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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 mars 1844

(Moniteur belge n°64, du 4 mars 1844)

(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Huveners procède à l’appel nominal à une heure et 1/4.

- La séance est ouverte.

M. de Renesse lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur François-Angustin Gerson, bottier à Bruxelles, né à Malmédy (Prusse), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le comte de Liedekerke-Beaufort, ancien gouverneur de la province de Liège, demande une augmentation de sa pension. »

- Renvoi à la commission des pétitions.

M. Delfosse - Il s’agit de l’ancien gouverneur de la province de Liége, qui jouit d’une pension de 2,000 florins. Il prétend avoir droit à une pension plus forte. Comme il éprouve depuis longtemps le préjudice dont il se plaint, il conviendrait, je pense, d’inviter la commission à faire un prompt rapport.

- Cette proposition est adoptée.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Courtray

Par dépêche en date du 2 mars, M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) adresse à la chambre le dossier les opérations électorales de Courtray.

M. le président tire au sort la commission chargée de vérifier les pouvoirs de M. de Haerne.

Les membres désignés par le sort sont : MM. Vilain XIIII, de Florisone, Dedecker, Delfosse, d’Anethan et de Renesse.

Rapport sur une pétition

M. de Chimay, rapporteur. - Messieurs, votre commission m’a chargé de vous présenter son rapport sur la pétition des fabricants de Liége qui demandent le retrait de la loi du 6 juin 1839.

Les fabricants de Liége ont déjà réclamé le redressement de leurs justes griefs.

Une première pétition, datée du 6 mai 1842 et demandant le retrait de la loi du 6 juin 1839, fut accueillie par la chambre et renvoyée au ministre de l’intérieur, sans résultat utile.

Aujourd’hui les pétitionnaires renouvellent leurs plaintes. Ils affirment, d’après des chiffres officiels, qu’ils ont à souffrir à la fois, et de la faible évaluation des marchandises introduites en Belgique, en vertu du traité, et d’une fraude considérable. A leurs plaintes, le gouvernement oppose, d’après eux, une fin de non-recevoir basée sur des espérances commerciales, au moins fort hypothétiques.

En présence d’un pareil état de choses, votre commission s’associe unanimement au vœu des pétitionnaires. Elle pense, avec eux, que la dignité et les intérêts du pays ne permettent pas de maintenir plus longtemps les faveurs exceptionnelles que la loi du 6 juin concède, sans réciprocité actuelle ou probable, non plus à d’anciens Belges seulement, mais au Zollverein tout entier.

Votre commission, a en conséquence, l’honneur de vous proposer le renvoi de la nouvelle pétition de fabricants de Liège à M. le ministre de l’intérieur.

M. Delfosse. - C’est la seconde fois que la commission fait un rapport favorable à la réclamation des fabricants d’étoffes de la ville de Liège. J’espère que M. le ministre de l’intérieur voudra bien, cette fois, prendre la pétition en considération et proposer promptement des mesures pour y faire droit. Si M. le ministre persistait dans la résolution qu’il paraît avoir prise, de rester dans l’inaction, plusieurs membres de la chambre se verraient peut-être dans la nécessité de faire une proposition.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

M. Delfosse. - Je demande que le renvoi ait lieu avec demande d’explications. Il faut que M. le ministre s’explique, pour que nous puissions savoir à quoi nous en tenir. Car si le gouvernement persistait à ne rien faire, nous prendrions l’initiative ; mais avant d’user de ce droit, nous désirons connaître l’intention de M. le ministre.

M. de Chimay. - Comme rapporteur de la commission, je dois faire connaître quelle a été sa pensée. Cette question s’est reproduite à propos des fontes et autres objets, et le gouvernement a toujours opposé, aux réclamations qui lui étaient adressées, que des négociations étaient suivies avec l’Allemagne et qu’il n’était pas convenable d’anticiper sur ces négociations et de prendre une mesure de nature à les interrompre et même à les compromettre. Mais la commission a pensé qu’il n’y avait pas lieu de s’en rapporter davantage à ces raisons d’ajournement et qu’il fallait mettre le gouvernement en demeure de se prononcer.

M. Osy. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Delfosse, d’autant plus que l’arrêté relatif aux vins de l’Allemagne n’a pas été renouvelé le 1er mars, ce qui doit nous faire supposer que les négociations n’ont rien amené.

J’appuie donc le renvoi avec demande d’explications.

M. de Garcia. - Je demanderai qu’on veuille remettre à lundi prochain la décision sur les conclusions de la commission ; M. le ministre de l’intérieur sera présent et pourra peut-être incontinent donner les explications demandées.

M. Delfosse. - Il n’y pas moindre inconvénient à adopter aujourd’hui les conclusions de la commission, c’est-à-dire, le renvoi au ministre de l’intérieur, en y ajoutant, sur la proposition que j’ai eu l’honneur de faire, une demande d’explication. Il y aura même utilité à adopter dès à présent les conclusions de la commission, avec cette modification, parce que M. le ministre, étant prévenu de la décision de la chambre, pourra se mettre en mesure de donner des explications soit lundi, soit mardi. La discussion sera plus utile, car alors le gouvernement sera prêt. Si on remettait la décision à lundi et que le gouvernement ne fût pas prêt, ce serait un retard de plus.

M. de Garcia. - Sans doute il n’y a pas d’inconvénient à ce que, dès aujourd’hui, on renvoie la pétition avec demande d’explication, mais en demandant le renvoi à lundi, j’espérais avancer matière, j’espérais que M. le ministre de l’intérieur, qui n’est jamais en retard de répondre aux interpellations qu’on lui adresse, pourrait donner lundi les explications qui sont réclamées. Je ne m’oppose donc pas à ce qu’on adopte les conclusions avec l’addition proposée par l’honorable M. Delfosse.

Le renvoi au ministre de l’intérieur, avec demande d’explications, est ordonné.

Motion d'ordre

Absence de projet législatif pour conformer un arrêté royal modifiant certains droits de douane

M. Manilius. - Messieurs, dans le courant de l’année passée le gouvernement a pris un arrêté qui établit de nouveaux droits sur une série d’articles de fabrication étrangère. Cette mesure a été prise en vertu de l’art. 9 de la loi de 1822. Mais cet article oblige le gouvernement à faire confirmer la disposition par la législature dans la session suivante. Je crains que la session actuelle n’arrive à sa fin sans que le gouvernement ne nous ait proposé un projet de loi relativement à cette mesure.

M. le ministre des finances serait dans l’impossibilité de continuer à faire percevoir les droits qu’il a établis, si une disposition législative n’intervenait pas, car les personnes qui se présenteraient à la frontière avec les articles que concerne cet arrêté, se refuseraient à payer l’élévation de droit qu’il établit. Il conviendrait de présenter immédiatement ce projet de loi ; je ne sais ce qui a empêché de le présenter jusqu’à présent, alors qu’on a présenté des projets qui concernaient des arrêtés relatifs à des articles beaucoup moins importants.

M. Lys. - Comme dit l’honorable préopinant, on a présenté des projets de loi pour des objets beaucoup moins important, et pour un arrêté de l’importance de celui dont il s’agit, on est en retard de lui donner la sanction législative, dont il a besoin pour que ses dispositions continuent à être appliquées. Cela fait un très grand tort à l’industrie, car tant qu’il n’y a pas de loi les fabricants n’osent pas monter des ateliers. En effet, on ne va pas dépenser 50 à 60 mille francs pour monter des ateliers, sans la certitude de jouir d’une protection pendant un temps plus ou moins long. Cette certitude, la loi seule peut la donner.

M. Savart-Martel. - J’insiste aussi pour qu’on s’occupe de suite de l’objet dont s’agit. Plusieurs requêtes ont été adressées à cette fin à la chambre ; il y a vraiment urgence.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Le gouvernement s’est occupé déjà de la rédaction d’un projet de loi à soumettre à la chambre pour donner la sanction législative à l’arrêté dont vous ont prié les honorables membres que vous venez d’entendre. Ce projet sera soumis incessamment à la chambre.

- M. Liedts remplace M. d’Hoffschmidt au fauteuil.

Projet de loi accordant des crédits supplémentaires au budget du ministère des finances, pour dépenses arriérées

Discusison générale

M. le président. - Deux rapports ont été faits sur cette demande de crédit.

« Article unique, Il est ouvert au département de finances, comme supplément au budget des dépenses, exercice 1843 :

« a. Un crédit de six cent vingt-deux francs trente centimes (fr. 622 30 cent.), destiné au payement des frais de voyage et de séjour, sur déclarations relatives à un exercice clôturé, et partie à l’exercice 1842 dont le crédit est insuffisant.

« Cette somme formera l’article 9 du chap. 1er, exercice 1843.

« b. Un crédit de sept cent soixante cinq mille huit cent quatre-vingt-sept francs soixante-treize centimes (fr. 765,887 73 cent.), pour pourvoir au payement des dépense du service de la caisse générale de l’Etat pendant les années 1838, 1839 et 1840 ;

« Cette somme formera l’article 3 du chapitre II du même budget.

« c. Un crédit de cinquante mille fr. (50,000 fr.) pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3 du chapitre VI du budget précité. »

La section centrale, pour ne pas confondre les deux exercices, propose de diviser ce crédit et de n’allouer au litt. c que 23,275 fr. pour l’exercice 1843, sauf à M. le ministre à faire une autre proposition pour l’exercice 1844.

Le litt. c serait ainsi conçu :

« c. Un crédit de vingt-trois mille deux cent soixante quinze francs (fr. 23,275), pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3 du chapitre VI du budget précité.

« d. Un crédit de quinze mille francs (15,000 fr.), destiné au payement des dépenses relatives à des exercices clôturés, et particulièrement de celles qui se rapportent à des termes antérieurs au 1er octobre 1830.

« Cette somme formera l’art. 4 du chap. VI.

« Ensemble huit cent quatre mille sept cent quatre-vingt-cinq francs trois centimes. (fr. 804,785 03. »

M. Osy, rapporteur. - Sur le projet de loi qui nous occupe, j’ai eu l’honneur de faire deux rapports. Le premier proposait la division du crédit de 50,000 fr. en deux crédits, l’un de 25,275 fr. pour l’exercice 1843, l’autre de 26,600 fr. pour l’exercice 1844. M. le ministre s’étant rallié à cette proposition, je crois que nous serons facilement d’accord.

Lors de la première discussion, j’ai proposé que les employés du ministère des finances qui font partie de la commission de liquidation ne pussent avoir une indemnité, que je considère comme un cumul. La section centrale n’a pas partagé cette opinion ; toutefois elle a pensé, à l’unanimité, que l’indemnité est trop élevée.

Je ne sais si l’on fera une proposition. Pour moi, je ne puis admettre qu’il y ait une indemnité pour les fonctionnaires.

Lors de la discussion de ce projet de loi, on a étendu beaucoup l’amendement de la section centrale. Vous vous rappelez qu’on a prétendu qu’il n’était pas conforme à la dignité de la chambre, que ses membres reçussent une indemnité pendant la session ; vous vous rappelez qu’un honorable membre de la chambre a trouvé convenable de dire que, pour sa part, il renonçait à l’indemnité. Je ne sais pas s’il ne conviendrait pas de déduire du crédit la somme refusée par cet honorable membre. Mais je pense qu’il faudrait approfondir la question de savoir si, pendant la session, les membres de la chambre peuvent recevoir une indemnité, et si après la clôture ils ne doivent pas recevoir pour toute indemnité celle que nous recevons pour notre séjour dans la capitale.

Nous voyons, par le tableau remis par M. le ministre des finances, qu’il y a dans la commission des membres de la cour de cassation et de la cour d’appel. J’appelle votre attention sur l’art. 103 de la constitution. D’après cet article, aucun membre de l’ordre ne peut accepter des fonctions salariées, à moins de les exercer gratuitement, sauf les cas d’incompatibilité déterminés par la loi.

Je sais que vous direz que ce n’est pas un traitement, mais une indemnité. Quand la commission a été instituée, on savait qu’elle durerait au moins 18 mois. Il s’agit de savoir si une indemnité accordée dans ce cas à des membres de l’ordre judiciaire n’est pas contraire à la constitution. J’appelle sur ce point l’attention du gouvernement. Je désirerais que l’on donnât sur ce point quelques explications.

Je trouve que les employés du ministère des finances ne peuvent, sans cumul, recevoir une indemnité.

Je laisse à l’appréciation de la chambre si les membres peuvent recevoir une indemnité pendant la session.

M. Delfosse. - Je me suis élevé dans d’autres circonstances contre l’abus grave que l’honorable M. Osy vient de signaler.

Il est un article de la constitution qui porte que le membre des deux chambres nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu’il accepte est soumis à une réélection.

Quel est le motif de cette disposition ? C’est que l’on suppose qu’un membre de la chambre qui accepte un emploi salarié, se place jusqu’à un certain point sous la dépendance du ministère ou tout au moins qu’il s’établit entre le ministère et lui un lien de reconnaissance qui peut porter atteinte l’indépendance que les électeurs doivent attendre de leurs représentants.

Ce motif n’est-il pas applicable à celui qui est appelé par le ministère à faire partie d’une commission pour laquelle il reçoit des indemnités ? Je le pense, messieurs, je pense que c’est éluder la constitution, que de donner des indemnités à celui qui ne pourrait pas recevoir un traitement.

L’abus, messieurs, est plus grave que vous ne pourriez le croire, je vais vous citer quelques faits qui vous le prouveront ; je ne citerai pas de noms, ceux qui ont posé les faits pourront le reconnaître :

Il est un de nos collègues qui est fonctionnaire public, qui touche, en cette qualité un traitement très élevé, qui perçoit en outre l’indemnité de membre de la chambre et qui a reçu comme membre d’une commission plus de vingt-quatre mille francs dans l’espace de trois années ;

Il en est un autre qui est commissaire d’arrondissement, et qui a reçu, comme membre d’une commission, outre l’indemnité de membre de la chambre, des indemnités s’élevant à cinq mille trois cent quatre-vingt francs ;

Un troisième, qui a cessé de faire partie de la chambre depuis les dernières élections et qui était également fonctionnaire public, a reçu plus de six mille francs comme membre de diverses commissions.

J’indique les chiffres parvenus à ma connaissance ; j’ignore si les honorables membres dont je viens de parler ont reçu des sommes plus fortes.

Je pourrais, messieurs, citer d’autres faits, mais ceux dont je viens de parler suffisent pour nous faire apprécier la gravité de l’abus.

L’honorable M. Rodenbach vous a tenu, dans l’une des dernières séances, un langage qui partait du cœur ; il vous a dit avec chaleur qu’il était au-dessous de la dignité des membres de la représentation nationale de recevoir des indemnités de MM. les ministres. J’adhère entièrement aux sentiments exprimé par l’honorable membre.

Un de nos collègues qui n’a cessé que depuis peu de jours d’être fonctionnaire public a donné récemment un exemple de désintéressement qui devrait être suivi. L’honorable M. Malou a déclaré qu’il renonçait à l’indemnité que M. le ministre des finances se proposait d’accorder aux membres de la commission de liquidation.

Je regrette seulement, pour l’honorable membre, qu’il n’ait fait cette déclaration qu’après la discussion soulevée par l’honorable M. Osy, et surtout après les paroles chaleureuses prononcées par l’honorable M. Rodenbach ; faite plus tôt, elle aurait eu plus de mérite.

Je regrette, en outre, pour l’honorable membre, qu’il ait touché des indemnités comme membre d’une autre commission.

M. de Garcia. - La question qui nous occupe est extrêmement délicate, soit qu’on la considère au point de vue des principes, soit qu’on la considère au point de vue de personnes. Mais la chambre doit donner l’exemple de la légalité et de la conservation des principes. Cette considération générale justifiera ce que je pourrai dire.

Messieurs, quelle différence y a-t-il entre une indemnité et un traitement ? Voila le premier point qu’il est essentiel d’examiner pour faire application du principe.

Dans ma pensée, l’indemnité comporte nécessairement l’idée d’un déplacement, l’idée de frais de séjour. Au contraire, le traitement, ne fût-il pas perpétuel, fût-il à terme, suppose des fonctions sans déplacement, des fonctions régulières.

Pour déterminer d’une manière précise ce qui constitue l’indemnité, je prendrai notre propre exemple. Messieurs, les membres de la représentation nationale qui doivent se déplacer de leur domicile, et voyager, reçoivent une indemnité. Les membres qui habitent la capitale n’en reçoivent pas. Ainsi, notre propre exemple fait connaître parfaitement, selon moi, ce qu’on entend par indemnité.

Pouvez-vous donner aux indemnités que l’on paie à des commissions le caractère que je viens de signaler ? Selon moi, évidemment non, à moins que les membres qui les composent ne soient obligés à un déplacement. Vous confiez à ces commissions des fonctions, et même des fonctions de magistrats extrêmement importantes, puisqu’elles décident en dernier ressort. A ce point de vue, il m’est impossible de considérer les allocations que vous accordez aux membres de ces commissions, résidant à Bruxelles, comme des indemnités ; je les considère comme de véritables traitements qui, aux termes de l’article de la constitution dont vous a parlé l’honorable M. Osy, ne peuvent être accordés à des magistrats résidant au lieu où s’opère le travail de la commission. Par les mêmes motifs, je crois que les membres de la chambre qui reçoivent une indemnité pour se rendre ici, ne peuvent, comme membre d’une commission de liquidation, recevoir des indemnités de 250 ou de 400 fr. par mois. Les mots ne peuvent faire disparaître la force des choses, et ici, dans les circonstances actuelles, ce qu’on appelle indemnité constitue un véritable traitement, et de ce point de vue fort délicat, je le reconnais de nouveau, les membres de la chambre qui acceptent de pareilles fonctions pourraient devoir être rigoureusement soumis à une réélection.

Messieurs, il s’agit aussi ici des fonctionnaires du département des finances. Quant à moi, je ne vois pas d’obstacle légal ou constitutionnel qui s’oppose à ce qu’on leur donne un supplément de traitement, s’ils font un supplément de besogne. Ici la distinction entre les traitements et les indemnités importe peu. Aussi, dans la section centrale dont je faisais partie, j’ai cru que si le service public, si les fonctions régulières dont ils sont chargés, ne souffraient pas du surcroît de besogne, on pouvait leur accorder, de ce chef, un supplément de traitement. Mais quant aux membres des chambres et de la magistrature, il ne peut en être de même.

Je le répète, la question est fort délicate, elle est en quelque sorte personnelle, mais cette circonstance ne doit pas nous empêcher de la traiter ; nous devons donner l’exemple de l’observation de la constitution et des principes d’un bon gouvernement.

M. de Theux. - Messieurs, si dans l’allocation des indemnités qui ont été accordées dans différentes circonstances soit à des membres de la chambre, soit à des membres de la magistrature, je pouvais entrevoir l’intention d’exercer une influence, de compromettre en quelque manière l’indépendance du député, du magistrat, je serais le premier à m’élever contre ce qui a été fait. Mais heureusement, messieurs, dans toutes les commissions qui ont été conférées et qui ont donné lieu à indemnité, il me paraît impossible d’apercevoir une tendance d’influence ou de soupçonner en aucune manière l’indépendance des membres de ces commissions qui ont reçu des indemnités.

On a parlé d’indemnités assez considérables qui ont été touchées par des membres de cette chambre. Mais on n’a pas dit que c’était pour remplir des missions ailleurs qu’à Bruxelles, des missions qui devaient entraîner ces membres dans des dépenses considérables.

Il faut encore faire attention à une autre circonstance : c’est lorsque la mission doit être remplie hors le temps de la session des chambres.

Dans tous ces cas, il y a évidemment lieu à indemnité.

Je sais, messieurs, que pour les commissions spéciales chargées, par exemple, d’élaborer un projet de loi, un projet de règlement, de donner un avis sur une question déterminée, il ne peut pas être raisonnablement question d’indemnités. Aussi je pense que jusqu’à présent on n’en a pas accordé dans des cas semblables.

Mais supposera-t-on que quelqu’un doive accepter sans indemnité la qualité de membre de la commission d’indemnités, de la commission de liquidation ? Pour moi, je considérerais comme absurde de soutenir une telle chose. Comment ! on exigerait que l’on donnât la meilleure partie de son temps pendant toute l’année à un travail aussi difficile, à un travail aussi ardu et que cela se fît gratuitement ? Mais alors mieux vaudrait dire que dorénavant aucun membre des chambres, aucun membre de la magistrature ne pourra être chargé de semblables missions. Et vous voyez où cela vous conduit. C’est priver l’Etat de services très signalés. Car c’est dans les chambres législatives, c’est dans la magistrature que se montrent souvent de grands talents, des hommes qui peuvent rendre des services extrêmement importants à l’Etat dans des circonstances données.

Voyez, messieurs, où conduirait le rigorisme poussé à l’excès. Un membre de la magistrature ne pourrait plus être nommé du jury d’examen pour les universités. Ce serait encore là, messieurs, un très grave inconvénient.

Je dis, messieurs, qu’en ce qui concerne l’allocation des indemnités, il faut surtout voir si l’indemnité que l’on accorde est en proportion d’un travail extraordinaire, exorbitant, que l’on ne puisse pas raisonnablement demander gratuitement et surtout s’il s’agit d’un travail déterminé et purement temporaire.

Voilà ce qui doit déterminer la qualité de l’indemnité et ce qui peut la justifier. Hors de ces conditions je n’en veux pas non plus. Mais dans ces limites je crois que les indemnités ne peuvent produire aucun mal et qu’au contraire elles sont tout à fait dans l’intérêt de l’Etat ; à moins que de vouloir priver l’Etat des lumières et du concours des personnes qui, dans des circonstances données, peuvent lui être le plus utile.

M. Malou. - Messieurs, mon intention n’est pas de discuter tous les faits qui se sont passés depuis 1830 et dont l’honorable M. Delfosse a cité quelques exemples. Mais fallût-il admettre que, dans certaines circonstances,, il y a eu abus, il faut prendre garde, en attaquant l’abus, de détruire un principe de justice et d intérêt public.

Assurément, je désire que, par aucun moyen indirect, on n’élude les dispositions sages, prescrites par la constitution. Mais je désire aussi que le gouvernement puisse, dans les circonstances où il en a besoin, faire appel aux lumières, à l’expérience des membres de la chambre et des membres de l’ordre judiciaire. Or, je dis, messieurs, que cet appel est impossible pour certains travaux, si une indemnité n’y est attachée.

Je parle avec un entier désintéressement, parce qu’à part la commission de liquidation dont j’ai été appelé à faire partie dans les circonstances que j’ai déjà indiquées, l’examen de ma conscience, puisque je suis amené à le faire en public, ne me reproche aucun fait, et l’on aurait pu croire le contraire, à entendre les paroles par lesquelles l’honorable M. Delfosse a terminé ses observations.

J’ai dit qu’il faut maintenir intact un principe de justice, un principe d’intérêt public.

En ce qui concerne la question de justice, peut-on raisonnablement exiger qu’un travail aussi ardu, aussi immense, dirai-je, que celui qu’imposent différentes commissions, telles, entre autres, que la commission de liquidation, soit fait en dehors des devoirs imposés, soit aux membres des chambres, soit à des fonctionnaires publics, sans qu’aucune indemnité n’y soit attachée ?

Quant à l’intérêt public, j’ai déjà touché à point. Il est évident (il faut prendre les hommes comme ils sont), que si pour des travaux de cette nature, aucune indemnité n’est accordée, le gouvernement se verra privé du concours des hommes qui pourraient le seconder le plus utilement dans des travaux difficiles.

Ce n’est qu’aujourd’hui, messieurs, que la question est posée d’une manière aussi absolue. Il y a eu de faits sans nombre depuis 1830, au su et au vu de la chambre. Ainsi, pour ne rappeler qu’un exemple, on a nommé de la commission des indemnités des membres de la chambre, et même, si mes souvenirs sont exacts, car je ne puis en appeler au Moniteur, le gouvernement a fait connaître dans la discussion que son intention était d’appeler des membres de la chambre à faire partie de cette commission.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez parfaitement raison, et la déclaration en a été faite à la demande de M. Delfosse. Je rappellerai tout à l’heure les faits.

M. Malou. - C’est donc aujourd’hui qu’au mépris d’un principe de justice et d’intérêt public, on voudrait, nonobstant tous les antécédents, en poser un autre que je considère comme très dangereux.

L’honorable M. Delfosse a exprimé le regret que la déclaration que j’ai faite ne l’ait été qu’à la suite d’une discussion. Messieurs, je serai très franc sur ce point.

D’abord les antécédents que je viens de rappeler m’avaient toujours fait hésiter. J’ai hésité encore devant la crainte de paraître donner un exemple ; d’autres ont dit : de donner une leçon ; et je dois même ajouter que beaucoup de personnes ont considéré ma déclaration comme irréfléchie ; elles ont craint qu’en posant ce fait, je ne parusse abandonner ces principes que je viens défendre aujourd’hui.

Un autre motif, messieurs, m’a arrêté alors. J’étais non seulement membre de la chambre, j’étais aussi fonctionnaire public. Or, la discussion portait sur les deux points à la fois.

J’ajouterai un dernier mot, en ce qui me concerne.

Si j’avais pu croire que l’acceptation de ce mandat difficile dût être considéré de ma part comme une obligation contractée envers le gouvernement, j’aurais cru que la délicatesse me faisait un devoir de le décliner. Mais j’ai déjà eu l’honneur de le dire à la chambre lorsque je l’ai accepté, je n’y ai vu qu’un service à rendre au pays et, dans mon opinion, si quelqu’un avait pu paraître obligé, ce ne serait point celui qui aurait accepté cette charge difficile.

Je reviens un instant sur la question soulevée par l’honorable rapporteur en ce qui concerne les magistrats. Il ne faut pas exagérer la portée de la disposition constitutionnelle. La constitution a imposé au gouvernement l’obligation de présenter une loi pour prévenir les abus du cumul ; ces mots indiquent eux-mêmes bien clairement que le cumul de deux traitements, d’un traitement et d’une indemnité, ou de deux indemnités, n’est pas toujours, et dans toutes les circonstances, un abus que la constitution a voulu proscrire.

Quelle est l’interprétation que le gouvernement a donnée à cette disposition ? Je la trouve, messieurs, dans un projet présenté en 1838, par l’honorable M. d’Huart et sur lequel la chambre n’a pas encore statué. Dans ce projet, il n’était nullement question du cumul d’un traitement et d’une indemnité, il n’y était question que du cumul de deux traitements, ou d’un traitement et d’une pension. Ainsi donc, messieurs, et d’après les termes de la constitution, et d’après l’interprétation que le gouvernement y a donnée, il y a une distinction essentielle à faite entre les traitements, les pensions et les indemnités. Il y a sans doute la question de fait, de savoir si l’indemnité n’est pas un traitement d’équité ; mais cette question de fait, par cela même que c’est une question de fait, qui varie selon les circonstances, vous ne pouvez pas la résoudre d’une manière invariable et absolue. Les mots qui se trouvent dans l’art. 103 de la constitution et ceux qui se trouvent dans l’art. 36, ont absolument la même valeur, la même signification ; si l’on pouvait croire qu’il est interdit à un magistrat de toucher une indemnité temporaire représentative d’un travail extraordinaire, il faudrait conclure que dans tous les cas où un membre de la chambre recevrait une indemnité, quelle qu’elle fût, ce membre devrait être soumis à une réélection : l’interprétation de l’art. 103 dans un sens absolu entraînerait nécessairement l’interprétation dans le même sens de l’art. 36.

Or, messieurs, les précédents de la chambre démontrent que jamais elle n’a entendu l’art. 36 de la constitution dans le sens absolu que je viens d’indiquer.

Je distingue donc, et je me permets d’insister sur ce point, je distingue la question de principe de la question de fait en principe ; je dis qu’il est nécessaire que le gouvernement puisse, dans certaines circonstances, accorder une indemnité modérée, soit à des fonctionnaires pour un travail extraordinaire, soit à des membres de la chambre, lorsque leur concours est reconnu utile ; je dis que le gouvernement peut le faire sans que l’article 103 ou l’art. 36 de la constitution soit aucunement violé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai interrompu l’honorable préopinant, et je prends la parole pour confirmer les faits qu’il vous a cités. La discussion de la loi sur la réparation des pertes causées par les événements de la révolution, cette discussion a eu lieu, vous vous le rappelez, en comité général. Le dernier article de cette loi ouvre un crédit de 50,000 francs au ministère de l’intérieur pour les frais de la commission de liquidation. L’ouverture de ce crédit n’a pas été contestée en principe ; l’indemnité accordée aux membres de la commission n’a donné lieu à aucune observation ; seulement un membre de la chambre aurait voulu qu’on insérât dans la loi que l’indemnité ne pourrait, en aucun cas, excéder 5,000 francs, frais de voyage, de déplacement et vacations réunis. J’ai déclaré que cette insertion était inutile, qu’il n’entrait pas dans les intentions du gouvernement d’accorder une indemnité plus forte et que même une indemnité aussi forte ne serait accordée qu’au président et au commissaire du gouvernement. C’est en effet ce qui a eu lieu ; les autres membres de la commission ont une indemnité inférieure à cette somme de 5,000 francs. Voilà, messieurs, la seule observation à laquelle l’ouverture du crédit ait donné lieu. La nécessité d’une indemnité n’a point été contestée. Il y a plus, messieurs, j’ai eu aussi l’occasion de déclarer à plusieurs reprises que des membres de la chambre seraient nécessairement nommé membres de cette commission, que le huis-clos le nécessitait même, puisqu’il importait que les discussions fussent connues par un ou deux membres de la commission. Vous voyez donc, messieurs, qu’on a même été fixé sur ce deuxième point, la nomination de un ou de plusieurs membres de la chambre. En effet, messieurs, le commissaire du roi a été choisi dans la chambre en pleine session, et aucune réclamation ne s’est élevée à cet égard.

Un membre. - L’occasion ne s’en est pas présentée.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’occasion, vous pouviez la saisir ; la voie des interpellations est toujours ouverte. La loi est du 1er mai 1842 ; le commissaire du Roi a été nommé, si ma mémoire est bonne, au mois de juin suivant, en pleine session, la session n’a été close que le 24 septembre. Le commissaire du Roi a donc cumulé les deux indemnités, et personne n’a demandé qu’il fût soumis à une réélection. Le président, qui est un sénateur, et les autres membres de la commission, ont été nommés en janvier 1843, également en pleine session, et aucune observation n’a été faite ni dans l’une, ni dans l’autre chambre ; aucune observation n’a été faite, d’abord au sujet de la réélection, aucune observation n’a été faite au sujet de l’indemnité. Cependant, ce sont là des faits de notoriété publique. Comment se fait-il qu’on ait gardé le silence à cette époque et qu’aujourd’hui on élève des réclamations ?

Je crois, messieurs, que ces questions dépendent absolument des circonstances. Il faut demander si de véritables abus ont été commis. Selon moi, il n’y a pas eu d’abus, on ne peut citer un fait qui puisse établir un abus ; si le gouvernement dans l’une et l’autre circonstance a choisi des membres dans les deux chambres et dans la magistrature, c’est qu’il regardait ces choix comme plus propres à remplir la mission qu’il entendait confier à ces commissions, remarquez d’ailleurs que le gouvernement s’est bien gardé de composer exclusivement une commission de membres de la chambre ; il a eu soin d’y faire entrer aussi des membres étrangers aux chambres. Si le gouvernement avait affecté de ne prendre que des membres de la chambre, on aurait pu lui supposer certaines intentions, mais ici, s’il a choisi dans l’un et l’autre cas des membres des chambres, c’est parce qu’il considère ces choix comme offrant toutes les garanties de capacité. Je pourrais, messieurs, rappeler bien d’autres faits qui ont été posés non seulement depuis 1842, mais depuis 1830. Le principe, selon moi, n’est donc pas contestable ; évidemment le gouvernement peut choisir des membres de la chambre, sans qu’il y ait lieu à réélection, et les membres choisis peuvent cumuler les deux indemnités.

M. Fleussu. - Je me félicite, messieurs, de ce que cette discussion a été soulevée. Je crois qu’elle portera ses fruits, et je n’ai qu’un regret, c’est qu’elle ne se soit pas fait jour plus tôt.

Si l’on en croit M. le ministre de l’intérieur, il semblerait que ces nominations de membres de la chambre comme membres de certaines commissions n’auraient jusqu’à présent produit aucun abus. Cependant, messieurs, remarquez-le bien, une grande quantité des membres de la chambre ont fait partie de plusieurs commissions et ont reçu, de ce chef, des indemnités. Ces nominations, je les considère comme un abus, parce que je les crois contraires non seulement à l’esprit mais même à la lettre de la constitution. La constitution, messieurs, a voulu que les membre de la chambre fussent entièrement indépendants du pouvoir ; elle a voulu que, lorsqu’un membre de la chambre recevait une faveur du pouvoir, ce membre fût soumis à une réélection, c’est-à-dire qu’il fît un appel aux électeurs pour savoir s’il méritait, à leurs yeux, la continuation de leur confiance.

Maintenant, messieurs, si vous déguisez les mots et si vous laissez les choses, est-ce que le motif de la loi ne sera pas le même ? Pour échapper à la défense constitutionnelle, on a abusé même des termes de la loi ; elle ne se sert pas du mot traitement ; elle dit un emploi salarié ; elle n’exige pas que ce soit un emploi permanent ; il suffit que l’on soit employé par le gouvernement et que, de ce chef, on reçoive un traitement quelconque ; être employé par le gouvernement et recevoir, de ce chef, un salaire quelconque. Voilà les seules conditions voulues pour tomber dans la prohibition consacrée par la constitution. Eh bien, je le demande, est-ce parce que la commission doit expirer au bout d’un certain temps, au bout de 2 ou 3 ans, que la nomination ne sera plus une faveur de la part du pouvoir ? Quand je me sers du mot faveur, je le fais à dessein, car voyez sur quels bancs on a pris les membres de toutes ces commissions ; alors vous verrez si c’est ou non une faveur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Et le commissaire du Roi ?

M. Fleussu. - C’est la seule exception et encore il ne vous avait pas déclaré la guerre à cette époque, vous aurez peut-être considéré comme une ingratitude le discours qu’il a prononcé après que vous lui aviez donné cette marque de bienveillance.

Je dis donc, messieurs, que ce sont de véritables faveurs, et ces faveurs sont attentatoires à la dignité des membres de la représentation nationale. On en convient même en quelque sorte, les honorables MM. de Garcia et de Theux sont de mon avis, en ce qui concerne le temps de la session. Lorsque des membres du parlement font partie d’une commission et rendent des services pendant la session, ces membres ne devraient pas, dans l’opinion de MM. de Garcia et de Theux, avoir droit à une indemnité. Mais, messieurs, c’est là une distinction que ne fait pas la constitution ; la constitution ne parle pas des services que l’on peut rendre pendant la session et de ceux que l’on peut rendre en dehors de la session .Si vous êtes appelés en dehors de la session à faire partie d’une commission et que, de ce chef, vous touchiez un traitement, la défense constitutionnelle ne vous atteint pas moins ; la seule différence que je puisse entrevoir, c’est que si les services rendus en dehors de la session ont occasionné quelques dépenses, il est juste qu’elles soient remboursées ; mais les services en eux-mêmes ne doivent pas être rétribués, et si vous touchez en outre un traitement, soit comme fonctionnaire public, soit comme magistrat, est-il étonnant alors que l’on voie ces traitements se gonfler jusqu’à une somme parfois supérieure aux traitements des ministres ?

Or, je vous le demande, messieurs, l’opinion publique ne peut-elle pas considérer ces moyens comme des moyens corrupteurs ? et n’est-il pas de la dignité de la chambre de faire cesser un pareil état de choses ?

Messieurs, ne l’oublions pas, l’intérêt privé est le levier le plus puissant à l’aide duquel on peut agir sur les consciences des hommes. Eh bien, si vous employez ce levier d’une manière indirecte, si vous déguisez le traitement sous la dénomination d’indemnité, je vous demande si vous ne tombez pas dans les termes, et à coup sûr dans l’esprit de la disposition constitutionnelle.

L’honorable M. de Theux nous disait tout à l’heure : « Le gouvernement, dans l’intervalle des sessions, ne pourrait donc pas nommer membre d’une commission un magistrat qui serait en même temps membre de cette chambre et qui habiterait la province ; il faudrait donc renoncer à faire un appel aux lumières de ce magistrat. »

Oui, messieurs, il faudrait y renoncer, parce que la constitution nous en fait un devoir ; la constitution dit formellement qu’aucun juge ne peut accepter du gouvernement des fonctions salariées, à moins qu’il ne les exerce gratuitement. Cette disposition est bien claire. Lisez l’art. 103 de notre pacte fondamental, et voyez si le doute est possible.

On a objecté que dans ce système on ne pourrait pas appeler au jury d’examen, par exemple, des membres de la magistrature. Jusqu’à présent, vous l’avez pu, parce que c’est de vous et non du gouvernement que sont émanées de semblables nominations ; mais le gouvernement le pouvait-il ? c’est ce que je ne crois pas. Le magistrat, dans ce cas, ne pourrait avoir droit qu’aux frais de déplacement.

Une voix. - Il l’a fait.

M. Fleussu. - S’il l’a fait, il a tranché la question, car je ne puis que regretter pour ma part que cette question n’ait pas été soulevée plus tôt. Je ne puis pas m’empêcher de voir dans de semblables faits une violation de la constitution. Elle n’a pas défendu à l’homme qui est entré dans la magistrature de rendre au gouvernement des services extraordinaires en dehors de ses occupations de magistrat, mais elle a voulu que ces services extraordinaires fussent gratuits, et cependant nous avons vu plus d’un magistrat recevoir indirectement du gouvernement des sommes considérables à des titres différents. Je dis qu’agir de la sorte, c’est, pour les magistrats et pour les membres de la chambre, se mettre à côté de la prescription de la loi.

Messieurs, il est à regretter qu’une foule d’autres travaux essentiels ne nous aient pas permis de satisfaire à toutes les prescriptions de la constitution, L’art. 139 de notre pacte fondamental recommande, entre autres choses, à la législature, de prendre des mesures propres à prévenir les abus du cumul. Jusqu’ici nous n’avons rien fait à cet égard.

Que ce soit un traitement ou une indemnité, peu importe : un point auquel nous devons veiller, c’est que l’argent du trésor ne vienne pas, à divers titres, se confondre dans les mêmes mains. Il est temps une bonne fois qu’on mette fin des abus véritables. La première fois qu’un membre de la chambre sera nommé membre d’une commission quelconque, avec jouissance d’une indemnité qui équivaudrait à un traitement ou (Erratum Moniteur belge n°67, du 7 mars 1844 :) à la rémunération d’un travail, car le salaire est évidemment le prix du travail, je soulèverai la question de savoir s’il ne doit pas être soumis à réélection.

M. Osy. - Messieurs, l’honorable ministre de l’intérieur nous demande pourquoi nous avons gardé le silence jusque aujourd’hui, et pourquoi nous soulevons actuellement la question. Je répondrai à l’honorable ministre que lorsque la commission de liquidation a été nommée, le Moniteur s’est borné à faire connaître les noms, sans indiquer qu’un traitement ou une indemnité fût attachée à ces fonctions. Ce n’était donc pas alors que nous devions parler de cet objet. Aujourd’hui, pour la première fois, on nous demande un crédit pour liquider l’indemnité allouée aux membres de la commission. J’ai donc cru pouvoir, en cette occasion, soulever la question, et je pense avoir bien fait en la soulevant ; car il est à espérer qu’après la discussion qui vient d’avoir lieu, si la question ne doit pas être résolue aujourd’hui par un chiffre, les abus dont nous nous plaignons ne se reproduiront plus à l’avenir.

L’honorable M. Malou a dit que cela s’est toujours fait précédemment.

Il n’en est rien, messieurs. Au commencement de la révolution lorsque le congrès nommait des commissions ou des personnes pour remplir des missions à l’étranger, jamais aucune de ces personnes n’a songé à réclamer une indemnité. En 1831, lorsque j’ai été chargé d’aller à Londres et à Paris pour conclure un emprunt avec la maison Rothschild, j’ai remis au gouvernement, à mon retour, l’état de mes déboursés de voyage et je n’ai pas demandé d’indemnité. Au mois de juin 1831, j’ai fait partie de la commission de 12 membres, qui est allée offrir la couronne à S. M. Nous sommes restés plus de 30 jours à Londres, et lorsque nous sommes rentrés en Belgique, M. Coghen, qui était ministre des finances à cette époque, nous a fait rembourser ce que nous avions dépensé, mais nous n’avons pas demandé d’indemnité. Nous sommes bien loin de ces temps-là ! Aujourd’hui, non seulement on exige le remboursement des frais, mais on demande des indemnités de 40 et même de 60 francs.

M. de Theux. - Messieurs, malgré ce que viennent de dire les honorables préopinants, il m’est impossible de partager leur opinion. Je ferai cette remarque ; c’est qu’il paraît étrange que c’est aujourd’hui qu’on prétend donner pour la première fois une signification plus étendue à l’article de la constitution qu’on a invoqué. Alors que nous étions plus rapprochés de l’époque à laquelle a été faite la constitution, on était censé la mieux connaître, la mieux comprendre, parce que dans les deux chambres, il y avait encore un très grand nombre de membres du congrès. Eh bien, jamais, à cette époque, une semblable discussion n’a été soulevée.

Messieurs, il y a une distinction importante à faire : il faut se mettre d’accord sur la signification des mots emploi salarié. Lorsque la constitution se sert de ces mots, elle n’entend parler que d’emplois déterminés par les règlements d’administration générale ; mais jamais on a n’a considéré comme un emploi salarié une mission purement temporaire.

Mais, messieurs, si les opinions qu’on vient d’émettre, étaient fondées, ce serait l’accusation la plus grave, non seulement contre un grand nombre de membres des chambres qui ont fait partie de certaines commissions, moyennant indemnité, mais encore contre les deux chambres elles-mêmes qui n’auraient pas provoqué à la réélection de ceux de leurs membres qui avaient touche une semblable indemnité.

Eh bien, je dis qu’une doctrine de ce genre ne pourrait être admise aujourd’hui, à moins qu’elle ne fût appuyée sur des raisons tout à fait solides qui eussent été inconnues au parlement à cette époque. Mais, loin de là : voyez, messieurs, ou en fait, conduirait le système de nos honorables contradicteurs.

Les membres de cette chambre qui ont bien voulu se charger d’une mission à Londres, pendant la négociation relative à la dette, n’auraient donc pas dû recevoir d’indemnité pour cette mission ? Et ici je dois encore confirmer la distinction que j’avais établie ; si ces membres touchaient une indemnité, à raison de la mission qu’ils remplissaient à Londres, ils ne touchaient aucune indemnité, en qualité de membre de la commission des finances, instituée pour examiner toutes les questions financières relatives au traité. Mais lorsque le gouvernement a fait un appel au dévouement de ces personnes et lorsqu’elles ont bien voulu accepter la mission d’aller à Londres, elles ont dû nécessairement toucher une indemnité.

Il en est de même de la commission de liquidation d’Utrecht.

Vous voyez, messieurs, que cette question, qui, du reste, m’est personnellement indifférente, met en cause la plupart des membres les plus distingués de cette chambre. S’il y avait eu une atteinte portée à la convention, la chambre eût-elle gardé le silence ?

L’honorable M. Fleussu dit : A la première occasion, je soulèverai la question de réélections ; je répondrai à l’honorable membre que, s’il est persuadé que la constitution serait violée par l’allocation d’une indemnité dans l’avenir, elle l’est dès maintenant, c’est dès aujourd’hui qu’il doit provoquer la réélection des membres de la chambre qui ont accepté une indemnité ; je dirai même que ces membres auraient beau y renoncer maintenant, la déchéance serait encourue, par le fait seul qu’une indemnité quelconque aurait été touchée.

On a parlé de cumul. Mais la constitution n’a eu en vue que le cumul de deux traitements pour deux emplois différents. L’on sait qu’en Belgique, sous le gouvernement des Pays-Bas, comme encore d’autres pays, il a existe un abus à cet égard ; que les mêmes personnes remplissant des fonctions différentes, pouvaient de ces divers chefs cumuler plusieurs traitements. Mais dans le cas dont nous nous occupons, la constitution n’a pas été violée, la constitution ne s’est occupée, en aucune manière, des indemnités qu’on peut accorder pour des travaux extraordinaire temporaires.

Un honorable député dit que le gouvernement appelle de préférence dans les commissions les membres de la majorité de la chambre. Mais les souvenirs de l’honorable membre ne sont pas entièrement exacts ; il y a des membres de la minorité qui, à diverses reprises, ont été appelés à faire partie de commissions, ou à remplir des missions temporaires. Mais il est bien naturel que le gouvernement ne fasse pas un appel à des membres qui ne veulent en aucune manière lui prêter le concours de leurs lumières ; ce serait là, de la part du gouvernement une démarche qui, peut-être, pourrait être considérée comme blessante à l’égard de certains membres. Mais ici, il n’y a pas d’exclusion et les faits sont là pour prouver que beaucoup de membres de la minorité ont été appelés à remplir des missions et ont répondu à l’appel du gouvernement.

Je n’entends parler que des membres qui seraient bien déterminés à refuser en toute circonstance leur concours au gouvernement.

Je n’ai aucun motif personnel pour soutenir la doctrine que je défends, si ce n’est celui de l’intérêt bien entendu du pays. Plus mes souvenirs se reportent sur les faits qui se sont passés depuis un certain nombre d’années, plus je suis convaincu du préjudice qui serait résulté et pourrait résulter pour le pays, si l’opinion contraire avait été admise.

Le projet de créer un conseil d’Etat formulé par le sénat a rencontré beaucoup d’opposition dans cette enceinte. Eh bien, cette création deviendrait d’une nécessité absolue si le système que nous combattons venait à triompher, et même malgré l’existence d’un Conseil d’Etat, le gouvernement, dans l’intérêt du pays, serait souvent dans la nécessite de faire appel aux lumières des membres des chambres ou de la magistrature

On ne s’est pas écarté de la constitution, ses dispositions sont précises ; observons-les, mais n’y ajoutons pas plus que nous ne pouvons en retrancher.

M. de Garcia. - Toute la question qui nous occupe se résume en un seul point, c’est de savoir ce qui constitue une indemnité et ce qui constitue un traitement. Il ne faut pas qu’on puisse jouer avec ces mots, il ne faut pas qu’on puisse donner le non d’indemnité à un traitement et le nom le traitement à une indemnité. Dans ce dernier cas, cela ne donnerait pas lieu à grand danger, mais il y aurait un grave inconvénient ce qu’on pût qualifier d’indemnités ce qui ne forme que des traitements. J’ai expliqué la différence qu’il y avait, selon moi, entre un traitement et une indemnité. L’indemnité suppose un déplacement temporaire ; mais quand vous faites résulter l’indemnité de fonctions régulières, sans déplacement, vous faites abus du mot ; alors c’est un véritable traitement.

Je conçois que l’indemnité soit donnée à un membre de la chambre ou de la magistrature qui reçoit une mission et se déplace, mais je ne conçois pas que le magistrat ou le membre de la chambre qui ne se déplace pas reçoive une indemnité, et comme membre de la chambre et comme commissaire. La question est là. L’honorable M. de Theux dit qu’il y aurait un grave préjudice pour le pays à adopter cette doctrine. Pour moi je n’en vois aucun. En adoptant le principe, tel que je l’ai indiqué, rien ne s’oppose à ce que l’on envoie à Paris, à Londres ou partout ailleurs un membre de la chambre ou de la magistrature en lui donnant une indemnité. Tout ce que j’exige, c’est qu’il faut qu’il y ait déplacement pour pouvoir lui donner ce nom, alors je ne vois aucune violation de la constitution, mais j’en verrais une si on donnait, sous le nom d’indemnité, les salaires qui, au fond, ne sont que de véritables traitements. Si l’on confond ces choses, il n’y a pas de raison pour ne pas transformer tous les traitements en indemnités.

L’honorable M. Fleussu a combattu ma manière de voir, en disant que, pendant la session et en dehors de la session, on ne pouvait, à aucun titre, accorder d’indemnité à un magistrat ou un membre de la chambre. L’honorable membre, ici, me semble sortir de la saine interprétation de la constitution. Dès qu’il y a déplacement de la part d’un membre de la législature ou d’un membre de la magistrature pour faire un travail ou pour remplir une mission temporaire, il peut y avoir lieu à indemnité. A mes yeux il est donc de la dernière évidence que le salaire accordé ne peut être envisagé comme un traitement, mais bien comme le salaire que reçoivent les membres de la législature étrangers à la capitale, en un mot comme une indemnité.

L’honorable M. Malou a dit qu’il aurait traité une question de principe et qu’à côte de la question de principe, il y avait une question de fait.

Quant à la question de principe, nous sommes d’accord, mais quant à la question de fait, je ne puis partager l’opinion de mon honorable collègue : il prétend que ce n’est pas à la chambre à décider la question de fait. Ce serait donc au gouvernement seul qu’il appartiendrait de dire si ce salaire accordé constitue un traitement ou une indemnité ? Admettre cette doctrine serait mettre aux mains du gouvernement la faculté de renverser nos principes constitutionnels les plus précieux. Ce serait abandonner notre principale mission, la garde de la constitution. Suffira-t-il que le gouvernement qualifie nos traitements du nom d’indemnité, pour que le membre de la législature qui la reçoit ne soit pas soumis à la réélection ?

Si vous sacrifiez au gouvernement seul ce soin, il est évident que vous vous soumettez au régime du bon plaisir.

M. Delfosse. - Je dois une courte réponse aux honorables MM. le ministre de l’intérieur, Malou et de Theux ; M. le ministre de l’intérieur a invoqué ce qui s’est passé dans la discussion de la loi des indemnités. Il a dit que c’était par suite d’une proposition que j’avais faite que la discussion à laquelle il a fait allusion avait eu lieu. Il y a quelque chose de vrai dans l’énonciation de M. le ministre de l’intérieur. Il demandait une somme assez forte pour les indemnités à payer aux membres qui devaient faire partie de la commission de liquidation. J’ai demandé la parole dans cette circonstance, parce que je trouvais que la somme était trop forte. Je me suis récrié contre l’élévation du chiffre, j’ai demandé qu’il fût réduit, j’ai demandé la parole, comme cela m’arrive souvent pour motiver une économie, pour proposer de réduire une dépense que M. le ministre voulait faire. Mais quand j’ai demandé que le chiffre fût réduit, je ne pouvais pas savoir que des membres de la chambre feraient partie de la commission de liquidation et viendraient prendre une part dans l’allocation demandée que je consentais à voter, mais à condition qu’elle serait considérablement réduite. On me dit : Mais lorsque des membres de la chambre ont été nommés, vous n’avez pas réclamé, vous n’avez pas soulevé la discussion qu’on soulève aujourd’hui. Nous avons vu par le Moniteur que plusieurs de nos collègues étaient nommés membres de la commission de liquidation, mais nous ne savions pas s’ils recevaient une indemnité. Nous savions qu’une indemnité globale avait été allouée pour tous les membres de la commission, mais nous ignorions que ceux de nos collègues qui étaient appelés à en faire partie consentiraient à recevoir une indemnité.

L’honorable M. de Theux a dit que des faits semblables se sont passés à diverses époques, qu’il est arrivé bien des fois que des membres de la chambre fissent partie de commissions, et touchassent, de ce chef, des indemnités, et il a demandé pourquoi nous n’avons pas réclamé alors. La mémoire de l’honorable membre n’est pas fidèle. Il y a plus de quatre ans que je me suis plaint de l’abus qu’on faisait de ces nominations de membres de commissions. Je l’ai signalé dans une discussion à peu près semblable à celle-ci. Vous voyez que l’honorable membre a eu tort d’argumenter de notre silence, il n’y a pas eu tolérance de notre part.

Je dois aussi un mot de réponse à l’honorable M. Malou. Je suis fâché de devoir revenir sur les faits qui le concernent ; mais l’honorable membre ayant répondu à ce que j ai dit par une espèce de dénégation, je dois prouver que ce n’est pas à la légère que j’ai avancé les faits dont j’ai parlé. L’honorable membre, je l’en ai loué, a donné un exemple de désintéressement, il a renoncé à l’indemnité assez forte que le gouvernement se proposait de lui allouer. L’honorable M. Rogier me fait observer que l’honorable M. Malou a donne un autre exemple de désintéressement. Je ne sais pas quels sont les motifs qui l’ont dirigé, je ne suis pas appeler à juger les motifs qui ont fait agir cet honorable membre, je ne connais pas assez sa position pour apprécier le fait dans ce moment, je m’abstiens, je ne porte pas de jugement, je me borne à dire qu’il a donné un exempte de désintéressement et qu’il a bien fait de renoncer à l’indemnité que le gouvernement se proposait de lui allouer, mais je renouvelle le regret que cet exemple de désintéressement n’ait été donné qu’après la discussion. J’ai exprimé un autre regret, c’est que l’honorable membre ait touché dans d’autres circonstances des indemnités. Il a paru dénier le fait. Cependant, je ne l’ai pas avancé légèrement, car j’en avais la preuve, et cette preuve je l’ai puisée dans les écritures de la cour des comptes.

M. Malou. - Messieurs, je ne m’attendais ni aux félicitations, ni aux reproches de l’honorable préopinant. Je n’accepte ni les unes, ni les autres. Je crois n’avoir fait que mon devoir ; dans toutes les circonstances où je me suis trouvé, je me suis toujours attaché à le remplir, sans reconnaître d’autre juge en matière de désintéressement que moi-même. J’ai expliqué tantôt les motifs de délicatesse qui m’avaient empêché de faire aucune déclaration avant la première discussion qui a eu lieu à ce sujet ; je n’y reviendrai pas, chacun de vous les appréciera ; je me soumets, à cet égard, au jugement de mes collègues, aussi bien qu’à celui de mes commettants.

J’ai dénié le fait d’avoir fait partie d’aucune commission au travail de laquelle fût attachée une indemnité ; je maintiens cette dénégation.

J’ai eu l’honneur, messieurs, de faire partie de beaucoup de commissions gratuites ; je me suis toujours attaché à m’y rendre aussi utile que possible. J’ai été délégué, comme fonctionnaire au ministère de la justice, auprès de la commission centrale de statistique. Je pense que c’est à ce fait que l’honorable M. Delfosse a fait allusion. Eh bien ! je regrette de n’avoir pas dit ce qui s’était passé pour la commission centrale de statistique.

Cette commission, si mes souvenirs sont fidèles, a été instituée en 1841. On a décidé que chaque membre recevrait un jeton de présence de 6 fr. par séance. Cette peccadille, si c’en est une, ne m’était pas revenue tantôt à l’esprit. Elle est tellement légère que, pour un semestre, je crois, le produit de la susdite indemnité a été de 48 fr. Je déclare que si ce fait m’était revenu en mémoire tout à l’heure, je l’aurais fait connaître ; c’est par suite de l’insistance de l’honorable membre que je me le suis rappelé.

Messieurs, je l’ai déjà dit, je crois n’avoir à rougir de rien dans mon passé. (Non ! non !) Et je m’attacherai par tous mes actes à ce qu’il en soit de même à l’avenir.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis coupable d’un fait du même genre que celui qui est reproché à l’honorable M. Malou ; lorsque je vais à l’Académie de Bruxelles, je reçois également un jeton qui vaut 6 fr. (On rit.)

Ce n’est pas la première fois, dit l’honorable M. Delfosse, que cette discussion est soulevée dans cette chambre. Ce n’est pas non plus pour la première fois que je soutiens l’opinion que j’ai défendue tout à l’heure et que je continuerai à soutenir, quelle que puisse être ma position dans cette chambre.

J’ai dit, et je répète qu’il ne s’agit pas ici d’une question de principe. Selon moi ce n’est pas sérieusement que l’on peut soulever, en cette circonstance, une question de principe. Il pourrait se présenter des faits graves, de nature à forcer la chambre à examiner des nominations, qui auraient été faites par le gouvernement, de membres de cette chambre comme membres de commissions. Mais il faudrait que l’on pût signaler ces faits graves, exceptionnels, et c’est ce qu’on n’a pas fait et ce qu’on ne pourra pas faire. Si, par exemple, le gouvernement affectait de composer les commissions exclusivement de membres pris dans les deux chambres, ou bien si le gouvernement affectait de nommer le même membre de la chambre dans plusieurs commissions et d’accumuler ainsi sur sa tête un grand nombre d’indemnités.

Un membre. - C’est ce qu’il a fait.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Est-ce qu’on a nommé le même membre dans plusieurs commissions ?

M. Fleussu. - Oui.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - C’est inexact. Il y a tel membre qui touchait une indemnité comme membre de cette chambre et qui était chargé d’une mission à l’étranger ou dans le pays, mais il n’était pas nommé par le gouvernement membre de plusieurs commissions.

Du reste, messieurs, si des faits graves existent, on aurait dû saisir la chambre de la question, mais de la question spéciale, sans soulever une question de principe, qui, selon moi, n’est pas soutenable.

J’exprimerai, messieurs, de nouveau mon étonnement de ce qu’on a gardé, sur la question de principe, le silence le plus absolu, lorsqu’il s’est agi de la loi sur les indemnités. Et cependant, messieurs, comme il y avait huis-clos, on pouvait même discuter avec une plus entière liberté sur ces sortes de questions fort délicates. Peut-être a-t-on gardé le silence précisément parce qu’il y avait huis-clos. (On rit.)

Dans cette circonstance, messieurs, on n’a pas mis en doute le principe qu’il y aurait une indemnité allouée aux membres de la commission de liquidation. On n’a pas mis en doute non plus, et j’ai eu soit de détromper tout le monde sur ce point, que des membres de la chambre seraient nommés pour en faire partie.

Une seule observation a été faite par l’honorable M. Delfosse, et il a très bien fait de nous la soumettre, c’est que l’indemnité ne devait pas être exagérée. Je l’ai rassuré et j’ai tenu l’engagement que j’avais pris alors.

Je dis, messieurs, que ce serait une chose très grave que de poser en principe que le gouvernement ne pût pas nommer des commissions en y plaçant des membres, soit de la magistrature, soit de la chambre. Je dis que poser ce principe, ce serait compromettre très souvent le service public, et mettre le gouvernement dans l’impossibilité de recourir à ceux qui ne sont pas les seuls capables sans doute de remplir ces sortes de missions, mais qui, très souvent, mêlés à d’autres, sont très capables de les remplir. Je n’ai pas voulu donner, ni à la magistrature, ni à la chambre dont je fais partie, un brevet de capacité sur tous les autres citoyens belges ; mais j’ai dit que très souvent le gouvernement fait bien et très bien de mettre dans ces commissions des hommes qui font partie, soit de la magistrature, soit de la chambre, parce qu’il trouve parmi eux des hommes capables, les hommes qui sont le plus à même, non seulement de résoudre les questions qu’il leur soumet, mais encore de leur donner la sanction, l’autorité morale qu’elles doivent avoir. C’est, entre autres, ce que le gouvernement a eu en vue en mettant, dans la commission de liquidation, des magistrats, des hommes habitués à traiter des questions de ce genre et dont les décisions sont de nature à emporter cette autorité morale qu’elles doivent avoir aux yeux du pays.

Je ne puis assez insister à cet égard. Il y a ici un point de vue gouvernemental, en ce sens que ce serait nuire à un intérêt public que de dire au gouvernement : Vous ne choisirez pas, pour composer des commissions, des membres de la chambre ou de la magistrature sans mettre les premiers dans l’obligation de se soumettre à la réélection, et les seconds dans l’obligation de refuser toute indemnité.

M. Verhaegen. - Messieurs, nous offrons, dans ce moment, au pays, un bien triste spectacle. Des questions d’intérêt personnel, de loyauté et de délicatesse viennent de surgir au sein de la représentation nationale ; dès lors je crois de mon devoir de prendre part à la discussion.

Messieurs, on a voulu écarter la question de principes par une fin de non-recevoir ; on a invoqué l’autorité des précédents, le long silence que la législature a gardé sur ce que tout le monde appelle aujourd’hui un abus. Mais ce moyen n’est pas sérieux ; contre des violations de la constitution il ne peut pas y avoir de prescription. L’autorité des précédents peut être utile à un ministère pour demander un bill d’indemnité ; jamais elle ne peut être invoquée pour justifier une violation flagrante du pacte fondamental ; on ne justifie pas un abus par un abus.

Quel revirement s’est donc opéré depuis la séance d’hier ? Hier, je faisais des observations à peu près analogues à celles que viennent de vous présenter mes honorables amis, et ces observations semblaient appuyées sur tous les bancs de cette chambre ; aujourd’hui c’est tout autre chose. Mais, je suis obligé de le dire, il me semble que l’on est bien plus rigoureux pour les autres qu’on ne l’est pour soi-même, Nous nous occupions, dans la dernière séance, des fonctionnaires publics en général ; nous nous occupons en ce moment de certains membres qui siègent parmi nous. Pourquoi donc les principes d’hier ne seraient plus les principes d’aujourd’hui ?

Il faut en finir avec toutes ces indemnités qui, en définitive, ne sont que des traitements déguisés. Il faut que les abus que nous avons signalés cessent pour les membres de la représentation nationale comme pour les fonctionnaires. Il faut de la justice pour tout le monde ; il faut être sévère et scrupuleux pour soi, lorsqu’on veut être scrupuleux et sévère pour d’autres.

Le texte et l’esprit de la constitution se réunissent pour démontrer qu’un membre de la représentation nationale ne peut accepter du gouvernement aucune indemnité pour un travail quelconque sans se soumettre à réélection. L’art. 36, qu’on ne s’y trompe point, ne parle pas de fonctions ; il se sert d’un terme générique, du mot emploi. « Le membre de l’une ou de l’autre chambre, dit l’art. 36 de la constitution, nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu’il accepte, cesse immédiatement de siéger et ne reprend ses fonctions qu’en vertu d’une nouvelle élection. »

Messieurs, n’équivoquons pas : quiconque se charge d’une besogne, qu’elle soit momentanée ou permanente, accepte un emploi, et lorsqu’à celui qui accepte un emploi on donne un traitement ou une indemnité, ce qui est la même chose, on en fait un employé salarié. Ce serait faire violence aux termes que de soutenir le contraire.

Et maintenant, puisque nous sommes obligés de dire toute notre pensée, le membre de la représentation nationale qui accepte un emploi quelconque du gouvernement, pour lequel le gouvernement le paye, est-il moins un employé salarié que ne le serait un individu ordinaire n’appartenant ni à l’une ni à l’autre des deux chambres ?

Si la constitution se servait du mot fonctions, alors seulement nous aurions à examiner si les fonctions temporaires ne doivent pas être mises sur la même ligne que les fonctions permanentes ; mais cette question ne se présente pas même ici ; car, comme on vous l’a dit, la constitution se sert du mot emploi, et même une fois, celui qui consent à employer tout ou partie de son temps moyennant une rétribution pécuniaire, est un employé salarié.

Je n’ai pas à répondre, messieurs, aux exemples qui vous ont été cités par les honorables MM. Nothomb et Malou ; ils vous l’ont dit eux-mêmes, ce ne sont là que des peccadilles. Certes, l’académie n’a rien à faire dans cette discussion, seulement elle a fourni à l’honorable M. Nothomb l’occasion de nous dire qu’il en fait partie.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Vous le saviez.

M. Verhaegen. - Ces exemples cités ne peuvent rien faire à la question.

Messieurs, il est des membres de cette assemblée, je n’ai pas besoin de les nommer, qui ont eu des missions en même temps qu’ils faisaient partie de deux commissions et qui touchaient de ce chef des indemnités considérables !

Ces abus doivent-ils continuer à l’édification du pays et de nos voisins ? Est-il permis à ceux qui prennent part à la curée de justifier le présent par le passé ?

Messieurs, on a parlé de la discussion de la loi des indemnités, discussion qui a eu lieu à huis clos. Mais si ma mémoire m’est fidèle, je me suis opposé aux articles concernant la composition de la commission et surtout à l’allocation d’un traitement sous quelque dénomination qu’on voulût le déguiser ; si la majorité n’a pas accueilli mes observations, ce n’est pas ma faute et surtout ce n’est pas une raison pour prétendre que je ne défendais pas la bonne cause comme je la défends encore aujourd’hui.

L’honorable M. de Theux nous a révélé, il n’y a qu’un instant, un fait de la plus haute importance, et dont je m’empresse de prendre acte : un de mes amis ayant fait remarquer que le ministère choisissait toujours les membres des commissions dans la majorité, et distribuait ainsi ses faveurs à quelques privilégiés, M. de Theux lui a répondu que c’était tout simple ; qu’il y aurait absurdité de s’adresser à une minorité qui n’accepterait aucuns faveur d’un ministère qu’elle combat.

M. de Theux. - Je n’ai pas énoncé ce principe d’une manière aussi large. Je demande la parole pour un fait personnel.

M. Verhaegen. - Soit, mais ce que je viens de dire résulte des termes dont vous vous êtes servi.

L’aveu, permettez-moi de le dire, est précieux ; il prouve que les nominations auxquelles j’ai fait allusion sont des nominations politiques.

« Le ministère, dit-on, ne choisit pas dans la minorité, parce que la minorité n’accepterait pas d’un ministère qu’elle combat… » C’est là du puritanisme que, pour mon compte, je voudrais voir traduire en axiome ; mais malheureusement, dans le siècle où nous vivons, la corruption est toujours active, les hommes se laissent quelquefois entraîner par l’appât de l’or, ou des honneurs ; combien de défection les minorités n’ont-elles pas eu à déplorer depuis quelques années ? Pourquoi laisser au gouvernement les moyens de fausser la représentation nationale alors que l’art. 36 de la constitution les a proscrits.

M. de Theux. - Et c’est ce qui n’est pas arrivé.

M. Verhaegen. - L’honorable M. de Theux regrette, je le conçois, d’avoir dit ce qui est vrai, et aura beau expliquer son idée, elle est trop explicite pour qu’il puisse y donner une autre signification, toute la chambre l’a comprise comme moi.

Messieurs, on vous a parlé de deux commissions : celle instituée pour la liquidation de la dette, celle pour les indemnités.

La commission pour les indemnités est chargée d’examiner les droits des personnes qui ont été victimes des désastres de la révolution, mais qui, d’après la loi, doivent souffrir une réduction au marc le franc de leurs créances ; et des membres de la représentation nationale qui ont pu sonder la profondeur de plaies encore saignantes viendraient toucher des indemnités pour répartir des indemnités au malheur ! Il faut l’avouer, ce n’est pas édifiant.

Et, encore une fois, quelques efforts qu’on fasse pour déguiser la chose, ces indemnités allouées aux membres des deux chambres ne sont, en définitive, qu’un véritable traitement, car hier, tout le monde était d’accord avec moi que les mots traitements, suppléments, indemnités, tantièmes avaient tous la même signification. Pourquoi aujourd’hui auraient-ils une signification différente ? Serait-ce parce qu’il s’agit des intérêts de quelques membres de cette assemblée ?

Et puis le ministère s’est tiré de certains embarras au moyen des nominations dont il s’agit, et auxquelles sont attachées de larges indemnités. Des hommes auxquels il avait promis des places, que par suite de certaine influence, connue trop tard, il n’a pas osé conférer, ont été nommés membres de certaines commissions ; d’autres auxquels il n’a pas osé restituer des positions enlevées naguère par des rancunes de parti, sont encore venus grossir le nombre des commissaires à indemnités. Le ministère Lebeau qu’on a tant attaqué pour certaine nomination, a au moins été plus franc, il a osé faire ouvertement ce que le ministère actuel a voulu cacher timidement sous diverses formes. Si on me répondait par des dénégations, je serais forcé de citer des noms propres.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble que tout est ici questions de personnes.

M. Verhaegen. - Je n’ai nommé personne, jusqu’à présent, mais s’il le faut, je ne reculerai pas.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’admire cette réserve

M. Verhaegen. - Messieurs, on vous a dit sur nos bancs que les nominations dont dispose le ministère en faveur des membres de la législature ne sont, au fond, que des moyens corrupteurs. Les explications données par plusieurs préopinants et notamment par l’honorable M. de Theux, le prouvent à la dernière évidence.

Je terminerai par un mot qui concerne l’honorable M. Malou, mais qui est tout à sa louange. L’honorable député d’Ypres a fait acte de désintéressement. Il importe que nos annales le constatent, mais j’augure encore assez bien de l’arrondissement électoral de Bruxelles pour croire que si l’on a trouvé du désintéressement dans l’arrondissement d’Ypres, on en trouvera aussi dans celui auquel j’ai l’honneur d’appartenir. Puisse l’honorable membre, qui préside certaine commission, suivre l’exemple de celui qui siège à ses côtés comme simple membre !

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai interrompu l’honorable préopinant pour lui dire que j’admirais sa réserve ; et en effet il vous a dit qu’il ne s’occupait pas de noms propres, c’est-à-dire qu’il ne prononçait pas de noms propres. Mais tout, dans ces débats, est discussion de personnes.

On dit que nous donnons un étrange spectacle à la nation. Mais qui a pris l’initiative de cette discussion ? Quels sont les faits graves qu’on a pu citer ?

Est-ce une question de principe que l’on veut discuter ? Mais qu’on pose la question de principe. Si vous vouliez poser une question de principe, vous deviez proposer que les membres de la chambre qui ont fait partie de commissions fussent sujets à réélection. Alors vous posiez nettement la question de principe ; hors de là il n’y a qu’une question de personnes.

J’ai dit que c’était, au point de vue gouvernemental, une chose très grave que de venir poser en principe que le gouvernement ne pourra plus désormais réclamer dans la composition de commissions le concours de magistrats ou de députés. Il y a aussi une chose très grave au point de vue parlementaire : c’est précisément de soulever sans nécessité des questions de ce genre.

L’exercice des pouvoirs qui nous sont confiés, ne sont possibles qu’avec le respect l’un pour l’autre, et je crois que l’on est arrivé à perdre ce respect que nous devons avoir l’un pour l’autre.

M. de Theux. - Messieurs, je suis plus généreux envers la minorité que l’honorable M. Verhaegen. J’ai dit que jusqu’à présent il n’était pas à ma connaissance que la collation d’une mission temporaire eût exercé aucune espèce d’influence sur la conduite politique d’un membre de cette chambre, et cependant j’ai eu soin d’ajouter, dans le second discours que j’ai prononcé, que plusieurs membres de la minorité avaient rempli de semblables missions, avaient fait partie de semblables commissions. Ainsi, messieurs, je suis d’accord, en fait, que si l’on abusait de ce moyen pour fausser en quelque sorte la représentation nationale, pour gagner des membres de l’opposition, alors il y aurait abus, mais je dis que les nominations faites jusqu’à présent n’ont eu qu’un seul caractère, celui de l’utilité publique, celui de l’utilité du pays. Il est impossible d’y voir, ni de la part du gouvernement, ni de la part des honorables membres qui ont bien voulu lui prêter leur concours, rien qui ressemble à une intention d’amener une abdication de principes ou de consentir à une semblable abdication.

L’honorable M. Verhaegen a mal compris ce que j’ai eu l’honneur de dire tantôt, car le sténographe vient précisément de m’envoyer la dernière partie de mon discours et voici comment je terminais : « Je n’entends parler que des membres qui seraient bien déterminés à refuser en toute circonstance leur concours au gouvernement. » J’ai dit que, sauf cette exception, plusieurs membres de la minorité ont dans diverses circonstances prêté leur concours au gouvernement et le gouvernement a bien fait de faire appel à leurs lumières et à leur patriotisme. Ainsi, messieurs, je n’ai pas à rétracter un seul mot de ce que j’ai avancé.

Un deuxième point, messieurs, du fait personnel, c’est que l’honorable préopinant a pensé que nous soutenions aujourd’hui une opinion différente de celle que nous avons soutenue hier en ce qui concerne les indemnités. « Vous vouliez bien, dit-il, des indemnités pour des membres de la chambre, mais vous n’en voulez pas pour des fonctionnaires en dehors de la chambre. » C’est là, messieurs, une grande erreur : de quoi s’agissait-il hier ? Il s’agissait uniquement de supplément de traitements et d’indemnités accordées à des fonctionnaires à raison d’un travail plus considérable dans les fonctions qui leur sont conférées. Voilà ce dont il s’agit, soit ; mais il n’était nullement question, par exemple, d’employés du chemin de fer chargés d’une mission ou faisant partie d’une commission tout à fait étrangère à leurs attributions, dans le sens de la discussion soulevée hier ; je crois qu’il y a lieu d’examiner la question de savoir si l’on ne pourrait point, par la loi de comptabilité, déterminer dans quelles circonstances des suppléments de traitements ou des indemnités peuvent être alloués à des employés uniquement à cause du fait d’un travail extraordinaire rentrant dans les attributions pour lesquelles ces employés sont rétribués par l’Etat. Voilà, messieurs, dans quelles limites j’ai exprimé hier mon opinion et je n’ai rien à en retrancher.

Je ne rentrerai pas, messieurs, dans la discussion de la question même dont nous nous occupons en ce moment, puisque je n’ai la parole que pour un fait personnel.

M. Devaux. - Messieurs, j’ai regretté que des questions de personne se soient mêlées à cette discussion. Je regretterais surtout qu’elle parût avoir quelque chose de personnel pour un de nos honorables collègues qui, par un acte récent, a suffisamment prouvé qu’elle ne pouvait l’atteindre. Cet honorable membre a donné un exemple de dignité politique auquel j’aime à rendre hommage ici, on est heureux de rencontrer des actions pareilles, même dans les rangs de ceux dont on ne partage pas toutes les opinions.

Certainement, messieurs, il y aurait des inconvénients à interdire au gouvernement la faculté d’utiliser les travaux spéciaux des membres de la chambre, dans des cas exceptionnels et d’une manière temporaire ; je crois que tout le monde doit le reconnaître.

Mais, d’un autre côté, je pense que tout le monde doit reconnaître aussi que, si le gouvernement pouvait, sans limites, sans contrôle, sans égard à la dignité de la représentation nationale, répandre des indemnités sur une partie de la chambre ou sur toute la chambre, il y aurait là des inconvénients plus grands encore. Il n’est personne qui doive avouer que si le gouvernement s’avisait de tenir en quelque sorte constamment sous l’influence d’une rémunération 20 ou 30 membres de la chambre, et cela pendant un temps plus ou moins prolongé, si les membres de la chambre, au lieu d’être appelés par exception et à raison de connaissances spéciales dans des commissions indemnisées ou rétribuées, devenaient les candidats habituels de ce genre de fonctions, ce serait un grave abus. Il est donc difficile, messieurs, de poser à l’improviste des règles générales et absolues sur cette matière. Je le répète, ce qui est certain c’est que, si le gouvernement pourrait se trouver gêné, par l’interdiction absolue de donner des indemnités aux membres de la chambre, exceptionnellement et temporairement, la dignité et l’indépendance de la chambre se trouveraient compromises par un usage fréquent et non motivé de cette faculté. Il ne faut pas le méconnaître, entre une indemnité et un traitement il ne peut y avoir qu’une différence de mot. Dans tel cas donné, entre une indemnité de 300 fr. par mois et un traitement de 3,600 fr. il n’y aura d’autre différence que celle de la durée. Or, il faut le dire, depuis quelque temps une extension trop large a été donnée par le gouvernement à cette faculté de donner des indemnités à des membres de la chambre. Je n’entends point ici faire de reproche à aucun de nos collègues individuellement, car l’abus me paraît être surtout ici dans la fréquence du fait. Ce qui ne devrait être qu’une exception motivée par des raisons spéciales est presque devenu la règle.

Cette discussion qui, je pense, peut difficilement amener aujourd’hui un résultat direct, aura au moins un effet indirect de faire réfléchir davantage le gouvernement lorsqu’il se proposera encore de donner un rôle de ce genre à des membres de la chambre, et de faire réfléchir ces membres eux-mêmes avant de l’accepter.

Plusieurs fois, quand il s’est agi de questions semblables à d’autres époques, j’ai émis le vœu que l’article de la constitution dont il s’agit, fût organisé non pas à l’occasion d’une question de personnes, mais par une loi générale. La constitution veut, pour qu’il y ait lieu à réélection, qu’il y ait emploi et salaire, mais quand y a-t-il emploi ? Quand y a-t-il salaire ? Faut-il que l’indemnité s’applique seulement au déplacement ? Peut-elle s’appliquer également au travail ? D’autres questions encore se rattachent à cette disposition constitutionnelle, mais je crois qu’on les examinerait mieux indépendamment des personnes, à l’occasion d’une loi générale.

Quoi qu’il en soit, la discussion aura eu ce résultat utile de rendre tout le monde plus circonspect et de faire voir que la chambre a l’œil ouvert sur ce genre d’actes du gouvernement, qu’elle ne renonce pas au droit de les contrôler, soit par une mesure législative, soit par la discussion.

M. Lebeau. - Messieurs, l’honorable préopinant a exprimé à peu près les idées que je me proposais de vous soumettre. La chambre se rappelle peut-être que j’ai pris part au débat antérieur qui a porté sur la question dont elle s’occupe en ce moment ; je tenais à déclarer, aujourd’hui comme alors, que je n’entends en aucune façon professer en cette matière des principes absolus. Je crois aussi qu’une loi serait utile. Cependant je ne me dissimule pas les difficultés d’une loi semblable, car il s’agit ici d’un à peu près beaucoup plus que d’une règle fixe. Il n’en serait pas moins désirable qu’une loi restreignît au moins le champ de la difficulté, car la résoudre complètement, je crois qu’il faut en désespérer.

Une distinction a été faite dans cette chambre, distinction sur laquelle on ne paraît pas avoir assez insisté : c’est la différence à établir entre l’indemnité résultant d’un déplacement et l’indemnité résultant d’un travail extraordinaire. Il est évident que l’indemnité résultant du déplacement n’a rien par elle-même qui puisse rentrer ni dans l’esprit, ni dans le texte des articles cités de la constitution ; l’indemnité de déplacement n’est et surtout ne doit être que le remboursement des dépenses auxquelles le déplacement donne lieu. Si l’on a fixé une indemnité quotidienne pour les missions à l’étranger, par exemple, telles que celles qui ont été remplies à Utrecht, telles que celles qui ont été remplies en Allemagne, cette indemnité, n’a dû être, dans la pensée du gouvernement, que la représentation approximative des dépenses inhérentes à ces missions.

Pourquoi a-t-il fallu en venir à une espèce de forfait, une espèce d’abonnement ? Parce qu’il eût été moralement impossible d’exiger que les personnes chargées de missions semblables vinssent faire liquider par le département des finances et par la cour des comptes, des dépenses d’hôtel, des dépenses de poste ; il était impossible d’entrer dans de pareils détails sans tomber dans une mesquinerie ridicule, sans compromettre la dignité de ceux qui auraient été tenus de donner ces détails. Il est donc évident que l’indemnité de déplacement ne doit être considérée que comme le remboursement de dépenses faites, et dès lors, il n’y a là rien qui ressemble à un traitement.

Maintenant n’est-il pas souvent de l’intérêt le plus élevé du pays que l’on puisse envoyer à l’étranger, soit pour une mission diplomatique, soit pour une grande opération financière, tel membre des chambres, doué de connaissances spéciales, inspirant au pays et à l’étranger la confiance, la considération attachées à ses lumières et à son expérience ? Or, ce membre ne pourrait pas être chargé d’une semblable mission, s’il devait faire le voyage à ses frais ou s’il devait se soumettre à une réélection. C’est là, messieurs, un de ces exemples qui, sous ce rapport, tranchent la question.

Il y a maintenant l’indemnité du travail. Certes, l’indemnité du travail ressemble beaucoup plus à un traitement que l’indemnité de déplacement, qui n’est que le remboursement de dépenses faites ; en réalité, le traitement n’est autre chose qu’une indemnité de travail ; mais la question de savoir si l’indemnité de travail, lorsqu’elle n’est que temporaire, de quelques mois, par exemple, si cette indemnité peut, au point de vue légal, se transformer en traitement, être considérée comme un traitement, est une question délicate, difficile à trancher, il serait dangereux surtout de la trancher accidentellement et à propos d’un crédit qui porte en partie sur des faits accomplis ; elle pourrait être, elle devrait être l’objet d’une loi spéciale.

J’en conclus donc, messieurs, que nous ne pouvons pas, à l’occasion de ce crédit, portant sur des faits accomplis, et quant à la légalité, accomplis de bonne foi par tout le monde, fondés sur de nombreux antécédents passés à peu près sans contestation ; j’en conclus, dis-je, qu’il est impossible de trancher la question, et que force nous est de voter le crédit.

Cependant je crois que tout le monde doit se féliciter de la discussion et de l’importance qu’elle a prise. Les considérations qui ont été soumises à cet égard par divers orateurs et en dernier lieu par mon honorable ami, sont probablement encore présentes à votre esprit ; elles porteront de bons fruits pour l’avenir en servant d’avis salutaire ; il est inutile que j’ajoute quelque chose aux considérations présentées sur cette partie de la discussion.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, nous n’avons aucune objection à faire contre les observations qui ont ère présentées par les deux honorables préopinants ; nous sommes entièrement d’accords en principe avec eux. Si le ministre a pris part à cette discussion, c’est qu’il avait un devoir à remplir. Les deux honorables préopinants l’ont également senti ; ils ont reconnu que tout le monde avait agi de bonne foi dans cette circonstance. Le ministère n’a pas voulu qu’il pût résulter de cette discussion une sorte de flétrissure contre certains noms qu’on a osé citer dans ce débat.

M. Lebeau. - J’ai dit que tout le monde était irréprochable sous le rapport de la légalité. Je ne suis pas entré dans l’examen des autres aspects de la question.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Eh bien, nous allons alors plus loin, et nous protestons hautement contre cette tendance de la discussion à flétrir des noms propres.

M. Verhaegen. - Cette discussion n’aura-t-elle aucun résultat ? On nous a en quelque sorte jeté un défi du banc ministériel. Ce défi, je l’accepte. Nous allons voter sur un crédit de 50,000 francs. D’abord, le gouvernement n’a pas besoin de toute cette somme, puisque l’honorable M. Malou renonce à son indemnité. Je vais proposer un amendement, tendant à réduire le crédit du montant de cette indemnité.

Je propose une seconde réduction de 7,200 fr. pour un autre membre de la chambre qui se trouve dans la même position que l’honorable M. Malou.

M. Malou. - Messieurs, je n’ai pas moi-même proposé de réduction ; et j’en dirai le motif.

Mon intention était de laisser le crédit en entier, et d’abandonner ma part au trésor public tant pour le passé que pour l’avenir. Rien ne me garantit que je pourrai continuer à être membre de la commission, jusqu’à la fin de ses travaux. Si je cessais d’en faire partie, et si une autre personne qui ne se trouverait pas placée dans la même position que moi, me remplaçait, la réduction aurait pour résultat d’obliger le gouvernement à venir vous demander un nouveau crédit pour mon successeur. Je soumets cette observation à l’honorable préopinant.

M. le président. - M. le ministre des finances vient de transmettre au bureau un nouvel article qui formerait l’art. 2 et qui serait ainsi conçu :

« Art. 2. Il est ouvert au même département un crédit de 26,725 fr. pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3 du chap. VI du budget des dépenses de 1844. »

Voici l’amendement proposé par M. Verhaegen :

« J’ai l’honneur de proposer de retrancher de la somme demandée par le gouvernement :

« 1° La somme de 4,500 fr. portée pour l’indemnité à laquelle un membre de la commission a renoncé ;

« 2° La somme de 7,200 fr, portée pour l’indemnité d’un autre honorable membre.

« Par suite, réduire le crédit demandé à la somme de 38,300 fr. »

M. Lys. - Une question qui me paraît rencontrer peu de contradicteurs dans cette chambre, c’est celle de savoir si un membre de l’assemblée peut recevoir, pendant la durée de la session, une indemnité autre que telle dont il jouit en vertu de la constitution. L’honorable M. Osy a fondé sa demande de réduction sur cette circonstance ; elle a été ensuite appuyée par l’honorable M. de Garcia. Il vous a démontré qu’il faut nécessairement que l’indemnité ait pour fondement un déplacement. L’honorable M. Lebeau a semblé partager le même principe.

Je crois aussi que, quand la constitution vous a alloué, en votre qualité de membre de la chambre, une indemnité de …., vous ne pouvez, pendant la session, recevoir d’autres chefs quelconques, une seconde indemnité, à moins que ce ne soit pour une mission qui occasionne un déplacement.

En effet, vous ne voulez pas sans doute accorder à un membre de la chambre une indemnité de travail. Ce que la constitution lui alloue, n’est pas une indemnité de travail, ce n’est qu’une indemnité de déplacement. Il est hors de doute qu’un représentant de la nation n’est pas salarié, par l’indemnité qu’il reçoit. Ce serait donc le déshonorer que de vouloir lui donner une indemnité de travail pendant qu’il siège. A moins qu’il n’y eût déplacement, ce serait violer la constitution que de lui accorder une indemnité autre que celle qu’il tient de la constitution. Il reste donc constant, pour moi, que toutes les fois qu’un membre de la chambre, pendant la session, reçoit une autre indemnité en restant à Bruxelles, cela forme un traitement, et il y a lieu à réélection, il est indispensable que ce membre se représente devant les électeurs.

M. Osy. - Je pense qu’il y a lieu à régulariser l’amendement de l’honorable M. Verhaegen. Il faut laisser intact le chiffre pour 1843, et ne réduire que le chiffre nécessaire pour 1844. L’honorable M. Malou a fait une observation très juste. Il est possible qu’il donne sa démission et soit remplacé. Il faut donc avoir des fonds pour cette éventualité.

Indépendamment de la somme de 4,500 francs dont M. Verhaegen propose de réduire l’allocation, l’honorable membre propose une seconde réduction de 7,200 fr. pour l’indemnité d’un autre honorable membre de la chambre qui est président de la commission. Je crois que nous ne pouvons pas trancher cette question, parce que nous ne savons pas si le président de la commission renoncera à son indemnité ; peut-être que la discussion l’éclairera et le portera à renoncer à l’indemnité.

Je crois donc que l’honorable M. Verhaegen ferait bien de ne proposer qu’une réduction de 1,750 francs sur le chiffre de 1843, et de laisser intact le crédit de 1844. Nous savons que l’honorable M. Malou ne touchera pas son indemnité, et nous ne pouvons pas trancher la question, quant à la seconde personne. J’espère qu’elle renoncera à l’indemnité, mais si elle n’y renonce pas, il faudra bien payer.

M. le président. - Je ferai observer à l’honorable M. Verhaegen que son amendement porte sur le projet du gouvernement, sur le chiffre de 50 mille fr., tandis que d’après le projet de la section centrale, auquel le ministre s’est rallié, le chiffre n’est plus que de 23,275 fr, la différence devant faire l’objet d’une autre proposition.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, les derniers orateurs qui se sont fait entendre, à l’exception de l’auteur de l’amendement, semblaient tous d’accord que la question devait être laissée intacte. Ils allaient plus loin, ils convenaient que, dans certains cas, il pouvait être utile, indispensable même d’accorder une indemnité aux membres de la chambre qui accepteraient une mission temporaire du gouvernement. Ces honorables membres ont fait observer avec raison que la chambre devait avoir l’œil ouvert sur les abus possibles, mais que le principe, quand il n’y avait pas abus, pouvait être appliqué ; ils déclaraient au surplus qu’il n’y avait pas lieu de vider cette question en ce moment ; c’est cependant ce qui arriverait si on adoptait l’amendement de M. Verhaegen. Cet amendement se divise en deux parties.

Pour la première, on propose de retrancher une somme à laquelle a renoncé un honorable membre dans cette chambre. Je ne verrais aucune objection à cette proposition, si ce n’est qu’elle est inutile. Car si cette partie de la somme n’est pas touchée par l’ayant droit elle restera au bénéfice du trésor. L’honorable M. Malou a fait une observation très juste, nous ne savons pas si ce membre continuera à faire partie de la commission jusqu’à la fin des travaux. Cependant la proposition de réduction porte sur l’indemnité intégrale. Sous ce point de vue, je ne puis accepter l’amendement.

Quant à la seconde partie, elle tranche complètement la question : ce que je ne crois pas qu’il soit dans l’intention de la chambre de faire d’une manière absolue à propos de ce projet de loi ; elle le tranche même d’une manière tout à fait personnelle, ce qui ne sera pas, j’espère, trouvé convenable par la chambre.

Par ces divers motifs je pense que l’amendement ne sera pas adopté.

M. le président. - M. Osy propose par sous-amendement à la proposition de M. Verhaegen, de porter l’allocation du littera C pour 1843 à 21,525 fr.

M. Dumortier. - La question maintenant en discussion n’est pas neuve. Elle s’est présentée dans cette enceinte plusieurs fois. J’ai eu l’honneur de la soulever dans des discussions solennelles. Je n’ai pas reculé devant de grandes propositions, quand il s’agissait de traiter une question analogue à celle-ci. C’est ainsi qu’en 1833 un membre de cette chambre ayant été promu à des fonctions auxquelles était attaché un salaire qui n’était pas à la charge de l’Etat, je n’ai pas hésité à faire la motion qu’il fût soumis à la réélection. La chambre n’en a pas décidé ainsi. Elle a pensé que, pour qu’il y eût lieu à réélection, il fallait que le traitement fût à la charge de l’Etat.

En 1836, je n’ai pas hésité à demander que tous les bourgmestres, membres de la chambre, touchant un traitement, fussent soumis à la réélection.

A l’appui de ma proposition, je fis remarquer qu’il s’en trouvait qui touchaient des traitements plus considérables que l’ordinaire des fonctionnaires publics. La chambre n’a pas partagé mon opinion, elle a décidé qu’il n’y aurait pas de réélection. La question n’est donc pas neuve. Le parlement s’est toujours montré peu favorable à la réélection de ses membres à moins que ce ne fût dans des circonstances caractéristiques. La question s’est même présentée relativement à des ministres et la chambre a décidé qu’un membre acceptant un intérim ministériel n’était pas soumis à la réélection, Voilà les antécédents de l’assemblée.

J’irai plus loin. Quand on a voté la loi des indemnités, c’était en comité secret, j’ai eu l’honneur de faire remarquer qu’il n’était pas convenable qu’on admît le système présenté et il a été adopté sur l’observation de l’un des membres qui professent le plus hautement les opinions de l’honorable M. Verhaegen, d’un membre qui siège deux bancs au-dessous de lui. Cet honorable membre a insisté pour qu’un membre de la chambre pût siéger dans la commission d’indemnité.

M. Fleussu. - Quel est ce membre ?

M. Dumortier. - Je ne veux nommer personne : si l’honorable M. Fleussu n’a pas de mémoire, j’en ai. De quoi s’agit-il ? Quelle doit être la position des membres de la chambre relativement aux indemnités ? Je partage en tout point l’opinion émise par l’honorable M. Lys. Je suis de l’opinion que, dans le cours des sessions, aucun membre ne peut toucher d’indemnité à charge du trésor public. Voilà mon opinion individuelle. Mais la majorité ne s’est pas prononcée de la sorte. Quand vous avez attaché un traitement fixe aux fonctions de membre de la commission d’indemnité et que vous avez décidé que les membres de la chambre pourraient, devaient faire partie de cette commission, vous avez tranché la question dans un sens inverse de la motion dont il s’agit.

Partant de cette prémisse, je ferai remarquer qu’il me paraît très déraisonnable de vouloir retrancher l’indemnité d’un membre de la chambre, nommé en vertu et en exécution de la loi des fonctions très pénibles qu’il a remplies pendant les sept mois d’intervalle de session, pendant lesquels il n’a touché aucun traitement, aucune indemnité. Vous avez voulu que des membres de la chambre siégeassent dans cette commission. Il me paraît déraisonnable, après avoir décidé que des membres siégeraient dans cette commission, de leur refuser une indemnité, alors que rien ne les eût obligés, sans cela, à conserver leur résidence à Bruxelles.

M. Verhaegen. - Il s’agit de la commission de liquidation.

M. Dumortier. - C’est le même principe. Il me paraîtrait tout à fait inconcevable, après avoir décidé que des membres de la chambre devaient siéger dons cette commission, de retrancher leur indemnité, alors qu’ils sont venus s’adonner à un travail extrêmement pénible dans l’intervalle des sessions, alors qu’ils auraient pu, comme vous, consacrer ce temps à se remettre des fatigues de la session.

Il serait fort injuste de retrancher à ces membres l’indemnité à laquelle ils ont droit aux termes da la loi votée. Si on en a agi ainsi pour la commission des indemnités, il faut en agir de même pour la commission de liquidation. Obligé que je suis d’obéir à la loi de la majorité, alors que j’avais émis un vote différent dans la discussion de la loi, je dois me soumettre à la décision qu’a prise la majorité. Je ne puis donc me rallier à la proposition de l’honorable M. Verhaegen. La majorité a fait une loi ; nous ne faisons en ce moment que régulariser l’exécution de la loi.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne trouve pas à la proposition de M. Osy les mêmes objections qu’à celle de l’honorable M. Verhaegen. J’ai dit en ce qui concernait l’indemnité à laquelle renonçait un honorable membre, qu’elle resterait au trésor, si elle faisait partie de l’allocation. Cependant, je ne fais aucune opposition à ce que la proposition de M. Osy soit admise.

M. Verhaegen. - L’honorable M. Osy vient d’amender ma proposition ; je crois devoir me rallier à cet amendement. La discussion était engagée, il fallait conclure, on m’a sommé de le faire, j’ai fait des calculs à la hâte pour formuler une proposition. Les observations faites par l’honorable M. Osy me semblent justes. En ce qui concerne l’honorable membre dont nous avons parlé en premier lieu, il est évident qu’il faut retrancher l’indemnité à laquelle il a renoncé en raison du temps qui a couru. Il a consigné dans les annales de la chambre un acte d’abnégation d’intérêt personnel. Je donnerai donc sous ce rapport mon adhésion au sous-amendement de l’honorable M. Osy.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il faut retirer le reste.

M. Verhaegen. - Permettez ; quant à la seconde personne, on a fait une observation qui m’a frappé. Il serait possible qu’il y eût aussi de la part de ce membre un acte de générosité semblable à celui de M. Malou. Je ne voudrais pas mettre cet honorable membre dans l’impossibilité de poser un acte semblable ; je le regretterais. D’un autre coté, il serait aussi possible qu’il y eût renonciation au mandat. Comme je ne veux rien prévoir, rien empêcher, en me ralliant au sous-amendement de M. Osy pour lequel je voterai, je renonce provisoirement à ma proposition.

Discussion des articles et vote sur l'ensemble

- Les litt. A et B de l’art. 1er sont successivement mis aux voix et adoptés.

Le litt. C tel qu’il été sous-amendé par M. Osy est ensuite mis aux voix et adopté.

Le litt. D est également adopté.

L’article est ensuite adopté dans son ensemble.

L’art. 2 proposé par M. le ministre des finances est également mis aux voix et adopté.


Il est procédé au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet qui est adopté à l’unanimité par les 50 membres présents. Ce sont :

MM. Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Huveners, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Malou, Manilius, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Rodenbach, Rogier, Savart, Sigart, Thyrion, Troye, Van Cutsem, Vandensteen, d’Anethan, Verhaegen, Verwilghen, Zoude, Castiau, Coghen, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de la Vega, de La Coste, de Meer de Moorsel, de Meester, Deprey, de Renesse, de Roo, Desmet, de Terbecq, de Theux, de Tornaco, Devaux, Dumortier et d’Hoffschmidt.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Courtray

M. Dedecker, au nom de la commission de vérification des pouvoirs, nommée au commencement de la séance, fait rapport sur l’élection de M. de Haerne élu membre de la chambre par le district de Courtrai. La commission, à l’unanimité, propose l’admission.

- Les conclusions sont adoptées. En conséquence M. de Haerne est proclamé membre de la chambre.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Nous avons à l’ordre du jour de lundi, d’abord le projet de loi relatif à une importation de sucre faite postérieurement à la loi du 4 avril 1843.

M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande l’ajournement la discussion de ce projet. J’attends de nouveaux renseignements.

- L’ajournement est adopté.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, si j’avais été présent lorsque vous avez mis à l’ordre du jour, le projet de loi sur l’entrée des pianos, je vous aurais rappelé que vous avez fixé jour pour la discussion générale de toutes les propositions commerciales et industrielles. Je ne pense pas qu’il faille faire une exception pour les pianos, qu’il faille lui donner la préférence, par exemple, sur les bronzes ou sur d’autres articles pour lesquels on réclame également des augmentations de droits. Je demande donc que provisoirement cet objet ne figure plus à l’ordre du jour et que l’on s’en tienne à la décision générale prise par l’assemblée.

M. de Garcia. - Messieurs, dans la séance d’hier vous avez mis à l’ordre du jour de lundi le projet de loi interprétative de l’article 334 du code pénal. C’est là un objet fort important ; il y a des accusés, des prévenus qui attendent justice ; je crois donc que dans tous les cas ce projet doit venir avant celui qui concerne les pianos.

- La proposition faite par M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix et adoptée. En conséquence la discussion du projet de lui relatif aux droits d’entrée sur les pianos est renvoyée à la discussion générale de toutes les propositions concernant des droits d’entrée.

M. le président. - Nous avons ensuite la loi interprétative de l’art. 334 du code pénal et le projet de loi concernant la délimitation des communes d’Eckeren et de Cappellen.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la commission ayant fait connaître que son avis étant de ne pas admettre la délimitation proposée, j’ai dû nécessairement consulter la députation permanente de la province d’Anvers. Je lui ai adressé le rapport de la commission et j’attends les observations dont j’ai besoin pour me décider sur la question de savoir si je dois le retirer. La chambre comprendra que ce n’est pas une question de gouvernement, que c’est une question toute locale.

M. le président. - Il ne reste donc à l’ordre du jour que le projet interprétatif de l’art. 334 du code pénal.

- La séance est levée à 4 heures et 1/2.