Accueil Séances
plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Bibliographie et
liens Note
d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 10 janvier
1844
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative au libre transit du
bétail (Malou, Rodenbach), à la
pension d’un ancien officier des Indes orientales (Savart-Martel,
Savart-Martel), à la contribution foncière (Simons), à la pension d’un ancien militaire (Delfosse)
2)
Projet de loi portant le budget du département de
la guerre pour l’exercice 1844. Chiffre du budget et
organisation de l’armée (Pirson)
3)
Projet de loi portant le projet de loi du
département de la justice pour l’exercice 1844. Discussion des articles.
Etablissements pénitentiaires (Savart-Martel), dépenses
du culte catholique, nombre de desservants des succursales et de vicaires (Delfosse, d’Anethan, de Garcia, Van Volxem,
(+personnification civile de certaines congrégations) Verhaegen,
d’Anethan, (+restauration des églises) Lys,
Rodenbach, Van Volxem, Delfosse, (+restauration des églises), (d’Anethan, Verhaegen, Savart-Martel)), restauration des églises (Deprey)
(Moniteur belge
n°11, du 11 janvier 1844)
(Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à midi et demi.
- La séance est ouverte.
M. Scheyven donne lecture du
procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est approuvée.
M. Huveners présente l’analyse des pièces adressées à la chambre
:
« Plusieurs marchands
herbagers, cultivateurs et éleveurs de bestiaux, d’Ypres et des environs,
demandent que l’arrêté du 23 septembre 1843, qui autorise le libre transit des
bestiaux par Anvers et par le chemin de fer vers la France soit rapporté. »
M. Malou. - Je demanderai le renvoi de cette pétition à la commission, avec
invitation de faire un prompt rapport. Cette commission est déjà saisie d’une
pétition qui se rapporte au même arrêté. Les pétitionnaires se plaignent des
effets de la mesure qui a été prise, et je crois que c’est avec raison. Mais le
moment de discuter le fond sera plus opportun quand la commission des pétitions
aura fait son rapport.
M. Rodenbach. - Tout en appuyant ce que vient de dire l’honorable député d’Ypres, je
demanderai à M. le ministre des Finances s’il a reçu les renseignements qu’il
nous a promis, il y a environ six semaines, et qu’il attendait du port de
Dunkerque, sur la question de savoir si les arrivées par ce port avaient
augmenté ou diminué. J’ai appris qu’elles avaient augmenté sur le marché de
Lille, par suite du transit. Je sais que M. le ministre a dit que le nombre des
arrivages à l’époque où il parlait était de 350. On serait porté à croire que
le nombre doit être augmenté depuis lors, car il a augmenté sur le marché de
Lille, et on se plaint dans
- Le renvoi à la
commission des pétitions, avec invitation de faire un prompt rapport, est
ordonné.
« Les conseils
communaux de Canne, Vroenhoven et Veltwezel
demandent qu’un délai de 4 années soit accordé à ces communes pour le payement de
leurs contributions des années de 1840 à 1843. »
M. Simons. - Je demanderai
également que la commission soit invitée à faire un prompt rapport sur la
pétition dont on vient de faire l’analyse. Déjà pareille pétition lui a été renvoyée
; il y a véritablement urgence de s’occuper de cette requête, puisqu’on va
mettre à exécution la loi qui a été rendue exécutoire. Cette circonstance doit
engager la commission à faire promptement son rapport.
- Le renvoi, avec
invitation de faire un prompt rapport, est ordonné.
______________________
« Les épiciers et
marchands de café d’Eccloo et de Gand demandent une
augmentation de droits d’entrée sur le café brûlé. »
- Renvoi à la commission
permanente d’industrie.
______________________
« Le sieur Vlamynck, cultivateur à Moerkerke,
demande que les réclamations qu’il a faites du chef de pertes essuyées par
suite des événements de la guerre, soient comprises dans la liste générale des
perdants de la commune de Lapscheur. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
______________________
Le sieur Legrand, ancien
militaire, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le payement de sa
masse d’habillement. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
______________________
« Le sieur Velu,
ancien brigadier des douanes, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir
les arrérages de sa pension. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
_______________________
« Le sieur Branquart réclame l’intervention de la chambre afin
d’obtenir le payement d’une fourniture qu’il a faite pour compte de
l’administration du chemin de fer. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
________________________
« Les membres du conseil
communal de Courcelles demandent que cette commune fasse partie du canton de Gosselies. »
- Renvoi à la commission
chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription cantonale.
________________________
« Les marchands et
fabricants de tabac de Grammont demandent que les tabacs étrangers soient
soumis à un droit d’accise. »
- Renvoi à la commission
d’industrie.
_______________________
Les habitants
d’Autre-Eglise présentent des observations contre le projet de loi sur les
céréales. »
« Mêmes observations de
plusieurs habitants de Liége, de Jauche et de Wansin.
»
- Renvoi à la section centrale
chargée de l’examen du projet de loi sur les céréales.
_______________________
« Les commissaires
de l’association des bateliers de
- Renvoi à la section
centrale chargée de l’examen du budget des travaux publics.
« Le sieur Brunin, major pensionné, demande la liquidation de
l’arriéré et du courant de sa pension des Indes. »
M. Savart-Martel. - Une pétition sur le même objet a été renvoyée à M. le ministre des
finances ; il me semble qu’on pourrait également lui renvoyer celle du sieur Brunin.
« Le sieur Coulon, capitaine pensionné, demande une augmentation de
pension. »
M. Delfosse. - Messieurs, le capitaine Coulon
a rendu des services dans les premiers temps de la révolution ; cela résulte
des pièces produites par le pétitionnaire.
Déjà la chambre a renvoyé
une pétition du capitaine Coulon au ministre de la
guerre, avec demande d’explications. M. le ministre a donné des explications
qui n’ont été connues que longtemps après par le pétitionnaire et ne l’ont pas
satisfait ; il répond aujourd’hui à ces explications, et comme cette affaire
traîne depuis longtemps, je demanderai que la commission des pétitions soit
invitée a faire un prompt rapport.
M. Savart-Martel. - Je me bornerai à faire la même demande à l’égard de la pétition du
sieur Brunin qui, lui aussi, a rendu des services à
la révolution. Il a eu l’honneur d’aller à St-Hélène. Il avait eu l’honneur
d’être décoré sur le champ de bataille par Napoléon.
- Le renvoi des pétitions
des sieurs Coulon et Brunin,
avec demande d’un prompt rapport, est ordonné.
______________________
« Le sieur Vigoureux
demande qu’une loi oblige les juges, greffiers et huissiers de justice de paix
et les receveurs des droits d’enregistrement, à demeurer dans le chef-lieu de
leurs cantons. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
M. Pirson. - Messieurs, la section centrale du budget de la
guerre m’a chargé de vous faire connaître le résultat de ses délibérations.
Dans la séance de ce jour elle a fait le relevé des observations générales des
sections. Toutes ont émis l’opinion que la discussion du projet de loi sur
l’organisation de l’armée devait précéder celle du budget. La section centrale
partage cette opinion. Elle pense qu’adopter un budget alors que la loi de
l’organisation de l’armée n’aurait pas été discutée, serait en quelque sorte la
préjuger. La section centrale, à l’unanimité, vous propose de décider que la
discussion du budget de la guerre n’aura lieu qu’après la discussion de la loi
sur l’organisation de l’armée.
M. le président. - Comme c’est une
question de priorité que la section centrale vous propose de décider, il suffit
de mettre sa proposition aux voix pour que le bureau se règle en conséquence
pour l’examen en sections et en section centrale.
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont) - Le gouvernement ne
fait aucune opposition à la proposition de la section centrale.
- La proposition de la
section centrale est mise aux voix et adoptée.
Amendements du gouvernement
M. Savart-Martel. - Messieurs, l’art. 6 de la loi provinciale porte ce qui suit :
« Le conseil est
tenu de porter annuellement au budget des dépenses toutes celles que les lois
mettent à la charge de la province et spécialement les suivantes :
« 3° Les réparations
d’entretien, conformément aux art. 605 et 606 de code civil, des maisons
d’arrêt et de justice civile et militaire de la province, autres que les
grandes prisons de l’Etat et les maisons de passage ;
« L’achat et
l’entretien, de leur mobilier, les frais des commissions administratives des,
prisons autres que les grandes prisons de l’Etat. »
Hier M le ministre de la
justice a proposé un article additionnel fondé sur les raisons que voici :
Aussi, toutes les
provinces, sauf une, ont contracté avec l’Etat un abonnement calculé sur une
moyenne de dix années de dépenses.
Cet abonnement est utile
en ce qu’il fait cesser des conflits entre l’Etat et les provinces, et qu’il
permettra à l’Etat d’agir avec plus de liberté et conséquemment avec plus
d’utilité.
C’était autrefois les
provinces, qui commandaient ces dépenses, maintenant ce sera l’Etat.
A cet effet, M. le
ministre vous a présenté hier un article additionnel. La section centrale en a
délibéré par suite du renvoi de la chambre.
D’accord avec M. le
ministre de la justice, la section centrale a l’honneur de vous proposer
l’adoption de la rédaction suivante :
« Réparations d’entretien
(n°3 de l’art.69 de la loi provinciale) dont le gouvernement se charge, par
suite d’abonnement contracté par les provinces. »
M. le président. - La discussion
de cet amendement viendra quand nous serons arrivés au chapitre auquel il se
rapporte. Nous allons reprendre la discussion des articles du budget de la
justice au point où nous en étions restés.
Chapitre VIIII - Cultes
Article 1er
« Art. 1er. Culte
catholique.
« A. Traitement du
haut clergé, compris bourses et demi-bourses affectées aux séminaires : fr.
403,822 39 ;
« B. Traitements des
curés, desservants, chapelains et vicaires : fr. 3,252,224 61 ;
« C. Subsides pour
les édifices servant aux cultes, y compris 50,000 francs comme charges
extraordinaires et autres, pour réparations de diverses tours : fr.
350,000. »
M. Delfosse. - Messieurs, si l’on excepte le traitement du
cardinal-archevêque de Malines, que je trouvais et que je trouve encore trop
élevé, et dont j’ai demande plus d’une fois, mais en vain, la réduction au taux
du traitement des ministres, j’ai voté chaque année sans observation, sans
difficulté, l’allocation destinée au culte catholique. Personne n’apprécie plus
que moi les services immenses que le clergé catholique peut rendre à la
société, quand il a la sagesse de se contenir dans de justes limites. Je dois
cependant, cette année, m’opposer à la nouvelle augmentation qui nous est
demandée, et qui a une tout autre cause que celle qu’on nous indique.
Depuis quelque temps, il
s’est fait dans le personnel du clergé inférieur des mutations importantes dont
le gouvernement n’a pas jugé à propos de nous entretenir, et que, la section
centrale paraît ne pas avoir aperçues.
Je vois, par la
comparaison des tableaux imprimés à la suite des budgets de 1843 et 1844, que
le nombre des desservants s’est accru dans le courant d’une année, ou à peu
près, de 351. Le nombre des desservants qui était, d’après le tableau de 1843,
de 2,257, serait, d’après celui de 1844, de 2,608 : augmentation, 551. Le
nombre des curés de première et de seconde classe a peu varié. D’après le
tableau de 1843, le nombre des curés de première classe était de 7 ; d’après le
tableau de 1844, il est de 88 ; ce n’est qu’un de plus.
Le nombre des curés de
seconde classe était de 144 ; il est aujourd’hui de 140 ; 4 de moins.
Mais, d’un autre côté, le
nombre de chapelains et vicaires a été réduit dans une proportion plus forte
que le nombre des desservants n’a été augmenté.
Le nombre des chapelains
était de 406 ; il est aujourd’hui de 170 ; 236 de moins.
Le nombre des vicaires
était de 1593 ; il n’est plus que de 1422, 171 de moins.
En total, il y avait,
d’après le tableau de 1843, 4,487 ecclésiastiques salariés par l’Etat. D’après
celui de 1844, il n’y en a plus que 4,428 ; 59 de moins.
Bien que le nombre des
prêtres salariés par l’Etat soit diminué de 59, les diverses mutations qui ont
eu lieu ont néanmoins amené une augmentation de dépenses de 108,266 fr. 57
cent. A cette augmentation, qui provient de l’accroissement du nombre des
desservants, et qui doit être supportée par l’Etat, il faut ajouter les
nouvelles charges qui pèseront sur les communes, vous savez, messieurs, que les
communes sont tenues par les lois en vigueur de pourvoir à l’insuffisance des
ressources des fabriques, et de fournir des presbytères aux desservants.
Il est même probable que
l’augmentation que l’Etat aura à supporter sera encore plus forte que celle que
je viens d’indiquer. J’ai lieu de croire que le gouvernement n’a pas encore
indiqué toutes les mutations opérées et que les tableaux annexés au budget de
cette année ne sont pas d’une entière exactitude. Voici ce qui me porte à le
penser. Je vois que, pour la province de Liége, on indique une augmentation de
62 succursales. D’après le tableau annexé au budget de 1843, le nombre des
desservants de la province de Liége était de 289. D’après le tableau annexé au
budget de 1844, le nombre des desservants serait de 351. Cela ne fait qu’une
augmentation de 62 desservants.
Je vois cependant dans
l’exposé de la situation de la province de Liége, de 1843, qu’il y a eu pour
cette province seule création de 82 succursales ; 20 de plus que le chiffre
indiqué par le gouvernement. Il y a nécessairement erreur dans le tableau
présenté par le gouvernement, si l’exposé de la députation permanente de la
province de Liége est vrai.
Une autre cause qui
amènera encore une augmentation de dépense, c’est que probablement, pour rendre
moins sensible l’augmentation qui résulte de la création de nouvelles
succursales, on a diminué considérablement le nombre des vicaires. Il doit
résulter de cette réduction une insuffisance de personnel.
Je vois l’honorable M. de
Garcia me faire un signe négatif ; je lui ferai remarquer que le nombre des
chapelains et des vicaires a été réduit dans une proportion plus forte que le
nombre des desservants n’a été augmenté ; je ne pense pas que le nombre des
prêtres fût précédemment trop considérable pour les besoins du culte ; du moins
on ne nous l’a jamais dit ; ce nombre qui n’était pas trop considérable ayant
été diminué, il me paraît certain que l’insuffisance du personnel se fera
bientôt sentir, et que l’on viendra nous demander de nouveaux crédits. On m’a
assuré que l’on a, dans certains diocèses, défendu aux prêtres de biner,
c’est-à-dire de dire deux messes en un jour. Cette mesure, si elle a réellement
été prise, rendra, encore l’insuffisance du personnel plus sensible. Nous
devons donc, je le répète, nous attendre à de nouvelles demandes.
Il paraît, messieurs, que
les créations de succursales, dont je viens de parler, ont été autorisées dans
les derniers temps du ministère de l’honorable M. Van Volxem ; si je ne me
trompe, elles remontent au mois de septembre 1842. Voyez comme on est injuste
envers MM. les ministres ; on croyait généralement que l’honorable M. Van
Volxem avait laissé peu de traces au ministère de la justice ; eh bien, c’était
une erreur ; l’honorable membre a, au contraire, déployé une grande activité ;
il a créé en très peu de temps 351 succursales. Il est vrai que l’honorable
membre doit s’en prendre à lui-même, si cette grande activée n’a pas été connue
; car il n’a pas fait publier les arrêtés qui établissent les nouvelles
succursales, et il n’en a pas dit un mot dans la discussion du dernier budget
du ministère de la justice.
L’honorable membre
craignait probablement que la chambre, ou tout au moins le pays, ne blâmât la
complaisance beaucoup trop grande qu’il avait montrée pour les désirs du haut
clergé.
L’honorable membre devait
se trouver dans un assez grand embarras. Il fallait environ 100,000 fr. pour
faire face aux dépenses qu’entraînaient les arrêtés qu’il avait soumis à la
signature du Roi. D’un autre côté, il désirait échapper à la discussion que ces
arrêtés devaient inévitablement provoquer ; que fit-il ? Il imagina, ou l’on
imagina pour lui de venir dire à la chambre que le crédit pour réparations
d’églises et de presbytères était insuffisant ; et il proposa de l’augmenter de
100,000 fr. Comme l’allocation concernant le culte catholique ne se compose que
d’un article, on pouvait, sans craindre le contrôle de la cour des comptes,
donner à ces 100,000 fr. une autre destination que celles pour lesquelles ils
étaient sollicités.
La chambre ne sachant pas
ce qui s’était passé, n’ayant pas connaissance des arrêtes qui créaient de
nouvelles succursales et dont on ne lui disait mot, donna dans le piège. Mais
comme elle trouvait l’augmentation un peu forte, elle la réduisit de moitié ;
elle accorda 50,000 fr, au lieu de 100,000 fr.
La concession que fit
alors la chambre aurait été suffisante si la proposition du gouvernement avait
été sincère ; mais comme elle ne l’était pas, comme on ne peut, avec 50,000
fr., pourvoir à une augmentation de traitement qui dépasse 50,000 fr., force
est à M. le ministre de la justice actuel de venir nous demander une nouvelle
augmentation de 50,000 fr. M. le ministre de la justice propose, en quelque
sorte, à la chambre de revenir sur sa décision, de voter les 50,000 fr. qu’elle
a rejetés, l’an dernier. M. le ministre de la justice aurait dû nous expliquer
l’état des choses, nous dire franchement que l’augmentation était nécessaire
pour payer les nouveaux desservants créés à la fin de 1842. Mais non, il a
préféré accepter la position très fausse dans laquelle son prédécesseur s’était
placé ; il vient nous dire, comme son prédécesseur, que les 50,000 fr. sont
destinés à couvrir l’insuffisance du crédit alloué pour les réparations
d’églises et de presbytères.
Je reconnais toutefois
que M. le ministre de la justice a introduit, dans les développements du budget
et dans les tableaux qui y sont annexés, quelques changements qui sauvent
jusqu’à un certain point les apparences.
Les tableaux annexés au
budget de 1843 ne contenaient aucune trace des modifications faites au
personnel du clergé par les arrêtés du mois de septembre 1842 ; l’honorable M.
Van Volxem, en publiant ces tableaux, laissait ignorer a la chambre l’existence
de ces arrêtes, il faisait croire à la chambre que le personnel du clergé
n’avait subi aucun changement.
Dans les tableaux annexés
au budget de
En cela, M. le ministre
de la justice a fait mieux que son prédécesseur, mais il aurait dû faire mieux
encore ; il n’aurait pas dû se borner à donner les chiffres, il aurait dû
appeler l’attention de la chambre, ou tout au moins de la section centrale, sur
les mutations importantes qui avaient eu lieu ; il aurait dû en exposer les
motifs, il aurait dû surtout faire connaître que ces mutations avaient entraîné
une augmentation de dépenses de plus de 100,000 francs.
Dans le développement du
budget, l’article unique relatif au culte catholique se trouve subdivisé en 3
littera.
Le littera A comprend les
dépenses relatives à ce que l’on peut appeler l’état-major du clergé.
En 1843, il était rédigé comme
suit : Traitement du cardinal-archevêque, des évêques, vicaires-généraux,
chanoines directeurs et professeurs des séminaires, bourses et demi-bourses
affectées aux séminaires et subsides pour les travaux à faire aux palais et
séminaires épiscopaux : fr. 434.800
Le littera B comprend le
traitement des curés, desservants, chapelains et vicaires ; il était en 1843 de
fr. 3,221,247
Le littera C comprend les
subsides pour réparations ; il était dans le projet du budget pour 1843 rédigé
comme suit :
« Subside pour la
construction et l’entretien des églises et presbytères : fr. 350,000. »
Cette rédaction et ces
chiffres du budget de 1843 étaient absolument les mêmes que la rédaction et les
chiffres du budget de 1842 ; seulement, au lieu des 100,000 francs votés en
1842 pour le petit séminaire de St.-Trond, dépense
dont il n’était plus question en 1843, on demandait 100,000 francs pour réparer
des tours d’église.
On ne faisait pas le
moindre changement aux littera A et B. Le chiffre demandé pour les curés, desservants,
chapelains et vicaires restait le même, et cependant la dépense avait été
augmentée de 108,266 francs 37 centimes, par suite de la création de nouvelles
succursales dont on ne disait mot.
M. le ministre de la
justice a senti que, pour rentrer dans le vrai, ou plutôt, comme je l’ai dit
tantôt, pour sauver les apparences, il fallait modifier quelque peu ces
développements du budget, et voici comment il a opéré.
Il a supprimé du littera
A les mots et subsides pour les travaux à faire aux palais et séminaires
épiscopaux, et il a, en conséquence, réduit le chiffre de ce liftera de 30,977
fr. 60 c.
Il a augmenté le chiffre
du littera B de 26,212 fr. 11 c. ; ce chiffre, qui était en 1843 de 3,221,247
fr., est porté à 3,247,459 fr. On pourrait croire, messieurs, en voyant le
littera B que les traitements des curés, desservants, chapelains et vicaires
n’ont été, en définitive, augmentés que de 26,212 fr. 11 c. ; c’est ici que
j’accuse M. le ministre de la justice d’avoir manqué de franchise. Pour savoir
que l’augmentation des traitements a été beaucoup plus forte, qu’elle s’est
élevée à plus de 100,000 francs, il faut faire de longues recherches que M. le
ministre de la justice aurait pu rendre inutiles d’un seul mot.
Dans le tableau du budget
de 1843 indiquant la répartition de crédit porté au littera B, il y avait
62.091 francs 12 c. portés pour dépenses imprévues ; il était dit, dans une
note jointe à ce tableau, que cette somme de 62,091 fr. 12 c. serait employée à
payer les traitements des coadjuteurs et qu’elle servirait en outre, avec les
économies qui pourraient résulter des vacatures, à suppléer à l’insuffisance du
littera C.
Dans le même tableau, il
y avait, en outre, une somme de 15,497 fr. 64 c destinée à payer les
suppléments de traitements.
Dans le tableau du budget
de 1844, il n’est plus question ni de suppléments de traitements, ni de
dépenses imprévues ; les sommes indiquées en 1843 comme devant servir à payer
les suppléments de traitements et aux dépenses imprévues, sont absorbées, comme
les 25,212 fr. portés en plus au littera B, à faire face aux dépenses résultant
de la création d’un grand nombre de succursales.
Par suite de ces diverses
combinaisons, le chiffre du littera C est devenu réellement insuffisant. Mais
est-ce parce qu’il y a plus de tours ou d’églises à réparer que par le passé ?
Non, messieurs, c’est parce que l’on a créé de nouvelles succursales ; c’est la
création de ces succursales qui est la cause réelle, la seule cause de
l’insuffisance à laquelle on cherche à remédier.
Il est évident que, si
l’on n’avait pas fait disparaître du littera A la somme de 30,977 fr. 60 c. qui
servait à réparer les palais et églises épiscopaux, et on ne l’a fait
disparaître que pour pouvoir augmenter le littera B, on n’aurait pas eu à
imputer la réparation des palais et des séminaires épiscopaux sur le littera C
; c’est pour pouvoir imputer ces dépenses sur le littera C que M. le ministre
de la justice a changé aussi quelque peu la rédaction de ce littera ; au lieu
de : Subsides pour la construction et l’entretien des églises et presbytères,
il a mis : Subsides pour la construction et l’entretien des édifices servant au
culte.
Il est évident encore que
si la somme de 62,091 fr. 12 c., qui servait entièrement à couvrir
l’insuffisance du littera C n’avait pas été absorbée par les augmentations de
traitements, le chiffre du littera C aurait suffi pour faire face, comme par le
passé, à la construction et à l’entretien des églises et des presbytères.
En effet, messieurs, ce
chiffre a été augmenté, l’année dernière, de 50,000 fr. ; on nous propose de
l’augmenter encore d’autant, ces deux augmentations réunies équivalent à peu
près aux deux chiffres de 30,977 fr. 60 c. et de 62,091 fr. dont je viens de
parler ; si l’on n’avait pas chargé le littera C de la dépense de 30,977 fr. 60
c. qui était supportée par le littera A ; si on n’avait pas privé le littera C
de la somme de 62,091 fr. 12 c. qui lui venait précédemment en aide, le littera
C aurait continué à être suffisant.
J’ai dit tantôt que la
somme de 62,091 fr. 12 c. portée pour dépenses imprévues, servait entièrement à
couvrir l’insuffisance du littera C ; en effet, messieurs, on lit dans une note
insérée au tableau du budget de 1844, que les économies à provenir des
vacatures serviront à payer les traitements des coadjuteurs.
Vous voyez, messieurs,
que j’avais raison de dire que M. le ministre de la justice n’a sauve que les
apparences.
L’honorable M. Van Volxem
avait induit la chambre en erreur. L’honorable M. Van Volxem nous avait dit que
la somme de cent mille francs, qu’il demandait, serait employée à réparer les
tours d’églises ; en réalité elle devait être employée à payer les traitements
des nouveaux desservants.
M. le ministre de la
justice, à l’aide de certaines combinaisons, qui peuvent paraître plus ou moins
ingénieuses, mais qui, selon moi, manquent de franchise, a masqué en partie ce
qu’il y avait de faux dans la position.
La chambre ne peut pas
s’associer à un système que j’appellerai un système de déception. Si la chambre
croit qu’il y avait lieu d’augmenter le nombre des desservants, elle doit
augmenter directement, franchement, le crédit porté au budget pour le
traitement des desservants ; elle ne doit pas employer un moyen indirect ; elle
ne doit pas voter une augmentation sous le prétexte qu’il y aurait plus de
tours ou plus d’églises à réparer.
Je ne pense pas,
messieurs, qu’il y avait lieu d’augmenter, comme l’a fait l’honorable M. Van
Volxem, l’allocation destinée aux traitements du culte catholique. Cette
allocation a été considérablement augmentée depuis plusieurs années. En 1832,
si je ne me trompe, cette allocation n’était que de 3,390,670 fr. 89 c. Depuis
lors, l’augmentation a été d’environ 700,000 fr. Mais cette augmentation de
700,000 francs n’est qu’apparente ; l’augmentation réelle est de 1,100,000 fr.,
parce que le clergé des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg absorbait
environ 400,000 fr.
En 1840, l’augmentation
avait été assez sensible ; elle était, si mes souvenirs sont exacts, d’environ
300,000 fr. La section centrale fit quelques difficultés en 1840 d’allouer une
augmentation aussi forte. Mais elle se rendit aux observations de l’honorable
M. de Theux, alors ministre de l’intérieur, dans les attributions duquel se
trouvaient les cultes, qui donna l’assurance que le chiffre demandé serait un
chiffre normal, et qu’à l’avenir il ne serait plus augmenté.
En 1840, on demandait une
augmentation de 300,000 fr., en donnant l’assurance que ce chiffre ne serait
pas dépassé, et en 1842 on augmentait ce chiffre d’une somme annuelle de plus
de cent mille fr., sans consulter les chambres.
Messieurs, nous sommes
dans un moment où nous devons être très difficiles à admettre de nouvelles
dépenses. Vous connaissez l’état fâcheux dans lequel nos finances se trouvent.
On a été dans cette enceinte jusqu’à parler de faire une halte dans les travaux
publics ; on parle de réduire considérablement l’armée ; on ajourne de session
en session les augmentations demandées pour l’ordre judiciaire. Convient-il,
dans de pareilles circonstances, d’accorder au clergé, et surtout sans
consulter les chambres, une augmentation annuelle de plus de cent mille francs.
Je ne le pense pas, mais, quelle que soit l’opinion de la chambre sur ce point,
je pense qu’elle devrait au moins, avant de voter cette augmentation, exiger
que le gouvernement fît un rapport complet ; qu’il expliquât quels sont les
motifs qui l’ont engage à entraîner l’Etat dans cette dépense nouvelle.
J’aurai l’honneur de
proposer à la chambre l’amendement suivant :
« Je demande que
l’article relatif au culte catholique, soit divisé en trois articles et rédigé
comme suit :
« Art. 1er.
Traitement du cardinal-archevêque, des évêques, vicaires-généraux, chanoines,
directeurs et professeurs des séminaires, bourses et demi-bourses affectées aux
séminaires et subsides pour les travaux à faire au palais et séminaires
épiscopaux : fr. 434,800 »
« Art. 2.
Traitements des curés, desservants, chapelains et vicaires : fr.
3,221,247 »
« Art. 3. Subsides
pour la construction et l’entretien des églises et presbytères : fr.
250,000 »
« Total : fr.
3,906,047. »
Si la chambre adoptait
cet amendement, elle rétablirait l’état de choses existant à l’époque où
l’honorable M. Van Volxem a pris les arrêtés qui on érigé un grand nombre de
succursales ; l’augmentation temporaire de 50,000 fr. que la chambre a votée
l’année dernière, serait supprimée. Toutefois rien n’empêcherait la chambre de
voter plus tard l’augmentation nécessaire pour payer les nouveaux desservants.
Je ne demande pas
que la chambre préjuge aujourd’hui la question, je demande seulement qu’avant
de voter l’augmentation de dépenses, elle exige du gouvernement un rapport
complet et détaillé sur cette affaire.
Pour le cas où la chambre
aurait quelque répugnance à s’écarter de l’usage, suivi jusqu’à présent, de
confondre les allocations destinées au culte catholique dans un article unique,
je proposerai subsidiairement de voter un article unique, mais de n’admettre
que le chiffre de l’année dernière.
La chambre serait
également libre de voter plus tard les 50,000 fr. demandés, lorsqu’elle aurait
pris connaissance du rapport que le gouvernement devrait faire.
M. le ministre de
la justice (M. d’Anethan) - Messieurs,
puisque l’on a cru devoir m’accuser de manquer de franchise, il m’importe de
répondre à l’instant même au discours que vous venez d’entendre, pour prouver
combien cette accusation est peu fondée.
Messieurs, on n’a pas
contesté, en principe, le droit qu’a le gouvernement de créer des succursales.
Il aurait été, en effet, difficile de contester, en présence de la législation
si formelle qui régit cette matière ; on n’a pas non plus contesté d’une
manière bien positive l’utilité des créations qui ont eu lieu, et cela eût
également été fort difficile, en présence des rapports qui ont précédé ces
créations.
Les autorités civiles et
ecclésiastiques qui, aux termes de la loi de germinal an X, devaient être
consultées, où plutôt devaient se mettre d’accord sur la nécessité de la
création de nouvelles succursales, ces autorités ont fait connaître leur
opinion commune, et c’est à la suite de l’accord existant entre ces autorités
que les nouvelles succursales ont été autorisées.
Certes ces autorités
étaient le plus à même de savoir quels étaient les besoins de leurs administrés
respectifs ; et l’on peut avoir pleine confiance dans les rapports qui ont été
faits ; on peut être convaincu que le gouvernement n’a créé des succursales que
lorsque la nécessité en était parfaitement démontrée. Il existait et il existé
encore de nombreuses chapelles ; ces chapelles se trouvent dans des hameaux
dépendant de communes et même dans des commune qui n’ont pas encore d’église.
Dès l’instant où il était nécessaire d’organiser le culte dans ces chapelles, il
était nécessaire aussi de séparer l’administration de ces chapelles de celle
des églises dont elles avaient dépendu jusque-là.
Il est donc évident,
qu’il fallait changer ces chapelles en succursales, car les chapelains ont un
traitement tellement modique qu’il ne pourrait suffire pour leur procurer une
existence convenable. Or, dès qu’ils étaient chargés de fonctions semblables à
celles de desservants, il était de toute justice de les assimiler à ceux-ci
sous tous les rapports, ce qui ne pouvait avoir lieu qu’en élevant la chapelle
au rang de succursale. Si antérieurement il n’existait pas de chapelle, alors
un vicaire était nomme desservant de la nouvelle succursale, et sa place comme
vicaire n’était pas remplie à la succursale à laquelle il était précédemment
attaché, perdant de son importance et se trouvant diminuée de toute la partie
érigée en succursale nouvelle. Ainsi la diminution du nombre des vicaires
s’explique, et l’augmentation du nombre des desservants s’explique également.
En général, la création
d’une succursale est un avantage pour la commune, parce que la commune paye
ordinairement une indemnité au chapelain chargé de desservir le culte dans une
chapelle, et que cette indemnité n’existe plus dès que la chapelle est érigée
en succursale.
Il est vrai, messieurs,
que les succursales créées sous le ministère de mon prédécesseur sont en grand
nombre, mais les besoins du culte exigeaient impérieusement ces créations,
comme le prouve à l’évidence l’instruction qui a été faite à cet égard. Il y a
plus, c’est que l’on n’a pas même fait tout ce qui était nécessaire, car il
existe encore en ce moment 167 églises qui ne sont pas dotées, et 91 communes
qui n’ont même point d’église. J’ai ici la liste de ces églises et de ces
communes.
Il me paraît donc, messieurs,
que c’est bien à tort qu’on a reproché au gouvernement d’avoir créé ces
succursales ; en les créant le gouvernement a usé d’un droit que lui donne la
législature existante, et il a rempli un devoir que lui imposait la
constitution. Le gouvernement n’a fait ces créations que parce que la nécessité
en était reconnue et constatée pat les autorités auxquelles la loi confie cette
mission.
On a dit, messieurs, que
les tableaux que nous avons fournis n’étaient pas exacts parce qu’ils ne
cadraient pas avec d’autres tableaux émanés, je pense, de la députation
permanente du conseil provincial de Liége. Il m’est complètement impossible de
répondre maintenant à cette observation. Je devrais prendre des renseignements
à cet égard, afin de savoir de quel côté l’erreur peut exister. On comprend
aisément que je n’ai pas été compulser tous les dossiers relatifs à une
création antérieure à mon entrée au ministère ; je me suis contenté de me faire
fournir des notes sur ce qui avait été fait.
On a encore reproché au
gouvernement d’avoir agi d’une manière clandestine en ne publiant pas l’arrêté
relatif à la création des succursales dont il s’agit. Mais, messieurs, cet
arrêté ne devait pas être publié. Aux termes d’un avis du conseil d’Etat, du 23
prairial an XIII, l’arrêté devait tout simplement être envoyé aux gouverneurs
respectifs pour être transmis par eux aux communes qu’il intéressait. C’est ce
qui s’est toujours pratiqué, c’est ce qui a été reconnu légal par un arrêt de
notre cour de cassation. Je pense donc qu’il n’y a rien à objecter contre le
défaut d’insertion dans le Bulletin officiel et que la publication qui a été
donnée à l’arrêté, conformément à la législation existante, répond au vœu de
l’art. 129 de la constitution.
On a prétendu, messieurs
(et c’est dans la rédaction de cette partie du budget, que j’aurais dû employer
des manœuvres, que j’aurais dû manquer de franchise), on a prétendu que le
budget avait été rédigé, cette année, de manière à pallier en quelque sorte ce
qui avait été fait les années précédentes, en présentant les choses d’une façon
déguisée, sans indiquer sincèrement et exactement la destination des
allocations demandées.
Je pense, messieurs, que
la manière dont le budget est maintenant rédigé, indique au contraire la plus
grande franchise. Qu’avons-nous fait, en effet ? Dans le littera A, nous avons
porté les traitements du cardinal-archevêque et de tout le haut clergé, et nous
vous avons dit d’une manière bien franche : « Il nous faut 403,000 fr. pour les
traitements du haut clergé. » Nous n’avons pas parlé là de l’entretien des
palais épiscopaux, dépense plus ou moins imprévue, qui ne peut pas être fixée
d’avance d’une manière bien certaine ; mais nous avons calculé et demandé sans
détour ce qu’il fallait pour les traitement du haut clergé.
Quant au littera B, nous
avons agi de la même manière, en retranchant aussi les dépenses imprévues et
éventuelles, pour y porter uniquement, du chef des traitements des curés,
desservants et vicaires, une somme de 3,252,224 fr.
Ainsi, nous disons à la
chambre, et ce langage nous paraît bien franc : « Telle somme nous est
nécessaire pour le personnel du clergé, conformément aux tableaux qui se
trouvent dans les développements du budget. » Il me semble qu’il est impossible
d’agir avec plus de franchise que je ne l’ai fait dans cette circonstance, car
j’ai indiqué d’une manière bien positive quelle était la sommé demandée pour le
personnel du haut et du bas clergé.
Maintenant pour le
littera C, je porte 300,000 fr., avec une demande d’augmentation de 50,000 fr. pour
les tours, augmentation que j’expliquerai tout à l’heure.
La somme de 350,000 fr.
ne sera pas destinée à créer d’autres traitements. Elle n’a du reste jamais
reçu cette destination. Toujours, au contraire, ce sont les sommes devenues disponibles
par vacances d’emploi et portées aux littera A et B qui ont servi à compléter
l’insuffisance du littera C. L’on a d’ailleurs annoncé annuellement, dans les
développements du budget, que l’insuffisance de la somme demandée pour
réparations aux édifices servant au culte, serait couverte au moyen des fonds
qui pourraient devenir disponibles par suite de vacances d’emplois rétribués.
Nous pensons donc que les
craintes de l’honorable M. Delfosse ne sont pas fondées ; nous pensons surtout
qu’il est impossible de voir de ma part la moindre tactique, la moindre
intention de surprendre le vote de la chambre.
Maintenant je dois
entretenir la chambre de la demande que j’ai faite d’une somme de 50,000 francs
pour réparations aux tours des églises.
D’abord, je demande
300,000 francs destinés aux réparations des édifices servant au culte, et,
cette année, je majore cette somme de 50,000 francs. La somme de 300,000 francs
est à peine suffisante pour les édifices du culte proprement dits ; ce qui a
été payé pour des subsides de cette nature en 1842 et en 1843 le prouve jusqu’à
la dernière évidence. Si l’emploi de ces sommes était contesté, je pourrais
facilement prouver à la chambre que ces subsides ont été réellement accordés et
l’ont été d’une manière utile.
Les engagements qui ont
été contractés, en quelque sorte, par suite des subsides accordés l’année
dernière, me font prévoir que la somme de 300,000 francs sera à peine
suffisante pour parer aux besoins des édifices servant réellement au culte.
Messieurs, de nombreuses
demandes ont été adressées au gouvernement, à l’effet d’obtenir des subsides
pour réparer les tours d’églises, dont quelques-unes sont considérées comme
propriétés communales.
Il y a en effet des tours
qui, quoique faisant partie intégrante de l’église, ont été bâties par les
communes, sont entretenues par elles, et leur appartiennent. C’est du moins une
prétention qu’élèvent plusieurs localités, et notamment Anvers et Malines ;
cette prétention n’est pas contestée par le clergé.
Dès l’instant où ces
tours ne peuvent pas être considérées comme édifice destiné au culte, il m’est
impossible d’accorder un subside sur le crédit destiné aux réparations des
édifices servant au culte, et jusqu’à présent aucun subside pour réparer les
tours de cette catégorie n’a été accordé par le gouvernement.
L’on s’est adressé à M.
le ministre l’intérieur et on lui a demandé de considérer ces tours comme étant
des monuments ressortissant, dès lors, à son département ; mon honorable collègue
et moi, avons examiné à quel budget il était convenable de porter une somme
pour cet objet, et nous avons pensé, messieurs, qu’en raison de la nature mixte
de ces constructions, il était préférable de proposer une somme au budget de la
justice.
En effet, le ministre de
la justice ayant les cultes dans ses attributions et étant chargé d’accorder
des subsides aux provinces et aux communes qui en ont besoin, pour les aider à
reconstruire ou à entretenir les édifices destinés au culte, il parut fort naturel
de le charger en même temps de subsidier les communes et les provinces pour les
réparations aux tours faisant corps avec l’édifice religieux. En tout cas, que
ce soit le département de la justice ou celui de l’intérieur qui ait cette
attribution, la nécessité d’allouer cette somme n’en est pas moins réelle.
L’amendement de
l’honorable M. Delfosse ne me paraît pas pouvoir être accueilli par la chambre,
parce que, s’il était admis, il en résulterait une insuffisance dans le crédit
destiné aux traitements du personnel actuellement existant. Or, je ne pense pas
qu’il puisse entrer dans l’intention de la chambre de refuser des traitements à
des desservants légalement nommés et institués et qui sont en exercice depuis
un an : ce serait méconnaître la légalité et l’utilité des créations de
nouvelles succursales.
M. de Garcia. - Messieurs, si j’ai bien compris l’honorable M.
Delfosse, son discours avait surtout pour objet d’accuser M. le ministre de la
justice et son prédécesseur d’un défaut de franchise dans l’exposé des dépenses
du culte.
Je n’ai pas à prendre ici
la défense de M. le ministre de la justice qui, du reste, vient de donner des
explications satisfaisantes.
Mais je dois expliquer un
signe improbatif que j’ai fait, lorsque j’ai entendu l’honorable M. Delfosse
tirer une conséquence erronée, selon moi, de la supputation faite par lui sur
les frais de traitement des ecclésiastiques qui existent dans le pays.
L’honorable M. Delfosse,
vous disait : vous avez supprimé autant de vicaires, vous avez nommé autant de
desservants ; le nombre des vicaires supprimés dépasse le nombre des
desservants ; donc vous deviez nécessairement encore augmenter le chiffre des
desservants.
Voici maintenant pourquoi
je n’ai pu approuver la conséquence que l’honorable M. Delfosse a tiré de ses
calculs, que je suppose exacts ; sans les avoir vérifiés, nous devons d’abord
observer que beaucoup de vicaires ont été créés à raison du grand âge des
ecclésiastiques qui étaient appelés à desservir les paroisses, lorsque, par les
circonstances du temps, les ministres du culte manquaient. Sans vouloir les
mettre à la pension, force a été de leur donner un aide, pour remplir
convenablement leur ministère. Dans cet état, de ce qu’on a supprimé des chapelains
et des vicaires, plus qu’on a érigé de desservants, l’on ne peut inférer qu’il
faudra, à ce point de vue, augmenter le nombre des desservants. La plupart des
curés aujourd’hui en exercice sont jeunes et peuvent suffire aux besoins du
culte sans qu’on leur adjoigne des vicaires. Sous ce rapport je pense donc que
la conclusion tirée par M. Delfosse, de la supputation de la suppression des
vicaires et des chapelains, n’est ni exacte, ni nécessaire.
Puisque j’ai la parole,
je présenterai quelques observations sur le fond de l’amendement qui a été
présenté par l’honorable préopinant. Cet amendement, qui d’abord semblait
n’avoir pour objet que de critiquer le défaut de franchise dans le
gouvernement, en définitive, aurait pour conséquence d’amener la suppression
d’une partie du traitement accordé à des desservants et dès lors la suppression
même de ces desservants.
Messieurs, le nombre des
desservants et des vicaires qui existent dans le pays est indispensable, selon
moi ; je ne puis mieux le prouver qu’en signalant la peine avec laquelle les
communes ou les fractions de commune obtiennent le concours du gouvernement
pour atteindre le but qui souvent reste longtemps l’objet de leurs désirs.
Notez-le bien, messieurs, les communes doivent faire une partie de ce
traitement, et ce n’est pas de gaieté de cœur que des citoyens déjà chargés
d’impôts considérables, iront sacrifier leurs écus pour payer un ministre des
cultes qui leur serait inutile. Messieurs, la religion est une des choses les
plus sacrées pour le peuple ; sa conservation, un devoir aussi sacré pour le
gouvernement, et vous ne pouvez répondre par un refus à ceux qui réclament des
mesures pour l’usage et le libre exercice de leur culte, quand une commune vous
demande un desservant.
Lorsqu’une fraction de
paroisse est éloignée du chef-lieu d’une demi-lieue ,de trois quarts de lieue,
lorsque des mères du famille ne peuvent se transporter à l’église de la
paroisse sans laisser à l’abandon leurs enfants en bas âge, n’y aurait-il pas
inhumanité, injustice à refuser des desservants ou des vicaires à des localités
qui sont dans une semblable position ? Il y aurait là une injustice manifeste,
il y aurait violation de la constitution qui fait à la nation un devoir de
salarier les ministres du culte. Je suis partisan des économies mais je ne les
veux que rationnellement, et dans notre pays celles du culte sont loin de
dépasser les justes limites.
Depuis que j’ai l’honneur
de siéger dans cette enceinte, j’ai été un de ceux qui ont réclamé le plus
vivement des économies ; j’ai toujours cru que nos budgets devaient être mis en
équilibre par des économies plutôt que par des charges nouvelles ; mais je veux
des économies justifiées par la raison. L’économie qu’on propose maintenant ne
me paraît pas avoir ce caractère.
D’après l’exposé qu’a
fait M. le ministre de la justice, certaines communes sont encore privées
d’église et de desservant, je crois dès lors qu’il sera encore nécessaire
d’augmenter cette dépense, et vous ne pourriez reculer devant le vote de cette
augmentation, sans commettre la plus grande injustice, sans commettre une
inconstitutionnalité.
Je connais plusieurs
localités qui, après des sollicitations réitérées, et moyennant un concours
pécuniaire convenable, ont obtenu des desservants ; je dis, moi, que le gouvernement
a bien mérité des habitants de ces localités en leur accordant son concours et
leur donnant ce qu’elles demandaient. Les besoins de conscience des citoyens
peuvent-ils être mieux appréciés par personne que par les intéressés eux-mêmes
qui, du reste, se soumettent ainsi à des sacrifices pécuniaires assez pénibles.
Messieurs, je n’en
dirai pas davantage sur le fond de la question ; mais M. le ministre de la
justice, en terminant sa réponse au discours de l’honorable M. Delfosse, a dit
que le gouvernement avait préféré porter 50 mille fr. au budget de la justice,
pour réparation de monuments mixtes et de tours, plutôt que de laisser ces
réparations à la charge du département de l’intérieur. Je demanderai au
gouvernement si, jusqu’à ce jour, il n’a pas été accordé, par le département de
l’intérieur, des subsides pour la réparation de ces tours.
M. Van Volxem. - Messieurs, j’avais demandé la parole pendant que
l’honorable M. Delfosse parlait ; M. le ministre de la justice ayant pris la
parole avant moi, a donné les explications que je me proposais de présenter. Je
crois cependant devoir ajouter quelques mots.
Je crois que l’arrêté que
j’ai eu l’honneur de soumettre à la signature du Roi, à l’effet d’établir des
succursales, était parfaitement légal. Toutes les prescriptions de la loi du 18
germinal an X ont été observées. Cette loi exige que les évêques et les préfets
s’entendent sur la nécessité de créer des succursales, et quand ils sont
d’accord, c’est au gouvernement à examiner s’ils sont restés dans des bornes
convenables. C’est ce qui a eu lieu avant de prendre l’arrêté qui a été
critiqué. Les autorités provinciales et ecclésiastiques ont été consultées sur
les nombreuses demandes qui avaient surgi de toutes parts, à l’effet d’établir
des succursales. Ce n’est pas cependant que j’aie voulu profiter de mon passage
au ministère pour les créer, car depuis longtemps cette affaire était à
l’instruction, et la législature en avait si bien connaissance, que sur la
proposition du gouvernement, il avait déjà été porté au budget de 1840 une
somme dont je ne me rappelle pas le chiffre, à l’effet d’augmenter le
traitement des desservants et aussi pour subvenir à la création de nouvelles
succursales. Depuis lors, l’affaire a été instruite, et ce n’est que dans le
courant de 1842 qu’elle est parvenue à maturité. C’est alors que l’arrêté a été
pris.
Je pense qu’en créant le
nombre de succursales dont on a parlé, on n’a pas encore répondu à tous les
besoins. Ainsi que l’a fait observer M. le ministre de la justice, 258 églises
sont sans desservant et 91 localités chefs-lieux de communes sont privées de
toute église. Ne serait-il pas convenable, ne serait-il pas juste de pouvoir
aux besoins du culte dans ces localités ? Je pense que la réponse négative
n’est pas possible.
On m’a reproché d’avoir
manqué de franchise, de loyauté, en m’abstenant de faire connaître les arrêtés
établissant des succursales. Ainsi que M. le ministre de la justice l’a fait
observer, la publication de ces arrêtés n’était pas nécessaire, n’était pas
usitée ; on s’est borné à faire en 1842 ce qu’on avait toujours fait jusque-là.
On n’a pas augmenté en
1843 le chiffre pour le traitement des desservants ; mais, comme on prévoyait
qu’on devrait employer ce qui était destiné aux honoraires du clergé à des
travaux de construction, il était nécessaire de faire ce que nous avons fait,
de demander une augmentation pour les constructions. Nous n’avons pas induit la
chambre en erreur. Aucune observation n’a été faite. Nous n’avons pas détourné
des fonds destinés aux constructions pour les employer en traitements ; au
contraire ce sont les sommes destinées aux traitements qui ont été employées
aux besoins des constructions.
Je pense que ce
qui a été fait en 1842, dont la légalité est parfaitement justifiée, a répondu
aux vœux des communes, aux vœux des autorités provinciales, aux vœux des
autorités ecclésiastiques, ainsi qu’aux vœux de la législature, puisqu’elle
avait, en 1840, vote des fonds pour cet objet.
Je crois pouvoir m’abstenir
d’entrer dans d’autres détails à ce sujet.
(Moniteur belge n°12, du 12 janvier 1844) M.
Verhaegen. - Messieurs, je
reconnais volontiers les services qu’a rendus et que peut rendre encore au pays
le bas clergé, lorsqu’il se renferme dans les limites de son saint ministère ;
aussi, loin de contester les allocations portées au budget pour les desservants
et les vicaires, je m’empresse de déclarer, comme je l’ai fait déjà à plusieurs
reprises, que si l’insuffisance des traitements à l’égard de tous ou de
quelques-uns d’eux m’était démontrée, je n’hésiterais pas à appuyer des
demandes de majorations qui seraient faites en leur faveur. C’est sur les bancs
où j’ai l’honneur de siéger que, de tous les temps, le bas clergé a trouvé des
marques de sympathie ; en combattant les exigences incessantes des sommités
ecclésiastiques, nous n’avons cessé de défendre les intérêts et les
prérogatives des vrais pasteurs.
Aujourd’hui encore, la
critique que nous faisons de l’érection des 351 nouvelles succursales, en une
seule année, justifie les protestations de plusieurs anciens desservants dont
les droits acquis n’ont pas été respectés et qui, par suite, ne peuvent plus
subvenir à leurs besoins, et à ce point de vue nous nous posons encore les
défenseurs de cette partie si intéressante du bas clergé.
Examinons maintenant,
sans autre préambule, à quelle autorité compète le droit d’ériger des églises,
de créer des succursales ?
La liberté des cultes et
l’indépendance du clergé, qui en est le corollaire, n’ont rien de commun avec
les intérêts de la religion qui continuent, comme chose mixte, d’être réglés
par l’autorité civile et par l’autorité ecclésiastique. Si l’autorité civile
doit intervenir dans l’érection des églises, c’est uniquement à cause des
intérêts temporels qui s’y rattachent.
Les lois nouvelles sur
cette matière sont calquées sur le droit ancien : dans les Pays-Bas
autrichiens, il était défendu d’ériger aucune église, chapelle, maisons
pieuses, fondation, etc., sans le consentement de Sa Majesté. Placard du 15
septembre 1753, art. 2.
Mais le concours du
gouvernement suffit-il dans tous les cas ?
En d’autres termes, le
gouvernement peut-il, par arrêté royal, en se basant sur les art. 60 et 61 de
la loi organique du 18 germinal an X, établir une succursale dans un village où
il y a déjà une église succursale pour une population souvent minime ?
Peut-il, par arrêté
royal, ériger un chapelle en église ?
Ces questions, très importantes
par elles-mêmes, acquièrent une importance nouvelle, par suite des empiètements
incessants de certain parti.
Le haut clergé voulant
multiplier partout le nombre de ses créatures, et se donner au besoin des
agents actifs, aux frais de l’Etat, s’occupe depuis quelque temps, sans l’aveu
préalable des autorités compétentes, d’ériger en églises paroissiales ou
succursales de simples chapelles qui se trouvent disséminées dans les villages.
MM. les gouverneurs
(celui du Brabant surtout) s’empressent de nommer aussitôt des conseils de
fabrique auprès de ces chapelles devenues des églises par la toute puissance
cléricale ; et le ministère de sanctionner ensuite !
Les prêtres attachés à
ces anciennes chapelles en qualité de vicaires sont élevés au grade de curés ou
de desservants, au gré du haut clergé : on leur adjoint ensuite des vicaires,
et l’Etat intervient pour payer les nouveaux appointements qui sont abandonnés
au libre arbitre de l’épiscopat au point qu’on a vu dans une commune, quelque
petite que fût sa population, ériger autant d’églises qu’il y avait de
chapelles.
D’une telle pratique qui
n’a trouvé jusqu’ici, dans les agents du gouvernement, que des approbateurs, il
résulte que le haut clergé a plein pouvoir pour couvrir
Heureusement tout cela
est profondément illégal et l’autorité judiciaire, qui a eu récemment à
s’occuper de ces questions, l’a déclaré tel ; mais pourquoi le ministre de
l’intérieur, qui est toujours aux aguets, pour casser les décisions d’un
conseil communal, ayant ordonné la publicité de ces séances, par exemple, en
ayant pris des mesures paraissant tant soit peu libérales, a-t-il laissé
subsister les arrêtés illégaux par lesquels des gouverneurs nomment de
prétendus conseils de fabrique auprès de prétendues églises ? Singulier conflit
entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire. Serait-ce peut-être
parce que la magistrature se montre trop indépendante, qu’on la traite si mal
et qu’on refuse constamment de faire droit à ses justes réclamations ! !
Pourquoi le ministre
lui-même paie-t-il un curé et un vicaire institués par l’évêque auprès d’une
église de sa fabrication, alors que l’art. 15 du concordat du 26 messidor an
IX, ne reconnaît les prêtres attachés à une chapelle que comme vicaires ?
L’évêque peut nommer des curés honorifiques autant que cela lui plaît, mais le
pouvoir civil ne peut reconnaître comme tels que ceux reconnus par la loi
civile.
Il y a plus : le
gouvernement devrait s’opposer, autant qui est en son pouvoir, à ce que des
hameaux ayant eu antérieurement une chapelle soient érigés en paroisses, en
communes séparées, quant au spirituel, car ces séparations troublent l’ordre et
la bonne harmonie, suscitent des haines et rendent impossible l’administration
d’un conseil communal sur un village et un hameau devenu aussi un village,
quant au spirituel, par l’établissement d’une église, d’un conseil de fabrique,
d’une cure, etc., etc.
Mais, loin de s’opposer à
ce morcellement, le gouverneur du Brabant surtout le protège là où il en trouve
l’occasion : c’est ainsi qu’il a fait à Lasnes, où
une ancienne masure fermée depuis un temps immémorial s’est vue tout à coup
convertie en église avec tous ses accessoires, c’est ainsi qu’il a fait à
Saintes, ou la chapelle de Wisbeck a été érigée en
succursale, malgré les protestations du conseil communal, qui refuse
aujourd’hui (et à juste titre) de porter dans son budget les frais de
construction du nouveau presbytère, se montant à 10,000 fr.
A Lennick-St.-Quentin,
il a fait plus encore ; d’abord il a nommé un conseil de fabrique auprès de
l’ancienne chapelle d’Eyseringen. Ensuite, après que
l’archevêque avait déterminé le territoire de cette nouvelle église, de cette
succursale, il a suivi la même démarcation, et il a ordonné, d’après la loi
communale étrangement interprétée, que ce hameau, quant au civil, paroisse,
quant au spirituel, aurait au conseil communal de Lennick
le même nombre de membres que le reste du village ; cependant Eyseringen ne possède, même d’après la division de
l’évêque, qu’un tiers de la population de Lennick-St.-Quentin,
et à peine le quart des électeurs.
Le conseil communal a
protesté auprès du gouverneur contre cette violation de la loi, mais en vain ;
le gouverneur a tenu bon, et le ministère a laissé faire.
Une pétition à la
législature circule en ce moment, et vous en serez saisis sous peu de jours.
Ne sont-ce pas là de
véritables séparations de communes pour lesquelles il faut une loi ?
Mais nous l’avons dit,
toutes ces créations d’églises, ces érections de chapelles en succursales sont
illégales ; les dispositions de loi invoquées pour justifier les arrêtés royaux
qui font l’objet de notre critique sont sans force aujourd’hui, ou au moins
sont inapplicables à l’espèce.
Elles sont sans force ;
car si le haut clergé, lorsque son intérêt l’exige, peut rejeter, comme abrogés
par la constitution belge, et le concordat et la loi organique du 18 germinal
an XI, il doit aussi être permis aux communes de se soustraire à l’application
de ces lois anciennes, abrogées par la loi communale en tant qu’elles les
soumettraient malgré elles à des obligations exorbitantes.
Dans tous les cas, ces
lois sont inapplicables à l’espèce.
Les arrêtés que nous
critiquons sont uniquement basés sur les articles 60 et 61 de la loi du 18
germinal an X, ainsi conçus :
« Art. 60. Il y aura
au moins une église par chaque justice de paix.
« Il sera établi autant
de succursales que le besoin pourra l’exiger. »
« Art. 61. Chaque évêque,
de concert avec le préfet, réglera le nombre et l’étendue des succursales ; les
plans arrêtés seront soumis au gouvernement, et ne pourront être mis à
exécution sans son autorisation. »
« Art. 62. Aucune
partie du territoire français ne pourra être érigée en cure ou succursale sans
l’autorisation expresse du gouvernement. »
Quelle est la portée de
ces dispositions ?
L’art. 60 fixe, en
principe, l’établissement d’une paroisse par justice de paix, comme le décret
des 12 juillet-24 août 1790 en avait établi une par 6,000 âmes.
Mais plusieurs villages,
même le plus grand nombre, restant privés de temples, par une telle
disposition, l’art. 61 statua que, sur le rapport de l’évêque et du gouverneur,
on établirait autant de succursales que les besoins pourraient l’exiger,
d’après des plans arrêtés soumis au gouvernement, et qui ne pourraient être mis
à exécution sans son autorisation.
Il s’agit dans ces
articles de plans généraux à faire pour servir à la distribution des
succursales entre les communes où il n’y avait pas d’églises paroissiales, il
s’agit de dispositions générales réglementaires pour tout le pays vu dans son
ensemble. Certes, ces articles ne contiennent pas l’autorisation d’établir des succursales
selon le bon plaisir du ministère, d’en établir plusieurs, l’une à côté de
l’autre, et tout à fait en dehors ou contrairement aux plans arrêtés.
M. le ministre de la
justice nous a dit, il n’y a qu’un instant, qu’il y a encore dans le pays 258
églises non dotées et 91 communes sans églises, et cependant son prédécesseur,
M. Van Volxem, pendant son court passage au ministère, a créé 351 succursales
nouvelles dans des communes déjà pourvues d’églises ! N’est-ce pas là la preuve
évidente que la loi a été violée et qu’il aurait fallu avant tout une
circonscription générale, des plans généraux propres à apprécier dans leur
ensemble les besoins de toutes les localités sans exception, mis en parallèle
avec les ressources du budget ?
C’est conformément à cette
interprétation qu’il a toujours été procédé ; on a même évité, autant que
possible, la multiplicité des succursales en cherchant à réunir plusieurs
communes sous une seule.
Le décret du 11 prairial
an XII, d’abord, contient à ce sujet d’utiles renseignements.
Art. 1er de ce décret. «
Conformément aux articles 60 et 61 de la loi du 18 germinal an X, les évêques,
de concert avec les préfets, procèderont à une nouvelle circonscription des
succursales, de manière que leur nombre ne puisse excéder les besoins des
fidèles. »
Art. 2. « Les préfets
demanderont l’avis des communes intéressées, à l’effet de connaître les
localités et toutes les circonstances qui pourraient déterminer la réunion des
communes susceptibles de former un seul territoire dépendant de la même
succursale. »
Art. 3. « Les plans de la
nouvelle circonscription seront adressés au conseil d’Etat et ne pourront être
mis à exécution qu’en vertu d’un décret impérial. »
Art. 4. « Jusqu’à ce
que les nouveaux plans de circonscription aient été rendus exécutoires, les
desservants des succursales existantes jouiront d’un traitement de 500 francs.
»
Evidemment il s’agit de
plans généraux, de mesures générales en rapport avec les besoins de toute la
France, et n’oublions pas que ce décret impérial du 11 prairial an XII, comme
les autres décrets dont nous allons parler, à force de loi à défaut d’avoir été
attaqué dans les dix jours par le sénat conservateur.
Maintenant on ne voulait
pas même accorder une succursale par commune ! Si les communes non comprises
dans les états fixés voulaient maintenir une succursale, elles devaient en
supporter les charges, conformément à l’art. 2 du décret impérial du 5 nivôse
an XIII, ainsi conçu : « Le payement des desservants et vicaires des
autres succursales (celles non comprises dans les plans annexés au décret du 11
prairial an XII) demeure la charge des communes.
Or, ces plans annexés au
décret du 11 prairial an XII étaient des plans généraux.
Vint ensuite le décret du
30 septembre 1807, qui augmenta encore le nombre des succursales, mais toujours
aux termes des art. 61 et 62 de la loi du 18 germinal an X, d’après des plans
généraux, arrêtés par une disposition générale, c’est-à-dire, par un travail
d’ensemble ; le nombre en fut porté de 24,000 à 30,000, et on le répartit de
manière que la totalité des succursales mises à la charge du trésor public
comprenait la totalité des communes des départements. (Voyez art. 1, 2, 3 et 4
de ce décret.)
Après quoi l’art 7 porte
que : « Les titres des succursales, tels qu’ils étaient désignés dans les états
approuvés par l’empereur, ne pourraient être changés ni transférés. »
Preuve irrécusable,
encore une fois, qu’il s’agissait de plans généraux, de travaux généraux
auxquels il ne pouvait être dérogé par des travaux particuliers ; mais l’art. 8
de ce décret mérite surtout de fixer l’attention de la chambre, il porte :
« Dans les paroisses ou
succursales trop étendues et lorsque la difficulté des communications
l’exigera, il pourra être établi une chapelle. »
Cet article confirme tout
ce que nous avons dit quant à la nécessité de mesures générales, de plans
généraux pour la circonscription des succursales, puisqu’il ne permet au
gouvernement, par mesure spéciale, que l’établissement d’une chapelle, et
encore seulement lorsque la paroisse ou la succursale existante est trop
étendue et lorsque la difficulté des communications l’exige.
En résumé, sur ce point,
la loi du 18 germinal an X, organique du concordat, a décrété une paroisse par
justice de paix (art. 60), comme la loi du 12 juillet-24 août 1790 avait
décrété une paroisse par six mille âmes.
Le décret du 11 prairial
an XII a permis l’établissement de succursales d’après des plans généraux et
par des dispositions générales, de manière que souvent plusieurs communes
formaient le territoire d’une seule succursale. Art. 2 du décret.
Le décret du 30 septembre
1807 (art. 2) a augmenté le nombre des succursales, toutefois de manière qu’il
n’y en eût jamais plus qu’une par commune.
Mais était-on autorisé à
établir plusieurs succursales par commune, comme on l’a fait depuis quelque
temps, en vertu des articles 60 et 61 de la loi du 18 germinal an X ?
Evidemment non ; car, comme nous l’avons déjà dit, le décret du 30 septembre
Quand dans un village, où
il se trouvait déjà une succursale, le gouvernement a encore établi, par arrêté
royal, une chapelle, il a rempli tous ses devoirs et il a aussi épuisé tous ses
droits résultant des articles 60 et 61 de la loi du 18 germinal an X, et des
articles 8 et suivants du décret de 1807. La chapelle ainsi établie est devenue
une dépendance de l’église principale. (Art. 13 du décret de 1807.) C’est une
propriété de l’église, et c’est porter atteinte aux droits acquis de celle-ci,
que de lui enlever une partie de son être et en même temps une partie de ses
revenus et de ses ressources.
Le droit de propriété est
sacré, aussi bien par rapport aux personnes civiles que par rapport aux
particuliers.
Le gouvernement n’a donc
plus aucun droit à exercer sur une chapelle qu’il a érigée, pour pourvoir à
l’insuffisance d’une succursale, à moins que les circonstances ne viennent à
changer et ne nécessitent l’érection du hameau où la chapelle est établi en un
village distinct ; mais en ce cas, il faut l’intervention de la législature.
En privant l’église
préexistante d’une partie de sa propriété, on nuit aussi à la commune qui doit
suppléer à l’insuffisance des revenus de la fabrique (art. 92 du décret du 30
décembre 1809). En établissant une église à la place d’une chapelle, on double
les charges, on force la commune à construire un nouveau presbytère, etc.
Enfin, en multipliant les
succursales dans un même village, on froisse des intérêts, on fait appel aux
passions, on soulève des haines, des animosités, on trouble le repos public ;
et les ministres du culte, ces hommes de paix et charité ne sont pas à même à
l’abri de cette tourmente, toujours inséparable, du choc des intérêts matériels
; ne voit-on pas des anciens desservants, privés d’une grande partie de leur
casuel par l’érection de nouvelles succursales à côté de leurs églises, vivre
en état d’hostilité avec des hommes que l’épiscopat leur a, en quelque sorte,
adjoints. Je connais dans la province de Brabant un ancien desservant dont le
casuel montait annuellement à au-delà de deux mille francs, et qui, par
l’érection de deux nouvelles succursales, dans le même village, en touche
aujourd’hui à peine deux cents. Cela est-il juste ?
Mais encore une fois tout
cela est illégal ? La cour de Bruxelles, deuxième chambre, par un arrêt
solennel rendu au mois de novembre dernier, et qui se trouve dans
Messieurs, les
observations que je viens de vous soumettre ne resteront pas sans résultat. M.
le ministre de la justice, j’ose l’espérer, s’arrêtera devant un arbitraire
effrayant pour les communes qu’on grève de charges énormes, effrayant aussi
pour les anciens desservants qu’on prive d’une partie de leurs moyens
d’existence. En nous donnant des détails sur toutes les succursales érigées
depuis 1830, et en nous signalant les motifs qui ont dirigé le gouvernement, il
nous mettra à même en vertu de notre droit d’initiative, de réparer les
injustices qui pourraient avoir été commises et de faire ces plans généraux, ce
travail d’ensemble qui aurait dû être fait dès le principe.
Encore une fois, qu’on le
sache bien, nous ne voulons pas porter atteinte aux droits du clergé et surtout
du bas clergé, nous sommes, au contraire, ses défenseurs les plus zélés ; nous
voulons pour les desservants comme pour les curés des traitements convenables,
et pour arriver à ce but, nous voulons, entre autres, qu’on respecte des droits
acquis sous le rapport des délimitations de territoire et du casuel qui en est
la conséquence. En un mot, nous voulons pour ces desservants une position
matérielle, assurée et indépendante. Nous voudrions plus encore, nous voudrions
que la position des desservants, à l’instar des curés primaires, fut assurée
d’une manière plus large, conformément aux lois canoniques ; c’est dire assez
que nous voudrions voir consacrer en principe leur inamovibilité.
D’après tous les canons,
le prêtre à charge d’âmes est inamovible, sinon par suite de jugement
ecclésiastique.
Les conciles ont établi
qu’en première instance un diacre ne pouvait être jugé que par trois évêques,
un prêtre par six, un évêque par douze « a tribus vicinis
episcopi si diaconus sit, presbyter a sex, si episcopus a duodecim » ; un seul évêque ne pouvait ni destituer ni
déplacer un prêtre quelconque à charge d’âmes.
Un écrivain dont on ne
retirera pas la doctrine, a dit ; « Qu’un droit immuable comme Dieu dont il
émane, demande que tout empire soit réglé par des lois et que quelle
qu’autorité, quelle que puissance même qu’on puisse prétendre, on regarde
encore ces lois comme bien au-dessus. »
Que « l’Eglise chrétienne
sujette comme toute autre société à cette loi nécessaire et imprescriptible,
après avoir pourvu avec tant de sagesse à l’entretien de ses ministres, n’a pas
dû ni pu permettre que leur personne et leur honneur fussent livrés à la
volonté et au bon plaisir de personne ; que dans tous les cas elle les a mis à
couvert du caprice et de la passion d’une autorité bien respectable sans doute,
mais qui peut devenir injuste et prévenue, en les entourant de sa protection
d’une jurisprudence aussi douce qu’éclairée, aussi sage que paternelle. »
Il est vrai que le
concordat et la loi du 18 germinal an X n’ont proclamé que l’inamovibilité des
curés primaires en abandonnant aux évêques la révocation et le déplacement des
desservants, et encore dans certains diocèses on a trouvé le moyen de rendre
les curés primaires amovibles en leur faisant signer des déclarations à cette
fin, lors de leur promotion, comme si ces promotions étaient un trafic.
Mais si le concordat et loi
organique ont donné aux évêques certains droits que leur refusaient les lois
canoniques, ils ont mis à l’exercice de ces droits plusieurs restrictions.
Les évêques ne pouvaient
manifester leur choix ni donner l’institution canonique avant que la nomination
eût été agréée par le chef de l’Etat.
Aucun étranger ne pouvait
être employé dans les fonctions du ministère ecclésiastique sans la permission
du gouvernement.
Les curés ne pouvaient
entrer en fonctions qu’après avoir prêté, entre les mains du préfet, le serment
prescrit par le concordat.
Enfin, si les desservants
pouvaient être révoqués ou suspendus par l’épiscopat, ils avaient au moins
l’appel comme d’abus au conseil d’Etat.
Aujourd’hui, toutes ces
restrictions, toutes ces entraves ont disparu depuis la révolution belge.
Aujourd’hui la nomination et l’installation des curés et desservants appartient
exclusivement à l’autorité ecclésiastique supérieure comme celles des autres
ministres du culte. Art. 16 de la constitution. Il n’existe plus d’appel connu
d’abus.
Mais si la constitution
de
L’inamovibilité
d’ailleurs ne tient-elle pas à l’essence du saint ministère dont les prêtres à
charge d’âmes sont revêtus ?
Le desservant, comme le
curé, n’est-il pas, comme on l’a dit souvent, le père des fidèles confiés à ses
soins ? Est-il naturel et raisonnable qu’un père se sépare de sa famille et
qu’il abandonne ses enfants ? La raison comme la nature ne demandent-elles pas,
au contraire, qu’il leur reste inséparablement uni jusqu’à la fin de ses jours
?
« Le vrai pasteur,
dit l’écrivain que j’ai cité tantôt, connaît ses brebis et il est connu
d’elles, il doit donc connaître le terrain où il opère, les bonnes et les
mauvaises qualités des personnes qu’il instruit ; le temps seul peut le mettre
à même de remplir sa tâche, l’inamovibilité est donc indispensable.
« Le bon pasteur
doit être généreux, charitable, son bien doit appartenir à son troupeau ainsi
que sa personne, le fruit de son ministère et à ce prix, et il ne fera jamais
grand bien s’il ne possède pas ces qualités si précieuses aux yeux du peuple.
« Pour avoir ces
qualités, il faut qu’il soit inamovible et non destituable.
« Privé de toute
ressource assurée pour l’avenir, pouvant à chaque instant perdre son état, se
voir jeter sur le pavé et réduit à la misère, ne doit-il pas d’abord penser à
lui, s’occuper de lui, songer à faire quelques économies sur son modique
traitement, afin de se ménager une ressource et de ne pas manquer de nécessaire
dans la vieillesse ? »
A ces considérations si
puissantes, je me permettrai d’en ajouter une dernière : Le vrai pasteur doit
rester étranger aux affaires de ce monde, il doit ne pas pousser les passions
politiques, car il est le père de tous, quelle que soit leur opinion. Pour
remplir ce rôle si beau et si nécessaire au bien-être de la religion, il
faudrait que tous les curés et desservants fussent inamovibles et qu’ils
n’eussent rien à craindre de la colère de leurs supérieurs lorsqu’ils ne
croient pas devoir exécuter des ordres concernant des affaires purement
temporelles. Nous pourrions citer plus d’un exemple de cette malheureuse
influence toujours croissante de l’épiscopat sur le bas clergé pour des objets
étrangers au spirituel.
En terminant, je prierai
M. le ministre de l’intérieur de communiquer à la chambre :
1° Un tableau de toutes
les succursales érigées depuis 1830 avec indications des motifs qui ont dirigé
le gouvernement ;
2° Un tableau de toutes
les congrégations de sœurs hospitalières autorisées depuis la même époque,
conformément au décret du 18 février 1809,
Par exception à la règle
générale, le décret autorise la personnification civile pour les sœurs
hospitalières, et, d’après son article 10, toute transmission de propriété au
profit de ces congrégations n’est soumise qu’à un droit fixe d’un franc
Je suis loin de me plaindre
de ces faveurs accordées à des congrégations qui rendent de grands services à
l’humanité souffrante et qui méritent toutes nos sympathies, mais je crains
qu’on ne fasse abus du décret du 18 février 1809, et mon but est de l’empêcher.
Il n’y a de sœurs hospitalières,
dans le sens du décret, que pour autant qu’elles soient attachées à un hôpital.
Or, si mes renseignements sont exacts, plusieurs corporations prenant le titre
de congrégations de sœurs hospitalières sans en remplir les fonctions, sans
même avoir un hôpital, auraient obtenu la faveur de la personnification civile.
Le tableau que je réclame
du gouvernement dissipera tout doute à cet égard. M. le ministre de la justice
voudra bien ne pas perdre de vue qu’aux termes de l’art. 10 du décret, les congrégations
des sœurs hospitalières doivent lui remettre tous les ans les comptes de leurs
revenus. Je lui demanderai si ces comptes ont été remis.
Enfin 3°, je
demanderai à M. le ministre un état de toutes les corporations religieuses
existantes en Belgique. D’après le dernier annuaire fait en 1840, il y en avait
413. Il paraît qu’aujourd’hui il y en a près de 1,800 !
Je sais que les
associations sont libres, et loin de moi d’y porter la moindre atteinte ; je
sais aussi que le gouvernement n’a pas à intervenir dans la formation de ces
associations, mais les polices locales doivent être informées de leur existence
et surveiller tout ce qui tient au bon ordre et à la liberté individuelle ; ces
polices n’ont-elles pas un centre ? ce centre n’est-il pas au ministère de la
justice ?
(Moniteur belge n°11, du 11 janvier 1844) M. le ministre de la justice (M. d’Anethan) - Je répondrai d’abord aux trois demandes que m’a adressées,
en terminant, l’honorable M. Verhaegen, et je prouverai à la chambre que, quoi
qu’en pense l’honorable M. Delfosse, j’agis toujours avec la plus grande
franchise ; je promets donc bien volontiers à l’honorable M. Verhaegen de
mettre sous les yeux de la chambre les deux premiers tableaux qu’il demande,
c’est-à-dire, le tableau de toutes les chapelles érigées en succursales, ainsi
que celui des établissements de sœurs hospitalières qui ont été autorisés. Je
puis également lui donner l’assurance que toutes les prescriptions du décret de
1809, qui sont encore en vigueur, sont observées.
Quant au troisième point,
l’honorable M. Verhaegen demande l’état de toutes les corporations qui habitent
le pays. Je ne sais à quelles corporations l’honorable membre fait allusion.
S’il y a des personnes qui s’associent sans que le gouvernement soit appelé à
autoriser leur association, comment puis-je les connaître ? Je ne puis donc
fournir à cet égard aucun tableau. Je ne puis donner qu’un tableau des
corporations autorisées par la loi, et quant à ce tableau, je m’engage avec
plaisir à le fournir.
L’honorable M. Verhaegen
a dit que j’avais violé et faussé la loi. C’est un reproche qui doit, sans
doute, m’être sensible, à moi qui ai fait partie pendant seize ans de cette
magistrature dont, à si bon droit, l’honorable M. Verhaegen proclame
l’indépendance.
Messieurs, je pense
pouvoir facilement établir devant la chambre que je n’ai aucunement violé ni
faussé la loi, et que, suivant ce qui a été fait par tous mes prédécesseurs
depuis 1830, je ne suis pas sorti des voies de la légalité.
L’honorable M. Verhaegen
trouve que la loi de l’an X condamne ce que nous avons fait. Il dit ensuite que
nous créons des personnes civiles, tandis que nous n’en avons pas le droit ; et
argumentant de ces deux propositions, il en conclut que nous avons doublement
contrevenu aux dispositions légales.
Messieurs peu de mots me
suffiront pour répondre aux arguments de l’honorable M. Verhaegen. Je puiserai
ma réponse dans la loi elle-même, dans la saine interprétation de ses
dispositions. Que les fabriques d’église soient personnes civiles, cela est
évident, mais comme le gouvernement tire de la loi (ce que je démontrerai tout
à l’heure) la faculté de constituer ces fabriques en érigeant des succursales,
il est évident que les fabriques d’église deviennent personnes civiles en vertu
de la loi.
La question est donc de
savoir si le gouvernement a le droit de créer des succursales. L’honorable M. Verhaegen
ne méconnaît pas ce droit au gouvernement, car il reconnaît que par une mesure
générale le gouvernement a le droit de créer des succursales. Ainsi donc
l’honorable M. Verhaegen reconnaît que le gouvernement a le droit de faire ces
créations sans qu’elles doivent nécessairement être sanctionnées par la
législature. En d’autres termes, l’honorable M. Verhaegen reconnaît que, par
arrêté royal, on peut créer des succursales, mais l’honorable membre veut que
ce soit par une mesure générale. Voilà son système. Eh bien, messieurs, il
suffit de jeter les yeux sur la loi de l’an X, de faire attention au but du
législateur, pour être convaincu que le système de l’honorable M. Verhaegen n’a
pas le moindre fondement.
« Il y aura, porte
la loi de germinal an X, au moins une paroisse par chaque justice de
paix. » Le paragraphe ajoute : « il sera en outre établi autant de
succursales que les besoins du culte pourront en exiger. » Certes,
messieurs, rien n’est plus clair que ces expressions. La création de succursales
est subordonnée, à quoi ? Au besoin qui s’en ferait sentir. Il suffit donc que
le besoin d’une succursale existe pour que la création puisse et doive en être
ordonnée.
Maintenant, de quelle
manière devra être créée la succursale ? L’article 61 le dit : il porte :
« Chaque évêque, de concert avec le préfet, réglera le nombre et l’étendue
de ces succursales ; les plans arrêtés seront soumis au gouvernement et ne
pourront être mis à exécution sans son autorisation. »
Ainsi, messieurs, qu’y
a-t-il à faire ? constater le besoin de succursales nouvelles ; et comment ce
besoin doit-il être constaté ? Par le concert entre l’évêque et le préfet.
Voilà le moyen de constatation établi par l’art. 61 de la loi. Maintenant,
lorsque, par ce concert, la nécessité de nouvelles succursales a été reconnue,
qu’a à faire le gouvernement ? Il doit autoriser la création des succursales,
si les motifs donnés lui paraissent suffisamment fondés.
L’honorable M. Verhaegen
dit : « Il faut des plans généraux ; c’est la loi qui le dit. » Je réponds
: La loi ne le dit pas, mais c’est vous qui le lui faites dire ; la loi ne
parle pas de plans généraux, mais de plans arrêtés, ce qui est tout à fait
autre chose. Lorsque le besoin de créer des succursales dans une, deux ou trois
localités, a été constaté par le concert entre l’évêque et le gouverneur, le
gouvernement devrait-il se refuser à satisfaire aux besoins du culte, dont
l’honorable M. Verhaegen veut bien prendre si chaudement à cœur les intérêts ?
Le gouvernement devrait-il se croiser les bras et dire : « Je vais
attendre que les demandes arrivent de tous côtés, afin de pouvoir faire un plan
général ? » Evidemment cela n’est pas possible, cela n’est pas entré dans
la pensée du législateur. La loi veut que, lorsque la nécessité d’ériger une
succursale se présente, cette succursale soit érigée immédiatement, mais la loi
ne veut pas que l’on n’érige une succursale sans faire un plan relatif à toutes
les succursales du pays. Cela n’a jamais été entendu de cette manière, et
l’esprit et la lettre de la loi de l’an X repoussent également un système
semblable.
L’honorable M Verhaegen a
invoqué ensuite des dispositions postérieures à la loi de l’an X ; mais ces
dispositions ne sont que des mesures prises en vertu de la loi de l’an X et qui
ne peuvent pas y déroger. En l’an XIII, on a reconnu la nécessité d’augmenter
le nombre des succursales, et on l’a augmenté ; en 1807, la même nécessité
s’est fait sentir, et l’on y a pourvu ; en 1842, le même cas s’est présenté, et
l’on a de nouveau agi en conséquence. Je demande pourquoi l’arrêté de 1842 ne
serait pas aussi légal que ceux de l’an XIII et de 1807. Les uns et les autres
sont pris en vertu de la loi de l’an X, et les circonstances qui les ont
motivés sont les mêmes.
Des chapelles, dit
l’honorable M. Verhaegen, peuvent être érigées, en vertu du décret de 1807,
mais dès l’instant où les chapelles sont érigées, le droit du gouvernement est
épuisé, il n’y a plus rien à faire.
Je ne pense pas,
messieurs, que cet argument puisse faire la moindre impression sur l’esprit de
la chambre, car qu’une chapelle ait été ou n’ait pas été érigée, cela n’empêche
pas que plus tard le besoin d’ériger une succursale puisse se faire sentir. Or,
la création d’une succursale n’est subordonnée qu’à une seule chose, à la nécessité
qui s’en fait sentir. Du reste, messieurs, cette question a été agitée dans la
discussion de la loi sur les traitements des vicaires, et dans le discours
prononcé alors par l’honorable M. Lebeau, je trouve un passage qui me paraît
établir que, dans l’opinion de cet honorable membre, des chapelles peuvent être
érigées en succursales lorsque la nécessité s’en fait sentir, et que même ce
changement était nécessaire, attendu qu’il fallait assimiler, quant aux
services rendus, les chapelains aux desservants.
Il me paraît donc
évident, messieurs, que le gouvernement a le droit de créer des succursales là
où le besoin s’en fait sentir, et il me semble que l’on ne doit pas craindre
qu’il abuse de ce droit ; car la garantie qu’il n’en abusera pas se trouve dans
le contrôle que les chambres ont à exercer lorsqu’elles sont appelées à voter
les fonds nécessaires pour couvrir les dépenses résultant de la création de
nouvelles succursales ; cette création est toujours soumise ainsi au contrôle
indirect de la législature.
Je ne pense donc pas,
messieurs, que l’on puisse nier le droit qu’a eu le gouvernement de créer des
succursales, comme il l’a fait par l’arrêté de 1842 et comme je l’ai fait par 2
ou 3 arrêtés rendus depuis que je suis au ministère.
L’honorable M. Verhaegen
est entré dans différents détails dans lesquels il m’est absolument impossible
de le suivre. Il a cité une commune où l’on aurait érigé jusqu’à 5 succursales,
contrairement aux intérêts de cette commune même. Lorsque j’aurai le tableau
que j’ai promis de faire dresser, je verrai jusqu’à quel point les informations
de l’honorable M. Verhaegen sont exactes, je verrai si le nombre des
succursales érigées est hors de proportion avec la population, et s’il y a
quelque mesure à prendre à cet égard.
Je prends, du reste,
volontiers acte du bon vouloir de l’honorable M. Verhaegen relativement aux
créations nouvelles dont la nécessité sera reconnue. Lorsque l’instruction sera
complète, j’espère que je pourrai compter sur son vote approbatif des mesures
que je prendrai pour satisfaire à toutes les nécessites du culte.
M. Lys. - Les allocations réclamées pour les cultes n’ont
pas éprouvé d’augmentation, à part cependant une somme de 50,000 fr. que l’on
vient réclamer, pour les réparations à faire à la tour de Malines. Il est
néanmoins nécessaire, messieurs, d’attirer votre sérieuse attention sur un
point qui me paraît de la plus haute importance.
La constitution, en
proclamant la liberté des cultes, et en déclarant que l’Etat n’était pas en
droit de s’immiscer dans la nomination des ministres des cultes, a
nécessairement abrogé le concordat, qui avait été conclu entre le souverain
pontife et le pouvoir civil, pour régler les rapports de l’Eglise et de l’Etat.
La loi du 18 germinal an X, qui fait le fondement de la législation sur cette
matière, a, par les articles 61 et 62, investi le gouvernement du droit
d’ériger des cures et des succursales. Ces deux articles n’exigent pas
l’intervention de la commune pour procurer l’érection d’une cure ou d’une
succursale nouvelle : cependant, messieurs, les communes sont tenues de fournir
aux curés et desservants, un presbytère, et, en cas d’insuffisance des revenus
de la fabrique, elles sont tenues de fournir à tous les frais que nécessite la
célébration du culte.
Qu’une commune soit
chargée des frais que nécessitent une ou plusieurs succursales, dont elle
sollicite l’érection, rien de mieux ; je suis d’accord à cet égard avec mon
honorable collègue de Garcia, qu’il est de toute justice d’accorder à une commune
l’érection d’une succursale reconnue nécessaire ; car si la commune voit
augmenter les charges qui pèsent sur elle, vis-à-vis du culte, c’est qu’elle
l’a voulu, c’est parce qu’elle y a consenti.
Mais il n’en est plus de
même lorsque la commune n’a pas demandé l’érection d’une succursale, ou n’a pas
consenti à accepter cette faveur. N’est-il pas contraire à tous les principes,
que le gouvernement puisse, à son gré, charger le budget des communes de
dépenses considérables, auxquelles elles ne peuvent souvent faire face, sans
aggraver encore davantage leur état financier ?
A Verviers, deux
succursales nouvelles ont été établies, sans que l’administration communale eût
demandé l’érection de ces nouvelles succursales ; les finances de la ville de
Verviers qui, déjà, sont loin d’être prospères, à cause de la dette qui pèse
sur elle par suite des pillages, vont ainsi se trouver chargées d’une dépense
nouvelle assez majeure, car l’indemnité du logement ne sera pas au-dessous de 7
à 800 fr., sans parler des besoins des églises, qui n’ont aucun revenu. Or,
messieurs, est-il juste que cela soit ainsi, lorsque la commune n’a pas
consenti à occasionner pareille dépense ?
Les dispositions des
articles 61 et 62 de la loi du 18 germinal an X, sont en opposition flagrante
avec notre constitution et avec les principes qui régissent aujourd’hui notre
organisation politique.
La constitution, dans son
article 108, attribue aux institutions communales et provinciales tout de qui
est d’intérêt provincial ou communal ; la loi qui a organisé l’administration
municipale dispose, dans son art. 70, n° 5, que l’établissement, le changement
ou la suppression des impositions communales appartient au conseil, qui règle
tout ce qui est d’intérêt communal.
L’art. 77, n°8, de la
loi, attribue au conseil communal le droit de voter les budgets des dépenses
communales.
Toutes ces dispositions
et une foule d’autres supposent que la commune jouit aujourd’hui d’un cercle
d’action et d’une liberté qu’il est impossible de concilier avec le pouvoir que
les art. 61 et 62 de la loi de germinal attribuent au gouvernement central. Ces
dispositions se concilient parfaitement avec l’organisation despotique à
laquelle le premier consul préludait déjà en l’an X ; mais évidemment ces
dispositions sont inconciliables avec une organisation comme la nôtre, dont la
base fondamentale est le consentement donné par la nation, ou en son nom, quand
il s’agit des dépenses générales ; par la province, quand il s’agit des
dépenses provinciales ; par la commune, quand il n’est question que de dépenses
locales.
Le principe de notre
système politique est donc ouvertement violé par l’application d’une
législation ancienne, faite sous l’empire d’une organisation essentiellement
différente de la nôtre.
Lorsqu’il s’agit de
l’érection d’une simple chapelle, le décret du 30 septembre 1807 exige, dans
son art. 8, que l’on obtienne le consentement de la commune. Pourquoi en est-il
différemment lorsqu’il s’agit de succursale ?
Nous pensons, messieurs,
que le gouvernement ne pouvait pas créer des succursales nouvelles, sans le
concours formel des communes ; nous le pensons d’autant plus fermement, que
l’indépendance absolue que la constitution a accordée au clergé et au culte a
entraîné à sa suite, comme conséquence nécessaire, l’abrogation de toutes les
dispositions de la législation française, qui est basée sur le principe que
l’organisation ecclésiastique est entre les mains du gouvernement qui
intervenait dans la nomination et dans l’installation des ministres du culte.
Il n’entre pas dans notre
pensée, messieurs, de critiquer l’augmentation de traitement, que la création
de succursales a procurée à quelques membres du clergé. Le gouvernement a fait
une répartition nouvelle des fonds mis à sa disposition, mais en même temps, il
aurait dû prendre garde de ne pas grever les communes ; c’est là un point
également essentiel. Le gouvernement aurait dû examiner : si en attendant le
consentement des communes, il n’y avait pas possibilité d’accorder des
augmentations de traitement du personnel. Cette marche eût concilié toutes les
exigences, les droits des communes auraient été respectés et la position
d’ecclésiastiques peu favorisés par le budget aurait été améliorée.
Pourquoi le gouvernement a-t-il
adopté un autre système ? Pourquoi ne s’est-il pas conformé à l’esprit et à la
tendance de nos institutions et de nos lois’ ? C’eût été de sa part s’épargner
bien des erreurs, c’eût été éviter bien des récriminations.
Le gouvernement a-t-il
prévu les contestations graves et sérieuses que pouvaient soulever les demandes
en partage de la dotation, dirigées par les nouvelles succursales contre les
anciennes ? Le gouvernement a-t-il arrêté un principe fixe pour ce partage ?
Aura-t-il lieu d’après la population respective des succursales, ou bien,
aura-t-il lieu par feux, ou enfin quel autre principe a-t-on adopté ? Le
gouvernement a sans doute prévu la difficulté, il a probablement avisé aux
moyens d’éviter des procès longs et dispendieux, propres à exciter des haines
et des rivalités, car il serait déplorable que l’on eût arrêté une mesure sans
en prévoir les conséquences.
Il faut que le clergé
soit entouré de considération, il faut que ses membres puissent vivre
honorablement, mais est-ce bien le moyen d’arriver à ce résultat, que de
morceler les cures et les succursales ? est-ce le moyen d’assurer à la milice
sacrée le respect des populations que de remplacer les cures, les succursales
primitives, qui trouvaient dans leur dotation de quoi subvenir aux dépenses du
culte, par de nombreuses églises pesant lourdement sur les habitants et sur les
communes ? Non, certes, messieurs, le clergé des paroisses doit trouver
ailleurs que dans la création de toutes ces succursales pauvres, l’amélioration
du sort dont il est digne à tous égards. C’est d’abord dans l’inamovibilité des
membres du sacerdoce que doit consister la première et la principale de toutes
les améliorations ; vous en trouverez une preuve non suspecte dans les pages
éloquentes qu’ont écrites en France deux prêtres desservants.
Il est, messieurs, de
notre devoir de protester contre l’abus que le gouvernement a fait des
dispositions de la loi du 18 germinal an X. Que l’on crée des succursales, ou
plutôt des cures nouvelles, partout où le besoin s’en fait réellement sentir,
mais que ces créations n’aient lieu qu’après avoir consulté les communes et le
pouvoir provincial, qu’après l’observation de formalités préalables qui
garantissent au communes et aux habitants, que ce n’est ni le caprice, ni
l’arbitraire qui leur imposent une augmentation de dépenses publiques ; qui
garantissent à chacun, que l’érection de la paroisse nouvelle était commandée
par le besoin réel des populations et des localités ; voilà, messieurs, les
observations que j’avais à présenter sur ce point. Je laisse au gouvernement le
soin d’examiner s’il n’y a pas nécessité de provoquer une modification aux
dispositions de la loi du 18 germinal an X.
En terminant, je dirai quelques
mots sur le subside de 50,000 fr. qui est demandé pour réparation des tours
d’églises. Cette demande de crédit nous arrive de la même manière que nous est
arrivée celle qui concernait le petit séminaire de Rolduc. Alors aussi on est
venu nous proposer ce crédit après la distribution du budget ; eh bien, qu’a
fait la chambre dans cette circonstance ? Elle a déclaré qu’elle n’avait pas
les pièces nécessaires pour justifier la proposition du gouvernement et elle a
disjoint du budget le crédit concernant le petit séminaire de Rolduc, sur
lequel elle a statué ensuite par une loi spéciale. Je crois que nous devrions
agir de la même manière à l’égard du crédit dont il s’agit en ce moment.
Il y aurait d’abord une
première question à décider, c’est celle de savoir si les tours sont une
propriété de la fabrique ou une propriété communale. Si les tours sont une
propriété de la fabrique, les réparations sont à charge de la fabrique. Elles ne peuvent devenir à charge de la commune,
et par suite à charge de l’Etat, que quand il est démontré que la fabrique ne
peut y subvenir ; pour cela elle doit produire le budget des recettes et
dépenses, et démontrer l’insuffisance. Aussi longtemps que cela n’a pas eu
lieu, la commune ne doit pas venir au secours de la fabrique, ni par conséquent
l’Etat au secours de la commune. Telle est la jurisprudence suivie jusqu’à ce
jour.
Vous ne pouvez donc, sans
dévier à des règles établies, mettre cette dépense à charge de l’Etat, aussi
longtemps qu’il n’est pas démontré qu’elle est à charge de la commune.
Je demanderai donc
l’ajournement du subside de 50,000 fr. pour la réparation des tours, afin qu’il
soit statué à cet égard par une loi spéciale.
M. Rodenbach. - Lors de la discussion du budget de la justice à la chambre des
députés de France, un membre de cette assemblée a dit que le clergé français
était le plus mal payé de tous les clergés de l’Europe ; selon lui, la moyenne
des appointements de chaque prêtre catholique en France n’était que de mille francs
à peu près. C’est à peine, disait-il, le traitement qu’on accorde à un
huissier.
Eh bien, la moyenne du
traitement d’un prêtre catholique, en Belgique, n’est que de 900 francs environ
; nous payons donc notre culte catholique, 10 à 15 p. c. meilleur marché qu’en
France ; ainsi lorsqu’on vient prétendre qu’on majore dans une proportion
considérable le chiffre des dépenses du culte catholique, cette assertion n’est
pas exacte.
Dans une population de
plus de 4 millions d’habitants que l’on compte en Belgique, on ne trouve que 5
à 6,000 protestants. La moyenne de la contribution à payer par chaque habitant
pour le culte, est de 95 centimes, tandis qu’on paye 105 centimes en France. Et
cependant à entendre quelques honorables orateurs, on exploiterait le budget au
profit du culte catholique.
On vient de parler
des tours d’église. Je pense que si réellement les communes ou les fabriques
n’ont pas des moyens nécessaires pour faire les réparations que nécessite
l’état de ces tours ; je pense, dis-je, que l’Etat doit alors leur venir en
aide. Ces tours sont de véritables monuments ; peut-on les laisser tomber en
ruine ? Il ne s’agit que d’une somme de 50,000 fr. que l’on ne peut s’empêcher
de voter. J’y regarderais à deux fois, s’il s’agissait de millions, alors que
nous sommes en présence d’un déficit considérable.
M. Van Volxem. - Messieurs, l’honorable M. Verhaegen a accusé le
gouvernement d’avoir foulé aux pieds les dispositions législatives qui
concernent la création des succursales. M. le ministre de la justice a répondu
aux arguments de l’honorable M. Verhaegen d’une manière tellement péremptoire
qu’il ne me reste rien à ajouter. Je ferai seulement observer qu’il est
singulier de voir les observations de l’honorable M. Verhaegen surgir à
l’occasion d’un arrêté qui a créé en une fois plus de 350 succursales. Il me
semble que c’est là une mesure assez générale pour qu’elle échappe aux
récriminations de l’honorable membre.
M. Verhaegen a
parlé de trois localités dans lesquelles aurait été créé un grand nombre de
succursales. On a cité les communes de Battice, de
Saintes et de Lennick-St.-Quentin. La chambre
comprendra l’impossibilité dans laquelle je me trouve, au mois de janvier 1844,
de donner à l’improviste des renseignements sur ce qui s’est passé au mois de
juillet 1842 et sur les motifs qui, à cette époque, ont déterminé le
gouvernement à ériger des succursales dans les localités dont il s’agit. Les
observations de l’honorable M. Verhaegen ayant été présentées seulement dans cette
séance, je ne suis pas muni des documents relatifs à l’établissement des
succursales, qui viennent d’être mentionnées. Toutefois j’affirme que rien n’a
été fait sans que la nécessité de ces créations spéciales fût reconnue.
M. Delfosse. - Messieurs, l’honorable M. Rodenbach s’est trompé
sur la nature et la portée de nos observations.
Nous n’avons pas prétendu
que les membres du clergé, et surtout ceux du clergé inférieur, fussent trop
rétribués. Quant à moi, je n’ai pas soulevé cette question. S’il s’agissait de
la soulever, il ne faudrait pas seulement prendre en considération la somme
portée au budget de l’Etat, mais il faudrait encore avoir égard à ce qui est
payé par les provinces et par les communes ; il faudrait également faire entrer
en ligne de compte le casuel du clergé...
M. de Theux. - Je demande la parole.
M. Delfosse. - Je ferai remarquer à l’honorable M. Rodenbach que
la mesure dont j’ai parlé et que je n’ai pas blâmée, mais sur laquelle j’ai
demandé un rapport ; que cette mesure, dis-je, n’est pas de nature à améliorer
la position des desservants ; qu’elle diminue, au contraire, le casuel de ceux
d’entre eux qui avaient précédemment des paroisses plus étendues.
La réponse qui m’a été
faite par M. le ministre de la justice et par son prédécesseur, l’honorable M.
Van Volxem, n’a fait que confirmer la vérité des considérations que j’ai en
l’honneur de soumettre.
En effet, qu’avais-je dit
?
J’avais dit, entre autres
choses, que le gouvernement, alors qu’il demandait en 1840, pour le clergé
catholique, une augmentation d’environ 300,000 fr., avait formellement déclaré
à la chambre que le chiffre qu’il réclamait était un chiffre normal, et qu’il
ne serait plus susceptible d’augmentation. J’ai fait remarquer que le
gouvernement avait manqué à cette espèce de promesse, en posant, en 1842, des
actes qui entraînaient une augmentation de dépenses d’environ cent mille
francs.
On m’a répondu en disant que,
par cette augmentation, on n’avait pas satisfait à tous les besoins du culte,
et qu’il existait encore beaucoup de communes dépourvues d’églises.
Il est fâcheux,
messieurs, qu’il existe encore dans notre pays un grand nombre de communes
dépourvues d’églises, mais je demanderai à M. le ministre pourquoi, au lieu de
pourvoir ces communes d’églises, on a créé de nouvelles succursales dans de
petites communes qui en avaient déjà plusieurs. L’honorable M. Verhaegen vous a
cité la commune de Battice, commune de 4,271
habitants, qui possédait déjà trois succursales et où l’on en a établi deux
nouvelles en 1842. Il y a encore la commune de Sprimont, qui ne compte que
2,826 habitants, qui possédait quatre succursales et où l’on en a créé une
cinquième en 1842. De pareils faits, messieurs, et je pourrais en citer
d’autres, doivent sembler étranges à ceux qui entendent dire qu’il y a encore
un grand nombre de communes dépourvues d’églises.
Quoi qu’il en soit, cette
observation de M. le ministre de la justice confirme que j’avais dit, que le
gouvernement a trompé la chambre lorsqu’il a déclaré, en 1840, que le chiffre
ne serait plus susceptible d’augmentation. Comment ! le chiffre n’était plus
susceptible d’augmentation, et vous proposez aujourd’hui de l’augmenter, et
vous déclarez que dans l’avenir il faudra l’augmenter encore. Ceci, messieurs,
fournit une nouvelle preuve qu’il ne faut pas avoir une grande confiance dans
les promesses du gouvernement. Quand les ministres veulent obtenir un crédit,
ils prodiguent des promesses qu’ils ne tardent pas à oublier.
Je crois encore avoir été
dans le vrai lorsque j’ai accusé l’honorable M. Van Volxem d’avoir trompé la
chambre, lors de la discussion du budget de la justice pour l’exercice 1843.
L’honorable M. Van Volxem
n’a pas sérieusement répondu à mes observations. Il a relevé un reproche qui
n’était que secondaire ; j’ai dit que l’honorable M. Van Volxem n’avait pas
publié les arrêtés qui érigent de nouvelles succursales. Je crois qu’il aurait
bien fait de les publier ; je pense qu’un ministre doit faire connaître ses
actes, sans cela la responsabilité ministérielle est illusoire.
L’honorable M. Van Volxem
a répondu qu’il s’était conformé à l’usage, que jamais ces sortes d’arrêtés
n’étaient publiés. L’honorable M. de Theux et l’honorable M. Rogier ont donné
de la publicité à plusieurs dispositions de ce genre. Je citerai, entre autres,
un arrêté de 1832, contresigné par M. de Theux, et un arrêté du 2 mars 1833,
contresigné par M. Rogier. L’honorable M. Van Volxem aurait bien fait de suivre
l’exemple donné par ses prédécesseurs.
Le reproche principal que
j’ai fait à l’honorable M. Van Volxem est, non pas de n’avoir point publié les
arrêtés, mais de n’en avoir pas dit un mot lors de la discussion de son budget.
Voilà ce qui était grave. Quoi ! vous créez 361 succursales qui doivent
entraîner un surcroît de dépenses de plus de 100,000 fr., et vous n’en dites
rien ! Vous prétextez qu’il y a des tours d’églises à réparer ; mais s’il y
avait des tours à réparer, ce n’était pas 100,000 francs, mais 200,000 fr. que
vous deviez demander. Si vous n’avez demandé que 100,000 fr., c’est qu’il y
avait assez d’argent pour réparer les tours, c’est qu’il n’en fallait que pour
payer les nouveaux desservants.
Vous venez nous dire
qu’il y avait, utilité à créer les nouvelles succursales ; ce n’est pas là la
question.
Il est inouï qu’un
ministre, alors qu’on discute son budget, alors qu’il a besoin d’une
augmentation de 100,000 francs pour les desservants, ne dise pas à la chambre
un seul mot des desservants ; il est inouï qu’il vienne, à cette occasion,
parler des tours d’église. C’est un mauvais tour que vous avez joué à la
chambre. (On rit.)
L’honorable M. Van Volxem
nous a dit encore que M. le ministre de la justice a répondu pour lui ; je me
permettrai de lui faire observer que la réponse de M. le ministre de la justice
ne lui est nullement applicable ; M. le ministre a publié quelques pièces à
l’aide desquelles on pouvait parvenir, et je suis parvenu à la découverte de ce
qui s’était passé ; mais l’honorable M. Van Volxem n’avait pas publié ces
pièces ; il n’avait pas dit un mot de ce qui s’était passé. La justification de
M. le ministre de la justice, si elle est bonne pour lui, n’est donc rien pour
l’honorable M. Van Volxem.
J’arrive maintenant à M.
le ministre de la justice.
J’ai dit que la
combinaison imaginée par M. le ministre de la justice pouvait être ingénieuse,
mais qu’elle me paraissait manquer de franchise. Ai-je été trop loin ? Je ne le
pense pas. Si M. le ministre de la justice le préfère, au lieu de dire qu’il a
manqué de franchise, je dirai qu’il n’a pas eu le courage de se dégager tout à
fait de la position fausse que lui avait créée son prédécesseur.
M. le ministre de la justice
savait fort bien qu’on n’avait besoin d’une augmentation de crédit que parce
qu’on avait créé de nouveaux desservants.
Il ne s’agissait donc pas
en réalité d’une augmentation de crédit pour les tours d’église ; le crédit
précédemment accordé pour cet objet aurait été suffisant, si on n’avait pas
créé de nouvelles succursales. Si M. le ministre de la justice actuel, se
dégageant de la fausse position dans laquelle l’avait placé son prédécesseur,
était venu vous dire : On vous a demandé 100 mille francs pour réparer des
tours d’église, vous en avez accordé 50,000, il en faut encore 50,000, non pas,
comme on vous l’avait dit d’abord, pour réparer des tours d’église, mais en
réalité pour payer de nouveaux desservants ; s’il avait tenu ce langage, j’aurais
loué sa franchise.
Je conçois, du reste, que
M. le ministre de la justice ait éprouvé quelque répugnance à exposer les torts
dans toute leur vérité ; il aurait par là dressé, en quelque sorte, un acte
d’accusation contre son prédécesseur. En général, MM. les ministres n’aiment
pas à attaquer leurs prédécesseurs ; c’est d’un mauvais exemple, ils pourraient
à leur tour être attaqués par ceux qui viendront après eux.
Je conçois cela, mais je
ne puis admettre que M. le ministre de la justice ait montré une entière
franchise ; il est démontré qu’il n’y aurait pas eu d’augmentation de dépenses,
si l’on n’avait créé de nouvelles succursales ; sans cette circonstance, les
crédits votés précédemment auraient suffi ; la preuve, c’est que la création
des succursales a entraîné une augmentation de dépenses d’environ 100,000 fr.,
et c’est justement là ce que l’on nous demandait l’année dernière, c’est encore
ce que l’on nous demande aujourd’hui, puisque 1’on nous propose d’ajouter
50,000 fr. aux 50,000 fr. votés l’année dernière ; s’il y avait plus de tours
d’églises à réparer que par le passé, ce ne serait pas, comme je l’ai dit
tantôt, 100,000 francs qu’il faudrait demander, mais 200,000 fr., les 100,000
fr. étant absorbés par les nouveaux desservants.
Cependant M. le ministre
de la justice a constamment cherché et il cherche encore à accréditer l’idée
que la nécessité d’augmenter l’allocation provient de ce qu’il y a plus de
tours d’églises à réparer que par le passé. Avant que je n’eusse parlé de
l’augmentation qui résulte de la création de nouvelles succursales, M. le
ministre n’en avait pas dit un mot à la chambre, il n’en avait pas dit un mot à
la section centrale.
Cette réserve peut
s’expliquer par le désir de cacher la faute de l’honorable M. Van Volxem, de le
tirer d’embarras ; cela peut s’appeler de la générosité, mais je ne puis
l’appeler de la franchise.
Je persiste,
messieurs, dans les deux amendements que j’ai présentés surtout dans le premier
; la division de l’article unique en trois articles sera très utile, en ce
qu’elle empêchera, à l’avenir, d’affecter au matériel des allocations que la
chambre aurait entendu voter pour le personnel, et vice-versa.
La réduction du chiffre
qui résulterait de l’adoption de cet amendement ne préjuge rien, la chambre, je
le répète, restera libre de voter les 100,000 francs nécessaires pour payer les
nouveaux desservants, lorsque le gouvernement lui aura fait connaître les
arrêtés qui ont créé ces desservants et les motifs pour lesquels ces arrêtés
ont été pris ; la chambre se doit à elle-même de ne voter cette augmentation
qu’en connaissance de cause,
M. le ministre de
la justice (M. d’Anethan) - Messieurs, je
n’ai qu’un mot à répondre à l’honorable préopinant ; il me paraît dans une
erreur complète, relativement à la demande que je fais. Je répète qu’il était
impossible de mettre plus de franchise que je ne l’ai fait, J’ai demandé
403,000 fr. pour le traitement du haut clergé et 3,252,224 fr pour le
traitement du bas clergé. Il est donc évident qu’il y a une augmentation de 100
mille fr. pour le personnel. Toute la proposition de l’honorable membre tend à
ceci : priver les desservants du traitement dont ils jouissent actuellement. Si
on retranche ces 100 mille francs, comment fera-t-on en effet pour payer les
desservants nommés par suite de l’arrêté de 1842 ? Ces desservants doivent
pourtant recevoir un traitement, c’est pour cela que j’ai demandé une
augmentation pour le personnel, et je l’ai dit formellement. Maintenant, je
demande 50 mille francs pour la réparation des tours que M. Delfosse déclare ne
pas vouloir laisser tomber en ruines. Cette augmentation est indépendante de
celle demandée pour le personnel.
Jusqu’à présent le
gouvernement a refusé les subsides demandés pour ces réparations ; si vous
voulez que nous en accordions pour faire les dépenses nécessaires, il faut que
vous nous en donniez les moyens.
L’honorable M. Delfosse
demande la division du chapitre dont il s’agit en trois articles. Voici les
motifs pour lesquels je m’oppose à cette division. Dans un personnel aussi
nombreux que celui du clergé, il arrive souvent que des places en assez grand
nombre sont vacantes. S’il y avait division en trois articles, il ne pourrait
s’opérer aucun transfert ; il en résulterait que le traitement attaché aux
places vacantes devrait rester dans les caisses du trésor et ne pourrait être
employé à parfaire la somme nécessaire pour réparations d’édifices, ce qui a eu
lieu jusqu’à présent avec l’assentiment tacite des chambres. Si on veut priver
maintenant le gouvernement de cette ressource, il devra demander une
augmentation au chiffre de 350,000 fr. pour réparation aux édifices et aux
tours. Voila le motif pour lequel je m’oppose à la division ; car, je le
répète, elle me mettrait dans l’obligation de demander une majoration, pour
pouvoir satisfaire à tous les besoins.
Je répondrai maintenant
quelques mots à l’honorable M. Lys, qui a dit que la question n’était pas
suffisamment instruite quant à la constatation du véritable propriétaire des
tours qu’il s’agir de réparer. Il a dit que rien n’établit si elles
appartiennent aux communes ou aux fabriques. Je pense qu’il est impossible
d’établir ce point d’une manière plus évidente que je ne l’ai fait. Une
instruction a eu lieu ; des demandes ont été adressées aux évêques et aux
autorités communales ; c’est par les renseignements reçus de ces diverses
autorités que nous avons appris quels étaient les véritables propriétaires des
tours. Nous avons une liste de celles que revendiquent les communes et sur
lesquelles le clergé n’élève aucune prétention. Des documents établissent de
plus les droits des villes sur ces tours.
La question de
propriété me paraît au reste assez indifférente, le gouvernement ne donne de
subside, que quand les véritables propriétaires n’ont pas de ressources
suffisantes pour faire les réparations. Ainsi, dès que l’insuffisance existe,
peu importe à qui appartient le monument.
Les tours de St.-Rombaud à Malines, de Notre-Dame à Anvers, de St.-Julien à
Ath, de St.-Martin à Courtray ; les tours d’Ypres, de Roulers et d’Harlebeke exigent des réparations très urgentes, très
coûteuses. Ni les villes, ni les fabriques ne pourraient s’en charger seules.
Si l’on veut empêcher la destruction de ces monuments remarquables, il faut que
la chambre donne au gouvernement les moyens d’aider à les réparer maintenant,
que ce crédit soit porté au budget de la justice ou de l’intérieur, cela est
indifférent, quant à la dépense, mais il est préférable de le porter au budget
de la justice, où figure déjà le crédit pour la réparation des églises.
(Moniteur belge n°12, du 12 janvier 1844) M.
Verhaegen. - Moi aussi je proteste
contre les observations faites par l’honorable M. Rodenbach. Il n’est entré dans
l’esprit d’aucun de nous de vouloir porter atteinte aux droits du bas clergé,
au contraire nous avons pris sa défense et, je dois le dire à l’honorable M.
Rodenbach, il ne nous a pas compris.
M. le ministre de la
justice se met tout à fait à l’aise. Il se borne à invoquer le concordat et la
loi organique, mais ces lois paraissent très élastiques ; on les invoque quand
on en a besoin, on les rejette quand elles gênent les allures du haut clergé.
Quoi qu’il en soit, ces
lois ne peuvent pas être prises isolément, il faut y ajouter les divers décrets
que j’ai cités et qui fixent clairement le sens de la loi organique. Je prie M
le ministre de la justice de ne pas l’oublier ; les décrets impériaux que j’ai
cités sont des décrets qui n’ont pas été attaqués par le sénat conservateur
dans le délai voulu, et qui, par conséquent, ont force de loi. Or, tous ces
décrets qui ne font, comme je l’ai dit, qu’une seule et même loi avec la loi
organique du concordat, établissent, à la dernière évidence, que le gouvernement
ne peut disposer en cette matière que par mesure générale, que par des tableaux
arrêtés à raison des besoins de tout le pays.
Ce que l’honorable M. Van
Volxem vient de dire justifie encore ce que j’avais dit d’abord : d’après lui,
la mesure qu’il a prise est légale parce qu’il a créé tout d’un coup 350
succursales ; cependant en créant ces 350 succursales, il savait bien, car
c’est lui qui est venu nous le dire avec M. le ministre de la justice actuel,
qu’il y avait 91 communes qui n’avaient pas d’église, et 252 communes dont les
églises n’étaient pas dotées. Il n’a donc pas fait un travail général ; il n’a
pas dressé de plans généraux dans le sens de la loi ; il lui a plu de créer 350
succursales en laissant 91 communes sans église, et 252 églises sans dotation.
M. le ministre de la
justice a pris acte de la déclaration que j’ai faite, au sujet des communes qui
n’ont pas d’église ; je ne recule pas devant cette déclaration, et je répète
que si 91 communes sont sans églises, il faut s’occuper de pourvoir à ce
défaut. Mais qu’on ne s’y trompe point, quand nous ferons un travail, nous le
ferons tel que la loi le veut, tel que le gouvernement aurait dû le faire
lui-même.
Quand je consentirai à
répondre aux besoins de certaines communes, non pourvues d’églises et à venir
au secours de quelques églises non dotées, je rayerai avant tout du tableau
toutes les succursales qui ont été crées illégalement et qui seront reconnues
inutiles ; de cette manière, j’établirai une compensation et je ferai même une
économie.
J’ai dit que M. le
ministre de la justice avait mal interprété et même violé la loi ; ce reproche,
d’ailleurs très parlementaire, a paru dur à l’honorable M. d’Anethan parce que,
a-t-il dit, il est sorti des rangs de cette magistrature dont j’ai vanté l’indépendance.
Oui, j’ai vanté et je vanterai toujours l’indépendance de la magistrature belge
; mais le reproche doit être d’autant plus amer pour M. le ministre de la
justice que cette magistrature, dont il est sorti, vient de déclarer par un
arrêt solennel que le gouvernement avait faussé la loi, et cet arrêt, je l’ai
cité déjà dans mon premier discours. Le conseil de fabrique établi près de
l’église de Basse-Wavre, érigée en succursale, a été déclaré ne pas avoir
d’action, parce qu’il avait été illégalement constitué.
M. Vanden
Eynde. - Il y avait un cas
spécial.
M. Verhaegen. - Non, monsieur, il n’y avait pas de cas spécial. Si le temps ne nous
pressait, je vous lirais cet arrêt qui est conforme aux vrais principes.
M. le ministre de
la justice (M. d’Anethan) - Dit-il que le
gouvernement ne peut créer de succursales ?
M. Verhaegen. - Il dit que le gouvernement a violé la loi, et que la cour d’appel
n’applique pas l’arrête royal qui a été illégalement rendu.
Je n’ai certes pas eu
tort en interprétant la loi comme l’a fait la cour d’appel de Bruxelles.
Maintenant il y a deux
choses à examiner ; la question de légalité et la question de fait. La question
de légalité, je l’ai traitée et je pense qu’on n’a pas répondu à mes arguments.
La question de fait, nous l’examinerons lorsque nous aurons les pièces sous les
yeux ; usant alors de notre droit d’initiative, nous ferons ce que le
gouvernement aurait dû faire, nous rayerons d’une part, nous ajouterons de
l’autre, et nous ferons ainsi un travail complet.
Il me reste, messieurs, à
dire quelques mots relativement au subside demandé pour réparations de tours.
J’entends dire de toutes parts qu’il n’y a pas de contestation sur la question
de propriété des tours ; elles sont, dit-on, la propriété des communes.
M. le ministre de
la justice (M. d’Anethan) - Quelques-unes.
M. Verhaegen. - Vous séparez les tours des églises. Mais je vous demande alors à qui
appartiennent les églises. Je ne puis laisser passer cette observation sans la
rencontrer ; car on semble séparer les tours des églises, en disant que les
premières sont des propriétés communales et en déniant ainsi aux communes la
propriété des églises mêmes. Moi, je soutiens que si on excepte les métropoles,
toutes les églises constituent des propriétés communales.
Mais il y a encore une
autre observation à faire sur ce point. On prétend que les tours sont la
propriété des communes et on les sépare des églises. Mais si les tours sont la
propriété des communes, qu’on me dise donc à qui appartiennent les cloches qui
se trouvent dans les tours ?
M. le ministre de
la justice (M. d’Anethan) - Aux communes.
M. Verhaegen. - Mais c’est la grande question qui s’agite en ce moment dans le
Hainaut.
Vous allez vous trouver
singulièrement embarrassé. Les tours, d’après vous, sont la propriété des
communes.
M. le ministre de
la justice (M. d’Anethan) - Pas toutes.
M. Verhaegen. - Ah ! pas toutes. Ceci est une retraite. Je le comprends, la chose
devait vous embarrasser ; car si vous prétendez que toutes les tours sont la
propriété des communes, je ne sais pas comment vous répondriez à
l’interpellation concernant les tours.
Mais il y a une loi du 24
février 1820, qu’on aurait bien fait de consulter, et qui devrait, me
semble-t-il être prise en considération, quand il s’agit d’objets tels que ceux
dont nous nous occupons.
La loi du 14
février 1810, porte dans son article 2 :
« Lorsque, pour la
réparation ou la construction des édifices du culte, il sera nécessaire, à
défaut de revenus de la fabrique ou de revenus communaux, de faire sur la
paroisse une levée extraordinaire, il y sera pourvu par voie d’emprunt et à
charge de remboursement dans un temps déterminé, par répartition au marc le
franc sur les contributions directes et foncières, etc., etc. »
Il résulte de cette loi
que c’est à charge de la fabrique, et subsidiairement à charge de la commune
que tombe la réparation des édifices du culte, en cas d’insuffisance de revenus
et de la fabrique et de la commune, il s’agit de faire un emprunt et une
réparation. Cette loi serait-elle par hasard abrogée ? Je voudrais bien que M.
le ministre s’expliquât à cet égard.
(Moniteur belge n°11, du 11 janvier 1844) M.
Savart-Martel. - Je n’entreprendrai
point de discuter ici si le concordat est encore obligatoire. Sur cette
question, les uns disent oui, les autres disent non ; d’autres, enfin,
distinguent dans les dispositions.
Je m’attacherai seulement
à vous démontrer que la section centrale a conclu comme elle devait le faire.
Le budget présenté par le
ministre de la justice lui est parvenu avec les observations des sections, sans
présenter la moindre critique, quant au chapitre du culte catholique.
Le chiffre de fr. 403,822
39 pour le traitement du haut clergé ; celui de fr. 3,252,224 61 pour le clergé
d’un ordre inférieur, ainsi que celui de 300,000 fr., spécialement destiné pour
les édifices servant aux cultes, n’éprouvaient aucune contradiction.
La section centrale n’en
a pas moins vérifié l’exactitude de chacun de ces chiffres. L’examen des
tableaux joints au budget avec une précision remarquable, a donné la certitude
que le budget était normal, plus normal peut-être que le précédent. Quant au
chiffre de 300,000 fr., préavisé pour l’entretien des édifices servant au
culte, les explications fournies ont également apaisé la section, surtout qu’il
ne s’agit là que d’une somme dont se charge le ministère, sauf à en compter.
Mais pendant
l’instruction, M. le ministre a pétitionné une somme de 50,000 fr.,
expressément applicable à des tours et monuments publics dont la propriété peut
être plus ou moins incertaine. Le dossier concernant cette nouvelle dépense est
joint aux actes.
Votre section centrale ne
s’est point dissimulé que l’entretien et la réparation de ces tours et
monuments sont des charges qui incombent aux propriétaires, ou au moins aux
administrations qui jouissent de ces tours. Souvent elles sont à l’utilité des
communes, et aussi à l’utilité du culte.
Elle n’a point méconnu
les règles que vient de retracer l’honorable M. Lys, à savoir qu’on peut exiger
la preuve de la propriété, et au besoin le budget des fabriques et
administrations communales auxquelles profiterait la subvention pétitionnée,
mais elle a remarqué l’urgence de quelques réparations, puisque plusieurs tours
menacent journellement la sûreté publique.
Elle a remarqué que les
questions de propriété ne pouvaient être facilement résolues ; et enfin, qu’il
est de notoriété publique, qu’il existe fort peu de communes, et même fort peu
de fabriques qui seraient en position de faire pareilles dépenses, sans une
subvention de l’Etat.
Dès lors, elle a cru
pouvoir adopter cette nouvelle demande, qu’il ne faut pas confondre avec ce que
l’on entendait autrefois par l’allocation d’une somme pour les édifices du
culte et les presbytères.
Nous n’avons point
entendu que la chambre s’obligeât ultérieurement, car, comme je le disais dans
une autre occasion, le budget est annuel.
L’application de chaque
chiffre, sous un même article, mais sous trois divisions, ne me paraît pouvoir
prêter à aucun abus accusable. A mes yeux, le budget actuel est normal, il est
franc et sincère ; chaque chiffre contient sa destination, et la section
centrale ne doit pas présumer l’abus, le transfert ou la surprise. Ou a beaucoup
parlé de ce qui aurait été fait et dit, dans de précédents budgets, mais que le
budget précédent ait été plus ou moins normal, qu’il y ait abus ou non, il n’en
reste pas moins certain que celui que nous avons adopté est aussi clair que le
jour.
On vient de critiquer à
tort ou à droit l’établissement d’un grand nombre de succursales érigées sous
l’ancien ministère par arrêtés royaux.
Mais ces arrêtés
existent, la législature ne les a point annulés ; aucune section même ne s’en
est plainte. A la vue des arrêtés royaux subsistants et de la nomination des
pourvus, je n’aurais pas cru, en section centrale pouvoir critiquer les
tableaux du ministère, surtout que si l’on conteste en ce moment et la légalité
et l’utilité de ces succursales, je ne trouve aucun document propre à me
convaincre de leur plus ou moins d’utilité.
Je n’entends approuver ni
improuver, mais jusqu’à démonstration contraire, la présomption d’utilité
résulte du fait même de l’autorité investie du droit de créer ces
établissements, dont la multiplicité, je l’avoue, présenterait de graves
inconvénients dans l’intérêt même du culte.
Quant à la légalité, dont
l’examen m’appartient peut-être plus que l’utilité, qu’il me soit permis de
dire que primitivement, et à la suite du concordat, l’autorité a dû agir par
voie de dispositions générales ; on l’a fait ainsi ; mais je pense qu’au fur et
à mesure que les besoins se font sentir, il faut bien que le pouvoir exécutif
agisse non plus par voie générale, mais par des arrêtés de circonstance plus ou
moins spéciaux, qu’il conviendrait de publier toujours.
Sans doute, en
refusant la dotation, la chambre peut annihiler l’arrêté royal, mais il me
semble que les motifs de cette annulation devraient être présentés et discutés
de manière à ce que nous décidions en grande connaissance de cause, sans
prévention aucune.
Jusque lors mon vote
restera acquis au chapitre 8, que je trouve parfaitement expliqué.
Je maintiens surtout que
dans la position où elle se trouvait, la section centrale a fait ce qu’elle devait
faire, c’est principalement pour cette démonstration que j’avais demandé la
parole.
L’heure est tellement
avancée que je crois pouvoir borner ainsi mes observations.
M. Deprey. - Messieurs, la section centrale a proposé une somme
de cinquante mille francs de subside extraordinaire au chapitre huit, article
premier du budget, afin de pourvoir aux restaurations de certain nombre de
tours qui, bien que contiguës à des églises, sont des édifices en quelque sorte
mixtes, puisqu’ils sont à l’usage du culte comme au usages civils de la
commune, et on y cite les tours de Malines, Anvers, Ath, Courtray, Ypres,
Roulers et Harlebeke.
Je me permettrai
d’indiquer à M le ministre et à la chambre la tour de l’église de St.-Nicolas à
Furnes, comme se trouvant dans une position analogue aux diverses tours
énoncées dans le rapport ; cette tour, ancien et beau monument, se trouve dans
une situation telle que le conseil communal, pour éviter les plus grands
malheurs, s’est vu dans la nécessité de voter d’urgence, quoique dépourvu des
fonds nécessaires, la démolition et reconstruction de sa flèche en entier, et
de restaurations considérables aux parties inférieures de l’édifice.
Je dois faire observer
ici que l’administration communale s’étant adressée à celle de la province pour
l’obtention d’un subside, afin de pourvoir à une partie de la dépense, sa
demande soumise au conseil provincial, dans sa session de 1843 n’a pas été
admise à défaut d’y avoir joint certaines justifications.
Quoi qu’il en soit, la
chose devenant de plus en plus urgente, au point que la ruine d’une partie de
la flèche se faisait craindre, puisque déjà, à plusieurs reprises, de grosses
pierres s’en étaient détachées, l’administration, pour faire cesser l’immense
responsabilité morale qui pèse sur elle, vu les grands malheurs qui sont à
craindre, n’a pas ose attendre plus longtemps de faire l’adjudication des
travaux qui s’est élevée au-delà 17,000 francs (dix sept mille), dépense énorme
pour cette ville dont les ressources financières sont très bornées, et qui a
d’ailleurs à en supporter tant d’autres pour l’entretien de ses propres
bâtiments et pour des objets urgents d’un autre genre.
En faisant connaître la
situation dans laquelle se trouve la ville de Fumes, par rapport à la
reconstruction immédiate, devenue indispensable, d’une partie de la tour de
l’église de St.-Nicolas, je n’ai en vue que d’invoquer l’attention de M. le
ministre sur cet objet important, à l’égard duquel la demande avec les pièces
qui le justifient doivent, je pense, lui avoir déjà été adressées ou le seront
incessamment, afin que la ville de Furnes aussi soit admise à participer aux
secours destinés à la restauration des tours mixtes, et qui seront votés par la
législature.
- La discussion est
continuée à demain.
La séance est levée à 4
heures et demie.