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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 4
décembre 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition d’un ancien directeur
d’hôpital militaire (de Garcia, Rodenbach),
relative à l’art de guérir (Sigart), à une pension sur
le fonds des veuves (Lys), à la demande de pension d’un
officier ayant servi dans les Indes orientales (de Garcia)
2)
Motion d’ordre relative aux conventions conclues avec les
Pays-Bas en vertu du traité de paix (Osy)
3)
Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1844.
Equilibre général des recettes et des dépenses (Devaux, Mercier, Devaux, Mercier,
Rogier, Malou, Mercier)
4)
Projet de loi sur les eaux-de-vie étrangères (répression de la fraude aux
frontières (Rodenbach, Mercier,
Rodenbach, Smits, Mercier), nécessité de coordonner les lois concernant les
douanes et accises (Savart-Martel, Mercier)
5)
Projet de loi accordant un crédit complémentaire de 2,700,000 fr. au budget du
département de la guerre pour l’exercice 1843 ((de Garcia),
nominations effectuées dans l’état-major, organisation de l’armée et/ou chiffre
global du budget (Du Pont, Castiau,
Osy, de Garcia, Du
Pont, Dumortier, de Garcia,
Dumortier, Du Pont, Castiau, Du Pont, Rodenbach, Rogier, Du Pont, Nothomb, Rodenbach, Nothomb, de Garcia, (+question politique) (Verhaegen,
Nothomb, de Mérode), Lys), subside aux ex-directeurs d’hôpitaux militaires (de Garcia, Du Pont, de Garcia, Rodenbach)
(Moniteur
belge n°339, du 5 décembre 1843)
(Présidence de M. Liedts)
M. Huveners procède à l’appel nominal à 1 heure et quart.
M. de Renesse donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en
est adoptée.
M. Huveners communique les pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Le sieur J.-C.-A. Otto, chef de musique
au 2ème régiment d’artillerie, né à Lanchstadt
(Prusse), demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
______________________
« Les sieurs Torrebore-Bogaert, Moerlose et Torrebore-Janssens, directeurs du service des barques
d’Ostende à Bruges et de Bruges à Gand, demandent une indemnité pour les pertes
qu’ils ont essuyées dans leur industrie, par suite de l’établissement du chemin
de fer. »
- Renvoi à la commission des
pétitions.
_______________________
« Le sieur Hebbelynck,
ancien greffier de la justice de paix du canton de Nazareth demande à être
réintégré dans ses fonctions, ou à être appelé à de semblables fonctions dans
un autre canton, ou d’être pensionné par le gouvernement. »
Même renvoi.
________________________
« Les sauniers de Tamise présentent
des observations contre la disposition du projet de loi sur le sel qui soumet à
un droit d’accise l’eau de mer employée pour la fabrication du sel. »
- Renvoi à la section centrale
chargée, en qualité de commission spéciale, d’examiner les amendements de M. le
ministre des finances au projet de loi sur le sel.
_______________________
« Les fabricants d’huile, poudriers
et autres du canton de Nevele prient la chambre de ne pas donner suite à la
demande tendant à obtenir une augmentation de droits d’entrée, sur les
tourteaux de lin. »
- Renvoi à la commission d’industrie.
________________________
« Plusieurs fabricants de tulles
demandent une augmentation de droits d’entrée sur les tulles. »
- Même renvoi.
_______________________
« Plusieurs propriétaires et
négociants de Bouillon demandent que le droit d’entrée sur les tulles, établi
par l’arrêté royal du 14 juillet dernier, soit majoré ou qu’il soit converti en
un droit au poids. »
- Même renvoi.
« Le sieur Van Bastelaer, ancien sous-directeur de l’hôpital militaire de
Charleroy, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir un subside sur le
budget de la guerre. »
M. de Garcia. - Je demanderai le dépôt de cette pétition sur le bureau pendant la
discussion du crédit complémentaire que la chambre est appelée à discuter
aujourd’hui. L’année dernière, messieurs, le budget de la guerre contenait une
rubrique ainsi conçue :
« Chapitre Ier. Administration
centrale.
« § 5. Secours à d’anciens
militaires, veuves et enfants mineurs, 6,000 fr. »
Cet article fut adopté par la section
centrale qui proposa d’ajouter au libellé, les mots : « Et anciens
employés du ministère de la guerre. »
La chambre adopta ce libellé et vota
l’article, ainsi amendé.
Lorsque nous en serons à la
discussion du crédit complémentaire demandé pour le département de la guerre,
je demanderai à M. le ministre s’il entend comprendre dans le crédit que je
viens de rappeler, les anciens directeurs et employés des ambulances et des
hôpitaux militaires.
- La proposition de M. de Garcia est
mise aux voix et adoptée.
« Le sieur Belot,
pharmacien à Namur, présente des observations sur le chap. II du budget du
département de la guerre. »
- Sur la proposition de M. Sigart la
chambre ordonne l’impression de cette pétition au Moniteur.
_______________________
« Les sieurs Broveslio
et Plaideau fabricants de tabacs à Menin, demandent
que dans le projet de loi sur le sel il soit inséré une disposition en vertu de
laquelle les fabricants de tabac en carottes et en poudre fermentée soient
exemptés du droit de douane et d’accise sur le sel. »
- Renvoi à la section centrale,
chargée comme commission spéciale, d’examiner les amendements de M. le ministre
des finances au projet de loi sur le sel.
______________________
« Les hôteliers et entrepreneurs des
voitures publiques d’Alost demandent le rejet du projet de loi sur la poste aux
chevaux. »
- Dépôt sur le bureau pendant la
discussion du projet.
« La veuve Bayard se plaint de
n’avoir pas reçu le troisième trimestre de la pension dont elle jouit sur le
fonds des veuves, et demande que sa pension continue à lui être payée. »
M. Lys. - Messieurs, la veuve Bayard, dont vous venez d’entendre analyser la
pétition, jouissait d’une pension sur la caisse des veuves. Cette pension lui a
été payée exactement sous l’ancien gouvernement et depuis la révolution
jusqu’au troisième trimestre de l’année courante exclusivement ; je ne connais
pas le motif pour lequel elle n’a pus reçu ce troisième trimestre. La
pétitionnaire a un enfant, et la pension dont il
s’agit est sa seule ressource. Je demanderai que la commission des pétitions
soit invitée à faire un très prompt rapport sur cette requête.
- Cette proposition est adoptée.
« Les anciens directeurs et
adjoints directeurs d’hôpitaux militaires prient la chambre de comprendre leur
demande de subside dans le crédit complémentaire du département de la guerre
pour l’exercice 1843. »
M. Rodenbach. - Messieurs, cette pétition me paraît être de la même nature que celle
dont vous avez ordonné tout à l’heure le dépôt sur le bureau pendant la
discussion du crédit complémentaire demandé par M. le ministre de la guerre. Je
vous proposerai donc d’en ordonner également le dépôt sur le bureau pendant
cette discussion.
- La proposition de M. Rodenbach est
mise aux voix et adoptée.
« Le sieur de Gerlache, ancien
officier pensionné, réclame : 1° Les arriérés avec les intérêts des 2/5 de la
pension extraordinaire et supplémentaire qui lui a été accordée pour services
rendus l’armée des Pays-Bas aux Indes orientales ; 2° le payement des arriérés
de sa pension sur le fond de Waterloo. »
M. de Garcia. - Je demanderai que cette pétition soit renvoyée à la commission avec
invitation d’en faire l’objet d’un prompt rapport. C’est la décision que la
chambre a prise pour une requête qu’elle a reçue précédemment et qui était de
la même nature que celle-ci.
- La proposition de M. de Garcia est
adoptée.
_______________________
M. Jadot (erratum,
Moniteur belge n°340, du 6 décembre 1843 :) et M. Dolez
informent la chambre qu’une indisposition les empêche d’assister à la séance.
Pris pour information.
_______________________
M. le président informe la chambre que le bureau a désigné M.
Pirson fils, pour remplacer M. Pirson père, dans la commission chargée
d’examiner le projet relatif à l’interprétation de l’article 3 de la loi sur la
milice nationale, et M. Fleussu pour remplacer M. Liedts dans la commission qui
doit s’occuper du projet d’interprétation de l’art. 442 du code de commerce.
M. Osy. - Messieurs, par dépêche du 29 novembre dernier, M. le ministre des
affaires étrangères nous a communiqué différentes pièces concernant les
conventions conclues avec les Pays-Bas relativement aux limites, à la
navigation et notamment la convention faite par la commission mixte d’Utrecht.
J’ai remarque que cette dernière convention pourra jeter beaucoup de lumières
sur la discussion du budget des voies et moyens et du budget des finances. Je
demanderai donc qu’elle soit imprimée parmi les pièces de la chambre.
- Cette proposition est adoptée.
M. Malou dépose le rapport de la section centrale qui a examiné le budget des
voies et moyens.
M. le président. - Ce rapport aurait été déposé samedi si la chambre s’était trouvée en
nombre ; le bureau, après avoir pris l’avis des membres présents l’a fait
imprimer et il pourra être distribué ce soir. A quel jour la chambre veut-elle
en fixer la discussion ?
M. Devaux. - Je demanderai à M. le ministre des finances si, après nous avoir
présenté un budget en déficit, il ne nous fera pas connaître avant la
discussion du budget des voies et moyens, les nouvelles lois qu’il compte nous
proposer et qu’il a annoncées d’une manière sommaire. Il me semble qu’avant de
voter le budget des voies et moyens, la chambre devrait savoir quelles sont
toutes les recettes que l’on propose pour l’année. Cela serait, d’ailleurs,
conforme à la marche qui a été suivie par M. le ministre actuel, lui-même, en
1840, et par l’honorable M. Smit, l’année dernière.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, les projets de lois que j’ai annoncés à la chambre seront
présentés incessamment, c’est-à-dire dans 8 ou 10 jours. Pendant la discussion
du budget des voies et moyens et même dès le premier jour de cette discussion,
je pourrai, si la chambre le requiert, vous faire connaître quels objets
seraient frappés par ces projets. Cependant, comme il me sera difficile de
donner ces explications à la chambre sans indiquer en même temps tous les
motifs qui portent le gouvernement à demander des impôts sur les objets dont i1
s’agit, je crois que, pour épargner les instants de l’assemblée, il vaudrait
mieux qu’il ne fût pas du tout question, dans la discussion du budget des voies
et moyens. S’il en est question, ces projets non encore présentés soulèveraient
inévitablement une discussion, je serai forcé d’en développer les motifs ; ces
motifs seront combattus par d’honorables membres de la chambre, et nous serons
ainsi entraînés dans une discussion anticipée et sans résultat possible. Je
pense donc, je le répète, que pour ne pas faire perdre du temps à l’assemblée,
il serait préférable qu’il ne fût pas parlé de ces projets dans la discussion
du budget des voies et moyens. Cela me paraît d’autant plus inutile qu’ils
seront présentés dans un très bref délai. Quoiqu’il en soit, si la chambre en
manifeste le désir, je lui donnerai les explications dont j’ai parlé en
commençant.
Quant à l’insuffisance dont on
parle, messieurs, elle est tellement faible que je ne pense pas qu’on puisse
réellement la qualifier de déficit.
Il y a une différence de cinq cent
mille francs entre les recettes et les dépenses, et, je le déclare, les
prévisions de recettes ont été établies avec la plus extrême modération, comme
je le prouverai dans la discussion. Je le répète, cette différence de cinq cent
mille francs sur un budget de cent dix millions, ne peut pas sérieusement être
considérée comme un déficit, il y sera d’ailleurs pourvu par des moyens qui
seront bientôt soumis à la délibération de la chambre.
M. Devaux. - Mon intention n’est pas d’entrer dans la discussion du budget, mais
je dois faire remarquer que M. le ministre des finances veut nous entraîner
dans une voie fort irrégulière. Cette voie est
inconstitutionnelle, car la constitution dit que toutes les dépenses et toutes
les recettes de l’Etat doivent être portées au budget. On dit que cela n’est
pas possible cette année, mais la voie où l’on veut nous faire entrer n’en est
pas moins irrégulière, et si nous suivons cette marche aujourd’hui avec un
déficit de 500,000 fr., on pourra le faire l’année prochaine avec un déficit de
deux millions. Ce n’est pas la une voie normale. Cependant M. le ministre
conviendra, je pense, que le gouvernement a eu tout le temps de préparer les
projets dont il s’agit, et qu’il aurait fort bien pu nous les présenter avec le
budget des voies et moyens. Je demanderai que nous entrions dans une voie
régulière et que l’on nous présente avant la discussion du budget des voies et
moyens, non pas l’analyse des projets de lois que M. le ministre nous a
annoncés, mais le texte même de ces projets.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - S’il s’agissait, messieurs, d’une insuffisance notable, je dirais
avec l’honorable préopinant : cela est irrégulier, mais la différence est
réellement insignifiante lorsqu’on a égard au chiffre total du budget.
Je ferai remarquer qu’on n’a presque
jamais présenté en même temps que le budget, des lois de finances importantes
et lorsque le gouvernement l’a fait, la chambre a presque constamment séparé de
semblables projets du budget des voies et moyens pour en faire des lois
spéciales qu’elle examinait ensuite après le vote des budgets. Le gouvernement
n’a pas commis une inconstitutionnalité, pas même une irrégularité, en faisant,
cette année, ce que la chambre a toujours fait jusqu’ici.
Pourquoi, messieurs, cette
marche a-t-elle été constamment suivie ? Le motif en est facile à saisir, c’est
qu’il est impossible de discuter des projets de loi de cette importance avant
la fin de l’année. Du reste, on tombe dans une singulière exagération lorsqu’on
dit qu’il y a inconstitutionnalité à retarder de quelques jours la présentation
de quelques projets destinés à procurer au trésor des ressources dépassant de
beaucoup la faible somme nécessaire pour rétablir l’équilibre entre les
recettes et les dépenses.
Du reste, messieurs, c’est uniquement
la crainte de faire perdre à la chambre un temps précieux qui m’a fait
considérer comme utile de retarder de quelques jours la présentation des
projets dont il s’agit, ces projets sont terminés au département des finances ;
ils sont en ce moment soumis au conseil des ministres et d’ici à 8 ou 10 jours,
je le répète, je pourrai les présenter à la chambre
M. Rogier. - Messieurs, le temps de la chambre est une chose précieuse ; et je
pense qu’on lui en aurait fait gagner, si l’on avait présenté à la fois
l’ensemble des ressources au moyen desquelles on se propose de faire face aux
dépenses de l’exercice 1844.
La chambre remarquera que les lois
nouvelles de recettes que nous aurons à voter se lient au budget des voies et
moyens, et sont de nature à exercer de l’influence sur ce budget. Or, voter le
budget des voies et moyens en l’absence des lois qui doivent le compléter,
c’est faire une chose tout à fait irrégulière c’est s’engager dans une voie
imprudente.
M. le ministre des finances avait
suivi, en 1840, une autre marche, son successeur lui avait donné aussi le même
exemple à suivre. L’honorable M. Smits, en sa qualité de ministre des finances,
a présenté à la chambre diverses lois de voies et moyens. Je ne sais quel est
le sort réservé à ces lois le cabinet actuel ne s’est pas encore expliqué. Je
sais qu’à l’époque des élections, l’on a fait connaître, par un avis dans le Moniteur, que plusieurs de ces projets
de loi seraient retirés. Mais jusqu’ici nous en sommes réduits à un avis du Moniteur, et à une observation qui a été
faite plus tard par M. le ministre des finances. Mais nous ignorons le sort
définitif des diverses lois financières présentées par le cabinet précédent.
Sont-elles retirées ou maintenues ? Devons-nous discuter le budget des voies et
moyens sous l’influence de ces projets de loi ? Ou bien faut-il les considérer
comme non avenus ? Voilà ce qu’on devrait nous dire.
M. Lys. - Cela est expliqué dans le rapport de la section centrale.
M. Rogier. - Alors je demanderai que M. le rapporteur veuille bien nous donner
quelques éclaircissements à cet égard.
M. Malou, rapporteur. - Les diverses sections ont demandé si les diverses lois financières
qui avaient été présentées par le cabinet précédent, avaient été retirées. La
réponse du gouvernement a été affirmative pour tous les projets, sauf la loi
des patentes à l’égard de laquelle M. le ministre des finances a déclaré qu’il
n’avait pas encore pris de résolution.
M. Rogier. - Il faudrait un arrêté royal pour retirer ces projets.
M. Malou, rapporteur. - On s’est également expliqué sur ce point dans le rapport.
M. Rogier. - Pour arriver à un système complet, il faut savoir par quoi ces lois
seront remplacées. M. le ministre de finances vient de dire que le déficit du
budget de 1844 était insignifiant, mais rien ne nous assure que les voies et
moyens qui sont demandés seront suffisants. M. le ministre soutient que toutes
ses prévisions ont été calculées avec une extrême modération, je le souhaite ;
je désire que le budget présente un excédent à la fin de l’exercice prochain.
Mais jusqu’ici, nous n’avons que l’affirmation de M. le ministre des finances,
et déjà des affirmations semblables nous ont été données sans que des résultats
satisfaisants aient été obtenus.
Quoi qu’il en soit, en dehors des
besoins du budget de 1844, d’autres dépenses sont à couvrir. M le ministre a
déclaré que le déficit à combler de chef est de 3 millions, tant sur les
dépenses passées que pour les dépenses à venir. Il s’agit de savoir avec
quelles ressources on couvrira les dépenses nouvelles et permanentes.
Nous faisons ces observations avant
la discussion du budget des voies et moyens, seulement dans le but de
l’éclairer et de gagner du temps. En l’absence des lois complémentaires du
budget des voies et moyens il est à craindre que la discussion de ce budget ne
devienne plus difficile et plus lente.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, je m’attendais bien à ce que l’on chercherait à mettre ma
conduite actuelle en opposition avec ma conduite de 1840. Je suis charmé qu’une
occasion aussi prompte se présente de m’expliquer à cet égard. Je déclare que
je saurai prouver en temps opportun que je suis resté fidele à ce que j’ai dit
ou fait en 1840, lors de la présentation du budget de 1841. Tell a été ma
conduite à cette époque, telle elle est aujourd’hui ; je ne me suis pas écarté
d’une ligne du système que je me suis tracé alors. On prétend que le déficit
est en ce moment de 3 millions ; cela est inexact. L’insuffisance qui résulte
de la balance des budgets n’est que de 500, 000 francs. En 1840, j’ai annoncé
qu’il y aurait des dépenses nouvelles, que certaines recettes qui figuraient au
budget de 1841, ne se reproduiraient plus à l’avenir ; En 1843, j’ai suivi la
même marche ; j’ai prévenu la chambre que certaines dépenses qui ne sont pas
comprises au budget, seraient probablement réclamées ; j’ai annoncé aussi que
des recettes qui y figurent ne se représenteraient plus à l’avenir, et qu’il
fallait pourvoir à l’insuffisance qui devait résulter de leur perte. Mais ces
observations ne s’appliquent pas à la situation immédiate. L’insuffisance
actuelle, je le répète, n’est pas de trois millions ; il est vrai que
l’excédant de dépenses que j’ai annoncé devoir être prévu pour l’avenir s’élève
à ce chiffre, mais on a tort de soutenir qu’il doive être couvert par la loi
des voies et moyens il suffit qu’il le
soit par des ressources à créer successivement et qui seront demandées sous
bref délai.
Quant à l’insuffisance de 500,000
francs, quelque légère qu’elle soit, il est à désirer, j’en conviens, qu’elle
n’existe pas dans la balance des budgets ; mais que l’on veuille bien remarquer
qu’elle sera à peu près compensée par le projet de loi sur le sel, projet
auquel j’ai présente de nombreux amendements et qui sera probablement discuté
dans quelques jours. Cette loi fournira au trésor une nouvelle ressource de
trois à quatre cent mille francs.
Il restera une insuffisance d’environ
2,500,000 fr francs prévue et signalée pour l’avenir ;
les voies et moyens destinés à la couvrir ne devaient pas être portés au
budget. Je suis donc resté dans les bornes d’une parfaite régularité.
- La chambre consultée, fixe la
discussion du budget des voies et moyens à jeudi.
PROJET DE LOI SUR LES EAUX-DE-VIE ETRANGERES
Discussion des articles
- Personne ne demandant la parole
dans la discussion générale, on passe à la discussion des articles.
CHAPITRE PREMIER - Base et quotité de l’impôt
« Art. 1er. § 1. Indépendamment
des droits de douanes établis par les tarifs en vigueur, les liquides
alcooliques distillés à l’étranger, sont assujettis à un droit d’accise qui est
dû à l’importation en raison des quantités importées.
« § 2. Il est fixé, savoir :
« a. Sur l’eau-de-vie,
le rhum, l’arack et tous les liquides alcooliques, sans mélange de substances
qui en altèrent le degré, à 50 fr. par hectolitre à 50 degrés ou au-dessous de
l’alcoomètre de Gay-Lussac, à la température de 15 degrés du thermomètre
centigrade :
« b. Sur les degrés
dépassant 50 à 1 fr. par hectolitre et par degré ;
« c. Sur les liqueurs sans
distinction de degré, à 60 francs par hectolitre ;
« § 3. Les fractions jusqu’à 5/10 de
degré seront négligées ; au-delà, elles seront comptées pour un degré.
« § 4. Il ne sera prélevé aucun
centime additionnel au profit de l’Etat sur le droit fixé au § 2.
« § 5. Chaque quittance du
payement de l’accise est frappée d’un timbre de 25 centimes. »
M. Rodenbach. - Messieurs, il paraît qu’on n’a pas changé le chiffre de l’impôt de
l’accise. J’aurais désiré que ce chiffre eût été moins élevé. Je pense que si
le chiffre de 50 francs par 50 degrés d’alcool avait été fixé à 40 francs, le
gouvernement aurait obtenu des produits plus considérables. Il est venu à ma
connaissance que, dans
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Messieurs, la fraude en ce moment n’est pas
aussi considérable que semble le croire l’honorable préopinant. Cela résulte de
tous les renseignements qui sont parvenus à l’administration, et d’une enquête
qui a été faite. Si le droit était diminué, je craindrais que les eaux-de-vie
indigènes n’eussent plus une protection suffisante. On sait que les eaux-de-vie
de France se vendent a des prix bien inférieurs à ceux des eaux-de-vie du pays.
Si le droit sur les premières était réduit, il pourrait en résulter un grand
préjudice pour nos distilleries. C’est ce motif qui a déterminé le gouvernement
à maintenir l’accise telle qu’elle existe aujourd’hui. J’ajouterai que dans
d’autres circonstances, ce n’est pas contre la modicité des droits que des
réclamations se sont reproduites dans cette enceinte ; on les a, au contraire,
trouvés trop faibles. Lorsque les droits sur les eaux-de-vie indigènes ont été
augmentés, plusieurs membres se levèrent pour réclamer une augmentation
proportionnelle sur les eaux-de-vie étrangères. Mais le gouvernement a alors
répondu avec raison qu’en haussant par trop les droits sur les eaux-de-vie
étrangères, on provoquerait la fraude ; je crois que le chiffre actuel est
nécessaire à la fois pour nous garantir contre les importations frauduleuses
trop considérables, et pour assurer une protection suffisante à l’industrie
nationale.
M. Rodenbach. - Les arguments de M. le ministre des finances me paraissent assez
fondés, mais il n’en est pas moins vrai que la fraude se pratique encore avec
les eaux-de-vie étrangères. Mais puisque M. le ministre a parlé de la
protection qu’on doit accorder à nos distilleries, je lui dirai que, sur
l’extrême frontière de France, les genièvres français se vendent de 25 à 50 p.
c. à meilleur marché que les spiritueux indigènes. La fraude est telle qu’il en
est résulté un déficit d’un million dans les produits des distilleries. Je sais
que le droit établi par la dernière loi est trop élevé, et que c’est en partie
ce qui a amené ce déficit.
Mais, puisqu’il est prouvé que nos
distilleries ne peuvent pas soutenir la concurrence avec les Français, qui ne
paient aucun droit et jouissent même d’un avantage quand ils exportent, je ne
proposerai pas de réduction de droit.
J’ai vu avec plaisir que M. le
ministre se proposait d’augmenter le personnel de la douane, et demandait pour
cet objet une augmentation d’allocation. Cette mesure est très nécessaire, car
la fraude se fait ; je prie M. le ministre d’y tenir la main.
- L’art. 1er est mis aux voix et
adopté.
Article 2
« Art. 2. § 1. Les liquides
alcooliques, quel que soit leur degré, et les liqueurs importées en quantité
des hectolitres au moins, pourront être emmagasinés :
« a. Sous termes de crédit pour
l’accise ;
« b. Par
dépôt dans les entrepôts.
« § 2. Toute quantité inférieure
donnera lieu au payement des droits au comptant. »
- Adopté.
CHAPITRE II
Termes de crédit
Article 3
« Art. 3. § 1. Lorsque la
recevabilité atteindra ou restera en-dessous de la somme de 1,000 francs, elle
sera exigible en deux termes de trois en trois mois ; et, dans le cas où elle
dépasserait cette somme, les échéances auront lieu en trois termes de trois en
trois mois.
« § 2. Les termes de crédit
commenceront à courir du jour de la délivrance du document qui aura servi à la
prise en charge de l’accise au compte des négociants.
« § 3. Il sera fourni une
caution suffisante pour garantir les droits. »
- Adopté.
Mode de prise en charge
Article 4
« Art. 4. § 1. Les comptes seront
débités des quantités :
« a. Importées directement ;
« b.
Enlevées des entrepôts ;
« c. Livrées
avec transcription de l’accise.
« § 2. Chaque prise en chargé
aura lieu au moyen d’un passavant à caution, qui sera déchargé par le receveur
du lieu de la destination. »
- Adopté.
Apurement des comptes
Article 5
Art.5. L’apurement des comptes
ouverts aura lieu :
« a. Par payement des termes échus ;
« b.
Par transcription des droits et sous-livraison de la quantité de liquide qu’ils
représentent. »
- Adopté.
Transcription de l’accise
Article 6
« Art. 6. § 1. Les négociants
qui auront accepté une transcription de droits seront tenus de remplir les
obligations qui pesaient de ce chef sur le précédent débiteur. Chaque
transcription ne pourra être inferieure à 500 fr.
« § 2. La décharge sera opérée
au compte sur le terme de crédit dont l’échéance est la plus prochaine. »
- Adopté.
CHAPITRE III. - Entrepôts
Article 7
« Art. 7. § 1. Les mouvements à
l’entrée et à la sortie des entrepôts sont réglés de la manière suivante :
« Entrepôts libres :
« § 2. Les comptes seront débités des
quantités :
« a. Importées directement ;
« b.
Transcrites dans le même entrepôt du compte d’un autre négociant.
« Ils seront déchargés des
quantités :
« a. Déclarées pour la consommation ;
« b. Transcrites dans le même
entrepôt au compte d’un autre négociant ;
« c. Transférées sur entrepôts
publics ou particuliers ;
« d.
Déclarées à la réexportation.
« Entrepôts publics :
« § 3. Les comptes seront
débités des quantités :
« a. Importées directement ;
« b. Transcrites dans le même
entrepôt du compte d’un autre négociant ;
« c.
Transférées des entrepôts libres ou publics.
« Ils seront déchargés des
quantités :
« a. Déclarées pour la consommation ;
« b. Transcrites dans le même
entrepôt au compte d’un autre négociant ;
« c.
Transférées sur entrepôts publics ou particuliers.
« Entrepôts particuliers.
« § 4. Les comptes seront
débités des quantités :
« a. Importées directement ;
« b.
Transférées des entrepôts libres et publics ou particuliers.
« Ils seront déchargés des
quantités :
« a.
Déclarées pour la consommation
« b.
Transférées sur entrepôts particuliers.
« § 5. Les mouvements autorisés
par le présent article ne pourront avoir lieu en quantité inférieure à un
hectolitre de liquides alcooliques ou de liqueurs pour la consommation, à moins
que ce ne soit le restant des diverses prises en charge, et à trois hectolitres
pour tous les autres mouvements, tant à l’entrée qu’à la sortie des entrepôts.
»
- Adopté.
Article 8
« Art. 8. § 1. Les liquides
imposés d’après leur force alcoolique et déposés dans les entrepôts publics ou
particuliers, qui seraient reconnus détériorés, ou affaiblis par l’évaporation
au-dessous de 45° de l’alcoomètre de Gay-Lussac à la température de 15° du
thermomètre centigrade, pourront être enlevés de l’entrepôt, pour être
rectifiés sous la surveillance des employés de l’administration.
« § 2. L’enlèvement aura lieu en
fournissant caution pour les droits ; ils deviendront exigibles pour la partie
du liquide non réintégrée à l’entrepôt dans le terme fixé par le passavant à
caution. »
- Adopté.
Article 9
« Art. 9. § 1. L’entrepôt
particulier pourra être concédé dans les lieux où il existe un entrepôt public.
« § 2. Les magasins devront être
voûtés ou plafonnés et n’avoir d’autre issue que celle donnant immédiatement
sur la voie publique
« Ils seront, du reste, appropriés à
l’usage auquel ils sont destinés, selon que l’administration le jugera
nécessaire pour assurer les intérêts du trésor.
« § 3. Chaque concession
d’entrepôt particulier donnera lieu au payement d’un droit fixe de 20
francs. »
- La section centrale propose
l’adoption de cet article avec la suppression du § 3, demandée par le
gouvernement.
L’art. 9 est adopté avec cet
amendement.
Article 10
« Art. 10. § 1. Quiconque voudra
jouir de l’entrepôt particulier devra :
« a. Faire à cet effet la
demande au directeur dans la province ;
« b. Décrire exactement les
magasins et locaux, le nombre des issues, des soupiraux ou outres ouvertures
qu’ils contiennent ;
« c. Fournir
un cautionnement suffisant pour garantir les droits.
« § 2. Ne seront admis comme
entrepôts particuliers que les magasins et locaux reconnus propres et
convenables à cet usage. Ils seront fermés à deux clefs différentes, dont l’une
sera fournie et conservée par l’administration.
« § 3. Aucune marchandise autre que
les liqueurs ou liquides alcooliques étrangers ne sera admise dans les
entrepôts particuliers.»
- La section centrale propose
l’adoption de cet article avec la suppression du litt. c
du § 1er, demandée par le gouvernement.
- Cet article ainsi amendé est
adopté.
Articles 11 à 14
« Art. 11. Il sera accordé, sur
les liqueurs et liquides alcooliques déposés dans les entrepôts particuliers, une
bonification de 2 p. c. par an pour coulage, ouillage, déchet ou perte
quelconque. »
- Adopté.
« Art. 12. Les entrepositaires
pourront transvaser, couper et mélanger, selon le besoin de leur commerce, les
liquides imposés d’après leur force alcoolique. »
- Adopté.
« Art. 13. § 1er. Les liqueurs et
liquides alcooliques déposés dans les entrepôts particuliers, devront être
représentés en tout temps à la réquisition des employés.
« § 2. La vérification de la
quantité et de la force alcoolique aura lieu sans frais pour les
entrepositaires. »
- Adopté.
« Art. 14. § 1er. Toute quantité
excédant celle qui devrait exister dans les entrepôts particuliers sera prise
en charge au compte nouveau à ouvrir aux entrepositaires. Quant aux manquants,
les droits devront être acquittés immédiatement.
§ 2. Dans l’un et l’autre cas, on
n’aura aucun égard, lors des recensements, à toute différence inférieure à 1/2
p. c. de la balance du compte.
« § 3. Aucune compensation ne sera
faite entre les excédants et les manquants reconnus sur les quantités de
liquides alcooliques et de liqueurs déposées dans le même entrepôt. »
- Adopté.
CHAPITRE IV. - Circulation
« Art. 15. Le transport des
liquides alcooliques et des liqueurs dans le territoire réservé à la douane
doit être couvert :
« a. Par un passavant, pour toute
quantité supérieure à
« b.
Par un acquit à caution pour toute quantité plus forte, le tout après
justification de l’existence légale, conformément à la loi générale du 26 août
1822.
« § 2. Lorsque les liquides
alcooliques ou liqueurs arriveront de l’intérieur, le permis de circulation
sera levé sans justification, soit au bureau du lieu du départ, soit au dernier
bureau de passage en-deçà du rayon de la douane. »
M. le président. - La section centrale propose l’adoption de cet article avec
l’addition demandée par le gouvernement, des mots : modifiée par la loi du 6
avril 1843 au litt. b du § 1er.
M. Smits. - On a voulu dire que la loi sur la répression de la fraude serait
également appliquée aux cas prévus par cet article. Pour rendre cette pensée
d’une manière plus claire, plus nette, plus précise, il faudrait dire : avec
les modifications indiquées dans la loi du 6 avril 1843. Ce paragraphe serait
ainsi conçu :
« b. par un
acquit à caution, pour toute quantité plus forte, le tout après justification
de l’existence légale conformément à la loi générale du 26 août 1822, avec les
modifications indiquées dans la loi du 6 avril 1843. »
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je pense qu’on peut admettre indifféremment l’une ou l’autre
rédaction. Cependant j’ai proposé celle qu’a admise la section centrale par la
raison que la loi de
- L’amendement proposé par M. Smits
est mis aux voix. Il n’est pas adopté.
L’amendement proposé par le
gouvernement et appuyé par la section centrale est adopté.
L’ensemble de l’art. 15 ainsi amendé
est également adopté.
Articles 16 à 19
« Art. 16. Les acquits à caution sont
soumis au droit de timbre de 50 centimes. Le passavant en est exempt. »
- Adopté.
« Art. 17. Les négociants établis
sur le territoire réservé obtiendront un duplicata des documents servant à la
prise en charge à leur compte de crédit à termes. Ils seront soumis aux
recensements à l’effet de reconnaître en tout temps si les quantités en magasin
sont dûment justifiées. »
- Adopté.
« Art. 18. § 1. Les documents
délivrés pour des liquides imposés d’après leur force alcoolique, serviront à
couvrir le dépôt des liqueurs s’ils sont revêtus d’un certificat du receveur
constatant que le détenteur lui a déclaré vouloir convertir en liqueurs les
quantités qu’ils mentionnent.
« § 2. En aucun cas, la
quantité de liqueurs ne pourra être supérieure à celle que représenterait le
liquide alcoolique ramené à 40 degrés. »
- Adopté.
« Art. 19. § 1. Le dépôt des
liquidés alcooliques ne pourra être justifié par des documents indiquant une
force alcoolique inférieure à celle des quantités emmagasinées.
« § 2. Toutefois, lorsque le
détenteur voudra, au moyen de mélange, porter les liquides emmagasinés à un
degré de force supérieur à celui indiqué dans le document justificatif, il
pourra, après déclaration préalable faite au receveur, procéder à ce mélange en
présence des employés, qui en constateront le résultat au dos du permis, lequel
sera retiré et remplacé par un autre mentionnant le degré de force alcoolique
des quantités obtenues par le mélange. »
- Adopté.
CHAPITRE V - Pénalités
Article 20
« Art. 20. § 1. Les auteurs des faits
ci-après détaillés encourront, savoir :
« 1° Pour l’existence d’issues, de
soupiraux ou d’ouvertures non indiqués dans la demande d’entrepôt mentionnée à
l’art. 10, et pour l’établissement d’un moyen quelconque offrant la possibilité
de pénétrer dans les entrepôts particuliers sans la participation de
l’administration, ou d’enlever clandestinement les liquides entreposés, une
amende égale au droit d’accise sur les quantités formant la balance du
compte ;
« 2° Pour défaut de décharge ou pour
la non-reproduction dans les lieux ou dans les délais fixés des acquits à
caution, une amende d’un franc pour chaque litre de liquides alcooliques ou
liqueurs indiques dans ces documents ;
« 3° Pour refus d’exercice, une
amende de 800 fr.
« § 2. Les amendes fixées par le
présent article seront appliquées sans préjudice de la pénalité prononcée par
l’art. 103 de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n°38). »
- Adopté.
Article 21
« Art. 21. Indépendamment de la
confiscation prononcée par l’art. 20 de la loi générale du 26 août 1822
(Journal officiel, n°38), il sera encouru une amende du décuple de l’accise sur
les liquides alcooliques existants ou en cours de transport, quelle que soit sa
direction, dans le territoire réservé, sans document valable. »
- Supprimé.
Article 22
« Art. 22. En cas de fraude à l’importation
et hors les circonstances prévues par l’art. 224 de la loi générale du 26 août
1822, les porteurs sur lesquels il aura été saisi des liqueurs ou des liquides
alcooliques distilles à l’étranger, pourront être mis en état d’arrestation,
quel que soit le lieu de leur domicile. »
M. Rodenbach. - Je demanderai pourquoi on supprime cet article ; il me paraît
important ; mais peut-être se trouve-t-il dans une loi précédente ?
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Oui.
M. Rodenbach. - Fort bien.
La chambre ordonne la suppression de
l’art. 22.
CHAPITRE VI. - Dispositions générales
Article 23
« Art. 23. Les dispositions de la loi
générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n°38), celles de la loi du 18 juin
1836 (Bulletin officiel, n” 525), et celles de la loi du 6 avril 1843 (Bulletin
officiel, n°156), sont maintenues, en tant qu’elles ne sont pas modifiées par
la présente loi.
M. Savart-Martel. -
Lors des discussions sur la loi du 6 avril dernier, j’ai fait remarquer la
nécessité de refondre dans un seul volume les diverses dispositions
législatives encore en vigueur qui concernent les accises et la douane, et cela
dans l’intérêt du public, qui doit connaître ses obligations, comme aussi dans
l’intérêt des cours et tribunaux qui doivent appliquer justement la loi.
Ce vœu (car il n’y a pas eu de
proposition formelle) me paraît avoir été favorablement accueilli par la
chambre.
La loi monstre de 1822, quoique loi
organique, est tellement diffuse, mal rédigée, compliquée et embrouillée que,
sous ce rapport déjà, elle devrait être refondue. J’ajouterai que parfois le
texte français et le texte hollandais se contredisent.
D’ailleurs, depuis 20 années,
plusieurs articles ont été changés ou modifiés ; j’indiquerai entre autres les
dispositions législatives du 18 juin 1836, celles du 6 avril dernier. En ce
moment, nous sommes encore occupés à y faire des changements.
D’autre part, les lois de 1822 et
plusieurs subséquentes ont été décrétées, lorsque la Belgique et la Néerlande
ne faisaient qu’un royaume ; la séparation des deux pays a rendu inexécutables,
on a fait cesser des titres entiers.
Enfin de nouveaux besoins ont amené
de nouvelles lois.
Des modifications partielles,
des abrogations amènent dans la pratique des complications, des doutes même
qu’il faut faire cesser.
Je prie MM. les ministres de nous
dire si, sous peu, ce travail ne pourrait être soumis à la législature qui, en
érigeant en loi cette rédaction nouvelle, prononcera l’abrogation de toute
autre disposition.
Si MM. les ministres ne peuvent à ce
jour donner une réponse positive, mon observation aura au moins le mérite
d’appeler l’attention sur une nécessité qu’apprécieront ceux surtout qui chaque
jour ont à feuilleter et refeuilleter les lois de
douane et d’accise.
M. le ministre des finances (M. Mercier) - Je conviens avec l’honorable membre qu’il y a un grand inconvénient à
recourir à des lois successives. Cependant, si l’on avait une loi nouvelle et
complète, cet inconvénient ne tarderait pas à se représenter ; car de nouveaux
besoins rendraient bientôt nécessaires de nouvelles lois.
Je reconnais, en outre, avec
l’honorable membre, que la loi générale est diffuse dans quelques-unes de ses
parties, et que son application n’est pas toujours facile ; des circonstances
exigent que cette loi soit bientôt refondue. Notre système de chemins de fer
nécessitera de nouvelles mesures ; mais un peu plus d’expérience est nécessaire
avant la présentation d’un nouveau projet de loi.
Je n’ai pas attendu jusqu’à présent
pour m’occuper de cet objet. Je ne dirai pas que le projet de loi est préparé
au ministère des finances ; mais je puis annoncer qu’on s’y occupe d’en réunir
les éléments.
- L’art. 23 est mis aux voix et
adopté.
Articles 24 à 26
« Art. 24. Les négociants sont tenus
de faciliter aux employés de l’administration l’exercice de leurs fonctions,
lis devront fournir les moyens d’opérer les visites, les vérifications, les
dénombrements, les dégustations, les jaugeages et les dépotements ; à défaut de
quoi, il sera rédigé procès-verbal de refus d’exercice.
- Adopté.
« Art. 25. Le transit, le cabotage et
le transport avec emprunt du territoire étranger des liquides alcooliques et
des liqueurs, sont prohibés. »
- Adopté.
« Art. 26 Les lois des 2 août 1822 (Journal
officiel, n° 30) et 30 mai 1838 (Bulletin officiel, n° 180), sont abrogées. »
- Adopté.
CHAPITRE VII. - Dispositions transitoires
Articles 27 et 28
« Art. 27. § 1. Pendant les trois
jours qui précéderont la mise en vigueur de la présente loi, il sera procédé au
recensement des magasins de crédit permanent dont jouissent les négociants.
« § 2. Les droits dus sur les
manquants reconnus seront liquidés d’après le taux de l’accise établi par la
loi du 20 mai 1838 (Bulletin officiel, n°180).
« § 3. Les quantités constatées
seront inscrites à compte nouveau, lequel devra, dans le délai d’un mois, être
apuré par transfert sur un entrepôt particulier, par prise en charge à un
compte de crédit à termes ou par payement de l’accise au comptant, le tout en
conformité de la présente loi. »
- Adopté.
« Art.
- Adopté.
Article 29
« Art. 29. Les cautionnements fournis
pour les comptes de crédit permanent conserveront leur valeur et continueront à
garantir les droits dont les négociants sont débiteurs, jusqu’à ce qu’ils se
soient conformés aux dispositions de la présente loi. Ces cautionnements
pourront également garantir les comptes d’entrepôt ou de crédit à termes
pendant le délai fixé à l’article 28, sous la condition que les intéressés
devront, avant qu’il soit expiré, passer de nouveaux actes de cautionnement à
la satisfaction des receveurs ou des entreposeurs. »
- Supprimé.
Vote sur l’ensemble du projet de loi
Il est procédé au vote par appel
nominal sur l’ensemble du projet ; il est adopté à l’unanimité des 56 membres
présents.
Ce sont : MM. Castiau, de Baillet,
Dechamps, de Chimay, de Corswarem, de Florisone, de
Foere, de Garcia, de La Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Meester, de Mérode, de Naeyer, de
Nef, Deprey ,de Renesse, de Roo, de Terbecq, de Tornaco, Devaux, d’Hoffschmidt, Donny, Dumortier, Eloy de
Burdinne, Fleussu, Goblet, Huveners, Jonet, Kervyn,
Lange, Lebeau, Lesoinne, Liedts, Lys, Malou, Meeus, Mercier, Morel-Danheel,
Orts, Osy, Peeters, Pirson, Rodenbach, Rogier, Savart, Sigart, Simons, Smits,
Troye, Van Cutsem, Vandensteen. Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII et Zoude.
En conséquence ce projet de loi sera
transmis au sénat.
PROJET DE LOI ACCORDANT UN
CREDIT COMPLEMENTAIRE DE 2,700,000 FR. AU BUDGET DU
DEPARTEMENT DE LA GUERRE POUR L’EXERCICE 1843
Discussion générale
M. le président. - La discussion générale est ouverte.
M. de Garcia,
rapporteur. - Messieurs, une erreur, une
omission tout à fait involontaire s’est glissée dans le projet de loi qui
arrête le budget de la guerre pour 1843.
Voici comment est conçu le § 2, de
l’art 1er du projet :
Au moyen de cette somme et des 26,000,000 de francs déjà votés, le budget de la guerre pour
1843, est arrêté à la somme de 28,700,000 fr.
La commission a commis ici, je
le répète, une omission tout à fait involontaire, elle a oublié de faire
mention d’un autre crédit qui a été alloué par la chambre pour couvrir des
dépenses d’exercices antérieurs ; l’assemblée doit se rappeler que le projet relatif
à ces dépenses a donné lieu à une discussion assez vive ; il s’agissait des
frais relatifs à l’ameublement de l’hôtel du ministère de la guerre, c’était un
crédit de 50,000 fr.
Ce crédit, si je me rappelle bien,
avait trait aux exercices du budget de la guerre de 1838 et 1839. Ce crédit a
été consacré par une loi du 14 mars dernier ; dans cet état, l’on ne peut plus
se dispenser de le porter au budget, et en conséquence, je pense qu’il faudrait
rédiger le second paragraphe de l’art. 1er du projet, de la manière suivante :
« Au moyen de cette somme et des
crédits alloués par les lois du 30 décembre 1842, 14 février et 14 avril 1843,
le budget de la guerre, pour 1843, est arrêté à la somme de 28,750,000 fr.
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont) - Messieurs, je désire donner
quelques explications à la chambre relativement à la liste des nominations
faites en 1843, que j’ai eu l’honneur de remettre à la section centrale.
Cette liste porte 274 noms.
Mais je dois vous faire observer,
messieurs, que dans ce nombre se trouvent compris d’abord 47 élèves de l’école
militaire qui ont été promus au grade d’officier en vertu de la loi sur cette
institution ; ces nominations étaient obligatoires pour le ministre de la
guerre.
Le chiffre de 274 noms comprend aussi
ceux de sept sous-officiers qui ont été promus au grade de sous-lieutenant. Ces
nominations ont été faites pour ne pas décourager entièrement cette classe
importante de l’armée. Je regrette de ne pas avoir pu en élever le nombre.
Ce chiffre renferme encore treize
nominations à des fonctions, sans qu’il y ait en pour cela avancement. Ce sont
des fonctions d’adjudant-major et autres.
Enfin il s’y trouve dix-sept
passages aux états-majors de places, et de telles nominations ont même lieu
avec une diminution de traitement.
Il en résulte, messieurs, que le
chiffre des promotions au-dessus du grade de sous-lieutenant se trouve réduit à
environ 190 ou 200.
Si l’on compare ce nombre à celui qui
représente l’effectif de l’armée, on voit qu’il correspond à un treizième
seulement, ou à un grade tous les douze ou treize ans. Cet avancement,
messieurs, ne paraîtra pas trop rapide. En admettant même avec la section
centrale qu’il ait lieu au bout de chaque terme de dix années, ce terme
paraîtra en général bien long, alors que l’on considère qu’un sous-lieutenant
devra attendre pendant dix ans le grade de lieutenant , celui-ci pendant dix
ans le grade de capitaine de seconde classe , et ainsi de suite.
M. Castiau. - J’aurai, messieurs, quelques autres explications à demander à M. le
ministre de la guerre.
Vous vous rappellerez, et vous vous
rappellerez mieux que moi, sans doute, les incidents qui ont marqué la dernière
discussion du budget de la guerre. Deux opinions s’étaient manifestées dans
cette enceinte, toutes deux consciencieuses, toutes deux dictées par le
sentiment du bien public, mais arrivant à des buts et à des résultats opposés.
L’une voulait le maintien du statu quo
militaire ; elle voulait un état militaire imposant pour la défense de notre
indépendance. Elle adoptait le chiffre du gouvernement et protestait contre
toute pensée de réduction.
L’autre opinion, au contraire, ne
pensait pas qu’un état militaire aussi développé fût nécessaire dans notre
position politique avec la loi de neutralité qui nous était imposée. Cette
opinion demandait des réductions ; elle voulait des économies.
La chambre a été appelée à se
prononcer entre ces deux opinions dissidentes ; la majorité s’est prononcée, et
elle s’est prononcée pour le système d’économie. Le vœu, la volonté de la
majorité plutôt, s’est manifesté d’une manière tellement pressante et tellement
énergique que l’honorable ministre qui tenait alors le portefeuille du département
de la guerre, a cru devoir le déposer et abandonner le pouvoir.
Dés lors, on devait donc croire,
messieurs, que le nouveau ministre de la guerre aurait été le représentant de
la pensée qui avait triomphé au sein de la chambre qu’il se serait associé aux
vues d’économie et de réductions qui avaient été exprimées dans le rapport de
la section centrale, et consacrées par le vote de l’assemblée.
Cependant, il faut le reconnaître
tout d’abord, le projet de loi sur les crédits complémentaires est venu dissiper,
en partie du moins, les illusions et les espérances qu’on aurait pu concevoir.
Toutefois, messieurs, je me hâte d’en
faire l’aveu, M. le ministre de la guerre, dans l’exposé des motifs du projet
de loi qui nous est soumis, a annoncé des économies, et des économies qui
s’élèveraient à une somme assez considérable, à un somme de un million trois
cent mille francs.
Ce résultat, sans doute, serait déjà
satisfaisant ; mais il ne suffit pas d’annoncer des économies, il faut encore
savoir quel est le caractère de ces économies, et sur quelle partie du service
elles portent. Car si les économies que l’on vient vanter dans l’exposé des
motus du projet qui vous est soumis, étaient de la nature de celles que l’on
apporte au budget de la guerre de 1844, où l’on vient vous proposer des
réductions à la condition de les faire porter sur la solde des malheureux
soldats, tout en respectant les hautes positions et les gros traitements, je
serais disposé, quelque partisan d’économies que je sois, à protester contre de
telles réductions, à les repousser de toutes mes forces.
J’engage donc M. le ministre de la
guerre à bien vouloir nous donner quelques explications, explications
générales, sans doute, mais qui soient de nature à nous rassurer sur le
caractère des économies qu’on prétend encore réaliser sur l’exercice courant.
A la suite de ces économies se
présentent malheureusement des charges nouvelles et permanentes. Ces charges
résultent de promotions nombreuses qui ont été faites dans l’armée.
Sur ce point, M. le ministre de la
guerre vient de vous fournir quelques explications. Ce chiffre de 273
promotions dans un espace de temps aussi restreint était, il faut le
reconnaître, vraiment effrayant. Il a donc décomposé devant vous ce chiffre ;
il résulte des explications qu’il vous a fournies, que de nombreuses promotions
partent sur les grades inférieurs et que celles accordées au-dessus du grade de
sous-lieutenant ne seraient plus que de 190 à 200. L’abus des promotions
n’aurait donc pas été porté aussi loin qu’on aurait pu le penser dès l’abord.
Cependant il serait encore nécessaire
de savoir combien de ces promotions doivent être imputables au prédécesseur de
M. le ministre de la guerre et combien doivent rentrer sous sa responsabilité
personnelle. Il conviendrait aussi, ce me semble, de connaître combien dans ces
200 promotions ont été faites au choix, et combien il en a été accordé à
l’ancienneté.
Parmi les actes qui sont personnels à
M. le ministre de la guerre, il en est un dont je ne viens pas contester la
légalité, mais qui cependant doit fixer notre attention, du moins au point de
vue de la dépense ; c’est la mesure relative au déplacement des dépôts des
divers régiments.
Je le répète, je n’attaque pas la
légalité de cette mesure, elle rentre évidemment dans les attributions du
ministre, mais ce déplacement général qui a eu lieu parmi les dépôts a dû
occasionner des dépenses et des dépenses considérables peut-être. Il convient
donc que M. le ministre de la guerre nous fasse connaître les motifs si urgents
qui ont rendu cette mesure nécessaire, et qu’il nous indique la somme à
laquelle s’élèvent les dépenses résultant de ce mouvement général et inusité.
Il est ensuite, parmi les actes de M.
le ministre de la guerre, une autre mesure qui, celle-là, rentre directement
dans les attributions de la chambre des représentants, non seulement quant à la
dépense mais encore quant à la question même de légalité et de principe. Je
veux parler de l’arrête royal qui organise une troisième catégorie de
commandants de place ; cet arrête royal, contresigné par M. le ministre de la
guerre actuel, est venu établir une troisième catégorie de commandants de
place, au traitement annuel de 3,500 fr. Eh bien, il me semble que cette mesure
rentrait dans le cadre de l’organisation de l’armée ; c’était là une véritable
question d’organisation qu’il appartenait à la chambre seule de résoudre. Je ne
me prononce pas maintenant sur le caractère d’utilité de cette mesure, mais il
ne peut y avoir de doute qu’elle rentrait dans les attributions de la chambre,
et il y a, ce me semble, quelque inconvénient à ce que quelques mois avant la
réunion des chambres, le gouvernement soit venu ainsi trancher une question sur
laquelle il aurait dû s’abstenir de se prononcer, afin de laisser à la chambre
son libre arbitre.
Je sais bien que cette question ne se
trouve pas reproduite dans le projet de loi sur l’organisation de l’armée qui
vient de nous être présenté, mais il faut le reconnaître, ce projet a été
rédigé à un point de vue assez étroit, s’il m’est permis de le dire ; ce n’est
pas à proprement parler, un projet de loi d’organisation de l’armée, c’est en
quelque sorte un projet de loi de dénombrement de l’armée. S’il est adopté tel
qu’il est présenté, il n’aura d’autre effet que d’enchaîner l’action et
l’initiative de la chambre, d’empêcher à tout jamais toute réduction,
d’empêcher à tout jamais toute modification que l’on voudrait apporter à
l’organisation militaire du pays. Il y aurait donc lieu, lors de la discussion,
de compléter ce projet d’organisation militaire. Un projet d’organisation
militaire ne peut évidemment pas être rédigé en cinq ou six articles. Il sera
nécessaire d’y comprendre ce qui est relatif au recrutement, à l’armée active,
à l’armée de réserve et peut-être à la garde civique elle-même, car la garde
civique constitue aussi l’un des éléments de la force publique.
Eh bien, aucune de ces questions
n’est prévue ni examinée par le projet de loi qui nous est présenté. Je pense
donc que la chambre, en complétant et en révisant ce projet, comprendra la
question spéciale qui nous occupe, celle de savoir si l’on doit conserver,
comme institution spéciale et distincte, celle des commandants de place. Dès
lors donc, pourquoi se hâter de résoudre une question qui pourra bien recevoir
de la chambre une solution opposée à celle qui lui a été donnée par l’arrêté
royal auquel j’ai fait allusion.
Enfin, messieurs, pour en
finir avec toutes mes questions, je demanderai à M. le ministre de la guerre de
bien vouloir nous donner quelques renseignements sur l’application de ce crédit
de deux millions sept cent mille francs qu’il a demandé à titre de crédit
complémentaire.
Je ne pousserai pas l’exigence au
point de demander un compte détaillé de toutes ces dépenses, mais je voudrais
que M. le ministre voulût bien nous indiquer d’une manière générale et
sommaire, ce qu’il entend faire de cette somme. Je voudrais qu’il nous dît s’il
entend, par exemple, appliquer toute la somme à la solde de l’armée, ou s’il
compte en attribuer une partie à la restauration de nos forteresses. Cette
question est également assez grave pour que la chambre soit éclairée à cet
égard avant de voter le crédit si considérable qu’on lui demande.
J’attends, messieurs, la réponse de
M. le ministre de la guerre ; mon vote dépendra des explications qu’il ne
refusera pas à la sollicitude de la chambre, pour les intérêts du pays et pour
les intérêts des contribuables.
M. Osy. - J’étais aussi de ceux, messieurs, qui, au mois de mars dernier,
voulaient des économies sur le budget de la guerre. Aujourd’hui l’on nous
annonce une réduction de 1,500,000 fr., et cette
réduction je la trouve beaucoup trop faible, d’autant plus qu’elle me semble
n’être en réalité que d’un million, je crois, messieurs, qu’il y a, sous ce
rapport, une erreur dans le travail de la commission. En effet, on demande au
budget de 1844, pour les pensions militaires, une augmentation de 197,000 fr.,
soit 200,000 fr. ; or, comme les pensions militaires, de même que toutes les
autres pensions, diminuent annuellement d’environ 5 p.c., par suite des
extinctions, il y a, de ce chef, une augmentation d’à peu près 300,000 fr. et
dès lors, comme je viens de le dire, les économies faites sur le budget de la
guerre se réduisent au chiffre d’un million. Je demanderai à cet égard une
explication à M. le ministre de la guerre ou à M. le rapporteur de la section
centrale.
M. de Garcia,
rapporteur. - Je crois, messieurs, que le
chiffre présenté par la commission est exact. Il est très vrai que l’on n’a pas
tenu compte des pensions, mais on ne le fait jamais ; le budget qui a été
présenté l’an dernier n’en faisait nulle mention, et la raison en est simple,
c’est que les pensions figurent au budget des finances. On peut critiquer la
légèreté avec laquelle le gouvernement met les officiers à la pension, mais les
évaluations de la commission sont exactes. Je sais qu’il y a une différence
entre la déclaration faite par M. le ministre de la guerre, relativement aux
pensions accordées pendant l’exercice 1843 et la somme qui figure au budget des
finances pour faire face au paiement de ces pensions ; ce n’est pas à moi
d’expliquer cette différence, j’en laisserai le soin à M. le ministre ;
cependant je dois dire qu’ayant parlé de cet objet à M. le ministre de la
guerre, il m’a répondu que cela provient de la manière différente de computer
les pensions au département de la guerre et au département des finances. A cet
égard, c’est à M. le ministre de la guerre à vous donner satisfaction.
Je dois donner un mot
d’explication relativement à des questions qui ont été soulevées par
l’honorable M. Castiau. La commission veut proposer l’adoption du crédit
demandé, elle n’a pas cru devoir entrer dans l’examen de ces questions à propos
du crédit pétitionné. En présence de la discussion prochaine du budget, en
présence de la discussion prochaine du projet de loi d’organisation de l’armée,
elle n’a pas cru devoir s’occuper des graves questions soulevées par
l’honorable M. Castiau ; comme le dit le § 2 de mon rapport, la commission a
cru qu’il fallait, en ce moment, passer toutes ces questions sous silence,
puisque la chambre sera bientôt appelée à les examiner à fond ; elle s’est donc
renfermée purement et simplement dans la question des dépenses. A cet égard, M.
le ministre nous a fourni des tableaux qui justifient les dépenses faites et à
faire dans le courant de cet exercice, et qui doivent nécessairement être en
rapport avec l’état actuel de l’armée. Je vais déposer ces tableaux sur le
bureau afin que les membres de la chambre qui le désirent puissent en prendre
connaissance.
Quant aux autres questions, je le
répète, la commission a cru qu’on s’en occuperait beaucoup plus utilement
lorsqu’il s’agira de discuter le projet d’organisation de l’armée et le budget
de la guerre de 1844. Elle a pensé qu’il était superflu de s’occuper de ces
questions à propos du crédit demandé, qui trouve sa base dans un ordre de chose
qui était établi lors de l’arrivée de M. le ministre de la guerre à ce
département et qui ne pouvait être changé du jour au lendemain. Une pareille
prétention, l’on doit le reconnaître, ne pourrait se réaliser sans une
perturbation complète.
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont) - Je commencerai, messieurs, par
donner quelques explications relativement aux pensions. Le chiffre des pensions
accordées en 1843, s’élève à 81,458 fr. pour les officiers, et à 35,493 fr.
pour les soldats. La différence qui existe sous ce rapport, entre les données
du département de la guerre et celles du département des finances, provient de
ce qu’il y a des points de départ différents dans les deux ministères. J’ai eu
l’honneur de remettre à la commission le chiffre exact des pensions qui ont été
accordées dans le courant de l’année. M. le ministre des finances a pris son
point de départ, au moment où il a établi le budget de 1843, c’était
vraisemblablement au mois de juin 1842 ; il a donc compris de plus au budget,
le montant de toutes les pensions qui ont été accordées dans le deuxième
semestre de 1842. C’est là la seule explication que je puisse donner à cet
égard.
Peu de pensions ont été données
depuis que je suis au ministère ; le travail avait été fait auparavant. Quatre
des pensions que j’ai accordées ont été données par suite de demandes, l’une
pour infirmités, deux autres à des officiers âges de plus de 55 ans.
Maintenant je désirerais répondre à
tous les points qui ont été soulevés par l’honorable M. Castiau. Je dois
cependant faire observer, comme l’a déjà fait M. le rapporteur de la section
centrale, que ce serait en quelque sorte anticiper sur les discussions qui
doivent avoir lieu bientôt : 1° sur le projet d’organisation de l’armée ; 2°
sur le budget de 1844. L’honorable M. Castiau a demandé ce que j’aurais fait
des 2,700,000 fr. dont la chambre s’occupe en ce
moment. Ces 2,700,000 francs sont nécessaires pour compléter toutes les
dépenses de l’année courante sans introduire aucune innovation, Les réparations
des forteresses, prévues pour cette année, sont comprises dans le montant des
crédits demandés, il en est de même de toutes les autres dépenses nécessitées
par l’état actuel de l’armée, telles que la solde des troupes, les fourrages,
la remonte qui vient d’être faite et qui, par mesure d’économie, a été réduite
aux trois cinquièmes de ce qui avait été proposé d’abord, etc.
Quant à ce qui a été fait
relativement aux commandants de place de la troisième classe, cette mesure a
été une mesure d’ordre et d’économie ; elle a été prise par arrêté royal, parce
que, jusqu’ici, l’organisation des différents corps de l’armée s’est toujours
faite de cette manière ; c’est la première fois qu’un projet d’organisation de
l’armée est soumis à la chambre. Les commandants de place de toutes les classes
sont, du reste, compris dans ce projet et la mesure dont il s’agit est ainsi
soumise, et, quelque sorte, à l’homologation des chambres législatives.
Quant au déplacement de divers corps
de l’armée, il a été jugé en tout temps qu’il est utile de changer de temps à
autre les corps de garnison, et cela est dans l’intérêt de l’esprit militaire
et pour établir la fusion entre les militaires des différentes provinces.
Un corps qui resterait longtemps dans
la même garnison, recruterait toujours des hommes de la même province, ce qui
serait sujet à inconvénients. Il y a dès lors avantage à changer de temps en
temps les corps de garnison. Parmi les corps qui ont changé de garnison, il en
est un qui s’était presque toujours trouvé dans la même place depuis 15 ans ;
les autres se trouvaient, en général, dans la même garnison depuis une dizaine
d’années. Nous avons cru, messieurs, que les frais de transport que cela devait
occasionner, n’étaient pas assez considérables pour nous faire renoncer aux
avantages qui résultent de ces changements.
Quant au déplacement des dépôts, il y
en avait quelques-uns qui se trouvaient à une grande distance de leurs
régiments ; nous avons saisi l’occasion des autres changements de garnison pour
les en rapprocher. Le dépôt du 11ème régiment se trouvait à Termonde, tandis
que le régiment était en garnison à Liége. Ce dépôt a été transféré à Hasselt.
Le rapprochement des dépôts et des états-majors de régiment offrira aussi une
économie ; il y a en effet, entre les régiments et leurs dépôts, des allées et
venues continuelles ; on diminuera par conséquent les frais de route, de
logement et nourriture ; les frais de transport d’effets à envoyer des dépôts
au régiment. Si donc nous avons fait en ce moment-ci un léger sacrifice, nous
en serons largement indemnisés dans la suite.
L’honorable M. Castiau m’a également
interpellé sur la portion qui avait été donnée à l’unanimité et au choix dans
les avancements.
J’aurai l’honneur de faire observer à
la chambre que, par la loi de 1836, la législature a voté deux principes pour
l’avancement, le principe de l’avancement par ancienneté et celui de
l’avancement au choix ; elle a établi pour certains grades l’avancement au
choix exclusivement, et pour d’autres elle a fait la part de l’ancienneté et
celle du choix.
Messieurs, la loi n’a pas dit
que ces deux parts devaient être alignées à chaque promotion. Cela n’avait pas
eu lieu jusqu’à mon arrivée aux affaires. Lorsque j’ai eu à m’occuper de
promotions, j’ai dû voir quelle part avait été faite jusque-là et au choix et à
l’unanimité. J’ai pris l’année 1836 pour mon point de départ, et j’ai trouvé
que, pour quelques grades et dans plusieurs armes, les avancements à
l’ancienneté avaient dépassé les avancements au choix. J’ai cru désirable de
rétablir progressivement l’équilibre, et c’est la cause pour laquelle le nombre
d’avancements au choix, dans les dernières promotions, a été quelque peu
supérieur à celui des nominations par ancienneté.
L’honorable M. Castiau a dit que ces
promotions avaient été trop nombreuses. J’aurai l’honneur de faire observer que
si l’on n’a égard qu’aux motifs d’économie, toutes les dépenses de l’armée
peuvent être considérées comme trop fortes. Mais il y a ici deux intérêts en
présence, d’un côté l’intérêt de l’armée, emportant, j’ose le dire, l’intérêt
du pays, et, d’autre part, l’intérêt financier qui exige des économies. Or,
messieurs, j’ai fait toutes les économies qui m’ont paru possibles, niais j’ai
dû reculer devant celles qui auraient pu porter atteinte à la bonne
organisation de l’armée.
J’ai dit tout à l’heure que les
promotions n’avaient pas même été assez nombreuses, au point de vue de
l’émulation à maintenir dans l’armée et de la formation des bons cadres. D’un
autre côté j’ai présenté des économies. Je crois avoir tenu le terme moyen
entre ces deux exigences, les économies, d’un côté, et le bien-être de l’armée
de l’autre.
M. Dumortier. - Messieurs, il m’est impossible de passer sous silence la doctrine
que M. le ministre de la guerre vient de soutenir.
Suivant M. le ministre, lorsque ses
prédécesseurs ont donné à l’ancienneté une part plus grande qu’ils ne pouvaient
le faire, il est en droit, lui, leur successeur, de donner une part plus forte
à l’ancienneté, et de rétablir ainsi l’équilibre.
Messieurs, je dois protester contre
cette doctrine qui est diamétralement contraire aux dispositions de la loi que
vous avez votée, et qui doit être avant tout la règle de conduite du
gouvernement.
La loi a voulu que, dans les
promotions qui ont lieu dans les grades inférieurs, une part égale fût accordée
à l’ancienneté et au choix. Il ne dépend donc pas d’un ministre de venir
substituer sa volonté aux prescriptions de la loi. Qu’importe au ministre qui
se trouve au pouvoir, le système qu’ont suivi ses prédécesseurs il ne doit, lui,
avoir pour guide que la loi.
Savez-vous où l’on arrive avec la
doctrine défendue et mise en pratique par M. le ministre de la guerre ? Je
suppose qu’un ministre croie devoir répudier entièrement le système des
avancements au choix, qui est souvent si préjudiciable aux rangs inférieurs,
son successeur, d’après M. le ministre de la guerre, devrait se dire : moi, je
vais attribuer toutes les promotions à l’ancienneté.
Je ne puis admettre une
semblable doctrine qui tuerait l’émulation dans les rangs de l’armée.
D’ailleurs, on sait quelles sont, la
plupart du temps, les promotions faites au choix ; rarement le mérite réel en a
sa part, et je regrette de devoir dire que les promotions faites au mois de
juillet dernier, par M. le ministre de la guerre, n’ont jamais été aussi mal
accueillies dans l’armée, qu’elles y ont provoqué de vives plaintes.
M. de Garcia,
rapporteur. - Messieurs, si j’ai bien compris
l’honorable M. Dumortier, il prétend qu’on doit toujours faire marcher de front
les promotions à l’ancienneté et les promotions au choix. C’est expliquer la
loi, selon sa manière de voir. La loi qui investit le gouvernement du droit de
faire des promotions, ne dit pas que les promotions qui se feront pour certains
grades, devront nécessairement se faire à chaque promotion dans la même
proportion pour chacun d’eux. Pour ma part, je veux laisser au gouvernement
toute sa liberté d’action dans les limites de la loi, et dans l’intérêt bien
entendu de notre armée. Le gouvernement doit être seul juge dans ces questions,
et, selon moi, la chambre ne peut lui imposer des limites qui n’existent pas
dans la loi. Je pense que souvent l’avancement au choix est le meilleur pour
l’armée. L’ancienneté, sans doute, est un titre très respectable, mais elle
n’accompagne pas toujours la plus grande capacité, que d’excellents colonels de
25 à 30 ans ! Il faut le reconnaître, c’est l’âge de l’énergie et du génie
militaire. S’il fallait accorder tout à l’ancienneté, nous n’aurions que des
vieillards pour conduire les armées.
Quiconque a vu les armées de
près, reconnaîtra avec moi qu’il est désirable de laisser une partie de
l’avancement au choix ; or si j’ai bien compris l’honorable préopinant, il ne
veut pas accorder au gouvernement la faculté d’équilibrer aujourd’hui par des
avancements plus nombreux au choix les avancements plus considérables qui
peuvent avoir eu lieu antérieurement à cet égard. Je serais charmé que
l’honorable M. Dumortier voulût nous expliquer sa véritable manière de voir à
cet égard, mais ce que je puis lui dire d’avance , c’est que la loi ne fait au
gouvernement aucune obligation d’équilibrer à chaque promotion les nominations
à l’ancienneté et au choix. Comment pourrait-on équilibrer des promotions
impaires de 5-7-9 officiers ?
M. Dumortier. - L’honorable préopinant n’a pas compris ce que j’ai dit. S’il avait
eu sous les yeux la loi sur l’avancement, il aurait vu que cette loi n’établit de
nomination au choix et à l’avancement que pour ce qui concerne les grades
inférieurs, c’est-à-dire jusqu’au grade de capitaine inclusivement. La loi
française va plus loin. En France, l’avancement au choix et à l’ancienneté
s’étend jusqu’au grade de chef de bataillon.
Mais là n’est pas la question.
Aussi longtemps que le gouvernement marche dans les limites de la loi, il peut
faire de mauvais choix, je puis les déplorer, mais je n’ai pas à l’attaquer au
point de vue constitutionnel. Mais, encore une fois, là n’est pas la question.
Il s’agit ici de cette particularité, que M. le ministre, dans la nomination
des officiers inférieurs, a dépassé la limite que la loi lui assignait, quant à
la part à accorder au choix, et l’a dépassée par cela seul, que ses prédécesseurs
avaient donné une plus grande part à l’ancienneté, et qu’il avait voulu
accorder une compensation à l’avancement au choix.
Je vous ai déjà dit la conséquence de
cette doctrine ; elle serait celle-ci : si un ministre venait à croire que dans
les rangs inférieurs il faut s’en tenir exclusivement à l’ancienneté, le
ministre son successeur pourrait dire : « je donne toutes les nominations
au choix. » Dès lors, la loi serait manifestement violée. Or, aussi
longtemps que la loi existe, il faut l’exécuter. Je dis que toutes les fois que
le gouvernement fait des nominations, il lui est loisible, dans les grades
inférieurs, de donner une part au choix, mais qu’il est obligé en même temps de
donner une part proportionnelle à l’ancienneté.
Telle est la prescription formelle et
claire de la loi ; on ne peut équivoquer là-dessus.
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont) - L’honorable rapporteur a déjà
répondu à une des observations de l’honorable préopinant. Il en est une autre
qui m’intéresse davantage et que j’ai hâte d’aborder.
L’honorable M. Dumortier a dit que
jamais il ne s’était élevé autant de plaintes qu’au sujet des dernières
promotions au choix qui ont eu lieu. Je dois protester contre ce langage. En
venant m’asseoir sur ce banc, je n’ai pas renoncé aux principes qui m’ont guidé
toute ma vie. Les promotions ont eu lieu d’après l’équité et dans l’intérêt
général de l’armée.
Peut-être l’honorable
préopinant s’établit-il sur un autre terrain que moi, peut-être s’établit-il
sur le terrain des questions personnelles. Quant à moi, c’est l’intérêt général
qui m’a servi de règle, et c’est sous l’empire de cette préoccupation que je me
suis livré à un travail grave, minutieux et consciencieux. Je me suis entouré
de tous les documents qui se trouvaient dans le ministère, et ce n’est qu’après
un long examen que je me suis décidé à porter sur la liste des propositions un
officier de préférence à un autre. La conduite, le dévouement, le zèle,
l’instruction, les services rendus, voilà ce qui m’a guidé.
Je sais qu’il est difficile de faire
comprendre à quelqu’un que telle ou telle personne a mérité plus que lui les
faveurs de l’avancement au choix. Je sais qu’il en résulte naturellement des
mécontentements, que cela provoque des plaintes de la part de parents et d’amis
; mais ces plaintes ne peuvent atteindre un ministre qui a la conscience
d’avoir fait son devoir, et de n’avoir jamais perdu de vue l’intérêt de l’armée
et celui du pays. (Très bien ! très bien
!)
M. Castiau. - Messieurs, je ne viens pas contester le zèle, l’activité et l’esprit
d’impartialité de M. le ministre de la guerre. Si je prends la parole, c’est
uniquement pour le prier de vouloir bien compléter les explications que j’ai
cru devoir lui demander, c’est pour ramener son attention sur un point
principal qu’il a passé sous silence dans sa réponse.
C’est à l’occasion du caractère des
économies dont on parle dans l’exposé des motifs que l’honorable ministre de la
guerre est venu nous annoncer la réalisation d’une économie de 1,300,000 fr. A l’occasion de ces économies, j’avais cru
pouvoir interpeller sur leur caractère, j’avais cru pouvoir lui demander
quelles étaient ces économies, si elles étaient permanentes ou transitoires, et
quelle partie du service militaire elles avaient principalement affectée. Dans
la réponse qu’il m’a faite, M. le ministre a passé ce point sous silence. Il me
permettra de lui signaler la lacune qu’offre sa réponse, et de le prier de
vouloir la combler, en nous donnant cette dernière explication.
M. le ministre de la
guerre (M. Du Pont) - J’avais en effet omis de
répondre à cette question que vient de répéter l’honorable préopinant : quel
est le caractère des économies proposées ? Je l’ai expliqué dans les notes qui
accompagnent le budget de la guerre, ces économies portent en partie sur la
solde du soldat. Je crois devoir vous rappeler que déjà en 1831 l’honorable M.
de Brouckere a entamé la question du traitement des officiers, et que les
officiers depuis ce temps ont subi une réduction assez notable.
Je ne puis donc reporter les
économies sur ce point. L’honorable M. de Brouckere avait aussi songé à des
réductions sur la solde du soldat ; voici comment il les expliquait : Le soldat
sous le gouvernement hollandais était considéré comme étant bien payé. Il a
reçu de plus, depuis la révolution une demi-livre de
pain par ration, plus la haute paie pour chevrons, plus la haute paie comme
grenadier ou comme voltigeur. La demi-livre de pain
comporte déjà une somme de cinq à six centimes par jour ; si vous joignez à
cela la haute paie, etc., vous aurez une augmentation de 8 à 9 centimes dès
lors nous avons pensé qu’il était possible de faire là-dessus une réduction.
Pour l’infanterie, nous l’avons portée à deux centimes, savoir un centime sur
la solde et un centime sur la masse. Cette réduction n’est pas exagérée et elle
est d’un grand effet, parce que ce sont les économies qui portent sur les
masses qui produisent des centaines de mille francs. Si j’avais omis de
répondre à d’autres questions et que l’honorable membre voulût me les indiquer,
je m’empresserais de lui donner des explications.
M. Rodenbach. - J’ai demandé la parole pour faire observer que la question de
l’honorable député de Tournay est anticipée. C’est quand nous discuterons le
budget de la guerre que l’occasion de la faire se présentera. Il s’agit ici
d’un crédit complémentaire ; il n’est pas question de diminuer la solde du
soldat sur les 2,700,000 fr. qu’on demande.
M. Osy. - D’après ce que vient de dire M. le ministre de la guerre, la
réduction de la solde a eu lieu en 1843.
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont) - Non pas ; la réduction sur la
solde est une économie proposée à la chambre pour 1844 et sur laquelle la
chambre aura à se prononcer.
M. Castiau. - Sur quoi ont été faites les économies ?
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont) - C’est d’abord l’effectif.
L’effectif porté au budget était de 32,000 hommes. J’ai cru qu’il n’était pas
nécessaire de e maintenir à ce chiffre pendant les mois d’hiver et je l’ai
réduit à un chiffre moyen de 30,000 hommes. Ensuite comme je l’ai déjà dit, il
y a eu une économie sur la remonte et par suite sur les fourrages, etc.
M. Rogier. - Je suis de ceux qui, à la dernière sessions, ont défendu le budget
de la guerre tel qu’il était présenté par le prédécesseur du ministre actuel ;
je suis de ceux qui pensaient qu’il fallait accorder les sommes demandées, pour
conserver à l’armée une position respectable : L’honorable général, successeur
du général de Liem, a accepté sans doute, avec son héritage, la mission de
faire droit aux vœux de la majorité qui avait demandé des économies, des
réductions sur le budget de la guerre. On devait penser que ces réductions
auraient un caractère permanent, définitif et ne viendraient pas d’une source
purement transitoire. Il résulte des explications qui viennent d’être données
que les soi-disant économies effectuées par M. le ministre actuel résultent du
renvoi dans leurs foyers d’un certain nombre d’hommes.
Voilà en quoi consiste l’opération :
le ministre a renvoyé un certain nombre de miliciens chez eux, et de là est
résultée une économie de près d’un million. Je ne pense pas que l’honorable
prédécesseur de M. le ministre se fût refusé à recourir à ce moyen ; il entrait
même dans ses prévisions. J’ai défendu cet honorable général, je ne veux pas
attaquer son successeur, les sentiments qu’il vient d’exprimer sont d’un bon
augure, et je ne puis qu’y rendre hommage ; mais ayant été le défenseur du
général de Liem, je ne puis laisser supposer qu’il n’aurait pu faire ce que son
successeur a fait ; de pareilles économies étaient à la portée de tous les
ministres présents, passés et futurs.
Voici ce qui est arrivé. Le ministre
a renvoyé quelques centaines de soldats dans leurs foyers ; comme il n’y a pas
eu de solde à payer, il en est résulté une réduction de dépenses ; mais en même
temps il a dû prendre des mesures telles que des promotions, des changements de
garnison qui ont grevé le budget de la guerre des charges permanentes. On
aurait ainsi dégrevé le budget de dépenses susceptibles de se représenter et on
l’aurait grevé de charges permanentes et devant toujours durer. Un pareil
système ne mériterait pas les éloges de la chambre.
Je ne sais pas jusqu’à quel
point une telle mesure n’a pas compromis la force de l’armée, l’esprit des
corps ; je ne sais pas jusqu’à quel point le service n’a pas pesé d’une manière
trop onéreuse sur les soldats retenus dans les cadres. Quoi qu’il en soit,
après ce qui s’était passé, la chambre était en droit d’attendre des économies
résultant d’un autre système. J’espère que M. le ministre trouvera d’autres
moyens de réduction, si tant est que cela soit possible, en conciliant les
besoins du trésor avec les vrais besoins de l’armée.
Il n’y a dans mes observations rien
de personnel à M. le ministre de la guerre, je n’ai jamais eu aucune relation
avec lui ; il vient de se faire connaître pour la première fois, et son langage
a dû être accueilli avec faveur, je dirai même avec sympathie. S’il conduit son
administration avec la fermeté et l’intelligence qu’il annonce, je le soutiendrai
d’aussi bon cœur que j’ai soutenu son prédécesseur. Mais je devais ce mot au
souvenir d’un ministre avec qui je n’avais jamais eu non plus de relations
personnelles, mais qui a quitté son banc avec un dévouement à ses principes, et
une dignité qui méritent d’être loués et d’être offerts en exemple.
M. le ministre de la
guerre (M. Du Pont) - Je n’ai pas la prétention
de mieux faire que mon honorable prédécesseur. Les économies que j’ai faites,
j’en conviens, tout le monde était capable de les faire. Je suis venu au
ministère lorsque mon prédécesseur s’était retiré devant la chambre, j’ai dû
prendre une autre position. La chambre, comme le disaient tout à l’heure
d’honorables membres, voulaient des économies. J’ai consenti à faire les
économies compatibles avec une bonne organisation de l’armée. Je n’ai pas
consenti à les pousser jusqu’au point de compromettre les moyens de défense du
pays. J’ai indiqué dans les notes accompagnant le budget d’autres économies que
celles sur l’effectif, mais je conviens toujours que tout d’autre auraient pu
les faire comme moi.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je prends un
instant la parole pour rectifier un fait allégué par l’honorable M. Rogier. La
retraite de l’honorable général de Liem, que j’ai regrettée, comme l’honorable
membre, n’a pas été suivie immédiatement de l’entrée du général Dupont au
département de la guerre. Il y a eu un intérim, et pendant cet intérim, nous
avons eu soin d’expliquer à la chambre dans quelle position le ministre nouveau
encore inconnu accepterait le département de la guerre. Nous n’avons pas
entendu que la mission du nouveau ministre fût une mission définie à l’avance,
qu’il fût tenu de se conformer irrévocablement, d’une manière absolue, à des
vœux exprimés non par la chambre, mais dans la chambre et dans la section
centrale.
Nous avons entendu que la position du
département de la guerre restât intacte devant l’avenir, nous avons entendu
qu’elle ne fût définitivement réglée qu’à la session actuelle. J’ai été plus
loin, car c’est moi qui ai eu l’honneur de faire, en faveur du ministre de la
guerre encore inconnu, ces réserves. Il importait de faire ces réserves, car
quel est l’homme qui serait sorti des rangs de l’armée pour s’asseoir sur ce
banc à la place du général de Liem, avec une mission ainsi définie à l’avance ?
J’ai même dit qu’il n’y aurait aucune contradiction si en novembre ou décembre
le ministre nouveau venait demander une somme égale à celle qui serait
nécessaire pour arriver au chiffre du budget tel que l’avait présenté le
général de Liem. J’ai dit que nous espérions qu’il n’en serait pas ainsi, qu’on
demanderait une somme moindre. C’est ce que l’honorable général Dupont est
parvenu à faire. Il l’a fait en réduisant l’effectif. Cela ne préjugeait rien.
Fallait-il qu’il procédât à une organisation de l’armée pour opérer des
économies ? Non ; il a cru devoir faire des économies qui ne préjugent rien, il
a cru pouvoir les faire sans compromettre le sort de l’armée. Ce qui nous
dominait aux mois de mars et d’avril dernier, c’était cette idée : la chambre
depuis longtemps réclamait une loi sur l’organisation de l’armée ; le général
de Liem, qui a emporté mes regrets comme il a emporté ceux de l’honorable M. Rogier,
semblait ne pas vouloir se prêter à la présentation de cette loi. Je dis
semblait, car, même dans cette chambre, il y a eu entre les divers membres du
cabinet des explications qui ont paru laisser du doute.
Le général de Liem considérait
le projet de budget comme un budget définitif, qu’il qualifiait de normal.
C’est ce mot qui a soulevé des difficultés, qui a amené la situation d’avril
dernier. La chambre, si je me le rappelle bien, en votant le premier chiffre,
n’a pas eu l’intention de faire autre chose que de décider qu’il fallait une
loi sur l’organisation de l’armée. Voilà tout ce que vous avez décidé en avril
dernier ; c’est ce que les ministres restants ont accepté ; ils devaient
d’autant plus l’accepter, que pas une voix ne s’était élevée, pas même celle de
l’honorable M. Rogier, pour dire qu’il ne fallait pas une loi sur
l’organisation de l’armée.
Il importait que tous ces faits
fussent bien rétablis. J’engage l’honorable M. Rogier à lire la discussion du 6
avril ; il verra que j’ai fait toutes ces réserves ; que le général Dupont
n’est pas lié par des chiffres qui n’étaient pas votés ; j’ai fait de la
manière la plus formelle toutes ces réserves pour l’avenir.
M. Rodenbach. - Le général de Liem n’a pas emporté mes regrets. Il demandait 30
millions pour son armée. J’ai pensé que l’armée ne devait pas être une charge
pour la nation. La majorité a, je crois, parfaitement bien voté ; l’honorable
M. Brabant a fait un travail à la section centrale dont je faisais partie ; il
voulait constituer une bonne armée ; il demandait pour cela 27 millions. Le
général de Liem a déclaré qu’il ne pouvait faire un budget de moins de 30
millions ; c’est parce que la chambre n’a pas voulu accorder 30 millions qu’il
s’est retiré ; il pouvait faire des économies ; ce qui le prouve, c’est que le
général Dupont en a fait ; nous avons voté 26,050,000
fr. ; le crédit complémentaire est de 2,700,000 fr. Total, 28,750,000 fr. Il y
a donc eu une économie de 1,250,000 fr.
Le pays, tel qu’il est
constitué, forme un royaume neutre de 4 millions d’habitants. Je vous le
demande, notre armée, en proportion de celle des autres pays, n’est-elle pas
considérable ?
En 1839, le ministre avait présenté
un budget de 33 millions. La chambre a trouvé que le pays ne pouvait supporter
cette dépense ; elle a réduit ce chiffre de 2 millions : en 1840 et 1841, le
budget a été de 30 millions. Le général de Liem s’est obstiné à ne pas diminuer
cette somme d’un franc ; voilà le véritable motif de sa retraite. Nous voulons
des économies ; nous ne voulons pas que l’armée soit une charge pour le pays.
C’est pour cela que j’ai voté contre le général de Liem, et, je le répète, je
ne le regrette pas.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il y avait à la session
dernière, comme je l’ai dit alors, deux choses en discussion : un chiffre et un
principe. Je dis que le débat a porté sur le principe.
M. Dumortier. - Il a plutôt porté sur le
chiffre.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - C’est que le chiffre était
présenté avec l’intention au moins présumée d’en faire un principe. Le débat a
porté sur le principe. Tout ce qui est résulté de la disposition d’avril
dernier, c’est que le gouvernement a dû reconnaître qu’il fallait enfin
présenter une loi sur l’organisation de l’armée, mais je dis que rien n’a été
préjugé quant au chiffre définitif de l’armée ; il résultera plus ou moins de
la loi d’organisation ; il pourrait même être de 30 millions, sans qu’il y eût
contradiction avec ce qui a été décidé en avril dernier.
Le général de Liem semblait demander
30 millions pour une organisation définitive ; la chambre aurait peut-être même
accordé 29 millions et demi pour le statu quo d’alors, sans rien préjuger sur
la question de principe.
M. de Garcia,
rapporteur. - M. le ministre de l’intérieur a
cru devoir prendre la parole pour rétablir les faits, tels qu’ils se sont
passés dans la dernière session. Votre commission a pensé que ce n’était pas le
moment de revenir sur ce point. Cependant, puisque M. le ministre de
l’intérieur a cru devoir soulever cette question, je crois devoir présenter
quelques observations sur ce point.
M. le ministre a rappelé que le
général de Liem, demandait 30 millions, comme chiffre normal, pour le maintien
de l’armée. Ceci est un fait constant. M. le ministre a ensuite rappelé la
réserve que le gouvernement a faite à la dernière session, réserve sur ce que
la décision prise par la chambre ne pouvait lier en aucune manière le nouveau
chef du département de la guerre. Il a semblé singulièrement tenir aux
entraves, aux protestations faites à ce sujet. Cette conduite, de la part de M.
le ministre de l’intérieur, me paraît assez étrange. A mes yeux toutes ses
réserves et toutes ses protestations étaient inutiles, rien n’était
formellement décidé ; et le gouvernement, comme la chambre, restaient libres
dans la sphère de leurs volontés et de leurs actions.
Empressons-nous donc de le constater
et cela sans qu’il ait été besoin de réserves, le gouvernement et le nouveau
chef du département de la guerre restaient entièrement libres de proposer tout
ce qu’ils jugeraient convenable pour la bonne organisation de l’armée. La
représentation nationale conservait la même liberté d’action. Aussi la chambre
et la section centrale n’ont pas fait et n’avaient pas besoin de faire des
réserves à cet égard. A part toutes les réserves possibles, la liberté d’action
du gouvernement et de la chambre est restée entière, et, de part et d’autre, on
pourra déployer des moyens à la discussion de la loi d’organisation et du
budget de la guerre.
M. le ministre de l’intérieur ayant,
selon moi, dénaturé, l’état de l’esprit de la chambre lors de la discussion du
budget de la guerre, je me vois obligé de rétablir les faits. On était sous
l’influence de deux idées ; M. le ministre en a séparé une ; la première : loi
d’organisation de l’armée ; la seconde : réduction des dépenses. Il est
impossible, en présence des discussions de la session dernière, de séparer ces
deux idées.
Elles se donnaient la main et
se liaient intimement. Au surplus, comme dans très peu de temps vous aurez à
vous prononcer sur ces grandes questions, votre commission n’a pas cru que ce
fût le moment de s’en occuper. Le crédit pétitionné n’a pour objet que de
convenir des dépenses faites en vertu d’un ordre de choses existant.
Rationnellement, il est difficile d’attaquer ce crédit, surtout si l’on ne perd
pas de vue que l’encaisse actuel était fort avancé lors de l’arrivée du
ministre au département de la guerre, et qu’il a pu se trouver dans la
nécessité de respecter des engagements pris par son prédécesseur.
En vous proposant l’adoption du
crédit supplémentaire de 2,700,000 fr., messieurs, la
commission a été guidée par une pensée, c’est qu’il est impossible d’improviser
des économies, mais qu’elles doivent être organisées.
Nous aurons occasion d’examiner les graves
questions que soulève la matière lors de la discussion du projet de loi
d’organisation de l’armée, et du budget de la guerre pour l’exercice 1844.
N’anticipons pas, ne perdons pas de temps, toutes ces questions restent
entières ; et, sans nous associer aux réserves du gouvernement, nous restons à
cet égard dans l’omnipotence de notre droit.
M. Verhaegen. - Je suis aussi l’un de ceux qui ont défendu l’honorable général de
Liem, et je désire que, dans l’incident qui le concerne, on ne confonde pas et
les temps et les choses.
M. le ministre de l’intérieur vous a
parlé d’une déclaration qu’il avait faite à la chambre après la retraite du
général de Liem ; mais il aurait bien fait de vous parler en même temps de ce
qui avait eu lieu pendant la discussion qui avait amené cette retraite.
Moi qui soutenais (et je ne le
regrette point) le général de Liem, j’engageais M. le ministre de l’intérieur à
concourir avec nous à la défense de son collègue : « le budget de la
guerre est assez important, lui disais-je, pour que le gouvernement tout entier
daigne s’en occuper ; il n’est pas douteux que le cabinet ait délibéré à
l’avance sur toutes les questions qu’une matière aussi grave fait surgir, et il
doit y avoir solidarité entre tous ses membres, de telle manière que si la
chambre venait à rejeter, ce ne serait pas un seul membre du cabinet qui
succomberait, ce serait le cabinet entier qui devrait se retirer. »
Vous le voyez, messieurs, je conviais
M. le ministre de l’intérieur, pour l’honneur du gouvernement représentatif, à
faire de cette question, une question de cabinet ; mais il s’en garda bien ; le
général de Liem fut sacrifié ; d’autres membres se retirèrent ensuite, on sait
pourquoi et comment ; et de cet ancien cabinet il ne reste plus aujourd’hui que
M. le ministre de l’intérieur tout seul. J’avais prévu (le Moniteur en fait foi) ce qu’amènerait la retraite du général de
Liem. Je l’ai dit très naïvement à cette époque, et depuis, les faits sont
venus confirmer mes paroles : le général de Liem s’est retiré de la manière la
plus honorable en même temps qu’il a fait acte de fermeté et de courage ;
pourquoi donc M. Nothomb n’a-t-il pas suivi son exemple ? C’est qu’il y a des
personnes pour qui les positions sont tout et les principes rien.
Le général de Liem, vous a dit le
ministre de l’intérieur, est tombé non pas sur une question de chiffres, mais
sur une question de principes : on parle de principes, messieurs, quels étaient
donc ceux du gouvernement ? car le gouvernement devait
être d’accord sur une question aussi importante que celle relative à
l’organisation de l’armée.
Puisque, sur la question
d’organisation de l’armée, on a attaqué les intentions de l’honorable général
de Liem et que je tiens à défendre les absents, je puis, sans commettre une
indiscrétion, dire à la chambre que lui, personnellement, n’aurait pas reculé,
peut-être, devant la présentation du projet de loi d’organisation, mais il y
avait pour lui, comme ministre, une considération bien plus grave que celle qui
se rattachait à la conservation de son portefeuille, il y avait un mobile
puissant qui aurait dû pousser dans la même voie chacun de ses collègues ; je
ne puis pas m’expliquer d’une manière plus claire et plus précise, sans sortir
des bornes parlementaires ; mais M. le ministre de l’intérieur me comprendra
bien, j’en ai la conviction.
Plusieurs personnes, par devoir et
par honneur, sont solidairement tenues à l’exécution d’un mandat de confiance
qu’ils ont reçu pour un objet important, mais au jour du danger une seule de
ces personnes reste fidèle à ses engagements et ses co-mandaires, pour conserver position, l’abandonnent
lâchement. Comment qualifiera-t-on pareille conduite ? à
d’autres ce soin.
Je m’arrête pour ne pas aller trop
loin ; tout le monde m’aura compris ; je me borne à renvoyer pour d’autres
détails au Moniteur de l’époque, que
M. Nothomb a en ce moment sous les yeux.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, ce qu’il importe
de constater dans cette discussion, c’est ce que l’honorable M. Rogier a appelé
la mission du ministre actuel de la guerre. C’est le fait qu’il est nécessaire
de rétablir en ce moment. S’il y a d’autres circonstances dans le passé sur
lesquelles l’honorable préopinant désire revenir, nous verrons jusqu’à quel
point la nécessité des discussions pourra l’exiger par la suite. En attendant,
et pour simplifier le débat actuel, je m’en tiendrai à ce seul point.
Je vais, messieurs, vous citer deux
passages essentiels des discours que j’ai prononcés dans la séance du 6 avril
dernier.
« Ce qui résulte, messieurs,
disais-je, pour moi des débats qui ont eu lieu récemment, et qui se sont clos
d’une manière si regrettable, c’est qu’il faut une loi pour organiser certaines
parties de l’armée. C’est là tout ce qui résulte pour moi des débats. Et la
chose n’est pas nouvelle, puisque, dès le premier jour, le ministère avait
déclaré qu’il rechercherait s’il faut encore une loi organique pour certaines
parties, et que cette loi serait présentée. Il a déclaré qu’il n’y avait rien
de préjugé sur ce point, et, je dois le dire, il y a en unanimité à peu près à
cet égard. Ceux qui ont même soutenu avec le gouvernement qu’il fallait le
chiffre de 29 millions et demi, ont déclaré néanmoins qu’il fallait une loi
organique nouvelle de l’armée. M. le ministre de la guerre l’a déclaré
lui-même. (Non ! non !) M. le
ministre de la guerre, d’après les paroles que j’ai citées, il y a trois jours,
l’avait déclaré. »
Je pris la parole une, seconde fois.
C’était pour répondre à l’honorable M. Verhaegen, comme je le fais aujourd’hui
; et voici ce que je disais :
« Nous n’avons pas ici à examiner la
conduite du général de Liem, le général de Liem emporte nos regrets, il était
juge de sa conduite comme les ministres restants sont juges de la leur. Nous
demandons des crédits provisoires sans rien préjuger sur les questions
d’organisation, nous avons d’abord une situation ; c’est un fait ; nous avons
de plus deux organisations, l’une qui a été proposée ou indiquée, si l’on veut,
par la section centrale, celle-là on ne l’impose pas au gouvernement ; l’autre
a été projetée par le général do Liem, celle-là n’est pas non plus imposée au
successeur de ce général. Le successeur du général de Liem prend les choses
dans le statu quo, c’est à lui de rechercher quelle est l’organisation
définitive qu’il proposera il n’est lié ni par l’organisation de la section
centrale, ni par l’organisation projetée par l’ancien ministre de la guerre. Il
faut que la position du ministre de la guerre futur soit bien connue, et je
tiens à la faire connaître ici ; je veux qu’elle soit aussi bonne que possible.
Nous lui livrons donc la situation, le statu quo, sans rien préjuger sur
l’organisation définitive ; nous ne lui imposons ni l’organisation de la
section centrale, ni celle qui était projetée par l’ancien ministre de la
guerre. »
Vous voyez qu’on ne peut pas
être plus formel ni plus précis.
Je demande maintenant à quoi bon
renouveler entre l’honorable M. Verhaegen et moi un débat sur la question de
savoir pourquoi, à cette époque, on n’a pas fait du budget de la guerre une
question de cabinet. Je regarde ce débat comme parfaitement oiseux. Il n’aurait
pas aujourd’hui de résultat plus important qu’il n’en a eu à cette époque.
L’honorable M. Rogier qui nous a
rappelé que dans la dernière session il avait soutenu le budget de la guerre
tel qu’il était proposé, qui nous a exprimé les mêmes intentions pour le budget
nouveau qui est proposé, est donc tombé dans une erreur, involontaire de sa
part, en supposant que la mission de l’honorable ministre actuel de la guerre
était chargé d’une motion définie dès le mois d’avril
dernier. C’est là une erreur que j’ai cru devoir me permettre de rectifier dans
l’intérêt et de nos discussions et de la position ministérielle.
M. de Mérode. - Messieurs, j’aurais aussi désiré que l’on votât le budget de la
guerre tel que l’avait proposé M. le général de Liem ; mais, pour arriver à ce
résultat, j’avais appuyé les voies et moyens proposes par M. le ministre des
finances. Dès que l’on n’adoptait pas ces voies et moyens, il était clair qu’il
fallait se résoudre à des réductions sur l’armée.
M. le ministre de la guerre de cette
époque n’a pas jugé à propos de se charger de l’administration de l’armée avec
les réductions que l’on exigeait de lui et malgré lui. Il est tout naturel
qu’un autre officier supérieur de l’armée se charge de ce dont son prédécesseur
ne voulait pas ; car en ce monde, le mieux est l’ennemi du bien, il faut que
l’armée soit maintenue, lors même que la chambre exige des réductions. Ces
réductions ne fussent-elles pas dans l’opinion du nouveau ministre, il n’en est
pas moins certain que celui-ci peut faire des choses très utiles dans l’intérêt
de l’armée, même avec un budget réduit.
Voilà, messieurs,
l’explication de ce qui s’est passé, je ne vois dans de pareilles circonstances
aucun motif de bouleverser tout un cabinet, l’existence des ministres ne tient
pas précisément au chiffre qui est réclamé pour le budget de la guerre.
D’ailleurs, nous savons bien que sur
les bancs de cette chambre il y avait beaucoup de personnes qui n’étaient
nullement contraires à M. le ministre de la guerre, mais qui votaient les
réductions, parce qu’elles voulaient des économies, et qu’elles avaient cru
devoir rejeter les voies et moyens proposés.
Parmi ceux, au contraire, qui
voulaient accorder les crédits demandés, il y en avait plusieurs qui avaient
repoussé les voies et moyens. C’était là une véritable contradiction. J’espère
qu’elle ne se renouvellera plus cette année et que l’on votera les voies et
moyens avec le même zèle que les dépenses.
M. Lys. - Messieurs, j’avais demandé la parole pour justifier la section
centrale, sur l’admission par elle du chiffre supplémentaire demandé par M. le
ministre de la guerre. Depuis lors M. le rapporteur vous a présenté une
justification complète des actes de la section centrale, je ne répéterai pas ce
qu’il vous a dit.
Tout en partageant l’opinion qu’il a
émise, j’ajouterai que la section centrale ne tenait pas absolument au chiffre
de 27,000,000, auquel elle avait fixé les dépenses du
budget de la guerre. Elle n’aurait pas hésité à porter ce chiffre à 28,000,000, si M. le ministre la guerre avait voulu s’engager
à présenter pour la session actuelle une loi d’organisation de l’armée. C’est
ce qu’il n’a pas voulu faire, et dès lors la section centrale a dû persister
dans son chiffre.
- La discussion générale est close.
M. le président. - M. le ministre de la guerre se rallie-t-il à la rédaction proposée
par la section centrale ?
M. le ministre de la guerre
(M. Du Pont) - Oui, M. le président.
Article premier
« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de la guerre un
crédit de 2,700,000 francs, pour parfaire le solde des
dépenses de la guerre de l’exercice 1843.
« Au moyen de cette somme des
crédits alloués par les lois des 30 décembre 1842, 14 février et 14 avril 1843,
le budget de la guerre, pour 1843, est arrêté à la somme de 28,700,00 francs. »
M. de Garcia,
rapporteur. - Je désire demander une
explication à M. le ministre de la guerre.
Messieurs, l’année dernière le budget
de la guerre a été voté jusqu’à la section II, subside pour l’infanterie. Avant
d’arriver au chiffre demandé à cette section et qui a été rejeté par la
chambre, on avait statué sur l’art. 5 du chapitre I, portant ce qui suit :
« Secours à d’anciens militaires, à des veuves et enfants mineurs , 6,000 fr. » Adopté par la section centrale
qui propose d’ajouter, au libellé ces mots : « et à d’anciens employés du
ministère de la guerre ». Ce changement de rubrique a été adopté par la
chambre.
Messieurs, il est bon que je fasse
connaître à l’assemblée ce qui avait dirigé votre commission dans ce changement
au libellé de l’article. Il y a des employés qui appartenaient au service des
ambulances et des hôpitaux qui ont été organisés en 1827, 1828 et 1829. Voici,
messieurs, les termes des arrêtés qui ont été pris à cet égard lors de la
réorganisation des corps en 1837. L’art. 11 de l’arrêté royal disait, en posant
des conditions définitives :
(Ici l’orateur donne lecture de cet
arrêté.)
En 1839, lors de la conclusion de nos
affaires politiques, le gouvernement, en licenciant les corps des ambulances,
disait dans son arrêté du 26 septembre 1839 :
(Ici l’orateur donne lecture de cet
arrêté.)
La plupart de ces employés,
messieurs, ont obtenu le sort qui leur était réservé par les dispositions
royales, dont je viens d’avoir l’honneur de vous donner lecture.
Ne serait-il pas d’une
injustice criante de laisser dans le besoin le plus absolu quelques-uns d’entre
eux ? Il en reste, je crois, trois ou quatre dans cette position, qui sont
réellement dans un état pitoyable ; ils sont réduits à une misère telle, qu’ils
doivent tendre la main. J’en connais un qui est venu chez moi, dans une
attitude et une position à faire saigner le cœur. C’est pour cela que nous
avons changé la rubrique de l’art. 5 du chap. 1er du budget de la guerre ; nous
avons voulu que les secours à accorder à d’anciens militaires au moyen du
crédit de 6,000 francs, fussent étendus à d’anciens employés des ambulances.
Je fais cette réclamation avec
d’autant plus de vivacité, que la plupart de ces employés ont été rétablis dans
les hôpitaux, et qu’il n’y en a que deux ou trois qui sont dans la dernière
misère. Je crois que le gouvernement serait injuste, s’il ne donnait à ces
employés une part dans le crédit de 6,000 francs.
Si le gouvernement n’est pas de mon
avis, je n’en aurai pas moins rempli un devoir : Le devoir le plus sévère,
celui d avoir défendu les droits de la justice et de l’humanité.
M. le ministre de la
guerre (M. Du Pont) - Je pense comme l’honorable
rapporteur que cette classe d’employés mérite beaucoup d’intérêt. J’aurai
toutefois l’honneur de faire observer que la somme allouée pour secours ne
s’élève qu’à 6,000 fr., et que beaucoup de personnes participent à ce secours,
entr’autres beaucoup d’anciens militaires estropiés ou infirmes qui ont été
congédiés sans avoir droit à la pension. Cette somme se distribue par parties
de 15 à 25 fr. ; elle est insuffisante pour fermer toutes les plaies. Il n’a
pas été fait d’exception jusqu’à présent pour les anciens employés des
ambulances. Seulement les secours qu’on a pu leur donner sont bien minimes.
M. de Garcia,
rapporteur. - Dès l’instant où M. le ministre
de la guerre prend l’engagement de porter quelque chose au budget de 1844, je
n’insisterai pas. Je connais qu’avec le budget actuel la chose est fort
difficile, mais j’espère que M. le ministre voudra bien s’occuper, l’année
prochaine, du sort de ce petit nombre d’employés, et j’espère plus, j’espère
que dans l’exercice actuel, il trouvera encore moyen de leur accorder quelques
légers secours pour adoucir leur position tout à fait digne de sa
bienveillance.
M. Rodenbach. - J’aime à croire que les 2 ou 3 employés des ambulances et des
hôpitaux militaires, dont il s’agit, auront une part aux 6,000 fr.qui ont été
alloués, car, ainsi que l’honorable préopinant l’a dit, il y a parmi eux un
vieillard de 70 ans qui se trouve dans la plus profonde misère, et je crois que
l’humanité doit engager M. le ministre de la guerre à s’occuper de leur sort,
car le plus grand malheur qui puisse arriver à un homme, c’est d’être vieux et
pauvre.
- L’art. 1er est mis aux voix et
adopté.
Article 2
« Art. 2. La présente loi sera
obligatoire le lendemain de sa promulgation. »
- Adopté.
Vote sur l’ensemble du projet de loi
Il est procédé au vote par appel
nominal sur l’ensemble du projet, qui est adopté à l’unanimité par les 53
membres présents. Ce sont : MM. Castiau, de Baillet, de Chimay, de Corswarem, de Florisone, de Foere, de Garcia de
- La chambre décide qu’elle se
réunira demain à 3 heures pour s’occuper du projet de loi tendant à accorder la
grande naturalisation à M. le général Chazal.
La séance est levée à 4 heures et
demie.