Les observations qu’on pourrait avoir à faire sur l’une ou l’autre
disposition trouveront mieux leur place, quand ces propositions seront mises en
discussion.
Toutefois,
nous devons nous proposer un but, en faisant par la loi ce que la justice et
l’équité commandent en faveur des anciens fonctionnaires ; nous devons éviter
cependant aussi de grever le trésor outre mesure et pour des services qui n’ont
pas été réellement rendus. Sous ce rapport, il est quelques dispositions qui
méritent de fixer l’attention particulière de la chambre. Je n’en citerai
qu’une seule en ce moment. C’est une disposition qui de tout temps a donné lieu
à des abus et à des abus assez graves.
D’après
un article de l’arrêté-loi du 14 septembre 1814, article qu’on a reproduit dans
les différents projets qui ont été présentés jusqu’ici aux chambres, la pension
du fonctionnaire est liquidée d’après la moyenne du traitement des trois
dernières années. C’est là une disposition qui a été très onéreuse au trésor.
C’est une disposition dont on peut abuser, et on a abusé sous le gouvernement
précédent comme sous le gouvernement actuel, car il est difficile d’éviter les
abus. Je crois que, dans l’intérêt du trésor, cette disposition devrait être
modifiée. La section centrale a proposé de porter à 5 au lieu de trois les
années dont on prendrait la moyenne. C’est une amélioration ; mais ce n’est
peut-être pas encore assez.
En France, d’après un des derniers projets
présentés à la législature, je crois que c’est celui présenté en 1841, on a
fixé le terme de 10 ans.
Je crois
que ce terme n’est pas trop long. Je crois qu’on pourrait fixer à 20 ans au
moins le nombre des années dont la moyenne doit servir de base à la liquidation
de la pension.
Il en
résulterait, j’en suis convaincu, un allégement considérable pour le trésor.
D’un autre côté, on ne léserait aucun droit réel, on pourrait récompenser les
services loyalement rendus au gouvernement.
C’est une
disposition de détail, j’en conviens mais assez importante pour appeler, dès à
présent, l’attention de la chambre sur sa portée.
M. Savart-Martel. - Conséquent avec ce que je disais hier, je pense que
la loi a une portée trop étendue. Mon opinion repose sur deux raisons
principales.
La
première, c’est qu’avec une disposition aussi large, nous nous exposons à créer
des pensions nombreuses dont nous ne saurions même apprécier le chiffre
approximativement. S’il suffit d’être employé d’une administration pour avoir
un droit à la pension, la charge peut devenir immense et dépasser toute
prévision dans un certain nombre d’années.
Dans un
pays où presque tous les travaux publics se font par l’Etat, dans un pays où
presque tous le monde veut vivre aux dépens du budget, où le nombre des
employés ministériels n’est point fixé et ne saurait l’être, pareille
disposition n’en peut être admise, sinon elle deviendrait dangereuse pour les
pensionnaires mêmes, car un jour arriverait où la charge étant devenue
insupportable, l’excès du mal nécessiterait des modifications.
Si je ne
me trompe, on nous a dit hier que les personnes auxquelles s’applique
essentiellement cet article n’excéderaient guère dix mille. C’est, convenons-en
un chiffre déjà fort élevé ; mais qui nous garantit que ce chiffre ne sera
point augmenté ?
Quand on
réfléchit que la proposition a une portée telle qu’elle ne s’appliquerait point
seulement aux magistrats, et fonctionnaires proprement dit, mais aussi à tous
les employés créés et à créer, il est à craindre que, par la suite, le nombre
d’employés ayant droit éventuellement à la pension, dépassât celui des
contribuables ayant assez d’aisance pour les payer. Ce n’est pas que je veuille
abandonner ces employés inférieurs, il serait aisé de pourvoir à leur sort par
une légère retenue de prévoyance et un subside même que fournirait l’Etat.
Ma
deuxième raison, la voici :
Pour
fonder le droit à la pension, vous invoquez l’arrêté-loi de 1814 et les
considérants de cette disposition que Guillaume Ier, alors prince souverain, a
puisé dans le décret de l’assemblée constituante du 29 août 1790. Ces motifs,
on nous les a lus et relus, comme expliquant la pensée du législateur.
Eh bien,
ces motifs sont loin de favoriser la généralité des termes de l’art. 1er qui
vous est soumis.
La loi de
1790 établit le principe, que l’Etat doit récompenser les services rendus au
corps social, quand leur importance et leur durée méritent ce témoignage de
reconnaissance. Elle interdit la réversibilité, mais dans le cas de défaut de
patrimoine, la veuve d’un homme mort dans le cours de son service public
pouvait obtenir une pension alimentaire.
L’arrêté-loi
de 1814 est moins favorable encore : « Considérant, dit-il, qu’il est de la
justice du gouvernement de récompenser de longs et fidèles services, et de
fournir un soutien à des hommes qui ont consacré leur vie au service de l’Etat,
et auxquels leur âge et leurs forces ne permettent plus de le servir activement. »
Invoquer
les motifs de ces lois pour en tirer la conséquence que tout employé (sans
distinction aucune), a un droit expectatif à la pension par cela seul qu’il
était rétribué par le trésor public, serait méconnaître l’intention du
législateur, qui a eu en vue de longs et honorables services.
Le droit
à la pension dérivant de la seule circonstance qu’on a été rétribué par le
trésor public, est vraiment une anomalie.
S’il est
juste de récompenser les longs et honorables services de fonctionnaires qui ont
été rétribués par l’Etat pour exercer leurs fonctions, à plus forte raison le
serait-il de récompenser les services de ceux qui ont exercé gratuitement ;
tel, par exemple, que les chambres et les juges de commerce ! Mais, non, sous
notre législation, c’est le salaire qui donne droit à la pension, tandis que
pour être conséquent avec les principes de justice et de dignité, ce devrait
être le contraire.
Au
surplus, messieurs, je n’entends point contester la retraite à laquelle ont
droit les magistrats et fonctionnaires publics. J’avoue même que le projet fixe
avec économie ces pensions. Il a suivi une échelle de proportion qu’admet
l’équité.
Pour repousser à la pensée que j’ai émise de ne
point accorder de pension à ceux qui sont notoirement dans l’aisance, on suppose
que je veux des classifications de fortune et l’arbitraire du gouvernement ;
mais il n’en est rien, absolument rien, puisque la simple déclaration de la
partie prenante me suffirait. La différence entre ceux qui contestent mes
observations et moi, c’est que ceux-ci ont principalement en vue les
pensionnaires, tandis que moi j’ai principalement en vue le contribuable sans
vouloir toucher à des droits acquis.
La
modification que je propose en faveur du trésor public contre une opulence
évidente ne fournira qu’une faible économie, dit-on, mais si ma proposition est
juste, si elle peut dégrever le trésor on doit l’admettre. Je veux de grandes
économies, et à défaut de grandes, je veux même des faibles économies. Non,
messieurs, il ne faudra point, comme on vient de vous le dire, que le
fonctionnaire établisse sa misère pour obtenir la pension, c’est dénaturer ma
proposition, puisque l’homme qui possède un revenu de 9 à 10,000 fr. ne peut
être rangé au nombre des misérables. Je voudrais que tous nos contribuables
aient pareille fortune. Les charges énormes qu’on leur fait supporter seraient
moins lourdes.
M. de Garcia. - Messieurs, dans la séance d’hier, trois orateurs vous
ont présenté des considérations qui avaient pour objet de modifier certains
principes de la loi qui vous est soumise.
Ces
orateurs n’ont pas eu le bonheur d’être compris, car on les a combattus en
déplaçant complètement leur pensée et la portée de leurs observations.
L’un de
ces orateurs, l’honorable M. Pirmez, avait contesté le principe qui avait été
mis en avant, que les fonctionnaires avaient un droit acquis à la pension et
que ce droit ne pouvait être modifié par la loi actuelle. L’honorable M.
Pirmez, pas plus que les autres orateurs qui ont présenté des observations
contraires à certains principes du projet, n’a jamais prétendu qu’il ne fallait
pas accorder des pensions à d’anciens fonctionnaires qui étaient devenus
infirmes ; mais il a prétendu qu’il n’y avait pas pour les fonctionnaires un droit
acquis, tellement acquis, qu’il ne puisse être modifié par une loi nouvelle.
On a
répondu à l’honorable M. Pirmez qu’il s’était trompé, et que lorsqu’on avait
tiré des inductions de l’arrêté-loi de 1814 et de la loi qui a précédé celle de
1790, il était tombé dans l’erreur. Je crois, au contraire, que les motifs
qu’on a fait valoir contre son opinion sont de nature à prouver que la
législature peut toujours modifier son système de pensions.
Ce qu’a
dit l’honorable M. de Muelenaere le prouve évidemment. Avant 1790, les pensions
étaient accordées par le souverain, mais elles étaient accordées abusivement.
Si vous admettez que les droits étaient acquis, l’abus était consacré par
l’usage, par la coutume qui est aussi une loi, et la loi de 1790, si le principe
de l’honorable M. Pirmez n’était pas vrai, n’aurait pas pu ôter ces droits
acquis. L’assemblée constituante, cet illustre réformateur, ne s’est point
arrêté devant les considérations qu’on fait valoir en ce moment.
Messieurs,
vous êtes appelés aujourd’hui à faire une loi sur les pensions. Eh bien, votre
puissance, votre droit vous donnent la faculté de modifier tout ce qui est
antérieur. Qu’on ne vienne pas dire qu’il y a des droits acquis, la loi que
nous sommes appelés à faire est une loi organique, qui doit être conçues
uniquement dans des vues d’intérêt général. Le projet de loi en discussion et
les observations de la section centrale prouvent eux-mêmes que le prétendu
principe du droit acquis n’est pas sérieusement opposé. Il résulte de l’examen
de ces documents qu’on s’est mis au-dessus de ces considérations, On a en effet
réduit les plus fortes pensions à une somme déterminée. Si, comme on vient de
prétendre, le droit était acquis, on ne le pouvait.
Or, qui
peut le moins, peut le plus. Si vous avez pu modifier les lois existantes en
bornant les pensions à un taux déterminé, la chambre a le droit de modifier ces
lois sur d’autres points et elle puise ce droit dans le projet même présenté
par le gouvernement et dans le rapport de la section centrale.
L’honorable
M. Savart a aussi été combattu, parce qu’on a complètement déplacé, faussé même
les idées qu’il avait émises. Il n’a jamais prétendu qu’il ne fallait pas
accorder des pensions aux anciens fonctionnaires, mais il s’est demandé s’il
était convenable, dans l’intérêt du pays, de donner des pensions à des
fonctionnaires qui étaient en possession d’une fortune de 10,000 fr. de revenu.
Messieurs,
en examinant cette question, l’honorable M. Savart a posé des idées et des
considérations dignes de l’attention de la chambre et de tout homme qui
s’occupe de l’économie politique.
Sa
théorie est des plus justes, mais je pense qu’elle est inexécutable dans la
pratique, et dès lors il m’est impossible de l’admettre. Cette théorie comporte
une investigation de fortune que je ne puis vouloir consacrer.
Moi aussi
j’ai combattu les principes de la loi, je les ai combattu surtout parce qu’ils
tendent à mettre d’une manière absolue à la charge du trésor public, toutes les
pensions des fonctionnaires. Pour me combattre, on a dit que ce principe n’est
pas neuf, j’en conviens, mais j’espère que mes adversaires conviendront avec la
même franchise que moi, que si en lui-même le principe n’est pas neuf, on lui
donne une étendue qu’il n’avait pas dans la loi, sous le régime de laquelle
nous nous trouvons encore. En effet, jusqu’ici, grand nombre de fonctionnaires
ont été soumis à une retenue, pour alimenter le fonds des pensions, et
dorénavant ils ne seront plus soumis à cette charge. Vous avez les
fonctionnaires de l’administration des postes, du chemin de fer, des finances,
des eaux et forêts, qui sont tous soumis à une retenue ; eh bien, si vous
admettez la loi proposée, cette retenue n’existe plus. D’un côte vous
élargissez le cercle des dépenses en appelant à la pension tous les
pensionnaires, tous les employés, à quelle catégorie qu’ils appartiennent,
quelque bas qu’ils soient placés, et d’un autre côte vous restreignez le cercle
des revenus publics, en supprimant toutes les retenues. Eh bien, messieurs,
dans l’état ou se trouvent nos finances, cette mesure est-elle sage, est-elle
prudente ?
Les
honorables membres qui ont combattu les considérations que je vous soumettais
hier, n’ont en rien détruit les motifs sur lesquels je les fondais, et de la
manière dont ils y ont répondus, je dois croire qu’ils ne m’ont pas compris
plus que M. Pirmez et M. Savart. Pour se donner des armes ils ont dû entrer
dans des exagérations auxquelles jamais je n’ai songé. Au surplus, voici ce que
je voudrais ; que tous les fonctionnaires fussent soumis à une retenue
proportionnelle au moyen de laquelle on alimenterait en partie au moins le
fonds des pensions. On m’a demandé ce que je ferais à l’égard des veuves et des
orphelins, si je proposerais la suppression de la partie de la loi qui les
concerne ; je ne me suis pas expliqué sur ce point parce que je n’avais point
d’objection à faire contre cette partie de la loi ; je n’ai parlé que des
pensions des fonctionnaires envers lesquels seuls, l’Etat peut être tenu à
quelque rémunération.
On a dit
aussi, contre mon opinion, que l’expérience de ce qui s’est passé en Belgique
et en France, démontre qu’on ne peut pas couvrir les pensions avec une retenue
de 5 p. c. Je ne conteste pas cette assertion. Cependant je pourrais dire que
si une retenue de 5 p. c n’a pas suffi, c’est qu’en France comme chez nous, il
y a eu des abus dans la collation des pensions. Le gouvernement constitutionnel
est souvent trop faible, je ne dirai pas corrompu, mais il cède trop facilement
aux importunités de ceux mêmes qui sont chargés de défendre les intérêts de la
nation.
Messieurs,
je ne conçois pas que mes observations d’hier n’aient pas été comprises.
Quoiqu’il en soit, je les ferai comprendre par un amendement. D’après cet
amendement, tous les fonctionnaires seraient obligés de concourir au moyen
d’une retenue, à la formation, non pas de tout le fonds des pensions, mais
d’une partie de ce fonds ; cette retenue viendrait à alléger la charge que les
pensions font peser sur le trésor, sur la nation, sur les contribuables.
Vous
avez, messieurs, une quantité de fonctionnaires qui ne sont pas payés d’une
manière convenable, et lorsqu’on vous propose d’améliorer le sort de ceux qui
sont trop mal rétribués, lorsqu’on vous propose d’établir quelque harmonie
entre les traitements des différentes catégories de fonctionnaires, alors vous
reculez à cause de l’état de nos finances, et maintenant vous ne craindriez pas
de sacrifier vos finances pour faire des pensions à tous les employés de l’Etat.
Je crois,
messieurs, avoir rencontré la plupart des objections faites contre les
observations que j’ai présentées dans la séance d’hier. Ces objections n’ont pu
prendre une apparence de fondement qu’en exagérant mes pensées, et, disons-le,
en me prêtant ce que je n’ai pas dit, et cela pour me combattre avec plus de
facilité.
C’est
ainsi que M. le rapporteur et M. le ministre des finances m’ont dit que des
fonctionnaires qui ne seraient plus capables de remplir leurs fonctions,
resteraient cependant en place, parce que le gouvernement ne voudrait pas
réduire à l’indigence des fonctionnaires qui auraient fidèlement servi le pays.
Cette pensée, messieurs, n’est jamais entrée dans mon esprit et mes honorables
contradicteurs, en me faisant cette réponse, ont dû m’attribuer une opinion et
des théories que je n’ai jamais émises. Je n’ai jamais prétendu, en effet,
qu’il ne fallait pas donner de pensions. Il n’y a que M. Savart qui a voulu
établir une ligne de démarcation entre les fonctionnaires qui auraient
Pout
faire comprendre mon idée, pour en écarter toute fausse interprétation, dès
aujourd’hui je présenterai un amendement qui résume toute la première partie
des considérations générales que j’ai eu l’honneur de vous soumettre. Cet
amendement, je crois, doit trouver sa place à l’art. 40. Je ne prétends pas
qu’il soit complet ; je désire être éclairé par mes honorables collègues ; je
désire que mon amendement reçoive toutes améliorations dont il est susceptible
; je désire donc qu’il soit imprimé et renvoyé à la section centrale. Voici
messieurs cet amendement.
L’art. 40
est conçu comme suit :
« Les
pensions de retraite sont à la charge du trésor public.
Je propose d’ajouter à cette disposition un second
paragraphe dans les termes suivants :
« Mais
tous les fonctionnaires ayant droit à ces pensions concourront à la formation
du fonds de dotation nécessaire à ce service, en versant au trésor de l’Etat,
partie de leur traitement dans la proportion suivante :
« 1°
5 p. c. des traitements et émoluments dont le montant s’élève ensemble à 3,600
et au-delà.
« 2° 4 p.
c. des traitements et des émoluments dont le montant s’élève ensemble de 2,400
à 3,300 fr..
« 3°
3 p. c. des traitements et des émoluments dont le montant s’élève ensemble de
1,200 à 2,400 fr.
« 4° 2 p.
c. des traitements et des émoluments dont le montant s’élève ensemble de 600 à
1,200 fr.
« Sont
exempts de toutes retenues les ministres à portefeuilles et les fonctionnaires
dont les traitements et les émoluments sont inférieurs à la somme de 600
fr. »
M. Orts. - Je
désirerais avoir une explication sur la portée de cet amendement. Je demanderai
si par le mot concourront,
l’honorable membre entend : devront
concourir, au lieu : pourront
concourir ; en d’autres termes, s’il sera facultatif aux fonctionnaires de
dire : Je ne concours pas, je renonce à ma pension.
M. le
président. - L’amendement se rattache l’art. 40, nous
pourrons le discuter lorsque nous en serons arrivés à cet article.
M. Verhaegen. - Messieurs, depuis hier, le cercle de la discussion
s’est agrandi. L’amendement que vient de présenter l’honorable M. de Garcia a
une immense portée et pour mon compte, je ne sais pas, jusqu’à présent, si je
dois l’appuyer ou le combattre ; toutefois, je pense, qu’avant de s’occuper des
pensions qui, dans l’opinion de la section centrale, ne sont que des
corollaires des traitements, il conviendrait de s’occuper des traitements mêmes
; de cette manière, on pourrait tout coordonner ; une fois que les cadres des
fonctionnaires et des employés dans toutes les administrations ainsi que les
traitements attachés aux fonctions et emplois seraient déterminés par la loi,
et en outre qu’il y aurait une loi sur le cumul, il serait facile de faire une
bonne loi sur les pensions, mais jusque-là tout est dans le vague. Et qu’on ne
se le dissimule pas, faire peser encore de nouvelles charges sur des
fonctionnaires qui n’ont pas même le stricte nécessaire, c’est faire plus de
mal que de bien ; à ce point de vue, l’amendement que présence l’honorable M.
de Garcia a dans ce moment bien de chances de succès.
Messieurs,
ce qui a frappé surtout mon attention dans le projet que nous discutons, c’est
encore une fois que tout est laissé à l’arbitraire du gouvernement, et en
effet, si tous les fonctionnaires et employés de différentes administrations
ont droit à des pensions, il en résultera que le gouvernement pourra créer
autant de pensions qu’il le vaudra.
L’article
premier du projet est très élastique : « tout fonctionnaire, tout employé,
quelque petit qu’il soit à quelque administration qu’il appartienne a droit à
la pension. » Cette disposition est générale et ne souffre aucune exception.
J’aurais
voulu, moi, que les traitements fussent une bonne fois fixés par la
législature, et que les pensions, qui ne sont en définitive que le corollaire
des traitements, suivissent le sort de cette fixation.
Messieurs,
j’ai entendu dire par l’honorable que le projet de loi actuel est plus
favorable à l’Etat que la loi qui nous régit ; et il a ajouté qu’il est aussi
plus favorable à certains fonctionnaires : Mais, messieurs, s’il est plus
favorable à certains fonctionnaires, il est plus défavorable à certains autres
; je dirai plus, il enlève à certains fonctionnaires des droits acquis, des
droits qu’on ne peut pas leur enlever.
Je
supplie la chambre de bien y réfléchir, on vient de parler de droits acquis ;
l’on semble émettre l’opinion que la chambre peut toucher à semblables droits ;
je me hâte de protester contre une semblable doctrine ; il est des droits
acquis en matière de pensions, auxquels il ne nous est pas permis de toucher,
et ici j’entends parler des droits des fonctionnaires du département des
finances, des postes, des ponts et chaussées et du cadastre, car la loi de
Dès l’an
4 de la république française, l’administration de l’enregistrement, dans le but
de pourvoir au sort des veuves et des orphelins de ses employés, obtint l’autorisation
de prélever 1 p. c. sur les appointements.
Les
autres administrations des finances obtinrent la même autorisation, et
successivement la retenue fut augmentée de 1 jusqu’à 5 p. c.,
non seulement dans le but d’améliorer le sort des veuves et orphelins, mais
aussi dans celui de satisfaire, autant que possible, aux pensions des employés
sans le secours de l’Etat.
Ce
système de tontine a été mis en vigueur parmi les employés des finances, des
postes, des eaux et forêts, et du cadastre, par arrêté royal du 22 mai 1822.
Les
fonctionnaires qui ont concouru à cette tontine ont fait avec le gouvernement
un véritable contrat, et leurs droits sont régis par la législation qui était
en vigueur au moment où ils se sont engages.
La caisse
de retraite a été alimentée :
1° Par
les versements qui avaient été faits sous le gouvernement français ;
2° Par le
subside annuel de 30,000 florins des Pays-Bas accordé par le gouvernement
précédent ;
3° Par
les 10 p. c. que les intéressés ont été obligés de verser pour les années
antérieures à 1822 ;
4° Enfin,
par la retenue de 2 p. c. opérée jusqu’en 1836, et par la retenue de 5 p. c.
faite depuis cette époque jusqu’aujourd’hui.
Maintenant
quels étaient les droits des fonctionnaires dont nous venons de parler aux
termes de la convention que l’Etat a conclu avec eux ? Les employés des
finances et autres qui ont été mis sur la même ligne, étaient, au moyen de la
retenue opérée sur leurs traitement, admis à la retraite, après 30 ans de
service ; ils auraient, à titre de pension, la moitié de leur traitement qui
était augmenté de 1/40 pour chaque année au-delà des trente ans, cependant la
totalité de la pension ne pouvait, dans aucun cas, excéder les 4/5 du
traitement. Voilà les droits qui étaient acquis à ces fonctionnaires.
M. Donny. - Je demande la parole.
M. Verhaegen. - Voici quels étaient les droits des veuves ; elles
avaient les trois quarts de la pension de leur mari, si elles étaient mariées
depuis plus de huit ans ; elles recevaient la moitié, si elles étaient mariées
depuis moins de huit ans, mais depuis plus de trois ans, et même si n’étant pas
mariées depuis trois années, elles avaient des enfants.
Quant aux
enfants, ils avaient la moitié de la pension du père, jusqu’à l’âge de 18 ans.
Tels sont
les droits des fonctionnaires dont je m’occupe en ce moment. Tels étaient les
droits de leurs veuves et de leurs orphelins, droits que j’ai cru devoir
défendre contre les attaques dont ils sont l’objet.
Ces
droits leur sont acquis par suite des retenues et versements qu’ils ont subis
ou opérés pendant 30 ou 40 ans. Je n’hésité pas à le dire, si au lieu de verser
ces sommes dans la caisse de retraite, ils les avaient versés dans une caisse
particulière tontinière, les avantages qu’ils auraient retirés de pareil
versement auraient été peut-être plus considérables que ceux que leur assure la
législation existante ; législation à laquelle on veut déroger, en enlevant des
droits acquis.
Je dis
messieurs qu’il ne nous est pas permis d’agir ainsi, parce que les
fonctionnaires dont je parle ont dû s’attendre, comme équivalent de leurs
versements, à jouir des avantages que leur garantissait la législation sous
l’empire de laquelle ces versements ont eu lieu.
Maintenant,
le projet de loi tend à consacrer des dispositions toutes différentes. Ce n’est
plus un 40ème, c’est seulement un 60ème qu’on veut leur assurer, pour chaque
année au-delà des 30 années de services, et cela sans que la pension puisse
excéder les trois quarts du traitement, et dans aucun cas dépasser 6,000 fr.
Pour les comptables, le maximum ne peut pas même aller au-delà de 4,000 fr. et
pour ceux qui sont payés par remises, ces remises ne sont comptées que pour les
deux tiers du traitement.
M.
Malou, rapporteur. - Vous perdez
de vue l’art. 64.
M. Verhaegen. - Je prétends que l’art. 64 ne sauve pas les droits de
ces fonctionnaires ; au reste, si l’on entend cet article autrement que je ne
l’entends, la discussion actuelle aura au moins pour résultat de lever tout
doute et de consacrer irrévocablement les droits des intéressés.
D’après
le projet de loi, quoiqu’on en dise, il ne s’agit plus pour les fonctionnaires
eux-mêmes d’invoquer les dispositions de la loi existante pour le règlement de
leurs pensions.
Quant à
leurs veuves, il est institué une cause de pension, à l’alimentation de
laquelle ils concourent encore par une retenue de 5 p. c.
Le projet
de loi ne détermine même aucune condition de réversibilité, aucun tarif de
pension ; tout cela est en quelque sorte abandonné à l’arbitraire : on se borne
à fixer un maximum de 4,000 fr. Il y a plus : en ce qui concerne les veuves et
orphelins, chaque administration aura sa caisse particulière. Il y aura donc
autant de règles spéciales qu’il y aura d’administration.
Messieurs,
je le répète, il ne nous est pas permis de toucher à des droits acquis ; et
l’art. 64 du projet de loi né répond pas à mes objections, ou, dans tous les
cas, ne lève pas mes doutes.
Voici
comment est conçu l’article :
« Les
fonctionnaires et employés ressortissant du ministère des finances ou à
l’administration des postes actuellement en fonctions, conservent la facilité
de faire liquider éventuellement leur pension d’après les bases de l’arrêté
royal du 29 mai 1822. »
Mais il
ne s’arrête pas là, il va plus loin. Il dit :
« Toutefois,
les services postérieurs à la présente loi, ne seront pas pris en considération
pour dépasser les limites établies à l’art. 13 ci-dessus. »
C’est
cette addition qui enlève aux fonctionnaires dont je parle les droits qui leur
étaient acquis par la législation existante. Et ne vous y trompez pas, quand je
fais avec quelqu’un un contrat, contrat d’après lequel je verse annuellement
des sommes d’argent, pour retirer des avantages de ces versements d’après des
principes reçus en matière de tontine, ce n’est pas seulement l’époque présente
que j’ai en vue, mais j’ai aussi en vue l’avenir, et cet avenir on ne peut pas
toucher, sans m’enlever les droits que j’ai irrévocablement acquit par le
contrat.
Qu’arriverait-il
d’abord, à l’égard de ceux de ces fonctionnaires qui ont fait des versements
annuels et qui n’ont pas encore 30 ans de service, qui n’ont, par exemple, que
29 ? Liquiderait-on leur pension, conformément à l’arrêté de 1822 ?
Un membre. - Oui.
M. Verhaegen. - Vous liquiderez, conformément à l’arrêté de 1822,
c’est-à-dire, que vous établiriez, d’après l’ancien tarif, ce qui est dû à ces
employés pour ces 29 années. Mais ces employés restant encore en fonctions
pendant 5, 6 ou 7 ans, que leur donnerez-vous pour le surplus ? Leur
donnerez-vous une augmentation de pension, calculée à raison du 40ème fixe
d’après l’arrêté de 1822, ou bien à raison du 60ème sur pied du projet en
discussion ? Vous voyez donc que la différence est énorme.
Oh ! je comprends fort bien que vous veniez leur dire :
« cela est plus avantageux à l’Etat. » Mais il ne n’agit pas de ce qui
peut être avantageux à l’Etat, mais des droits qui découlent d’un véritable
contrat.
J’arriverai
à l’objection, que la caisse de retraite ne peut pas exister sans subside et je
réponds que si l’on n’avait pas fait abus de la caisse de retraite, cette
caisse n’aurait pas eu besoin des subsides énormes que nous avons été obligés
de lui accorder annuellement. Ce ne sera certes pas l’Etat qui, après avoir
abusé de la caisse de retraite viendra répudier sa responsabilité, viendra
violer un contrat formel ! ! !
Quelle
était donc la position de la caisse de retraite en 1830 ?
Je pense
qu’en 1830, au lieu d’un déficit, il y avait un boni de 300,000 fr. Je crois
même qu’une somme assez considérable nous a été bonifiée en compte par
Le
subside, sous le gouvernement hollandais, ne pouvait excéder 30,000 fl., pour
tout le royaume des Pays-Bas et aujourd’hui pour les provinces méridionales
seules, nous voilà arrivés à 944,000 fr. Comment donc ce résultat a-t-il été
amené ? Peut-on objecter l’abus qu’on a fait de la caisse de retraite ? Sont-ce
les fonctionnaires publics qui ont commis cet abus ? Non ; c’est le
gouvernement qui n’est pas resté dans les limites qui lui étaient tracées.
C’est le gouvernement qui, ne se contentant pas des suppléments, des indemnités,
des gratifications des tantièmes, etc., etc., a mis à la pension, avec les
trois quarts de leur traitement, des personnes qui n’y avaient aucun droit, qui
étaient très capables de servir encore l’Etat pendant 20 ans et plus.
Si l’on
n’avait pas arrêté ces abus, en les rendant publics, on serait arrivé tôt ou
tard à un subside de 2 ou 3 millions ; car en laissant les places ouvertes au
moyen de la mise à la pension, on peut remplir des promesses qui sont faites,
placer des créatures, renouveler, en un mot, tous les inconvénients que nous
avons si souvent signalés.
Ce n’est
pas pour les fonctionnaires que je me plains, c’est encore au nom de leurs
veuves et orphelins, et à cela il n’y a pas de réponse. Car là évidemment, on
enlève des droits acquis.
La
législature est-elle omnipotente à ce point qu’elle puisse enlever des droits
irrévocablement acquis, violer un véritable contrat ; car c’est un contrat que
ces fonctionnaires ont fait avec l’Etat.
S’il y
avait moyen, comme je le disais tantôt, de coordonner avec les traitements tout
ce qui est relatif aux pensions, si alors on retranchait à ceux qui sont trop
bien rétribués, pour ajouter à ceux qui n’ont pas assez, en d’autres termes, si
l’on pouvait améliorer la position de la magistrature, il n’y aurait plus
d’inconvénient à ce que tous les fonctionnaires et magistrats prissent part à
une caisse de retraite.
Alors
toute objection contre l’amendement de l’honorable M. de Garcia viendrait à
cesser. Il ne s’agirait plus d’examiner si l’Etat doit une pension aux
fonctionnaires, en rémunération de leurs services, si des fonctionnaires,
jouissant d’une belle fortune, n’ayant aucun besoin doivent, à charge du trésor
et à charge, en définitive, de ceux qui ont des besoins, jouir d’une belle
pension, tous les fonctionnaires auraient des droits de leur propre chef :
c’est-à-dire qu’eux, leurs veuves et orphelins, prendraient part dans cette
caisse tontinière, où ils auraient versé annuellement des sommes qu’on aurait
déterminées et à l’égard desquelles on pourrait établir une échelle
proportionnelle.
Si l’on adoptait ce système, le droit des fonctionnaires
dont j’ai parlé tantôt serait aussi intact. Toutes les objections tirées de
droits acquis en vertu d’une législation en vigueur viendraient à cesser.
C’est
donc cette question de principe qu’il m’importe d’examiner avant tout, et je
désire que ceux de mes honorables collègues qui partagent à cet égard mon
opinion veuillent bien y réfléchir, et voir s’il ne conviendrait pas peut-être
de renvoyer l’adoption de la loi actuelle, quant à ce point, à une époque où
l’on pourrait s’occuper des traitements et de la loi de cumul.
Je n’en
dirai pas davantage pour le moment, me réservant de revenir dans la discussion
des articles sur les dispositions dont je me suis déjà occupé.
M. Jadot. - Messieurs, les observations que je vais avoir
l’honneur de vous soumettre, auraient pu n’être produites qu’à l’occasion de la
discussion des articles auxquels elles se rapportent, mais j’ai préféré les
placer dans la discussion générale, afin qu’on ait le temps de les examiner, si
on le trouve bon, et parce qu’elles sont le développement des amendements que
j’aurai l’honneur de proposer, s’il y a lieu.
L’article
81 du règlement du 29 mai 1822 fixe aux 4/5 du traitement le maximum de la
pension à accorder à tous les employés des finances, indistinctement : ceux à
remises comme ceux à traitement fixe.
Le projet
de loi présenté le 11 mars 1834 ne faisait pas non plus de distinction entre
les employés de ces deux catégories. Le maximum pour les uns et les autres
était fixé à 6,000 fr.
Ce projet
avait spécialement pour objet, ainsi que le règlement de 1822, les pensions des
employés participant à la caisse de retraite du département des finances.
Le 10
février 1838 le gouvernement le retira et en présenta un autre qui avait pour
objet toutes les pensions à la charge du trésor public, les pensions militaires
exceptées.
Par ce
nouveau projet, les trois quarts seulement du traitement des employés à remises
devaient entrer dans le calcul de la pension.
Outre ce,
le maximum de la pension de ces employés ne pouvait être que de 3,000 fr,, tandis que celui des pensions des employés à traitement
fixe était fixé à 6,000 fr.
Ces deux
dispositions modifiaient singulièrement la législation existante, au préjudice
des employés à traitements proportionnels.
Ce
projet, après avoir été discuté et voté article par article, fut rejeté par la
chambre dans la séance du 10 février 1841.
L’article
16 de cette loi, relatif au maximum, portait :
« Dans
aucun cas et sous aucun prétexte, la pension ne pourra excéder les 3/4 du
traitement moyen ou le maximum déterminé par le tableau annexé à la présente
loi, n°2.»
Cette
disposition était empruntée à l’ordonnance française du 12 mars 1825, mais il
est à remarquer que cette ordonnance ne concernait que les employés des
finances, et qu’ici elle s’appliquait à tous les fonctionnaires et employés des
différents départements ministériels.
L’ordonnance
française qui, comme je viens de le dire, ne concernait que les employés des
finances, les avait divisés en deux catégories, savoir : les fonctionnaires à
traitement fixe et les fonctionnaires à remises et salaires ; cette division se
conçoit lorsqu’il s’agit du département des finances seul.
Dans la
loi générale en discussion, au lieu des mots fonctionnaires à remises et
salaires, employés dans la loi de 1838 et l’ordonnance française, on s’est
servi des mots fonctionnaires ou employés comptables, ce qui rend la
disposition applicable aux comptables de tous les départements ministériels, à
traitements fixes comme à traitements proportionnels ou remises.
Mais dans
l’un comme dans l’autre cas, il est impossible de justifier la mesure.
Il
suffirait donc qu’un employé fût comptable pour qu’alors même qu’il jouit d’un
traitement supérieur à celui d’un employé qui ne l’est pas, il reçut une
pension inférieure à celui-ci.
Ainsi,
par exemple, le caissier-général de l’Etat qui, tôt ou tard sera un individu
personnellement et au besoin corporellement responsable, et qui, bien certainement
n’est qu’un comptable comme les receveurs ordinaires, n’aurait droit, en payant
la plus forte retenue 500 fr , qu’au maximum de 4,000 francs, tandis qu’un chef
de division ou de direction dans un ministère et dont la retenue, sur le pied
de 8,000 francs de traitement fixe, ne s’élèverait qu’à 400 francs, pourrait
prétendre à une pension supérieure de 4,000 fr. et même au maximum de 6,000 fr.
Je
pourrais citer une foule d’autres exemples.
S’il
fallait faire une distinction entre les fonctionnaires non comptables et les
fonctionnaires comptables, elle devrait être à l’avantage de ceux-ci, à raison
de ce qu’ils sont tenus de fournir un cautionnement et de ce qu’une plus grande
responsabilité pèse sur eux.
Je ne
comprends pas les motifs d’une semblable disposition et je crois qu’il serait
bien difficile d’en donner un satisfaisant ; aussi je suis persuadé qu’après y
avoir bien réfléchi, la chambre ne voudra pas donner son approbation à une
déclaration qui blesse la justice et jette de la déconsidération sur une classe
de fonctionnaires dont les services méritent, à l’égal de tous les autres, la
sollicitude du gouvernement.
Je
reproduirai ici que ce j’ai dit dans la séance du 14 février 1841 lors de la
discussion du projet qui fut rejeté le jour même.
« Cette
déclaration n’est ni dans nos mœurs, ni dans l’esprit de nos institutions
suivant lesquelles la loi doit être la même pour tous lorsque tous sont dans
les mêmes conditions, sans privilège pour personne. Or, il y a privilège alors
qu’un fonctionnaire paye autant et même plus qu’un autre fonctionnaire sans
prendre dans les avantages une part égale à celle que celui-ci y prend, (ou sa
veuve, ou ses orphelins.) »
Je
proposerai le retranchement du 2° alinéa de l’article 13, et si mon amendement
est rejeté, je me verrai obligé de voter contre la loi. Je ne consentirai
jamais à donner mon approbation à l’injustice que ce paragraphe consacre.
Il est
encore d’autres dispositions que je rejetterai si elles ne sont pas examinées.
Je ne
veux pas que le gouvernement puisse instituer des caisses de pension là où il
trouvera convenable et d’y faire contribuer des fonctionnaires à son choix.
Je ne
veux pas que le gouvernement ait la faculté de régler les conditions d’admissibilité
des veuves et orphelins par des statuts particuliers à chaque caisse.
Il faut une caisse par département ministériel et des
règles communes à toutes pour l’admissibilité des veuves et orphelins à la
pension en prenant pour base du calcul de la pension non le rang qu’occupait le
fonctionnaire, mais bien l’importance de son traitement et conséquemment sa
part contributive dans le fond de la caisse.
En
admettant les articles 33 à 37 nous livrerions le sort des veuves et des
orphelins à l’arbitraire du gouvernement.
C’est ce
qu’il faut éviter.
M. Orts. - Je ne comptais pas prendre la parole dans la
discussion générale, parce que je suis partisan du principe fondamental de la
loi que l’Etat doit à titre de rémunération pour services rendus une pension
aux fonctionnaires qui sont dans les conditions fixées par la loi ; mais je me
réservais de prendre la parole dans la discussion de plusieurs articles, et
l’article 64 sur lequel mon honorable collègue et ami M. Verhaegen s’est déjà expliqué,
avait fait naître dans mon esprit des doutes très sérieux sur cette grande
question de la rétroactivité ; sur cette considération n’attaque-t-on pas des
droits acquis ? Je n’aborderai pas cette discussion parce que je craindrais de
tomber dans des redites lorsqu’il sera question de cet article.
Je ferai
seulement une observation qui concorde avec celle de l’honorable M. Verhaegen.
Pourquoi la caisse des retraites a-t-elle essuyé des pertes, des diminutions de
ses fonds ? C’est parce que, tandis que les fonctionnaires du département des
finances auraient dû être à l’abri de l’arrêté-loi de 1822, être pensionnés
comme tous les autres fonctionnaires sur le pied de l’arrêté-loi de 1814, est
arrivé que la caisse des retraites non seulement n’a pu assurer une somme aux
veuves et orphelins, mais même n’a pu servir les pensions de la caisse des
retraites parce qu’on a accordé des pensions beaucoup trop fortes à des
fonctionnaires eux-mêmes qui auraient pu, pendant de longues années, rendre des
services à l’Etat. Voilà où était le vice.
Il serait
donc question d’examiner avec beaucoup de maturité quelles sont les
dispositions à prendre, relativement aux fonctionnaires qui puisent à la caisse
des retraites.
J’avais
demandé la parole lorsque l’honorable M. Savart avait énoncé différentes
propositions qui me semblent contraires au principe fondamental et fixé par la
loi qui nous est soumise.
Pour
avoir droit à une pension, il faut deux conditions : l’une que le fonctionnaire
ait fait partie de l’administration générale, la seconde qu’il ait été rétribué
par le trésor public. D’une part on voudrait que cette disposition ne fût pas
appliquée à tous les employés qui réunissent ces deux conditions : par exemple
aux concierges, portiers etc. ; d’autre part il est des employés comme ceux des
chemins de fer pour lesquels on voudrait restreindre le nombre des années de
service qui donnent des droits à la pension ; mais les simples douaniers
n’ont-ils pas autant de droits que les employés du chemin de fer à être
retraités comme employés du service actif.
On
voudrait ne pas donner de pensions à certains employés parce qu’ils sont d’un
rang subalterne ; un instant après on dit qu’il ne faut pas donner de pensions
à ceux qui sont riches. Ainsi les fonctionnaires du dernier ordre ne doivent
pas avoir de pension, ceux de l’ordre le plus élevé n’en doivent pas avoir non
plus.
Lorsqu’on
cherche à fixer ce qu’on entend par les fonctionnaires qui ont de la fortune,
on jette en avant le chiffre de 10,000 fr. de rentes. Je demanderai où est le
contrôle. Dans la quittance, direz-vous, on devra faire une déclaration de son
revenu. C’est une inquisition dangereuse.
M. Savart-Martel. - J’ai dit seulement qu’on devait déclarer qu’on n’a
pas 10,000 fr. de rentes.
M. Orts. - N’est-ce pas mettre au courant de votre
fortune l’Etat, tout le public ? Ces déclarations sont toujours extrêmement
dangereuses. En matière de succession, on avait cru devoir les corroborer par
le serment : je m’étonne qu’on ne fasse pas aussi affirmer par serment aux
fonctionnaires que leur fortune ne dépasse pas 10,000 francs de rentes. C’est
une inquisition à laquelle on ne peut se livrer.
Tandis
qu’on ne veut pas accorder de pension à tout le monde, pas aux fonctionnaires
qui rendent des services à l’Etat et qui n’ont pas de pension ; mais c’est
qu’ils ne réunissent pas les deux conditions faire partie de l’administration
générale et être rétribuée par l’Etat. Dans cette catégorie sont les juges
consulaires. Mais si on leur donne une pension pourquoi n’en donnerait-on pas
aussi aux jurés ? C’est parce que les uns et les autres ne font que remplir un
devoir. Les juges consulaires rendent un service au commerce auquel ils
appartiennent eux-mêmes ; le commerce à intérêt à être jugé par ses pairs ;
sous ce rapport les juges consulaires qui sont ce que le commerce a de plus
distingué reculeraient devant l’idée d’une pension pour les services qu’ils
rendent à leurs concitoyens d’abord et ensemble à ceux qui appartiennent à la
même classe qu’eux.
On dit
qu’il faudrait faire contribuer tous les fonctionnaires à la caisse des
retraites. On vous a répondu qu’il faudrait commencer par donner à ces
fonctionnaires quelque chose qui fût l’équivalent de cette charge nouvelle.
On a cité
l’ordre judiciaire pour lequel, depuis longtemps, ou réclame une augmentation
de traitement ; mais ce ne sont pas seulement les fonctionnaires de l’ordre
judiciaire qui réclament à bon droit une augmentation de traitement. Vous avez
eu des réclamations de ce genre en faveur des commissaires de district et
d’autres fonctionnaires. Si vous assujettissez tous les employés de l’Etat à
verser annuellement une partie de leur traitement dans une caisse, il est juste
de commencer par augmenter leurs traitements
Toutes ces théories vagues et pour ainsi dire
inexécutables, sont très belles : mais j’attends toujours à l’exécution. Je ne
conçois pas comment on pourrait formuler quelque chose d’assez précis pour ne
pas tomber dans l’arbitraire, tout en voulant éviter l’arbitraire et les trop
fortes dépenses ; car tous les systèmes formulés hier et aujourd’hui me
laissent dans une incertitude telle qu’il me paraît impossible de ne pas y
renoncer. Que les honorables veuillent bien formuler des amendements, alors on
pourra les discuter ; comme il n’en a surgi aucun, je crois qu’il vaudrait
mieux passer le plus tôt possible à la discussion des articles ; il y a des
dispositions qui donneront nécessairement lieu à de très graves observations.
M. Donny. - J’ai demandé la parole, lorsque j’ai entendu
l’honorable M. Verhaegen vous dire et vous répéter à plusieurs reprises que si
la caisse des retraites des employés des finances se trouve en quelque sorte
dans un état d’insolvabilité, cela provenait uniquement de ce que le
gouvernement aurait disposé de cette caisse d’une manière abusive. Vous vous
rappellerez, messieurs, que c’est un langage qu’on a tenu pendant plusieurs
années dans cette enceinte, langage qui a fini par déterminer l’autorité
supérieure à faire examiner la question à fond.
Une
commission a été nommée à cet effet. Parmi les membres de cette commission, se
trouvait notre honorable collègue M. de Brouckere. J’avais aussi l’honneur d’en
faire partie.
Nous
avons travaillé, pendant trois années entières, à examiner les pensions qui
avaient été accordées sur la caisse des retraites, depuis la révolution. Nous
les avons révisées une à une, en relisant successivement les dossiers, nous
avons refait tous les calculs, discuté le mérite de toutes les pièces. Au bout
de trois années, nous avons remis à Sa Majesté un rapport qui a été imprimé, et
qui vous a été distribué.
Je vais
vous rappeler en peu de mots les principaux résultats de ce travail.
Si l’on
avait appliqué les règlements avec la plus scrupuleuse exactitude, si l’on ne
s’en était écarté en aucune circonstance, en faveur d’aucun individu, il y
aurait à payer de moins qu’aujourd’hui, environ 56,000 fr. sur la totalité des
pensions.
Vous
voyez, messieurs, que ce n’est pas une bagatelle de cette espèce qui peut
amener l’énorme déficit que présente la caisse de retraite. C’est évidemment
ailleurs qu’il faut chercher les causes de ce déficit.
Nous les
avons cherchées ; nous avons trouvé que le déficit était la conséquence
naturelle et nécessaire des dispositions mal combinées du règlement, et nous
l’avons prouvé dans notre rapport.
A l’appui
des observations que nous avons faites alors, messieurs, est venu se présenter
un fait qui est la confirmation de tout ce que nous avions dit : c’est qu’en
Hollande la caisse de retraite se trouve dans la même position que celle de
Belgique. Elle est épuisée, et à tel point que, lorsqu’en exécution des
arrangements faits par la commission d’Utrecht, il a fallu rembourser à
Il est
une autre assertion de l’honorable membre, à laquelle je désire faire une
réponse.
Le
projet, vous a-t-il dit, porte un grave préjudice aux intérêts des employés des
finances ; et pourquoi ? Parce que, dit-il, ce projet leur enlève des droits
acquis, résultant d’un contrat. Mais, messieurs, il n’en est rien et j’espère
vous faire partager ma manière de voir.
D’abord
il n’y a pas de contrat, il n’y a du moins pas de contrat qui puisse imposer à
l’Etat l’obligation de faire le service des pensions déjà accordées ou des
pensions qui le seront à l’avenir sur la caisse des retraites. L’Etat n’a
jamais contracté ni directement ni indirectement l’obligation de payer les
pensions de retraite avec les deniers du trésor public.
Ensuite,
quel est donc le préjudice que la loi nouvelle peut causer aux employés des
finances ? Ces employés n’ont jamais eu le moindre droit à faire valoir sur le
trésor, et le projet leur accorde un droit formel à sa charge. Je ne pense pas
que ce soit là empirer la position des employés, que ce soit leur causer un
préjudice.
Il est
vrai, messieurs, qu’en compensation de ce droit nouveau, de ce droit efficace
sur le trésor, ou leur enlève les droits qu’ils avaient acquis sur la caisse de
retraite, mais comme cette caisse de retraite, leur unique débiteur, se trouve
en déconfiture, on ne leur enlève pas grand’chose, on
ne leur enlève rien du tout.
M. Verhaegen. - C’est par la faute du gouvernement
M. Donny. - On nous dit ; c’est par la faute du
gouvernement ; mais non ; j’ai déjà eu l’honneur de le dire à la chambre, le
gouvernement a appliqué le règlement, sauf dans quelques cas assez rares que
nous vous avons signalés dans notre rapport et qui, étant redressés
n’amèneraient qu’une réduction minime, une réduction de 36,000 fr. par an.
Ce ne sont
pas les suites de ces irrégularités, ou, si l’on veut, de ces abus qui ont
amené le déficit c’est, je le répète, l’application rigoureuse du règlement qui
en est la cause.
Le projet
de loi accorde donc aux employés des finances des droits effectifs, et cela en
remplacement de droits inefficaces, de droits devenus complètement sans
résultats utiles pour eux.
Je
voudrais bien que l’honorable membre qui porte tant de sollicitude aux employés
des finances, voulût se donner la peine de leur poser une question et de leur
dire : choisissez de deux choses l’une : voulez-vous conserver tous les droits
que vous ont accordés les règlements de 1822, mais n’avoir d’autre débiteur que
la caisse de retraite avec obligation de la part du
gouvernement d’y verser annuellement, je dirai même 30,000 florins, bien que
cette somme soit le chiffre du subside fixé pour l’ancien royaume tout entier ;
ou bien voulez-vous, en remplacement de ces droits, acquérir des droits
nouveaux à la charge du trésor public, droits limités comme l’indique le projet
de loi ? Je n’ai pas le moindre doute, messieurs, sur la réponse que l’on fera
à l’honorable membre. Tous les employés, ceux au moins qui comprennent la
chose, regarderont le projet de loi et les droits qu’il leur confère comme un
véritable bienfait, comparativement à l’état de choses qui est résulté de
l’arrêté de 1822.
Si
cependant je me trompais, si telle n’était pas l’opinion des employés des
finances, s’ils croyaient voir dans le projet des dispositions qui empirent
leur condition au lieu de l’améliorer, je suis, quant à moi, tout prêt à leur
laisser la position que leur a faite le règlement de 1822. Le trésor y
gagnerait, et beaucoup ; les employés seuls se repentiraient d’un semblable
marché. Ils n’ont qu’à parler, j’appuierai leur demande.
M.
Coghen. - Messieurs la chambre
parait fatiguée ; on voudrait peut-être clore la discussion générale (parlez ! parlez !)
Messieurs,
je ne comptais pas prendre la parole dans la discussion générale, mais des
discours ont été prononcés, qui m’obligent à répondre.
D’abord,
on émit cette pensée qu’il n’y a pas de droits acquis à la pension, pourtant la
constitution est formelle, et dit dans son art. 117 : « Les traitements et
pensions des ministères des cultes sont à la charge de l’Etat, les sommes
nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget. » Je
crois que c’est un droit acquis.
La loi du
mois d’août 1832, pour l’organisation judiciaire, dit : « Les pensions des
magistrats seront liquidées d’après l’arrêté-loi de 1814. » Je crois
encore que c’est un droit acquis.
La loi de
1835, sur l’enseignement supérieur, dit, art. 70, que : « Les pensions du
corps enseignant seront liquidées conformément à l’arrêté de 1816. » Je
crois aussi que c’est un droit acquis.
Messieurs,
quant à l’administration des finances, il est évident qu’on ne pourrait pas
équitablement contester à des fonctionnaires, à des employés qui pendant 35 ou
40 ans ont versé au trésor des retenues considérables, les droits acquis
d’après les règlements arrêtés en 1822.
La caisse
de retraité est obérée, et je crois, messieurs, que la faute n’en est pas à MM.
les ministres qui se sont succédé, mais que les circonstances de la révolution
ont amené beaucoup de nécessités. Il y a peut-être eu quelque entraînement,
c’est possible ; mais l’épuisement de la caisse de retraite provient surtout
des événements.
Messieurs,
je ne veux pas de prodigalité ; je désire que nous soyons économes des deniers
publics, que nos impôts ne soient pas majorés. Mais il faut aussi que le
gouvernement, que le pays soient équitables et sachent récompenser les services
rendus. Nous voulons tous une bonne administration, et une bonne administration
n’est pas possible, si vous abandonnez les employés de l’Etat, après de longs services,
à la merci de leur position particulière.
Messieurs
je considère les rémunérations des employés divisées de deux manières ; d’abord
connue rémunération immédiate qui constitue le traitement, et ensuite comme
rémunération différée qui constitue la pension. Leur refuser la récompense qui
est due à de longs services, ce serait porter la perturbation dans
l’administration générale, ce serait encourager l’immoralité et l’improbité.
Je ne
m’effraie pas, messieurs, du nombre illimité d’employés qui pourront venir
concourir aux pensions. Les budgets sont votés tous les ans, la législature
aura dont toujours le droit de refuser son vote à ce qui serait exagération.
On a dit
que l’on descendait trop bas dans l’échelle administrative pour les pensions.
Messieurs, à mon avis, c’est où il y a peu de ressources et beaucoup de besoins
que la sollicitude législative doit se porter. C’est pour l’homme qui n’a
jamais pu faire aucune économie, qui n’a jamais pu ramasser aucune ressource
pour sa vieillesse, qu’il est de notre devoir de stipuler qu’au moins il ne
sera pas abandonné, et obligé d’aller mourir dans des dépôts de mendicité.
Messieurs,
on a parlé de refuser la pension aux veuves et aux orphelins qui auraient de la
fortune. Je ne saurais admettre cette opinion ; je ne saurais obliger par mon
vote le gouvernement de contester sur le cercueil d’un ancien fonctionnaire qui
aura été pendant trente ou quarante ans au service de l’Etat, la question de
savoir s’il doit donner à la veuve et à ses orphelins quelques secours pour
vivre.
Messieurs en 1833, la chambre effrayée de l’augmentation
successive des pensions, a appelé l’attention du gouvernement sur ce point, et
lors du ministère de l’honorable M. Duvivier, il a été institué une commission
composée de M. Engler, sénateur, de M. d’Hane, sénateur, de l’honorable M. de Brouckere et de
l’honorable M. Donny, nos collègues. Ces messieurs ont fait un travail long et
difficile, il en est résulté que sur les 772 pensions colloquées depuis 1830
jusqu’en 1835 il y aurait peut-être eu une erreur ou une exagération, d’environ
30,000 fr. d’après la commission, et seulement de 1,400 d’après le ministère
des finances même.
On
s’effraie aussi de l’exagération des pensions qui ont été accordées. Mais si je
suis bien informé, le nombre de celles qui dépassent 6,000 fr. est aujourd’hui
seulement de quatre et l’excédant se monte à une somme de 5,990 fr. Ce n’est
donc pas de l’exagération des pensions que peut provenir la situation de la
caisse de retraite ; comme j’ai eu l’honneur de le dire, cette situation
résulte peut-être bien un peu de ce que l’on a pu céder plus ou moins à
l’entraînement, mais elle résulte surtout des nécessités de la révolution même.
M. Malou, rapporteur. - Messieurs, plusieurs amendements ont déjà été
présentés ; il nous est également arrivé des pétitions, je pense qu’il serait
bon de renvoyer ces amendements et pétitions à la section centrale. Si d’autres
membres avaient des amendements préparés et s’ils voulaient bien les présenter,
j’en demanderais également le renvoi à la section centrale.
La
plupart des observations qui ont été présentées se rattachent à diverses
dispositions du projet et je pense, messieurs, qu’il sera plus utile de ne les
rencontrer que lorsque nous en serons arrivés à ces dispositions. Si donc la
chambre pensait pouvoir clore la discussion générale je renoncerais pour le
moment à la parole.
- La
clôture de la discussion générale est mise aux voix et prononcée.
La séance
est levée à 4 heures et demie.