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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 2 mars 1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition d’un ancien gouverneur de la province de Liége (Delfosse)
2) Commission de vérification des
pouvoirs (de Haerne)
3) Rapport sur une pétition
demandant le retrait des avantages douaniers accordés au grand-duché de
Luxembourg (de Chimay, Delfosse,
de Chimay, Osy, de Garcia, Delfosse)
4) Motion d’ordre relative au
retard en matière de confirmation législative d’un arrêté royal établissant des
droits d’entrée (Manilius, Lys, Savart-Martel, Mercier)
5) Projet de loi ouvrant un
crédit supplémentaire au budget du département des finances pour l’exercice
1843. (Traité du 5 novembre 1842), indépendance politique des magistrats et des
parlementaires, cumul des traitements et des indemnités (Osy,
Delfosse, de Garcia, de Theux, Malou, Nothomb,
Nothomb, Fleussu, Osy, de Theux, de
Garcia, Delfosse, Malou, Nothomb, Verhaegen, Nothomb, de Theux, Devaux, Lebeau, Nothomb,
Verhaegen, Malou, Mercier, Verhaegen, Lys, Osy, Mercier,
Osy, Dumortier, Mercier, Verhaegen)
6) Commission de vérification des
pouvoirs d’un membre (de Haerne)
7) Fixation de l’ordre du jour.
Droits d’entrée sur les pianos (Nothomb), code pénal (de Garcia), limites communales (Eckeren
et Cappellen) (Nothomb)
(Moniteur
belge n°64, du 4 mars 1844)
(Présidence de M. d’Hoffschmidt, vice-président.)
M. Huveners procède à l’appel nominal à une heure et 1/4.
- La séance est ouverte.
M. de Renesse lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est
adoptée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur François-Angustin
Gerson, bottier à Bruxelles, né à Malmédy (Prusse), demande la naturalisation
ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
« Le comte de Liedekerke-Beaufort, ancien
gouverneur de la province de Liège, demande une augmentation de sa pension. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
M. Delfosse - Il s’agit de l’ancien gouverneur de la province de Liége, qui jouit
d’une pension de 2,000 florins. Il prétend avoir droit à une pension plus
forte. Comme il éprouve depuis longtemps le préjudice dont il se plaint, il
conviendrait, je pense, d’inviter la commission à faire un prompt rapport.
- Cette proposition est adoptée.
Par dépêche en date du 2 mars, M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb)
adresse à la chambre le dossier les opérations électorales de Courtray.
M. le président tire au sort la commission chargée
de vérifier les pouvoirs de M.
de Haerne.
Les membres désignés par le sort sont : MM. Vilain
XIIII, de Florisone, Dedecker, Delfosse, d’Anethan et de Renesse.
RAPPORT SUR UNE PETITION DEMANDANT LE RETRAIT DES AVANTAGES DOUANIERS
ACCORDES AU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG
M. de Chimay, rapporteur. - Messieurs, votre commission m’a chargé de vous présenter son rapport
sur la pétition des fabricants de Liége qui demandent le retrait de la loi du 6
juin 1839.
Les fabricants de Liége ont déjà réclamé le
redressement de leurs justes griefs.
Une première pétition, datée du 6 mai 1842 et
demandant le retrait de la loi du 6 juin 1839, fut accueillie par la chambre et
renvoyée au ministre de l’intérieur, sans résultat utile.
Aujourd’hui les pétitionnaires renouvellent leurs
plaintes. Ils affirment, d’après des chiffres officiels, qu’ils ont à souffrir
à la fois, et de la faible évaluation des marchandises introduites en Belgique,
en vertu du traité, et d’une fraude considérable. A leurs plaintes, le
gouvernement oppose, d’après eux, une fin de non-recevoir basée sur des
espérances commerciales, au moins fort hypothétiques.
En présence d’un pareil état de
choses, votre commission s’associe unanimement au vœu des pétitionnaires. Elle
pense, avec eux, que la dignité et les intérêts du pays ne permettent pas de
maintenir plus longtemps les faveurs exceptionnelles que la loi du 6 juin
concède, sans réciprocité actuelle ou probable, non plus à d’anciens Belges
seulement, mais au Zollverein tout entier.
Votre commission, a en conséquence, l’honneur de
vous proposer le renvoi de la nouvelle pétition de fabricants de Liège à M. le
ministre de l’intérieur.
M. Delfosse. - C’est la seconde fois que la commission fait un rapport favorable à la
réclamation des fabricants d’étoffes de la ville de Liège. J’espère que M. le
ministre de l’intérieur voudra bien, cette fois, prendre la pétition en
considération et proposer promptement des mesures pour y faire droit. Si M. le
ministre persistait dans la résolution qu’il paraît avoir prise, de rester dans
l’inaction, plusieurs membres de la chambre se verraient peut-être dans la
nécessité de faire une proposition.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Delfosse. - Je demande que le renvoi ait lieu avec demande d’explications. Il faut
que M. le ministre s’explique, pour que nous puissions savoir à quoi nous en
tenir. Car si le gouvernement persistait à ne rien faire, nous prendrions
l’initiative ; mais avant d’user de ce droit, nous désirons connaître
l’intention de M. le ministre.
M. de Chimay. - Comme rapporteur de la commission, je dois faire connaître quelle a été
sa pensée. Cette question s’est reproduite à propos des fontes et autres
objets, et le gouvernement a toujours opposé, aux réclamations qui lui étaient
adressées, que des négociations étaient suivies avec l’Allemagne et qu’il n’était
pas convenable d’anticiper sur ces négociations et de prendre une mesure de
nature à les interrompre et même à les compromettre. Mais la commission a pensé
qu’il n’y avait pas lieu de s’en rapporter davantage à ces raisons
d’ajournement et qu’il fallait mettre le gouvernement en demeure de se
prononcer.
M. Osy. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Delfosse, d’autant plus que
l’arrêté relatif aux vins de l’Allemagne n’a pas été renouvelé le 1er mars, ce
qui doit nous faire supposer que les négociations n’ont rien amené.
J’appuie donc le renvoi avec demande d’explications.
M. de
Garcia. - Je demanderai qu’on veuille remettre à lundi
prochain la décision sur les conclusions de la commission ; M. le ministre de
l’intérieur sera présent et pourra peut-être incontinent donner les
explications demandées.
M. Delfosse. - Il n’y pas moindre inconvénient à adopter aujourd’hui les conclusions
de la commission, c’est-à-dire, le renvoi au ministre de l’intérieur, en y
ajoutant, sur la proposition que j’ai eu l’honneur de faire, une demande
d’explication. Il y aura même utilité à adopter dès à présent les conclusions
de la commission, avec cette modification, parce que M. le ministre, étant
prévenu de la décision de la chambre, pourra se mettre en mesure de donner des
explications soit lundi, soit mardi. La discussion sera plus utile, car alors
le gouvernement sera prêt. Si on remettait la décision à lundi et que le gouvernement
ne fût pas prêt, ce serait un retard de plus.
M. de Garcia. - Sans doute il n’y a pas d’inconvénient à ce que, dès aujourd’hui, on
renvoie la pétition avec demande d’explication, mais en demandant le renvoi à
lundi, j’espérais avancer matière, j’espérais que M. le ministre de
l’intérieur, qui n’est jamais en retard de répondre aux interpellations qu’on
lui adresse, pourrait donner lundi les explications qui sont réclamées. Je ne
m’oppose donc pas à ce qu’on adopte les conclusions avec l’addition proposée
par l’honorable M. Delfosse.
Le renvoi au ministre de l’intérieur, avec demande
d’explications, est ordonné.
MOTION D’ORDRE RELATIVE AU RETARD EN MATIERE DE CONFIRMATION LEGISLATIVE
D’UN ARRETE ROYAL ETABLISSANT DES DROITS D’ENTREE ET DE SORTIE
M. Manilius. - Messieurs, dans le courant de l’année passée le gouvernement a pris un
arrêté qui établit de nouveaux droits sur une série d’articles de fabrication
étrangère. Cette mesure a été prise en vertu de l’art. 9 de la loi de 1822.
Mais cet article oblige le gouvernement à faire confirmer la disposition par la
législature dans la session suivante. Je crains que la session actuelle
n’arrive à sa fin sans que le gouvernement ne nous ait proposé un projet de loi
relativement à cette mesure.
M. le ministre des finances
serait dans l’impossibilité de continuer à faire percevoir les droits qu’il a
établis, si une disposition législative n’intervenait pas, car les personnes
qui se présenteraient à la frontière avec les articles que concerne cet arrêté,
se refuseraient à payer l’élévation de droit qu’il établit. Il conviendrait de
présenter immédiatement ce projet de loi ; je ne sais ce qui a empêché de le
présenter jusqu’à présent, alors qu’on a présenté des projets qui concernaient
des arrêtés relatifs à des articles beaucoup moins importants.
M. Lys. - Comme dit l’honorable préopinant, on a présenté des projets de loi pour
des objets beaucoup moins important, et pour un arrêté de l’importance de celui
dont il s’agit, on est en retard de lui donner la sanction législative, dont il
a besoin pour que ses dispositions continuent à être appliquées. Cela fait un
très grand tort à l’industrie, car tant qu’il n’y a pas de
loi les fabricants n’osent pas monter des ateliers. En effet, on ne va pas
dépenser 50 à 60 mille francs pour monter des ateliers, sans la certitude de
jouir d’une protection pendant un temps plus ou moins long. Cette certitude, la
loi seule peut la donner.
M. Savart-Martel. -
J’insiste aussi pour qu’on s’occupe de suite de l’objet dont s’agit. Plusieurs
requêtes ont été adressées à cette fin à la chambre ; il y a vraiment urgence.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Le gouvernement s’est occupé déjà de la rédaction d’un projet de loi à
soumettre à la chambre pour donner la sanction législative à l’arrêté dont vous
ont prié les honorables membres que vous venez d’entendre. Ce projet sera
soumis incessamment à la chambre.
- M. Liedts remplace M. d’Hoffschmidt au fauteuil.
PROJET DE LOI OUVRANT UN CREDIT
SUPPLEMENTAIRE AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1843
M. le président. -
Deux rapports ont été faits sur cette demande de crédit.
« Article unique, Il est ouvert au département de
finances, comme supplément au budget des dépenses, exercice 1843 :
« a. Un crédit de six cent vingt-deux francs
trente centimes (fr. 622 30 cent.), destiné au payement des frais de voyage et
de séjour, sur déclarations relatives à un exercice clôturé, et partie à
l’exercice 1842 dont le crédit est insuffisant.
« Cette somme formera l’article 9 du chap. 1er,
exercice 1843.
« b. Un crédit de sept cent soixante cinq
mille huit cent quatre-vingt-sept francs soixante-treize centimes (fr. 765,887
73 cent.), pour pourvoir au payement des dépense du service de la caisse
générale de l’Etat pendant les années 1838, 1839 et 1840 ;
« Cette somme formera l’article 3 du chapitre
II du même budget.
« c. Un crédit de cinquante mille fr. (50,000
fr.) pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de l’art. 64 du
traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3 du chapitre VI du budget précité. »
La section centrale, pour ne pas confondre les deux
exercices, propose de diviser ce crédit et de n’allouer au litt. c que 23,275 fr. pour l’exercice 1843, sauf à M. le ministre
à faire une autre proposition pour l’exercice 1844.
Le litt. c serait ainsi
conçu :
« c. Un crédit de vingt-trois mille deux cent
soixante quinze francs (fr. 23,275), pour faire face aux dépenses résultant de
l’exécution de l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3
du chapitre VI du budget précité.
« d. Un crédit de quinze mille francs (15,000
fr.), destiné au payement des dépenses relatives à des exercices clôturés, et
particulièrement de celles qui se rapportent à des termes antérieurs au 1er
octobre 1830.
« Cette somme formera l’art.
4 du chap. VI.
« Ensemble huit cent quatre mille sept cent
quatre-vingt-cinq francs trois centimes. (fr. 804,785 03. »
M. Osy, rapporteur. - Sur le projet de loi qui nous occupe, j’ai eu l’honneur de faire deux
rapports. Le premier proposait la division du crédit de 50,000 fr. en deux
crédits, l’un de 25,275 fr. pour l’exercice 1843, l’autre de 26,600 fr. pour
l’exercice
Lors de la première discussion, j’ai proposé que les
employés du ministère des finances qui font partie de la commission de
liquidation ne pussent avoir une indemnité, que je considère comme un cumul. La
section centrale n’a pas partagé cette opinion ; toutefois elle a pensé, à l’unanimité,
que l’indemnité est trop élevée.
Je ne sais si l’on fera une proposition. Pour moi,
je ne puis admettre qu’il y ait une indemnité pour les fonctionnaires.
Lors de la discussion de ce projet de loi, on a
étendu beaucoup l’amendement de la section centrale. Vous vous rappelez qu’on a
prétendu qu’il n’était pas conforme à la dignité de la chambre, que ses membres
reçussent une indemnité pendant la session ; vous vous rappelez qu’un honorable
membre de la chambre a trouvé convenable de dire que, pour sa part, il
renonçait à l’indemnité. Je ne sais pas s’il ne conviendrait pas de déduire du
crédit la somme refusée par cet honorable membre. Mais je pense qu’il faudrait
approfondir la question de savoir si, pendant la session, les membres de la
chambre peuvent recevoir une indemnité, et si après la clôture ils ne doivent
pas recevoir pour toute indemnité celle que nous recevons pour notre séjour
dans la capitale.
Nous voyons, par le tableau remis par M. le ministre
des finances, qu’il y a dans la commission des membres de la cour de cassation
et de la cour d’appel. J’appelle votre attention sur l’art. 103 de la
constitution. D’après cet article, aucun membre de l’ordre ne peut accepter des
fonctions salariées, à moins de les exercer gratuitement, sauf les cas
d’incompatibilité déterminés par la loi.
Je sais que vous direz que ce
n’est pas un traitement, mais une indemnité. Quand la commission a été
instituée, on savait qu’elle durerait au moins 18 mois. Il s’agit de savoir si
une indemnité accordée dans ce cas à des membres de l’ordre judiciaire n’est
pas contraire à la constitution. J’appelle sur ce point l’attention du
gouvernement. Je désirerais que l’on donnât sur ce point quelques explications.
Je trouve que les employés du ministère des finances
ne peuvent, sans cumul, recevoir une indemnité.
Je laisse à l’appréciation de la chambre si les
membres peuvent recevoir une indemnité pendant la session.
M. Delfosse. - Je me suis élevé dans d’autres circonstances contre l’abus grave que
l’honorable M. Osy vient de signaler.
Il est un article de la constitution qui porte que
le membre des deux chambres nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu’il
accepte est soumis à une réélection.
Quel est le motif de cette disposition ? C’est que
l’on suppose qu’un membre de la chambre qui accepte un emploi salarié, se place
jusqu’à un certain point sous la dépendance du ministère ou tout au moins qu’il
s’établit entre le ministère et lui un lien de reconnaissance qui peut porter
atteinte l’indépendance que les électeurs doivent attendre de leurs
représentants.
Ce motif n’est-il pas applicable à celui qui est
appelé par le ministère à faire partie d’une commission pour laquelle il reçoit
des indemnités ? Je le pense, messieurs, je pense que c’est éluder la
constitution, que de donner des indemnités à celui qui ne pourrait pas recevoir
un traitement.
L’abus, messieurs, est plus grave que vous ne
pourriez le croire, je vais vous citer quelques faits qui vous le prouveront ;
je ne citerai pas de noms, ceux qui ont posé les faits pourront le reconnaître
:
Il est un de nos collègues qui est fonctionnaire
public, qui touche, en cette qualité un traitement très élevé, qui perçoit en
outre l’indemnité de membre de la chambre et qui a reçu comme membre d’une
commission plus de vingt-quatre mille francs dans l’espace de trois années ;
Il en est un autre qui est commissaire
d’arrondissement, et qui a reçu, comme membre d’une commission, outre
l’indemnité de membre de la chambre, des indemnités s’élevant à cinq mille
trois cent quatre-vingt francs ;
Un troisième, qui a cessé de faire partie de la
chambre depuis les dernières élections et qui était également fonctionnaire
public, a reçu plus de six mille francs comme membre de diverses commissions.
J’indique les chiffres parvenus à ma connaissance ;
j’ignore si les honorables membres dont je viens de parler ont reçu des sommes
plus fortes.
Je pourrais, messieurs, citer d’autres faits, mais
ceux dont je viens de parler suffisent pour nous faire apprécier la gravité de
l’abus.
L’honorable M. Rodenbach vous a tenu, dans l’une des
dernières séances, un langage qui partait du cœur ; il vous a dit avec chaleur
qu’il était au-dessous de la dignité des membres de la représentation nationale
de recevoir des indemnités de MM. les ministres. J’adhère entièrement aux
sentiments exprimé par l’honorable membre.
Un de nos collègues qui n’a cessé
que depuis peu de jours d’être fonctionnaire public a donné récemment un
exemple de désintéressement qui devrait être suivi. L’honorable M. Malou a
déclaré qu’il renonçait à l’indemnité que M. le ministre des finances se
proposait d’accorder aux membres de la commission de liquidation.
Je regrette seulement, pour l’honorable membre,
qu’il n’ait fait cette déclaration qu’après la discussion soulevée par
l’honorable M. Osy, et surtout après les paroles chaleureuses prononcées par
l’honorable M. Rodenbach ; faite plus tôt, elle aurait eu plus de mérite.
Je regrette, en outre, pour l’honorable membre,
qu’il ait touché des indemnités comme membre d’une autre commission.
M. de Garcia. - La question qui nous occupe est extrêmement délicate, soit qu’on la
considère au point de vue des principes, soit qu’on la considère au point de
vue de personnes. Mais la chambre doit donner l’exemple de la légalité et de la
conservation des principes. Cette considération générale justifiera ce que je
pourrai dire.
Messieurs, quelle différence y a-t-il entre une
indemnité et un traitement ? Voila le premier point qu’il est essentiel
d’examiner pour faire application du principe.
Dans ma pensée, l’indemnité comporte nécessairement
l’idée d’un déplacement, l’idée de frais de séjour. Au contraire, le
traitement, ne fût-il pas perpétuel, fût-il à terme, suppose des fonctions sans
déplacement, des fonctions régulières.
Pour déterminer d’une manière précise ce qui
constitue l’indemnité, je prendrai notre propre exemple. Messieurs, les membres
de la représentation nationale qui doivent se déplacer de leur domicile, et
voyager, reçoivent une indemnité. Les membres qui habitent la capitale n’en
reçoivent pas. Ainsi, notre propre exemple fait connaître parfaitement, selon
moi, ce qu’on entend par indemnité.
Pouvez-vous donner aux indemnités que l’on paie à
des commissions le caractère que je viens de signaler ? Selon moi, évidemment
non, à moins que les membres qui les composent ne soient obligés à un
déplacement. Vous confiez à ces commissions des fonctions, et même des
fonctions de magistrats extrêmement importantes, puisqu’elles décident en
dernier ressort. A ce point de vue, il m’est impossible de considérer les
allocations que vous accordez aux membres de ces commissions, résidant à
Bruxelles, comme des indemnités ; je les considère comme de véritables
traitements qui, aux termes de l’article de la constitution dont vous a parlé
l’honorable M. Osy, ne peuvent être accordés à des magistrats résidant au lieu
où s’opère le travail de la commission. Par les mêmes motifs, je crois que les
membres de la chambre qui reçoivent une indemnité pour se rendre ici, ne
peuvent, comme membre d’une commission de liquidation, recevoir des indemnités
de 250 ou de 400 fr. par mois. Les mots ne peuvent faire disparaître la force
des choses, et ici, dans les circonstances actuelles, ce qu’on appelle
indemnité constitue un véritable traitement, et de ce point de vue fort
délicat, je le reconnais de nouveau, les membres de la chambre qui acceptent de
pareilles fonctions pourraient devoir être rigoureusement soumis à une
réélection.
Messieurs, il s’agit aussi ici
des fonctionnaires du département des finances. Quant à moi, je ne vois pas
d’obstacle légal ou constitutionnel qui s’oppose à ce qu’on leur donne un
supplément de traitement, s’ils font un supplément de besogne. Ici la
distinction entre les traitements et les indemnités importe peu. Aussi, dans la
section centrale dont je faisais partie, j’ai cru que si le service public, si
les fonctions régulières dont ils sont chargés, ne souffraient pas du surcroît
de besogne, on pouvait leur accorder, de ce chef, un supplément de traitement.
Mais quant aux membres des chambres et de la magistrature, il ne peut en être
de même.
Je le répète, la question est fort délicate, elle
est en quelque sorte personnelle, mais cette circonstance ne doit pas nous
empêcher de la traiter ; nous devons donner l’exemple de l’observation de la
constitution et des principes d’un bon gouvernement.
M. de Theux. - Messieurs, si dans l’allocation des indemnités qui ont été accordées
dans différentes circonstances soit à des membres de la chambre, soit à des
membres de la magistrature, je pouvais entrevoir l’intention d’exercer une
influence, de compromettre en quelque manière l’indépendance du député, du
magistrat, je serais le premier à m’élever contre ce qui a été fait. Mais
heureusement, messieurs, dans toutes les commissions qui ont été conférées et
qui ont donné lieu à indemnité, il me paraît impossible d’apercevoir une
tendance d’influence ou de soupçonner en aucune manière l’indépendance des
membres de ces commissions qui ont reçu des indemnités.
On a parlé d’indemnités assez considérables qui ont
été touchées par des membres de cette chambre. Mais on n’a pas dit que c’était
pour remplir des missions ailleurs qu’à Bruxelles, des missions qui devaient
entraîner ces membres dans des dépenses considérables.
Il faut encore faire attention à une autre
circonstance : c’est lorsque la mission doit être remplie hors le temps de la
session des chambres.
Dans tous ces cas, il y a évidemment lieu à
indemnité.
Je sais, messieurs, que pour les commissions
spéciales chargées, par exemple, d’élaborer un projet de loi, un projet de
règlement, de donner un avis sur une question déterminée, il ne peut pas être raisonnablement
question d’indemnités. Aussi je pense que jusqu’à présent on n’en a pas accordé
dans des cas semblables.
Mais supposera-t-on que quelqu’un doive accepter
sans indemnité la qualité de membre de la commission d’indemnités, de la
commission de liquidation ? Pour moi, je considérerais comme absurde de
soutenir une telle chose. Comment ! on exigerait que
l’on donnât la meilleure partie de son temps pendant toute l’année à un travail
aussi difficile, à un travail aussi ardu et que cela se fît gratuitement ? Mais
alors mieux vaudrait dire que dorénavant aucun membre des chambres, aucun
membre de la magistrature ne pourra être chargé de semblables missions. Et vous
voyez où cela vous conduit. C’est priver l’Etat de services très signalés. Car
c’est dans les chambres législatives, c’est dans la magistrature que se
montrent souvent de grands talents, des hommes qui peuvent rendre des services
extrêmement importants à l’Etat dans des circonstances données.
Voyez, messieurs, où conduirait le rigorisme poussé
à l’excès. Un membre de la magistrature ne pourrait plus être nommé du jury
d’examen pour les universités. Ce serait encore là, messieurs, un très grave
inconvénient.
Je dis, messieurs, qu’en ce qui
concerne l’allocation des indemnités, il faut surtout voir si l’indemnité que
l’on accorde est en proportion d’un travail extraordinaire, exorbitant, que
l’on ne puisse pas raisonnablement demander gratuitement et surtout s’il s’agit
d’un travail déterminé et purement temporaire.
Voilà ce qui doit déterminer la qualité de
l’indemnité et ce qui peut la justifier. Hors de ces conditions je n’en veux
pas non plus. Mais dans ces limites je crois que les indemnités ne peuvent
produire aucun mal et qu’au contraire elles sont tout à fait dans l’intérêt de
l’Etat ; à moins que de vouloir priver l’Etat des lumières et du concours des
personnes qui, dans des circonstances données, peuvent lui être le plus utile.
M. Malou. -
Messieurs, mon intention n’est pas de discuter tous les faits qui se sont
passés depuis 1830 et dont l’honorable M. Delfosse a cité quelques exemples.
Mais fallût-il admettre que, dans certaines circonstances,,
il y a eu abus, il faut prendre garde, en attaquant l’abus, de détruire un
principe de justice et d intérêt public.
Assurément, je désire que, par aucun moyen indirect,
on n’élude les dispositions sages, prescrites par la constitution. Mais je
désire aussi que le gouvernement puisse, dans les circonstances où il en a
besoin, faire appel aux lumières, à l’expérience des membres de la chambre et
des membres de l’ordre judiciaire. Or, je dis, messieurs, que cet appel est
impossible pour certains travaux, si une indemnité n’y est attachée.
Je parle avec un entier désintéressement, parce qu’à
part la commission de liquidation dont j’ai été appelé à faire partie dans les
circonstances que j’ai déjà indiquées, l’examen de ma conscience, puisque je
suis amené à le faire en public, ne me reproche aucun fait, et l’on aurait pu
croire le contraire, à entendre les paroles par lesquelles l’honorable M.
Delfosse a terminé ses observations.
J’ai dit qu’il faut maintenir intact un principe de
justice, un principe d’intérêt public.
En ce qui concerne la question de justice, peut-on
raisonnablement exiger qu’un travail aussi ardu, aussi immense, dirai-je, que
celui qu’imposent différentes commissions, telles, entre autres, que la
commission de liquidation, soit fait en dehors des devoirs imposés, soit aux
membres des chambres, soit à des fonctionnaires publics, sans qu’aucune
indemnité n’y soit attachée ?
Quant à l’intérêt public, j’ai déjà touché à point.
Il est évident (il faut prendre les hommes comme ils sont), que si pour des
travaux de cette nature, aucune indemnité n’est accordée, le gouvernement se
verra privé du concours des hommes qui pourraient le seconder le plus utilement
dans des travaux difficiles.
Ce n’est qu’aujourd’hui,
messieurs, que la question est posée d’une manière aussi absolue. Il y a eu de
faits sans nombre depuis 1830, au su et au vu de la chambre. Ainsi, pour ne
rappeler qu’un exemple, on a nommé de la commission des indemnités des membres
de la chambre, et même, si mes souvenirs sont exacts, car je ne puis en appeler
au Moniteur, le gouvernement a fait
connaître dans la discussion que son intention était d’appeler des membres de
la chambre à faire partie de cette commission.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Vous avez parfaitement raison,
et la déclaration en a été faite à la demande de M. Delfosse. Je rappellerai
tout à l’heure les faits.
M. Malou. -
C’est donc aujourd’hui qu’au mépris d’un principe de justice et d’intérêt
public, on voudrait, nonobstant tous les antécédents, en poser un autre que je
considère comme très dangereux.
L’honorable M. Delfosse a exprimé le regret que la
déclaration que j’ai faite ne l’ait été qu’à la suite d’une discussion.
Messieurs, je serai très franc sur ce point.
D’abord les antécédents que je viens de rappeler
m’avaient toujours fait hésiter. J’ai hésité encore devant la crainte de
paraître donner un exemple ; d’autres ont dit : de donner une leçon ; et je
dois même ajouter que beaucoup de personnes ont considéré ma déclaration comme
irréfléchie ; elles ont craint qu’en posant ce fait, je ne parusse abandonner
ces principes que je viens défendre aujourd’hui.
Un autre motif, messieurs, m’a arrêté alors. J’étais
non seulement membre de la chambre, j’étais aussi fonctionnaire public. Or, la
discussion portait sur les deux points à la fois.
J’ajouterai un dernier mot, en ce qui me concerne.
Si j’avais pu croire que l’acceptation de ce mandat
difficile dût être considéré de ma part comme une obligation contractée envers
le gouvernement, j’aurais cru que la délicatesse me faisait un devoir de le
décliner. Mais j’ai déjà eu l’honneur de le dire à la chambre lorsque je l’ai
accepté, je n’y ai vu qu’un service à rendre au pays et, dans mon opinion, si
quelqu’un avait pu paraître obligé, ce ne serait point celui qui aurait accepté
cette charge difficile.
Je reviens un instant sur la question soulevée par
l’honorable rapporteur en ce qui concerne les magistrats. Il ne faut pas
exagérer la portée de la disposition constitutionnelle. La constitution a
imposé au gouvernement l’obligation de présenter une loi pour prévenir les abus
du cumul ; ces mots indiquent eux-mêmes bien clairement que le cumul de deux
traitements, d’un traitement et d’une indemnité, ou de deux indemnités, n’est
pas toujours, et dans toutes les circonstances, un abus que la constitution a
voulu proscrire.
Quelle est l’interprétation que le gouvernement a
donnée à cette disposition ? Je la trouve, messieurs, dans un projet présenté
en 1838, par l’honorable M. d’Huart et sur lequel la chambre n’a pas encore
statué. Dans ce projet, il n’était nullement question du cumul d’un traitement
et d’une indemnité, il n’y était question que du cumul de deux traitements, ou
d’un traitement et d’une pension. Ainsi donc, messieurs, et d’après les termes
de la constitution, et d’après l’interprétation que le gouvernement y a donnée,
il y a une distinction essentielle à faite entre les traitements, les pensions
et les indemnités. Il y a sans doute la question de fait, de savoir si
l’indemnité n’est pas un traitement d’équité ; mais cette question de fait, par
cela même que c’est une question de fait, qui varie selon les circonstances,
vous ne pouvez pas la résoudre d’une manière invariable et absolue. Les mots
qui se trouvent dans l’art. 103 de la constitution et ceux qui se trouvent dans
l’art. 36, ont absolument la même valeur, la même signification ; si l’on
pouvait croire qu’il est interdit à un magistrat de toucher une indemnité
temporaire représentative d’un travail extraordinaire, il faudrait conclure que
dans tous les cas où un membre de la chambre recevrait une indemnité, quelle
qu’elle fût, ce membre devrait être soumis à une réélection : l’interprétation
de l’art. 103 dans un sens absolu entraînerait nécessairement l’interprétation
dans le même sens de l’art. 36.
Or, messieurs, les précédents de
la chambre démontrent que jamais elle n’a entendu l’art. 36 de la constitution
dans le sens absolu que je viens d’indiquer.
Je distingue donc, et je me permets d’insister sur
ce point, je distingue la question de principe de la question de fait en
principe ; je dis qu’il est nécessaire que le gouvernement puisse, dans
certaines circonstances, accorder une indemnité modérée, soit à des
fonctionnaires pour un travail extraordinaire, soit à des membres de la
chambre, lorsque leur concours est reconnu utile ; je dis que le gouvernement
peut le faire sans que l’article 103 ou l’art. 36 de la constitution soit
aucunement violé.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai interrompu
l’honorable préopinant, et je prends la parole pour confirmer les faits qu’il
vous a cités. La discussion de la loi sur la réparation des pertes causées par
les événements de la révolution, cette discussion a eu lieu, vous vous le
rappelez, en comité général. Le dernier article de cette loi ouvre un crédit de
50,000 francs au ministère de l’intérieur pour les frais de la commission de
liquidation. L’ouverture de ce crédit n’a pas été contestée en principe ;
l’indemnité accordée aux membres de la commission n’a donné lieu à aucune
observation ; seulement un membre de la chambre aurait voulu qu’on insérât dans
la loi que l’indemnité ne pourrait, en aucun cas, excéder 5,000 francs, frais
de voyage, de déplacement et vacations réunis. J’ai déclaré que cette insertion
était inutile, qu’il n’entrait pas dans les intentions du gouvernement
d’accorder une indemnité plus forte et que même une indemnité aussi forte ne
serait accordée qu’au président et au commissaire du gouvernement. C’est en
effet ce qui a eu lieu ; les autres membres de la commission ont une indemnité
inférieure à cette somme de 5,000 francs. Voilà, messieurs, la seule
observation à laquelle l’ouverture du crédit ait donné lieu. La nécessité d’une
indemnité n’a point été contestée. Il y a plus, messieurs, j’ai eu aussi
l’occasion de déclarer à plusieurs reprises que des membres de la chambre
seraient nécessairement nommé membres de cette commission, que le huis-clos le
nécessitait même, puisqu’il importait que les discussions fussent connues par
un ou deux membres de la commission. Vous voyez donc, messieurs, qu’on a même
été fixé sur ce deuxième point, la nomination de un ou de plusieurs membres de
la chambre. En effet, messieurs, le commissaire du roi a été choisi dans la
chambre en pleine session, et aucune réclamation ne s’est élevée à cet égard.
Un membre. - L’occasion ne s’en est pas
présentée.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - L’occasion, vous pouviez la
saisir ; la voie des interpellations est toujours ouverte. La loi est du 1er
mai 1842 ; le commissaire du Roi a été nommé, si ma mémoire est bonne, au mois
de juin suivant, en pleine session, la session n’a été close que le 24
septembre. Le commissaire du Roi a donc cumulé les deux indemnités, et personne
n’a demandé qu’il fût soumis à une réélection. Le président, qui est un
sénateur, et les autres membres de la commission, ont été nommés en janvier
1843, également en pleine session, et aucune observation n’a été faite ni dans
l’une, ni dans l’autre chambre ; aucune observation n’a été faite, d’abord au
sujet de la réélection, aucune observation n’a été faite au sujet de
l’indemnité. Cependant, ce sont là des faits de notoriété publique. Comment se
fait-il qu’on ait gardé le silence à cette époque et qu’aujourd’hui on élève
des réclamations ?
Je crois, messieurs, que ces
questions dépendent absolument des circonstances. Il faut demander si de
véritables abus ont été commis. Selon moi, il n’y a pas eu d’abus, on ne peut
citer un fait qui puisse établir un abus ; si le gouvernement dans l’une et
l’autre circonstance a choisi des membres dans les deux chambres et dans la
magistrature, c’est qu’il regardait ces choix comme plus propres à remplir la
mission qu’il entendait confier à ces commissions, remarquez d’ailleurs que le
gouvernement s’est bien gardé de composer exclusivement une commission de
membres de la chambre ; il a eu soin d’y faire entrer aussi des membres
étrangers aux chambres. Si le gouvernement avait affecté de ne prendre que des
membres de la chambre, on aurait pu lui supposer certaines intentions, mais
ici, s’il a choisi dans l’un et l’autre cas des membres des chambres, c’est
parce qu’il considère ces choix comme offrant toutes les garanties de capacité.
Je pourrais, messieurs, rappeler bien d’autres faits qui ont été posés non
seulement depuis 1842, mais depuis 1830. Le principe, selon moi, n’est donc pas
contestable ; évidemment le gouvernement peut choisir des membres de la
chambre, sans qu’il y ait lieu à réélection, et les membres choisis peuvent
cumuler les deux indemnités.
M. Fleussu. - Je me félicite, messieurs, de ce que cette discussion a été soulevée.
Je crois qu’elle portera ses fruits, et je n’ai qu’un regret, c’est qu’elle ne
se soit pas fait jour plus tôt.
Si l’on en croit M. le ministre de l’intérieur, il
semblerait que ces nominations de membres de la chambre comme membres de
certaines commissions n’auraient jusqu’à présent produit aucun abus. Cependant,
messieurs, remarquez-le bien, une grande quantité des membres de la chambre ont
fait partie de plusieurs commissions et ont reçu, de ce chef, des indemnités.
Ces nominations, je les considère comme un abus, parce que je les crois
contraires non seulement à l’esprit mais même à la lettre de la constitution.
La constitution, messieurs, a voulu que les membre de la chambre fussent
entièrement indépendants du pouvoir ; elle a voulu que, lorsqu’un membre de la
chambre recevait une faveur du pouvoir, ce membre fût soumis à une réélection,
c’est-à-dire qu’il fît un appel aux électeurs pour savoir s’il méritait, à
leurs yeux, la continuation de leur confiance.
Maintenant, messieurs, si vous déguisez les mots et
si vous laissez les choses, est-ce que le motif de la loi ne sera pas le même ?
Pour échapper à la défense constitutionnelle, on a abusé même des termes de la
loi ; elle ne se sert pas du mot traitement ; elle dit un emploi salarié ; elle
n’exige pas que ce soit un emploi permanent ; il suffit que l’on soit employé
par le gouvernement et que, de ce chef, on reçoive un traitement quelconque ;
être employé par le gouvernement et recevoir, de ce chef, un salaire
quelconque. Voilà les seules conditions voulues pour tomber dans la prohibition
consacrée par la constitution. Eh bien, je le demande, est-ce parce que la
commission doit expirer au bout d’un certain temps, au bout de 2 ou 3 ans, que
la nomination ne sera plus une faveur de la part du pouvoir ? Quand je me sers
du mot faveur, je le fais à dessein, car voyez sur quels bancs on a pris les
membres de toutes ces commissions ; alors vous verrez si c’est ou non une
faveur.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Et le commissaire du Roi ?
M. Fleussu. - C’est la seule exception et encore il ne vous avait pas déclaré la
guerre à cette époque, vous aurez peut-être considéré comme une ingratitude le
discours qu’il a prononcé après que vous lui aviez donné cette marque de
bienveillance.
Je dis donc, messieurs, que ce sont de véritables
faveurs, et ces faveurs sont attentatoires à la dignité des membres de la
représentation nationale. On en convient même en quelque sorte, les honorables
MM. de Garcia et de Theux sont de mon avis, en ce qui concerne le temps de la
session. Lorsque des membres du parlement font partie d’une commission et
rendent des services pendant la session, ces membres ne devraient pas, dans
l’opinion de MM. de Garcia et de Theux, avoir droit à une indemnité. Mais,
messieurs, c’est là une distinction que ne fait pas la constitution ; la
constitution ne parle pas des services que l’on peut rendre pendant la session
et de ceux que l’on peut rendre en dehors de la session .Si vous êtes appelés
en dehors de la session à faire partie d’une commission et que, de ce chef,
vous touchiez un traitement, la défense constitutionnelle ne vous atteint pas
moins ; la seule différence que je puisse entrevoir, c’est que si les services
rendus en dehors de la session ont occasionné quelques dépenses, il est juste
qu’elles soient remboursées ; mais les services en eux-mêmes ne doivent pas
être rétribués, et si vous touchez en outre un traitement, soit comme
fonctionnaire public, soit comme magistrat, est-il étonnant alors que l’on voie
ces traitements se gonfler jusqu’à une somme parfois supérieure aux traitements
des ministres ?
Or, je vous le demande, messieurs, l’opinion
publique ne peut-elle pas considérer ces moyens comme des moyens corrupteurs ? et n’est-il pas de la dignité de la chambre de faire cesser
un pareil état de choses ?
Messieurs, ne l’oublions pas, l’intérêt privé est le
levier le plus puissant à l’aide duquel on peut agir sur les consciences des
hommes. Eh bien, si vous employez ce levier d’une manière indirecte, si vous
déguisez le traitement sous la dénomination d’indemnité, je vous demande si
vous ne tombez pas dans les termes, et à coup sûr dans l’esprit de la
disposition constitutionnelle.
L’honorable M. de Theux nous disait tout à l’heure :
« Le gouvernement, dans l’intervalle des sessions, ne pourrait donc pas
nommer membre d’une commission un magistrat qui serait en même temps membre de
cette chambre et qui habiterait la province ; il faudrait donc renoncer à faire
un appel aux lumières de ce magistrat. »
Oui, messieurs, il faudrait y renoncer, parce que la
constitution nous en fait un devoir ; la constitution dit formellement qu’aucun
juge ne peut accepter du gouvernement des fonctions salariées, à moins qu’il ne
les exerce gratuitement. Cette disposition est bien claire. Lisez l’art. 103 de
notre pacte fondamental, et voyez si le doute est possible.
On a objecté que dans ce système on ne pourrait pas
appeler au jury d’examen, par exemple, des membres de la magistrature. Jusqu’à
présent, vous l’avez pu, parce que c’est de vous et non du gouvernement que
sont émanées de semblables nominations ; mais le gouvernement le pouvait-il ? c’est ce que je ne crois pas. Le magistrat, dans ce cas, ne
pourrait avoir droit qu’aux frais de déplacement.
Une voix. - Il l’a fait.
M. Fleussu. - S’il l’a fait, il a tranché la question, car je ne puis que regretter
pour ma part que cette question n’ait pas été soulevée plus tôt. Je ne puis pas
m’empêcher de voir dans de semblables faits une violation de la constitution.
Elle n’a pas défendu à l’homme qui est entré dans la magistrature de rendre au
gouvernement des services extraordinaires en dehors de ses occupations de
magistrat, mais elle a voulu que ces services extraordinaires fussent gratuits,
et cependant nous avons vu plus d’un magistrat recevoir indirectement du gouvernement
des sommes considérables à des titres différents. Je dis qu’agir de la sorte,
c’est, pour les magistrats et pour les membres de la chambre, se mettre à côté
de la prescription de la loi.
Messieurs, il est à regretter qu’une foule d’autres
travaux essentiels ne nous aient pas permis de satisfaire à toutes les
prescriptions de la constitution, L’art. 139 de notre pacte fondamental
recommande, entre autres choses, à la législature, de prendre des mesures
propres à prévenir les abus du cumul. Jusqu’ici nous n’avons rien fait à cet
égard.
Que ce soit un traitement ou une
indemnité, peu importe : un point auquel nous devons veiller, c’est que
l’argent du trésor ne vienne pas, à divers titres, se confondre dans les mêmes
mains. Il est temps une bonne fois qu’on mette fin des abus véritables. La
première fois qu’un membre de la chambre sera nommé membre d’une commission
quelconque, avec jouissance d’une indemnité qui équivaudrait à un traitement ou
(Erratum Moniteur belge n°67, du 7 mars
1844 :) à la rémunération d’un travail, car le salaire est évidemment
le prix du travail, je soulèverai la question de savoir s’il ne doit pas être
soumis à réélection.
M. Osy. - Messieurs, l’honorable ministre de l’intérieur nous demande pourquoi
nous avons gardé le silence jusque aujourd’hui, et pourquoi nous soulevons
actuellement la question. Je répondrai à l’honorable ministre que lorsque la
commission de liquidation a été nommée, le Moniteur
s’est borné à faire connaître les noms, sans indiquer qu’un traitement ou une
indemnité fût attachée à ces fonctions. Ce n’était donc pas alors que nous
devions parler de cet objet. Aujourd’hui, pour la première fois, on nous
demande un crédit pour liquider l’indemnité allouée aux membres de la
commission. J’ai donc cru pouvoir, en cette occasion, soulever la question, et
je pense avoir bien fait en la soulevant ; car il est à espérer qu’après la
discussion qui vient d’avoir lieu, si la question ne doit pas être résolue
aujourd’hui par un chiffre, les abus dont nous nous plaignons ne se
reproduiront plus à l’avenir.
L’honorable M. Malou a dit que cela s’est toujours
fait précédemment.
Il n’en est rien, messieurs. Au
commencement de la révolution lorsque le congrès nommait des commissions ou des
personnes pour remplir des missions à l’étranger, jamais aucune de ces
personnes n’a songé à réclamer une indemnité. En 1831, lorsque j’ai été chargé
d’aller à Londres et à Paris pour conclure un emprunt avec la maison
Rothschild, j’ai remis au gouvernement, à mon retour, l’état de mes déboursés
de voyage et je n’ai pas demandé d’indemnité. Au mois de juin 1831, j’ai fait
partie de la commission de 12 membres, qui est allée offrir la couronne à S. M.
Nous sommes restés plus de 30 jours à Londres, et lorsque nous sommes rentrés
en Belgique, M. Coghen, qui était ministre des finances à cette époque, nous a
fait rembourser ce que nous avions dépensé, mais nous n’avons pas demandé
d’indemnité. Nous sommes bien loin de ces temps-là ! Aujourd’hui, non seulement
on exige le remboursement des frais, mais on demande des indemnités de 40 et
même de 60 francs.
M. de Theux. - Messieurs, malgré ce que viennent de dire les honorables préopinants,
il m’est impossible de partager leur opinion. Je ferai cette remarque ; c’est
qu’il paraît étrange que c’est aujourd’hui qu’on prétend donner pour la
première fois une signification plus étendue à l’article de la constitution
qu’on a invoqué. Alors que nous étions plus rapprochés de l’époque à laquelle a
été faite la constitution, on était censé la mieux connaître, la mieux
comprendre, parce que dans les deux chambres, il y avait encore un très grand
nombre de membres du congrès. Eh bien, jamais, à cette époque, une semblable
discussion n’a été soulevée.
Messieurs, il y a une distinction importante à faire
: il faut se mettre d’accord sur la signification des mots emploi salarié. Lorsque la constitution se sert de ces mots, elle
n’entend parler que d’emplois déterminés par les règlements d’administration
générale ; mais jamais on a n’a considéré comme un emploi salarié une mission
purement temporaire.
Mais, messieurs, si les opinions qu’on vient
d’émettre, étaient fondées, ce serait l’accusation la plus grave, non seulement
contre un grand nombre de membres des chambres qui ont fait partie de certaines
commissions, moyennant indemnité, mais encore contre les deux chambres
elles-mêmes qui n’auraient pas provoqué à la réélection de ceux de leurs
membres qui avaient touche une semblable indemnité.
Eh bien, je dis qu’une doctrine de ce genre ne
pourrait être admise aujourd’hui, à moins qu’elle ne fût appuyée sur des
raisons tout à fait solides qui eussent été inconnues au parlement à cette
époque. Mais, loin de là : voyez, messieurs, ou en fait, conduirait le système
de nos honorables contradicteurs.
Les membres de cette chambre qui ont bien voulu se
charger d’une mission à Londres, pendant la négociation relative à la dette,
n’auraient donc pas dû recevoir d’indemnité pour cette mission ? Et ici je dois
encore confirmer la distinction que j’avais établie ; si ces membres touchaient
une indemnité, à raison de la mission qu’ils remplissaient à Londres, ils ne
touchaient aucune indemnité, en qualité de membre de la commission des
finances, instituée pour examiner toutes les questions financières relatives au
traité. Mais lorsque le gouvernement a fait un appel au dévouement de ces
personnes et lorsqu’elles ont bien voulu accepter la mission d’aller à Londres,
elles ont dû nécessairement toucher une indemnité.
Il en est de même de la commission de liquidation
d’Utrecht.
Vous voyez, messieurs, que cette question, qui, du
reste, m’est personnellement indifférente, met en cause la plupart des membres
les plus distingués de cette chambre. S’il y avait eu une atteinte portée à la
convention, la chambre eût-elle gardé le silence ?
L’honorable M. Fleussu dit : A la première occasion,
je soulèverai la question de réélections ; je répondrai à l’honorable membre
que, s’il est persuadé que la constitution serait violée par l’allocation d’une
indemnité dans l’avenir, elle l’est dès maintenant, c’est dès aujourd’hui qu’il
doit provoquer la réélection des membres de la chambre qui ont accepté une
indemnité ; je dirai même que ces membres auraient beau y renoncer maintenant,
la déchéance serait encourue, par le fait seul qu’une indemnité quelconque
aurait été touchée.
On a parlé de cumul. Mais la constitution n’a eu en
vue que le cumul de deux traitements pour deux emplois différents. L’on sait
qu’en Belgique, sous le gouvernement des Pays-Bas, comme encore d’autres pays,
il a existe un abus à cet égard ; que les mêmes personnes remplissant des
fonctions différentes, pouvaient de ces divers chefs cumuler plusieurs
traitements. Mais dans le cas dont nous nous occupons, la constitution n’a pas
été violée, la constitution ne s’est occupée, en aucune manière, des indemnités
qu’on peut accorder pour des travaux extraordinaire temporaires.
Un honorable député dit que le gouvernement appelle
de préférence dans les commissions les membres de la majorité de la chambre.
Mais les souvenirs de l’honorable membre ne sont pas entièrement exacts ; il y
a des membres de la minorité qui, à diverses reprises, ont été appelés à faire
partie de commissions, ou à remplir des missions temporaires. Mais il est bien
naturel que le gouvernement ne fasse pas un appel à des membres qui ne veulent
en aucune manière lui prêter le concours de leurs lumières ; ce serait là, de
la part du gouvernement une démarche qui, peut-être, pourrait être considérée
comme blessante à l’égard de certains membres. Mais ici, il n’y a pas
d’exclusion et les faits sont là pour prouver que beaucoup de membres de la
minorité ont été appelés à remplir des missions et ont répondu à l’appel du
gouvernement.
Je n’entends parler que des membres qui seraient
bien déterminés à refuser en toute circonstance leur concours au gouvernement.
Je n’ai aucun motif personnel pour soutenir la
doctrine que je défends, si ce n’est celui de l’intérêt bien entendu du pays.
Plus mes souvenirs se reportent sur les faits qui se sont passés depuis un
certain nombre d’années, plus je suis convaincu du préjudice qui serait résulté
et pourrait résulter pour le pays, si l’opinion contraire avait été admise.
Le projet de créer un conseil
d’Etat formulé par le sénat a rencontré beaucoup d’opposition dans cette
enceinte. Eh bien, cette création deviendrait d’une nécessité absolue si le
système que nous combattons venait à triompher, et même malgré l’existence d’un
Conseil d’Etat, le gouvernement, dans l’intérêt du pays, serait souvent dans la
nécessite de faire appel aux lumières des membres des chambres ou de la
magistrature
On ne s’est pas écarté de la constitution, ses
dispositions sont précises ; observons-les, mais n’y ajoutons pas plus que nous
ne pouvons en retrancher.
M. de Garcia. - Toute la question qui nous occupe se résume en un seul point, c’est de
savoir ce qui constitue une indemnité et ce qui constitue un traitement. Il ne
faut pas qu’on puisse jouer avec ces mots, il ne faut pas qu’on puisse donner
le non d’indemnité à un traitement et le nom le traitement à une indemnité.
Dans ce dernier cas, cela ne donnerait pas lieu à grand danger, mais il y
aurait un grave inconvénient ce qu’on pût qualifier d’indemnités ce qui ne
forme que des traitements. J’ai expliqué la différence qu’il y avait, selon
moi, entre un traitement et une indemnité. L’indemnité suppose un déplacement
temporaire ; mais quand vous faites résulter l’indemnité de fonctions
régulières, sans déplacement, vous faites abus du mot ; alors c’est un
véritable traitement.
Je conçois que l’indemnité soit donnée à un membre
de la chambre ou de la magistrature qui reçoit une mission et se déplace, mais
je ne conçois pas que le magistrat ou le membre de la chambre qui ne se déplace
pas reçoive une indemnité, et comme membre de la chambre et comme commissaire.
La question est là. L’honorable M. de Theux dit qu’il y aurait un grave
préjudice pour le pays à adopter cette doctrine. Pour moi je n’en vois aucun.
En adoptant le principe, tel que je l’ai indiqué, rien ne s’oppose à ce que
l’on envoie à Paris, à Londres ou partout ailleurs un membre de la chambre ou
de la magistrature en lui donnant une indemnité. Tout ce que j’exige, c’est
qu’il faut qu’il y ait déplacement pour pouvoir lui donner ce nom, alors je ne
vois aucune violation de la constitution, mais j’en verrais une si on donnait,
sous le nom d’indemnité, les salaires qui, au fond, ne sont que de véritables
traitements. Si l’on confond ces choses, il n’y a pas de raison pour ne pas
transformer tous les traitements en indemnités.
L’honorable M. Fleussu a combattu ma manière de
voir, en disant que, pendant la session et en dehors de la session, on ne
pouvait, à aucun titre, accorder d’indemnité à un magistrat ou un membre de la
chambre. L’honorable membre, ici, me semble sortir de la saine interprétation
de la constitution. Dès qu’il y a déplacement de la part d’un membre de la
législature ou d’un membre de la magistrature pour faire un travail ou pour
remplir une mission temporaire, il peut y avoir lieu à indemnité. A mes yeux il
est donc de la dernière évidence que le salaire accordé ne peut être envisagé
comme un traitement, mais bien comme le salaire que reçoivent les membres de la
législature étrangers à la capitale, en un mot comme une indemnité.
L’honorable M. Malou a dit qu’il aurait traité une
question de principe et qu’à côte de la question de principe, il y avait une
question de fait.
Quant à la question de principe,
nous sommes d’accord, mais quant à la question de fait, je ne puis partager
l’opinion de mon honorable collègue : il prétend que ce n’est pas à la chambre
à décider la question de fait. Ce serait donc au gouvernement seul qu’il
appartiendrait de dire si ce salaire accordé constitue un traitement ou une
indemnité ? Admettre cette doctrine serait mettre aux mains du gouvernement la
faculté de renverser nos principes constitutionnels les plus précieux. Ce
serait abandonner notre principale mission, la garde de la constitution.
Suffira-t-il que le gouvernement qualifie nos traitements du nom d’indemnité,
pour que le membre de la législature qui la reçoit ne soit pas soumis à la
réélection ?
Si vous sacrifiez au gouvernement seul ce soin, il
est évident que vous vous soumettez au régime du bon plaisir.
M. Delfosse. - Je dois une courte réponse aux honorables MM. le ministre de
l’intérieur, Malou et de Theux ; M. le ministre de l’intérieur a invoqué ce qui
s’est passé dans la discussion de la loi des indemnités. Il a dit que c’était
par suite d’une proposition que j’avais faite que la discussion à laquelle il a
fait allusion avait eu lieu. Il y a quelque chose de vrai dans l’énonciation de
M. le ministre de l’intérieur. Il demandait une somme assez forte pour les
indemnités à payer aux membres qui devaient faire partie de la commission de
liquidation. J’ai demandé la parole dans cette circonstance, parce que je
trouvais que la somme était trop forte. Je me suis récrié contre l’élévation du
chiffre, j’ai demandé qu’il fût réduit, j’ai demandé la parole, comme cela
m’arrive souvent pour motiver une économie, pour proposer de réduire une
dépense que M. le ministre voulait faire. Mais quand j’ai demandé que le
chiffre fût réduit, je ne pouvais pas savoir que des membres de la chambre
feraient partie de la commission de liquidation et viendraient prendre une part
dans l’allocation demandée que je consentais à voter, mais à condition qu’elle
serait considérablement réduite. On me dit : Mais lorsque des membres de la
chambre ont été nommés, vous n’avez pas réclamé, vous n’avez pas soulevé la
discussion qu’on soulève aujourd’hui. Nous avons vu par le Moniteur que plusieurs de nos collègues étaient nommés membres de
la commission de liquidation, mais nous ne savions pas s’ils recevaient une
indemnité. Nous savions qu’une indemnité globale avait été allouée pour tous
les membres de la commission, mais nous ignorions que ceux de nos collègues qui
étaient appelés à en faire partie consentiraient à recevoir une indemnité.
L’honorable M. de Theux a dit que des faits
semblables se sont passés à diverses époques, qu’il est arrivé bien des fois
que des membres de la chambre fissent partie de commissions, et touchassent, de
ce chef, des indemnités, et il a demandé pourquoi nous n’avons pas réclamé alors.
La mémoire de l’honorable membre n’est pas fidèle. Il y a plus de quatre ans
que je me suis plaint de l’abus qu’on faisait de ces nominations de membres de
commissions. Je l’ai signalé dans une discussion à peu près semblable à
celle-ci. Vous voyez que l’honorable membre a eu tort d’argumenter de notre
silence, il n’y a pas eu tolérance de notre part.
Je dois aussi un mot de réponse à
l’honorable M. Malou. Je suis fâché de devoir revenir sur les faits qui le
concernent ; mais l’honorable membre ayant répondu à ce que j ai dit par une
espèce de dénégation, je dois prouver que ce n’est pas à la légère que j’ai
avancé les faits dont j’ai parlé. L’honorable membre, je l’en ai loué, a donné
un exemple de désintéressement, il a renoncé à l’indemnité assez forte que le
gouvernement se proposait de lui allouer. L’honorable M. Rogier me fait
observer que l’honorable M. Malou a donne un autre exemple de désintéressement.
Je ne sais pas quels sont les motifs qui l’ont dirigé, je ne suis pas appeler à
juger les motifs qui ont fait agir cet honorable membre, je ne connais pas
assez sa position pour apprécier le fait dans ce moment, je m’abstiens, je ne
porte pas de jugement, je me borne à dire qu’il a donné un exempte de
désintéressement et qu’il a bien fait de renoncer à l’indemnité que le
gouvernement se proposait de lui allouer, mais je renouvelle le regret que cet
exemple de désintéressement n’ait été donné qu’après la discussion. J’ai
exprimé un autre regret, c’est que l’honorable membre ait touché dans d’autres circonstances
des indemnités. Il a paru dénier le fait. Cependant, je ne l’ai pas avancé
légèrement, car j’en avais la preuve, et cette preuve je l’ai puisée dans les
écritures de la cour des comptes.
M. Malou. -
Messieurs, je ne m’attendais ni aux félicitations, ni aux reproches de
l’honorable préopinant. Je n’accepte ni les unes, ni les autres. Je crois
n’avoir fait que mon devoir ; dans toutes les circonstances où je me suis
trouvé, je me suis toujours attaché à le remplir, sans reconnaître d’autre juge
en matière de désintéressement que moi-même. J’ai expliqué tantôt les motifs de
délicatesse qui m’avaient empêché de faire aucune déclaration avant la première
discussion qui a eu lieu à ce sujet ; je n’y reviendrai pas, chacun de vous les
appréciera ; je me soumets, à cet égard, au jugement de mes collègues, aussi
bien qu’à celui de mes commettants.
J’ai dénié le fait d’avoir fait partie d’aucune
commission au travail de laquelle fût attachée une indemnité ; je maintiens
cette dénégation.
J’ai eu l’honneur, messieurs, de faire partie de
beaucoup de commissions gratuites ; je me suis toujours attaché à m’y rendre
aussi utile que possible. J’ai été délégué, comme fonctionnaire au ministère de
la justice, auprès de la commission centrale de statistique. Je pense que c’est
à ce fait que l’honorable M. Delfosse a fait allusion. Eh bien ! je regrette de n’avoir pas dit ce qui s’était passé pour la
commission centrale de statistique.
Cette commission, si mes
souvenirs sont fidèles, a été instituée en 1841. On a décidé que chaque membre
recevrait un jeton de présence de 6 fr. par séance. Cette peccadille, si c’en
est une, ne m’était pas revenue tantôt à l’esprit. Elle est tellement légère
que, pour un semestre, je crois, le produit de la susdite indemnité a été de 48
fr. Je déclare que si ce fait m’était revenu en mémoire tout à l’heure, je
l’aurais fait connaître ; c’est par suite de l’insistance de l’honorable membre
que je me le suis rappelé.
Messieurs, je l’ai déjà dit, je crois n’avoir à rougir
de rien dans mon passé. (Non ! non !)
Et je m’attacherai par tous mes actes à ce qu’il en soit de même à l’avenir.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je suis coupable d’un fait du
même genre que celui qui est reproché à l’honorable M. Malou ; lorsque je vais
à l’Académie de Bruxelles, je reçois également un jeton qui vaut 6 fr. (On rit.)
Ce n’est pas la première fois, dit l’honorable M.
Delfosse, que cette discussion est soulevée dans cette chambre. Ce n’est pas non
plus pour la première fois que je soutiens l’opinion que j’ai défendue tout à
l’heure et que je continuerai à soutenir, quelle que puisse être ma position
dans cette chambre.
J’ai dit, et je répète qu’il ne s’agit pas ici d’une
question de principe. Selon moi ce n’est pas sérieusement que l’on peut
soulever, en cette circonstance, une question de principe. Il pourrait se
présenter des faits graves, de nature à forcer la chambre à examiner des
nominations, qui auraient été faites par le gouvernement, de membres de cette
chambre comme membres de commissions. Mais il faudrait que l’on pût signaler
ces faits graves, exceptionnels, et c’est ce qu’on n’a pas fait et ce qu’on ne
pourra pas faire. Si, par exemple, le gouvernement affectait de composer les
commissions exclusivement de membres pris dans les deux chambres, ou bien si le
gouvernement affectait de nommer le même membre de la chambre dans plusieurs
commissions et d’accumuler ainsi sur sa tête un grand nombre d’indemnités.
Un membre. - C’est ce qu’il a fait.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Est-ce qu’on a nommé le même
membre dans plusieurs commissions ?
M. Fleussu. - Oui.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - C’est inexact. Il y a tel
membre qui touchait une indemnité comme membre de cette chambre et qui était
chargé d’une mission à l’étranger ou dans le pays, mais il n’était pas nommé
par le gouvernement membre de plusieurs commissions.
Du reste, messieurs, si des faits graves existent,
on aurait dû saisir la chambre de la question, mais de la question spéciale,
sans soulever une question de principe, qui, selon moi, n’est pas soutenable.
J’exprimerai, messieurs, de nouveau mon étonnement
de ce qu’on a gardé, sur la question de principe, le silence le plus absolu,
lorsqu’il s’est agi de la loi sur les indemnités. Et cependant, messieurs,
comme il y avait huis-clos, on pouvait même discuter avec une plus entière
liberté sur ces sortes de questions fort délicates. Peut-être a-t-on gardé le
silence précisément parce qu’il y avait huis-clos. (On rit.)
Dans cette circonstance, messieurs, on n’a pas mis
en doute le principe qu’il y aurait une indemnité allouée aux membres de la
commission de liquidation. On n’a pas mis en doute non plus, et j’ai eu soit de
détromper tout le monde sur ce point, que des membres de la chambre seraient
nommés pour en faire partie.
Une seule observation a été faite par l’honorable M.
Delfosse, et il a très bien fait de nous la soumettre, c’est que l’indemnité ne
devait pas être exagérée. Je l’ai rassuré et j’ai tenu l’engagement que j’avais
pris alors.
Je dis, messieurs, que ce serait une chose très
grave que de poser en principe que le gouvernement ne pût pas nommer des
commissions en y plaçant des membres, soit de la magistrature, soit de la
chambre. Je dis que poser ce principe, ce serait compromettre très souvent le
service public, et mettre le gouvernement dans l’impossibilité de recourir à
ceux qui ne sont pas les seuls capables sans doute de remplir ces sortes de
missions, mais qui, très souvent, mêlés à d’autres, sont très capables de les
remplir. Je n’ai pas voulu donner, ni à la magistrature, ni à la chambre dont
je fais partie, un brevet de capacité sur tous les autres citoyens belges ;
mais j’ai dit que très souvent le gouvernement fait bien et très bien de mettre
dans ces commissions des hommes qui font partie, soit de
la magistrature, soit de la chambre, parce qu’il trouve parmi eux des hommes
capables, les hommes qui sont le plus à même, non seulement de résoudre les
questions qu’il leur soumet, mais encore de leur donner la sanction, l’autorité
morale qu’elles doivent avoir. C’est, entre autres, ce que le gouvernement a eu
en vue en mettant, dans la commission de liquidation, des magistrats, des
hommes habitués à traiter des questions de ce genre et dont les décisions sont
de nature à emporter cette autorité morale qu’elles doivent avoir aux yeux du
pays.
Je ne puis assez insister à cet égard. Il y a ici un
point de vue gouvernemental, en ce sens que ce serait nuire à un intérêt public
que de dire au gouvernement : Vous ne choisirez pas, pour composer des
commissions, des membres de la chambre ou de la magistrature sans mettre les
premiers dans l’obligation de se soumettre à la réélection, et les seconds dans
l’obligation de refuser toute indemnité.
M. Verhaegen. - Messieurs, nous offrons, dans
ce moment, au pays, un bien triste spectacle. Des questions d’intérêt
personnel, de loyauté et de délicatesse viennent de surgir au sein de la
représentation nationale ; dès lors je crois de mon devoir de prendre part à la
discussion.
Messieurs, on a voulu écarter la question de
principes par une fin de non-recevoir ; on a invoqué l’autorité des précédents,
le long silence que la législature a gardé sur ce que tout le monde appelle
aujourd’hui un abus. Mais ce moyen n’est pas sérieux ; contre des violations de
la constitution il ne peut pas y avoir de prescription. L’autorité des
précédents peut être utile à un ministère pour demander un bill d’indemnité ;
jamais elle ne peut être invoquée pour justifier une violation flagrante du
pacte fondamental ; on ne justifie pas un abus par un abus.
Quel revirement s’est donc opéré depuis la séance
d’hier ? Hier, je faisais des observations à peu près analogues à celles que
viennent de vous présenter mes honorables amis, et ces observations semblaient
appuyées sur tous les bancs de cette chambre ; aujourd’hui c’est tout autre
chose. Mais, je suis obligé de le dire, il me semble que l’on est bien plus
rigoureux pour les autres qu’on ne l’est pour soi-même, Nous nous occupions,
dans la dernière séance, des fonctionnaires publics en général ; nous nous
occupons en ce moment de certains membres qui siègent parmi nous. Pourquoi donc
les principes d’hier ne seraient plus les principes d’aujourd’hui ?
Il faut en finir avec toutes ces indemnités qui, en
définitive, ne sont que des traitements déguisés. Il faut que les abus que nous
avons signalés cessent pour les membres de la représentation nationale comme
pour les fonctionnaires. Il faut de la justice pour tout le monde ; il faut
être sévère et scrupuleux pour soi, lorsqu’on veut être scrupuleux et sévère
pour d’autres.
Le texte et l’esprit de la constitution se
réunissent pour démontrer qu’un membre de la représentation nationale ne peut
accepter du gouvernement aucune indemnité pour un travail quelconque sans se
soumettre à réélection. L’art. 36, qu’on ne s’y trompe point, ne parle pas de
fonctions ; il se sert d’un terme générique, du mot emploi. « Le membre de l’une ou de l’autre chambre, dit l’art.
36 de la constitution, nommé par le gouvernement à un emploi salarié qu’il
accepte, cesse immédiatement de siéger et ne reprend ses fonctions qu’en vertu
d’une nouvelle élection. »
Messieurs, n’équivoquons pas : quiconque se charge
d’une besogne, qu’elle soit momentanée ou permanente, accepte un emploi, et
lorsqu’à celui qui accepte un emploi on donne un traitement ou une indemnité,
ce qui est la même chose, on en fait un employé salarié. Ce serait faire
violence aux termes que de soutenir le contraire.
Et maintenant, puisque nous sommes obligés de dire
toute notre pensée, le membre de la représentation nationale qui accepte un
emploi quelconque du gouvernement, pour lequel le gouvernement le paye, est-il
moins un employé salarié que ne le serait un individu ordinaire n’appartenant
ni à l’une ni à l’autre des deux chambres ?
Si la constitution se servait du mot fonctions, alors seulement nous aurions à
examiner si les fonctions temporaires ne doivent pas être mises sur la même
ligne que les fonctions permanentes ; mais cette question ne se présente pas
même ici ; car, comme on vous l’a dit, la constitution se sert du mot emploi, et même une fois, celui qui
consent à employer tout ou partie de son temps moyennant une rétribution
pécuniaire, est un employé salarié.
Je n’ai pas à répondre, messieurs, aux exemples qui
vous ont été cités par les honorables MM. Nothomb et Malou ; ils vous l’ont dit
eux-mêmes, ce ne sont là que des peccadilles. Certes, l’académie n’a rien à
faire dans cette discussion, seulement elle a fourni à l’honorable M. Nothomb
l’occasion de nous dire qu’il en fait partie.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Vous le saviez.
M. Verhaegen. - Ces exemples cités ne peuvent
rien faire à la question.
Messieurs, il est des membres de cette assemblée, je
n’ai pas besoin de les nommer, qui ont eu des missions en même temps qu’ils
faisaient partie de deux commissions et qui touchaient de ce chef des
indemnités considérables !
Ces abus doivent-ils continuer à l’édification du
pays et de nos voisins ? Est-il permis à ceux qui prennent part à la curée de
justifier le présent par le passé ?
Messieurs, on a parlé de la discussion de la loi des
indemnités, discussion qui a eu lieu à huis clos. Mais si ma mémoire m’est
fidèle, je me suis opposé aux articles concernant la composition de la
commission et surtout à l’allocation d’un traitement sous quelque dénomination
qu’on voulût le déguiser ; si la majorité n’a pas accueilli mes observations,
ce n’est pas ma faute et surtout ce n’est pas une raison pour prétendre que je
ne défendais pas la bonne cause comme je la défends encore aujourd’hui.
L’honorable M. de Theux nous a révélé, il n’y a
qu’un instant, un fait de la plus haute importance, et dont je m’empresse de
prendre acte : un de mes amis ayant fait remarquer que le ministère choisissait
toujours les membres des commissions dans la majorité, et distribuait ainsi ses
faveurs à quelques privilégiés, M. de Theux lui a répondu que c’était tout
simple ; qu’il y aurait absurdité de s’adresser à une minorité qui
n’accepterait aucuns faveur d’un ministère qu’elle combat.
M. de Theux. - Je n’ai pas énoncé ce principe d’une manière aussi large. Je demande la
parole pour un fait personnel.
M. Verhaegen. - Soit, mais ce que je viens de
dire résulte des termes dont vous vous êtes servi.
L’aveu, permettez-moi de le dire, est précieux ; il
prouve que les nominations auxquelles j’ai fait allusion sont des nominations
politiques.
« Le ministère, dit-on, ne choisit pas dans la
minorité, parce que la minorité n’accepterait pas d’un ministère qu’elle
combat… » C’est là du puritanisme que, pour mon compte, je voudrais voir
traduire en axiome ; mais malheureusement, dans le siècle où nous vivons, la
corruption est toujours active, les hommes se laissent quelquefois entraîner
par l’appât de l’or, ou des honneurs ; combien de défection les minorités
n’ont-elles pas eu à déplorer depuis quelques années ? Pourquoi laisser au
gouvernement les moyens de fausser la représentation nationale alors que l’art.
36 de la constitution les a proscrits.
M. de Theux. - Et c’est ce qui n’est pas arrivé.
M. Verhaegen. - L’honorable M. de Theux
regrette, je le conçois, d’avoir dit ce qui est vrai, et aura beau expliquer
son idée, elle est trop explicite pour qu’il puisse y donner une autre
signification, toute la chambre l’a comprise comme moi.
Messieurs, on vous a parlé de deux commissions :
celle instituée pour la liquidation de la dette, celle pour les indemnités.
La commission pour les indemnités est chargée
d’examiner les droits des personnes qui ont été victimes des désastres de la
révolution, mais qui, d’après la loi, doivent souffrir une réduction au marc le
franc de leurs créances ; et des membres de la représentation nationale qui ont
pu sonder la profondeur de plaies encore saignantes viendraient toucher des
indemnités pour répartir des indemnités au malheur ! Il faut l’avouer, ce n’est
pas édifiant.
Et, encore une fois, quelques efforts qu’on fasse
pour déguiser la chose, ces indemnités allouées aux membres des deux chambres
ne sont, en définitive, qu’un véritable traitement, car hier, tout le monde
était d’accord avec moi que les mots traitements, suppléments, indemnités,
tantièmes avaient tous la même signification. Pourquoi aujourd’hui auraient-ils
une signification différente ? Serait-ce parce qu’il s’agit des intérêts de
quelques membres de cette assemblée ?
Et puis le ministère s’est tiré de certains embarras
au moyen des nominations dont il s’agit, et auxquelles sont attachées de larges
indemnités. Des hommes auxquels il avait promis des places, que par suite de
certaine influence, connue trop tard, il n’a pas osé conférer, ont été nommés
membres de certaines commissions ; d’autres auxquels il n’a pas osé restituer
des positions enlevées naguère par des rancunes de parti, sont encore venus
grossir le nombre des commissaires à indemnités. Le ministère Lebeau qu’on a
tant attaqué pour certaine nomination, a au moins été plus
franc, il a osé faire ouvertement ce que le ministère actuel a voulu cacher
timidement sous diverses formes. Si on me répondait par des dénégations, je
serais forcé de citer des noms propres.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble que tout est ici
questions de personnes.
M. Verhaegen. - Je n’ai nommé personne,
jusqu’à présent, mais s’il le faut, je ne reculerai pas.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J’admire cette réserve
M. Verhaegen. - Messieurs, on vous a dit sur
nos bancs que les nominations dont dispose le ministère en faveur des membres
de la législature ne sont, au fond, que des moyens corrupteurs. Les
explications données par plusieurs préopinants et notamment par l’honorable M.
de Theux, le prouvent à la dernière évidence.
Je terminerai par un mot qui concerne l’honorable M.
Malou, mais qui est tout à sa louange. L’honorable député d’Ypres a fait acte
de désintéressement. Il importe que nos annales le constatent, mais j’augure
encore assez bien de l’arrondissement électoral de Bruxelles pour croire que si
l’on a trouvé du désintéressement dans l’arrondissement d’Ypres, on en trouvera
aussi dans celui auquel j’ai l’honneur d’appartenir. Puisse l’honorable membre,
qui préside certaine commission, suivre l’exemple de celui qui siège à ses
côtés comme simple membre !
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai interrompu l’honorable
préopinant pour lui dire que j’admirais sa réserve ; et en effet il vous a dit
qu’il ne s’occupait pas de noms propres, c’est-à-dire qu’il ne prononçait pas
de noms propres. Mais tout, dans ces débats, est discussion de personnes.
On dit que nous donnons un étrange spectacle à la
nation. Mais qui a pris l’initiative de cette discussion ? Quels sont les faits
graves qu’on a pu citer ?
Est-ce une question de principe que l’on veut
discuter ? Mais qu’on pose la question de principe. Si vous vouliez poser une
question de principe, vous deviez proposer que les membres de la chambre qui
ont fait partie de commissions fussent sujets à réélection. Alors vous posiez
nettement la question de principe ; hors de là il n’y a qu’une question de
personnes.
J’ai dit que c’était, au point de
vue gouvernemental, une chose très grave que de venir poser en principe que le
gouvernement ne pourra plus désormais réclamer dans la composition de
commissions le concours de magistrats ou de députés. Il y a aussi une chose
très grave au point de vue parlementaire : c’est précisément de soulever sans
nécessité des questions de ce genre.
L’exercice des pouvoirs qui nous sont confiés, ne
sont possibles qu’avec le respect l’un pour l’autre, et je crois que l’on est
arrivé à perdre ce respect que nous devons avoir l’un pour l’autre.
M. de Theux. - Messieurs, je suis plus généreux envers la minorité que l’honorable M.
Verhaegen. J’ai dit que jusqu’à présent il n’était pas à ma connaissance que la
collation d’une mission temporaire eût exercé aucune espèce d’influence sur la
conduite politique d’un membre de cette chambre, et cependant j’ai eu soin
d’ajouter, dans le second discours que j’ai prononcé, que plusieurs membres de
la minorité avaient rempli de semblables missions, avaient fait partie de
semblables commissions. Ainsi, messieurs, je suis d’accord, en fait, que si
l’on abusait de ce moyen pour fausser en quelque sorte la représentation
nationale, pour gagner des membres de l’opposition, alors il y aurait abus,
mais je dis que les nominations faites jusqu’à présent n’ont eu qu’un seul
caractère, celui de l’utilité publique, celui de l’utilité du pays. Il est
impossible d’y voir, ni de la part du gouvernement, ni de la part des
honorables membres qui ont bien voulu lui prêter leur concours, rien qui
ressemble à une intention d’amener une abdication de principes ou de consentir
à une semblable abdication.
L’honorable M. Verhaegen a mal compris ce que j’ai
eu l’honneur de dire tantôt, car le sténographe vient précisément de m’envoyer
la dernière partie de mon discours et voici comment je terminais : « Je
n’entends parler que des membres qui seraient bien déterminés à refuser en
toute circonstance leur concours au gouvernement. » J’ai dit que, sauf
cette exception, plusieurs membres de la minorité ont dans diverses
circonstances prêté leur concours au gouvernement et le gouvernement a bien
fait de faire appel à leurs lumières et à leur patriotisme. Ainsi, messieurs,
je n’ai pas à rétracter un seul mot de ce que j’ai avancé.
Un deuxième point, messieurs, du fait personnel,
c’est que l’honorable préopinant a pensé que nous soutenions aujourd’hui une
opinion différente de celle que nous avons soutenue hier en ce qui concerne les
indemnités. « Vous vouliez bien, dit-il, des indemnités pour des membres
de la chambre, mais vous n’en voulez pas pour des fonctionnaires en dehors de
la chambre. » C’est là, messieurs, une grande erreur : de quoi s’agissait-il
hier ? Il s’agissait uniquement de supplément de traitements et d’indemnités
accordées à des fonctionnaires à raison d’un travail plus considérable dans les
fonctions qui leur sont conférées. Voilà ce dont il s’agit, soit ; mais il
n’était nullement question, par exemple, d’employés du chemin de fer chargés
d’une mission ou faisant partie d’une commission tout à
fait étrangère à leurs attributions, dans le sens de la discussion soulevée
hier ; je crois qu’il y a lieu d’examiner la question de savoir si l’on ne
pourrait point, par la loi de comptabilité, déterminer dans quelles
circonstances des suppléments de traitements ou des indemnités peuvent être
alloués à des employés uniquement à cause du fait d’un travail extraordinaire
rentrant dans les attributions pour lesquelles ces employés sont rétribués par
l’Etat. Voilà, messieurs, dans quelles limites j’ai exprimé hier mon opinion et
je n’ai rien à en retrancher.
Je ne rentrerai pas, messieurs, dans la discussion
de la question même dont nous nous occupons en ce moment, puisque je n’ai la
parole que pour un fait personnel.
M. Devaux. - Messieurs, j’ai regretté que des questions de personne se soient mêlées
à cette discussion. Je regretterais surtout qu’elle parût avoir quelque chose
de personnel pour un de nos honorables collègues qui, par un acte récent, a
suffisamment prouvé qu’elle ne pouvait l’atteindre. Cet honorable membre a
donné un exemple de dignité politique auquel j’aime à rendre hommage ici, on
est heureux de rencontrer des actions pareilles, même dans les rangs de ceux
dont on ne partage pas toutes les opinions.
Certainement, messieurs, il y aurait des
inconvénients à interdire au gouvernement la faculté d’utiliser les travaux
spéciaux des membres de la chambre, dans des cas exceptionnels et d’une manière
temporaire ; je crois que tout le monde doit le reconnaître.
Mais, d’un autre côté, je pense que tout le monde
doit reconnaître aussi que, si le gouvernement pouvait, sans limites, sans
contrôle, sans égard à la dignité de la représentation nationale, répandre des
indemnités sur une partie de la chambre ou sur toute la chambre, il y aurait là
des inconvénients plus grands encore. Il n’est personne qui doive avouer que si
le gouvernement s’avisait de tenir en quelque sorte constamment sous l’influence
d’une rémunération 20 ou 30 membres de la chambre, et cela pendant un temps
plus ou moins prolongé, si les membres de la chambre, au lieu d’être appelés
par exception et à raison de connaissances spéciales dans des commissions
indemnisées ou rétribuées, devenaient les candidats habituels de ce genre de
fonctions, ce serait un grave abus. Il est donc difficile, messieurs, de poser
à l’improviste des règles générales et absolues sur cette matière. Je le
répète, ce qui est certain c’est que, si le gouvernement pourrait se trouver
gêné, par l’interdiction absolue de donner des indemnités aux membres de la
chambre, exceptionnellement et temporairement, la dignité et l’indépendance de
la chambre se trouveraient compromises par un usage fréquent et non motivé de
cette faculté. Il ne faut pas le méconnaître, entre une indemnité et un
traitement il ne peut y avoir qu’une différence de mot. Dans tel cas donné,
entre une indemnité de 300 fr. par mois et un traitement de 3,600 fr. il n’y
aura d’autre différence que celle de la durée. Or, il faut le dire, depuis
quelque temps une extension trop large a été donnée par le gouvernement à cette
faculté de donner des indemnités à des membres de la chambre. Je n’entends
point ici faire de reproche à aucun de nos collègues individuellement, car
l’abus me paraît être surtout ici dans la fréquence du fait. Ce qui ne devrait
être qu’une exception motivée par des raisons spéciales est presque devenu la
règle.
Cette discussion qui, je pense, peut difficilement
amener aujourd’hui un résultat direct, aura au moins un effet indirect de faire
réfléchir davantage le gouvernement lorsqu’il se proposera encore de donner un
rôle de ce genre à des membres de la chambre, et de faire réfléchir ces membres
eux-mêmes avant de l’accepter.
Plusieurs fois, quand il s’est
agi de questions semblables à d’autres époques, j’ai émis le vœu que l’article
de la constitution dont il s’agit, fût organisé non pas à l’occasion d’une
question de personnes, mais par une loi générale. La constitution veut, pour qu’il
y ait lieu à réélection, qu’il y ait emploi et salaire, mais quand y a-t-il
emploi ? Quand y a-t-il salaire ? Faut-il que l’indemnité s’applique seulement
au déplacement ? Peut-elle s’appliquer également au travail ? D’autres
questions encore se rattachent à cette disposition constitutionnelle, mais je
crois qu’on les examinerait mieux indépendamment des personnes, à l’occasion
d’une loi générale.
Quoi qu’il en soit, la discussion aura eu ce
résultat utile de rendre tout le monde plus circonspect et de faire voir que la
chambre a l’œil ouvert sur ce genre d’actes du gouvernement, qu’elle ne renonce
pas au droit de les contrôler, soit par une mesure législative, soit par la
discussion.
M. Lebeau. - Messieurs, l’honorable préopinant a exprimé à peu près les idées que je
me proposais de vous soumettre. La chambre se rappelle peut-être que j’ai pris
part au débat antérieur qui a porté sur la question dont elle s’occupe en ce
moment ; je tenais à déclarer, aujourd’hui comme alors, que je n’entends en
aucune façon professer en cette matière des principes absolus. Je crois aussi
qu’une loi serait utile. Cependant je ne me dissimule pas les difficultés d’une
loi semblable, car il s’agit ici d’un à peu près beaucoup plus que d’une règle fixe.
Il n’en serait pas moins désirable qu’une loi restreignît au moins le champ de
la difficulté, car la résoudre complètement, je crois qu’il faut en désespérer.
Une distinction a été faite dans cette chambre,
distinction sur laquelle on ne paraît pas avoir assez insisté : c’est la
différence à établir entre l’indemnité résultant d’un déplacement et
l’indemnité résultant d’un travail extraordinaire. Il est évident que
l’indemnité résultant du déplacement n’a rien par elle-même qui puisse rentrer
ni dans l’esprit, ni dans le texte des articles cités de la constitution ;
l’indemnité de déplacement n’est et surtout ne doit être que le remboursement
des dépenses auxquelles le déplacement donne lieu. Si l’on a fixé une indemnité
quotidienne pour les missions à l’étranger, par exemple, telles que celles qui
ont été remplies à Utrecht, telles que celles qui ont été remplies en
Allemagne, cette indemnité, n’a dû être, dans la pensée du gouvernement, que la
représentation approximative des dépenses inhérentes à ces missions.
Pourquoi a-t-il fallu en venir à une espèce de
forfait, une espèce d’abonnement ? Parce qu’il eût été moralement impossible
d’exiger que les personnes chargées de missions semblables vinssent faire
liquider par le département des finances et par la cour des comptes, des
dépenses d’hôtel, des dépenses de poste ; il était impossible d’entrer dans de
pareils détails sans tomber dans une mesquinerie ridicule, sans compromettre la
dignité de ceux qui auraient été tenus de donner ces détails. Il est donc
évident que l’indemnité de déplacement ne doit être considérée que comme le
remboursement de dépenses faites, et dès lors, il n’y a là rien qui ressemble à
un traitement.
Maintenant n’est-il pas souvent de l’intérêt le plus
élevé du pays que l’on puisse envoyer à l’étranger, soit pour une mission
diplomatique, soit pour une grande opération financière, tel membre des
chambres, doué de connaissances spéciales, inspirant au pays et à l’étranger la
confiance, la considération attachées à ses lumières et à son expérience ? Or,
ce membre ne pourrait pas être chargé d’une semblable mission, s’il devait
faire le voyage à ses frais ou s’il devait se soumettre à une réélection. C’est
là, messieurs, un de ces exemples qui, sous ce rapport, tranchent la question.
Il y a maintenant l’indemnité du travail. Certes,
l’indemnité du travail ressemble beaucoup plus à un traitement que l’indemnité
de déplacement, qui n’est que le remboursement de dépenses faites ; en réalité,
le traitement n’est autre chose qu’une indemnité de travail ; mais la question
de savoir si l’indemnité de travail, lorsqu’elle n’est que temporaire, de
quelques mois, par exemple, si cette indemnité peut, au point de vue légal, se
transformer en traitement, être considérée comme un traitement, est une question
délicate, difficile à trancher, il serait dangereux surtout de la trancher
accidentellement et à propos d’un crédit qui porte en partie sur des faits
accomplis ; elle pourrait être, elle devrait être l’objet d’une loi spéciale.
J’en conclus donc, messieurs, que
nous ne pouvons pas, à l’occasion de ce crédit, portant sur des faits
accomplis, et quant à la légalité, accomplis de bonne foi par tout le monde,
fondés sur de nombreux antécédents passés à peu près sans contestation ; j’en
conclus, dis-je, qu’il est impossible de trancher la question, et que force
nous est de voter le crédit.
Cependant je crois que tout le monde doit se
féliciter de la discussion et de l’importance qu’elle a prise. Les
considérations qui ont été soumises à cet égard par divers orateurs et en
dernier lieu par mon honorable ami, sont probablement encore présentes à votre
esprit ; elles porteront de bons fruits pour l’avenir en servant d’avis
salutaire ; il est inutile que j’ajoute quelque chose aux considérations présentées
sur cette partie de la discussion.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, nous n’avons aucune
objection à faire contre les observations qui ont ère présentées par les deux
honorables préopinants ; nous sommes entièrement d’accords en principe avec
eux. Si le ministre a pris part à cette discussion, c’est qu’il avait un devoir
à remplir. Les deux honorables préopinants l’ont également senti ; ils ont
reconnu que tout le monde avait agi de bonne foi dans cette circonstance. Le
ministère n’a pas voulu qu’il pût résulter de cette discussion une sorte de
flétrissure contre certains noms qu’on a osé citer dans ce débat.
M. Lebeau. - J’ai dit que tout le monde était irréprochable sous le rapport de la
légalité. Je ne suis pas entré dans l’examen des autres aspects de la question.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Eh bien, nous allons alors
plus loin, et nous protestons hautement contre cette tendance de la discussion
à flétrir des noms propres.
M. Verhaegen. -
Cette discussion n’aura-t-elle aucun résultat ? On nous a en quelque sorte jeté
un défi du banc ministériel. Ce défi, je l’accepte. Nous allons voter sur un
crédit de 50,000 francs. D’abord, le gouvernement n’a pas besoin de toute cette
somme, puisque l’honorable M Malou renonce à son indemnité. Je vais proposer un
amendement, tendant à réduire le crédit du montant de cette indemnité.
Je propose une seconde réduction de 7,200 fr. pour
un autre membre de la chambre qui se trouve dans la même position que
l’honorable M. Malou.
M. Malou. -
Messieurs, je n’ai pas moi-même proposé de réduction ; et j’en dirai le motif.
Mon intention était de laisser le crédit en entier,
et d’abandonner ma part au trésor public tant pour le passé que pour l’avenir.
Rien ne me garantit que je pourrai continuer à être membre de la commission,
jusqu’à la fin de ses travaux. Si je cessais d’en faire partie, et si une autre
personne qui ne se trouverait pas placée dans la même position que moi, me
remplaçait, la réduction aurait pour résultat d’obliger le gouvernement à venir
vous demander un nouveau crédit pour mon successeur. Je
soumets cette observation à l’honorable préopinant.
M. le président. - M. le ministre des finances
vient de transmettre au bureau un nouvel article qui formerait l’art. 2 et qui
serait ainsi conçu :
« Art. 2. Il est ouvert au même département un
crédit de 26,725 fr. pour faire face aux dépenses résultant de l’exécution de
l’art. 64 du traité du 5 novembre 1842, et qui formera l’art. 3 du chap. VI du
budget des dépenses de 1844. »
Voici l’amendement proposé par M.
Verhaegen :
« J’ai l’honneur de proposer de retrancher de la
somme demandée par le gouvernement :
« 1° La somme de 4,500 fr. portée pour
l’indemnité à laquelle un membre de la commission a renoncé ;
« 2° La somme de 7,200 fr, portée pour l’indemnité
d’un autre honorable membre.
« Par suite, réduire le crédit demandé à la somme de
38,300 fr. »
M. Lys. - Une question qui me paraît rencontrer peu de contradicteurs dans cette
chambre, c’est celle de savoir si un membre de l’assemblée peut recevoir,
pendant la durée de la session, une indemnité autre que telle dont il jouit en
vertu de la constitution. L’honorable M. Osy a fondé sa demande de réduction
sur cette circonstance ; elle a été ensuite appuyée par l’honorable M. de
Garcia. Il vous a démontré qu’il faut nécessairement que l’indemnité ait pour
fondement un déplacement. L’honorable M. Lebeau a semblé partager le même
principe.
Je crois aussi que, quand la constitution vous a
alloué, en votre qualité de membre de la chambre, une indemnité de …., vous ne pouvez, pendant la session, recevoir d’autres
chefs quelconques, une seconde indemnité, à moins que ce ne soit pour une
mission qui occasionne un déplacement.
En effet, vous ne voulez pas sans
doute accorder à un membre de la chambre une indemnité de travail. Ce que la
constitution lui alloue, n’est pas une indemnité de travail, ce n’est qu’une
indemnité de déplacement. II est hors de doute qu’un représentant de la nation
n’est pas salarié, par l’indemnité qu’il reçoit. Ce serait donc le déshonorer
que de vouloir lui donner une indemnité de travail pendant qu’il siège. A moins
qu’il n’y eût déplacement, ce serait violer la constitution que de lui accorder
une indemnité autre que celle qu’il tient de la constitution. Il reste donc
constant, pour moi, que toutes les fois qu’un membre de la chambre, pendant la
session, reçoit une autre indemnité en restant à Bruxelles, cela forme un
traitement, et il y a lieu à réélection, il est indispensable que ce membre se
représente devant les électeurs.
M. Osy. - Je pense qu’il y a lieu à régulariser l’amendement de l’honorable M.
Verhaegen. Il faut laisser intact le chiffre pour 1843, et ne réduire que le
chiffre nécessaire pour 1844. L’honorable M. Malou a fait une observation très
juste. Il est possible qu’il donne sa démission et soit remplacé. Il faut donc
avoir des fonds pour cette éventualité.
Indépendamment de la somme de 4,500 francs dont M.
Verhaegen propose de réduire l’allocation, l’honorable membre propose une
seconde réduction de 7,200 fr. pour l’indemnité d’un autre honorable membre de
la chambre qui est président de la commission. Je crois que nous ne pouvons pas
trancher cette question, parce que nous ne savons pas si le président de la
commission renoncera à son indemnité ; peut-être que la discussion l’éclairera
et le portera à renoncer à l’indemnité.
Je crois donc que l’honorable M.
Verhaegen ferait bien de ne proposer qu’une réduction de 1,750 francs sur le
chiffre de 1843, et de laisser intact le crédit de 1844. Nous savons que
l’honorable M. Malou ne touchera pas son indemnité, et nous ne pouvons pas
trancher la question, quant à la seconde personne. J’espère qu’elle renoncera à
l’indemnité, mais si elle n’y renonce pas, il faudra bien payer.
M. le président. - Je ferai observer à
l’honorable M. Verhaegen que son amendement porte sur le projet du
gouvernement, sur le chiffre de 50 mille fr., tandis que d’après le projet de
la section centrale, auquel le ministre s’est rallié, le chiffre n’est plus que
de 23,275 fr, la différence devant faire l’objet d’une autre proposition.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, les derniers orateurs qui se sont fait entendre, à
l’exception de l’auteur de l’amendement, semblaient tous d’accord que la
question devait être laissée intacte. Ils allaient plus loin, ils convenaient
que, dans certains cas, il pouvait être utile, indispensable même d’accorder
une indemnité aux membres de la chambre qui accepteraient une mission
temporaire du gouvernement. Ces honorables membres ont fait observer avec
raison que la chambre devait avoir l’œil ouvert sur les abus possibles, mais
que le principe, quand il n’y avait pas abus, pouvait être appliqué ; ils
déclaraient au surplus qu’il n’y avait pas lieu de vider cette question en ce
moment ; c’est cependant ce qui arriverait si on adoptait l’amendement de M.
Verhaegen. Cet amendement se divise en deux parties.
Pour la première, on propose de retrancher une somme
à laquelle a renoncé un honorable membre dans cette chambre. Je ne verrais
aucune objection à cette proposition, si ce n’est qu’elle est inutile. Car si
cette partie de la somme n’est pas touchée par l’ayant droit elle restera au
bénéfice du trésor. L’honorable M. Malou a fait une observation très juste,
nous ne savons pas si ce membre continuera à faire partie de la commission
jusqu’à la fin des travaux. Cependant la proposition de réduction porte sur
l’indemnité intégrale. Sous ce point de vue, je ne puis accepter l’amendement.
Quant à la seconde partie, elle tranche complètement
la question : ce que je ne crois pas qu’il soit dans l’intention de la chambre
de faire d’une manière absolue à propos de ce projet de loi ; elle le tranche
même d’une manière tout à fait personnelle, ce qui ne sera pas, j’espère,
trouvé convenable par la chambre.
Par ces
divers motifs je pense que l’amendement ne sera pas adopté.
M. le président. - M. Osy propose par
sous-amendement à la proposition de M. Verhaegen, de porter l’allocation du
littera C pour 1843 à 21,525 fr.
M. Dumortier. - La question maintenant en discussion n’est pas neuve. Elle s’est
présentée dans cette enceinte plusieurs fois. J’ai eu l’honneur de la soulever
dans des discussions solennelles. Je n’ai pas reculé devant de grandes
propositions, quand il s’agissait de traiter une question analogue à celle-ci.
C’est ainsi qu’en 1833 un membre de cette chambre ayant été promu à des
fonctions auxquelles était attaché un salaire qui n’était pas à la charge de
l’Etat, je n’ai pas hésité à faire la motion qu’il fût soumis à la réélection.
La chambre n’en a pas décidé ainsi. Elle a pensé que, pour qu’il y eût lieu à
réélection, il fallait que le traitement fût à la charge de l’Etat.
En 1836, je n’ai pas hésité à demander que tous les
bourgmestres, membres de la chambre, touchant un traitement, fussent soumis à
la réélection.
A l’appui de ma proposition, je fis remarquer qu’il
s’en trouvait qui touchaient des traitements plus considérables que l’ordinaire
des fonctionnaires publics. La chambre n’a pas partagé mon opinion, elle a
décidé qu’il n’y aurait pas de réélection. La question n’est donc pas neuve. Le
parlement s’est toujours montré peu favorable à la réélection de ses membres à
moins que ce ne fût dans des circonstances caractéristiques. La question s’est
même présentée relativement à des ministres et la chambre a décidé qu’un membre
acceptant un intérim ministériel n’était pas soumis à la réélection, Voilà les
antécédents de l’assemblée.
J’irai plus loin. Quand on a voté la loi des
indemnités, c’était en comité secret, j’ai eu l’honneur de faire remarquer
qu’il n’était pas convenable qu’on admît le système présenté et il a été adopté
sur l’observation de l’un des membres qui professent le plus hautement les
opinions de l’honorable M. Verhaegen, d’un membre qui siège deux bancs
au-dessous de lui. Cet honorable membre a insisté pour qu’un membre de la
chambre pût siéger dans la commission d’indemnité.
M. Fleussu. - Quel est ce membre ?
M. Dumortier. - Je ne veux nommer personne : si l’honorable M. Fleussu n’a pas de
mémoire, j’en ai. De quoi s’agit-il ? Quelle doit être la position des membres
de la chambre relativement aux indemnités ? Je partage en tout point l’opinion
émise par l’honorable M. Lys. Je suis de l’opinion que, dans le cours des
sessions, aucun membre ne peut toucher d’indemnité à charge du trésor public.
Voilà mon opinion individuelle. Mais la majorité ne s’est pas prononcée de la
sorte. Quand vous avez attaché un traitement fixe aux fonctions de membre de la
commission d’indemnité et que vous avez décidé que les membres de la chambre
pourraient, devaient faire partie de cette commission, vous avez tranché la
question dans un sens inverse de la motion dont il s’agit.
Partant de cette prémisse, je ferai remarquer qu’il
me paraît très déraisonnable de vouloir retrancher l’indemnité d’un membre de
la chambre, nommé en vertu et en exécution de la loi des fonctions très
pénibles qu’il a remplies pendant les sept mois d’intervalle de session,
pendant lesquels il n’a touché aucun traitement, aucune indemnité. Vous avez
voulu que des membres de la chambre siégeassent dans cette commission. Il me
paraît déraisonnable, après avoir décidé que des membres siégeraient dans cette
commission, de leur refuser une indemnité, alors que rien ne les eût obligés,
sans cela, à conserver leur résidence à Bruxelles.
M. Verhaegen. - Il s’agit de la commission de
liquidation.
M. Dumortier. - C’est le même principe. Il me paraîtrait tout à fait inconcevable,
après avoir décidé que des membres de la chambre devaient siéger dons cette
commission, de retrancher leur indemnité, alors qu’ils sont venus s’adonner à
un travail extrêmement pénible dans l’intervalle des sessions, alors qu’ils
auraient pu, comme vous, consacrer ce temps à se remettre des fatigues de la
session.
Il serait fort injuste de
retrancher à ces membres l’indemnité à laquelle ils ont droit aux termes da la
loi votée. Si on en a agi ainsi pour la commission des indemnités, il faut en
agir de même pour la commission de liquidation. Obligé que je suis d’obéir à la
loi de la majorité, alors que j’avais émis un vote différent dans la discussion
de la loi, je dois me soumettre à la décision qu’a prise la majorité. Je ne
puis donc me rallier à la proposition de l’honorable M. Verhaegen. La majorité
a fait une loi ; nous ne faisons en ce moment que régulariser l’exécution de la
loi.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne trouve pas à la proposition de M. Osy les mêmes objections qu’à
celle de l’honorable M. Verhaegen. J’ai dit en ce qui concernait l’indemnité à
laquelle renonçait un honorable membre, qu’elle resterait au trésor, si elle
faisait partie de l’allocation. Cependant, je ne fais aucune opposition à ce
que la proposition de M. Osy soit admise.
M. Verhaegen. - L’honorable M. Osy vient
d’amender ma proposition ; je crois devoir me rallier à cet amendement. La
discussion était engagée, il fallait conclure, on m’a sommé de le faire, j’ai
fait des calculs à la hâte pour formuler une proposition. Les observations
faites par l’honorable M. Osy me semblent justes. En ce qui concerne
l’honorable membre dont nous avons parlé en premier lieu, il est évident qu’il
faut retrancher l’indemnité à laquelle il a renoncé en raison du temps qui a
couru. Il a consigné dans les annales de la chambre un acte d’abnégation
d’intérêt personnel. Je donnerai donc sous ce rapport mon adhésion au
sous-amendement de l’honorable M. Osy.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - II faut retirer le reste.
M. Verhaegen. - Permettez ; quant à la
seconde personne, on a fait une observation qui m’a frappé. Il serait possible
qu’il y eût aussi de la part de ce membre un acte de générosité semblable à
celui de M. Malou. Je ne voudrais pas mettre cet honorable membre dans
l’impossibilité de poser un acte semblable ; je le regretterais. D’un autre
coté, il serait aussi possible qu’il y eût renonciation au mandat. Comme je ne
veux rien prévoir, rien empêcher, en me ralliant au sous-amendement de M. Osy
pour lequel je voterai, je renonce provisoirement à ma proposition.
- Les litt. A et B de l’art. 1er sont successivement
mis aux voix et adoptés.
Le litt. C tel qu’il été sous-amendé par M. Osy est
ensuite mis aux voix et adopté.
Le litt. D est également adopté.
L’article est ensuite adopté dans son ensemble.
L’art. 2 proposé par M. le ministre des finances est
également mis aux voix et adopté.
Il est procédé au vote par appel nominal sur
l’ensemble du projet qui est adopté à l’unanimité par les 50 membres présents.
Ce sont :
MM. Duvivier, Eloy de Burdinne, Fleussu, Huveners,
Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lys, Malou, Manilius, Meeus, Mercier,
Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Rodenbach, Rogier, Savart, Sigart, Thyrion, Troye,
Van Cutsem, Vandensteen, d’Anethan, Verhaegen, Verwilghen, Zoude, Castiau,
Coghen, Dechamps, de Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de
M. Dedecker, au nom de la commission de vérification des pouvoirs, nommée au
commencement de la séance, fait rapport sur l’élection de M de Haerne élu
membre de la chambre par le district de Courtrai. La commission, à l’unanimité,
propose l’admission.
- Les conclusions sont adoptées. En conséquence M.
de Haerne est proclamé membre de la chambre.
FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR
M. le président. - Nous avons à l’ordre du jour
de lundi, d’abord le projet de loi relatif à une importation de sucre faite
postérieurement à la loi du 4 avril 1843.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande l’ajournement la discussion de ce projet. J’attends de
nouveaux renseignements.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, si j’avais été
présent lorsque vous avez mis à l’ordre du jour, le projet de loi sur l’entrée
des pianos, je vous aurais rappelé que vous avez fixé jour pour la discussion
générale de toutes les propositions commerciales et industrielles. Je ne pense
pas qu’il faille faire une exception pour les pianos, qu’il faille lui donner
la préférence, par exemple, sur les bronzes ou sur d’autres articles pour
lesquels on réclame également des augmentations de droits. Je demande donc que
provisoirement cet objet ne figure plus à l’ordre du jour et que l’on s’en tienne
à la décision générale prise par l’assemblée.
M. de Garcia. - Messieurs, dans la séance d’hier vous avez mis à l’ordre du jour de
lundi le projet de loi interprétative de l’article 334 du code pénal. C’est là
un objet fort important ; il y a des accusés, des prévenus qui attendent
justice ; je crois donc que dans tous les cas ce projet doit venir avant celui
qui concerne les pianos.
- La proposition faite par M. le ministre de
l’intérieur est mise aux voix et adoptée. En conséquence la discussion du
projet de lui relatif aux droits d’entrée sur les pianos est renvoyée à la
discussion générale de toutes les propositions concernant des droits d’entrée.
M. le président. - Nous avons ensuite la loi
interprétative de l’art. 334 du code pénal et le projet de loi concernant la
délimitation des communes d’Eckeren et de Cappellen.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, la commission ayant
fait connaître que son avis étant de ne pas admettre la délimitation proposée,
j’ai dû nécessairement consulter la députation permanente de la province
d’Anvers. Je lui ai adressé le rapport de la commission et j’attends les
observations dont j’ai besoin pour me décider sur la question de savoir si je
dois le retirer. La chambre comprendra que ce n’est pas une question de
gouvernement, que c’est une question toute locale.
M. le président. - Il ne reste donc à l’ordre du
jour que le projet interprétatif de l’art. 331 du code pénal.
- La séance est levée à 4 heures et 1/2.