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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du samedi 16 décembre 1843
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition
relative à l’impôt sur les boissons distillées (Rodenbach)
2) Projet de loi portant le budget de la dette
publique et des dotations pour l’exercice 1844. Discussion des articles.
Equilibre général des budgets, comptabilité publique, gestion de la dette
publique, émission de papier-monnaie par l’Etat (Devaux),
gestion de la dette publique, émission de papier-monnaie par l’Etat (de Man d’Attenrode, Cogels, Rogier, Devaux, Cogels,
Meeus, Devaux, Mercier),
droit de fanal (Mercier*), pensions à charge de l’Etat
et caisse de retraite (Peeters, Mercier,
(+indépendance des fonctionnaires publics) Delehaye et
Mercier, de Mérode, Mercier), pension d’anciens officiers militaires ayant
servi dans les Indes orientales (de Garcia, Mercier, de Garcia), pensions à
charge de l’Etat et caisse de retraite (Cogels, de Man d’Attenrode, Mercier, Osy, Mercier, Osy)
(Moniteur
belge n°357, du 17 décembre 1843)
(Présidence de M. Liedts)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 4 heures et demie.
M.
Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière
séance ; la rédaction en est adoptée.
M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Bernard-Antoine
During, médecin à Exaerde, né à Voorburg (Pays-Bas), demande la naturalisation
ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la
justice.
______________________
« Le conseil communal de Waerschoot
présente des observations contre la disposition du projet de loi sur la
circonscription cantonale qui tend à supprimer le canton de Waerschoot et à
réunir cette commune au canton de Somergem et à celui d’Eecloo. »
- Renvoi à la commission chargée de l’examen
du projet de loi sur la circonscription cantonale.
______________________
« Le sieur Kroneder, capitaine
au 12ème régiment d’infanterie, né à Keime (Autriche), prie la chambre de
statuer sur sa demande en naturalisation ordinaire. »
- Renvoi à la commission des
naturalisations.
______________________
« Quelques pharmaciens de la province
du Hainaut demandent qu’il soit défendu à tous autres qu’aux pharmaciens de
débiter des drogues et des sangsues. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
« Les cabaretiers et débitants de
boissons de la commune d’Opbrakel demandent l’abrogation de la loi du 18 mars
1838, établissant un impôt de consommation sur les boissons distillées. »
M.
Rodenbach. - Vous avez déjà reçu,
messieurs, plusieurs pétitions de la nature de celle dont on vient de vous
présenter l’analyse. Je demanderai que la commission fasse un rapport dans le
plus court délai possible sur les diverses pétitions relatives à la loi sur les
abonnements des boissons distillées.
- Cette proposition est adoptée.
Discussion
des articles
Chapitre premier. Service de
la dette
Article 17 (devenu l’article 18)
M.
Devaux. - Messieurs, cette discussion semble peut-être
un peu longue à la chambre ; moi-même, j’ai presque du regret de la prolonger,
et, comme je le disais hier, si la chambre avait désiré clore dans la dernière
séance, je n’aurais pas insisté. Cependant, messieurs, ce genre de discussion,
pour ne pas avoir peut-être de résultat immédiat, n’est pas sans utilité.
Toutes les discussions n’ont pas pour mission d’amener un effet immédiat ; il
en est qui ont un autre but ; il est des idées qui ne peuvent pas être mises
immédiatement en œuvre, qui ne peuvent pas être traduites en fait aussitôt
qu’elles se produisent dans cette assemblée ; il en est que la discussion doit
éprouver, doit mûrir, doit épurer, et, qui ne peuvent passer dans les lois
qu’après avoir été soumises à plusieurs reprises à cette épreuve.
Le débat dont il s’agissait hier peut
avoir un autre effet utile ; n’eût-il que celui de bien fixer dans notre
mémoire que l’article du budget qui se rapporte à la dette flottante se
rattache nécessairement au découvert du trésor, la discussion n’aurait pas été
oiseuse, car une des causes principales de l’existence du découvert, quelle
est-elle ? C’est que ce découvert, si nous ne l’avons pas précisément ignoré,
au moins nous l’avons laisse grossir presque sans nous en apercevoir. Nous en
avons été occupés trop peu, notre attention a été appelée trop rarement, trop vaguement,
trop fugitivement sur l’existence du déficit et sur les moyens de le couvrir.
Il serait heureux qu’il pût être établi comme précédent, qu’à l’occasion de la
dette flottante, nous nous occupons, chaque année, du découvert du trésor.
Messieurs, jusqu’à présent et surtout
dans les premières années de notre régime nouveau, nous avons eu, je ne dirai
pas des raisons légitimes, mais au moins un motif, une excuse pour ne pas
entrer dans une voie financière complètement normale : nous avions à attendre
un règlement de compte avec
Messieurs, la régularité en matière
de finance est une vertu toute belge. Il n’est peut-être pas de nation en
Europe qui, dans la vie privée, pratique plus que le Belge la régularité
financière. Les nations, messieurs, portent, malgré elles, dans la gestion de
leurs affaires publiques, leurs défauts nationaux. Tâchons que
Si je cherche les causes du découvert
qui existe aujourd’hui, j’en trouve surtout cinq qui me frappent. D’abord,
messieurs, une de ces causes, c’est l’évaluation exagérée des recettes. Cette
cause ne date pas de 13 ans, comme votre régime financier ; elle est, il faut
le dire, d’une date assez récente. Très longtemps, messieurs, les évaluations
des recettes ont été sincères. Aussi pendant les 9 à 10 premières années de
notre régime nouveau, les recettes réelles ont dépassé les évaluations de 24
millions de francs. Malheureusement, nous n’avons pas persisté dans cette voie
; depuis quelques années, on est entré dans un système d’évaluations exagérées,
et il y a eu de ce chef, dans les recettes, comparativement aux évaluations, un
déficit de 5 millions, depuis deux années seulement.
Il faut donc, messieurs, nous montrer
sévère désormais dans les évaluations des recettes ; il faut exiger des
évaluations sincères, une règle fixe ; il faut surtout ne pas permettre qu’on
évalue les recettes d’après les augmentations espérées dans les revenus par
suite de l’augmentation probable de la prospérité du pays ; il faut évaluer les
recettes d’après celles des années précédentes et non pas d’après des
espérances que chacun aime à nourrir, mais qui ne peuvent former une base
d’évaluation.
Une seconde cause, messieurs, de
l’existence du découvert, c’est ce que j’appellerai les crédits
supplémentaires, c’est-à-dire, les crédits votés après le vote des budgets.
En 13 ans, messieurs, il a été voté,
après les budgets, 42 millions de crédits supplémentaires. Et combien a-t-on
voté d’augmentation d’impôts après les budgets ? Si j’en prends la somme, elle
est négative. Les diminutions l’emportent de deux millions sur les
augmentations,
Ainsi, ces crédits votés après les
budgets sont une des sources du déficit. L’expérience prouve qu’en moyenne, il
y a l’année 3 à 4 millions de crédits supplémentaires votés pendant chaque
année. Vous voyez donc que vous n’avez pas un budget régulier, que vous n’avez pas
un budget qui satisfera réellement à vos dépenses, si les évaluations des
dépenses ne sont pas dépassées de 3 à quatre millions par les recettes. Il faut
donc, pour avoir un budget normal, avoir un budget des voies et moyens qui
offre un excédant de 3 à 4 millions sur les dépenses.
Messieurs, une troisième cause, selon
moi, c’est l’usage suivi jusqu’à ce jour de voter le budget des voies et moyens
avant le budget des dépenses. Depuis notre existence politique actuelle nous en
sommes au quatorzième budget. Eh bien, la moitié de ces budgets ont été votés
en déficit. Quand le budget des dépenses suit le budget des voies et moyens,
alors le chiffre des dépenses n’est pas rigoureusement décidé ; il y a toujours
une partie des membres de cette chambre qui se bercent de l’espoir de réduire
les budgets des dépenses et d’atteindre l’équilibre par ces réductions. Le vote
des dépensés arrive et on voit ces espérances s’évanouir. Si l’on vote quelques
réductions, elles sont trouvent dépassées par les augmentations votées parfois
sur la proposition des membres eux-mêmes. Ainsi l’équilibre n’est pas établi.
Si, au contraire, la chambre
commençait par le vote des dépenses, nous aurions un chiffre fixe ; on ne
pourrait plus se faire d’illusions ; on devrait alors faire face à des dépenses
définitivement votées.
Une quatrième cause, c’est que nous
ne nous occupons pas spécialement du déficit qui peut exister ; c’est que notre
attention n’est pas spécialement et en quelque sorte officiellement provoquée
sur cet objet ; c’est que dans aucune partie de nos budgets ne figure un
article qu’on appelle le découvert, le déficit, et qu’ainsi toutes nos lois
financières se votent sans qu’il soit question du découvert.
Vous le savez, messieurs, lorsqu’en
Je crois, messieurs, que nos budgets
devraient s’ouvrir par un article spécial qui nous obligerait en quelque sorte
à nous occuper du découvert, s’il en existe. Je voudrais que nos budgets
portassent en tête, comme ceux des administrations locales, un article de boni
ou de mali des exercices antérieurs.
On dira peut-être que, pour cela, il
faut attendre les comptes.
Il y a treize ans que j’entends
parler de la nécessité d’arrêter les comptes de l’Etat. La constitution nous en
fait une obligation annuelle. Il y a treize ans que nous violons cette
obligation. Toujours nous sommes à la veille de remplir ce devoir ; le retard
provient d’un obstacle qui va, dit-on, être levé dans quelques mois. Nous
sommes dans cette position depuis bien des années, et je crois que nous sommes
peut-être encore bien éloignés d’en sortir, si nous ne nous décidons pas à
prendre un parti énergique ; si vous voulez sortir des comptes, si vous voulez
entrer dans une voie régulière, si vous voulez accomplir vos obligations
constitutionnelles, avant tout votez le compte du dernier exercice
définitivement clos et, chaque année, votez-en un autre.
Quant à l’arriéré, vous en ferez ce
que vous pourrez, comme vous pourrez, mais du moins votre arriéré ne
s’accroîtra pas. Si vous n’entrez pas dans cette voie, l’arriéré finira par
devenir un véritable labyrinthe dont il vous sera impossible de sortir.
Enfin, messieurs, une cinquième cause
du découvert, c’est la facilité si séduisante que nous donne la dette
flottante, pour déguiser tous les déficits pour parer à tous les découverts,
pour couvrir, par une apparence de ressources, des dépenses qui, en réalité, ne
sont pas couvertes.
Ce n’est pas seulement comme
irrégularité financière que la dette flottante doit nous effrayer, elle doit
nous préoccuper surtout en vue du danger extrême qu’elle ferait peser sur nous
dans un moment de crise. La dette flottante pourrait, à elle seule, nous livrer
pieds et poings lies à des envahisseurs dans un moment où la guette éclaterait.
La dette flottante, et je suis charmé
de voir que cette opinion commence à prendre racine dans cette chambre ; la
dette flottante, dis-je, doit être pour tous les hommes qui s’occupent ici de
finances un véritable delanda Carthago.
II faut éteindre la dette flottante. Je ne sais s’il faut en conserver une
certaine portion.
Quelques personnes pensent qu’on peut
en garder trois ou quatre millions, pourvu qu’ils soient couverts par des
ressources réelles, et ne servent qu’à faciliter le service des premiers mois
de l’année. Elles ont peut-être raison ; cependant n’y a-t-il pas à craindre
que tant qu’il existera une dette flottante, on ne tende à la grossir, et
qu’elle ne demeure un moyen trop facile, trop séduisant de faire des dépenses
non couvertes.
Je parlais tout l’heure des crédits
supplémentaires. J’aurais dû ajouter. à ce propos, que nous devrions nous
imposer la loi de ne pas voter de semblables crédits, sans qu’ils portassent
avec eux les moyens d’y faire face.
Il faut au pays, pour les moments de
crise extérieure, une réserve en hommes, la réserve de l’armée ; il lui faut
des forteresses bien entretenues, il lui faut une réserve d’armes, des arsenaux
bien fournis, mais il lui faut de plus et surtout une réserve en écus. Cette
idée, je m’en félicite, commence à gagner du terrain dans cette chambre ; je
crois que nous devons aider à ses progrès, et pousser de toutes nos forces le
gouvernement dans cette voie.
Nous devons aussi avoir soin de notre
amortissement ; et à cet égard je dirai qu’il m’a semblé qu’il commence à se
manifester dans cette assemblée quelques dispositions peu favorables à
l’amortissement. J’ai entendu dire que l’amortissement comportait déjà de bien
grandes sommes ; je l’ai entendu avec peine, messieurs ; c’est en temps de paix
qu’il faut amortir les dettes, et notre amortissement n’est pas trop fort. Il
suppose l’extinction du 5 p. c. en 37 ans ; 37 ans de paix, peut-on y compter ?
Pour le 3 p. c., c’est encore un terme beaucoup plus long.
Et puis, nous venons de créer, au
moins nous venons d’inscrire dans notre budget une dette hollandaise, une dette
de 10 millions de rentes correspondante à un capital nominal d’environ
400,000,000 de francs, et cette dette n’a pas d’amortissement.
Veillons donc sur notre
amortissement actuel et surtout n’ayons pas la tentation d’y porter la main
pour quoi que ce soit. Regardons le fonds d’amortissement comme un fonds sacré.
Je sais ce qu’on peut dire contre
l’amortissement, je sais qu’on peut dire que tant qu’on a des emprunts à faire,
il est plus raisonnable d’amortir des dettes d’un côté et d’en créer de
l’autre.
L’amortissement a, à mes yeux, une
véritable utilité pratique ; c’est que le chiffre de l’amortissement, inscrit
dans le budget, nous force à créer les moyens de la couvrir, ou, en d’autres
termes, à créer un excédant de ressources au delà des dépenses. Si
l’amortissement n’avait pas son article au budget des dépenses, et si nous nous
bornions à y consacrer l’excédant tel quel que peuvent offrir nos recettes, je
craindrais que, faute d’excédant, l’amortissement n’eût jamais lieu.
Messieurs, ainsi que je vous le
disais tout à l’heure, depuis que nous avons réglé définitivement avec
Que faisons-nous pour éteindre la
dette flottante ? Il nous est arrivé quelques capitaux de la Hollande ; il nous
est arrivé quelques capitaux, par anticipation, de la Société générale ; nous
les avons laissé couler dans le vide du déficit, et nous nous croisons les
bras. Voilà tout ce que nous avons fait jusqu’à présent ; nous restons avec 21
millions de dette flottante.
Je sais bien que le gouvernement dit
avec une certaine raison : « Il n’y a pas précisément un découvert de 21
millions, car nous avons l’ancien encaisse de la banque, en fonds 4 p. c., qui
représente 11 à 12 millions. » Cela est vrai, mais votre dette flottante,
en réalité, n’en reste pas moins de 21 millions, car vous ne pouvez pas
réaliser votre 4 p. c. pour l’éteindre.
Le gouvernement vous propose de
vendre ce fonds chaque année à l’amortissement, contre les fonds de
l’amortissement dont celui-ci ne pourra pas temporairement faire usage, pour
quelques-uns de nos fonds qu’il ne peut pas amortir quand ils dépassent le
pair.
En supposant que l’amortissement
achète notre 4 p. c., qu’il puisse le faire chaque année, il nous faudra six
ans pour nous débarrasser de 11 à 12 millions de dette flottante. A mon avis,
c’est un délai beaucoup trop long.
Et d’ailleurs cette opération ne se
ferait qu’aux dépens de l’amortissement, car l’amortissement n’achète pas les 4
p. c. pour les garder. Quand le moment d’agir sera venu pour lui, il faudra que
l’amortissement vende ces fonds, et qu’il perde ; ou peut-être vous serez
forcés de lui reprendre son 4 p.c. et de lui donner des bons du trésor en
échange. La partie de la dette flottante que vous auriez éteinte, vous devriez
donc la ressusciter.
Si la dette flottante doit encore
subsister six ans, je crois ne pas m’aventurer beaucoup en prédisant que, loin
de diminuer, elle s’accroitra. La tentation qu’elle offre au gouvernement et
aux chambres, pour voter des dépenses sans faire face, est trop forte.
Nous avons donc fait peu de chose
jusqu’à présent, ou plutôt nous n’avons rien fait pour l’extinction de la dette
flottante.
Il y a même plus : nous continuons à
marcher dans une voie irrégulière ; nous continuons à consacrer, dans notre
budget, des capitaux au payement de nos dépenses ordinaires ; nous affectons à
ces dépenses ce qui provient de la vente des domaines, ce qui provient de
l’aliénation et du rachat de rentes, ainsi que de la vente des parcelles du
chemin de fer. C’est ainsi que nous destinons à des dépenses annuelles ce qui
précisément ne devrait servir qu’a éteindre les bons du trésor.
Messieurs, on a parlé dans la séance
d’hier de l’émission de bons du trésor sans intérêt, on a considéré ce moyen
comme propre à amener la diminution de la dette flottante.
Je ne suis pas éloigné de croire que
ce serait en effet une mesure praticable.
Un honorable membre a dit avec un peu
de dédain, avec trop de dédain, à mon avis, que c’était la une utopie.
Je crois que ce reproche ne peut être
adressé à une mesure qui est pratiquée dans une grande partie de l’Europe, qui
est pratiquée en Prusse, en Autriche, en Russie, en Danemarck et en Suède. Elle
ne l’est pas en France, il est vrai, mais je ne sache pas qu’il faille traiter
de rêve tout ce qui n’existe pas en France. Si, en France et en Angleterre, le
gouvernement n’émet pas de billets sans intérêt, on en sait la raison : c’est
qu’en France, il y a une banque qui est dirigée par le gouvernement et qui émet
de semblable papier. Ce serait en quelque sorte un double emploi, si le
gouvernement en émettait à son tour.
On a dit : que profiterait l’Etat à
faire une opération de ce genre ? il n’y gagnerait que l’intérêt, peut-être
500,000 fr. d’intérêt par an.
Et d’abord 500,000 fr. d’intérêt,
c’est quelque chose. Je ne comprends pas qu’on traite si dédaigneusement une
pareille somme. 500,000 francs d’intérêt répétés annuellement représentent
exactement 10 millions de capital. Or, 10 millions, quand nous sommes en
présence d’un découvert qui, d’après M. le ministre des finances, ne s’élève
qu’à ce chiffre, on ne l’atteint même pas ; 10 millions, dis-je, me paraissent
une somme assez respectable. Avec 500,000 francs d intérêt annuel, vous aurez,
quand vous le voudrez, 10 millions d’écus qui vous permettront d’éteindre d’une
seule fois la moitié de votre dette flottante.
D’ailleurs, quoique je ne comprenne
pas bien cette distinction entre le capital et les intérêts, quoiqu’avec des
intérêts on puisse toujours se procurer un capital, n’y aurait-il pas moyen, à
l’aide des billets de l’Etat, de se procurer, par une seule opération, le
capital aussi bien que les intérêts ? Pour moi, je crois que ce n’est pas chose
impossible.
On a parlé des dangers du
remboursement immédiat. Un honorable membre a renouvelé à cet égard les
craintes qu’il avait exprimées sur l’établissement de caisses d’épargnes par
l’Etat. C’est la nécessité du remboursement, dans un moment donné, qui
l’effraie. Mais il n’a pas examiné s’il n’y avait aucun moyen de faire
disparaître ou d’atténuer ce danger. Quant à moi, il me paraît que ce n’est pas
là un problème impossible à résoudre.
Je pense que si l’Etat admettait
cette mesure d’émission de billets du trésor sans intérêt, qu’il craignît les
demandes imprévues de remboursement, il y aurait peut-être plus d’un moyen
d’éviter cet inconvénient. Un moyen bien simple, par exemple, qui mériterait
d’être examiné ; ce serait de ne pas rendre ces billets remboursables. Cette
nécessité du remboursement, je doute qu’elle soit réelle tant que l’émission
est resserrée dans des limites étroites. Supposez la mesure suivante décrétée
par le gouvernement : les traitements des fonctionnaires qui excèdent
annuellement la somme de 1500 francs seront mensuellement, pour une quote-part,
payés en billets du trésor.
L’Etat recevra ces billets en
payement des contributions avec bénéfice d’un quart, d’un demi pour cent pour
le porteur. Certainement tout le monde trouverait à se défaire de ces billets.
Et dans toutes les communes tous les receveurs des contributions les
échangeraient volontiers au pair contre des écus, et puisque dans leurs caisses
ils représenteraient plus que le pair, vous n’auriez pas besoin de stipuler
d’autre remboursement. Les billets émis en paiement de traitements rentreraient
en contributions, vous les émettriez, l’année suivante, de la même manière.
Vous créeriez ainsi un capital pour éteindre votre dette flottante, dont vous
gagneriez les intérêts annuels et dont vous éviteriez le danger si menaçant
pour les temps difficiles.
Je cherche les objections qu’on peut
faire contre ce mode d’émission et je n’en trouve guère, du moment que
l’émission est très limitée. Je ne voudrais commencer que par une émission de 4
ou 5 millions, Je pense que ces billets seraient aussi recherchés que les billets
de
J’ai entendu faire une objection dans
la séance d’hier. On a dit : ce serait faire concurrence aux banques, aux
émissions de billets de banque faites par les établissements financiers du
pays. Or, ajoute-t-on, cette émission n’est pas une faveur uniquement faite
sans but à ces établissements, elle les aide à faire les escomptes, elle leur
donne des capitaux qui ne paient pas d’intérêt et leur permettent ainsi
d’escompter à de meilleures conditions. Il est fort douteux pour moi que
l’émission de billets de l’Etat puisse nuire le moins du monde aux émissions de
ces établissements. Voici pourquoi : tout le monde, y compris l’honorable
membre qui a parlé le dernier dans la séance d’hier, convient que l’émission
des billets de banque n’est pas en Belgique ce qu’elle pourrait et devrait
être, qu’elle n’est pas en rapport avec l’importance des affaires qui se
traitent dans le pays. Cette émission est destinée à s’étendre un jour.
Pourquoi ne s’étend-elle pas aujourd’hui ?
Cela tient à plusieurs causes. Une de
ces causes, c’est que c’est un mode de paiement inusité dans beaucoup de
localités et qu’il est difficile d’introduire des usages nouveaux. Il existe
contre les billets de banque une prévention résultant du peu d’usage qu’on en
fait. Il y a de ces préventions dans quelques parties de nos campagnes contre
l’or. Il y a des paysans qui préfèrent les pièces de 5 fr. à l’or, parce que
les pièces de 5 fr. tiennent plus de place, sont plus difficiles à emporter,
plus difficiles à perdre. La même prévention existe contre les billets de
banque, dont on n’a pas l’habitude de se servir, on ne les trouve pas assez
solides, leur destruction parait trop facile, on les perd trop aisément, toutes
craintes que l’usage fait cesser.
Il y a certainement d’autres causes
qui font qu’on préfère la monnaie à l’argent, mais celle que je signale est réelle
et n’est pas la moins répandue. Or, si le gouvernement payait une partie des
traitements en papier, vous auriez une circulation dans tout le pays, l’usage
des billets se répandrait, et les banques finiraient par en profiter
elles-mêmes, toujours pour autant que l’émission du gouvernement, ne fût pas
trop étendue. Enfin ces billets auraient encore un autre avantage pour les
personnes qui sont se sont plaintes dans cette assemblée de la non-existence
d’une monnaie nationale, de ce que notre monnaie s’écoulait en-dehors de nos
frontières. Cette monnaie-là vous seriez sûrs de la garder, elle ne s’en irait
pas, vous n’auriez pas, quant à elle, de crise à craindre.
M.
Meeus. - C’est donc un papier-monnaie.
M.
Devaux. - Ce n’est pas un papier-monnaie, parce que je
ne propose pas de lui donner un cours forcé. Mon moyen pour lui donner cours,
consiste à les accepter dans les caisses de l’Etat, en paiement de
contributions, et j’ajoute, par une précaution peut-être surabondante, qu’on
les recevrait dans ces caisses avec une légère bonification. Les fonctionnaires
seraient obligés de les recevoir de la main du gouvernement, mais ils auront la
faculté de les verser en paiement de leurs contributions, ou même de les
échanger chez les receveurs des contributions qui, trouvant à gagner un quart
ou un demi pour cent, s’empresseraient de les recevoir.
Je crois qu’il n’est pas
inutile de discuter des objets semblables dans notre assemblée. Je sens
cependant très bien que des idées de ce genre ne peuvent pas être mises à
exécution dès l’instant qu’elles sont émises ici ; il est désirable peut-être,
je suis le premier à le reconnaître, qu’elles passent à l’épreuve de la
discussion ; peut-être même qu’elles la subissent plusieurs fois.
Quant à moi, je crois qu’il peut y
avoir là un moyen de réduire notre dette flottante, qui mérite examen. Si on
n’adopte pas celui-là, il est urgent d’en découvrir d’autres, car encore une
fois il faut songer à l’avenir et régulariser rigoureusement la position de nos
finances.
M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l’honorable M. Verhaegen nous a dit hier : « Les
bons du trésor peuvent bien être employés pour faciliter le service du trésor,
en attendant la rentrée des revenus réels, mais ils ne peuvent, en aucun cas,
les remplacer, sans cela ils constituent un véritable emprunt. »
L’honorable ministre des finances lui
a répondu que les ressources qui résultent du traité du 5 novembre peuvent
réduire le déficit de 37 millions à 9 millions ; mais que, ne pouvant disposer
de toutes ces ressources immédiatement, le déficit reste fixé provisoirement à
21,500,000 fr. ; qu’une émission de bons du trésor, de semblable somme,
semblait donc nécessaire. Puis il a ajouté qu’une émission de 10 à 15 millions
de bons du trésor serait suffisante pour assurer le service, attendu que les
recettes précèdent les dépenses.
Il résulte donc de ces paroles, que
le motif qui nous a fait créer une dette flottante, motif qui consistait à
faciliter le service du trésor en attendant la rentrée des revenus, n’existe
plus, et je suis fondé à en conclure que les bons du trésor, contrairement au
but de leur création, servent à couvrir le déficit, c’est-à-dire l’excédent des
dépenses des années antérieures.
N’y aurait-il pas lieu dès lors de
supprimer la dette flottante qui ne sert qu’à masquer nos déficits, comme vient
de le dire si bien l’honorable M. Devaux ? N’y aurait-il pas lieu de la faire
disparaître en ayant recours même à la mesure extrême d’un emprunt, afin de
donner une marche plus régulière et moins embarrassée à nos finances ? Si cet
emprunt était accompagné de la condition d’un large amortissement, et que nos
recettes fassent telles, que nous pussions compter sur une réserve, alors nous
pourrions avoir quelque confiance, et espérer un avenir meilleur pour les
finances du pays. C’est cette espérance, qui, seule, pourrait me faire passer
par un nouvel emprunt ; l’espérance de mettre une bonne fois de l’ordre et de
la clarté dans nos finances ; car, dans un pays où la publicité est une des
premières conditions de l’ordre dans les finances, il faut de la clarté, un
système saisissable pour tous sans études approfondies ; car la publicité n’est
possible qu’au prix de la clarté.
Et s’il arrivait que les recettes ne pussent
satisfaire aux besoins du trésor, si le gouvernement éprouvait encore le besoin
d’une dette flottante, j’appuierais le système de l’émission de bons sans
intérêts, dont nous ont entretenus nos honorables collègues, MM. Rogier et
Devaux ; pourquoi l’Etat ne pourrait-il pas mettre en circulation, comme les
banques, des billets représentant des valeurs ? Un Etat comme le nôtre n’est-il
pas à même de donner toutes les garanties qu’offrent les banques ? N’est-ce pas
la garantie de l’Etat qui est la base du crédit des banques ? La banque de
Belgique se serait-t-elle relevée sans la garantie du gouvernement ? Je ne
conçois donc pas pourquoi l’Etat ne pourrait pas émettre des billets avec le
contrôle du pouvoir législatif.
Un honorable représentant vient de nous
dire, que ce genre de billets était en usage dans divers Etats, mais qu’il
n’existait pas en France ; cela est exact, mais le gouvernement français a à sa
disposition des ressources qui y suppléent au moins en partie.
C’est ainsi, que le montant des contributions
directes est souscrit par douzièmes par les receveurs généraux, et que le
montant en est remis le 1er de chaque année au ministre des finances sous forme
de billets payables le 1er de chaque mois ; et les receveurs généraux, quand
les besoins l’exigent, n’attendent pas même l’échéance de ces traites pour les
escompter à un taux très peu élevé. Si le caissier général en agissait de la
sorte avec l’Etat belge, une dette flottante eût été inutile à créer en
Belgique ; car son gouvernement se fût trouvé pourvu de valeurs suffisantes dès
les premiers mois de l’année pour assurer le service.
Messieurs, puisque j’ai la parole,
j’en profiterai pour confirmer ce que j’ai avancé, il y a peu de jours, sur la
manière incomplète, avec laquelle le gouvernement rend compte des bons du
trésor. Cela servira à démontrer encore qu’il n’y a d’ordre nulle part dans
notre comptabilité.
M. le ministre des finances avait
bien voulu me répondre qu’un compte spécial des bons du trésor était rendu
annuellement, c’est ce que je savais fort bien, mais voici ce que c’est que ce
compte.
Le compte spécial des bons du trésor,
que rend le ministre à la fin de chaque année, tend à faire connaître le
montant de l’émission et des remboursements, afin de faire apprécier le chiffre
des intérêts et des frais pour lesquels, il y a lieu d’accorder des crédits
pour les régulariser dans les comptes généraux, mais ce compte ne peut
dispenser M. le ministre des finances de porter recettes dans son compte
général de gestion le montant des bons émis, et en dépense le montant des bons
remboursés, puisque ce n’est que par cette opération, qu’il est possible de
déterminer l’encaisse général du trésor.
L’opinion que je viens d’émettre, je
la base sur le compte spécial des bons du trésor pour 1839.
Ce compte présente une émission de
32,741,000
et un remboursement de bons parvenus
à l’échéance à 15,144,000
Il y avait donc un excédant en
caisse de ce chef de 17,597,000
Eh bien, cet excédant ne figure pas
au compte général de l’Etat, puisque l’on ne rattache pas à ce compte les
opérations des bons du trésor ; cela prouve évidemment que le solde en caisse
du compte général est inexact, puisque, du seul chef des bons du trésor, il
aurait dû être augmenté de 17,597,000.
Ce que j’ai avancé sur l’incomplet
des comptes rendus des bons du trésor est donc exact, et cela prouve encore
d’une manière plus positive, que le compte général est incomplet et tout à fait
problématique.
M.
Cogels. - Messieurs, j’ai écouté avec l’attention la
plus soutenue, et toute la chambre a écouté avec le même intérêt le discours
remarquable qui vient d’être prononcé par l’honorable député de Bruges qui
siège à côté de moi. On y a trouvé comme de coutume des idées fort justes, un
aperçu fort exact de notre situation ; et, quant à ce qui regarde notre dette
flottante, je ne puis que partager entièrement l’avis émis par mon honorable
voisin. Quant à ce qui concerne l’émission de billets par l’Etat, ou d’un
certain papier-monnaie, je l’avais combattu hier parce que l’honorable M,
Rogier voulait rendre ces billets remboursables comme le sont les billets de
banque.
Dès lors, il fallait nécessairement
que l’Etat, pour assurer le remboursement de ces billets eût soin de satisfaire
à toutes les conditions que doivent remplir toutes les banques bien organisées,
c’est-à-dire, qu’il lui faudrait une réserve en argent pour une partie des
émissions, et pour le surplus, des valeurs constamment réalisables. Mais le système
de l’honorable M. Devaux, qu’il me serait impossible d’apprécier aujourd’hui
dans toutes ses parties, car une concession de cette nature ne peut pas être
appréciée au premier coup d’œil, ce système m’a cependant paru présenter des
inconvénients extrêmement saillants et que je crois devoir signaler à la
chambre.
L’émission de billets de l’Etat qui
ne seraient obligatoires que pour les employés et pour le payement des
contributions, mais que le particulier pourrait se refuser à recevoir, dans les
transactions ordinaires, donnerait lieu nécessairement à une dépréciation dans
certaines circonstances, à moins que l’on n’y attachât des avantages
particuliers. Mais, dit l’honorable membre, je veux y attacher ces avantages.
Je ne les déclare pas seulement recevables pour le payement des contributions,
j’y attache une prime. L’honorable membre suppose ensuite une émission limitée
d’abord à 5 millions. Voyons quelles seraient les conséquences d’un semblable
système. Le montant total de nos divers impôts peut s’évaluer à 80 millions, il
y aurait donc, en supposant que, pour le paiement des contributions, on
n’employât que des billets, il y aurait moyen de les faire circuler 10 fois
dans une année ; la prime étant de 1/2 p. c., cela ferait 8 p. c. de prime à
payer. Maintenant, je me fais une question : qui supporterait cette prime ? Ce
serait le trésor. Loin d’avoir un profit, il y aurait une réduction sur la
recette. Je conviens qu’il serait impossible de n’employer que des billets pour
le paiement des contributions, mais ceci est pour montrer les conséquences
poussées à l’extrême. Si on les fait circuler quatre fois, on paiera 2 p. c ,
et si on les fait circuler six fois, on paiera 3 p. c ; ainsi de suite.
Il y a maintenant une autre
considération qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que ces billets ne pouvant
être employés que pour le paiement d’une partie des traitements, ils ne
pourraient être affectés à aucune autre dépense, telle que la solde des
troupes, le paiement des fournitures, des rentes de l’Etat, etc.
Il y aurait donc encore une
autre conséquence, c’est que l’émission de ces billets ne produirait, pour
ainsi dire, aucun changement dans la situation du trésor. La seule différence,
c’est que l’encaisse, qui se compose ordinairement de 12 millions espèces, se
composerait de 8 millions espèces et de 4 millions de billets, et qu’il y
aurait tout au plus un million de billets constamment en circulation. Cette
circulation serait très rapide, et l’on verrait rentrer les bons au trésor au
fur et à mesure de leur émission. Ensuite, n’employant ces bons que pour une
partie des traitements des employés, l’usage en serait renfermé dans des
limites fort étroites.
Voilà les premières objections qui me
sont venues à l’idée et qui me paraissent détruire les avantages du système
qu’a présenté, avec tant de lucidité, l’honorable M. Devaux.
M.
Rogier. - Je pense que le moment n’est pas venu de
discuter tous les moyens d’exécuter les idées qui ont été mises en avant. Le
but de l’opinion qui a été développée sur l’émission de bons du trésor sans
intérêt serait d’obtenir une économie de 500,000 fr., annuellement, ou du moins
aussi longtemps qu’on émettra des bons du trésor.
Les moyens rentrent dans
l’exécution. Ils peuvent se présenter en grand nombre, les uns sont
susceptibles d’être améliorés, d’autres devront être rejetés comme
impraticables. Cela ne rentre pas dans les attributions de la chambre, mais
dans celles du gouvernement.
Quoi qu’il en soit, je me félicite
d’avoir appelé l’attention de mes collègues sur des idées dont l’utilité a été
appréciée par plusieurs d’entre eux.
Je reconnais que la proposition a
besoin d’être mûrie encore. J’insiste sur cette considération que je n’ai pas
voulu donner à cette proposition une étendue illimitée. Dans toutes les
hypothèses, et quel que soit le système adopté, je veux que l’on parte de ce
principe que l’émission des bons du trésor aurait lieu dans des limites
modérées et que le chiffre en sera fixé chaque année par la loi.
M.
Devaux. - Je suis loin de m’étonner que les idées que
j’ai émises rencontrent des objections. Je pense, au contraire, qu’elles
doivent en rencontrer, je le désire ; c’est le moyen de s’éclairer et de les
mettre à l’épreuve.
Je ne suis pas sûr d’avoir bien
compris l’objection qu’a faite l’honorable M. Cogels. Chaque fois, dit-il, que
les billets rentreront au trésor, ils supporteront une prime de 1/4 p. c. Si
donc ils rentrent 16 fois, cela fera une prime de 4 p. c. Mais ils ne pourront
pas y rentrer 16 fois. Car, si vous autorisez le gouvernement à émettre de ces
billets pour 5 millions en une année, vous ne l’autorisez à les émettre qu’une
fois. Si les billets ne sont émis qu’une fois par an, ils ne peuvent rentrer
qu’une fois. Il est possible que je me trompe et ne comprenne pas la portée de
l’objection, mais elle me paraît de peu de valeurs.
On a fait une autre observation :
c’est que les billets, une fois rentrés, ne seront plus dans la circulation.
Mais peu importe au gouvernement ; ce sera comme si vous aviez crée pour lui 5
millions de valeurs. L’argent ne rend pas d’autres services ; il sert à payer
les traitements des fonctionnaires et aux autres dépenses, et il rentre par les
contributions. Les billets feront le même office.
Vous diminueriez, dit-on,
l’encaisse en écus de 5 millions ; et vos billets en tiendront lieu. Mais
qu’importe ! Ces 5 millions de billets s’ils rentrent, tiendront lieu de 5
millions en écus qu’on pourra employer à diminuer la dette flottante. Ces
billets correspondent pour le gouvernement à une création de valeur en
numéraire de même importante. Remarquez qu’on les émettrait mensuellement dans
le payement mensuel des traitements, il ne pourrait donc rentrer que
mensuellement et par portion comme on les émettrait.
Je le répète, il est possible que je
n’aie pas bien saisi ces objections. Et, dans tous les cas, de pareilles idées
ont besoin d’être mûrement appréciées avant d’être définitivement admises.
M.
Cogels, rapporteur. - La supposition que j’ai faite
était toute naturelle. Le gouvernement payant une partie des traitements par
trimestre, les billets pourraient être émis plus d’une fois, on pourrait
constamment les faire circuler. Mais, d’après la nouvelle observation de
l’honorable M. Devaux, il y aurait un inconvénient bien plus grave, c’est que
si les billets ne pouvaient être émis qu’une fois, donnés en payement le 1er
janvier, ils rentreraient avant le 1er février, et ils ne pourraient plus faire
le service du trésor. Une fois rentrés, après leur émission, ce seraient des
valeurs mortes dans les caisses de l’Etat pendant onze mois de l’année.
M.
Meeus. - Les observations que vient de
présenter l’honorable rapporteur étaient celles que je voulais présenter à
l’assemblée. Il est bien certain que les 5 millions de billets que propose
d’émettre l’honorable M. Devaux, si une prime y était attachée, rentreraient
dans les caisses de l’Etat le lendemain de leur émission. Je suppose qu’une
banque annonce par la voie de la presse qu’elle donne 1/8 p. c. à toutes les
personnes qui viendraient échanger chez elle ses billets de banque ; je suis
persuadé qu’avant 5 jours tous ses billets seraient rentrés ; ce serai un moyen
d’empêcher la circulation, C’est le contraire du but que vous voulez atteindre.
Je suis convaincu que l’honorable M. Devaux
n’a pas voulu donner à ses paroles la portée que nous y attachons. La lucidité
que l’honorable membre apporte d’ordinaire dans toutes les discussions ne se
retrouve pas ici. Ceci prouve que, dans des matières si délicates, on ne doit
pas improviser, et qu’avant d’émettre ici ses idées, elles devraient faire
l’objet d’une proposition qui serait examinée en sections. En effet, ces idées
peuvent avoir un côte pratique mais elles exigent un examen plus sérieux que
celui que comporte une discussion générale.
M.
Devaux. - L’honorable M. Meeus a un moyen facile
d’écarter les discussions qui lui déplaisent. Hier, il traitait tout simplement
d’utopie ce qui est pratiqué en Prusse, en Autriche, en Russie, en Danemark et
en Suède. Aujourd’hui, il dit que les idées qui viennent d’être émises
n’auraient pas dû l’être dans une discussion générale, mais faire l’objet d’une
proposition qui aurait été examinée dans les sections. Non, ces idées ne
devaient pas faire l’objet d’une proposition, il fallait commencer par les
émettre dans une discussion ; il fallait qu’elles fussent franchement et
loyalement soumises à une discussion, il fallait que vous, monsieur, qui avez
des lumières spéciales en cette matière, vinssiez leur opposer, non pas des
fins de non-recevoir, mais des raisons solides. Quand vous dites que je n’avais
pas le droit de dire ce que j’ai dit, vous vous trompez, j’en avais le droit et
je suis resté dans toutes les convenances parlementaires. Quand un membre de
cette chambre croit une mesure utile au pays, il fait bien de communiquer ses
idées à ses collègues, et de les soumettre loyalement à une appréciation
publique, avant que le moment soit venu d’en faire une proposition formelle.
Quelle est votre objection ?
Vous dites que les billets rentreraient immédiatement au trésor. Je dis que
cela importe peu. Voici la question : le gouvernement a, dans l’année, 109
millions de dépenses et 109 millions de recettes a faire. Je suppose qu’il
devra consacrer 5 millions de recettes à couvrir le déficit de l’arriéré. Reste
104 millions de recettes pour l’année et 109 millions de dépensés. Pour
remplacer les 5 millions qui lui manquent, il crée 5 millions de billets, qu’il
émet, dans l’année par partie, mois par mois. Ces 5 millions rentreront,
dit-on, en papier. C’est possible, mais, l’année suivante vous les émettez
encore dans tous les cas, il ne rentrera cette année que 5 millions en papier
puisqu’on n’en a pas émis davantage. Et par conséquent il rentrera 104 millions
en écus. Les 109 millions de dépenses seront couverts.
Je n’émettrai pas tous les billets en
janvier ; je les échelonnerai par mois dans toute l’année. Ils ne rentreront
pas tous au commencement de l’année, et ils ne rentreront qu’une fois, parce
que je ne les émettrai qu’une fois.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - La chambre s’est occupée
longtemps déjà de cette question ; nous avons des affaires urgentes à discuter.
Sans trouver mauvais en aucune manière que ces idées aient été émises, je crois
qu’il est désirable que la discussion ne se prolonge pas.
Je ne suis pas d’accord avec
l’honorable M. Devaux sur l’effet de bons du trésor qui ne pourraient être émis
qu’une fois annuellement, et qui, dans l’hypothèse d’après laquelle on a
argumenté, rentreraient dans les caisses de l’Etat des le commencement de
l’année.
S’il en était ainsi, ce papier
concourrait à former l’encaisse pendant la plus grande partie de l’année ;
en supposant que cet encaisse soit habituellement de 9 millions, par exemple,
et que cette somme soit nécessaire pour les besoins du service public, il est
évident qu’il deviendrait insuffisant alors qu’il se composerait pour plus de
la moitié d’un papier que l’on ne pourrait plus émettre pendant le restant de
l’année, il serait ainsi réduit de fait à 4 millions. Je parle dans l’hypothèse
qui a été posée, sans prétendre qu’elle doive nécessairement se réaliser dans
le système qui a été indiqué par l’honorable M. Devaux.
Quoi qu’il en soit, je demande que
cette discussion ne se prolonge pas davantage. S’il peut être utile que la
chambre se livre à de semblables discussions, en l’absence de projets formulés,
je pense qu’elles doivent porter sur le principe et non sur les moyens
d’exécution.
- La clôture est mise aux voix et
prononcée..
Le chiffre de 500,000 fr. est mis aux
voix et adopté.
Article 18 (qui devient l’article 19)
« Art. 19. Intérêts de la dette
viagère, 5,500 »
- Adopté.
Article 19 ( qui devient l’article 20)
« Art. 20. Intérêts à payer aux
anciens concessionnaires de
- Adopté.
Article 20 (qui devient l’article 21)
« Art. 21. Indemnité de reprise
à payer à
- Adopté.
Article 21 (qui devient l’article 22)
« Art. 22. indemnité annuelle
pour travaux à exécuter au canal de Terneuzen (art. 20 § 6, et art. 23 du
traité du 5 novembre 1842), 25,000 florins : fr. 52,910 15 »
- Adopté.
M.
le président. - La section centrale a proposé un
article nouveau ainsi conçu :
« Paiement à faire au gouvernement des
Pays-Bas pour le rachat des droits de fanal, mentionnés au § 2 de l’art. 18 du
traité du 5 novembre 1842 (fl. 10,000) : fr. 21,164 02 »
M. le ministre des finances
(M. Mercier) s’est rallié à cette
proposition.
- Cet article est adopté.
Article premier
« Art. 1er. Pensions
ecclésiastiques : fr. 330,000
« Pensions civiles : fr. 515,000
« Pensions civiques : fr.
187,000
« Pensions militaires : fr.
2,100,000
« Pensions de l’ordre Léopold :
fr. 23,000
« Arriéré de pensions de toute
nature pour les exercices clôturés : fr. 5,000
« Ensemble : fr.
3,155,000 »
M.
Peeters. - Messieurs, je suis vraiment
effrayé de l’augmentation successive du nombre des personnes, et de la
subvention pour la caisse de retraite. La constitution nous a invité à nous
occuper de la révision des pensions comme d’un objet très urgent, et jusqu’ici
cette révision n’a pas eu lieu.
On nous parle de droits acquis. Quant
à moi je ne reconnais pas de droits acquis là où la constitution nous impose un
devoir. Je crois que nous devons enfin en venir à la révision des pensions que
le congrès nous a imposée après mûr examen, et non sans des graves motifs. On
devrait révoquer l’arrêté du roi Guillaume. Cet arrêté donne droit à la pension
aux fonctionnaires qui ont 40 années de service et 60 ans d’âge. Mais plusieurs
personnes sont encore très capables, à l’âge de 60 ans, de remplir des
fonctions. Aussi, voit-on des fonctionnaires, après avoir obtenu une forte
pension, se mettre à la tête d’établissements industriels dont ils gèrent très
bien les affaires.
Je crois, quant à moi, messieurs, que
l’on ne devrait accorder de pension qu’aux personnes qui sont dans
l’impossibilité de continuer à remplir leurs fonctions et que dans aucun cas
une pension ne devrait dépasser 5 à 6000 fr.
Nous savons, d’ailleurs, ce qui
arrive ordinairement. Quelques années avant de demander une pension, on demande
une place d’un rang supérieur, de manière que souvent, la pension qu’on obtient
dépasse le traitement de la place qu’on a occupé le plus longtemps.
Quant à moi, je ne voterai
plus de fonds pour les pensions, le ne voterai pas même une nouvelle loi sur
les pensions avant que celles données n’aient été révisées, surtout celles qui
s’élèvent à des sommes beaucoup trop élevées ; il faut donner des pensions,
sans doute, à des personnes hors d’état de servir, mais une pension modérée, proportionnée
au service du titulaire, et quelquefois à sa position financière.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, je répondrai à
l’honorable membre que la chambre aura bientôt à se prononcer sur un nouveau
système de pension, et qu’alors il pourra être fait droit à toutes ces
observations.
M.
de Garcia. - Messieurs, la chambre a été saisie d’une
pétition de deux ou trois officiers qui se trouvaient au service des Indes lors
de notre révolution. D’après les lois et arrêtés qui existaient sous l’ancien
royaume des Pays-Bas, ces officiers avaient droit à une pension plus forte que
les militaires qui restaient sur le continent.
Lorsque la révolution est arrivée,
ces officiers, comme j’ai déjà eu l’honneur de le dire à l’assemblée, ont
quitté le service des Pays-Bas pour rentrer dans leur patrie et lui offrir leur
bras. C’est donc un sentiment de nationalité qui les a amenés à quitter le
service de
Je crois qu’en bonne justice,
messieurs,
Je ne sais si la commission des
pétitions a statué sur la requête de ces officiers. Je demanderai à M. le
ministre des finances si elle lui a été renvoyée et quelles sont ses intentions
à l’égard de la réclamation des pétitionnaires.
M.
Delehaye. - A l’interpellation que vient de faire M.
Peeters, M. le ministre des finances a répondu que bientôt la chambre serait
saisie d’une loi, et que dès lors toutes les questions relatives aux pensions,
seraient réglées légalement. Messieurs, il existe aujourd’hui un règlement sur
les pensions. Ce règlement laisse, effectivement, beaucoup à désirer ; mais
cela n’a pas empêché M. le ministre des finances et M. le ministre de la guerre
d’en faire un criant abus. C’est ainsi que, dans le courant de cette année,
nous avons vu à des intervalles très rapprochées prononcer l’admission à la
pension de personnes qui étaient encore très capables de remplir leurs
fonctions.
Puisque M. le ministre de la guerre
est absent, je ne m’appesantirai pas sur ce point en ce qui le concerne ;
lorsque nous discuterons son budget, nous pourrons nous en occuper.
Je me bornerai à signaler aujourd’hui
les abus qui ont été commis par M. le ministre des finances. Je lui dirai qu’on
a vu avec beaucoup de déplaisir que plusieurs agents comptables de son
administration ont été mis à la pension, alors qu’ils étaient encore à la fleur
de l’âge, ou qu’ils étaient tout au moins très capables de continuer leurs
services au pays.
Nous avons surtout ces faits à la
suite des élections. Il m’a été signalé que, dans quelques provinces, des
fonctionnaires avaient été obligés de quitter leurs places pour les céder à des
personnes qui n’avaient d’autres titres que d’avoir été des agents très
officieux dans les élections.
Vous comprenez que je ne puis citer
des noms propres.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je vous en défie.
M.
Delehaye. - Votre défi ne me touche nullement. Si je
citais des noms propres, vous seriez le premier à dire que les convenances
parlementaires s’y opposent. Comment ! c’est un ministre, c’est un conseiller
de la couronne, qui me provoque à manquer aux convenances parlementaires, qui
me pose un défi qui amènerait le rappel à l’ordre de celui qui y répondrait.
Certes, si un membre de la chambre commettait un pareil oubli, vous ne vous
montreriez pas indulgent.
Je ne répondrai donc pas à votre défi
; mais, je répète, et je répète sans crainte d’être démenti par le public, que
dans l’administration des finances nous avons vu plusieurs fonctionnaires très
capables de continuer leurs fonctions, être admis à la retraite, et remplacés
par des hommes qui avaient acquis des titres à la bienveillance des ministres
par leur conduite dans les élections.
Mais je dirai plus, je dirai qu’une
place a été occupée par un homme qui était bien moins capable de la remplir que
celui qui avait été mis à la pension.
En présence de tels faits, est-il étonnant qu’il règne dans l’armée et
dans l’administration des finances une espèce de découragement ? Est-il
étonnant que des hommes qui pouvaient parcourir longtemps encore une carrière
qui assurait leur existence et qui se sont vus brusquement mis à la pension, se
soient trouvés entièrement découragés et qu’ils n’aient plus pour le pays les
sentiments patriotiques qui les animaient auparavant ? Doit-on s’étonner de
voir le mécontentement régner dans le pays ?
Si je ne m’occupais que de la
conduite politique du gouvernement je ne ferais pas ces observations. Mais
c’est que les abus dont je me plains ont pour effet d’amener chaque année au
budget une augmentation considérable du chiffre pour les pensions. Ne perdez
pas de vue que cette année encore, le titre des pensions militaires et autres,
a subi un accroissement considérable. C’est à vous, messieurs, à y mettre un
terme ; et je ne doute nullement que plusieurs d’entre vous, qui ont pu aussi
apprécier avec quelle étrange légèreté le gouvernement admettait à la pension,
ne se joignent à moi pour appeler le gouvernement à son devoir.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - L’honorable membre s’étonne
qu’alors qu’il lance contre le gouvernement les accusations les plus graves, un
ministre ne puisse garder entièrement son sang-froid. Il veut que je reste
calme, alors qu’il vient parler d’abus scandaleux, et qu’il ajoute : Je ne
citerai pas ces abus.
M.
Delehaye. - J’ai cité ces abus, mais je ne cite pas les
personnes.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Vous avez articulé, vous
n’avez pas prouvé des abus. L’honorable membre dit : je ne citerai pas les
personnes. Mais il est facile de lancer ainsi des accusations quelque fausses
qu’elles puissent être.
Et en effet, c’est à mon
administration que l’honorable préopinant s’est attaché. Or, je déclare que les
faits que l’honorable membre vient de rapporter, sont de la plus complète
inexactitude ; je déclare que pas une seule démission n’a été donnée, que pas
une seule nomination n’a été faite eu vue des élections. Je le déclare de la
manière la plus formelle.
D’ailleurs, les démissions qui ont
été accordées, à quel nombre s’élèvent-elles ? En voici les états, je les tiens
en main, et je les déposerai sur le bureau. Sans doute l’honorable membre ne
veut pas parler de démissions simples de préposés ou brigadiers de douanes ou
d’autres agents subalternes. Je ne pense pas qu’il suppose dans de semblables
démissions des vues électorales.
Eh bien, il n’y a eu, depuis ma rentrée
aux affaires, que 21 fonctionnaires, à partir du grade de receveur, qui aient
reçu leur démission dans l’administration des contributions, douanes et
accises. Dans celle de l’enregistrement, toujours à partir du grade de
directeur jusqu’à celui de receveur inclusivement, cinq démissions seulement
ont été accordées, et elles l’ont été sur la demande des fonctionnaires
eux-mêmes, ou parce que l’administration a jugé qu’ils ne pouvaient plus
remplir convenablement leurs fonctions. Mais aucune, je l’atteste, n’a été
donnée en vue de motifs politiques.
L’honorable membre, en disant
qu’il ne s’enquiert pas des opinions politiques des membres du gouvernement,
l’attaque pour ces mêmes opinions, pour sa prétendue partialité. Ce sont là des
accusations gratuites, des accusations qui ne reposent sur aucun fondement. Et
certes, il est bien plus permis de ne pas conserver tout son calme à celui qui
est attaqué injustement qu’à celui qui attaque à froid et sans raison,
L’honorable membre vous a dit que
j’avais remplacé un fonctionnaire capable par un autre moins capable. Je ne
sais à quel fait il a voulu faire allusion, s’il veut m’instruire à cet égard,
je lui en serai reconnaissant.
M.
de Mérode - Messieurs, je conçois très bien que M. le
ministre des finances se défende des imputations qu’on lui adresse, et je suis
très satisfait, provisoirement du moins, de la manière dont il y répond,
puisqu’il y oppose des pièces qu’il dépose sur le bureau. Mais en général, il y
a un bruit qui circule et que j’entends souvent reproduire : c’est que bien des
personnes encore très capables de servir dans l’administration, sont mises à la
retraite. Ainsi, à Bruxelles on m’a cité trois ou quatre receveurs qui ont des
pensions très considérables et qui pouvaient encore remplir leurs fonctions.
Je ne sais comment l’arrêté du roi
Guillaume est interprété, mais cet arrêté est vraiment fatal au trésor public,
puisqu’il produit de pareilles dépenses inutiles. Je désire donc qu’il soit
révisé le plus promptement possible.
Il existe un autre arrêté du roi
Guillaume, qui attribue aux officiers qui servaient aux Indes un supplément de
pension, supplément qui était assurément bien gagné ; car ce n’était qu’en
s’exposant à de très grands périls qu’on pouvait l’obtenir, il y a en Belgique,
comme vous l’a dit l’honorable M. de Garcia deux ou trois officiers de cette
catégorie, et j’insiste aussi pour que l’arrêté dont je viens de parler, leur
soit appliqué.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Messieurs, l’honorable
comte de Mérode vient de parler de fonctionnaires qui auraient été mis à la
pension alors qu’ils étaient encore en état de remplir leurs fonctions. Sans
doute l’honorable membre ne fait pas allusion à des pensions accordées sous mon
administration ; cependant je pourrais, tout aussi bien que l’un ou l’autre de
mes prédécesseurs, avoir été trompé par des certificats mensongers.
Sous le régime des règlements
actuels, certains fonctionnaires ont un véritable intérêt à réclamer leur
pension et lorsqu’ils fournissent des certificats délivrés par des médecins
réputés dignes de foi, constatant qu’ils sont dans un état de sante tel qu’ils
ne puissent plus remplir leurs fonctions ; lorsqu’ils réunissent en outre les
conditions voulues par les règlements pour pouvoir obtenir la retraite, le
gouvernement se trouve bien forcé de les admettre à la pension. Comme je l’ai fait
remarquer à la section centrale, lorsqu’elle m’a fait l’honneur de m’appeler
dans son sein, le seul remède à l’état de choses dont on se
plaint, c’est de mettre les fonctionnaires dans une situation telle qu’ils
n’aient pas intérêt à demander leur pension pour une indisposition plus ou
moins légère qui ne les empêche pas de s’appliquer encore utilement aux
affaires publiques ; c’est de les mettre dans une position telle qu’ils aient
intérêt à rester le plus longtemps possible dans
l’exercice de leurs fonctions. C’est donc dans la loi qu’il faut trouver le
remède, car on comprend qu’il est impossible au ministre des finances de
s’assurer du véritable état de la santé des fonctionnaires qui demandent leur
mise à la retraite. C’est donc une loi qui peut seule remédier à l’état de
choses dont on se plaint, et cette loi sera présentée dans un bref délai.
L’honorable M. de Garcia m’a fait
tout à l’heure une interpellation. La pétition dont il a parlé ne m’a pas été
renvoyée jusqu’à présent. Aussitôt que j’en serai saisi, je m’en occuperai avec
toute la sollicitude que l’objet réclame.
M.
de Garcia. - Je remercie M. le ministre des finances de la
réponse qu’il vient de me faire. Nous ne devons pas perdre de vue, messieurs,
que les officiers dont il s’agit étaient en 1830, lors de notre révolution, au
service du royaume des Pays-Bas dans les Indes. Alors les colonies étaient de
notre domaine comme celui de
M.
Cogels. - L’augmentation toujours croissante du chiffre
des pensions a constamment attiré l’attention de la section centrale. Avant que
la caisse restée en Hollande ne fût liquidée, on a été généralement beaucoup
trop facile à cet égard, et c’est l’espoir que l’on fondait sur ces ressources
qui a engagé la chambre à ajourner, non pas seulement la révision des pensions
elles-mêmes ; mais aussi la révision des lois et règlements qui les régissent.
Cette année, la section centrale a
particulièrement fixé son attention sur cet objet, et son intention était
d’abord de proposer une réduction, tant sur le chiffre des pensions militaires,
que sur celui de la subvention à la caisse de retraite, mais elle a pensé
qu’agir de cette façon serait s’exposer à l’arbitraire, parce que, pour
proposer une réduction avec quelque fondement, il eût fallu examiner toutes les
pensions, il eût fallu savoir si effectivement on ne commettait pas une
injustice. Elle s’est donc décidé à adopter le chiffre proposé par le
gouvernement, pour deux motifs ; d’abord parce que, en ce qui concerne les
pensions militaires, il y aura moyen d’introduire dans la loi sur
l’organisation de l’armée, une disposition qui mette un frein à la trop grande
facilité qu’a, maintenant, le département de la guerre dans la collation de ses
pensions ; elle a ensuite admis le chiffre proposé pour la caisse de retraite
sur la promesse formelle faite par M. le ministre des finances, de présenter
dans la session actuelle une nouvelle loi qui réformerait ce que le règlement
sur la caisse de retraite et l’arrête-loi de 1815 renferment de vicieux.
C’est par ces considérations,
messieurs, que la section centrale a adopté les chiffres proposés et je pense
que, par les mêmes considérations, la chambre pourra également admettre encore
les chiffres pour l’exercice de 1844.
- L’article est mis aux voix et
adopté.
Articles 2 et 3
« Art. 2. Remboursement à faire
au trésor néerlandais, en exécution du § 7 de l’art. 68 du traité du 5 novembre
1842, pour arrérages de pensions du 1er juillet 1843 au 31 décembre 1444 : fr.
44,867 72 »
« Art. 3. Traitements d’attente,
pensions supplémentaires, secours annuels : fr. 89,000 »
- Ces deux articles sont adoptés sans
discussion.
« Art. 4. Subvention à la caisse
de retraite : fr. 944,000 »
M. de Man d’Attenrode. - Il est un article de la constitution qui dit qu’on ne peut accorder
de pensions qu’en vertu de la loi.
Les pensionnés de la caisse de
retraite, pour les fonctionnaires de l’administration des finances, ont été
pensionnés en vertu d’un règlement dressé par les hauts fonctionnaires du
département des finances.
Jusqu’à présent, nous n’avons accordé
des sommes considérables, pour les pensionnés de la caisse de retraite, qu’avec
la condition de restitution au trésor.
Je demanderai à M. le ministre
des finances, si l’adoption de ce chiffre, demandé pour les pensionnés de la
caisse de retraite, implique l’inscription de ces pensionnés au grand livre des
pensionnés de l’Etat ; car il ne s’agit plus, cette année, du libellé qui
stipulait que ces sommes ne constituaient que des avances sur la caisse retenue
en Hollande.
Je pense que les pensionnés de la
caisse de retraite ne peuvent devenir les pensionnés de l’Etat, qu’après que
leurs titres auront été révisés au nom de la loi.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je répondrai à l’honorable
préopinant que la question qu’il vient de soulever, restera complètement
intacte lorsque le chiffre sera adopté. Cette question devra être résolue quand
nous nous occuperons de la loi des pensions.
M. Osy. - Messieurs, la section centrale s’est beaucoup occupée de cet
article. Les pensions du ministère des finances s’élèvent aujourd’hui à
1,416,000 fr. ; les retenues opérées sur les traitements des employés, les
amendes et les contributions volontaires ne montent ensemble qu’à 472,000 fr.
c’est donc une subvention de 944,000 fr. que nous devons suppléer pour couvrir
les dépenses de la caisse de retraite.
On nous avait toujours fait espérer
que la liquidation avec
Eh bien, messieurs, les
avances que nous avons faites depuis 13 ans s’élèvent à plus de 6 millions de
francs et voilà que pour nous couvrir de cette avance, nous recevons de la
Hollande à peu près 500,000 francs. Je ne conçois pas qu’après avoir appris ce
résultat de la liquidation, M. le ministre des finances ne se soit pas arrêté
dans la marche qui avait été suivie jusque-là relativement à la caisse de
retraite, qu’il ait au contraire, continué à augmenter d’une manière vraiment
extraordinaire le chiffre des pensions de cette caisse. Je demanderai à cet
égard une explication à M. le ministre.
M. le ministre des finances
(M. Mercier) - Je demanderai, à mon tour,
à l’honorable membre, comment il aurait agi dans ma position ? Je lui
demanderai, s’il aurait laissé dans la détresse des fonctionnaires qui avaient
acquis des droits à la retraite et qui ne pouvaient plus rendre de services à
l’Etat ? Tout ce que le gouvernement pouvait faire c’était de se hâter de
préparer une loi. Eh bien, il n’a pas perdu de temps ; il s’est empressé de
faire droit au vœu qui a été souvent émis, à cet égard par divers membres de la
chambre, et une loi sera présentée incessamment.
M. Osy. - Messieurs, les pensions de la caisse de retraite devaient être
payées au moyen de retenues opérées sur les traitements des employés et d’une
subvention à accorder par l’Etat, mais dont le chiffre était fixé à 30,000
florins par l’arrête de 1822. Malheureusement sous tous les ministres des
finances qui se sont succédé depuis la révolution, on nous a toujours fait
espérer que nous retrouverions, dans la liquidation avec
Eh bien je le répète, lorsque le
gouvernement a connu le résultat de la liquidation d’Utrecht, lorsqu’il a su
que nous ne devions retrouver dans cette liquidation que 500,000 fr. environ,
il aurait dû s’arrêter, il aurait dû ne plus accorder de nouvelles pensions
qu’avec la plus extrême réserve, il aurait dû, autant que possible, ne plus
accorder de pensions avant qu’une nouvelle loi n’eut été portée sur la matière.
- L’article est mis aux voix et
adopté.
Chapitre III. - Fonds de dépôt
Articles 1 à 3
« Art. 1er. Intérêts des
cautionnements versés en numéraire pour la garantie de leurs gestions
respectives, par des fonctionnaires comptables de l’Etat, par des receveurs
communaux, des receveurs de bureaux de bienfaisance, par des préposés de
l’administration du chemin de fer, des courtiers, des agents de change, etc.,
soumis à fournir un cautionnement ; et par des contribuables, des négociants,
des commissionnaires, etc., pour garantie du payement de droits de douanes,
d’accises, etc., dont ils pourraient être éventuellement redevables au trésor
public de l’Etat : fr. 300,000
« Arriéré sur des intérêts dus
sur des exercices clôturés : fr. 30,000
« Ensemble : fr. 330,000. »
« Art. 2. Intérêts des
consignations faites dans les caisses du trésor public de l’Etat : fr.
70,000 »
« Art. 3. Intérêts et
remboursements des consignations antérieures au 1er octobre 1830 : fr.
20,000. »
- Ces articles sont adoptés sans discussion.
TITRE II - DOTATIONS
Chapitre premier
Article unique
« Article unique. Liste civile
(mémoire) : fr. 2,751,322 75 »
- Cet article est adopté sans discussion.
Chapitre II
Article unique
« Article unique. Sénat : fr.
24,000 »
- Cet article est adopté sans discussion.
Chapitre III
Article unique
« Article unique. Chambre des
représentants : fr. 406,350. »
- Cet article est adopté sans discussion.
Chapitre IV - Cour des comptes
Articles 1 à 3
« Art. 1er. Membres de la cour :
fr. 43,386 20 »
« Art. 2. Personnel des bureaux
: fr. 71,000 »
« Art. 3. Matériel et dépenses
diverses : fr. 16,900. »
- Tous ces articles sont adoptés sans
discussion.
Vote
sur les articles du projet
M.
le président. - Nous allons passer au vote du
projet de loi :
« Article 1er. Le budget de la dette publique,
est fixé, pour l’exercice 1844, à la somme de trente-quatre millions deux cent
seize mille quatre cent quarante-deux francs vingt et un centimes, et celui des
dotations à la somme de trois millions trois cent douze mille neuf cent
cinquante-huit francs quatre-vingt-quinze centimes (3,312,958 francs 95 c.), le
tout conformément à l’état ci-annexé). »
« Art. 2. La présente loi sera
obligatoire le 1er janvier 1844. »
- Ces deux articles sont adoptés sans
discussion.
Vote
sur l’ensemble du projet
Il est procédé au vote par appel
nominal sur l’ensemble du budget
Il est adopté à l’unanimité des 57
membres présents.
Ce sont : MM. Angillis, Cogels, de
Chimay, de Corswarem, Dedecker, de Florisone, de Garcia de
- La séance est levée à 3 1/2 heures.