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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 22 janvier
1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le
budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1844. Discussion des
articles. Etablissement des listes décennales (Delehaye,
Nothomb), accroissement des attributions confiées à ce
département, tendance à la centralisation administrative et question politique
générale (Castiau, Nothomb, Savart-Martel), personnel de l’administration centrale (Angillis, Nothomb, de Brouckere), tendance à la centralisation
administrative (Castiau, Nothomb),
statistiques générales établies par les administrations provinciales (Cogels), administration provinciale d’Anvers (de Brouckere, Nothomb, Rogier), partialité des commissaires d’arrondissement et
des bourgmestres lors de la mise en œuvre de la loi électorale (Delfosse, Nothomb, de La Coste), frais de route des commissaires
d’arrondissement (de Tornaco),
loi sur la milice et exemption des étudiants en théologie (Verhaegen,
Nothomb, de Nef, Verhaegen, Nothomb, de Man d’Attenrode, Angillis),
confection des plans généraux des chemins vicinaux (de Man
d’Attenrode, de Garcia, Vandensteen,
de Tornaco, Nothomb, de Garcia, Vandensteen, Desmet), exécution
de la loi sur les chemins vicinaux (Peeters))
3) Motion d’ordre relative au
transit du bétail hollandais (Rogier, Mercier,
de Muelenaere)
(Moniteur
belge n°23, du 23 janvier 1844)
M. de Renesse
procède à l’appel nominal à 1 1/4 heure.
M. Scheyven donne lecture du
procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est approuvée.
M. de Renesse
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Ch.-Louis Demeester, commis au bureau de douane à Menin, né à Bapeaume (France), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
________________________
« Quelques habitants de
Lichtervelde demandent l’établissement d’une justice de paix dans cette
commune. »
- Renvoi à la commission chargée de
l’examen du projet de loi sur les circonscriptions cantonales.
________________________
« Les propriétaires et cultivateurs
de Neer-Heylissen et de
Tirlemont présentent des observations contre le projet de loi sur les
céréales. »
« Mêmes observations des
propriétaires et cultivateurs de Gembloux, Bomol, Pirange, du conseil communal de Reiéour,
des communes de Marelle, Pietrain, Orp-le-Grand, Pollaines, Folx-le-Caves, Naduwez-Linsmeau, Petit-Hollet. »
- Renvoi à la section centrale
chargée de l’examen du projet.
_______________________
« Le sieur J. Ferdinand de Plunkett, receveur des contributions directes et des
accises à Willebrouck, réclame l’autorisation de la
chambre pour obtenir sa pension de retraite. »
« Le sieur Victorien-Louis Gilon prie la chambre de lui accorder un secours en
attendant qu’il soit appelé à une place de commis des accises. »
« Le sieur Brioux offre de faire
connaître au gouvernement le moyen d’empêcher les waggons de sortir de rails,
si la chambre veut faire exempter son fils Charles du service militaire. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
_______________________
« Le sieur Dumoulin demande la
révision de la loi sur la milice nationale, surtout des dispositions relatives
au remplacement militaire. »
- Même renvoi.
_______________________
M.
Kervyn informe la chambre que la perte de
son beau-père, M, Van Houbrouck Van Meule, l’empêche
d’assister aux séances et demande un congé.
- Ce congé est accordé.
Discussion des articles
CHAPITRE PREMIER -
Administration générale
M. Delehaye. - Messieurs, d’après l’art. 70 de la loi provinciale, la moitié des
frais des listes décennales, sont à charge du gouvernement, et cependant je ne
vois aucune somme portée au budget pour faire face à cette dépense. Je ne sais
si c’est par oubli, mais si aucune somme n’est portée pour cet objet, il en
résultera un retard dans l’achèvement de ces listes décennales. Chacun de vous
sait de quelle importance elles sont ; souvent, quand on a des recherches à
faire, on est obligé de parcourir un grand nombre de communes pour avoir les
renseignements dont on a besoin. Pour éviter les embarras des recherches, il
serait peut-être bon de faire une liste générale pour tout le pays. Je
comprends les difficultés que peut rencontrer la confection de cette liste,
mais elles disparaîtraient bientôt, si on voulait entreprendre sérieusement le
travail. Si une liste générale alphabétique était faite, cela faciliterait
beaucoup toutes les recherches. Je ne fais qu’appeler l’attention du
gouvernement sur cet objet.
Je demande pourquoi on n’a pas porté
de somme pour ce travail. Les greffiers gênés, par suite des avances qu’ils ont
déjà faites, ne peuvent pas continuer à travailler à l’achèvement de ces
listes.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Nous nous occupons de cette
question au ministère de l’intérieur et au ministère de la justice. Comme je
n’ai pas les pièces sous la main, je ne puis pas donner à l’honorable membre
les explications qu’il demande, je les donnerai dans le cours de la discussion
des articles de mon budget.
Article premier
« Art. 1er. Traitement du
ministre : fr. 21,000 »
- L’art. 1er est adopté.
« Art. 2. Traitements des
fonctionnaires, employés et gens de service : fr. 137,000 »
M. Castiau. - Messieurs, c’est avec une véritable répugnance que je viens combattre
cette demande d’allocation pour les employés du ministère de l’intérieur. S’il
ne s’était agi que d’une question d’argent, j’aurais été le premier à
reconnaître la nécessité du crédit et à le voter ; mais derrière cette question
d’argent, si mince en apparence, il y a une vaste question de politique
constitutionnelle, sur l’examen de laquelle je demanderai à la chambre la
permission d’appeler, pendant quelques instants, son attention.
Je ne rechercherai pas si tous les
employés du ministère de l’intérieur sont également capables, également zélés.
Je ne rechercherai pas non plus s’il n’est pas temps d’établir pour l’admission
et l’avancement dans l’administration certaines règles de garantie et de
capacité. Je suppose que tous les employés de cette administration sont
également capables, également zélés, qu’ils sont accablés par cette surcharge
de travail dont il est parlé dans l’exposé des motifs.
Quelles sont donc les causes qui
obligent M. le ministre de l’intérieur à venir demander une augmentation de crédit
pour les employés de son administration ? Ces causes, les voici exposées dans
le projet de budget ; je crois devoir les citer textuellement :
« Cette majoration est indispensable
pour assurer les besoins toujours croissants du service. Le travail des bureaux
s’est augmenté d’un huitième pendant l’exercice 1841 : il est entré 5,000
pièces de plus qu’en 1841 ; il en est sorti 3,000 de plus. L’exécution de la
loi sur les chemins vicinaux, la multiplicité des affaires qui intéressent les
administrations communales et provinciales, la loi sur les indemnités, les lois
de douane, l’organisation des chambres de commerce et des conseils de
prud’hommes, la distribution des primes de navigation et de pêche, et surtout
l’exécution de la loi sur l’instruction primaire, et les concours généraux dans
les divers degrés de l’enseignement, telles sont les causes principales de cet
accroissement de besogne. »
Les attributions du ministère de
l’intérieur tendent à s’accroître, à se développer rapidement. Pourquoi cette
augmentation successive d’attributions qui écrase le personnel actuel des
bureaux ? C’est parce qu’au ministère de l’intérieur règne en ce moment une
pensée fortement centralisatrice. Cette pensée centralisatrice ne fait que
poindre jusqu’à présent, mais je crois que si on n’y apporte pas un obstacle
énergique, elle finira par compromettre et par fausser nos principales
institutions et nos libertés les plus précieuses.
Vous l’avez entendu à la séance de
samedi, M. le ministre de l’intérieur vous a fait sa profession de foi, il vous
l’a faite avec une franchise à laquelle je m’empresse de rendre hommage.
Il a reporté vos souvenirs à l’année
1830, à l’époque de notre révolution. Il vous a dit qu’en 1830, on croyait aux
individus, à l’extension des droits individuels et qu’on croyait très peu au
gouvernement, qu’on avait alors des pensées de défiance, presque d’hostilité
pour l’intervention gouvernementale. On voulait alors, ainsi qu’il vous la dit,
renfermer le gouvernement dans une mission purement négative. Puis il vous a
dit qu’une réaction s’était opérée dans les idées et dans les esprits, que
cette défiance s’était transformée en un système de confiance, et un système de
confiance illimitée en quelque sorte, de telle manière qu’au lieu de combattre
l’intervention du gouvernement, on la réclamait non seulement dans l’ordre des
intérêts matériels, mais aussi dans l’ordre des intérêts intellectuels et
moraux.
Avant de signaler ce que ce programme
paraît avoir de trop absolu, je crois devoir relever une erreur de fait qui
s’est glissée dans cette profession de foi de M. le ministre de l’intérieur.
Il a reporté à la révolution de 1830
cette manifestation de l’individualisme et des droits individuels, cette pensée
de défiance et d’hostilité contre l’influence gouvernementale. Il en
résulterait donc dans la pensée de M. le ministre de l’intérieur que la
révolution de 1830 serait en quelque sorte un fait isolé, sans précédent dans
le passé, sans conséquence dans l’avenir. Faut-il donc que je rappelle à M. le
ministre de l’intérieur que cette révolution de 1830, en Belgique comme en
France, n’était elle-même que la conséquence logique et la continuation de la
révolution, bien autrement importante, de 89 ; et cette révolution de 89
elle-même n’était-elle pas le résultat de ce vaste travail intellectuel qui
agitait les nations européennes depuis trois siècles et qui devait amener la
reconnaissance des droits des individus et des peuples, le grand fait de l’émancipation
humaine ?
Quel était donc le principe qui
gouvernait l’ancienne société ? Précisément le principe que M. le ministre
entend réhabiliter aujourd’hui, le principe de l’autorité et de l’intervention
absolue du pouvoir. C’est là, sans doute, le beau idéal auquel voudrait nous
amener M. le ministre. Le pouvoir se résumait alors dans l’unité monarchique et
dans l’absolutisme royal ; toute la science gouvernementale se bornait à faire
respecter le principe de l’obéissance passive.
Aussi, à cette époque, les droits des
peuples, les droits individuels étaient insolemment foulés aux pieds. Les
nations étaient considérées comme de vils troupeaux dont on se partageait
l’exploitation et qu’on livrait à tous les excès, à tous les attentats de
l’arbitraire.
Eh bien, ces saturnales de la force,
ces exagérations brutales de l’absolutisme devaient avoir un terme. A toutes
les époques, sans doute, il y avait eu des protestations dans l’intérêt de la
dignité et de la raison humaine.
Mais ces protestations étaient alors des
protestations purement individuelles ; elles étaient isolées, elles étaient
sans retentissement et sans écho. Le jour où l’imprimerie est apparue, ce
jour-là tout a changé de face ; ces protestations individuelles sont devenues
des protestations universelles en quelque sorte. Dès ce moment la cause de
l’absolutisme fut perdue. Il ne s’en défendit qu’avec plus de brutalité et de
violence ; il appela à son secours les bûchers et les échafauds ; il voulut
noyer dans le sang la pensée humaine. Mais elle triompha de tous ces obstacles
; elle renversa les échafauds et les bûchers et vint enfin, au milieu de la
crise de 89, formuler le programme de la société nouvelle.
Qu’est-il arrivé en 89, l’explosion,
et l’explosion la plus énergique des droits individuels, la reconnaissance des
droits des individus et des nations. C’est alors qu’on entendit proclamer ces
grands principes de la liberté et de la pensée, de la liberté de la conscience,
de la liberté de la presse, de la liberté d’association, de la liberté du travail,
de l’égalité des hommes devant la loi, de l’égalité et de la fraternité des
peuples. C’était là une immense révolution, révolution dans les idées et dans
les faits, révolution qui, par son importance, peut être considérée comme la
première de toutes les révolutions sociales et politiques.
Mais au milieu des luttes qu’elle eut
à soutenir, cette révolution eut le tort de se laisser aller à des empiétements
et à des violences. Elle poussa jusqu’à la haine, et une haine implacable, son
hostilité contre le pouvoir, et le premier enthousiasme de la liberté alla
parfois jusqu’à l’anarchie.
Une réaction était inévitable ; elle
eut lieu. On vit alors une de ces réactions qui ont été signalées par M. le
ministre de l’intérieur, une réaction dans l’intérêt des idées gouvernementales
et de la restauration du pouvoir.
C’est l’empire qui s’est présenté
comme représentant, comme interprète de cette réaction. Que fit-il ? De la
pointe de son épée, il effaça toutes les traditions révolutionnaires et tous
les principes de liberté dont la révolution de 1789 avait doté
Il confisqua à son profit toutes les
libertés populaires, et gouvernant avec un sceptre de fer, il étendit sur la
France entière le réseau de cette formidable centralisation dans les liens de
laquelle la France se débat encore aujourd’hui et qui est le principal
obstacle, en ce moment encore, à l’extension du progrès matériel et moral dans
ce pays.
Qu’est-il résulté de cette
centralisation impériale et de la violence de cette réaction contre les
intérêts révolutionnaires et les idées libérales ? C’est que l’empire est tombé
; il est tombé bien plus devant la puissance des idées, et des idées libérales,
que devant la puissance des baïonnettes.
Les Bourbons lui ont succédé ;
qu’ont-ils fait ? Eux aussi ont engagé cette lutte avec la liberté : ils ont voulu renouer la chaîne des temps,
revenir aux doctrines du passé : le pouvoir des Bourbons aussi a été brisé par
la colère du peuple.
Dans ce pays, le gouvernement des
Nassau a cédé aussi à des velléités de centralisation et de force. Eh bien,
malgré sa sollicitude pour les intérêts matériels, il s’est aussi brisé contre
nos barricades, et c’est au nom de nos droits méconnus et de nos libertés
violées que s’est faite ici la révolution de 1830.
Voilà de l’histoire, de l’histoire
contemporaine. Il est étrange que je sois obligé de la rappeler, cette
histoire, à M. le ministre de l’intérieur, lui qui a fait de l’étude de cette
période de notre histoire, l’objet de ses principales méditations.
Il est temps, je le sens le premier,
il est temps que je sorte enfin de ces généralités pour arriver à des
conclusions positives et qui se rattachent à l’article en discussion, Si j’ai
cru devoir examiner avec étendue la question de centralisation, ce n’est pas
pour faire ici de la métaphysique constitutionnelle avec M. le ministre de
l’intérieur, c’est parce que, pour le ministère, cette doctrine n’en est plus à
l’état de théorie et qu’il en poursuit avec persévérance l’application.
M. le ministre a prétendu qu’en cela
il ne faisait que suivre la réaction qui s’était manifestée dans les esprits.
S’il faut l’en croire, nous sommes
maintenant en voie de réaction gouvernementale ; on l’appelle, on la réclame,
cette intervention, vous dit M. le ministre ; on veut la faire descendre dans
la sphère des intérêts matériels comme dans la sphère des intérêts moraux,
intellectuels.
A l’appui de cette allégation, M. le
ministre de l’intérieur a cité des faits ; il les a puisés d’abord dans la loi
sur l’enseignement, puis dans la liberté commerciale, qui, selon lui, serait maintenant
une doctrine abandonnée de tous ; enfin il a cité l’intervention du
gouvernement dans l’exécution des travaux publics, et notamment dans la
construction du chemin de fer.
Quant à la question d’enseignement,
il est vrai qu’une loi récente et qui, sous certains rapports fait au
gouvernement une part assez large, a réuni même dans cette enceinte la
presqu’unanimité des suffrages. Mais je crois qu’un jour viendra où cette loi
soulèvera contre elle une unanimité de réprobation ; car cette loi consacre
l’arbitraire et livre au gouvernement et le choix des hommes et la direction
des doctrines. Or, l’arbitraire, on l’a dit cent fois, est une arme à deux
tranchants, et après avoir blessé successivement tous les partis, il finit par
les voir se soulever tous contre lui pour briser eux-mêmes leur œuvre.
Les doctrines de liberté commerciale,
vous a dit M. le ministre de l’intérieur, sont tombées dans 1e discrédit le
plus profond : qui donc pourrait les défendre encore ? Qui donc pourrait
soutenir le dogme des économistes, le laisser faire, le laisser passer ? Eh
bien, alors même que je serais seul dans cette enceinte, je ne craindrais pas
de soutenir la doctrine de la liberté commerciale, cette doctrine que M. le
ministre de l’intérieur a frappée de réprobation.
M. le président. -
Comment cela se rapporte-t-il aux traitements des fonctionnaires ?
M. Castiau. - L’augmentation du traitement des fonctionnaires se rattache aux
idées de centralisation développées par M. le ministre. J’établis que la
centralisation administrative, telle que l’entend M. le ministre de
l’intérieur, nécessite une augmentation de personnel, que l’augmentation de
personnel nécessite, une augmentation de traitement. Je crois donc être dans la
question, en combattant des idées qui tendent à justifier ce principe et ses
fatales conséquences, et je demande la permission de continuer. (Parlez ! parlez !)
Je disais donc que je défendrais,
quant à moi, la doctrine de la liberté commerciale, parce que c’est la cause de
la liberté du travail et de la prospérité industrielle ; c’est parce que cette
liberté jusqu’ici n’a été ni comprise, ni appliquée, que toutes les nations
européennes ont à supporter aujourd’hui toutes les conséquences d’un indicible
malaise. Le jour où tomberaient toutes les barrières de douanes, le jour où
tous les peuples proclameraient le principe social de la communauté
industrielle, ce jour-là les industries rentreraient partout dans leur
condition normale, et les peuples s’enrichiraient en échangeant librement leurs
produits, au lieu de se ruiner mutuellement par une absurde guerre de tarifs et
de prohibitions.
Quant à l’intervention du
gouvernement dans l’exécution des travaux publics, cette question est loin
d’être décidée d’une manière absolue, ainsi que le prétend M. le ministre.
Je sais tout ce qu’on a dit, tout ce
qu’on peut dire encore pour la justifier dans ce pays. Ce n’est pas à dire pour
cela que l’individualisme soit impuissant en pareille matière ; car si M. le ministre
veut reporter sa pensées sur d’autres pays, s’il veut interroger un pays qu’il
cite souvent, le pays de la décentralisation par excellence, les Etats-Unis, il
verra que nulle part au monde l’on n’a pu réaliser encore des entreprises plus
colossales et des travaux plus gigantesques.
Après toutes ces digressions qui me
fatiguent et qui fatiguent plus encore l’assemblée, sans doute, j’arrive enfin,
pour n’en plus sortir, à la partie pratique de la discussion. Seulement je
tiens à constater une dernière fois qu’elles n’étaient pas étrangères à la
discussion, ainsi que le supposait tout à l’heure l’honorable président. Elles
prouveront que toutes les atteintes faites à nos droits et à nos libertés, au
nom de la centralisation, sont, chez M. le ministre, le résultat d’un système
arrêté, et que chez lui la théorie est parfaitement d’accord avec la pratique.
J’en viens donc aux dernières applications qu’il a faites de son système.
Je vous citerai d’abord la loi
électorale, les modifications apportées à cette loi. Au nom de quel principe
ces modifications ont-elles été apportées ? Précisément au nom du principe de
centralisation, dont M. le ministre a si bien développé la théorie ; on a
aggravé les conditions de l’électorat, afin de réduire le nombre des électeurs
et d’affaiblir le principe électoral, qui est précisément le principe le plus
hostile à la doctrine et aux exigences de la centralisation administrative.
On a cru devoir ensuite prolonger la
durée du mandat, déjà trop long, des conseillers communaux. Dans quel intérêt ?
C’est encore dans l’intérêt de la centralisation administrative ; ç’a été pour fortifier le pouvoir, dans la commune, contre
l’intervention électorale qui est un véritable épouvantail pour les partisans
de la centralisation ministérielle,
Dans la question des bourgmestres,
pourquoi est-on venu réclamer en faveur du pouvoir le droit de nommer les
bourgmestres en dehors du conseil ? C’est encore au nom de la centralisation.
On a cru qu’il fallait renforcer
l’action du pouvoir central, et l’on est venu mutiler encore les derniers
débris de nos institutions communales.
En réglant l’enseignement primaire,
la centralisation administrative a encore obtenu un brillant triomphe ; car
elle a fait constater le droit d’intervention ministérielle dans la direction
intellectuelle de la société.
Et là ne se sont pas arrêtées les
conquêtes de centralisation administrative ; elles ont été poussés plus loin et
quand l’occasion s’est présentée de porter atteinte aux prérogatives de la
chambre, on n’a pas cru devoir la laisser échapper.
Je n’en citerai qu’un seul exemple :
les questions les plus importantes que l’on puisse traiter ici sont les
questions de douane et de tarif ; ce sont de véritables questions de propriété,
car elles modifient les conditions du travail et les droits des producteurs et
des consommateurs. Eh bien, c’est toujours poussé par des idées de
centralisation que M. le ministre de l’intérieur a remis en vigueur la loi de
1822, cette loi qu’il avait été puiser dans l’arsenal de l’arbitraire des lois
hollandaises, cette loi qui devait paraître abrogée, sinon explicitement, du
moins implicitement, par les dispositions de la constitution. Et quand est-on
venu faire la dernière application de cette loi exceptionnelle ? C’est quelques
jours avant l’ouverture de la session ; c’est alors que la chambre allait être
saisie de l’examen de l’ensemble de nos lois industrielles et commerciales.
Poussé par ce besoin d’étendre les prérogatives gouvernementales et de faire
acte d’autorité, on est venu résoudre cette question que la chambre seule avait
le droit de résoudre. A la vérité, l’on a consenti à faire légaliser cette
mesure par la chambre. Mais une fois adoptée par le ministère, la chambre ne
peut la repousser ; elle n’a plus de libre arbitre ; elle est obligée de
ratifier l’œuvre ministérielle, sous peine de jeter une nouvelle perturbation
dans l’industrie.
Mais, messieurs, on ne s’est pas
contenté d’effacer ainsi, autant que possible, les prérogatives de la chambre,
on est allé plus loin : on est allé, toujours sous l’influence des
préoccupations de la centralisation, jusqu’à oublier, dans certaines
circonstances, l’existence et l’autorité des lois elles-mêmes.
C’est ainsi qu’en 1841 on a cru
devoir modifier les tarifs des péages pour certains canaux, et ce par
ordonnance ministérielle, contrairement à une disposition de la constitution
qui ne reconnaît ce droit qu’au pouvoir législatif seul.
La loi électorale n’a pas été mieux
traitée, et dans certaines circonstances on a cru pouvoir impunément violer ses
dispositions les plus formelles.
C’est ainsi que quand il s’est agi de
la réélection de deux membres du cabinet, réélection qui devait avoir lieu dans
un délai déterminé par la loi, on a violé ouvertement les exigences de la
légalité. Les collèges électoraux n’ont pas été convoqués.
La loi sur la garde civique a été,
dans l’année qui vient de s’écouler, l’objet d’une violation non moins
flagrante. Les réélections, qui devaient avoir lieu dans ce corps, ont été
ajournées et indéfiniment ajournées ; au mépris de la disposition formelle de
la loi, et des atteintes à la légalité, on est passé à des attaques contre le
gouvernement représentatif et l’indépendance électorale, sans laquelle le
gouvernement représentatif n’est qu’un mensonge. Je n’aime pas à jeter de noms
propres dans les débats ; mais enfin nous ne pouvons pas oublier qu’un de nos
plus honorables collègues a été victime de cette nouvelle atteinte portée aux
droits électoraux au nom de l’omnipotence ministérielle.
Je n’aime pas, messieurs, d’aborder
les discussions personnelles, je ne jetterai donc aucun nom dans ce débat, mais
je ferai seulement un appel à vos souvenirs ; vous savez tous que nous comptons
dans cette chambre un honorable membre qui a été victime des principes de
centralisation professés par M. le ministre de l’intérieur.
Voilà donc, messieurs, ce que ces
principes de centralisation de M. le ministre ont produit jusqu’ici. Déjà nous
leur devons des modifications profondes à nos lois électorales, à nos lois
municipales, et des atteintes nombreuses aux prérogatives de la chambre, à
l’autorité de la loi et au principe vital du gouvernement représentatif.
Il me reste maintenant à vous faire
voir quelles seront dans l’avenir les conséquences des doctrines de M. le
ministre sur la réaction gouvernementale dont il est l’organe et l’appui.
Ici je n’ai pas la prétention d’être
prophète ; je n’ai pas la prétention d’aller chercher au fond de la conscience
de M. le ministre sa pensée. Je croirai même à la franchise de sa déclaration,
quand il est venu vous dire qu’il respecterait la constitution, qu’il saurait
la faire respecter. Mais, malgré cette réserve, malgré ces protestations, je
dis que M. le ministre de l’intérieur entraîné par la puissance des principes
qu’il a posés et qu’il a appliqués jusqu’ici, n’est pas assez fort pour
résister aux conséquences de ces principes.
Eh bien, si déjà, pour le passé, la
centralisation a produit des résultats si funestes, elle menace de dangers bien
plus graves encore l’avenir de nos institutions.
Ainsi, les partisans de la
centralisation administrative ne tarderont pas à reconnaître que les
institutions provinciales, par exemple, sont encore imprégnées de cet esprit de
libéralisme et de défiance envers le pouvoir contre lequel M. le ministre veut
réagir. On se rappellera que le pouvoir central n’est pas même armé du droit de
dissolution, et que l’agent du gouvernement central s’y trouve placé sous la
tutelle des députations permanentes des conseils provinciaux. On vous dira que
c’est là une anomalie choquante, et au nom des exigences gouvernementales on
vous pressera de la faire disparaître.
On ne tardera pas peut-être à exiger
aussi de nouvelles modifications à nos institutions communales. On prétendra
que celles qui y ont été apportées jusqu’ici ne donnent pas encore assez de
force à l’arbitraire ministériel. Après avoir obtenu la nomination des
bourgmestres en dehors du conseil, on réclamera celle des échevins, et la
liberté municipale finira par ne plus exister que dans nos souvenirs.
Là ne se bornera pas la réaction
ministérielle ; il y a encore, messieurs, d’autres institutions qui portent
l’empreinte de cet esprit révolutionnaire de 1830, que M. le ministre se croit
le pouvoir et la mission d’étouffer. Comment oublier le jury ? Le jury est-il
autre chose que la négation de l’intervention du pouvoir en matière judiciaire
? Il n’a été établi que pour offrir des garanties aux citoyens contre
l’arbitraire et les vengeances du pouvoir. Eh bien ! messieurs, on viendra
aussi prétendre qu’une telle institution est anti-gouvernementale, et si on
n’ose la supprimer, on la faussera de telle sorte qu’on enlèvera à ce corps
toute son indépendance.
Après le jury viendra la garde
civique. La garde civique aussi, messieurs, est une de ces institutions
révolutionnaires, pour lesquelles le pouvoir doit avoir peu de sympathie. La
garde civique, c’est le pays armé pour la défense de l’ordre et pour la défense
de la liberté, c’est donc une sorte de tutelle militaire imposée au pouvoir
lui-même. Quoi de plus anarchique, et ne faut-il pas, dès présent, laisser
retomber dans le néant cette dangereuse institution ?
La magistrature, aussi sans doute,
aura son tour, car la magistrature aussi a été organisée sous l’influence
d’idées très peu favorables à l’arbitraire ministériel. On l’a environnée de
garantie de toute espèce, et pour les compléter on a forcé le premier à faire
ses choix sur des listes de présentation. Ne cédera-t-on pas au désir de briser
ces garanties importunes, et de remettre le gouvernement en possession du droit
illimité qu’il avait jadis pour ces nominations ?
Puis, reprenant la question
d’enseignement, on viendra revendiquer pour l’enseignement secondaire
l’application de l’arbitraire qu’on est parvenu à faire triompher dans la
discussion de la loi sur l’enseignement primaire.
Mais, messieurs, comme la presse
n’est aussi qu’un mode d’enseignement, et le mode d’enseignement le plus
énergique, sous le prétexte que cet enseignement s’adresse en partie à des
classes qui ne peuvent en comprendre la portée, en viendra sans doute aussi
revendiquer la direction souveraine de la presse et le rétablissement de la
censure.
Après la presse pourra bien venir
l’association. Car l’association aussi est l’un de ces droits proclamés par la
constitution de 1830 qui épouvantent le plus les gouvernements. On voudra aussi
intervenir pour régler une matière aussi grave, et les autorités ne manqueront
pas pour justifier cette nouvelle réaction.
On aura l’exemple de la France sons
les yeux ; on répétera toutes les déclamations dont le principe d’association a
été l’objet dans ce pays et
Je ne sais trop si l’indépendance du
culte elle-même ne finira pas par effaroucher quelque peu les susceptibilités
ministérielles.
Cette indépendance est encore une des
conquêtes de 1830. Les prétextes ne manqueront pas quand n viendra prouver que
cette indépendance absolue est incompatible avec les nécessités de la
centralisation administrative.
C’est ainsi, messieurs, que revenant
successivement sur toutes vos institutions constitutionnelles, on finirait par
anéantir successivement par des voies directes ou par des voies détournées
toutes les conquêtes de votre révolution.
Je le répète, messieurs, ce
projet, je ne crois pas qu’il soit mûr encore et qu’on veuille immédiatement en
tenter l’application. Quoi qu’on en dise nous sommes encore trop rapprochés de
notre révolution pour marcher aussi vite et aller aussi loin. Je crois donc,
pour le moment, à la sincérité de la déclaration faite par M. le ministre,
qu’il respecterait la constitution. Mais il sera débordé par le principe qu’il
exalte ; ce principe l’entraînera à ses dernières conséquences ; car, après
tout, c’est la logique qui gouverne le monde, et M. le ministre cédera facilement
à des entraînements qui seraient conformes à ses convictions.
Et alors, messieurs, où en
serons-nous ? Nous en serons au point de départ, nous en reviendrons à 1829, et
une fois que nous en serons revenus à 1829, ce que nous aurons à craindre est
facile à prévoir, nous aurons à craindre un nouveau 1830.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je dois protester d’abord
contre les doctrines beaucoup trop absolues que l’on m’a attribués, et en
second lieu contre les projets qu’on me suppose jusqu’à un certain point dans
l’avenir, comme des conséquences, en quelque sorte, fatales de ces doctrines.
J’étais loin de m’attendre,
messieurs, à voir traiter devant vous la question de centralisation. Dans la
séance de samedi dernier, j’avais cru n’énoncer, en quelque sorte, que des
faits. J’avais dit qu’une réaction s’opérait dans les esprits, en ce sens, que
tout le monde semblait plus ou moins disposé à attribuer une mission positive
dans certaines choses au gouvernement. J’avais été plus loin et je m’étais
permis de vous prémunir contre un écueil, c’est que peut-être on serait tenté
d’aller trop loin dans cette réaction.
Si, messieurs, je voulais, à mon
tour, attribuer des doctrines absolues à l’honorable préopinant, je
demanderais, après l’avoir entendu, quelle impression peut rester dans les
esprits. On serait presque tenté de lui demander : pourquoi faut-il encore un
gouvernement ?
Je crois, messieurs, que le
gouvernement ne doit pas être tout, mais qu’il doit être quelque chose. Je
crois qu’il faut un équilibre entre la part faite à ce qu’on appelle l’action
individuelle et la part faite à l’action gouvernementale. C’est cet équilibre
que nous devons chercher, c’est cet équilibre que nous devons maintenir. Si
nous exagérions l’action gouvernementale, nous tomberions dans la monarchie
absolue. Si nous exagérions la négation de l’action gouvernementale, si nous
exagérions outre mesure l’action individuelle, élective, provinciale,
communale, nous tomberions dans un autre système absolu, la suppression du
gouvernement central. C’est cet équilibre que j’aurai toujours en vue et que je
chercherai, pour ma part, à maintenir.
Je regrette, messieurs, de ne pas
pouvoir suivre l’honorable préopinant dans les généralités qu’il vous a
exposées. Il a eu raison de dire qu’il touchait à des études historiques et
sociales qui sont mes études favorites, mais je dois m’interdire ces sortes
d’excursion devant la chambre.
Je reviens maintenant à la question
purement positive.
Voici, messieurs, ce qui arrive au
ministère de l’intérieur, j’ai un tableau très curieux sous les yeux ; je vais
citer le nombre des pièces entrées et le nombre des pièces sorties. Vous
comparerez les années entre elles, et vous jugerez ainsi de la progression des
affaires.
M. Castiau. - J’ai reconnu tout le premier cette progression, et elle a été mon
principal argument pour établir le développement de la centralisation
administrative.
Plusieurs voix. - L’accroissement du travail
n’est pas contesté.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Dès lors, je ne
m’attacherai pas à l’établir ; je le regarde avec vous comme constant. La
besogne devant se faire, je demande le moyen d’y suffire. Il y a plus, dussé-je
m’exposer à des accusations nouvelles de la part de l’honorable préopinant, je
dirai qu’entre autres j’ai trois projets dont je désire vivement m’occuper
cette année. Outre les tâches déjà indiquées dans les différentes pièces que
vous avez sous les yeux, je veux m’occuper de la question des octrois
municipaux, question extrêmement importante (oui, oui), non pas dans l’intention d’anéantir l’octroi des
conseils communaux, mais dans l’intention d’établir un système et de rattacher
davantage cette question au gouvernement central. Peut-être même présenterai-je
un projet de loi à la chambre pour indiquer les objets imposables et fixer
certaines limites. C’est un grand travail que je dois faire. (Approbation.)
Vous savez déjà, messieurs que nous
nous occupons de la question du défrichement. Il y a encore là de très grandes
recherches à faire, et nous avons à examiner jusqu’à quel point il faut encore
ici que l’action gouvernementale, ou plutôt l’action des pouvoirs publics,
l’action des pouvoirs centraux (car vous êtes aussi un pouvoir central) jusqu’à
quel point l’action des pouvoirs centraux doit venir en aide à l’action
individuelle et à l’action communale.
Enfin, je m’occupe d’un projet
qui aura sans doute toutes les sympathies de l’honorable M Castiau je m occupe
d’un projet sur le travail des enfants dans les manufactures et dans les mines.
Je dirai : ici il faut encore avoir une certaine défiance des individus, car si
nous avions une confiance absolue dans les individus, dans les pères de
famille, quant au travail qu’ils exigent de leurs jeunes enfants, si nous
avions une confiance absolue dans les chefs d’atelier et dans les entrepreneurs
de travail, pourquoi nous occuperions-nous d’une loi sur le travail des enfants
dans les manufactures et dans les mines ?
Je crois donc, messieurs, que les
faits étant incontestables, il y a lieu d’accorder le chiffre que j’ai demandé.
M. Savart-Martel. -
Je n’ai pas voulu, messieurs, prolonger la discussion brûlante de samedi
dernier, mais j’éprouve le besoin de vous faire connaître les motifs du vote
que j’aurai à émettre sur l’objet qui nous occupe, ainsi que sur les budgets
qui restent encore à examiner.
Dans son discours, l’honorable
ministre des travaux publics a fait aux membres qui siègent sur ces bancs…
M. le président. - Je vous ai donné la parole pour parler sur le chiffre en discussion.
Si vous voulez rentrer dans la discussion générale, je ne pourrai vous
maintenir la parole sans consulter la chambre.
M. Savart-Martel. -
Je voulais expliquer les motifs de mon vote ; cependant si M. le président
pense que je ne puis rentrer dans la discussion générale, je m’en abstiendrai ;
je céderai d’autant plus volontiers à ses observations que, comme on l’a dit
samedi dernier, elles sont toujours impartiales.
M. Angillis. - Messieurs, il s’agit d’une demande d’augmentation de crédit de 6,550
fr. Cette augmentation est destinée à porter les traitements de quelques employés
du ministère de l’intérieur à un chiffre qui soit en rapport avec leur travail
et avec l’importance des affaires qu’ils ont à traiter. Cette demande de M. le
ministre me paraît juste et équitable, et ce ne sera jamais moi qui repousserai
une demande de cette nature. Mais, si j’approuve la demande d’augmentation de
crédit, je dois déclarer en même temps que je désapprouve une partie des motifs
qu’on a fait valoir pour l’appuyer. En effet, messieurs, dans sa réponse à la
section centrale, M. le ministre a fait remarquer que les employés du ministère
sont placés dans une espèce d’impasse.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je reconnais que ces
expressions sont trop absolues. J’aurai dû dire qu’ordinairement il en est ainsi.
M. Angillis. - Je ne dirai donc plus rien sur ce point. Je suis charmé que M. le
ministre partage mon opinion, car il ne peut jamais décourager un employé, et
je ne verrais pas le motif pour lequel un employé du ministère, un employé
supérieur ne pourrait pas dignement, honorablement et avec intelligence,
occuper une place de commissaire d’arrondissement, et même une placé de
gouverneur, s’il est assez favorisé de la fortune.
Je reviens au crédit en discussion,
et je dis avec M. le ministre de l’intérieur, qu’en général les employés du
ministère de l’intérieur sont peu rétribués. Je le dis parce que c’est exact ;
je connais particulièrement plusieurs de ces employés qui sont dévoués, qui
rendent des services considérables, et qui n’ont pas un traitement proportionné
à leur travail.
Je n’en dirai pas davantage,
messieurs, les autres observations que j’avais à présenter tombent par suite de
la déclaration de M. le ministre de l’intérieur. Je terminerai donc en disant
que j’appuierai de mon vote le crédit demandé.
M. le
ministre de l’intérieur (M. Nothomb) -
Je remercie l’honorable préopinant de ne pas m’avoir reproché l’interruption
que je me suis permise tout à l’heure. Comme je l’ai dit, les expressions qui
se trouvent dans la note insérée dans le rapport de la section centrale, ces
expressions sont beaucoup trop absolues. Je désire que le sort des employés et
des fonctionnaires publics soit le meilleur possible, et je saisis cette
occasion pour annoncer à la chambre que mes collègues et moi, nous avons été
frappés également d’une question dont on s’occupe en ce moment en France. Cette
question est celle-ci : N’y aurait-il pas lieu à prendre un arrêté général
d’organisation des bureaux ministériels, à établir un ensemble, d’abord dans
chaque ministère, ensuite d’un ministère à un autre ? (Marques d’approbation.) N’y aurait-il pas lieu d’exiger des
conditions d’admission ? C’est une question dont nous nous occupons. En France,
plusieurs publications ont déjà été faites sur cette question, et j’engage MM.
les questeurs à se les procurer pour la bibliothèque de la chambre.
M. de Brouckere. - Je ne partage pas messieurs l’opinion qui a été développée par
l’honorable orateur que vous avez entendu le premier dans cette discussion, ni
sur la mission du gouvernement ni sur ce qu’il a appelé la centralisation. La
mission du gouvernement n’est pas à mes yeux une mission passive ; c’est une
mission positive, une mission active, et lorsque M. le ministre de l’intérieur
a répondu que si le gouvernement n’est pas tout, il doit cependant être quelque
chose, il n’a selon moi, pas été assez loin ; selon moi, messieurs le
gouvernement ne doit pas seulement être quelque chose, il doit être beaucoup.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Certainement.
M. de Brouckere. - C’est du gouvernement que doit venir, selon moi, la direction imprimée
aux affaires ; sinon il est impossible qu’il y ait de l’harmonie et de l’unité
dans la marche des affaires, sinon nous tomberions en peu d’années dans la plus
déplorable anarchie. Si donc j’avais, moi, un reproche à adresser au
gouvernement, ce serait, au contraire, de ne point regarder sa mission comme
aussi active qu’elle doit l’être.
Je ne partage pas non plus l’opinion
de l’honorable membre sur ce qu’il appelle la centralisation. Je ne crains
point que ce soit à cette centralisation qu’il faille attribuer tous les
résultats dont il nous a parlé en jetant un coup d’œil rétrospectif sur ce qui
s’est passé depuis 1789. Cette centralisation ne m’inspire nullement les
craintes qu’elle semble lui donner. Je n’entreprendrai pas cependant de réfuter
l’honorable M. Castiau, bien que je l’aie entendu avec tout l’intérêt avec
lequel tout le monde entend les opinions développées avec un talent comme celui
de l’honorable membre, mais si nous suivions l’honorable député de Tournay dans
toutes les questions qu’il a traitées, nous serions obligés d’occuper la
chambre pendant plusieurs séances.
Quelle est la question que nous avons
à décider en ce moment ? C’est tout simplement de savoir si nous accorderons au
gouvernement une majoration de 6,550 francs sur le chiffre destiné au paiement
des traitements des fonctionnaires, employés et gens de service du ministère de
l’intérieur.
Eh bien, messieurs, cette majoration
est à mes yeux parfaitement justifiée par deux notes émanant du ministère, dont
l’une est jointe an projet de budget et dont l’autre est insérée dans le
travail de l’honorable rapporteur de la section centrale. II est incontestable
que le travail des employés du ministère de l’intérieur est considérablement
accru depuis quelque temps ; mais cette augmentation est-elle le résultat de ce
que la centralisation aurait pris un développement extraordinaire ? Non,
messieurs, cette augmentation de travail est le résultat de différentes lois
que nous avons votées. On peut critiquer ces lois, on peut les blâmer, mais
tant qu’elles existent, il faut que le gouvernement les exécute. Eh bien,
l’exécution de ces lois amène inévitablement un très grand surcroît de travail.
Messieurs, ce que l’on a dit
de la position des employés du ministère de l’intérieur est vrai aussi jusqu’à
un certain point, et j’ai entendu avec le plus grand plaisir M. le ministre de
l’intérieur nous déclarer qu’il s’occupera, d’accord avec ses collègues, d’un
arrêté général destiné à organiser les bureaux de tous les ministères, mais que
le gouvernement me permette de lui recommander, à cette occasion, des employés
qui ne sont pas moins dignes d’intérêt que ceux des ministères (je veux parler
des employés des gouvernements provinciaux et des employés des commissariats
d’arrondissement) ; c’est d’eux qu’on peut dire, avec raison, que les bureaux
auxquels ils sont attachés sont une impasse dont ils ne sortent pas et ce que
je dis ici n’a pas pour but de faire une réclamation pour une province plutôt
que pour une autre ; je demande seulement que quand le gouvernement s’occupera
du sort des employés des ministères, il veuille bien ne pas perdre de vue celui
des employés que je viens de désigner. Je pourrais citer une province où il se
trouve deux employés du gouvernement provincial comptant chacun plus de quarante
années de loyaux services. Eh bien, je le demande, quelle est la perspective de
ces fonctionnaires ? Ailleurs, après un certain nombre d’années, si l’on ne
peut pas donner un avancement, on accorde des distinctions honorifiques. Je
crois que jamais pareille distinction n’a été accordée à un employé d’un
gouvernement provincial ou d’un commissariat d’arrondissement, du moins comme
tel.
M. Castiau. - Messieurs pour ne pas prolonger inutilement la discussion, je ne
ferai qu’une courte réponse à M. le ministre de l’intérieur.
Je rappellerai d’abord que dans cette
circonstance, je n’ai pas traité une question d’argent, mais une question de
principe. Peu m’importe le crédit demandé pour les employés du ministère de
l’intérieur, pourvu qu’on mette un terme aux tendances envahissantes qui s’y
révèlent.
J’ai été le premier à reconnaître que
ce crédit était nécessaire dans l’état actuel des choses, si l’on continuait à
voir affluer à ce ministère toutes les affaires dont le nombre va chaque jour
croissant ; mais abandonnant la question de chiffre, je m’étais adressé, pour
le combattre, au système même qui rendait l’augmentation nécessaire ; ce
système, je l’ai combattu de toutes mes forces, parce qu’il tend, je ne saurais
trop le répéter, à menacez nos institutions, nos droits, nos libertés.
Ce système, je l’ai combattu en
théorie et en fait, parce que la théorie en avait été développée samedi par M.
le ministre, et qu’avant la publication de ce nouveau programme, il en avait, à
diverses reprises, tenté l’application,
Maintenant, M. le ministre de
l’intérieur a singulièrement exagéré ma pensée s’il a cru que les conséquences
des doctrines défendues par moi allaient jusqu’à la négation du pouvoir,
c’est-à-dire, de l’anarchie.
M. le ministre n’aurait-il donc pas
compris la distinction qui était dans ma pensée entre la centralisation
administrative et la centralisation que j’appellerai législative ou sociale !
C’est pour compléter ma pensée et faire ressortir cette distinction que je reprends
en ce moment la parole pour un instant seulement.
Messieurs, il y a, dans ma pensée et
dans la vôtre sans doute, une distinction et une immense distinction entre la
centralisation administrative proprement dite et la centralisation que
j’appelle législative, parce qu’elle s’exerce par l’ensemble des pouvoirs
sociaux dépositaires de la souveraineté nationale. J’ai combattu la
centralisation administrative comme un mal, parce qu’elle est une cause
d’arbitraire et qu’elle a pour effet d’étouffer au sein des populations toute
activité, tonte spontanéité, toute initiative. Mais si j’ai combattu cette
centralisation de toutes mes forces, si je pense que les progrès qui ont été
réalisés en Belgique, tiennent surtout à l’absence de centralisation de
l’administration et de la bureaucratie, je reconnais, avec M. le ministre de
l’intérieur la nécessité d’une centralisation législative forte, puissante,
incontestée.
Quand il s’agira de l’intervention
des pouvoirs sociaux, de l’intervention des chambres, oh ! oui
sans doute alors il faudra s’incliner devant le principe de la souveraineté
nationale ; mais ne confondons pas cette puissance publique, qui est placée
dans les mains des chambres, avec cette espèce de souveraineté ministérielle
qu’on voudrait introduire chez nous et à laquelle on viendrait sacrifier tous
les fruits de la victoire populaire de 1830.
Est-ce à dire que le gouvernement
n’aura aucune espèce de mission, aucune espèce d’initiative ?
Oh non, messieurs, le gouvernement
aura encore une tâche immense à remplir. C’est à lui d’étudier et de préparer
les utiles projets dont on a parlé tout à l’heure, et c’est précisément pour
qu’il se livre à l’examen de ces questions nouvelles que je voudrais arracher
le gouvernement à ces petites préoccupations d’arbitraire qui semblent
constituer tous les fonds de la politique ministérielle.
Oui, je désire que le gouvernement
s’occupe des objets que M. le ministre de l’intérieur a indiqués tout à
l’heure, de la question d’octrois, de la question relative aux enfants employés
dans les manufactures, mais c’est aux chambres à trancher toutes ces questions
et non au ministère.
Que le gouvernement se livre à cette
étude et à cette préparation ; cela vaudra beaucoup mieux, pour lui et pour
nous, que de venir, ainsi qu’il l’a fait, attaquer, au nom de ses idées de
centralisation, des institutions qui sont entrées dans le caractère, dans le
droit public, dans les habitudes de la nation.
Je ne puis cependant
m’empêcher de faire observer que M. le ministre de l'intérieur n’a fait aucune
réponse à cette partie de mon discours où j’ai énuméré une série d’actes qui
témoignent de la tendance du gouvernement à s’affranchir des entraves de
l’action parlementaire. Aucune certitude non plus ne nous a été donnée, que le
gouvernement abandonnera à l’avenir toutes les questions du réaction
ministérielle, de réaction gouvernementale, pour s’occuper uniquement des
intérêts du pays.
Messieurs, si j’attache quelque
importance à cette question, si je m’y suis livré trop longuement peut-être,
c’est qu’il me paraissait que le discours prononcé par M. le ministre de
l’intérieur dans la séance de samedi, avait pour tendance de condamner l’esprit
de la révolution de 1830 et les idées libérales qui furent proclamées alors aux
acclamations de la nation.
C’est contre cette espèce d’anathème
que j’ai cru devoir protester. La constitution a fait la part du pouvoir et
celle de la liberté ; elle l’a faite, non seulement dans son texte, mais encore
dans son esprit. Les observations de M. le ministre m’ont paru la condamnation
de l’esprit qui avait dicté les principales dispositions de la constitution.
J’ai considéré comme un devoir de m’efforcer de les réfuter maintenant que je
crois avoir rempli cette tâche, la seule à laquelle j’attachais de
l’importance, j’abandonne de grand cœur la question d’argent et mon opposition
au crédit demandé.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, j’ai eu soin de
protester contre les projets que l’honorable préopinant me supposait pour
l’avenir, comme conséquences de doctrines que, selon moi, il exagérait. Cette
protestation devait suffire. C’est par là que j’ai commencé en répondant à
l’honorable membre et c’est même pour cela principalement que je lui ai
répondu.
En ce qui me concerne personnellement,
j’ai à remercier l’honorable préopinant de la discussion qu’il a soulevée. Il
veut bien me considérer comme un homme du pouvoir, et c’est d’après cette idée
qu’il explique certains de mes actes.
Je surs en
effet homme de pouvoir, et c’est précisément parce que je suis dominé par
l’idée de pouvoir, que je dois me prémunir contre les exagérations du principe.
Je dirai en même temps, me permettant de donner un conseil à l’honorable
préopinant, que, comme il se place à un autre point de vue, il doit se prémunir
contre les conséquences d’un principe contraire.
Messieurs, je ne crois pas avoir le
droit de suivre l’honorable préopinant dans les considérations générales,
politiques et historiques qu’il vous a exposées. Si je le pouvais, j’établirais
que des époques historiques ont été complètement dénaturées. L’époque de 1789
n’a pas été une époque de décentralisation ; l’époque de
On a parlé des travaux publics. Mais
n’est-ce pas en 1789 qu’on a fait rentrer dans le domaine national les routes
provinciales, les routes communales et jusqu’aux canaux construits par des
particuliers. C’est ainsi, si ma mémoire ne me trompe pas, qu’on a réuni ou du
moins qu’on a tenté de réunir au domaine national le canal de Languedoc, qui
avait été constitué en fief perpétuel en faveur de la famille de l’illustre
Riquet.
L’esprit de réaction que nous avons
signalé se manifeste également en Angleterre. Vous connaissez tous le beau
travail qui vient d’être publié dans ce pays sur la question de savoir s’il ne
faut pas que le gouvernement s’empare des chemins de fer.
On a cité encore et avec aussi peu
d’exactitude l’Amérique. En Amérique, il y a lutte entre deux partis, le parti
centraliste et le parti démocratique, et je sais qu’aux Etats-Unis c’est le
parti démocratique qui l’a emporté ; toutefois, le fondateur de l’indépendance
américaine, Washington, était centraliste. Il ne m’est pas permis de pousser
plus loin ces rectifications.
- Personne ne demandant plus la
parole, l’art. 2 est mis aux voix et adopté.
Articles 3 et 4
« Art. 3. Fournitures de bureau,
impression, achats et réparations de meubles, éclairage, chauffage et menues
dépenses : fr. 24,000 »
« Art. 4. Frais de route et de
séjour, courriers extraordinaires : fr. 4,000 »
- Ces articles sont mis aux voix et
adoptés sans discussion.
CHAPITRE II. - Pensions et secours
Articles 1 à 3
« Art. 1er. Pensions à accorder
à des fonctionnaires ou employés : fr. 5,000 »
« Art. 2. Secours à d’anciens
employés belges aux Indes, ou à leurs veuves : fr. 7,570 80 »
« Art. 3. Secours à des
fonctionnaires ou veuves de fonctionnaires, à des employés ou veuves
d’employés, qui, sans avoir droit à la pension, ont néanmoins des titres a
l’obtention d’un secours à raison de leur position malheureuse : fr.
7,000 »
- Ces articles sont successivement
mis aux voix et adoptés sans discussion.
CHAPITRE III. Statistique
générale
Article unique
« Article unique. Frais de
publication de travaux de la direction de la statistique générale de la
commission centrale, ainsi que des commissions provinciales : fr. 25 000 »
M. Cogels. - Messieurs, le chiffre de 25 mille francs est resté le même pour 1844
que pour 1843. Cependant pour la statistique générale il y a eu un changement ;
on a institué des commissions provinciales. De ces commissions provinciales on
exige des travaux assez multipliés ; malgré le zèle que incitent les membres de
ces commissions à s’acquitter de leur tâche, il est impossible de faire, par
eux-mêmes, certains travaux de détail, qu’ils sont obliges de faire exécuter
par des employés spéciaux ou des employés du gouvernement provincial. Or les
employés du gouvernement provincial sont souvent surchargés de travaux. Si on
vient encore leur faire faire des travaux pour la statistique générale, ce ne
pourra être qu’à des heures extraordinaires ; il faut alors leur accorder des
gratifications.
Pendant six mois de l’année dernière,
d’après le rapport de la section centrale, on a accordé 1,200 fr. qui ont été
répartis entre trois provinces. Pour les travaux statistiques dans la province
d’Anvers, on a accordé 400 fr. ; cette somme a été insuffisante. Elle ne
suffirait pas pour les frais d’impression qu’on sera obligé de faire.
Je demande à M. le ministre, si avec
les 25,000 fr. portés au budget, il pourra satisfaire aux besoins de la
statistique générale et aux besoins des commissions provinciales instituées, et
pour lesquelles un secours de 400 et même de mille fr. serait insuffisant.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je pense que cette
allocation sera suffisante ; la commission centrale n’aura pas autant de
publications à faire cette année qu’elle en a eu jusqu’à présent.
- L’article est adopté.
CHAPITRE
IV. - Frais d’administration dans les provinces
Article premier
« Art. 1er. Province d’Anvers :
fr. 121,477. »
M. le président. -
La section centrale propose d’accorder cette somme, mais en portant aux
dépenses extraordinaires les 4,000 fr. d’augmentation que cet article présente.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) adhère à cette proposition.
M. de Brouckere - Si je demande la parole, ce n’est pas pour ajouter aucune considération
à l’appui de l’augmentation de 4 mille francs proposée à cet article par M. le
ministre de l’intérieur, mais pour dire que je regrette que l’on ait inséré
dans le rapport de la section centrale une petite note qui semblerait pouvoir
être désobligeante pour certaines personnes. Je dois déclarer formellement que
dans les différents rapports que j’ai faits à M. le ministre de l’intérieur,
jamais il ne s’est trouvé une seule phrase de nature à désobliger qui que ce
soit. Si l’hôtel du gouvernement n’est pas aussi bien entretenu qu’on pourrait
le désirer, cela tient à deux causes. La première est que les bâtiments sont
extrêmement grands ; la deuxième que l’allocation du gouvernement est
positivement insuffisante. Depuis peu de temps le conseil provincial alloue
annuellement quelques subsides pour subvenir aux dépenses d’entretien. Je le
répète jamais aucune idée de reproche, à l’égard de qui que ce soit, n’est
entrée dans ma pensée.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Cela n’est pas entré non
plus dans ma pensée. Cette note aurait pu être rédigée avec plus de soin ; on
sait avec quelle rapidité se font ces communications entre un ministre et la
section centrale. J’ai donné beaucoup de notes que je ne savais pas devoir être
insérées dans le rapport car quelquefois ces communications rapides sont tout
officieuses. Si j’avais su que les passages auxquels on a fait allusion dussent
être transcrits dans le rapport, j’aurais proposé d’y faire des modifications.
M. Rogier. - Il n’y avait de raison à être désobligeant pour personne. Il pouvait
manquer quelques meubles nécessaires, mais l’hôtel était parfaitement
entretenu.
Je crois que la note est parfaitement
inconvenante.
- L’article 1er est adopté.
Article 2 à 5
« Art. 2. Province du Brabant :
fr. 124,275 »
« Art. 3. Province de
« Art. 4. Province de
« Art. 5. Province de Hainaut,
fr. 140,938 »
- Ces articles sont adoptés.
« Art. 6. Province de Liége :
fr. 125,330 »
M. Delfosse. - Messieurs, avant de voter l’allocation qui est demandée pour
l’administration provinciale de Liège, je dois signaler quelques faits qui
montreront à la chambre comment les lois sont exécutées dans notre province, et
principalement dans l’arrondissement du chef-lieu. Aux termes de la loi
électorale, les administrations communales doivent confectionner les listes
électorales du 1er au 5 avril. Ces listes doivent être affichées le dimanche
qui suit le 15 avril. On accorde 15 jours pour les réclamations. Ce délai de 15
jours pour les réclamations expirait, l’année dernière, année des élections
générales dans la province de Liége, le 2 mai. Aux termes des dispositions de
la loi électorale, les listes devaient être transmises au commissariat de
district dans les 24 heures après l’expiration du délai accordé peut les
réclamations, c’est-à-dire qu’elles auraient dû être transmises au commissariat
de district le 3 mai au plus tard. Vous sentez combien il est important que
cette disposition soit ponctuellement exécutée. L’époque de la confection des
listes est assez rapprochée du jour des élections. Ou n’a pas même le temps
nécessaire pour épuiser toutes les juridictions.
Le recours en cassation est, pour
ainsi dire, impossible, ou tout au moins, il ne peut avoir de résultat qu’après
les élections. Cette considération devrait engager toutes les administrations
communales à transmettre les listes dans le délai fixé par la loi ; elle
devrait engager les commissaires d’arrondissement et les gouverneurs de
provinces à exiger que les administrations communales se soumettent à cette
disposition de la loi, et à prendre contre celles qui seraient en retard les
mesures que la loi met à la disposition de ces fonctionnaires.
Dans notre province, la plupart des
listes ne sont arrêtées au commissariat de district qu’après l’expiration du
délai fixé par la loi. Non seulement la plupart sont arrivées après
l’expiration du délai, mais il en est qui sont arrivées longtemps après, il en
est qui ne sont arrivées que le 18 mai. Vous savez qu’on a dix jours, à partir
de la remise des listes, pour réclamer. On doit notifier cette réclamation à la
partie contre laquelle on réclame. Celle-ci a dix jours pour répondre. La
députation permanente a cinq jours pour statuer. Ces trois délais font 25
jours. 25 jours, à partir du 18 mai, conduisaient au 13 juin. La députation de
la province de Liége a eu toute la peine du monde à statuer en temps utile sur
les réclamations nombreuses qui lui ont été adressées. Elle a été obligée
d’avoir des séances extraordinaires les derniers jours, et plusieurs décisions
ont été prises la veille des élections.
Vous comprenez combien il était
difficile de faire connaître à temps aux intéressés les décisions qui avaient
été prises. Plusieurs administrations communales, un grand nombre même, se sont
donc permis une violation dangereuse de la loi. Lorsqu’on est venu nous
demander pour le gouvernement le droit illimité de nommer les bourgmestres même
en dehors du conseil, ou a fait sonner bien haut quelques peccadilles qu’on
prétendait avoir été commises par les bourgmestres que le gouvernement avait dû
nommer dans le sein du conseil.
On aurait pu croire, d’après ce qu’on
nous disait alors pour motiver la proposition du gouvernement, que tout allait
rentrer dans l’ordre, que les bourgmestres nommés par le gouvernement, quand le
gouvernement serait libre dans son choix, exécuteraient et feraient exécuter
les lois. Vous voyez comment la promesse a été tenue. Une disposition
importante de la loi électorale a été violée, et le gouvernement ne s’est pas
ému.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’en ai pas eu
connaissance.
M. Delfosse. - Vos agents en ont eu connaissance, vous êtes responsable de leurs
actes.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - A la condition qu’on me le
dénonce en temps et lieu.
M. Delfosse. - (erratum Moniteur belge n°24,
du 24 janvier 1844 :) La presse les a dénoncés.
Quelle a été dans cette circonstance
la conduite du gouvernement et du commissaire d’arrondissement ? Ont-ils usé
des moyens que la loi met à leur disposition ? Des commissaires spéciaux
ont-ils été envoyés ? Je ne le pense pas, cependant c’était le cas ou jamais de recourir à cette mesure.
Il y a, messieurs, encore d’autres
griefs que l’on pourrait articuler contre ces bourgmestres nommés librement par
le gouvernement et qui, à entendre les défenseurs du projet ministériel,
devaient en quelque sorte être parfaits. Non seulement un certain nombre de ces
bourgmestres se sont montrés négligents, mais quelques-uns ont osé s’inscrire
sur les listes électorales sans avoir le moindre titre pour y figurer. Ils ont
fait preuve en cela d’’une grande ignorance, ou d’une insigne mauvaise foi.
J’aime mieux croire à l’ignorance.
Un bourgmestre s’est prévalu des
contributions qui étaient payées par sa mère décédée ; d’après les premiers
éléments du droit civil, les contributions payées par la mère devaient être réparties
entre tous les enfants ; il y en avait quatre. Le bourgmestre, l’un des 4
enfants, ne pouvait s’attribuer qu’un quart ; il a trouvé bon, ressuscitant en
quelque sorte le droit d’aînesse, de s’attribuer le tout, et il s’est porté sur
la liste électorale. Naturellement on a interjeté appel contre cette
inscription ; qu’a fait le commissaire d’arrondissement, consulté sur le mérite
de l’appel ? Il a conclu au maintien. La députation n’a tenu aucune
compte de cet avis fort étrange, elle a rayé le bourgmestre de la liste
électorale.
Trois autres bourgmestres, dont les
droits n’étaient pas mieux fondés et qui s’étaient aussi portés sur la liste
électorale, en ont été également rayés par la députation permanente, et l’on
m’a assuré que ces décisions ont, comme la précédente, été prises contre l’avis
du commissaire d’arrondissement.
Il en a été de même d’un échevin et
de deux secrétaires communaux. L’un de ces derniers a été, peu de temps après,
récompensé de son excès de zèle : il a été promu aux fonctions de bourgmestre.
Voilà, messieurs, comment on procède
dans notre province !
Vous aves voulu que les commissaires
d’arrondissement fussent chargés de la vérification des listes électorales ;
vous avez crû trouver là une garantie ; vous avez cru que les listes seraient
épurées avec impartialité. C’est un devoir que vous avez imposé à tous les
commissaires d’arrondissement. Le commissaire de l’arrondissement de Liége n’a
pas rempli ce devoir il n’a rien fait du tout ; il n’a pas interjeté un seul
appel. Cependant il y avait des appels à interjeter ; car un grand nombre
d’électeurs ont été rayés par suite d’appels interjetés à la requête de
particuliers.
Le commissaire de l’arrondissement de
Liége avait probablement quelque répugnance à faire rayer ses amis politiques
des listes électorales ; s’il était intervenu pour faite rayer nos amis
politiques, on l’aurait pris en flagrant délit de partialité ; il a jugé plus
prudent de ne pas intervenir ; mais d’autres, des agents secondaires sont
intervenus pour lui ; on a vu des solliciteurs de places, munis de tous les
renseignements désirables, se substituer au commissaire d’arrondissement et
interjeter appel en leur nom. Il est fâcheux que le gouvernement, par les
nominations qu’il fait, laisse accréditer l’idée que les services électoraux,
que les courses électorales sont un titre pour obtenir des places.
J’ai encore à signaler un acte de M.
le commissaire d’arrondissement de Liége qui est une violation non seulement de
la loi, mais encore d’une promesse faire dans cette enceinte, par M. le
ministre de l'intérieur.
Les commissaires d’arrondissement
sont chargés de répartir les électeurs en sections, lorsque leur nombre s’élève
à plus de 400 ; ils doivent former des sections composés de 200 électeurs au
moins et de 400 au plus. La loi veut que, dans cette répartition, l’on ait
égard au voisinage, c’est-à-dire, que chaque section soit composée d’électeurs
du même canton. Si un canton ne suffit pas pour former une section, on doit y
adjoindre quelques communes voisines ; et ce n’est que dans les cas où il n’y a
pas moyen de faire autrement qu’on peut fractionner les communes, alors on
réunit les fractions de communes les plus voisines. Tel est le vœu de la loi.
Lorsqu’on a introduit dans la loi un
nouveau mode de formation des bureaux, j’ai exprimé quelques craintes sur
l’intervention des commissaires d’arrondissement. J’ai dit qu’ils pourraient
s’arranger de manière à composer les bureaux dans leur sens. Un commissaires
d’arrondissement n’aurait en effet qu’à choisir une commune rurale qui aurait
l’avantage de posséder de jeunes conseillers communaux qui sont chargés des
fonctions de scrutateurs ; il n’aurait qu’à mêler les électeurs de cette
commune à un grand nombre d’électeurs de la ville, les scrutateurs pourraient,
à l’aide de cette combinaison, être pris tous ou presque tous dans le petit
nombre des électeurs fournis par la commune rurale, alors que la grande
majorité des électeurs ne serait pas représentée au bureau.
Comme je connais quelque peu notre
commissaire d’arrondissement, je craignais qu’il n’eût recours à cette
combinaison ; j’ai en conséquence interpellé l’honorable M. Nothomb.
Le Moniteur fait foi de cette interpellation et de la réponse que M.
le ministre de l'intérieur m’a faite. J’ai demandé à l’honorable M. Nothomb,
si, dans son opinion, on pourrait fractionner les électeurs d’une ville et les
mêler avec les électeurs des communes rurales. J’ai dit que, pour rester dans
l’esprit et même dans la lettre de la loi, tant qu’il était possible de
compléter le nombre de 400 avec les électeurs de la ville, on ne devait pas
leur adjoindre des électeurs des campagnes, et que ce n’était que quand on
n’arrivait pas à ce chiffre, qu’on pouvait le compléter avec des électeurs des
campagnes.
Ainsi, par exemple, la ville de Liége
compte de 900 à 1000 électeurs. Pour se conformer à la loi, il fallait trois
sections composées d’électeurs de la ville ; il en fallait au moins deux, et
dans ce cas il serait resté un excédant de 100 à 200 électeurs de la ville que
l’on aurait pu mêler avec des électeurs des campagnes.
J’ai interpellé à ce sujet
l’honorable M. Nothomb, qui a répondu formellement que la loi serait exécutée
dans ce sens ; eh bien, elle ne l’a pas été.
Voici ce qu’on a fait : au lieu de
former des sections composées des électeurs de la ville, et de prendre la
fraction excédant le nombre de 800 pour la mêler avec les électeurs des
campagnes, on n’a fait qu’une section des électeurs de la ville ; les autres
électeurs de la ville, au nombre de 5 à 600, ont été répartis dans des sections
où ils étaient mêlés avec les électeurs des campagnes ; on est arrivé ainsi à
une composition de bureaux telle que M. le commissaire d’arrondissement pouvait
la désirer ; voici comment la répartition a été faite. Vous pourrez juger par
là de la partialité avec laquelle on a procédé.
La première section des électeurs du
quartier du Sud, lettres A à Z, au nombre de 299 pour celle-là, il n’y a rien à
dire.
La deuxième section des électeurs du
quartier Sud, lettres N à Z, du quartier de l’Est et des communes rurales de Jupille et de Wandre ;
La troisième section, des électeurs
du Nord, lettres N à Z, et du canton de Herstal, canton uniquement de
communes rurales ;
La quatrième section, des électeurs
du quartier de l’Ouest et du canton d’Alleur, canton composition uniquement de
communes rurales.
Les autres sections étaient composées
entièrement d’électeurs des campagnes.
A l’aide de cette combinaison, les
bureaux des sections où les électeurs de la ville se trouvaient en très grand
nombre, étaient en partie composés de conseillers des communes rurales.
La petite commune de Wandre, que l’on
avait été prendre pour la faire voter avec une partie du quartier du Sud et
avec le quartier de l’Est, a fourni à elle seule deux scrutateurs, bien qu’elle
eût tout au plus vingt à vingt-cinq électeurs.
Je n’ai rien à dire contre ces deux
scrutateurs. Ce sont des hommes honorables. Mais je dis que par la combinaison
de M. le commissaire d’arrondissement, combinaison contraire à la loi et à la
promesse de M. le ministre de l'intérieur, des conseillers communaux de Liége
se sont trouvés exclus des fonctions de scrutateurs.
Je pourrais, messieurs, entrer dans
d’autres considérations ; mas je crois en avoir dit assez pour vous faire
apprécier la moralité de ce qui s’est passé.
Ce n’est pas la première fois que je
me plains dans cette enceinte de M. le commissaire d’arrondissement de Liége.
Si je ne voyais que le côté politique, je remercierais le gouvernement de la
confiance qu’il persiste à montrer pour ce fonctionnaire, c’est au peu de
prudence, au peu de modération que M. le commissaire d’arrondissement de Liége
met habituellement dans ses actes, que nous devons en partie le succès
électoral du 13 juin dernier, succès que l’honorable M. de La Coste a qualité,
dans une précédente séance, de mesure réactionnaire (dénégation de la part de M. de
M. de La Coste. - L’honorable membre est tout à fait dans l’erreur.
M. Delfosse. - Je ne demande pas mieux que de m’être trompé sur le sens des paroles
de l’honorable M. de
Ce qui fait que je m’afflige des
actes que j’ai signalés et de bien d’autres que je pourrais signaler encore,
c’est qu’ils tendent à déconsidérer le pouvoir ; moi aussi, messieurs, je veux
que le pouvoir soit fort, c’est justement parce que je désire qu’il soit fort,
que je me trouve dans l’opposition ; le pouvoir ne sera fort que quand il sera
entouré de la confiance publique, et il n’obtiendra cette confiance que quand
il sera servi par des agents modérés et loyaux.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Toutes les instructions que
j’avais annoncées à la chambre, je les ai données. J’aurais pu m’abstenir de
donner des instructions sur plusieurs points spéciaux ; car, comme l’a fait
remarquer l’honorable préopinant, le Moniteur
est là, et il est distribué aux fonctionnaires publics.
Les faits qu’a cités l’honorable
préopinant me sont restés inconnus ; je regrette qu’ils ne m’aient pas été
dénoncés, que l’un ou l’autre citoyen ne me les ait pas dénoncés. J’en aurais
fait l’objet d’une enquête. Les faits qu’a cités l’honorable préopinant sont
anciens ; son exposé sera inséré au Moniteur
; quoique la réclamation soit tardive, elle fera l’objet d’un examen de ma
part.
Je veux, comme l’honorable
préopinant, l’impartialité et la sincérité dans les élections.
M. de La Coste. - Je puis dire avec vérité que l’honorable M. Delfosse est dans
l’erreur en restreignant mes paroles dans les termes de l’application qu’il
vient de leur donner.
L’expression de mesures
réactionnaires venait d’être employée, dans la discussion, par un député qui
n’appartient pas à la province de Liége ; j’ai présumé que, dans la pensée de
l’honorable membre, cette expression s’appliquait à certaines lois votées par
la chambre, et j’ai cru que, pour l’honneur de la chambre, il ne fallait pas
l’admettre. J’ai défini alors ce que j’entendais par mesures et par tendances
réactionnaires. Je n’ai pas eu exclusivement en vue les faits auxquels M.
Delfosse a fait allusion. Je suis resté dans des termes généraux. Ainsi je
laisse à l’honorable membre l’application qu’il vient de faire de mes paroles.
M. Delfosse. - Vous répondiez à l’honorable M. de Tornaco.
Vous avez pris la parole immédiatement après lui ; il avait parlé de mesures réactionnaires.
M. de La Coste. - Pardonnez-moi. (Oui ! Oui !)
M. Delfosse. - Et vous avez dit que les mesures réactionnaires étaient, selon vous,
l’exclusion de cette chambre d’hommes éminents. J’ai dû voir là une attaque
indirecte contre les électeurs, et j’ai dû protester.
Je suis charmé, du reste, que
l’honorable M. de
M. de La Coste. - Je ne désavoue pas autre chose qu’une application spéciale que je
n’ai point faite.
Au surplus, si la question qu’a
touchée l’honorable député de Liège était mise sur le tapis, je parlerai avec
la franchise que j’emploie toujours et sans recourir à des insinuations ; le
principe que j’ai posé, je le défendrai en toute occasion. Quand il sera
invoqué à juste titre par quelqu’un d’un parti opposé à celui auquel on
pourrait l’appliquer dans cette occasion, je serai fidèle au même système : et
aux mêmes vues politiques.
- L’art. 6 est adopté.
Article 7
« Art. 7. Province de Limbourg :
fr. 104,345 40 »
M. le président. -
La section centrale alloue le chiffre, en décidant toutefois que les mille
francs pour réparations et entretien seront portés dans la colonne des dépenses
temporaires : Est-ce ainsi que l’entend M. le ministre ?
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Oui, M. le président.
- L’article est adopté.
Articles 8 et 9
« Art. 8. Province de Luxembourg
: fr. 110,691 »
« Art. 9. Province de Namur :
fr. 104,263 »
Ces deux articles sont adoptés.
« Art. 10. Frais de route et de
tournées des commissaires d’arrondissement : fr. 18,500 »
M. de Tornaco. -
Je n’aurais pas demandé la parole sur cet article ; mais l’honorable ministre
de l’intérieur a exprimé tout à l’heure l’intention de faire exécuter la loi,
et à cette occasion j’ai cru devoir dire quelques mots.
J’aurai l’honneur d’annoncer à M. le
ministre de l’intérieur que dans la province de Liége il y a plusieurs
commissaires d’arrondissement qui ne font pas du tout les tournées qui leur
sont enjointes par la loi provinciale et qui sont tout à fait inconnus aux
communes qui se trouvent dans le ressort de leur administration. Celui auquel
on a déjà fait allusion, et qu’on a même nommé, est dans ce cas.
Il résulte de cet état de choses que
les lois et les règlements ne sont pas exécutés. Je citerai comme preuve le
règlement sur la voirie vicinale qui est détestable dans la province de Liége.
Je le répète, je signale ce fait à M.
le ministre de l’intérieur, pour qu’ainsi qu’il en a manifesté l’intention, il
fasse exécuter les lois.
- L’article est adopté.
« Art. 11. Indemnités des
membres des conseils de milice (qu’ils résident ou non au lieu où siège le
conseil) et des secrétaires de ces conseils. - Frais d’impressions et de
voyages pour la levée de la milice et pour l’inspection des miliciens semestriers. - Vacations des officiers de sauté en matière
de milice. - Primes pour arrestation de réfractaires : fr. 58,340 »
M. Verhaegen. -
Messieurs, il y a deux articles qui concernent la milice ; je crois que les
observations que j’aurai à faire peuvent se rattacher à celui que nous
discutons.
J’ai, messieurs, à l’occasion de la
milice, à signaler à cette chambre et au gouvernement lui-même, quelques
inconvénients graves. Je ne veux pas contester le chiffre, mes observations se
rattachent à la milice elle-même.
Je veux vous parler, messieurs, de
certains inconvénients qu’amène la législation sur la milice et surtout
l’exécution qu’on lui donne. Cet objet mérite de fixer sérieusement votre
attention.
Les certificats de milice, que l’on délivre
dans certaines communes avec beaucoup de légèreté, ont pour conséquence
d’exempter les uns et de faire marcher les autres. Ce n’est pas seulement une
fraude que l’on fait à la chose publique, c’est une fraude que l’on fait aux
individus. Les individus désignés pour délivrer des certificats de milice, les
délivrent quelquefois de telle manière que ceux qui ont droit à des exemptions
ne les obtiennent pas, et que ceux qui n’y ont pas droit en obtiennent, au
détriment d’autres qui marchent à leur place.
Je fixe sur ce point l’attention
toute spéciale du gouvernement, et je désire qu’il prenne des mesures pour que
cet abus cesse.
Il est, messieurs, des certificats
d’une autre nature qui présentent des inconvénients non moins graves. Des
débats récents, des débats solennels nous ont révélé ces abus. Il m’importe de
vous en dire quelques mots.
Aux termes de l’art. 94, § E, de la
loi sur la milice, les étudiants en théologie sont exempts. Cette exemption est
très juste, et loin de moi de la trouver mauvaise. La loi doit être exécutée à
cet égard comme à l’égard de tout autre point. Mais il ne faut pas qu’on sorte
des justes limites. Depuis quelque temps on délivre des certificats
d’exemption, non pas à des étudiants en théologie proprement dits, mais à ceux
qui ne sont que dans les humanités et qu’on appelle des étudiants se préparant
à étudier la théologie. C’est encore là un abus grave, sur lequel j’appelle
toute l’attention du gouvernement.
On comprend très bien que la loi que
je cite a eu un but, et un but que je suis loin de blâmer. Ceux qui, avant
qu’il ne fût question pour eux de satisfaire à la milice, ont fait des études
préparatoires et sont déjà arrivés à ce point qu’ils peuvent entrer dans les
séminaires, on les exempte et on fait bien. Mais accorder l’exemption à un
jeune homme qui n’a pas encore pris de résolution, qui n’a fait aucune étude ;
qui se présente dans un collège pour faire ses humanités, bien souvent dans le
seul but d’échapper à la loi sur la milice, ce serait un inconvénient ; parce que
d’abord on ferait prendre à certains individus une détermination qu’ils ne
prendraient pas sans cela, et qu’on les forcerait à une vocation qui ne serait
pas la leur. Il ne faut pas renouveler le scandale de ces jeunes gens qui, pour
échapper aux lois de la conscription, et à la garde d’honneur surtout, se
permettaient de se mutiler les membres pour se soustraire à des obligations qui
retombaient alors sur d’autres.
Messieurs, comme je vous le disais,
des débats récents nous ont révélé les abus. Trois procès sont pendants devant
le tribunal de Liège et contre qui ? Il est malheureux de le dire, parce que
ces noms ne devraient jamais figurer devant les tribunaux, contre l’évêque de
Liége. Ces procès ont pour objet de demander à l’évêque une réparation à titre
de dommages-intérêts occasionnés à des miliciens dont les numéros suivaient les
numéros de ceux qui avaient été exemptés à tort, et qui avaient été exemptés,
portant les citations (car j’ai ici l’exploit introductif), pour....
Dans une de ces affaires, l’évêque de
Liége, qui avait délivré le certificat, fût obligé de comparoir devant le juge
chargé de l’interroger sur les faits et articles. D’après les renseignements
que j’ai, cette affaire fut éteinte par le payement au réclamant d’une somme de
3,000 fr.
Une seconde, une troisième affaire
sont également pendantes et suivent la même filière.
Il est fâcheux, il faut le dire, et
je suis le premier à le regretter, que des contestations de cette nature
paraissent devant les tribunaux. Et cependant, messieurs, s’il n’y a pas
d’autres moyens, si l’administration supérieure civile, d’accord avec
l’autorité ecclésiastique, ne prend pas des mesures pour que ces abus ne se
représentent plus, comme ce sont des questions du mien et du tien,
permettez-moi l’expression triviale, il est tout simple qu’elles se présentent
devant les tribunaux.
Il n’y aurait pas un aussi grand
inconvénient, si, au moyen du certificat que l’on donne, on parvenait
simplement à exempter un jeune étudiant qui fait ses études préliminaires ; mais
le mal, c’est qu’en exemptant celui-là, on en fait marcher un autre. Il y a
véritablement là une question de délicatesse, un cas de conscience.
Qu’on ne s’y trompe pas, et je le dis
pour que le gouvernement prenne à cet égard ses précautions, la loi est
formelle, les termes sont clairs et son esprit n’est pas douteux, elle
n’exempte que les élèves en théologie proprement dite ; un arrêté royal du 8
juillet
Il s’agissait là d’étudiants en
théologie protestants, mais le principe est absolument le même que pour les
autres.
Ainsi deux arrêtés formels déclarent
que l’exception n’est applicable qu’aux élèves en théologie proprement dite et
nullement à ceux qui n’en sont qu’à leurs études préparatoires. La loi,
d’ailleurs, elle-même n’admettait pas l’ombre d’un doute. Ces abus se multiplient
et se multiplieront de plus en plus, si l’on n’y met un terme. J’éveille donc
sur ce point toute l’attention du gouvernement, j’espère qu’il prendra des
mesures pour que ces abus ne se renouvellent plus.
Il en est encore un autre, si
mes renseignements sont exacts, c’est que les membres des ordres religieux
reçoivent aussi dans certaines circonstances des certificats au moyen desquels
ils sont exemptés de la milice ; or, il est évident qu’à ceux-là, l’exception
n’est pas applicable et je ne conçois réellement pas comment il est possible
d’agir comme on l’a fait, puisqu’aucune disposition législative ni aucun arrêté
ne permettent de leur appliquer cette exception.
J’ai cru, messieurs, qu’il était
nécessaire de signaler ces abus à la chambre, comme je les signale au
gouvernement. Je crois que M. le ministre de l’intérieur doit avoir aussi des
renseignements à cet égard car ces abus sont nombreux, et les autorités doivent
en avoir référer au département de l’intérieur. Je lui demanderai ce qui en est
et qu’elles sont les mesures qu’il se propose de prendre à cet égard.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il serait inexact,
messieurs, de dire avec l’honorable préopinant, que les abus se multiplient. Il
y a toujours eu des réclamations au sujet des certificats dont on vous a
entretenus en dernier lieu ; toujours il y a eu des réclamations, parce qu’il y
avait des intérêts lésés ; je regrette que l’honorable préopinant ait parlé de
certaines poursuites judiciaires ; ces poursuites, que je sache, ne sont pas
encore arrivées à des jugements définitifs.
M. Verhaegen. -
J’ai les citations,
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Verhaegen
dit : « J’ai les citations. » Mais que prouvent des citations ? Des citations
ne prouvent exactement rien. Je regrette donc, je le répète, que l’honorable
préopinant ait cru devoir parler des poursuites ; ses observations auraient
tout autant d’autorité et même plus s’il avait bien voulu ne pas parler de ces
affaires.
L’honorable préopinant vous a dit,
messieurs, avec raison qu’il peut y avoir des victimes, en ce sens qu’un autre
numéro (pour me servir de l’expression vulgaire) qu’un autre numéro doit marcher.
Voici, messieurs, la distinction à laquelle le gouvernement s’est arrêté. Quand
les études ne sont que préparatoires, l’individu est incorporé, mais on lui
donne un congé d’année en année jusqu’à son entrée dans les études
théologiques, fait qu’on parvient facilement à constater. L’évêque lui-même qui
a délivré le certificat peut avoir été trompé ; il peut avoir été de bonne foi.
Admettons donc encore ici la bonne foi. (Interruption.)
Ainsi, quand les études ne paraissent
être que préparatoires, l’individu est incorporé, mais on lui donne son congé ;
dès lors, celui qui a le numéro suivant ne marche pas. Si ensuite il est
constaté que le fait des études théologiques n’existe pas, ou bien que
l’individu qui ne se livrait qu’à des études préparatoires n’aborde pas les
études théologiques, alors cet individu sert effectivement et de plein droit.
C’est aussi ce que l’on fait à
l’égard de certains ordres religieux, et je suis sûr qu’ici la mesure aura
complètement l’approbation de l’honorable membre. Il s’agit de frères employés
dans les prisons ; ces frères n’étant pas prêtres, n’étant pas étudiants en
théologie, n’ont pas droit au bénéfice de la loi.
Cependant on a compris que les
services rendus par eux étaient tels qu’on ne pouvait pas les détourner de ces
fonctions en les jetant pour quelques années dans la carrière militaire. Ici
encore l’incorporation a lieu, mais un congé est accordé. Dans cette chambre,
il a déjà été question de la marche que je viens d’indiquer, et elle a été
vivement appuyée par des membres appartenant à des opinions diverses.
Ainsi,
nous sommes d’accord avec l’honorable préopinant, il faut qu’il y ait des
études théologiques ; dans ce cas, l’exemption est accordée, et la personne qui
a tiré le numéro suivant doit marcher. Toutefois, si l’individu qui a obtenu
ainsi l’exemption, renonce à sa vocation, il en est puni, en ce sens que qu’il
doit servir de plein droit. Une punition attend donc dans l’avenir celui qui a
trompé l’autorité. Dans tout autre cas, il ne faut pas l’exemption immédiate,
tout ce qu’on peut faire alors, c’est d’incorporer l’individu et de lui
accorder un congé provisoire.
Enfin, quant aux membres de certaines
corporations religieuses, qui rendent de très grands services au ministre de la
justice, dans les prisons, ces membres n’étant pas prêtres et ne pouvant dès
lors obtenir l’exemption, il me paraît équitable de leur accorder un congé,
afin de ne pas les lancer dans la carrière militaire qui est certainement
incompatible avec leur vocation. D’ailleurs, messieurs, le service qu’ils
rendent dans les prisons est aussi une espèce de service public.
M. de Nef. - Je voulais réclamer contre des erreurs commises par l’honorable M.
Verhaegen, mais M. le ministre de l’intérieur lui a suffisamment répondu. Je
renoncerai donc à la parole.
M. Verhaegen. -
Je n’accepte pas du tout ce que vient de dire l’honorable membre. C’est
précisément pour qu’on ne puisse pas dire que je suis dans l’erreur que je cite
des faits, que j’invoque des actes. J’ai pris sur moi, dans ces matières
délicates, de ne jamais faire de reproche qu’autant que je puisse signaler des
faits dont je suis sûr et dont j’ai la preuve en main.
M. le ministre de l’intérieur
approuve beaucoup ce que j’ai dit, mais il aurait désiré que je n’eusse pas
fait mention de certains faits.
Je comprends qu’à l’égard de ces
faits, M. le ministre désire ne pas répondre, mais il m’importait de les citer,
précisément pour qu’on ne m’accusât pas d’inexactitude ; je les ai donc cités
et je les ai appuyés d’actes authentiques. « Mais, dit M. le ministre de
l’intérieur, mieux vaudraient des jugements.» Je suis d’accord avec lui que des
jugements vaudraient mieux que des demandes, puisqu’une demande suppose encore
quelque chose à faire, mais c’est qu’on a soin d’éviter les jugements ;
l’individu auquel je faisais allusion a demandé 3 mille francs de
dommages-intérêts, et on les lui a accordés parce qu’on a trouvé qu’il avait
raison.
Quant à moi, dans l’intérêt de
l’autorité dont il s’agit, je désire que de pareils procès n’aient pas lieu,
car ils ne sont pas faits pour donner de la considération à ceux qui en sont
l’objet. C’est là une affaire du mien et du tien, c’est une affaire de
conscience, une affaire de loyauté, et ceux qui donnent des certificats de
cette nature devraient y songer plus d’une fois, avant de les délivrer.
Quant aux membres des ordres
religieux, M. le ministre de l’intérieur a eu raison de dire que je ne ferais
aucune objection contre l’exemption accordée à ceux qui rendent des services
dans les prisons ; loin de moi cette idée ; mais c’est que de l’un on va à
l’autre, c’est que, sous le prétexte de ceux-là, on en exempte d’autres. Voilà,
ce dont je me plains et j’appelle sur ce point toute l’attention de M. le
ministre de l’intérieur.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je veux, comme l’honorable
préopinant l’exécution de la loi, mais je veux aussi qu’on n’ait jamais recours
à un système d’intimidation. (Exclamation.)
Ceci ne s’applique nullement à l’honorable préopinant.
Je dis que l’évêque peut avoir de
très bonne foi délivré un certificat à un individu qui, plus tard, renonce à sa
vocation, ou qui, même n’a jamais eu cette vocation et qui a trompé l’évêque.
Je demande donc que l’on admette la présomption de la bonne foi en faveur de
l’évêque.
Si l’on avait recours,
messieurs, à un système d’intimidation, que deviendrait la loi elle-même ? Vous
arriveriez jusqu’à la rendre inexécutable, car tous ceux qui souffriraient des
exemptions accordées aux élèves en théologie pourraient se coaliser pour
demander des dommages-intérêts à l’autorité ecclésiastique ou seulement pour
l’inquiéter. Je dis qu’on ne peut pas admettre ce système d’intimidation, il
faut être juste.
Je ne crois pas, messieurs, que les
abus soient aussi multipliés qu’on l’a dit ; il peut avoir été délivré de très
bonne foi, des certificats à des personnes qui n’auraient pas dû en obtenir,
cela est possible, mais je ne pense pas qu’il y ait d’autres abus ; du reste,
le gouvernement n’a jamais perdu cette question de vue. J’ai déjà eu, comme
ministre des travaux publics, pendant trois ans, la milice dans mes
attributions ; j’ai de nouveau dans mes attributions cette partie de
l’administration publique ; j’ai toujours veillé à ce que les abus dont on
parle n’eussent pas lieu, je veillerai aussi à ce qu’on n’introduise pas un
système d’intimidation. Je le répète, ceci ne s’adresse pas à l’honorable
préopinant.
M. de Man d’Attenrode. -
Messieurs, la loi de milice accorde l’exemption provisoire aux étudiants en
théologie. L’honorable M. Verhaegen prétend que l’on accorde illégalement
l’exemption à des jeunes gens qui ne sont pas encore en théologie. Voilà ce qui
se passe : Nous savons tous que l’on tire au sort à 18 ans. Or, à 18 ans la
plupart des jeunes gens qui se destinent à l’état ecclésiastique ne sont pas
encore en théologie, et ne sont souvent qu’en philosophie ou humanités.
Eh bien, que font les conseils
de milice ? et j’en ai fait partie pendant dix ans, ils n’accordent pas
l’exemption à ceux qui ne sont pas en théologie, niais les chefs des séminaires
adressent l’état des jeunes gens qui ne sont pas encore en théologie, mais qui
sont sur le point d’y entrer, aux gouverneurs, et le gouvernement porte ces
jeunes gens au nombre des miliciens détachés.
Cette mesure n’a aucun inconvénient,
car nous savons tous que les miliciens qui jouissent d’exemptions sont obligés
de se représenter pendant quatre ans.
Si, d’ailleurs, le gouvernement ne se
conduisait pas de la sorte, il faudrait modifier la loi, quant aux jeunes gens
qui se préparent à l’état ecclésiastique, car le service viendrait interrompre
les études ecclésiastiques, et elles deviendraient impossibles pour bien des
jeunes gens.
J’appuierai aussi les congés accordés
aux hommes qui ont le dévouement de se vouer au service de l’humanité
souffrante. On ne peut assez encourager ces sortes de dévouement.
M. Angillis. - Je ne veux pas, messieurs, prolonger ces débats ; mais ayant été,
pendant plusieurs années, président du conseil de milice, j’espère que la
chambre me permettra d’expliquer comment les choses se passent dans la province
que j’habite.
Il n’est guère possible, messieurs,
d’exécuter la loi à la lettre. D’abord, on fait partie de la milice à l’âge de
18 ans, mais à cet âge, tout le monde sait que les jeunes gens qui se destinent
à l’état ecclésiastique ne sont pas encore entrés au séminaire ; à cet âge, on
est dans ses humanités ; on donne donc un certificat qu’un tel se prépare aux
études théologiques.
Le conseil de milice se contente
provisoirement de cette pièce ; mais l’individu dont il est question doit
présenter pendant cinq années consécutives un certificat constatant qu’il
persiste dans ses études. Les certificats sont délivrés dans ma province par
ceux qui sont désignés dans la loi et les arrêtés royaux. Je pense que les
jeunes gens qui sont parvenus à l’âge de 25 ans et qui renonceraient à leur
vocation devraient encore marcher.
Je crois, pour ma part, qu’il est
absolument nécessaire de réviser toute la législation sur la milice ; cette
législation donne lieu à de graves inconvénients dans la pratique, elle est
élastique, elle se prête à toutes les interprétations.
- Personne ne demandant plus la
parole, le chiffre est mis aux voix et adopté.
CHAPITRE V
Article premier
« Art. 1er. Encouragements
divers pour l’amélioration de la voirie vicinale : fr. 400,000 »
- Adopté.
« Art. 2. Complément des frais de
confection des plans généraux de délimitations des chemins vicinaux : fr.
50,000 »
M. de Man d’Attenrode. -
Messieurs, le rapport de la section centrale de cette année contient, comme
l’année dernière, une note de la deuxième section sur la crainte manifestée sur
le peu d’exactitude de la confection des plans de délimitation de la voirie
rurale, plans prescrits par un article de la loi sur les chemins vicinaux. Le
gouvernement a répondu qu’il paraît que ce travail est exécuté d’une manière
satisfaisante, puisque la réception de plusieurs atlas a déjà eu lieu par une
commission nommée par les gouverneurs.
J’ai d’abord à faire remarquer qu’il
résulte de la convention du gouvernement avec celui qui s’est chargé de cette
entreprise à ses risques et périls, que plus la levée des plans se fait avec
rapidité, que moins le traitement des arpenteurs est élevé, et que plus les
bénéfices de l’entrepreneur sont élevés ; ce dernier est donc intéressé à faire
un travail prompt et superficiel pour faire une bonne affaire. Je ne dis pas
que ce travail soit superficiel je n’en ai pas la preuve entière, je ne suis
plus administrateur, mais j’ai tout lieu de craindre qu’il en est ainsi d’après
cette convention.
Il est vrai que les administrations
communales sont chargées de veiller à l’exactitude de la levée de ces plans,
mais la plupart des administrateurs communaux ne se donnent pas la peine
d’accompagner les arpenteurs ; d’ailleurs beaucoup d’entre eux craignent de
dénoncer les emprises, parce que ce serait indisposer l’électeur : c’est donc
un simple garde-champêtre qui, en général, accompagne les arpenteurs chargés de
la levée des plans, et tous sont intéressés, arpenteurs et gardes-champêtres, à
ce que cette besogne soit accomplie le plus promptement possible ; aussi la
levée des plans des chemins d’une commune de 1000 à
Ces croquis sont ensuite envoyés à
l’ingénieur qui a entrepris cette affaire, et l’on confectionne dans ses
bureaux des plans, dont le dessin est des plus séduisants.
Puis, quand on se plaint de
l’inexactitude des plans en section centrale, on exhibe ces beaux plans pour
nous prouver…. ce n’est certes pas leur exactitude. Les plans sont ensuite
transmis aux communes, ils y sont même livrés à la publicité.
Mais les administrations
communales sont pour la plupart incapables de contrôler un travail semblable,
fait à la hâte, fort légèrement, et qui a consisté souvent à copier les plans
cadastraux. Les plans reviennent donc au gouvernement, comme ils en étaient
partis, sans observation ; faut-il en conclure qu’ils soient exacts ? Je ne le
pense pas, et je me fonde sur une observation que m’a faite un haut
fonctionnaire de nos provinces, c’est que ces plans ne renseignent aucunes
emprises ; cependant il résulte de la convention faite entre le gouvernement et
le rédacteur des plans, que ces plans indiqueront la contenance des terrains à
restituer aux chemins, des emprises à faire sur les riverains ; or nous savons
tous qu’un très grand nombre de chemins sont empris
par les riverains.
Je puis donc en conclure que ces
plans sont très incomplets. Je demande donc que le gouvernement prenne des
mesures pour que ces plans ne soient approuvés qu’après qu’on se sera dûment
assuré de leur exactitude. Les commissaires voyers sont plus à même que
personne d’assurer cette exactitude, et on ne les a fait intervenir en rien
dans la confection des plans. C’est ce dont je viens encore de m’assurer.
La confection de ces plans constitue
une mesure importante, il serait réellement fâcheux d’avoir dépensé plusieurs
centaines de mille francs pour la confection d’atlas qui ne seraient d’aucune
utilité dans l’avenir.
M. de Garcia. - Messieurs, lors de la discussion générale j’avais demandé
communication de la convention qui avait été conclue entre le gouvernement et
l’entrepreneur du plan général de la voirie vicinale. J’ai pris connaissance de
ce contrat, et je dois dire qu’il ne donne lieu à aucune objection.
Toutefois, je désire, messieurs, que
le contrat soit ponctuellement exécuté, je désire que le vœu de la loi du 10
avril 1841 soit parfaitement rempli ; je désire, en un mot, que le plan général
des chemins vicinaux du royaume présente une situation exacte de la voirie
vicinale, avec les emprises qui ont été faites sur cette voirie ; mais tout en
se conformant à la loi de 1841, je crains beaucoup que ces plans ne laissent
beaucoup à désirer sous le rapport de l’amélioration de la viabilité des
chemins vicinaux.
Lors de la discussion de la loi,
j’avais présenté un amendement qui tendait à aller plus loin que la loi ne va ;
j’avais désiré que dans ce plan on proposât tous les redressements, tous les
élargissements qui doivent rendre la viabilité la plus facile possible. C’est
surtout à ce point de vue que j’avais demandé la parole dans la discussion
générale ; mais en relisant la loi de 1841, je me suis aperçu que l’amendement
que je présentais alors pour atteindre ce résultat fut rejeté. Je le regrette
d’autant plus, que les inconvénients que je voulais prévenir se réalisent.
Le plan général qu’on dresse
n’atteint pas réellement le but qu’on s’est proposé.
En effet, comment ce plan est-il levé
? Il est levé, d’après la situation actuelle des chemins vicinaux, par des
géomètres qui se font assister d’un seul garde-champêtre : généralement
l’autorité communale n’y intervient pour rien. On ne signale nulle part les
emprises qui ont pu se faire sur les petites voieries, on ne signale nulle part
aucune mesure de redressement ou d’élargissement propre à améliorer les
chemins.
Il est vrai qu’il existe dans la loi
du 10 avril 1841 une disposition aux termes de laquelle les plans qui seront
dressés doivent être affichés dans la commune pendant 2 mois. Mais, messieurs,
ce ne sera pas dans les communes qu’on ira signaler ceux des habitants qui ont
empiété sur la voirie vicinale. On sait quelles relations étroites existent
généralement entre les citoyens d’une même commune, et personne ne songera à
dénoncer son voisin qui aura fait une usurpation sur un chemin vicinal. A ce
point de vue, il devrait pouvoir se féliciter d’avoir vu le gouvernement se
charger de faire opérer directement ce travail.
A ce point de vue, j’approuve
la mesure du gouvernement, qui a centralisé cette partie du service public.
Mais le gouvernement remplira-t-il sa mission, accomplira-t-il entièrement sa
tâche ? C’est ce dont je doute beaucoup ; je voudrais que le gouvernement
portât plus de soin à faire dresser les plans de la petite voirie ; je pense
qu’alors le travail qui se fait actuellement ne vous présentera que le relevé
du cadastre, c’est-à-dire, que vous auriez pu, sans grands frais, obtenir ce
qu’on aura exécuté dans un an, au prix de sommes considérables. Voyons la
dépense que la nation aura faite alors de ce chef.
Vous avez voté au budget de 1842 un
premier subside de 141,900 francs ; vous avez alloué une somme égale dans le
budget de 1843 ; on vous propose un nouveau crédit de 50,000 francs au budget
de 1844, et le gouvernement annonce qu’une nouvelle allocation sera nécessaire
pour l’année 1845. Si nous faisons le total des sommes déjà connues, nous
trouverons un chiffre de 332,000 francs pour la formation des plans généraux,
et je le répète, cette somme énorme ne suffira pas. Si maintenant, on tient
compte de la quote-part à payer par les communes, quote-part qui, d’après la
loi, correspond à celle de l’Etat, on verra que ce service a déjà donné lieu,
dans le royaume, à une dépense totale de près de 700,000 francs. Pour ma part,
je ne regretterais pas ce sacrifice, si, dans les plans généraux qu’on fait
dresser, on se conformait au vœu de la loi ; mais, je le répète, d’après ce que
je sais des opérations faites jusqu’ici, ces plans ne sont que le relevé du
cadastre.
Je demanderai au gouvernement s’il s’est
assuré auprès des députations permanentes des conseils provinciaux si les plans
se font avec soin, avec exactitude, avec le désir de rendre la voirie vicinale
meilleure qu’elle ne l’est aujourd’hui. Si vous n’atteignez pas ce but, le pays
aura dépensé inutilement une somme de 700,000 fr.
M. Vandensteen. -
Messieurs, j’approuve entièrement les observations qui viennent d’être
présentées par l’honorable M. de Garcia ; il est évident que les plans qu’on a
dressés ne sont que le relevé du cadastre, et sous ce rapport, les chemins
vicinaux du cadastre sont fautifs dans bien des parties.
On envoie au géomètre, qu’on charge
de dresser le plan des chemins vicinaux, un calque de la partie de la commune
qui figure au cadastre. Ce calque coûte peu de chose. On donne également une
très faible rétribution à l’employé chargé de rectifier ce calque, s’il y a des
erreurs. J’ai rencontré très souvent de ces employés qui circulent presque
seuls dans les campagnes ; ils m’ont fait eux-mêmes des observations. Or, je
crois qu’on a commis une foule d’erreurs dans ces relevés, parce que les
géomètres apportent généralement peu de zèle dans l’exécution de ce travail,
pour lequel ils reçoivent une si faible rétribution. Ceci, je crois, ne regarde
pas le gouvernement, c’est l’affaire de l’entrepreneur, car c’est une véritable
entreprise.
Qu’arrive-t-il ? c’est qu’on envoie à
ces géomètres, chargés de dresser le plan des chemins, le calque de la commune,
pris dans la carte dressée pour le cadastre, carte fautive sous plus d’un
rapport. On se rend sur les lieux, on examine si les chemins sont pris ou
repris ; on fait alors un très beau plan, très bien dessiné et colorié, qu’on
envoie, si je ne me trompe, à l’administration centrale. On demande s’il n’y a
pas eu de réclamation ; le plus souvent on ne fait pas de réclamation dans les
communes, par les motifs qui ont été indiqués par l’honorable M. de Garcia ; on
ne tient pas beaucoup dans une commune à dénoncer sou voisin qui a fait une
emprise sur la voirie vicinale. De là des erreurs considérables dans la
confection des plans, dont, au reste, l’entreprise est une très bonne affaire
pour l’entrepreneur.
M. de Tornaco. -
Messieurs, je viens, comme quatrième membre, appuyer les observations qui ont
été faites sur l’exécution de la loi du 10 avril 1841, relativement aux chemins
vicinaux.
J’ai été témoin des opérations dans
plusieurs localités, je parle ici d’une chose que.je sais et que j’ai vue :
plusieurs plans, à ma connaissance, ont été absolument calqués sur les plans du
cadastre. La loi, en un mot, n’est pas exécutée, comme l’a dit l’honorable M.
de Garcia. Je m’étonne beaucoup qu’une affaire de l’importance de celle des
chemins vicinaux ait été traitée avec autant de légèreté.
Il ne s’agit pas seulement ici, comme
on l’a dit, d’une perte de 6 à 700,000 francs, il s’agit encore et surtout du
retard apporté à la confection des chemins vicinaux. Or, je dirai au ministère,
qui parle beaucoup d’affaires, que la confection des chemins vicinaux,
considérée par rapport aux moyens de transport, aux facilités du commerce, et,
partant, à l’accroissement de la richesse nationale, est une des plus grandes
affaires qu’on puisse traiter aujourd’hui.
M. de
Garcia. - C’est vrai !
M. de Tornaco. -
Eh bien, je suis charmé d’avoir été devancé dans ces observations par plusieurs
membres de la majorité qui appuient le ministère, du moins je le crois. On ne
dira donc pas que j’exagère, en renouvelant et en confirmant ces observations,
et j’insiste auprès de M. le ministre de l’intérieur pour qu’il tâche de
réparer le mal qui a été fait, et pour qu’on évite d’aggraver le mal le plus
que faire se pourra.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, les années
précédentes, je suis entré dans de longues explications sur les motifs qui ont
engagé le gouvernement à faire cette entreprise à forfait. Je crois que la
chose n’était pas autrement possible.
Du reste, je prends la question au
point où elle est arrivée. Encore une fois, on veut que la loi soit exécutée,
mais il faut qu’on aide le gouvernement à exécuter la loi.
On se plaint de ce que le dépôt des
plans n’a pas lieu. Ce dépôt a eu lieu.
Mais qu’arrive-t-il ? C’est que
personne ne s’en occupe dans la commune.
Personne, ni propriétaires, ni
bourgmestre, ni conseiller communal ne se trouve assez intéressé à s’occuper de
la chose. Je voudrais que dans les communes les particuliers et les autorités
voulussent bien s’occuper de l’examen des plans déposés. Au reste, je donnerai
de nouvelles instructions, je ferai mon possible pour que ce dépôt devienne une
garantie. Chaque fois qu’une réclamation a été faite, elle a été de ma part
l’objet d’une instruction et d’une injonction à l’entrepreneur. Mais il faut
qu’il y ait des réclamations ; tout ce que je puis promettre, c’est qu’il sera
donné suite aux réclamations qui seront faites.
Si cette loi n’a pas atteint le but,
c’est peut-être par ce motif que l’inspection n’est pas assez fortement
organisée, et cette inspection, n’en déplaise à ceux qui veulent décentraliser,
aurait dû être rattachée à l’administration centrale.
Ou veut que le gouvernement surveille
l’exécution d’une loi dans tontes les localités du pays. Donnez-lui alors des
organes qui lui permettent de pénétrer dans toutes les localités. (Exclamations et bruit.) Peut-être cette
loi aurait-elle mieux atteint son but si l’inspection avait été plus fortement
organisée et si l’inspection avait été rattachée à l’administration centrale ;
si les inspecteurs pouvaient recevoir des ordres du gouvernement, ils feraient
des tournées dans les communes à l’époque des dépôts et ils feraient en sorte
que les réclamations eussent lieu, ce qui ne se fait pas, les citoyens ne s’en
donnant pas la peine. La loi des chemins vicinaux est d’une haute utilité,
comme l’a dit avec raison M. de Tornaco ; mais la loi
est restée peut-être trop hors de la portée du gouvernement.
M. de Garcia. - Ce que vient de dire M. le ministre de l’intérieur prouve une chose
bien fâcheuse, prouve qu’en résultat nous n’obtiendrons rien d’utile par suite
du relevé du plan général des chemins vicinaux, travail qui doit coûter au pays
la somme énorme de 700,000 francs.
L’administration, dit M. le ministre,
ne peut pas faire plus qu’elle ne fait. Elle a fait un contrat pour faire le
relevé général de ces plans ; ces plans sont publiés dans la commune, on ne
fait pas d’observation, il est impossible au gouvernement de connaître et faire
rectifier les erreurs qui peuvent s’y trouver. Si j’ai félicité le gouvernement
d’avoir ramené tout à lui, d’avoir pris cette mesure centrale, c’était dans la
pensée qu’il était à même de prendre toutes les mesures de nature à assurer
l’exécution complète de ce travail. Sans cela autant eût-il valu et mieux
eût-il valu en laisser le soin aux communes et aux provinces. En prenant ce
travail à lui, le gouvernement eût dû avoir ses agents pour s’assurer de
l’exécution parfaite de la loi et de ses volontés. Comme tous les honorables
membres que vous avez entendus, je prétends que le vœu de la loi ne se remplit
pas ; que le relevé des chemins vicinaux ne sera que le relevé du cadastre ;
dès lors, un travail infructueux fort chèrement payé et qui ne profitera qu’à
l’entrepreneur.
Mais, dit M. le ministre, vous
auriez dû me donner les agents nécessaires. Je lui répondrai que ces agents
existent dans le gouvernement, dans les commissaires d’arrondissement, dans les
commissaires-voyers et dans les bourgmestres. Il suffirait d’inviter les
députations provinciales à porter leur attention et leur sollicitude sur cet
objet. Le gouvernement n’aurait qu’à provoquer des renseignements et des
rapports à cet égard, il les obtiendrait sans aucun doute. Ces rapports
mettraient l’administration centrale à même de vérifier l’exactitude et la
régularité de ces plans. Si ce travail ne correspondait point à ce que le
gouvernement exige, il serait dans son droit en se refusant à les payer.
Le gouvernement peut d’autant plus en
agir ainsi, que le contrat passé contient une réserve en vertu de laquelle il
peut être annulé, si le travail n’est pas convenablement fait. Je désire qu’on
ne paye l’entrepreneur que quand, par un rapport général de toutes les députations
provinciales du royaume, ou se sera assuré que les conditions voulues par la
loi ont été remplies.
M. Vandensteen. -
Il faut vouloir le possible. Je rentre dans les observations de l’honorable M.
de Garcia sous un point de vue. Est-il vrai que le département de l’intérieur
pourrait, doit même charger et les gouverneurs et les commissaires de district
et les députations permanentes, par l’intermédiaire des commissaires voyers, de
cette surveillance ? C’est impossible. J’ai vu des inspecteurs voyers qui m’ont
dit qu’ils avaient rappelé aux administrations communales la nécessité de
porter des sommes à leur budget pour faire travailler aux chemins vicinaux ;
qu’ils avaient parlé aux autorités supérieures qui ont fait de nouvelles
instances, sans rien pouvoir obtenir. Je pourrais citer des communes que
connaît l’honorable membre, auxquelles on a donnée des avertissements, qu’on a
menacées des commissaires spéciaux à charge des communes...
M. de Garcia. - Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ?
M. Vandensteen. -
Parce que c’est impossible.
Comme l’a fait observer M. de Tornaco, le relevé des chemins vicinaux est une chose extrêmement
importante, il est nécessaire que ce travail soit parfaitement exact. Je ne
sais si le département de l’intérieur, en présence des réclamations qui
viennent de surgir, ne pourrait pas demander et obtenir les moyens d’arriver au
résultat que tout le monde désire, fût-ce par la révision de la loi, si elle
donne lieu à des abus.
(Moniteur
belge n°24, du 24 janvier 1844) M. Peeters. - Messieurs, je suis aussi un de ceux qui pensent que l’entretien des
chemins vicinaux est un objet d’une très grande importance, et que la facilité
des communications doit contribuer pour beaucoup sur le bien-être matériel du
pays ; c’est pourquoi je suis d’avis qu’il est urgent de réviser la loi
nouvellement faite ; cette loi ne répond nullement à ce que le pays en
attendait ; l’on a trop peu centralisé dans cette loi, l’on n’a pas osé adopter
un système uniforme pour tout le pays, adapté à nos mœurs et à nos institutions
actuelles ; l’on a dit du nouveau, mais l’on a conservé en même temps ce qu’il
y avait de plus vicieux dans l’ancien système, c’est-à-dire les corvées, et
cependant, il faut bien le reconnaître, les corvées ne sont plus de ce siècle,
elles ne sont surtout point en harmonie avec nos institutions libérales ; un
bourgmestre électif ne peut pas faire travailler les hommes à corvées.
Il est vrai qu’outre les corvées l’on
a admis des centimes additionnels ; mais au lieu de faire ajouter ces centimes
additionnels au principal de la contribution foncière par l’administration des
finances, comme il est d’usage pour d’autres centimes additionnels provinciaux
et communaux, le secrétaire communal est chargé, sans aucune rétribution, de
dresser un rôle séparé ; les trop nombreuses formalités imposées par la loi la
rendent inexécutable.
L’administration communale d’une
commune, même peu importante, mais où les propriétés sont très divisées, serait
obligé de faire gratuitement un rôle de quatre doigts d’épaisseur. J’en connais
où il y a plus de deux mille articles, et dont quelques-uns ne se montent qu’à
deux ou trois centimes, de manière que les frais d’écriture dépasseraient
l’imposition.
Comme j’ai eu l’honneur de vous
l’exposer lors de la discussion de la loi sur les chemins vicinaux, l’on a trop
chargé l’habitant de la commune, en favorisant le propriétaire (car, comme vous
le savez, la propriété ne contribue que pour un tiers), il en résulte une
grande injustice. Je connais des communes très peu peuplées dans lesquelles se
trouvent de grandes forêts, dont l’exploitation dégrade le plus les chemins, et
cependant ces propriétaires ne contribuent que pour un tiers, les deux tiers
restant à la charge des pauvres habitants.
Une pareille loi, je le répète, est
inexécutable dans un pays tel que le nôtre ; lors de la discussion de la loi,
je voulais abolir pour toujours les corvées, je voulais un système uniforme
pour tout le pays, et j’avais eu l’honneur de vous proposer un amendement «
tendant à faire entretenir les chemins vicinaux au moyen des centimes
additionnels à reporter par portion égale sur le foncier, les contributions
personnelle, les patentes et sur l’octroi municipal. » De cette manière le
propriétaire, l’habitant, l’industriel et le consommateur, tout le monde aurait
contribué dans une juste proportion. et avec un peu plus de centralisation ou
d’action du pouvoir central sur les administrations communales, les chemins
seraient parfaitement entretenus ; aujourd’hui, les commissaires-voyers, je dois le reconnaître, montrent plus de zèle, mais ils ne
peuvent pas forcer les communes qui trouvent la loi trop onéreuse pour les
habitants et inexécutable par les trop nombreuses et inutiles formalités à
remplir, ne font rien jusqu’ici pour l’entretien de leurs chemins ; tout se
borne à quelques contraventions constatées par les commissaires-voyers, à charge
des pauvres habitants : frais inutiles, qui n’auront aucun résultat tant que
les administrations communales resteront aussi indifférentes sur l’exécution de
cette loi.
J’engage donc beaucoup M. le ministre
de l’intérieur à s’occuper sérieusement de la révision de la loi ; c’est
surtout l’art. 14, qui traite des frais d’entretien, que je recommande
spécialement à son attention. Il faut abolir entièrement les corvées, il faut
que la répartition de la dépense soit juste, que l’entretien soit supporté par
celui qui dégrade, si l’on veut arriver à un bon état d’entretien ; sans cette
condition, l’action du gouvernement, par les commissaires-voyers, sera
impuissante et les communes ne feront jamais.
(Moniteur
belge n°23, du 23 janvier 1844) M. Desmet. - Messieurs, je pense que c’est parce qu’il y a un contrat unique que
le travail est mal fait. Quand on emploie les arpenteurs du cadastre, on est
sûr d’avoir des personnes qui ont fait leurs preuves. L’entrepreneur du relevé
des chemins vicinaux emploie, je crois, des personnes qui ne sont pas en état
de faire la levée d’un chemin. On dit qu’il peut avoir recours aux commissaires
de district, aux gouverneurs, aux bourgmestres, mais si l’arpenteur chargé de
l’exécution du plan n’a pas la capacité nécessaire pour le faire, à quoi
aboutira ce recours ? à rien. Je prie M. le ministre de prendre des
informations sur les personnes chargées, par celui qui fait le contrat, de
faire les plans, pour s’assurer de leur capacité. Pour moi, je connais un
canton où celui à qui on a confié ce travail n’est pas en état de le faire.
- L’article est adopté.
M. Rogier. - Je demanderai la permission de faire une motion d’ordre. Je l’ai
ajournée jusqu’à la fin de la séance, pour ne pas interrompre le cours de la
discussion.
Un de objets à l’ordre du jour est la
discussion du rapport promis par M. le ministre des finances sur les pétitions
relatives à l’arrêté qui avait levé la prohibition du transit du bétail. J’ai
pris des informations au bureau, il paraît que ce rapport n’est pas déposé. Je
demanderai si l’ordre du jour qui a été fixé est maintenu.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable préopinant se trompe, quand il pense que la chambre a mis
à l’ordre du jour la discussion du rapport que j’ai promis à la chambre. Il avait
bien été question de la fixation de cette discussion, mais il a été convenu
ensuite que je présenterais le rapport, et que ce rapport présenté, la chambre
fixerait le jour de la discussion, s’il y avait lieu. Ce rapport n’est pas
présenté parce que quelques-uns des renseignements qui me manquaient ne
m’étaient pas parvenus ce matin. Mais il sera fait demain ou après-demain. Je
n’ai pas pensé qu’il y eût une telle urgence que je dusse présenter un rapport,
même incomplet.
M. Rogier. - Je ne veux pas forcer la main à M. le ministre des finances. Mais la
discussion de son rapport avait été fixée à lundi, contre mon gré ; M. le
ministre a proposé de faire un rapport pour lundi. M. le président a dit la
discussion aura lieu lundi ; j’ai demande sur quoi ? il m’a répondu sur le
rapport et les conclusions du ministre des finances.
Le rapport n’est pas déposé, il ne
peut pas y avoir de discussion ; je ne sais pas même s’il y aura lieu à
discuter quand il sera fait. M. le ministre n’a pas pu nous le donner, je ne
lui en fais pas un reproche. Mais l’ordre du jour était : rapport de M. le
ministre des finances sur l’arrêté du mois d’août 1843 et discussion de ce
rapport.
M. Vandensteen
renonce à la parole.
M. de Muelenaere. - Je crois que l’honorable M. Rogier est dans l’erreur. On n’avait pas
compris que la discussion aurait lieu aujourd’hui. M. le ministre des finances
avait promis de déposer le rapport aujourd’hui ; il ne pourra le déposer que
demain ou après-demain ; je ne pense pas qu’il y ait d’observations à cet
égard.
Il est tellement vrai que la
discussion ne devait pas suivre immédiatement le rapport, que l’honorable M.
Malou a demandé formellement s’il lui serait libre après le dépôt, de demander
l’impression et la distribution des pièces, sauf à fixer ultérieurement la
discussion.
M. le président et la chambre ont
répondu affirmativement.
Il est évident, en effet, que ce
n’est pas par une simple lecture des renseignements que la chambre peut se
former une opinion sur la question.
M. le président. -
On est d’accord. Quand le rapport sera déposé, je consulterai la chambre, qui
ordonnera l’impression et fixera l’époque de la discussion. (Adhésion.)
- La séance est levée à 4 heures et
demie.