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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 17 janvier
1844
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre,
notamment pétition relative au libre transit du bétail hollandais (Rodenbach, Mercier, Delehaye, Mercier, Rodenbach, Malou, Mercier, Osy, Mercier,
d’Hoffschmidt, Desmet, Delehaye, Delfosse, Mercier, Cogels, Rodenbach, de Muelenaere, Mercier, Malou, Mercier,
Rodenbach), aux droits des légionnaires de l’Empire (Delfosse, Maertens, Delfosse, de Mérode, Lys, de Garcia, Maertens,
Nothomb, Delfosse), rapport
sur l’aliénation de la forêt de Chiny (Delfosse)
2) Proposition de loi relative à
la création d’une nouvelle commune (Beersel) (Vilain
XIIII, Nothomb, Huveners, de Theux, Simons, de Brouckere, Vilain XIIII)
3) Projet de loi portant le
budget du département des finances pour l’exercice 1844. Discussion des
articles.
(a) Traitements, indemnités,
nomination et/ou mise à la pension des receveurs (notamment ruraux))
((+indemnités aux receveurs affectés par le traité de 1839) Mercier,
Osy, Mercier, Verhaegen,
Mercier, Osy, Mercier,
Osy, d’Huart, Mercier,
Lebeau), indemnités nécessitées par la loi sur les
fraudes électorales (d’Hoffschmidt, Savart-Martel, Mercier, de Garcia), exécution de la loi sur les fraudes
électorales (Delfosse, Mercier,
Delfosse))
(b) Douanes et accises. (A =
personnel des douanes et accises ; B = rendement de la douane ; C =
impôt sur le sucre ; D = contrôles douaniers sur le chemin de fer) (A (Manilius, Mercier), (B, C, D) (Rogier, Mercier), C (Cogels), A (Mercier), (C, A) (d’Huart), D (David), C (Cogels), (C, B, A, budget
de la guerre) (Rogier), A (Mercier),
(A, C) (Delehaye), A (de Theux,
Desmet, Lys))
(c) Domaines. Reprise du canal de
Condé (Mercier), recouvrement des sommes dues à l’Etat
par suite de la liquidation du fonds de l’industrie (Verhaegen,
Mercier, Verhaegen, Mercier)
(Moniteur
belge n°18, du 18 janvier 1844)
(Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse procède à l’appel nominal à midi et demi.
La séance est ouverte.
M. Dedecker donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en
est approuvée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur F. lsserslaed, musicien au 11ème régiment de ligne, né à Hassleben, grand-duché de Saxe-Weimar, demande la
naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la
justice.
_______________________
« Le sieur E.-C. Oborski,
sous-lieutenant d’infanterie en non-activité, né en Pologne, demande la
naturalisation. »
- Même renvoi.
_______________________
« Le sieur F.-J. Balde, demeurant à Moerkerke, né
à Hoofdplaat (Pays-Bas), demande la
naturalisation. »
- Même renvoi.
_______________________
« Le sieur Mauvy,
professeur de belles-lettres à Bruxelles, demande la place de bibliothécaire de
la chambre. »
- Dépôt au bureau des renseignements.
_______________________
« La dame Mathieu, veuve au
sieur Collin, ancien militaire, prie la chambre de
statuer sur sa demande tendant à obtenir un secours. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
« La chambre de commerce et des
fabriques des arrondissements d’Ypres et de Dixmude présente des observations
contre l’arrêté du 23 septembre 1843 qui permet le libre transit du bétail
hollandais.»
M. Rodenbach. -
M. le ministre des finances, dans une séance précédente avait promis de fournir
à la chambre de nouveaux renseignements sur la question soulevée par cette
pétition. Je prierai M. le ministre de vouloir bien déclarer s’il est en mesure
de donner ces renseignements.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je n’ai pas encore pu compléter tous les renseignements
que je désirais donner à la chambre sur cette question. Cependant ceux que je
possède déjà tendent de plus en plus à prouver l’absence d’une influence
quelque peu sensible qu’aurait exercée ce transit sur le prix du bétail en
Belgique. Ces renseignements démontrent aussi de plus est plus que la mesure
contre laquelle on réclame n’a pu nuire jusqu’à présent à l’industrie agricole.
Le nombre des têtes de bétail qui ont
transité par la Belgique depuis le 23 septembre 1843 jusques et y compris la
première quinzaine de janvier ne s’élève qu’à 425. D’un autre côté, j’ai obtenu
des renseignements d’où il résulte que les importations par le port de
Dunkerque ont diminué ; ces importations ont été complètement nulles pendant
les mois de novembre et décembre. De manière qu’il y a là une espèce de
compensation pour le bétail qui entre maintenant en France par la voie du
transit.
En outre, j’ai pris des
renseignements dans nos bureaux de douane, et j’ai trouvé que nos exportations,
pendant le second semestre de 1843, ont été supérieures à celles qui ont eu
lieu pendant le second semestre de 1842, de sorte que l’exportation de notre
bétail, bien loin d’avoir diminué, a, au contraire, augmenté. L’arrêté du 23
septembre 1843 ne peut donc pas être considéré comme ayant exercé une influence
préjudiciable à notre industrie agricole. Et, à cet égard, je me permettrai de
faire une observation, c’est que je ne pense pas que nous devions caresser des
préjugés, si tant est qu’il y ait des préjugés sur cette question ; je
crois, au contraire, qu’il est du devoir de la chambre et du gouvernement,
d’éclairer les populations qui seraient imbues de préjugés qui ne peuvent que
nuire à leur bien-être.
J’ajouterai, messieurs, que j’ai
envoyé en France un fonctionnaire charge de recueillir, entre autres, des
renseignements sur la différence que l’on dit s’être manifestée dans le prix du
bétail depuis l’arrêté qui autorise le transit.
M. Delehaye. - Messieurs, je pense aussi que le gouvernement et la chambre ne
doivent pas caresser des préjugés qui pourraient exister dans les populations.
Mais ici, il ne s’agit pas de préjugés, il s’agit de griefs sérieux et fondés.
Si j’avais besoin d’arguments pour
appuyer l’opinion que j’ai déjà émise dans cette chambre, je les puiserais dans
le discours de M. le ministre des finances, car ces arguments prouvent à
l’évidence combien l’arrêté du 23 septembre 1843 est préjudiciable au pays.
La première considération qui a été
invoquée par M. le ministre des finances, c’est que les importations du bétail
en France par le port de Dunkerque ont diminué. Mais c’est précisément ce que
nous avons dit, dans une séance précédente ; nous avons dit qu’en autorisant le
transit du bétail étranger sur le territoire de la Belgique, les importations
par le port de Dunkerque seraient diminuées et que cette diminution serait tout
à fait à l’avantage de la Hollande. On conçoit, en effet, que l’éleveur hollandais
pouvant transiter sur notre territoire ne se servira plus de la voie de
Dunkerque, plus coûteuse d’abord et propre à diminuer la qualité du bétail.
Le second argument qui a été avancé
par M, le ministre des finances n’est pas plus fondé que le premier. Les
importations du bétail en France, dit M. le ministre des finances, n’exercent
aucune influence désavantageuse sur le prix du bétail en Belgique, mais alors
mes honorables collègues qui m’avaient fait un reproche, à moi député d’une
cité industrielle, d’attaquer une mesure qui tendait à diminuer le prix de la
viande en Belgique, doivent se rassurer ; l’arrêté du 23 septembre 1843 ne doit
pas amener ce résultat, M. le ministre des finances le déclare lui-même.
Et, en effet, comment voudrait-on que
par cela seul que le bétail engraissé en Hollande traverse le territoire de
M. le ministre des finances a invoqué
encore une troisième considération, et cet argument me surprend plus encore de
la part du gouvernement que les deux premiers. M. le ministre vous a dit que
l’exportation, loin de diminuer, avait augmenté. Mais que peut-on inférer de ce
fait ? Rien, sinon que l’augmentation aurait été plus considérable encore, si
l’on n’avait pas permis le libre transit du bétail hollandais.
Quelle est la concurrence que
rencontre notre industrie du bétail ? C’est la concurrence de l’industrie
hollandaise. Si la mesure du 23 septembre 1843 n’avait pas été prise, les
exportations du bétail indigène auraient nécessairement augmenté.
Qu’il me soit permis ici de
faire une observation, c’est que le gouvernement, comme à 1’ordinaire, perd de
vue les véritables causes du fait qu’il signale, je veux parler de
l’augmentation que présente le chiffre des exportations de notre bétail. Quelle
est la cause réelle de cet accroissement ? c’est que
nos cultivateurs de lin ne peuvent plus cultiver le lin en aussi grande
quantité que par le passé ; et maintenant nos agriculteurs sont obligés
d’engraisser le bétail, pour trouver de quoi fournir aux dépenses
d’exploitation de leurs fermes. Aujourd’hui que l’industrie linière est en
souffrance par la faute du gouvernement, l’agriculteur ne peut faire ses frais
qu’en engraissant le bétail ; eh bien, si vous détruisiez l’industrie de
l’engraissage du bétail, indubitablement l’agriculture en Belgique perdra tous
les ans de son importance. Si vous ne prenez pas une mesure quelconque pour que
nos agriculteurs puissent se livrer exclusivement à l’engraissage du bétail,
non seulement, ils seront plus tard dans l’impossibilité de faire leurs frais,
mais ils ne trouveront plus de quoi engraisser leurs terres. Or, l’engrais du
bétail, surtout dans un pays comme le nôtre, sert à engraisser les terres.
En terminant, je déclare que, si M.
le ministre des finances ne nous donne pas l’assurance formelle que l’arrêté du
23 septembre 1843, pris contrairement aux dispositions de la loi, et en
opposition avec l’intérêt des Flandres, sera retiré, je voterai contre le
budget du département des finances. Je prie donc M. le ministre de vouloir bien
s’expliquer catégoriquement, je demande qu’il veuille déclarer s’il entend, oui
ou non, maintenir l’arrêté qui autorise le libre transit du bétail hollandais
en Belgique. S’il déclare être dans l’intention de ne pas retirer l’arrêté,
cette déclaration nous fournira une nouvelle preuve que les intérêts des
provinces flamandes ne touchent nullement le gouvernement, et, je le répète,
dans ce cas, je voterai contre le budget du département des finances. J’ai dit.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, lorsque le gouvernement a pris l’arrêté du 23 septembre
1843, il avait principalement en vue de donner à
L’honorable M. Delehaye explique
l’augmentation du chiffre de l’exportation de notre bétail par ce fait, que
maintenant plusieurs cultivateurs des Flandres engraissent le bétail, au lieu
de livrer leurs terres à la culture du lin. Or, il résulte de renseignements
statistiques qui ont été publiés, que la quantité de bétail, même dans les
Flandres, est moins considérable qu’elle ne l’était il y a un certain nombre
d’années. Donc l’assertion de l’honorable préopinant n’est pas exacte à tous
égards ; il reste vrai, au contraire, qu’il n’y a accroissement dans l’élève du
bétail, et que cependant l’exportation n’a fait qu’augmenter.
Quant au transport qui se fait
aujourd’hui par Anvers, en effet, pendant les mois de novembre et de décembre,
ces transports ont été presque nuls en novembre ; ils se sont bornés à 58 et en
décembre à 31 têtes de bétail. C’étaient donc des transports de bien peu
d’importance. Celui qui se fait aujourd’hui est encore insignifiant, mais il
est supérieur à celui qui avait lieu par le port de Dunkerque. C’est une chose
qui ne doit pas être dissimulée. Il me semble, au surplus, que toute inquiétude
doit cesser chez les membres qui craignent que l’arrête dont il s’agit n’exerce
une influence nuisible sur l’industrie agricole.
Quant aux prix sur le marché de
Lille, je ne les connais pas encore ; aussitôt que j’aurai reçu les
renseignements que j’ai demandés, je m’empresserai de les communiquer à la
chambre. L’instruction sera alors complète et nous pourrons examiner la
question avec fruit. Jusque-là toute discussion serait prématurée. Si je
n’avais pas été interpellé, j’aurais attendu que les renseignements fussent
complets pour les présenter à la chambre.
M. Rodenbach. - Il arrivait des pétitions tous les jours.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Les pétitions ne peuvent pas établir des faits contraires à ceux que
j’ai constatés, et c’est d’après les faits et non d’après le nombre des
pétitions que la chambre doit se déterminer.
M. le président. -
Je ferai observer que cette discussion ne peut amener aucun résultat, puisque
le gouvernement déclare que les renseignements ne sont pas complets.
M. Malou. - Je pourrais en quelque
sorte demander la parole pour un fait personnel, car M. le ministre des
finances a fait allusion à une considération que j’ai produite dans une
précédente séance. Qu’il me soit permis de le dire, M. le ministre m’a mal
compris. Je n’ai jamais entendu dire qu’on dût se soumettre aux préjugés qui
existeraient dans les populations. C’est ainsi que la presse a cru devoir
traduire un argument au fond très sérieux. Je pense qu’un gouvernement
intelligent et qui comprend sa mission, s’abstient non seulement de froisser
des intérêts, mais d’éveiller des susceptibilités, de faire naître même des
préjugés lorsqu’un intérêt national ne l’exige pas. En supposant donc gratuitement,
et je crois avoir établi le contraire, qu’il n’y eût que des préjugés, j’ai
demandé au gouvernement de prouver qu’il avait un intérêt sérieux à mettre dans
la balance. S’il avait fait cette preuve, je n’insisterais pas.
La question de légalité, que
j’ai soulevée, aboutit encore à la question d’utilité.
La mesure, dit-on, ne nuit pas à
l’industrie belge ; cela ne suffit pas, il faut démontrer qu’elle lui profite.
Tant que cette démonstration ne sera pas fournie, force sera de reconnaître que
l’on a fait de la loi une application qui n’est pas conforme aux vues qui ont
guidé les chambres quand elles ont accorde ce pouvoir au gouvernement.
Je ne puis m’abstenir de présenter
une autre observation. A chaque instant les chambres sont assaillies par les réclamations
des industries qui demandent protection. L’industrie dont il s’agit ici ne vous
demande rien, sinon de ne pas lui nuire.
Messieurs, je ne voterai pas contre
le budget à cause de la déclaration que M le ministre des finances vient de
faire, qu’il n’est pas disposé à retirer l’arrêté. Mais, si M. le ministre,
après la discussion qui aura lieu, croit devoir maintenir cet arrêté, je
prierai quelques collègues de se concerter avec moi pour aviser aux mesures à
proposer à la chambre.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je dirai, à mon tour, que l’honorable membre ne m’a pas compris. Je
n’ai pas dit que mon intention arrêtée était de maintenir l’arrêté, j’ai fait
remarquer, au contraire, que je n’avais donné aujourd’hui des renseignements à
la chambre, bien qu’ils fussent incomplets, que parce que j’y avais été forcé
par les interpellations qui m’avaient été adressées, mais qu’on ne pourrait
discuter la question avec maturité que quand les renseignements seraient complets.
Je le répète, je n’ai nullement annoncé qu’il y avait parti pris de maintenir
cet arrêté. Je tiens à ce que les faits soient bien compris. Sans vouloir aller
plus loin, je dirai que le gouvernement a été déterminé à prendre cet arrêté
par des considérations qui se rapportent au commerce, à la navigation et au
trésor public. Que si la mesure ne devait pas être utile à l’agriculture, elle
a été considérée comme ne pouvant lui nuire. Du moment qu’il avait un autre but
d’utilité, le gouvernement a eu des raisons plausibles de prendre l’arrêté.
Mais, je le répète, il n’y a pas parti pris de le maintenir
M. Osy. - Je prends la parole, parce que l’honorable M. Delehaye a dit que la
mesure était dans l’intérêt de la province d’Anvers.
Plusieurs voix. - Il a dit le contraire.
M. Osy. - Je dirai qu’elle est désintéressée dans cette question, car les
bestiaux ne peuvent être importés que par eau pour être conduits directement au
chemin de fer, ils ne peuvent pas séjourner dans la province. Pour ce qui me
regarde, je ne veux ni blâmer ni approuver la mesure avant que l’instruction
soit complète, mais je dois dire cependant que je trouve que le gouvernement a
eu tort d’accorder cette faculté de transit à
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je crois devoir répondre quelques mots à l’honorable M. Osy. Nous
n’avons pas pris cette mesure dans un intérêt étranger, mais dans un intérêt
belge. Nous pouvons nous être trompé, mais c’est
uniquement dans un intérêt national qu’elle a été adoptée. Cependant, si elle a
pu tendre à améliorer encore nos rapports avec un pays étranger, ce résultat ne
serait pas à dédaigner,
M.
d’Hoffschmidt (pour une motion d’ordre). - Je
demande la parole pour une motion d’ordre, il me semble que nous pourrions
abréger cette discussion, car il est impossible, dans l’état actuel de la
question, que la chambre prenne une décision quelconque. La discussion qui
vient d’être soulevée l’a été à propos d’une pétition qu’il s’agit de renvoyer
à la commission des pétitions.
M. Delehaye. - Un rapport a été fait.
M.
d’Hoffschmidt. - Dans tous les cas, tant que nous n’avons
pas les renseignements demandés au ministre, il est impossible de prendre une
décision sur l’arrêté dont il s’agit ; par conséquent, je ne vois pas la
nécessité de prolonger la discussion ; elle pourrait avoir lieu avec beaucoup
plus de maturité et développement, quand nous serons saisis des renseignements,
car alors on pourra examiner la question sous toutes ses faces, et toute
discussion qui aurait lieu maintenant devrait se renouveler alors. Je propose
en conséquence de passer à l’ordre du jour.
M. Desmet. - Je viens m’opposer à la motion d’ordre. Pour moi, je crois que nous
sommes suffisamment informés. Qu’y a-t-il eu par l’arrêté dont on se plaint ? un déplacement de marché. Autrefois il y avait à Malines un
marché où les Français venaient acheter les bestiaux hollandais, ce marché se
trouve détruit ; le marché de Lille était approvisionné par le Furnembach ; il lui est enlevé.
M. le président. - C’est le fond. Du moment que la chambre aura décidé qu’elle entend
discuter le fond maintenant, vous le discuterez tant que vous voudrez, mais
jusque-là vous ne devez parler que sur la motion d’ordre.
M. Desmet. - Je voulais prouver que nous n’avons pas besoin de renseignements
ultérieurs pour prendre une décision et pour cela je démontrais le tort qu’a
fait au pays l’arrêté dont il s’agit.
M. Delehaye. - M. le ministre, dans l’explication qu’il a donnée, nous a dit que la
question dont il s’agit ne pouvait pas recevoir maintenant de solution, parce
que les renseignements ne sont pas complets. Je lui répondrai qu’ils auraient
dû l’être, puisqu’il y a deux mois que nous réclamons, et d’ailleurs ils sont
complets pour nous. Je conçois très bien qu’il voudrait encore ajourner une
décision, mais les renseignements fournis nous suffisent, car nous pouvons y
trouver tous les arguments dont nous avons besoin. Peut-il y avoir plus
d’opportunité pour discuter cette question que quand on discute le budget du ministre
que la mesure prise regarde plus directement ? De la déclaration du ministre
dépendait mon vote sur son budget. J’ai la persuasion que, s’il ne s’explique
pas d’une manière précise, ce n’est que pour gagner du temps. Lorsqu’il s’agit
des intérêts commerciaux et industriels, je n’ai pas la moindre confiance dans
aucun des membres du ministère, je sais par la manière dont ils se sont
comportés que leur but unique est de se maintenir au pouvoir, que l’intérêt du
pays n’est jamais le mobile de leurs actions, qu’il ne les préoccupe sous aucun
rapport.
Avec cette opinion, je déclare que je
voterai contre le budget des finances.
M. Delfosse. - L’honorable préopinant vient de nous dire qu’il n’a pas la moindre
confiance dans le ministère, ce n’est pas sur ce point que je suis en désaccord
avec lui, c’est sur la question de savoir s’il faut continuer la discussion ou
bien attendre les nouvelles explications que le gouvernement se propose de nous
donner. L’honorable préopinant nous dit que les explications déjà données sont
suffisantes, elles peuvent être suffisantes pour l’honorable préopinant et pour
tous ceux qui ont une opinion faite sur la question, mais elles ne sont pas
suffisantes pour d’autres membres de la chambre qui ne désirent se prononcer
qu’après qu’on leur aura soumis des renseignements complets.
Messieurs, c’est la troisième fois
que nous discutons sur les pétitions relatives au transit du bétail, il y a eu
discussion lorsque les pétitions ont été présentées ; il y a eu discussion
lorsque le rapport a été fait ; il y a discussion aujourd’hui, et il y aura
encore discussion lorsque le gouvernement viendra nous fournir de nouveaux
renseignements ; je pense, messieurs, que, pour ne pas perdre du temps, nous
ferons bien d’attendre ces renseignements et de passer à l’ordre du jour.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne répondrai pas aux allégations de l’honorable M. Delehaye qui
prétend que le gouvernement n’a nul souci des intérêts du pays ; de telles
assertions se réfutent d’elles-mêmes.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - C’est de style.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - C’est sur les faits que je réponds, que je répondrai toujours.
L’honorable préopinant prétend que le
gouvernement veut éluder cette question. Il n’en est rien ; j’ai déjà annoncé
qu’un fonctionnaire supérieur du département des finances a été envoyé à Lille
pour recueillir des renseignements nécessaires à sa solution..
M. Delehaye. - Il y a deux mois que les renseignements sont demandés.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - C’est tout récemment qu’on est entré dans des détails sur les
renseignements qu’on a jugés nécessaires. Dès lors, je me suis empressé de
réclamer des bureaux-frontières ceux que je pouvais y obtenir. Ayant cherché,
d’un autre côté, à me procurer officieusement certaines données et n’y étant
pas parvenu, je les ai sollicités par la voie officielle ; ne trouvant pas
encore la question assez instruite, j’ai envoyé sur les lieux un fonctionnaire
du département des finances. Toutes ces circonstances prouvent que le
gouvernement comprend ses devoirs. On ne peut que s’affliger quand on voit à
chaque instant attaquer ses intentions, au lieu de se borner à s’occuper des
actes. Je suis prêt à aborder toute discussion sur les faits ; mais ce que je
repousse, et ce qui ne devrait pas être permis dans cette chambre, ce sont les
accusations qui ont rapport aux intentions.
M. Cogels. - Je ne demande pas l’ajournement indéfini de la discussion ; mais je
pense que la chambre ne peut procéder à cette discussion lorsqu’elle n’est pas
à l’ordre du jour. Je conçois que quelques membres soient préparés ; mais la
plupart ne le sont pas. J’appuie donc de toutes mes forces la motion de
l’honorable M. d’Hoffschmidt, d’autant plus qu’il ne convient pas d’intervertir
l’ordre de nos délibérations et de scinder la discussion du budget des
finances.
M.
d’Hoffschmidt renonce à la parole.
M. Rodenbach. - Je pense que la chambre n’est pas suffisamment éclairée pour
discuter cette question, et que nous ferions bien d’attendre un jour ou deux.
L’inspecteur qui est à Lille pourra alors avoir transmis ses renseignements, il
ne faut pas grand temps pour les recueillir, il n’à qu’a se transporter sur le
marché ; il ne faut pas grand temps non plus pour les faire parvenir à
Bruxelles ; car en un demi-jour on vient de Lille à Bruxelles. Je pense donc
que dans deux jours nous aurons tous les renseignements nécessaires et que nous
pourrons examiner la question.
Au commencement de la discussion, quand
j’ai interpellé M. le ministre des finances, il a paru m’en savoir mauvais gré
; mais, je le répète, dans les Flandres, la mesure est impopulaire contre le
ministère. On avait dit que cette mesure aurait fait diminuer le prix de la
viande ; mais elle est prise depuis 3 mois, et n’a pas eu ce résultat. Ainsi
l’argument tombe. D’ailleurs, il y a baisse sur le marché de Lille. C’est au
détriment de
M. de Muelenaere. - Je ne veux pas prolonger inutilement cette discussion. Mais je
désirerais savoir quel jour M. le ministre des finances sera à même de donner à
la chambre les renseignements dont elle a besoin.
Il ne faut pas perdre de vue que
l’industrie de l’élève et de l’engraissage du bétail est l’une des plus
importantes du pays. L’arrêté dont il s’agit a singulièrement alarmé cette
industrie. A-t-il été réellement préjudiciable ? Voilà toute la question. M. le
ministre des finances prétend que non ; qu’il fournisse les renseignements sur
lesquels il base cette opinion. Je dois, quant à moi, exprimer dès à présent
tout mon regret de ce que, sur une question aussi vitale, pour trois grandes
provinces du royaume, l’opinion du gouvernement ne se trouve pas d’accord avec
celle des chambres de commerce et des commissions d’agriculture de ces
provinces. Je dois exprimer mes regrets de ce que les renseignements que le
gouvernement a recueillis sur cette question semblent en désaccord avec les
renseignements réunis par les intéressés ; car, d’après ces renseignements, la
mesure serait fatale à l’industrie de l’élève et de l’engrais du bétail dans
les Flandres.
On vous a dit que, si l’exportation
dans une province était plus considérable par le chemin de fer, d’un autre côté
l’exportation avait beaucoup diminué dans le port de Dunkerque. Mais cette
question n’est pas indifférente ; car il y a une différence de 10 à 35 dans les
frais de transport par Dunkerque et par Lille.
M. le président. - Je rappellerai à l’orateur que c’est la motion d’ordre de M.
d’Hoffschmidt qui est en discussion.
M. de Muelenaere. - Je veux seulement faire remarquer que la question est d’une haute
importance pour les Flandres et qu’elle doit fixer l’attention du gouvernement
et des chambres.
Je me bornerai, pour rentrer dans les
vues de la chambre, à demander à M. le ministre des finances vers quelle époque
il sera en mesure de présenter les renseignements dont nous avons besoin pour fixer
notre opinion sur cette question.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je demande que la discussion sur cet objet soit ajournée à lundi
prochain. Je craindrais de ne pas avoir obtenu, avant ce jour, tous les
renseignements que j’ai réclamés. Je ne répondrai pas au discours de
l’honorable membre, bien que je puisse le faire ; car je ne veux pas continuer
cette discussion. Je me bornerai à faire remarquer que les renseignements de
l’honorable membre ne peuvent être exacts, s’ils ne sont pas conformes à ceux
que j’ai donnés à la chambre en ce qui concerne les faits.
M. Malou. - L’une de ces pétitions a
été renvoyée à M. le ministre des finances avec demande d’explications. Ordinairement
ces explications sont données par écrit, imprimées et distribuées. Je demande
s’il en est de même en cette occasion ; que M. le ministre des finances veuille
bien déposer et que la chambre fasse imprimer et distribuer la réponse aux
différentes questions indiquées dans le débat primitif.
M. le président. - C’est une demande subsidiaire. Il n’est pas dans les habitudes de la
chambre de faire imprimer les explications des ministres sur les pétitions ; ce
ne peut être que le résultat d’une décision spéciale. M. le ministre a demandé
le renvoi de la discussion à lundi.
M. Rogier. - Sur quoi ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je promets à la chambre de déposer lundi un rapport complet,
contenant tous les renseignements sur cette question.
M. le président. - Voici comment la question se présente : Lundi, M. le ministre
présentera les explications demandées par la chambre, et la chambre décidera si
elle veut entamer la discussion sur ces explications.
M. Rodenbach. -
Je demande également le renvoi au ministre des finances de la pétition des
chambres de commerce d’Ypres et de Dixmude qui contient peut-être des
renseignements que les autres ne contiennent pas.
- Cette proposition est adoptée.
La chambre consultée, ajourne la
discussion jusqu’après la présentation des explications qu’elle a demandées à
M. le ministre des finances, et que celui-ci a promises pour lundi ; elle se
réserve de fixer alors l’époque de la discussion.
M. Delfosse (pour une motion d’ordre). - Hier au milieu du bruit, la chambre a
renvoyé à la commission des pétitions, une pétition de divers légionnaires de
l’empire ; je pense que cette pétition aurait dû être renvoyée à la section
centrale chargée de l’examen du budget de l’intérieur ; le budget de
l’intérieur contient une allocation destinée aux légionnaires peu favorisés de
la fortune ; c’est lorsque nous serons arrivés à cet article du budget qu’il y
aura lieu de discuter la pétition ; j’en demande donc le renvoi à la section
centrale chargée de l’examen du budget de l’intérieur ; j’en demanderais en
outre le dépôt sur le bureau pendant la discussion, si un exemplaire imprimé
n’avait été remis à chacun de nous.
M. Maertens. - Je ne comprends pas dans quel but l’honorable membre propose le
renvoi de cette pétition à la section centrale du budget de l’intérieur ; elle
a été distribuée à tous les membres de la chambre, et chacun pourra faire dans
la discussion du budget telle proposition qu’il jugera convenable. Cette
pétition soulève des questions importantes sur lesquelles il y a des rapports,
et sur lesquelles il y a eu de très longues discussions. La section centrale ne
pourrait faire rien de plus que de proposer le dépôt de la pétition sur le
bureau pendant la discussion. Dès lors, le renvoi à la section centrale
n’aboutirait à rien.
M. Delfosse. - Je prie la chambre de remarquer que c’est elle-même qui a décidé
qu’il serait fait un rapport sur la pétition des légionnaires ; tout ce que je
demande, c’est que le rapport, au lieu d’être fait par la commission des
pétitions, soit fait par la section centrale chargée de l’examen du budget de
l’intérieur ; j’ai dit pourquoi la pétition me paraît rentrer dans les
attributions de cette section centrale.
L’honorable M. Maertens objecte que
l’honorable M. Fallon a déjà fait un rapport sur cette affaire qui présente des
questions d’une grande importance. Il me semble, messieurs, que c’est justement
parce que la pétition soulève des questions importantes, qu’un nouveau rapport
est nécessaire. Le rapport de l’honorable M. Fallon date de 1835 et les
pétitionnaires font valoir des raisons nouvelles à l’appui de leur demande.
M.
de Mérode. - Il me semble qu’on ne peut
revenir constamment sur les mêmes questions ; sans cela nous n’en finirons
jamais avec les objets qui ont une importance générale. On a fait un rapport
très détaillé sur cette affaire. On objecte qu’on vous soumet aujourd’hui de
nouvelles considérations. Mais on pourrait, de cette manière, renouveler sans
cesse les mêmes discussions ; on n’aurait qu’à prétendre qu’on a de nouvelles
observations à faire valoir.
C’est ici une affaire d’intérêt
personnel, dont la chambre s’est déjà occupée très longuement ; on ne peut
toujours donner la préférence à ces questions sur d’autres qu’il est urgent de
discuter. Je ne puis donc appuyer la demande d’un nouveau rapport.
M. Lys. - Messieurs, le renvoi à la section centrale tend uniquement à faire
examiner par elle, s’il y a lieu ou non de vous présenter un nouveau rapport.
Je crois, quant à moi, que l’on ne demande que cela.
M. de
Garcia. - Messieurs, la pétition dont il
s’agit a été distribuée à tous les membres de la chambre ; elle fait en quelque
sorte une exception à celles qui sont simplement adressées à la chambre. Je
crois qu’on pourrait se borner purement et simplement à demander le dépôt sur
le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur. Lorsque nous en
viendrons à l’article qui concerne les légionnaires, chaque membre pourra
s’occuper de cette pétition. D’ici là nous pourrons même parcourir le rapport
qui a été fait sur la matière.
M. Maertens. - Messieurs, à entendre l’honorable M. Delfosse, il s’agirait de faire
un nouveau rapport dans lequel on rencontrerait et le rapport précédent et les
objections qui sont faites par les pétitionnaires dans la nouvelle pétition qui
vous a été distribuée. Il me semble qu’il y a une marche bien plus simple pour
ceux qui veulent examiner cette question, ce serait de demander qu’en même
temps qu’on discuterait l’article du budget de l’intérieur relatif à la
dotation en faveur des légionnaires peu favorisés de la fortune, on s’occupât
des propositions faites dans le rapport de l’honorable M. Fallon. Ce serait là le
moment, me paraît-il, d’examiner si ces propositions doivent être adoptées ou
si les nouvelles objections des légionnaires sont fondées. Un nouveau rapport
sur cet objet me paraît complètement inutile.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il me semble qu’il serait
impossible de cumuler ainsi la discussion de deux projets de loi ; l’occasion
de discuter la question des légionnaires se présentera naturellement lorsqu’on
discutera le budget de l’intérieur. Le chap. XV présente une allocation comme
secours aux légionnaires. La question est de savoir s’il faut, non pas un
secours comme le propose le budget, mais s’il faut, une indemnité comme dette
de l’Etat. Voilà une autre question qui est indépendante de la première jusqu’à
un certain point.
Je pense qu’on pourrait suivre le
cours naturel des choses, c’est-à-dire attendre la discussion du budget de
l’intérieur. L’honorable M. Delfosse et d’autres membres y trouveront
l’occasion de présenter leur manière de voir sur la question des légionnaires,
et si l’un d’eux le juge convenable, il pourra demander la mise à l’ordre du
jour, à la suite de la discussion du budget de l’intérieur, des conclusions de
l’honorable M. Fallon.
Je pense qu’il n’y a pas lieu à
demander un nouveau rapport ; ce serait une espèce d’appel du rapporteur M.
Fallon, au rapporteur M. Maertens ; c’est un précédent que nous ne pouvons
consacrer.
Nous sommes en présence d’un projet
présenté par M. Corbisier ; un rapport a été fait sur ce projet ; que l’on
demande la mise à l’ordre du jour des conclusions de ce rapport après la
discussion du budget de l’intérieur, si tant est qu’on reconnaisse, par la
physionomie que pourra présenter la chambre, lorsque l’un ou l’autre membre
présentera des observations dans la discussion du budget, qu’il y a chance
d’obtenir davantage pour les légionnaires.
En attendant, on pourrait se borner à
ordonner le dépôt de la pétition sur le bureau, pendant la discussion du budget
de l’intérieur.
M. Delfosse. - Je me rallie à cette proposition.
- Le dépôt sur le bureau pendant la
discussion du budget de l’intérieur est ordonné.
M. Delfosse (pour une autre motion d’ordre) - M. le ministre des finances a promis,
il y a déjà longtemps, de nous présenter un rapport complet sur l’affaire de la
forêt de Chiny, je demanderai à M. le ministre des finances si ce rapport sera
bientôt prêt.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’annoncerai à la chambre que dès demain je
présenterai mon rapport sur cette question.
M. Delfosse. - Avec les pièces ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Avec les pièces demandées.
M. le président. -
L’ordre du jour appelle d’abord la lecture d’une proposition de loi déposée par
l’honorable M. Vilain XIIII et dont toutes les sections ont autorisé la
lecture.
M. Vilain XIIII. - Voici ma proposition.
« Léopold, etc.
« Art. 1er. Les hameaux de Groot-Peersel, Molen-Beersel, Bomenstraat et Manenstraat avec leurs territoires, tels qu’ils ont été
déterminés par la convention des limites entre
« Art. 2. Le cens électoral et
le nombre des conseillers à élire dans la commune de Beersel seront déterminés
par l’arrêté royal fixant le chiffre de la population. »
M. le président. - Quand l’honorable membre veut-il présenter les développements de sa
proposition.
M. Vilain XIIII. - Immédiatement, M ; le président.
- L’honorable membre présente ces
développements.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande à faire une
observation sur la marche à suivre dans cette question.
Le gouvernement a dû se borner à
réunir les fractions de communes dont il s’agit dans la proposition de
l’honorable M. Vilain XIIII, à une commune voisine. C’est tout ce que la loi du
5 juin 1839 lui permettait de faire. L’art. 2 de cette loi est ainsi conçu :
« Le gouvernement désignera les
communes auxquelles seront réunies les fractions de communes qui, dans les
provinces de Limbourg et de Luxembourg, seront séparées de leurs chefs-lieux
par le traité de paix. »
Le gouvernement ne pouvait donc ériger
ces fractions de communes en commune distincte, en commune spéciale. Ceci ne
pouvait que faire l’objet d’une loi spéciale.
Maintenant se présente une question
que l’honorable auteur de la proposition vous a déjà indiquée et qu’il a même
jusqu’à un certain point résolue. Cependant il m’est venu un doute. L’art. 85
de la loi provinciale dit, il est vrai, que le conseil provincial donne son
avis sur les changements proposés pour la circonscription de la province, des
arrondissements, cantons et communes, et pour la désignation des chefs-lieux.
On peut dire, sans doute, à la
première vue, que cet article est applicable. Cependant peut-on considérer ce
renvoi au conseil provincial comme nécessaire pour les cas extraordinaires, tel
que celui qui se présente en ce moment ? L’honorable auteur de la proposition
lui-même vous a indiqué la différence de ce cas avec les cas ordinaires.
Il ne s’agit pas ici de morceler une
commune existante de temps immémorial, dans la province de Limbourg ; il s’agit
de savoir ce que l’on fera des fractions de communes détachées du territoire
hollandais. Est-ce bien encore le cas de l’art. 83 de la loi provinciale ?
Pourrait-on dire que nous méconnaîtrions les attributions du conseil provincial
du Limbourg, si dès ce moment nous nous saisissions définitivement de la
question si, par exemple, le gouvernement se bornait à consulter la députation
?
Je soumets ce doute à la
chambre, parce qu’il est impossible de réunir extraordinairement le conseil
provincial du Limbourg pour une question de ce genre. Il résulterait de ce
renvoi au conseil provincial un long retard, et ce long retard présente de
graves inconvénients. Il y aura dans l’intervalle une espèce d’intérim que l’on
doit faire cesser le plus tôt possible. Aujourd’hui les fractions des communes
dont il s’agit sont réunies à d’autres communes. L’état-civil se tient dans une
commune à laquelle ces fractions sont réunies. Si celles-ci doivent être
érigées en commune séparée, il faut que la chose se fasse le plus tôt possible.
Je soumets ce doute la chambre, et je
suis assez disposé à croire que l’on pourrait ne pas considérer la question qui
nous occupe, comme rentrant dans les cas ordinaires que suppose l’art. 83 de la
loi provinciale.
- La proposition de l’honorable M. Vilain
XIIII est appuyée.
M. Huveners. - Les développements que l’honorable auteur de la proposition vient de
donner, me dispensent, pour le moment, d’entrer dans d’autres détails.
M. le ministre de l’intérieur a
soulevé un doute. Je crois, messieurs, que, dans le cas actuel, qui est tout
fait exceptionnel, il n’y a pas lieu à avoir recours à l’avis du conseil
provincial, d’autant plus que cela donnerait lieu à de grandes difficultés. Les
différents hameaux dont il s’agit comptent une population de 1,200 âmes ; ils
sont distants de plus d’une lieue de la commune à laquelle ils ont été réunis.
Or, si on doit consulter le
conseil provincial, qui ne se réunira pas avant le mois de juillet, il
s’écoulera encore un très long temps avant que la séparation ne puisse avoir
lieu. Il est évidemment de l’intérêt de ces hameaux que ces retards soient
évités.
M. de Theux. - Il me semble, messieurs, qu’avant de se prononcer sur la question du
renvoi au conseil provincial, il y aurait une autre mesure à prendre. Il
conviendrait que M. le ministre de l’intérieur consultât la députation
permanente du conseil provincial, et que le bureau nommât une commission
chargée de l’examen du projet de loi, et de la question de savoir si l’on peut
adopter ce projet sans que l’on ait reçu l’avis du conseil provincial. Cette
marche entraînerait très peu de retard.
M.
Simons. - Je demanderai à M. le ministre de
l’intérieur si, en ce qui concerne les hameaux dont il s’agit au projet de loi
proposé par l’honorable comte Vilain XIIII, il a déjà fait usage de la faculté
que lui accorde la loi spéciale du mois de juillet 1839, d’adjoindre à des
communes belges les fractions de communes qui, par suite du traité, ont été
adjointes à
M.
de Brouckere. - Je ne connais pas bien la
position des hameaux dont l’honorable auteur de la proposition voudrait faire
une spéciale, mais si j’ai bien compris ses développements et ceux qu’y a
ajoutés M. le ministre de l’intérieur, il y aurait urgence. Je demanderai à
l’honorable M. Vilain XIIII, s’il en est réellement ainsi.
M. Vilain XIIII. - Ces hameaux ont ensemble une population de 1,200 habitants ;
immédiatement après la conclusion du traité, ils ont été réunis à une commune
belge qui en est éloignée de plus de 2 lieues. Il est donc de leur intérêt
qu’ils soient érigés en commune, mais il ne faut pas absolument que cela se
fasse de suite.
M. de Brouckere. - D’après les renseignements que vient de nous donner l’honorable M.
Vilain XIIII, je me bornerai à me rallier à la proposition de l’honorable M. de
Theux, à insister pour le renvoi de la proposition à une commission qui
examinerait la question de savoir si la chambre peut ou non se passer de l’avis
du conseil provincial. S’il y avait eu urgence, il eut été facile de s’appuyer
sur l’art. 107 de la loi provinciale, qui permet, en cas d’urgence, de se
passer de l’avis des conseils provinciaux dans toutes les affaires pour
lesquelles cet avis est exigé, sauf ce qui concerne les comptes, les budgets et
les présentations de candidats qui sont déférées aux conseils provinciaux ;
mais s’il n’y a pas urgence, j’avoue qu’au premier aperçu il me semble qu’il
serait très difficile de se passer de l’avis du conseil provincial, qui est
requis par l’art. 83. Du reste, ce serait anticiper sur la discussion que
d’entrer dans des détails à cet égard.
M. le président. -
Aux termes du règlement, il s’agit d’abord de se prononcer sur la prise en
considération. Si la chambre prend la proposition en considération, elle la
renvoie ensuite soit aux sections, soit à une commission spéciale.
D’après la proposition de M. de
Theux, le renvoi serait fait à une commission spéciale. Cette commission
examinerait d’abord la question de savoir s’il y a lieu d’ajourner l’examen de
la proposition jusqu’à ce que le conseil provincial ait été consulté, et avant
de s’occuper de la proposition elle-même, elle ferait à cet égard un rapport à
la chambre.
- La prise en considération est mise
aux voix et adoptée.
La proposition de M. de Theux est
ensuite mise aux voix et également adoptée.
Discussion
des articles
M. le président. -
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du budget des finances.
CHAPITRE III. - Administration
des contributions directes, cadastre, douanes et accises, de la garantie des
matières d’or et d’argent, etc.
Article 2
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, lorsque des membres de cette chambre ont témoigné le désir
d’obtenir des renseignements sur l’art. 2 du chapitre en discussion, je me suis
empressé de les fournir ; il se trouve que je n’avais pas entièrement
rempli le but de ces honorables membres ; s’ils n’avaient pas incriminé mes
intentions, je devrais leur adresser des remerciements de m’avoir offert
l’occasion de démontrer à la chambre avec quelle économie on procède au
ministère des finances lorsqu’il s’agit des deniers de l’Etat.
Un honorable député de Bruxelles, qui
siège derrière moi, se fondant sur les allégations d’un autre honorable membre
de cette chambre, disait hier que l’exception devenait en quelque sorte la
règle. Cet honorable membre n’a dit cela qu’en s’appuyant sur des allégations
qu’il avait entendues.
Déjà, messieurs, j’ai répondu que,
bien loin que l’exception tendît à devenir la règle, l’exception s’atténuait
tous les jours, J’ai fait observer hier à la chambre que l’excédant de dépenses
résultant de la balance des minimum et des maximum, était de 19,000 fr.,
lorsque mon honorable prédécesseur a fourni à la chambre les premiers
renseignements sur cet objet. Depuis lors, mon honorable prédécesseur et moi
nous avons agi de telle sorte que cet excédant est réduit aujourd’hui à 10,000
fr. Ainsi, messieurs, bien loin que l’exception tendît à devenir la règle,
l’exception, je le répète, s’amoindrit de jour en jour.
On a prétendu, messieurs, que le
gouvernement reculait devant les explications demandées, qu’il ne désirait pas
indiquer quelles sont les gratifications, les suppléments de traitement, les
indemnités extraordinaires accordées aux receveurs. A entendre les assertions
de l’honorable membre, il semblait que les abus les plus graves auraient été
commis, que l’état des minimum et des maximum fourni par moi ne présentait
qu’une très faible partie des mesures exceptionnelles prises par le
gouvernement ; que les receveurs, surtout ceux des grandes villes, obtenaient
du gouvernement des indemnités, des gratifications ou des suppléments de
traitement bien plus considérables.
Eh bien, messieurs, je vais donner à
la chambre le chiffre de toutes les gratifications, de tous les suppléments de
traitement, de toutes les indemnités extraordinaires accordés aux receveurs des
contributions directes, douanes et accises du royaume, le chiffre est de 1,750
fr. ! Une autre somme concernant les receveurs des parties cédées, doit aussi
être indiquée à la chambre. Dans une discussion qui s’est élevée dans cette
enceinte, on a recommandé à la bienveillance du gouvernement les receveurs qui
par suite des changements survenus dans la circonscription de leur recette, à
l’occasion de la cession d’une partie du territoire, avaient subi un préjudice
notable. Mon honorable prédécesseur avait cru, un instant, qu’il serait forcé,
pour remplir l’objet de ces recommandations, de présenter un projet de loi à la
chambre, mais il a reconnu ensuite, comme je l’ai pensé également, que
l’indemnité à donner à ces receveurs pouvait être imputée sur le crédit
ordinaire.
Toutes les indemnités accordées aux
receveurs qui se sont trouvés dans cette position s’élèvent à 6.910 fr. Quant
aux autres receveurs du royaume, je le répète, toutes les gratifications sont
les suppléments de traitement, tontes les indemnités extraordinaires qui leur
ont été accordés, et que l’on a signalés comme étant si considérables,
s’élèvent ensemble à la somme énorme de 1,750 fr., à l’exception toujours des
suppléments de traitements pour perte de leges dont j’ai déposé hier la liste
sur le bureau de la chambre.
Le gouvernement a donc agi avec la
plus grande économie, puisque ces suppléments de traitement, maintenant réduits
à 1,750 fr., s’élevaient encore, en 1842, à la somme de 5,000 fr.
Je tenais beaucoup, messieurs, à
donner ces renseignements à la chambre ; car, en vérité, si l’on s’en
rapportait à ce qui a été dit hier dans cette enceinte, la chambre et le pays
pourraient croire que les abus les plus graves se commettent au détriment du
trésor. Or il n’en est absolument rien.
Messieurs, ainsi que je l’ai dit
hier, il y a des indemnités fixes qui s’accordent en vertu des dispositions
précises de l’arrêté du 18 novembre 1822. Je regretterais qu’on séparât ces
indemnités d’avec les remises proportionnelles, parce que ces indemnités sont
renseignées mensuellement par les comptables sur une déclaration ; si nous
opérions cette séparation sans aucune utilité, il en résulterait qu’il faudrait
un matériel double pour les déclarations des comptables, qu’au lieu d’avoir à
vérifier une seule pièce par recette, les contrôleurs, les inspecteurs et les
directeurs provinciaux devraient en vérifier deux, par la raison que
l’imputation de la dépense devrait se faire sur deux articles différents du
budget. J’ajouterai encore une considération, pour démontrer toute
l’inexactitude des allégations qu’on avait émises en ce qui concerne les
receveurs des contributions directes, douanes et accises. On a dit que la
sollicitude du gouvernement se portait sur les comptables des villes, sur ceux
qui avaient déjà un fort traitement. C’est encore là un fait erroné. Les 1,750
fr. dont il s’agit et qui sont les seuls suppléments de traitements qui ont été
accordés en dehors des deux tableaux déposés hier, n’ont pas été alloués à des
receveurs de ville, mais à des receveurs de campagne.
Voulant cependant avoir égard aux
intentions qui ont été manifestées, j’ai rédigé moi-même un amendement, tendant
à atteindre le but que s’est proposé l’honorable M. Osy ; mais avant de donner
connaissance de cet amendement, je dois dire à la chambre que mon intention
était d’accorder le minimum de 1,200 fr. aux receveurs qui n’ont pas 1,200 fr.
en recettes et en indemnités. Eh bien, je réclame l’assentiment de la chambre à
cette mesure. Le nombre des receveurs de cette catégorie n’est pas
considérable, et la somme nécessaire pour porter leurs traitements à 1,200 fr.
ne s’élèvera qu’à 7,400 fr. Je demanderais pour que la chambre ajoute cette
dernière somme à celle qui est déjà affectée aux suppléments de traitement et
aux indemnités extraordinaires.
Messieurs, ainsi que je l’ai annoncé
hier, l’excédant à charge du trésor qui résulte de l’établissement des maxima
et des minima est de 10,000 fr.
En joignant à la somme de 1,750
francs dont j’ai déjà fait mention, celle qu’on a accordée aux receveurs qui
ont fait une perte par suite de la cession du territoire, on trouve un total de
8,950 francs. Chaque année des réductions sont apportées à ces indemnités
extraordinaires, et, d’un autre côté, nous cherchons à donner une autre
position à ces comptables, et, au lieu de la somme de 8,660 francs, je porte
seulement une somme de 6,000 fr. ; j’ajoute enfin 7,000 fr. pour les dépenses à
résulter des indemnités à accorder au comptables dont les remises et les
indemnités ne s’élèvent pas à 1,200 fr.
Je proposerai, en conséquence,
à la chambre une disposition ainsi conçue :
« L’excédant de dépenses de la
balance des maxima et des minima des remises et des indemnités, ainsi que des
suppléments de traitement : fr. 23,000 fr. »
Ce chiffre comprend les trois sommes
que je viens d’indiquer.
En outre, comme je ne veux pas qu’on
puisse supposer que, sous le titre d’indemnités, on comprenne d’autres
indemnités que celles dont fait mention l’arrêté de 1822, je demande que la
chambre apporte également une modification au libellé de l’art. 2 de ce
chapitre. Cet article serait ainsi conçu :
« Remises proportionnelles des
receveurs et indemnités accordées par les lettres B, C et D de l’arrêté du 18
novembre 1822, 1,710,000 francs. »
Je crois que de cette manière il sera
fait droit à toutes les observations qui ont été présentées.
M. Osy. - Messieurs, je crois qu’il est impossible de voter le chiffre. Je
demanderai le renvoi de l’amendement à la section centrale. Hier, M. le
ministre nous a remis deux tableaux pour les suppléments de traitements, et
montant, l’un à 23,000 fr., et l’autre à 10,000 fr. Me basant sur ces données,
j’ai proposé dans mon premier amendement 33,000 fr. pour indemnités, et
aujourd’hui M. le ministre des finances nous propose 48,000 fr., c’est donc
15,000 fr. de plus.
D’après le vote qui a été émis hier,
je demande formellement que la chambre maintienne ma somme pour remises : ce
qui est la règle posée par les arrêtés existants. Il n’y a que trois cas où
vous ne puissiez pas donner une indemnité, mais un traitement fixe.
Je fais donc la proposition, pour que
l’amendement soit renvoyé à la section centrale, avec invitation d’examiner si
cet amendement est d’accord avec l’amendement qui a été voté hier.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, la difficulté que croit rencontrer l’honorable préopinant
n’existe pas. Dans la séance d’hier, j’ai déposé deux tableaux dont l’un se
rapporte aux receveurs à traitement fixe qui reçoivent un supplément de
traitement, du chef de la perte des leges. Or, le supplément de traitement
accordé de ce chef se trouve compris dans l’art. 1er qui est déjà voté par la
chambre. Le second état présente les maxima et les minima, et dans ce second
tableau se trouve une différence à charge du trésor, de 10,000 francs. Or,
c’est cette différence que je comprends de nouveau dans mon calcul. A cette
différence, j’ajoute d’abord 1,750 fr., et puis, ce que j’ai indiqué pour les
receveurs qui perdent par suite de la cession du territoire, ainsi que pour les
receveurs qui n’ont pas 1,200 fr. de traitement.
Ainsi rien ne doit s’opposer au vote
de l’art. 2. Il renferme les 10 mille francs dont il a été question hier, et
les sommes que je viens d’indiquer à la chambre.
M. Verhaegen. -
Je ne sais si nous sommes arrivés au deuxième vote de l’art. 2. D’après les
explications que vient de donner M. le ministre, il ne s’agirait ni plus ni
moins que de revenir sur la décision prise hier : Hier il a été décidé que
l’article serait divisé ; on a laissé à M. le ministre la faculté d’opérer
cette division comme il l’entendrait, pour le bien du service ; mais toujours
est-il qu’il faut une division. C’est là le résultat du vote que nous avons
émis. Si la chambre a eu tort d’en décider ainsi, le ministre pourra le
démontrer au second vote. Quant au premier, c’est un fait accompli sur lequel
il n’est pas possible de revenir. Je demande donc qu’on s’en tienne à la
décision prise, sauf à revenir, lors du second vote, au système proposé par M.
le ministre. Je demande l’exécution du règlement. Je ne pense pas qu’il
appartienne au gouvernement de revenir sur une décision qui est un fait
accompli.
Par la manière dont s’est expliqué
l’honorable M. Mercier, je vois qu’il attache à la question beaucoup
d’importance. Il nous a en quelque sorte donné des démentis. Il croit qu’en
détournant notre attention du véritable point de la question, il parviendra à
faire croire à la chambre et au pays ce qui, je dois le dire, n’est pas exact.
Je maintiens sans restriction tout ce
que j’ai eu l’honneur de dire hier dans mes deux discours. Voici comment j’ai
procédé. Je suis obligé de rappeler M. le ministre des finances sur le terrain sur
lequel nous étions hier. J’ai dit que l’honorable M. Osy avait raison en
demandant des tableaux complets. Il avait demandé à M. le ministre d’indiquer
dans ces tableaux, non seulement les minima et les maxima, mais tous les
suppléments de traitement, gratifications et indemnités, sans exception.
M. le ministre des finances n’avait
pas cru devoir accéder à cette demande. Nous étions tombés pendant quelque
temps dans un certain vague ; désirant en sortir, nous avons posé la question.
J’ai raisonné des actes du prédécesseur de M. le ministre actuel, pour de ces
prémisses tirer des conséquences en ce qui le concernait, parce qu’il était
probable qu’il avait suivi la voie qui lui avait été indiquée par son
prédécesseur. Or, j’ai rappelé hier, d’après des renseignements pris à la cour
des comptes, 200 et quelques arrêtés accordant des suppléments de traitement et
gratifications dont les chiffres se montaient à des sommes considérables.
Maintenant, que fait-on ? On vient nous présenter des spécialités, on distrait
notre attention du point général, on nous parle de quelques minima ou maxima, de quelques traitements spéciaux ; on vient nous parler
des petits receveurs, on nous propose un amendement par lequel ou pourrait
porter à 1,200 fr. les traitements des receveurs dont les remises ne seraient
pas assez fortes pour atteindre ce taux. J’accéderai volontiers à cet
amendement, car c’était le but de tous nos efforts, nous avions voulu faire
mieux rémunérer les petits receveurs jusque-là négligés. M. le ministre a compris
qu’en faisant droit à une partie de nos réclamations, il se mettait dans une
position plus favorable. Ce n’est pas tout. Il importe de savoir comment le
ministre opère, quand il s’agit de toutes ces gratifications, de ces
augmentations d’appointements. Il s’agit de savoir si la chambre continuera au
gouvernement cet arbitraire effrayant, si elle lui laissera tous ces ressorts
dont il a usé jusqu’à présent et qui sont excessivement importants ; car nous
avons traité cette question d’une manière générale en parlant de ces
augmentations de traitements, de ces gratifications, de ces mises à la retraite
et de toutes les conséquences de cet état de choses. M. le ministre oublie ce
qui a été dit à cet égard, il vient mettre sous les yeux de la chambre quelques
spécialités.
En maintenant tout ce que nous avons
dit, nous demandons l’exécution de la décision prise, hier, sauf au ministre,
s’il ne juge pas à propos de l’accepter, à tâcher de déterminer la chambre à en
revenir au second vote. Nous demandons ensuite un tableau de tous les
suppléments quelconques accordés non seulement aux receveurs, mais aux
inspecteurs et aux contrôleurs, un tableau qui puisse faire apprécier son
administration comme les notes de la cour des comptes nous ont permis
d’apprécier l’administration de son prédécesseur. Il semble, par les
explications qu’il a données, qu’il recule devant cette production comme devant
l’exécution du vote d’hier.
Un vote a eu lieu hier ; ce vote, la
chambre le maintiendra-t-elle, oui ou non ? Quant au ministre, s’il veut
revenir sur cette décision, je le répète, ce ne peut être qu’au second vote.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Pour que la chambre puisse prendre une entière connaissance de ma
proposition, je n’hésite pas à admettre, sur la proposition de M. Osy, qu’on la
renvoie à la section centrale pour l’examiner lors du second vote.
Il m’est impossible de ne pas
répondre quelques mots aux allégations de l’honorable M. Verhaegen. Il a
prétendu que le gouvernement voulait éluder la question. Il ne s’agissait dans
le débat que de l’art. 2 ; il est vrai qu’il a donné carrière à d’autres
remarque fort étendues ; mais il n’a jamais été question de donner des
renseignements qu’en ce qui concerne les receveurs de contributions, douanes et
accises. L’honorable membre a dit que je reculais devant la nécessité de
fournir le tableau des indemnités, gratifications, suppléments de traitements
accordés aux comptables. Je ne pouvais présenter d’autres renseignements que
ceux qui avaient été demandés hier. Il faut qu’on le sache bien, toutes ces
indemnités et gratifications se bornent à 1.750 fr. accordés aux receveurs des
communes rurales.
Je me rallie donc à la demande de
renvoi à la section centrale.
M. Osy. - Je demande la parole parce que nous ne sommes pas d’accord. M. le
ministre des finances devra fournie d’autres renseignements. J’ai entre les
mains le tableau des dix mille fr. pour les maxima et minima, et un tableau de
40 mille fr. d’indemnités accordées en vertu de l’arrêté de
M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable membre est d’accord avec moi en demandant le renvoi à la
section centrale. L’état que j’ai fourni comprend différents renseignements :
les indemnités fixes accordées aux receveurs de toute catégorie. Le receveur
des douanes à Anvers reçoit une indemnité pour tenir lieu de la perte des
leges. Les autres sont des receveurs à remises. Pour ceux-là, ce sont les
indemnités mentionnées à l’arrête de 1822. J’ai un regret, c’est qu’on ne
demande pas ces renseignements en sections ou en section centrale. Si
l’honorable M. Osy avait fait sa demande en sections ou si elle m’avait été
faite dans la section centrale, je me serais empressé d’y satisfaire.
Mais enfin, comme je l’ai déjà dit,
j’adhère à la proposition de renvoi à la section centrale, pour que mon
amendement puisse y être examiné avec maturité.
M. Osy. - Je demande la parole pour un fait personnel.
M. le président. -
Je ne peux vous l’accorder, il n’y a rien qui vous soit personnel dans les paroles
de M. le ministre des finances, il s’est borné à exprimer le regret que votre
demande de renseignements ne lui ait pas été faite en sections.
M. Osy. - J’ai été accusé, je tiens à me justifier.
M. le président. - Je vais consulter la chambre.
- La chambre consultée décide qu’il
n’y a rien de personnel à M. Osy dans les observations de M. le ministre des
finances.
M. d’Huart. - Puisqu’il s’agit de renvoyer à la section centrale la proposition de
M. le ministre des finances, je demanderai une explication. Je demanderai si
cette proposition est exclusive de certains suppléments de traitement que
parfois il y a lieu d’accorder à certains receveurs que je vais indiquer. Dans le
territoire réservé les receveurs des contributions directes sont chargés de
délivrer un grand nombre de documents de douane ; il en est qui délivrent
jusqu’à quatre mille documents de l’espèce dans une année et auxquels par
conséquent, il faut un commis qui reste au bureau pendant que le receveur est
en recette dans les communes pour les contributions directes.
Cependant voilà des fonctionnaires
qui rendent, sans rémunération spéciale, des services importants sortant de
leurs attributions principales, et qui exonèrent singulièrement les receveurs
des douanes d’une besogne qu’ils ne feraient que moyennant salaire.
Je crains que, d’après la
proposition de M. le ministre des finances, il ne puisse, lorsque les
traitements s’élèveront à 1,200 francs, ou lorsqu’il les aura portés à ce
chiffre par la fixation d’un minimum, je crains, dis-je, que M. le ministre ne
puisse accorder de supplément de traitement. Cependant, il y a quelques anciens
receveurs ayant 15 ou 20 ans de service, avec des remises de douze à quatorze
cents francs, ct qu’on ne peut guère changer de résidence, parce qu’ils ont
acheté une habitation, qu’ils se sont établis, et qu’ils ne trouveraient pas
dans une augmentation de traitement de deux ou trois cents francs qu’ils
pourraient obtenir en changeant de résidence, une indemnité qui compense pour
eux les charges résultant d’un tel déplacement.
Dans ce cas, il conviendrait
que le ministre des finances pût allouer des suppléments de traitement de 2, 3
ou 400 fr., et je désirerais que l’amendement fût libellé de manière à
permettre d’accorder, ce qui serait d’ailleurs très rare, de semblables
suppléments.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - L’honorable M. d’Huart a très bien expliqué la nécessité dans
laquelle s’est trouvé le gouvernement à l’égard de certains comptables.
J’espère, avec la somme de 23,000 francs, qui forme l’objet de mon amendement,
être à même d’avoir égard à la situation des comptables dont vient de parler
l’honorable membre.
M. le président. -
Je consulterai la chambre sur le renvoi à la section centrale des amendements
présentés par M. le ministre des finances, pour être discutés au second vote.
M. Lebeau. - Je crois que, pour qu’il y ait un second vote, il faut qu’il y ait
un premier vote ; or, nous n’avons pas été mis à même par le ministre de voter
sur le chiffre. Il résulte de là que le chiffre qui est la partie principale de
l’article n’a pas été voté.
M. le président. -
Au premier vote vous avez voté le libellé de l’article. M. le ministre propose
de revenir sur ce vote. M. Verhaegen fait observer que cela ne peut se faire
qu’au deuxième vote. C’est par ce motif que le gouvernement consent au renvoi à
la section centrale, pour que la chambre statue au deuxième vote.
- La chambre consultée renvoie à la
section centrale les amendements de M. le ministre des finances.
La chambre passe à l’art. 3.
« Art. 3. Service actif, traitements : fr. 1,710,000
fr. » et à l’amendement suivant présenté à cet article par M. Manilius :
« Je propose de former un art. 4
des n. 4 à 12 inclusivement de l’art. 3 du chap. III.
« Libellé art. 4. Douanes et
recherches maritimes
« Numéros des développements du
budget (p. 246)
« 4. Inspecteurs, fr. 36,200
« 5. Contrôleurs, fr. 121,700
« 6. Lieutenants et
sous-lieutenants, fr. 193,600
« 7. Brigadiers et
sous-brigadiers, fr. 1,235,200
« 8. Préposés de 1ère et 2ème
classe, fr. 2,203,600
« 9. Recherches maritimes :
sous-lieutenants, fr. 2,800
« 10. Idem, sous-brigadiers, fr.
1,100
« 11. Idem, matelots de 1ère et
de 2ème classes et mousses, fr. 56,000
« 12. Renforcement du personnel
de la douane, fr. 100,000
« Ensemble, fr. 3,950,200 »
M. Manilius. - Cet amendement a pour but de séparer la douane de l’art. 3. Cet
article est très compliqué, il comprend les contributions directes, les
accises, les douanes, le cadastre. Quand on veut se rendre compte d’une affaire
spéciale, il est impossible d’avoir aucun détail à la
cour des comptes, parce que les quatre administrations sont confondues. C’est
pour cela que je demande la division de l’art.
Après les développements donnés par
l’honorable M. Lys dans la discussion générale, je crois pouvoir me borner à ce
peu de mots.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Bien que la proposition de l’honorable membre puisse présenter
quelques inconvénients pour certains fonctionnaires mixtes, comme l’inspecteur
en chef, qui a dans ses attributions les contributions directes, les douanes et
les accises, je ne m’oppose pas à la division proposée. Déjà plusieurs fois, il
a été question de cette division. Ou a paru craindre qu’on ne pût distraire du
service de la douane, auquel on porte un grand intérêt, certains employés.
C’est pour faire cesser ces craintes que je consens à la division proposée.
M. Rogier. - J’appuie aussi l’amendement de l’honorable M. Manilius. Mais je
pense qu’il devrait être suivi d’autres modifications.
Cet amendement consiste à distraire
le n’ 2 relatif à la douane et en faire un article spécial. Mais l’art. 3, n°1,
comprend le traitement des inspecteurs en chef ; or, ces inspecteurs inspectent
le service de la douane ; il y a en outre des contrôleurs ; il faut que ces
fonctionnaires, en tant qu’ils exercent des attributions douanières, soient
compris dans un article où figure le mot Douanes.
Comme l’art. 3 comprend aussi les
accises, un article nouveau pour les accises est nécessaire ; il faudrait donc
que l’article se divisât en trois articles, et que l’art. 1er pût s’appliquer à
certains fonctionnaires des douanes.
Puisque j’ai la parole, je
présenterai quelques observations générales sur le chiffre des douanes. Ce
chiffre s’est élevé d’année en année d’une manière qu’on pourrait dire
exorbitante.
En 1835, la douane et les accises
nous coûtaient précisément un million de moins qu’en 1844. Nous avons pour ces
deux services 5 millions 158 mille francs au budget de 1844. Au budget de 1835,
le chiffre n’était que de 4,140,425 fr. Cette
année-ci, on nous propose une nouvelle augmentation de 100,000 fr. Un membre de
la section centrale s’est opposé à cette nouvelle augmentation. Je ne sais quel
est cet honorable membre ; j’aurais voulu connaître le motif pour lequel il
s’est opposé à cette augmentation ; peut-être avait-il des renseignements que
l’on n’a point produits à la chambre, et qui ont déterminé son opinion.
Je ne puis me dispenser de faire
remarquer à la chambre combien le service de la douane est onéreux relativement
au produit du tarif. Si je distrais de l’art. 3 les sommes destinées au service
de la douane, je trouve que nous dépenserons, en 1844, 4,250,000
fr. Notez que je dois ajouter au service actif les traitements du service
sédentaire. Nous avons pour ce dernier service (douanes, accises et cadastre)
865,000 fr. et j’en prends le tiers. Les droits d’importation, dont le service
de la douane assure la rentrée, s’élèvent pour 1844 à 10,500,000
fr. C’est donc 50 p. c. que coûte le service de la douane. Encore remarquez
bien que ce service ne porte pas seulement sur les marchandises dont nous
devons redouter la concurrence.
Le service de la douane porte sur
diverses marchandises qu’on peut considérer comme marchandises d’accise, de
consommation : le café, le riz, le sucre, le tabac, etc. Beaucoup d’articles
sont imposés non pas à cause de la concurrence qu’ils feraient à nos produits,
mais comme objet de consommation. Si nous distrayons ces objets de consommation,
qui n’ont pas le moindre rapport avec notre industrie, que peuvent entrer dans
le pays sans lui nuire le moins du monde, la proportion entre les frais de
perception et les droits perçus sera bien plus défavorable encore ; on peut
dire alors que la douane coûtera 100 p, c. du produit qu’elle rapporte.
Les accises, sous ce rapport, sont
une administration beaucoup moins coûteuse que la douane, car le produit des
accises est évalué à 20,843,000 fr. pour 1844, tandis
que les dépenses pour l’administration des accises (service actif et
sédentaire) ne s’élèvent pas à plus de 1,100,000 fr. Vous voyez que, sous ce
rapport, le service des accises se fait avec beaucoup plus d’économie que le
service de la douane, 1’un coûte 50 p. c. du produit, tandis que l’autre ne
coûte pas 7 p. c.
Ce n’est pas seulement 100,000 fr. de
plus qu’on demande à l’article 3, c’est 140,000 fr. Dans cette somme se
trouvent 40,000 fr pour l’exécution de la malheureuse loi sur les sucres. L’an
dernier nous avons voté une première somme de 40,000 fr. ; aujourd’hui on
demande une somme complémentaire de 40,000 fr. C’est donc 80,000 fr.
d’augmentation demandés pour l’exécution, en 1844, de la loi que je viens de
qualifier.
Une observation, messieurs, sur cette
augmentation. La loi des sucres, telle qu’elle a été votée l’année dernière,
sera-t-elle maintenue ? M. le ministre des finances pense t-il que cette loi
réponde au but que l’on a voulu atteindre ? D’après les renseignements que j’ai
reçus de divers côtés, cette loi ne paraît pas destinée à avoir une bien longue
existence. Au point de vue fiscal, au point de vue commercial, au point de vue
agricole, elle n’a rempli aucun des buts que l’on devait atteindre. Tout le
monde se plaint, et il est fort à craindre, ainsi que nous l’avions prédit, que
l’on ne soit forcé de revenir sur cette loi que je qualifierais de très
malencontreuse, si nous ne devions pas respecter ici, jusqu’à un certain point,
même les lois mauvaises.
N’est-il pas regrettable, messieurs,
de nous engager dans une nouvelle dépense de 80,000 fr. pour une loi dont le
maintien paraît fort douteux, et de grever d’une charge nouvelle et permanente
le budget de nos dépenses déjà passablement chargé.
Je dis que ce serait une dépense qui
grèverait définitivement notre budget. Car une fois que le personnel des
accises aura jusqu’à la concurrence d’une somme de 80,000 fr,,
je ne pense pas que l’on renverra le nouveau personnel qu’il y aura eu à créer
pour l’exercice de l’accise des sucres, et il est à craindre que cette nouvelle
dépense ne continue à charger les budgets des exercices suivants.
A l’appui de la demande de 100,000
fr. nouveaux pour la douane, il est donné très peu d’explications. Je ne dis
pas que je voterai contre cette allocation, mais j’aurais désiré que la section
centrale nous fournît plus de renseignements, qu’elle motivât mieux cette
augmentation nouvelle d’un article qui, je le répète, depuis 1835 aura subi une
augmentation totale d’un million.
On dit, messieurs, que cette
augmentation de cent mille francs pour le personnel de la douane est destinée à
mieux assurer le service de la douane sur
A l’époque de l’exécution du traité
de 1839 un personnel très considérable s’est trouvé disponible par suite du
rétrécissement apporté à nos frontières douanières. Avant 1839 la douane avait
dans le Limbourg à exercer la surveillance, d’abord sur la frontière belge
prussienne depuis Vaels jusqu’au-delà de Venloo. Elle
avait encore à exercer sa surveillance sur la rive droite et sur la rive gauche
de
Dans le Luxembourg aussi, messieurs, on
a pu faire une forte économie de personnel. Car la frontière à surveiller dans
cette province a aussi été restreinte de plus d’un tiers de son étendue, tant
vers
Je ne compte pas tout ce personnel
rendu disponible au nombre des augmentations que la douane a reçues. C’était
cependant une véritable augmentation. La douane a eu bien moins de frontières à
surveiller, et cependant on n’a pas introduit de réduction dans les dépenses ;
au contraire tous les ans on a demandé des augmentations.
On dit aussi que le service du chemin
de fer exige un personnel plus nombreux. Mais l’année dernière, pour le seul
service du chemin de fer, nous avons voté une somme de 78,500 fr. Il me semble
que le chemin de fer devait simplifier beaucoup l’action de la douane au lieu
de la compliquer.
N’est-il pas à craindre, messieurs,
qu’un renforcement exagéré de la douane sur le chemin de fer ne paralyse encore
plus les opérations du commerce ? Je pense que si les marchandises étaient
moins surveillées par la douane, et plus par les agents du chemin de fer, on
éviterait tout aussi bien la fraude et que l’on épargnerait de nouvelles
dépenses.
On s’est plaint (je ne sais jusqu’à
quel point ces plaintes étaient fondées) des entraves que la douane apportait au
transport des marchandises par le chemin de fer. J’avoue que je n’ai jamais
compris comment la douane peut arrêter les marchandises transitant par le pays
d’Anvers ou d’Ostende pour Cologne. La marchandise, au chemin de fer, est
constamment sous les yeux, dans les mains des agents du gouvernement ; c’est un
mode de transport qu’il aurait fallu inventer pour soumettre les marchandises
au contrôle perpétuel, permanent du gouvernement. Une fois la marchandise
enfermée dans les voitures du gouvernement, sous sa clef, accompagnée de ses
agents, il est impossible qu’elle se fraude.
Je conçois que lorsque la marchandise
était transportée lentement par chariots particuliers, la surveillance devait
entraîner plus de frais et plus de soin. Mais aujourd’hui la marchandise passe
du navire dans un waggon du gouvernement ; elle traverse le pays avec une
rapidité extrême, des agents du gouvernement la reçoivent au départ, la
reçoivent à l’arrivée ; ils ne la quittent pas un seul moment ; de sorte
qu’elle est continuellement sous l’œil du gouvernement, qui est même en
possession des lettres de voiture, et peut ainsi s’apercevoir bien plus
facilement de la fraude que sous le régime antérieur des transports isolés, des
transports par voituriers particuliers.
J’espère, au surplus, que si
l’on renforce le personnel de la douane pour le service des transports du
chemin de fer, ce renforcement ne nuira pas à la rapidité de ces transports.
Car si la marchandise arrive d’Anvers ou d’Ostende à Verviers, et qu’à ce
bureau de douane elle doive attendre 12 heures ou 24 heures pour être
contrôlée, vous perdez le bénéfice de la rapidité du transport et vous gênez
singulièrement le commerce.
Je demande que M. le ministre des
finances s’entende avec M. le ministre des travaux publics, et qu’ils
s’accordent en ce point que les marchandises puissent arriver le plus
rapidement possible, avec le moins de gêne possible, du lieu de départ au lieu
de destination.
En me résumant, j’attendrai les
explications qu’on voudra bien me donner avant de voter la nouvelle
augmentation de 100,000 fr., d’abord pour la douane, puis les 40,000 fr.
supplémentaires pour l’exécution de la loi des sucres. Il y aura ensuite, comme
je l’ai dit en commençant, à soumettre l’art. 3 à une triple division pour
répondre entièrement aux vœux de l’auteur de l’amendement.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - De même que l’honorable préopinant, je ne puis que regretter que les
douanes occasionnent une dépense aussi considérable. La question est de savoir
si, dans l’état de notre législation, cette dépense est nécessaire, est
indispensable. Quant à moi, messieurs, j’ai la conviction intime qu’il serait
impossible d’opérer aucune réduction dans le chiffre
proposé pour le service de la douane, sans qu’il en résultât un préjudice pour
notre industrie.
Messieurs, l’honorable membre nous a
fait remarquer que la dépense s’élevant à 3,950,000
francs, elle était hors de proportion avec les produits de la douane. Sans
doute, messieurs, cette remarque serait d’une grande portée, si la douane était
établie exclusivement pour procurer des revenus au trésor public. Mais je n’ai
pas besoin de faire remarquer ni à l’honorable membre, ni à la chambre que la
douane a un autre but essentiel ; que le fisc ne doit être ici envisagé que
d’une manière accessoire. Le produit de la douane cependant n’est pas à
dédaigner. L’honorable membre nous a parlé seulement des droits d’entrée ; mais
je pense qu’il doit établir son rapport, non pas seulement vis-à-vis des droits
d’entrée, mais vis-à-vis de tous les droits de douane qui s’élèvent à 11,400,000 francs.
Les accises sans doute occasionnent
moins de frais de perception ; mais les accises ne sont pas établis
dans l’intérêt du commerce et de l’industrie. Là le but est uniquement fiscal ;
il est même à regretter que le plus souvent cet impôt nuise à la fois et au
commerce et à l’industrie. C’est une fâcheuse nécessité à laquelle il faut se
soumettre.
Quant au crédit de 80,000 fr., qui
est nécessaire pour la surveillance des fabriques de sucre indigène, je ferai
remarquer que cette question est décidée ; le personnel est créé ; la somme a
été votée l’année dernière. A la vérité, la chambre n’a alloué que 40,000 fr.,
mais c’était parce qu’il ne restait plus que six mois de l’exercice ; mais le
personnel, comme il a été entendu alors, comme cela résulte des explications
formelles de mon honorable prédécesseur, a été admis sur le pied d’une dépense
de 80,000 fr.
Messieurs, je ne pourrais pas
répondre catégoriquement à la demande que fait l’honorable membre sur la
question de savoir si la loi actuelle sur les sucres sera maintenue ou ne le
sera point. Messieurs, cette loi, quelque jugement que puisse en porter
l’honorable préopinant, a été votée après une très longue discussion. Elle est à
peine mise à exécution. Car, il faut bien le remarquer, elle n’a commencé à
recevoir ses effets d’une manière réelle que vers le mois d’octobre de l’année
dernière ; c’est seulement alors que le sucre indigène a commencé à être
imposé. Je pense qu’il faut quelque temps pour juger avec connaissance de cause
les résultats de cette loi, et qu’il serait inopportun de se prononcer dés à
présent sur le sort qu’elle doit éprouver.
Le motif qu’avait spécialement
indiqué l’honorable préopinant, pour que le gouvernement se prononçât sur ce
point, c’était la création du personnel ; or, cette création a eu lieu ;
il n’y a plus rien à faire à cet égard. Si la loi sur les sucres était modulée
dans un sens à exiger moins de surveillance, évidemment une autre destination
serait donnée à une partie des employés attachés à ce service.
Un but que cette loi atteint du moins
d’une manière certaine, c’est celui de créer des ressources au trésor. II
serait fâcheux qu’elle contrariât outre mesure certains intérêts ; j’en
éprouverais moi-même le plus grand regret ; mais quant au but fiscal que l’on a
eu surtout en vue, il sera atteint.
Une augmentation est demandée pour le
service de la douane, elle est réclamée dans l’intérêt de notre industrie qui
se plaint de ce que la fraude des marchandises étrangères n’est pas entièrement
écartée. D’un autre côté, le service de la Meuse exige un accroissement de
personnel. C’est une conséquence de la libre navigation du fleuve. Il faut bien
que des convoyeurs soient établis tout le long de
La loi du 6 avril
En outre, certains postes de douane
ont été reconnus trop faibles ; cette augmentation permettra de les renforcer.
Quant aux transports qui se font par
le chemin de fer, rien ne sera négligé pour que le service de la douane
n’apporte aucune entrave à la rapidité du transit qu’il a pour objet de
favoriser. L’administration de la douane doit avoir toute garantie que la
fraude ne se commet pas, surtout dans les stations et les lieux d’entrepôt.
Quand la marchandise est expédiée, tant que le convoi est en marche, la
surveillance de l’administration peut être fort restreinte ; mais quand les
marchandises arrivent aux lieux de chargement ou de déchargement, cette
surveillance doit être rigoureuse pour sauvegarder nos intérêts industriels.
Du reste, mon honorable collègue,
M. le ministre des travaux publics et moi nous occupons de cet objet avec une
grande sollicitude ; nous avons eu ensemble plusieurs conférences, des mesures
d’amélioration ont été prises, d’autres le seront encore. Nous aurons égard,
sous ce rapport, au vœu émis par l’honorable préopinant.
Une dernière observation se rapporte
au personnel que nous devions entretenir sur une ligne plus considérable,
lorsque nous possédions les pays cédés. Cette observation est juste jusqu’à un
certain point ; mais le gouvernement a prévu dès lors que le personnel serait
insuffisant. On se rappellera qu’en 1840 je suis venu, au nom du cabinet,
demander une augmentation de personnel, quoique ce fût après le traité de 1839.
M. Cogels. - Les 40,000 fr. alloués par la loi du 15 avril 1843 par suite de la
nouvelle législation sur les sucres, avaient été accordés pour 6 mois dans
lesquels devait avoir lieu l’organisation du service. Je pensais dès lors que
80,000 fr. pour l’année étaient plus que suffisants. Quoi qu’il en soit, je ne
proposerai pas de réduction. Je prierai seulement M. le ministre des finances
d’avoir soin de faire recueillir tous les renseignements nécessaires sur les
effets de la nouvelle loi, afin que nous puissions juger dans la session
prochaine si la loi doit être maintenue, ou si elle doit subir des
modifications. Moi-même je suis le premier à demander qu’elle soit maintenue
momentanément, parce que je suis convaincu que des modifications, avant que
nous soyons éclairés par l’expérience, seraient propres à nous faire tomber
dans de nouvelles erreurs ; car ainsi que mon honorable collègue, je
qualifierai cette loi de très malencontreuse.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - J’avais omis de répondre aux observations faites par l’honorable M.
Rogier sur la division de l’art. 3. Je pense qu’on peut ajouter, sans grand
inconvénient, une autre subdivision à celles qui sont proposées par l’honorable
M. Manilius. Cette subdivision consisterait seulement à établir un article pour
les n° 1, 2 et 3 ; un second article serait pour les
n° 4 à 12, et un 3° article pour les n° 13 à 16.
Cette division me paraît assez
naturelle ; j’en fais la proposition et dépose un amendement conforme sur le
bureau de la chambre.
Je répondrai à l’honorable M. Cogels
que je ne négligerai rien pour obtenir tous les renseignements possibles sur
les effets de la loi sur les sucres.
M. d’Huart. - A entendre l’honorable M. Rogier, il semblerait que la loi des sucres
est définitivement jugée, qu’elle ne répond nullement à ce qu’on en attendait,
qu’elle frappe l’industrie, le commerce, qu’elle ne satisfait pas aux exigences
du fisc ; or, sans entrer dans une longue discussion qui probablement
fatiguerait et ennuierait la chambre, reportons-nous à l’époque de la
discussion de cette loi. De quoi s’agissait-il principalement ? Du fisc ; il
s’agissait de faire produire à une matière éminemment imposable, les sucres une
somme notable ; or quel est le résultat que nous avons sous les yeux dans le
budget des voies et moyens ? Un chiffre de 3,200,000
francs qu’on nous promet comme produit de la nouvelle loi sur les sucres. En
présence de ce résultat officiel, produit par le gouvernement sur des données
que nous devons croire certaines, l’on n’est guère fondé à prétendre que la loi
est mauvaise, car elle a dépassé les prévisions ; en effet, rappelez-vous ce
qu’on disait à cet égard dans la discussion de la loi sur les sucres ; on se
promettait bien moins de 3,000,000 fr., et cependant ce n’est pas à ce chiffre
que se bornent les espérances du ministre des finances, d’après ce qu’il y a
dit en présentant le budget. Il faut donc reconnaître qu’en ce qui concerne le
fisc, la loi des sucres répond à notre juste attente.
Mais le commerce, l’industrie et
l’agriculture sont frappés, ils sont mécontents ; évidemment, ils doivent être
mécontents, et nous devions tâcher de les rendre aussi mécontents l’un que
l’autre ; c’est-à-dire, que pour atteindre le but, pour être juste envers les raffineurs
et les fabricants, nous devions frapper les deux industries également, ne pas
favoriser l’une aux dépens de l’autre ; eh bien, les réclamations élevées à la
fois et des fabricants de sucre indigène et des raffineurs de sucre exotique ne
sont-elles pas le meilleur indice que nous sommes arrivés à la seule solution
convenable et équitable de la question qui nous était soumise ?
Les deux industries se plaignent
également. Ce qui prouve que nous les avons atteintes également, c’est-à-dire
équitablement. Et nous arrivera-t-il jamais, dans une loi d’impôt, de l’établir
de telle sorte que vous ne ferez pas crier, et très fort, les contribuables que
vous frapperez ? C’est impossible. Il avait été reconnu que le sucre ne
produisait pas ce qu’il devait produire au trésor ; nous avons voulu lui faire
produire beaucoup plus, et nous avons atteint notre but, puisque sous ce
rapport on peut se promettre les meilleurs résultats de la nouvelle loi d’après
les prévisions du département des finances.
L’honorable M. Rogier se plaint de
l’augmentation du personnel de la douane. J’avoue que ce personnel va sans
cesse croissant, et je désirerais qu’on n’allât pas au-delà ; qu’en un mot,
l’on tâchât de s’arrêter cette fois à un chiffre qui serait considéré comme
normal. Cependant, il faut reconnaître que le crédit pour la douane n’est pas
de l’argent mal placé ; car si le personnel a été augmenté depuis 1835 jusqu’en
1843, s’Il doit l’être encore en 1844, il faut remarquer que le produit de la
douane est presque doublé depuis dix ans. Je ne veux pas attribuer ce résultat
exclusivement au personnel de la douane, cependant il est pour une bonne part
dans ce résultat, et ce personnel ne rend pas seulement au trésor plus de deux
fois ce qu’il coûte, il protège encore l’industrie du pays, ce qui est sa
principale mission.
Ainsi, en m’associant à l’honorable
M. Rogier pour demander qu’on tâche de ne pas augmenter chaque année le
personnel de la douane, nous devons reconnaître qu’il y a eu de grandes
améliorations dans ce service, et qu’il est permis de croire que l’augmentation
de la dépense a, en dernière analyse, tourné au profit du trésor par
l’augmentation du produit, et au profit de l’industrie par la diminution de la
fraude.
L’honorable M. Rogier a fait
remarquer que, proportion gardée, l’administration des accises coûte beaucoup
moins que celle des douanes. Déjà M. le ministre des finances a fait à cette
objection une réponse qui m’a paru péremptoire. Je ferai remarquer, en outre,
que la douane prête assistance au service des accises, et même que parfois il
le supplée entièrement. Ainsi c’est la douane qui surveille les entrepôts, qui
constate à la sortie des entrepôts les marchandises livrées à la consommation,
et cette surveillance, vous le savez, demande un personnel assez nombreux,
choisi et bien rétribué.
Quoi qu’il en soit, je pense qu’il
est temps de mettre un terme à ces augmentations pour le service de la douane,
et je rattacherai ce vœu à la pensée qu’il est essentiel qu’on ne vienne pas
dans la suite demander de trop notables aggravations des droits d’entrée sur
les marchandises étrangères, chose dont je me réserve de chercher à établir la
nécessite, lorsque le moment sera venu, car je suis resté fidèle aux principes
que j’ai toujours professées que la modération est une condition indispensable
dans notre tarif des douanes, surtout si nous ne voulons pas être dans la
nécessité absolue de renforcer encore d’une manière notable le service de la
douane.
M. David. - L’honorable M. Rogier a parlé des causes du retard qu’éprouvent les
marchandises, à leur arrivée aux frontières internationales ; car bientôt des
marchandises arriveront par les deux frontières.
Mais, ici, il est surtout
question de la frontière prussienne. Or, je voudrais appeler l’attention de M.
le ministre des finances sur une mesure qui cause souvent ces retards et qu’il
est de la plus grande facilité de faire cesser.
Cette mesure consiste dans
l’application de plombs à une quantité de petits colis qu’on pourrait facilement
renfermer dans un seul wagon, wagon qu’on plomberait, comme le disait
l’honorable M. Rogier. De cette manière, il y aurait sécurité complète.
Mais ce qui s’oppose peut-être à ce
que les choses s’exécutent de cette manière, c’est que les douaniers qui
appliquent les plombs, s’en font un objet de bénéfice. Je puis citer un fait
qui est à ma connaissance, et qui s’est passé récemment ; cent cinquante
tonnelets de graines oléagineuses arrivent d’Allemagne à la frontière
prussienne ; les douaniers s’emparent de ces cent cinquante tonnelets et les
plombent aux deux bouts ; voilà donc trois cents opérations, trois cents
plombs. Eh bien, ces plombs, les douaniers les appliquent en très grande
quantité pour satisfaire leur cupidité.
Je prie donc M. le ministre des
finances de vouloir bien avoir les yeux ouverts sur cette mesure du plombage
qui nuit extraordinairement à la rapidité du transport des marchandises.
M. Cogels. - Messieurs, d’après ce que vient de dire l’honorable M. d’Huart, la
loi sur les sucres n’aurait été votée que dans un but purement fiscal. S’il en
est ainsi, le but n’aurait pas été atteint, car il eût été bien facile, si l’on
n’eût eu en vue que les intérêts du trésor, de faire produire au sucre beaucoup
plus qu’il ne peut produire maintenant,
Mais lorsque la chambre a discuté
cette loi, elle n’a pas eu seulement en vue les intérêts du trésor, elle a
encore eu en vue la coexistence des deux industries, car c’est même cette
coexistence qui avait servi de base à la rédaction de la loi.
L’honorable M. d Huart vient de dire
qu’on a frappé également les deux sucres, et ici je suis parfaitement d’accord
avec lui ; quel est donc le but qu’on a atteint en place de celui qu’on a voulu
atteindre ?
C’est qu’au lieu d’assurer la coexistence
des deux sucres, on a peut être assuré leur enterrement le même jour. (On rit.)
(Moniteur
belge n°19, du 19 janvier 1844) M. Rogier. - Messieurs, en faisant tout à l’heure des observations critiques sur
la loi des sucres, mon intention n’a pas été de demander le retrait immédiat de
cette loi. J’ai dit qu’on serait obligé de revenir sur la loi ; qu’elle n’avait
pas atteint le but qu’on lui assignait, et que dès lors il serait peut-être
imprudent de grever le budget d’une nouvelle dépense pour l’exécution d’une loi
qui, dans mon opinion, ne doit être que provisoire. Je n’ai donc pas demande le
retrait de la loi ; je pense que pour l’édification de la chambre et du pays,
il faut que cette loi fasse son temps.
La loi des sucres avait pour but
d’amener de nouvelles ressources au trésor, et de protéger l’industrie du sucre
exotique, concurremment avec l’industrie du sucre indigène. Si la loi n’avait
eu qu’un but purement fiscal, vous vous seriez ralliés aux propositions des
partisans du sucre exotique qui ont demandé, à satiété, que l’impôt ne portât
que sur ce sucre, impôt qui eût dès lors rapporté au trésor 4 à millions et
plus, si on l’avait voulu.
Mais la loi avait aussi un but
commercial, et un but industriel et agricole. Eh bien, elle n’a atteint aucune
de ces deux buts. L’honorable M. d’Huart dit que la loi est bonne, et la preuve
qu’il en a donné, c’est que l’industrie du sucre exotique se plaint, et que
l’industrie du sucre de betterave se plaint également. Merveilleux effet d’une
loi commerciale et industrielle qui force le commerce et l’industrie à jeter
les hauts cris ! Nous avons ici de grands ménagements pour toutes les
industries, si minimes, si insignifiantes qu’elles soient. Tout à l’heure
encore, n’avons-nous pas vu la chambre s’émouvoir à l’idée de 40 têtes de
bétail hollandais qui auraient, dans l’espace de six mois traversé notre
territoire ? Ne devrait-elle pas montrer une susceptibilité aussi grande,
lorsqu’il s’agit d’une branche de commerce et d’industrie aussi colossale que
celle du sucre ? Si ce grand intérêt souffre et se plaint, il faut que l’on ait
égard à ses plaintes, comme on a égard aux plaintes de tous les autres. Je ne
suis pas contre les intérêts des petits, mais je ne suis pas non plus contre
les intérêts des grands. Il faut être juste pour les petits et pour les grands.
M. le ministre des finances a reconnu
avec moi que les dépenses de la douane avaient subi d’année en année des
accroissements considérables. Il a bien voulu rappeler qu’en 1840, les dépenses
pour ce service avaient été augmentées. Je le savais, mais c’est précisément
parce que le personnel de la douane a été augmenté en 1840 et puis encore en
1842, que j’étais fondé à poser la question de savoir s’il fallait encore accroître
cette dépense en 1844. S’il n’y avait pas eu augmentation les années
antérieures, je conçois qu’on eût eu des motifs pour demander une augmentation
pour 1844 ; mais comme il y avait eu une augmentation les années précédentes,
était-il nécessaire d’en voter encore une cette année.
L’honorable M. d’Huart a dit que si
le service de la douane coûtait beaucoup, il rapportait aussi beaucoup au
trésor. L’honorable membre voudra bien faire une distinction dans les produits
de la douane. Il y a des objets d’industrie similaires aux nôtres ; mais il y a
d’autres articles qui ne font aucune concurrence à notre industrie ; tels sont
le café, le sucre, le riz, les huiles de baleine, les fruits, les vins, etc.
Les droits de douane sont imposés sur ces objets, non pas pour protéger notre
industrie, mais pour procurer des ressources au trésor ; et ce n’est sans doute
pas pour ceux-ci qu’un renforcement de douane est jugé nécessaire.
Messieurs, je me suis livré à
quelques recherches, j’ai fait le relevé des droits qu’ont produit les objets
d’industrie similaires à ceux des nôtres que la douane a plus spécialement
mission de protéger.
Eh bien, tous ces objets réunis ont
rapporté pour l’année 1842 une somme de 3 millions à peine, et dans cette somme
sont compris pour 2 millions les droits payés pour les tissus de laine, de
coton, de fil et même de soie.
Il est à craindre que, du chef de cet
article, la recette ne soit cette année moins considérable ; par suite de la
mesure quasi prohibitive que le ministère a prise vers le mois de juin de
l’année dernière, divers produits n’entreront plus ou n’entreront qu’en moindre
quantité dans le pays, et par conséquent ne paieront plus au trésor les droits
qu’il a perçus antérieurement.
J’aurais pensé que le personnel qui
avait à surveiller autrefois et la frontière belge-prussienne dans le Limbourg
et les deux rives de
Je crois, avec l’honorable M.
d’Huart, qu’il est temps de s’arrêter dans ces dépenses qui s’accroissent
d’année en année. Je sais que le gouvernement veut montrer aux industriels qui
se plaignent, qu’il fait tous ses efforts pair leur assurer une protection
convenable. J’ai passé moi-même aux affaires, et j’ai senti par fois la
nécessité de faire ce qu’on appelle des démonstrations en faveur de l’industrie
; mais il ne faut pas cependant que ce désir de plaire à l’industrie qui se
plaint, entraîné le trésor dans des dépenses exorbitantes ou dans des dépenses
inutiles.
Voici ce que je crains. Il est des
services publics pour lesquels j’ai une vive sympathie et de graves
préoccupations ; je crains que les budgets qui seront discutés les derniers ne
supportent en quelque sorte les conséquences de la longanimité que la chambre
aura montrée dans l’examen des budgets antérieurs, que toutes les rigueurs de
la chambre ne se portent, il faut le dire, sur le budget de la guerre ; que le
budget de la guerre, que l’armée ne devienne en quelque sorte la victime de
tous les autres services.
Or, que cette opinion soit
partagée ou non dans cette enceinte, je fais mes réserves pour le budget de la
guerre. Je voterai toutes les réductions dont la possibilité sera démontrée,
mais jamais je ne voudrais sacrifier l’armée à un système d’économie mal
entendu. Or, je me demande si les 100 mille fr., qu’on va accorder peut-être un
peu légèrement pour l’accroissement de la douane ne seraient pas plus utilement
employés au budget de la guerre. On se plait à fortifier l’armée des douaniers.
Cette institution a les sympathies de la majorité ; mais l’armée proprement
dite les mérite-t-elle moins ? L’une, dit-on, protège l’industrie nationale,
mais l’autre protège l’indépendance nationale et l’ordre public. J’espère donc
qu’en votant avec une certaine facilite l’augmentation demandée pour l’armée
douanière, on ne pose pas un précédent qui pourra porter préjudice à l’armée
nationale. Ce n’est que sous cette réserve que je pourrais consentir à
m’associer au vote qui accorderait les 100 mille fr. demandés.
J’espère, en tout cas, avec
l’honorable M. d’Huart, que c’est la dernière augmentation qu’on réclamera pour
cet objet.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - La chambre aura à examiner des
objets bien distincts. Aujourd’hui il s’agit de l’industrie nationale ; plus
tard il sera question du budget de la guerre. Le gouvernement donne sa
sympathie à l’industrie nationale, il doit aussi sa sollicitude à l’armée, il
apprécie qu’elle doit être conservée sur un pied respectable, ses actes en font
foi. De ce qu’il importe au pays de conserver des forces suffisantes pour
défendre, au besoin, notre territoire, il ne s’ensuit pas qu’il faille négliger
les intérêts de l’industrie nationale. Plus que personne je veux introduire des
économies dans les dépenses ; mais je crois que celle que l’on apporterait dans
le service de la douane serait une économie mal entendue. Je suis persuadé que
l’augmentation de 100,000 fr. amènera une recette plus considérable, tout en
rendant la répression de la fraude plus efficace C’est parce que je le crois
que je fais cette proposition à la chambre Elle n’a pas été présentée
légèrement. J’ai indiqué les motifs qui m’ont engagé à la faire.
L’honorable membre a fait une
distinction entre les droits établis pour protéger notre industrie et ceux qui
ne sont qu’un impôt de consommation. Mais la douane est là pour les uns comme
pour les autres. Si la douane n’était pas à son poste, ces produits sur
lesquels on perçoit un impôt de consommation entreraient en fraude, et les
droits échapperaient au trésor. Nous ne pourrions imposer que les objets de
notre industrie et de notre sol, et jamais les produits étrangers. La douane
est aussi nécessaire pour assurer la recette sur les objets qui ne se
rapportent pas à notre industrie que pour ceux qui lui font concurrence.
Le service de
Il faut que les préposés qui
en ont été détachés soient remplacés ; l’expérience a prouvé qu’il y avait sur
la ligne quelques points faibles qui ont besoin d’être renforcés. Il ne s’agit
pas ici de l’intérêt de l’armée douanière, il importe peu à un préposé de
l’administration des douanes d’avoir un collègue de plus ; c’est uniquement
l’intérêt de l’industrie qui est en jeu. Les allocations précédentes ont été
consacrées à augmenter le nombre des emplois subalternes et non à des emplois
supérieurs ; ce sont des places de brigadiers, sous-brigadiers et préposés des
douanes que l’on a créées ; il en se sera de même cette fois. Je suis forcé de
maintenir la proposition que j’ai faite dans l’intérêt de la répression de la
fraude. J’espère que le gouvernement ne sera plus dans la nécessité à l’avenir
de faire de nouvelles propositions de cette nature.
Quant à l’arrêté dont on a parlé, il
a été productif pour le trésor. Les recettes sur les objets qu’il a frappés ont
été plus considérables qu’elles n’étaient précédemment sur les autres articles.
Je n’entends pas établir de discussion sur ce sujet en ce moment ; mais je
crois devoir dire que le gouvernement n’a pas cru établir des droits exagérés
en les portant au taux déterminé par cet arrêté. L’occasion s’offrira bientôt
de discuter cette question avec plus d’opportunité.
M. Delehaye. - Je n’attendrai pas le budget de la guerre pour proposer les
économies que je croirai possibles. Déjà, à l’occasion de plusieurs budgets,
j’ai proposé des économies réalisables ; je regrette qu’elles aient été
rejetées ; cela ne m’empêchera pas d’en proposer au budget de la guerre.
Le gouvernement demande une
augmentation de cent mille francs pour renforcer le personnel le la douane. Ce
n’est pas la première fois qu’une demande semblable est faite. L’année
dernière, sous le même libellé, une augmentation a été demandée ; je ne crois
pas qu’elle ait reçu cette destination, je ne pense pas que la douane ait été
renforcée, cependant je ne reculerai pas devant le vote de la somme demandée.
Je ne pense pas pour cela que la fraude se fera moins. Pour s’en convaincre, il
suffit d’examiner la situation du pays. Il n’en est aucun qui soit aussi
accessible à la fraude. Nous sommes entourés de pays industriels,
Nous savons d’ailleurs qu’on fraude
avec facilité les choses les moins transportables. A Paris, on assure
l’importation en Belgique des glaces des plus grandes dimensions. Si malgré la
douane on parvient à introduire des glaces de grande dimension, que sera-ce
pour les objets d’un transport facile ? Au reste, ne vous le dissimulez
pas, tant que vous n’aurez pas pour toute
On a parlé de la question des sucres
; et, bien que cette question ne se rapporte au budget des finances que quant
aux droits de douanes et d’accises, je relèverai les expressions échappées à
l’honorable député du Luxembourg.
Il a dit que dans l’intention de la
chambre, dans le vote de la loi sur les sucres, il ne s’était pas agi de
l’intérêt du commerce et de l’industrie, mais seulement de l’intérêt fiscal.
Pour l’honneur de la chambre, je repousse ces paroles ; je les repousse aussi
pour l’honneur de celui qui les a prononcées.
Il a soutenu une autre thèse
quand il a proposé son amendement qui modifiait le mien. Il l’a prescrite comme
favorisant en même temps l’une et l’autre industrie et assurant des recettes au
trésor. C’était là une opinion qu’on peut soutenir avec plus de gloire que celle
qu’il vient d’exprimer. Un homme qui a exercé le pouvoir doit mettre le
commerce et l’industrie avant les intérêts du trésor. Si le trésor reçoit une
somme plus considérable, ce sont les consommateurs qui la paient. Non seulement
les consommateurs paient cette augmentation d’impôt, mais indépendamment de
cela, ils paient le sucre plus cher. Dans la ville que j’habite, où l’on
raffine presque exclusivement pour l’exportation, les raffineries ne
travaillent plus que la moitié des quantités qu’elles travaillaient autrefois.
On m’a assuré que dans le Hainaut la
culture de la betterave avait beaucoup diminué et qu’avant peu elle serait
réduite au cinquième. Les députés du Hainaut confirment par un signe ce que
j’avance. Ainsi votre loi aura produit ce funeste résultat de ruiner deux
industries. Si elle produit plus au trésor, elle impose une charge plus lourde
aux contribuables.
Je regrette que les rênes du
ministère des finances aient été confiées à un homme qui nous a combattus avec
tant d’acharnement dans la discussion de cette loi.
M. de Theux. - Il faut attendre que nous ayons pu faire l’expérience de la loi que
nous avons votée, pour connaître les effets de cette loi sous le triple rapport
de l’intérêt du fisc, de l’intérêt du commerce et de l’intérêt de l’industrie.
Quant à présent, cette question est complètement oiseuse. Il nous faudrait deux
ou trois ans d’expérience pour pouvoir apprécier les effets de cette loi.
Je ne dirai que quelques mots sur
l’augmentation de 100 mille fr. demandée pour renforcer le service de la
douane. M. le ministre avant de faire cette demande a dû préparer un travail,
ce n’est qu’en suite des résolutions prises, qu’il a dû se déterminer à vous
faire la demande d’un crédit de 100 mille fr. Je regrette qu’il n’ait pas
présenté à la section centrale les éléments du travail préparé dans ses
bureaux, nous aurions pu voter en pleine connaissance de cause et échapper à la
discussion actuelle ; car, malgré tout ce qui a été dit, il est difficile d’avoir
une conviction sur cette question.
Le ministre dit qu’il faut
renforcer le service dans l’intérêt de l’industrie nationale. Nous serons tous
d’accord pour accorder la somme demandée, si elle est nécessaire pour assurer
le service de la douane, de même que si elle n’était pas nécessaire nous
serions tous d’accord pour la refuser. Cette somme est demandée pour trois
motifs : à raison du service de
En ce qui concerne
Ainsi, il est impossible d’apprécier
avec certitude les conséquences de cette loi. Ce sera à M. le ministre des
finances à nous donner à cet égard des éclaircissements.
M. Desmet. - Je ne comprends pas qu’on nous réponde comme on le fait, quand nous
avons l’intention de faire quelques économies sur l’armée. Ces économies seront
populaires, le pays y applaudira. Ce n’est pas le moment de s’occuper de cela.
Mais quand nous nous occuperons de l’organisation de l’armée, nous verrons
quelles économies nous pouvons faire sur l’armée.
Comme l’a dit un honorable
préopinant, nous avons deux armées : la grande armée et l’armée douanière.
Certainement la grande armée serait utile dans le cas de l’agression étrangère
; mais l’armée douanière est toujours utile. S’il est vrai que la grande armée
assure la tranquillité du pays, il n’est pas moins vrai que l’armée douanière
assure la subsistance du pays, en protégeant le travail national.
Il est malheureux pour le pays que,
depuis 12 ans, on n’ait pas une bonne armée douanière ; le travail national ne
serait pas détruit par la concurrence étrangère. Je n’insisterai pas sur ces
observations ; je me réserve de les développer dans la discussion de la
question commerciale.
On a parlé de l’accise sur les
sucres. Il est certain qu’un droit d’accise mal établi et trop élevé peut faire
tort à l’industrie du pays. Vous avez, par la loi des distilleries, tellement
grevé les distilleries indigènes, que vous avez presque détruit cette
industrie.
Pour les sucres, je ne pense pas
qu’il en soit ainsi. Le but de la nouvelle loi a été de réduire le drawback qui
était exorbitant et qui constituait un privilège pour le sucre exotique, et
aussi d’augmenter le produit de l’impôt. Si la loi était tellement mauvaise, il
entrerait dans le pays du sucre raffiné ; or, il n’en entre pas. Ainsi vous
avez atteint le but que vous vous êtes proposé.
M. Lys. - J’ai annoncé, lors de la discussion générale, que j’accueillerai la
proposition de M. le ministre des finances, de renforcer le service de la
douane, en demandant, pour y parvenir, une somme de cent mille francs. J’avais
dit, messieurs, que je n’admettrais néanmoins cette augmentation, que sous la
condition qu’on en fît un article spécial.
L’amendement proposé par mon
honorable ami, M. Manilius auquel je rallie volontiers, remplit le but que je
me proposais.
Vous avez porté une loi, l’année
dernière, tendant à augmenter les précautions et les peines contre la fraude.
Lors de la discussion de cette loi, on a reconnu que le renforcement de la
douane, par le nombre de douaniers, était nécessaire. Et, en effet, messieurs,
si vous n’avez pas voulu la visite à l’intérieur, vous devez au moins garantir
vos frontières le plus possible.
Un honorable membre a parlé du
produit des droits d’entrée sur les tissus ; il a dit qu’ils n’entreraient plus
dans le pays, que l’Etat serait ainsi privé du revenu de ses droits d’entrée à
ce sujet. Je désirerais, messieurs, pouvoir espérer une situation pareille en
faveur de l’industrie indigène, mais je ne puis concevoir un pareil espoir. Et
en effet, messieurs, si j’ai bien compris M. le ministre des finances, l’impôt
sur les tissus a été plus productif depuis l’arrêté qui a augmenté les droits
d’entrée. Dans l’un comme dans l’autre cas, la douane aura rendu un véritable
service, car elle aura protégé votre industrie, et ainsi coopère à augmenter la
richesse du pays.
On a aussi voulu établir une certaine
comparaison entre les droits de l’armée et ceux des douaniers. Elle ne me
paraît nullement exacte, car ici ce n’est pas en faveur de la douane que nous
la renforçons, mais dans l’intérêt seul du pays.
- La discussion est close.
L’amendement de M. Manilius, avec les
modifications proposées par M. le ministre des finances, et auxquelles M.
Manilius se rallie, est mis aux voix et adopte ; il forme les articles 3 à 5.
Articles 6 à 9
(anc. Articles 4 à 7)
« Art. 6. Traitements des
employés de la garantie : fr. 43,860. »
« Art. 7. Traitements des
vérificateurs des poids et mesures : fr. 52,100. »
« Art. 8. Traitement des avocats
de l’administration : fr. 35,670. »
« Art. 9. Frais de bureau et de
tournées : fr. 186,650 »
- Ces articles sont adoptés sans
discussion.
« Art. 10. Indemnités : fr.
266,800 »
La section centrale propose sur cet
article une réduction de 25,000 francs.
M. d’Hoffschmidt. - Le gouvernement propose à l’art. 8 une majoration de 25,000 fr. pour
indemnité en faveur des receveurs chargés d’un surcroît de travail par la loi
que nous avons votée l’an dernier sur les fraudes électorales. La section
centrale a rejeté cette majoration, mais il est d’abord à remarquer qu’il n’y a
eu que partage de suffrage. Sur 5 membres présents, 2 ont voté pour, 2 contre,
un s’est abstenu. Comme j’ai été du nombre de ceux qui ont voté pour la
majoration, je désire en faire connaître les motifs.
D’abord, lorsque ce surcroît de
travail a été imposé aux receveurs par la loi que je viens de mentionner, il
avait été à peu près convenu dans la section centrale que cela méritait une
indemnité. Dans l’une des séances où cette loi a été discutée, M. le rapporteur
de la section centrale s’est exprimé en ce sens ; car voici ce qu’il a dit à
cet égard.
« L’envoi de ces rôles doit se
faire sans frais ; toutefois dans quelques sections, et au sein de la section
centrale, on a reconnu qu’il serait juste d’accorder une indemnité de ce chef
aux agents de l’administration des finances, mais on a reconnu aussi qu’il
n’est pas possible de fixer en ce moment le taux et le mode de répartition de
cette indemnité, qu’il faut renvoyer cette question au prochain budget. »
Voilà ce qu’a dit l’honorable M.
Malou, rapporteur de la section centrale ; il vient de me déclarer qu’il
persistait dans cette opinion.
Personne dans cette discussion n’a
contredit l’honorable rapporteur. Par conséquent on doit admettre qu’il y a eu
assentiment tacite à l’indemnité dont il s’agit. Le travail dont on a chargé
les receveurs est considérable ; car un receveur de communes rurales peut avoir
4 communes dans son ressort ; or dans chaque commune il y a un rôle primitif de
la contribution foncière, de la contribution personnelle, des patentes, et
ordinairement un rôle supplémentaire pour chacune de ces contributions. Voila
donc vingt rôles dont plusieurs seraient de gros volumes.
Ainsi, messieurs, pour un travail
aussi considérable, lorsque les receveurs des communes rurales surtout sont
déjà si mal rétribués, il est réellement indispensable d’accorder une
indemnité.
Dans les séances d’hier et
d’aujourd’hui, plusieurs honorables orateurs ont fait entendre des paroles de
sympathie pour cette classe de fonctionnaires. On a énuméré les charges
nombreuses dont ils sont déjà accablés, les modiques traitements qu’ils
obtiennent ; et quant à moi, je partage entièrement cette manière de voir ; je
trouve que le sort des receveurs des communes rurales est presque misérable, du
moins de ceux qui ont une nombreuse famille.
Il est, selon moi, trois catégories
de fonctionnaires qui sont très mal rétribués Dans l’ordre judiciaire, nous
avons d’abord les juges de paix ; dans l’ordre administratif, les commissaires
d’arrondissement et dans l’administration financière, les receveurs des
communes rurales.
Pour les juges de paix nous sommes à
peu près généralement d’accord qu’une augmentation notable du traitement doit
leur être accordée , et j’espère bien que dans le courant de cette session le
projet de loi qui augmente les traitements de l’ordre judiciaire sera une fois
pour toutes discuté et adopté.
Pour les commissaires
d’arrondissement, ils sont aussi fort mal rétribués. Une proposition avait été
faite dans le temps, pour améliorer leur sort ; elle ne fut pas admise, mais
j’espère qu’on pourra y revenir un jour.
Enfin pour les receveurs,
jusqu’à présent, au lieu de leur accorder une augmentation de traitement, on
les a accablés d’un surcroît de besogne. J’espère donc, messieurs, qu’après
l’aggravation de charges que ces fonctionnaires doivent à la loi qui a été
votée l’année dernière, on leur accordera une indemnité en compensation,
d’autant plus qu’ils sont dans une position où peut-être ils devront eux-mêmes
faire des dépenses, recourir à des employés pour faire le travail considérable
dont ils sont chargés, travail qui, comme on vous le dit fort bien dans le
rapport de la section centrale, arrive précisément au moment où ils sont déjà
accablés par leur besogne ordinaire. Dans tous les cas, messieurs, il faut
convenir que si l’on rejetait la proposition qui vous est faite par le
gouvernement, un acte semblable contrasterait singulièrement avec les paroles
sympathiques qu’on a fait entendre dans les séances d’hier et d’aujourd’hui en
faveur des receveurs.
M. Savart-Martel. -
Je profite de l’occasion pour rappeler un vœu que j’ai exprimé déjà l’an
dernier, en ce qui touche les avertissements de cotisation à la contribution
foncière.
C’est qu’au dos de ces
avertissements, serait indiqué sommairement l’extrait de la matrice du rôle.
Ceci se pratique en France, notamment
dans le département du Nord.
Je désire que M. le ministre des
finances avise à cet égard. Il ne suffit point de s’occuper de l’intérêt du
fisc, il faut aussi servir l’intérêt des contribuables qui sont parfois
victimes d’erreurs.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, j’examinerai s’il y a possibilité de faire droit aux
observations de l’honorable membre.
J’aurai peu de choses à aouter aux
explications qui ont été données par l’honorable M. d’Hoffschmidt pour prouver
la convenance qu’il y a d’accorder aux receveurs les indemnités que je demande
pour eux ; je dirai seulement que le plus grand nombre de ces receveurs ne
jouissent que de très faibles traitements. Sur 772 receveurs il en est plus de
400 qui ne touchent pas 2000 fr. annuellement, Ils seront entrainés dans de
nouveaux frais par ce travail extraordinaire qui ne tient pas, à proprement
parler à leurs fonctions, et se trouveront dans une position plus pénible que
celle où ils sont aujourd’hui.
J’insiste donc pour le chiffre
proposé.
M. de Garcia. - Messieurs, j’appuierai aussi le subside qui est demandé pour les
receveurs, dans le but de les indemniser du surcroît de besogne dont ils sont
chargés pour l’exécution de la loi électorale du 1er avril 1843. Ne perdons pas
de vue, messieurs, que nous avons attaché la plus grande importance à
l’exécution de cette loi, et que la besogne qui en résulte pour les receveurs,
constitue en quelque sorte une besogne administrative.
Je crois donc que c’est sans motif
que la section centrale propose la réduction de ce subside par la considération
qu’une augmentation de besogne ne doit pas donner lieu à une augmentation de
traitement. S’il s’agissait de la besogne ordinaire, j’admettrais peut-être ce
raisonnement ; mais lorsqu’il s’agit de l’exécution d’une loi administrative,
exécution à laquelle doit participer le concours des employés des finances, je
crois qu’on doit donner à ceux-ci une indemnité.
Messieurs, je ne sais pas si je me
rappelle bien la loi du 1er avril dernier, mais je crois que non seulement la
besogne des receveurs est augmentée, mais que les contrôleurs ont aussi, en
vertu de cette loi, une grande augmentation d’occupation.
M. Brabant. - Non, non.
M. de
Garcia. - J’entends dire derrière moi que
cela n’est pas exact ; cependant des contrôleurs m’ont dit qu’ils devaient se
transporter dans les communes pendant un jour, deux jours et même trois jours
pour faire le contrôle des opérations auxquelles nous faisons allusion, et que
cette mesure occasionne un travail et des frais de déplacement considérables.
J’accorderai volontiers les 25,000
francs, mais je voudrais les accorder d’une manière globale, et laisser au
gouvernement le soin de les répartir suivant le travail, entre les receveurs et
les contrôleurs.
Je n’en dirai pas davantage.
M. Delfosse. - Messieurs, ce n’est pas précisément pour m’opposer à l’augmentation
de 25,000 francs que j’ai demandé la parole, je dois cependant faire remarquer
que si nous élevons le traitement des employés dont le travail est augmenté,
sans réduire le traitement de ceux dont le travail est diminué, les dépenses
iront toujours croissant ; ce n’est pas avec un tel système qu’on rétablira
l’ordre dans les finances.
J’ai demandé la parole pour
appeler l’attention du gouvernement sur un point que je considère comme très
important : la dernière loi électorale ordonne aux receveurs de remettre
aux administrations communales chargées de la confection des listes électorales
une copie des rôles des contributions ; cette copie doit être transmise aux
commissaires d’arrondissement, avec les autres pièces, pour que chacun puisse
faire la vérification des listes. Messieurs, dans la pratique cette
vérification est, si pas tout à fait impossible, au moins très difficile ;
quand on se présente chez le commissaire d’arrondissement, on y trouve un très
grand nombre de registres, et comme il n’y a pas de table alphabétique à la
suite de la copie des rôles, on doit faire des recherches extrêmement longues
pour s’assurer des titres des individus portés sur ces listes ; pour savoir si
un individu porté sur la liste a réellement le droit d’y être inscrit, il faut
un travail de plusieurs heures, quelquefois de plusieurs jours, MM. les
commissaires d’arrondissement n’ont pas le même travail à faire parce qu’ils
peuvent recevoir des communications (un
mot illisible) de MM. les
bourgmestres ; ils ne sont pas d’ailleurs très intéressés à contrôler
les listes, puisqu’en général elles sont faites par des personnes qui ont leur
confiance. Si l’on veut que la partie soit égale pour tous, si l’on veut de
l’impartialité, il faut que M. le ministre des finances enjoigne aux receveurs
de joindre à la copie des rôles un sommier ou table alphabétique ; cette mesure
peut rendre la vérification des listes électorales possible.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, le gouvernement a le même désir que l’honorable préopinant
que la vérification prévue par la loi électorale soit facilitée à chacun. Je
crois que le travail que l’honorable membre demande sera assez considérable
dans plusieurs bureaux. Cependant j’aviserai aux mesures qui pourront être
prises pour que cette vérification puisse se faire sans difficulté ; un sommier
alphabétique pourra, je l’espère, être formé par chaque receveur. Si je ne
donne pas d’assurance formelle à cet égard, c’est que je crains que dans
quelques bureaux, la confection de ces sommiers n’entraîne des retards qui
pourraient être un peu trop longs. Mais, je le répète, j’aviserai aux mesures
qui pourront remplir le but de l’interpellation de l’honorable membre.
M. Delfosse. - Il y a deux moyens de remédier à l’abus que je signale : Ou M. le
ministre des finances doit ordonner aux receveurs des contributions de joindre
la copie des rôles une table alphabétique, ou M. le ministre de l’intérieur
doit donner des instructions aux bourgmestres pour qu’ils indiquent sur les
listes électorales mêmes, les articles des rôles qui concernent les individus
qui s’y trouvent portés.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je me concerterai avec mon collègue, M. le ministre de l’intérieur,
pour que le but soit atteint. Car nous aussi nous désirons qu’il le soit, tout
autant que l’honorable membre.
- Le chiffre de 266,800 fr. est mis
aux voix et adopté.
Articles 11 à 14 (anc. article 9 à 12)
« Art. 11. Matériel : fr.
140,000 »
« Art. 12. Crédit pour
opérations cadastrales dans le Luxembourg et le Limbourg : fr. 209,371
32 »
« Art. 13. Indemnités pour les
transcriptions de mutations, etc., dans les bureaux de conservation au
chef-lieu des provinces cadastrées : fr. 25,000 »
« Art. 14. Frais généraux
d’administration de l’entrepôt d’Anvers, entretien des bâtiments, etc. : fr.
31,000 »
- Ces articles sont adoptés sans
discussion.
CHAPITRE
IV. - Administration de l’enregistrement, des domaines et des forêts
Articles 1 et 2
« Art. l. Traitement du
personnel de l’enregistrement : fr. 256,290 »
« Art. 2. Traitement du
personnel du timbre : fr. 51,200 »
- Ces articles sont adoptés sans
discussion.
« Art. 3. Traitement du
personnel du domaine : fr. 71,700 »
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, j’ai un amendement à proposer à l’article domaine. Par
suite de la reprise du canal de Mons à Condé, certains frais d’administration
incomberont au département des finances ; ces frais s’élèvent à 4,600 fr., pour
un contrôleur et quatre délégués. Je demande donc d’ajouter ces 4,600 francs au
chiffre de 71,700 fr., ce qui le portera à 76,300 fr.
Aux développements du budget, ce
crédit prendra le n°21, et sera intitulé : Canal de Mons à Condé, 4,600 fr.
Lorsque nous en viendrons à l’art. 4,
qui concerne les forêts, j’aurai quelques explications à donner à l’égard du
service de la forêt de Soignes.
M. Verhaegen. -
Loin de moi de contester le chiffre des traitements des employés du domaine. Si
je prends la parole, ce n’est que pour obtenir quelques renseignements sur
plusieurs valeurs qui lui appartiennent.
Par arrêté du 3-29 août 1825, il a
été accordé à la ville de Louvain une avance de 87,500 fl. des Pays-Bas. Cette
avance était stipulée remboursable par portions égales.
D’après mes renseignements, il
n’aurait été remboursé au gouvernement précédent que 2,000 fl.
Par arrêté du 31 mai 1831, le
gouvernement actuel a fait une autre avance à la ville de Louvain de 25,000
fl., stipulée remboursable en cinq ans, savoir : le 13 mars 1832, et ainsi
d’année en aunée.
Il paraît qu’aucun remboursement n’a
été effectué jusqu’à ce jour.
Pourquoi ?
Je demanderai à cet égard des
renseignements à M. le ministre des finances.
Je me permettrai aussi de lui
demander des renseignements au sujet de toutes les avances faites par le
gouvernement précédent sur les fonds de l’industrie nationale et des
transactions qui ont été faites illégalement, renseignements aussi au sujet des
avances faites par le gouvernement actuel à des établissements publics ou à des
particuliers.
Cette partie de nos ressources a
toujours été négligée, et plusieurs capitaux sont tombés en non-valeurs par
l’apathie des employés de l’administration.
Dans le budget des voies et moyens il
figure :
1° Capitaux du fonds de l’industrie,
120,000
2° Capitaux de créances ordinaires,
50,000
3° Intérêts de ces créances, 45,000.
45,000 fr. d’intérêts. Ces capitaux
sont donc en souffrance.
M. le ministre ne pourrait-il pas
sans inconvénient nous soumettre un état de ces capitaux ?
L’affaire Cockerill est-elle liquidée
? Quelle est à cet égard la position du gouvernement ?
Que sont devenues les affaires
relatives à Hannonet-Gendarme, Degeloes, Waroqué et autres acquéreurs de biens nationaux ? A la
fin de 1833, si mes renseignements sont
exacts, à la fin de 1833, il y avait là 4 à 5 millions.
Qu’est devenue l’affaire contre la
ville de Diest ?
L’empereur, pas un décret, avait
abandonné à 5 villes la propriété des terrains provenant d’anciennes fortifications
rasées.
Diest n’était pas compris dans ce
décret.
Cependant après la démolition des
fortifications, Diest s’était emparé d’une quantité de terrains.
Plus tard, le gouvernement
actuel, pour rétablir les fortifications, dû acquérir pour environ 1,200,000 fr., si mes renseignements sont exacts. Le
gouvernement avait intenté un procès contre la ville de Diest.
A Louvain, la ville de Diest a gagné,
mais le jugement paraissait devoir être réformé.
Il semble qu’on a laissé écouler le
délai d’appel. Quid ?
Enfin comment M. le ministre des
finances, tuteur né du domaine, a-t-il abandonné aux travaux publics l’hôtel de
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Il me serait difficile, messieurs, de répondre sur toutes les
affaires spéciales dont a parlé l’honorable M. Verhaegen ; ce que je puis
déclarer, c’est que le gouvernement ne néglige aucun moyen de recouvrer les sommes
dues à l’Etat, par suite d’avances faites sur le fonds de l’industrie ou de
toute autre manière, ainsi que du chef de la vente de domaines. Ainsi chaque
année il figure au budget de voies et moyens une somme représentant les
rentrées à faire sur les capitaux de l’industrie et une autre somme du chef du
recouvrement du prix d’achat de biens domaniaux qui ont été aliénés.
Il arrive parfois que
l’administration use de quelques ménagements dans l’intérêt de l’industrie ;
ces fonds ont été avancés le plus souvent à des industriels ; on ne peut pas
toujours les faire rentrer brusquement, des difficultés se présentent, et
l’administration est quelquefois forcée d’avoir des égards pour les débiteurs.
Quant aux affaires signalées
particulièrement par l’honorable membre je n’en ai par la véritable situation
présente à la mémoire, mais il suffit qu’un membre de cette chambre les signale
à mon attention pour que j’y porte un soin particulier. Je verrai donc en ce
qui concerne les avances faites à la ville de Louvain, par exemple, à quel
point en est le recouvrement et ce qu’il y a à faire pour assurer la rentrée la
plus prochaine possible des capitaux dont il s’agit.
Quant à l’hôtel du département des
travaux publics, mon honorable collègue de ce département expliquera à la
chambre dans la discussion de son budget, qu’elles sont toutes les
considérations qui ont déterminé le gouvernement à établir dans cet hôtel le
ministère des travaux publics. Je crois, messieurs, que ces explications
viendront alors d’une manière beaucoup plus opportune. Du reste, les frais
d’appropriation seront loin d’être aussi considérable que semble le croire
l’honorable préopinant.
Je regrette de ne pouvoir entrer dans
plus de détails sur les affaires spéciales dont l’honorable M. Verhaegen nous a
entretenus ; j’en ferai, du reste, l’objet d’un examen particulier. .
M. Verhaegen. - Il me suffit d’avoir appelé l’attention de M. le ministre des
finances sur les objets spéciaux dont je l’ai entretenu, et je me contente de
la déclaration qu’il a faite, qu’il fera de ces affaires l’objet d’un examen
immédiat et sérieux.
Toutefois, je ne puis pas me
contenter de la réponse que m’a faite le ministre des finances, quant à la
destination donnée à l’hôtel de
M. le ministre me dit que c’est à son
collègue du département des travaux publics qu’il appartient de justifier cette
mesure. Il me semble, à moi, que c’est avant tout au tuteur-né des domaines à
dire comment il a permis qu’un objet très important échappât à son
administration.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je répondrai que malgré la destination qui a été donnée à l’hôtel de
- Personne ne demandant plus la
parole, l’art. 3, avec l’augmentation proposée par M. le ministre des finances,
est mis aux voix et adopté.
Article 4
« Art. 4. Agents forestiers : fr. 243,600. »
La section centrale propose sur ce
chiffre une réduction de 6,600 fr. ; resterait 237,000 fr.
M. le président. -
La parole est à M. Meeus. (A demain ! à
demain !)
M. Meeus. - Je demanderai d’abord à M. le ministre des finances s’il se rallie à
l’amendement de la section centrale.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je ne puis me rallier à cet amendement. Je pourrais même déjà
indiquer quelques-uns des motifs pour lesquels je ne puis pas l’adopter.
Des membres. - A demain ! à demain ! Il est quatre heures et demie.
- La séance est levée à quatre heures
et demie.