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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 24 mars 1843

(Moniteur belge n°84, du 25 mars 1843

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Kervyn fait l’appel nominal à 11 heures et 1/2.

M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. Kervyn donne lecture des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur Stevens réclame l’intervention de la chambre aux fins d’obtenir, du ministre des finances, suite à la réclamation qu’il lui a soumise au sujet du débit de ces produits. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Par dépêche du 25 mars, le sénat informe la chambre qu’il a adopté le projet de loi allouant au département des finances une allocation pour le payement des sommes dues aux sieurs de Gruyter et Lion.

- Pris pour notification.


M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) adresse à la chambre 100 exemplaires de la brochure intitulée : Situation économique de la Belgique, exposée d’après les documents officiels, par le comte Arrivabene.

- Dépôt à la bibliothèque.

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du ministère de la guerre

Rapport de la section centrale

M. Lys. - J’ai l’honneur de présenter le rapport de la section centrale sur le crédit de 50 mille francs, demandé par M. le ministre de la guerre, pour solder les travaux d’appropriation et les fournitures de mobilier faites et à faire à l’hôtel du ministère de la guerre.

M. le président. - Ce rapport sera imprimé et distribué. Comme il y a connexité entre ce projet et le budget de la guerre, je proposerai d’en fixer la discussion avec le budget de la guerre.

Projet de loi ayant pour but d'assurer l'exécution régulière et uniforme de la loi électorale du 3 mars 1831

Discussion des articles

Article 13

M. le président. - Nous étions restés à l’art. 12 du gouvernement (13 de la section centrale).

« Art.12. Le dernier paragraphe de l’article 21 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

« S’il y a plusieurs sections, les suppléants du juge de paix, par rang d’ancienneté, ou, à leur défaut, les personnes désignées par le juge de paix, les présidents.

« Seront, en outre, observées les dispositions de l’article précédent relatives à la formation des bureaux, les obligations imposées au président du tribunal de première instance devant être remplies par le juge de paix ou par celui qui le remplace, en qualité de président du bureau principal, et les obligations des présidents de section par ceux qui sont appelés ou désignés pour remplir ces fonctions. »

La section centrale adopte cet article.

- Il est adopté.

Articles 11 et 14

« Art. 14 (section centrale). Sont ajoutées à la suite du dernier paragraphe de l’article 22 de la loi électorale du 3 mars 1831 les dispositions suivantes :

« Quiconque, n’étant point membre du bureau, entrera, pendant les opérations électorales, dans le local d’une section où il n’a pas droit de voter, sera invité à sortir, et, s’il refuse, ou s’il rentre, il sera puni d’une amende de 50 à 500 fr. Tout électeur pourra néanmoins entrer dans la salle du bureau principal, après que le scrutin de ce bureau sera fermé et dépouillé.

« Lorsque, dans le local où se fait l’élection, l’un ou plusieurs des assistants donneront des signes publics, soit d’approbation, soit d’improbation, ou exciteront du tumulte de quelque manière que ce soit, le président les rappellera à l’ordre. S’ils continuent, il sera fait mention de l’ordre dans le procès-verbal, et sur l’exhibition qui en sera faite, les délinquants seront punis d’une amende de 50 à 500 fr.

« Toute distribution ou exhibition de pamphlets, écrits, imprimés ou caricatures dans le local où se fait l’élection, est interdite sous peine d’une amende de fr. 50 à 500.

« § 4 (nouveau). Les présidents sont chargés de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’ordre et la tranquillité aux abords des sections et de l’édifice où se fait l’élection.»

M. le président. - Divers amendements sont proposés à cet article.

M. Dolez a proposé l’amendement suivant :

« Tout individu non électeur, qui entrera pendant les opérations électorales dans le local de l’une des sections, sera invité à sortir. S’il refuse de sortir ou s’il rentre, il sera puni d’une amende de 50 à 500 fr.»

M. le ministre de l’intérieur a proposé un sous-amendement à la proposition de M. Dolez, ainsi conçu :

« Quiconque, n’étant ni électeur ni membre du bureau, entrera pendant les opérations électorales dans le local de l’une des sections, sera puni d’une amende de fr. 50 à 500. »

M. le président. - Dans une précédente séance, la discussion de l’art. 11 a été renvoyée à la discussion de l’art. 14. Maintenant par laquelle des deux dispositions veut-on commencer ?

Plusieurs membres. - Par l’art. 11.

Article 11

M. le président. - La nouvelle rédaction présentée par M. le ministre est ainsi conçue :

« Tout individu qui, le jour de l’élection, aura causé du désordre ou provoqué des rassemblements tumultueux, soit en acceptant, portant, arborant ou affichant un signe de ralliement, soit de toute autre manière, sera puni d’une amende de 50 à 500 fr. ; et, en cas d’insolvabilité, d’un emprisonnement de six jours à un mois. »

- Cet article est adopté.

Article 14

M. le président. - Nous passons à l’art. 14. J’en ai donné lecture ainsi que des amendements qui s’y rapportent.

M. Dolez a la parole pour développer son amendement.

M. Dolez. - Les considérations que j’ai eu l’honneur de vous soumettre dans la discussion générale peuvent servir de développement à l’amendement que je propose en ce moment. Je vous ai dit alors qu’il me semblait impossible d’enlever à tous les membres d’un collège électoral le droit qui leur appartient essentiellement, suivant moi, d’assister et de contrôler dans toutes les sections les opérations électorales. Mais si, d’une part, j’ai pensé qu’il était impossible d’enlever ce droit aux électeurs, j’ai reconnu de bon cœur qu’il était indispensable d’empêcher que les individus ne faisant pas partie du collège pussent entrer dans les locaux où se font les opérations électorales. C’est pour obvier, d’une part, à ce que la proposition de M. le ministre a de trop rigoureux, et, d’autre part, aux inconvénients qui peuvent résulter de l’introduction d’étrangers dans le collège, que j’ai présenté mon amendement. J’ai lieu d’espérer que la chambre adoptera cet amendement sans opposition, d’après l’assentiment qu’il a semblé recevoir, de la part du gouvernement, quand je l’ai annoncé.

Je crois que M. le ministre de l'intérieur a fait pressentir qu’il donnerait son adhésion à cet amendement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai déposé un sous-amendement à la proposition de M. Dolez. Voici en quoi nos deux propositions différent : il était dit dans la rédaction proposée par la section centrale qu’on inviterait l’individu étranger à sortir et que, s’il s’y refusait ou s’il entrait une seconde fois, il serait puni. On considérait la personne comme excusable. Il est évident que l’excuse n’a été introduite par la section centrale que par rapport à l’électeur. Un électeur qui se présente dans un autre bureau que le sien paraît tout à fait être excusable ; il peut se tromper de bureau, Là l’excuse pouvait se comprendre. Je pense que cette distinction n’aura pas frappé M. Dolez. Je ne pense pas que la même excuse puisse être invoquée en faveur de l’individu non électeur, car il n’a rien à faire dans le bureau électoral.

Je crois que je suis d’accord avec l’honorable M. Dolez et qu’il consentira à modifier dans ce sens son amendement. M. Dolez n’était pas présent quand j’ai déposé mon sous-amendement ; sans cela je l’aurais prié d’y introduire lui-même la modification que je propose.

M. Dolez. - Ma pensée bien franche, bien sincère, étant d’empêcher des étrangers d’assister aux opérations électorales, je consens à la modification.

M. Malou. - Il y a une autre différence entre l’amendement de M. Dolez et celui de M. le ministre de l’intérieur. Dans l’amendement de M. Dolez on ne prévoit pas le cas où des membres des bureaux ne sont pas électeurs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il faut prendre ma rédaction.

M. de Garcia. - Je regrette de ne pouvoir donner mon assentiment à l’amendement de M. Dolez, sous-amendé par M. le ministre de l’intérieur ; je préfère beaucoup l’article tel qu’il est présenté par la section centrale. Cet article me paraît entrer dans l’esprit de la loi électorale. Evidemment, aux termes de cette loi, on veut que les bureaux électoraux ne puissent se composer que de 400 électeurs. Quel a été le but de cette disposition ? Evidemment de mettre le bureau à même de procéder facilement, sans troubles, sans désordre, aux opérations électorales. Je crois que cela est évident. Ainsi la disposition présentée par la section centrale rentre positivement dans l’esprit de la loi qui existe.

Depuis 1830, en ma qualité de magistrat, de juge au tribunal de Namur, j’ai été appelé souvent à présider un bureau. Jusqu’à présent nul désordre ne s’est manifesté dans la localité où j’ai rempli ces fonctions ; nul désordre n’a eu lieu, il n’y a pas eu d’encombrement dans les salles destinées aux opérations électorales. Cependant, tout en proclamant qu’il n’y a pas eu de désordre, je dois dire qu’il y a en beaucoup de difficultés, c’est-à-dire que les électeurs appartenant à telle section ne pouvaient pas approcher du bureau, qu’il fallait les appeler à différentes reprises. Ils pouvaient à peine fendre la foule pour arriver au bureau.

Il en résulte des longueurs dans les opérations. Si, comme on l’a dit dans la discussion générale, les électeurs formaient une famille et avaient besoin de communiquer constamment les uns avec les autres, la loi n’aurait pas atteint ce but, puisqu’elle veut que les bureaux soient composes de 400 électeurs au plus. Par l’amendement proposé on ne prévient aucun des inconvénients que peut présenter l’état des choses actuel. L’accès des bureaux n’est interdit qu’aux étrangers, je ne les ai jamais vus se présenter. Cette circonstance ne se présentera pas. L’amendement proposé n’empêchera pas qu’il y ait encombrement dans les bureaux, car vous admettrez que toute la famille peut arriver dans le même bureau.

Quant à moi, je n’ai pas reconnu que de grands inconvénients puissent être signalés comme devant résulter de ce que les électeurs ne pourront communiquer ensemble dans le bureau ; car les électeurs ne sont pas renfermés dans la salle ; aussitôt qu’un électeur aura déposé son bulletin, et même avant qu’il l’ait déposé, car il sait à peu près le moment où il peut être appelé, il peut communiquer extérieurement avec les autres électeurs, qui constituent la grande famille. Mais il peut résulter de graves inconvénients de ce qu’une salle destinée à réunir les électeurs d’un bureau puisse être envahie par les électeurs d’autres bureaux ; vous créeriez de grandes difficultés si vous laissiez agglomérer sur un même point tous les électeurs qui constituent la grande famille. Je ne puis apercevoir dans la disposition de la section centrale aucune espèce d’esprit de parti. Si vous séparez les électeurs de la grande famille, mais en résultat les électeurs de tous les partis sont de la grande famille, ce sera pour les libéraux et pour ceux que l’on veut appeler catholiques, ce sera la même chose ; la mesure est commune pour tous, et vous serez assurés que les électeurs, dans le cercle de leur bureau, auront les coudées franches, et mes collègues veulent tous la même chose. Si on pouvait me citer un inconvénient bien réel à ce qu’on déclarât que les électeurs appartenant à un bureau peuvent seuls s’introduire dans la salle qui leur est destinée, je comprendrais l’amendement ; mais il n’est pas possible d’en signaler un seul. En conséquence, je ne pourrai donner mon assentiment à l’amendement de M. Dolez, sous-amendé par M. le ministre de l’intérieur. (Aux voix ! aux voix !)

M. Malou, rapporteur. - L’article proposé par la section centrale ne lèse pas les droits des électeurs, et donne toutes les garanties d’ordre nécessaires. Il y a des collèges qui sont extrêmement nombreux, et déjà hier on a signalé des faits qui prouvent les résultats fâcheux que produit l’encombrement des bureaux.

La loi de 1831 doit, ce me semble, être entendue dans le sens de l’article proposé par la section centrale ; j’ai entendu citer des circonstances où elle a été appliquée de cette manière ; on a forcé les électeurs qui n’appartenaient pas à la section où ils se trouvaient, à se retirer. La section centrale a donc voulu interpréter la loi et n’y rien changer. Je reconnais, du reste, que la disposition de la loi nouvelle, qui oblige à assigner aux divers bureaux des locaux différents, diminuera les inconvénients qui ont été signalés. (Aux voix ! aux voix !)

M. Mercier. - J’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement de M. Dolez ; il est utile que les électeurs d’une section puissent communiquer avec les électeurs d’un autre bureau. Séparer les électeurs par des pénalités est un système exorbitant et très propre à éloigner le vote approbatif de la loi. L’honorable M. de Garcia prétend qu’il y a toujours encombrement ; mais j’ai vu tout le contraire ; l’encombrement n’est jamais occasionné que par des personnes étrangères aux élections. A présent que l’heure de l’élection sera déterminée par le gouvernement, on aura à craindre encore bien moins l’encombrement, puisque les opérations seront simultanées. J’insiste donc pour l’adoption de l’amendement.

M. de Mérode. - Malgré que l’heure soit la même pour toutes les sections, dès que les premiers électeurs auront voté, ils pourront aller encombrer les autres bureaux ; et je ne vois pas quelle utilité à leur laisser cette faculté. Je désire toutes les garanties d’ordre possible, et il n’y a aucune utilité pour un électeur à aller dans un bureau où il n’est pas appelé à voter ; si les électeurs veulent communiquer ensemble, ils ont pour cela tout le local où on se réunit ; ils n’ont pas besoin d’aller dans les bureaux. Quant à moi, je veux toutes les garanties d’ordre et la sincérité dans les élections.

M. Dolez. - Nous voulons autant que l’honorable comte de Mérode, la sincérité dans les élections ; mais nous voulons aussi pour tous les électeurs le droit de surveiller les opérations électorales. Nous la voulons franche et non d’une manière détournée, et c’est pour cela que nous demandons que les électeurs puissent voir ce qui se passe dans tous les bureaux. L’honorable M. de Garcia, qui a l’expérience d’une longue carrière de président, vous a dit que cela n’avait jamais occasionné de désordre. Pourquoi donc dénier aujourd’hui aux électeurs un droit qui leur a été reconnu jusqu’ici ?

Dans la discussion générale, je vous ai cité un passage du rapport de la section centrale sur la loi provinciale. Loin de partager les idées émises aujourd’hui, la section centrale avait changé le texte du projet, précisément pour constater le droit imprescriptible des électeurs de pouvoir assister à toutes les opérations. Ce que vous vouliez en 1834 pour les électeurs de la province, pourquoi ne voulez-vous pas en 1842 pour les électeurs de la chambre ?

Un membre. - Les électeurs provinciaux sont moins nombreux.

M. Dolez. - Qu’importe que les électeurs provinciaux soient plus ou moins nombreux que les électeurs de la chambre, dans tous les cas je m’appuie sur un droit imprescriptible, qu’il est impossible de dénier aux électeurs, celui de surveiller les opérations auxquelles ils sont appelés à prendre part. Quant à moi, qui veux aussi la sincérité des élections, je regarde ce droit des électeurs comme très essentiel, et si l’amendement n’était pas admis, je serais à regret forcé de voter contre la loi.

M. de Garcia. - L’honorable M. Dolez doit supposer que j’ai les mêmes sentiments que lui et que je veux la sincérité complète dans les élections. Partant de ce fait, que j’espère il ne contestera pas, je présenterai quelques observations pour combattre celles qu’il a avancées. Il a cité un passage du rapport sur la loi provinciale, je pense, pour prétendre que tous les électeurs doivent avoir la faculté d’assister dans les bureaux et contrôler toutes les opérations électorales. Je ne conteste pas ce fait, mais ce que je conteste, c’est la bonté, la rationalité d’un semblable principe. Supposons qu’il soit admis, supposons qu’il reçoive une exécution complète, supposons que successivement tous les électeurs d’un arrondissement veuillent se rendre dans chacun des bureaux pour contrôler ses opérations, je demande à l’honorable membre s’il n’y aura pas encombrement, et si parfois il ne peut pas y avoir impossibilité d’accès au bureau pour les électeurs de quelques sections. Cet inconvénient se présenterait indubitablement si tous ou une grande partie d’électeurs se portaient dans un bureau.

M. Mercier. - Cela est impossible.

M. de Garcia. - Mais la chose est possible ; c’est la conséquence forcée de l’amendement de M. Dolez.

M. Mercier. - Non, non.

M. de Garcia. - Je ne vous ai point interrompu, je vous prie de ne pas m’interrompre. La chose est possible : je sais bien que tous les électeurs ne pourront pas entrer dans la salle, car elle peut être trop remplie ; mais précisément par ces motifs, il pourra se faire que ceux des électeurs qui ont à voter dans ces bureaux ne puisent s’y présenter.

Les électeurs ne pourront exercer leur droit ; tel sera le résultat de l’amendement et du principe posé par M. Dolez. Par ce motif, je devrais voter contre la disposition qu’il propose. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture est prononcée.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. le ministre de l'intérieur.

Plusieurs membres. - L’appel nominal.

On procède à l’appel nominal.

63 membres répondent à l’appel nominal.

48 répondent oui.

14 répondent non.

1 s’abstient.

La chambre adopte.

Ont voté pour : MM. Cools, David, de Behr, Dechamps, Delehaye, Delfosse, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, Deprey, de Renesse, de Terbecq, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dolez, Dumont, Duvivier, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Pirmez, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Savart, Thienpont, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vandensteen, Van Hoobrouck, Verhaegen et Wallaert.

Ont voté contre : MM. Coppieters, Dedecker, de Garcia, de Man d’Attenrode, de Mérode, de Nef, de Potter, Dubus (aîné), Eloy de Burdinne, Huveners, Malou, Peeters, Simons et Raikem.

M. le président. - La parole est à M. de La Coste, pour faire connaître les motifs de son abstention.

M. de La Coste. - Je me suis abstenu, parce que je n’ai pas été présent à la discussion ; je ne savais sur quel article on votait.

M. Rogier. - Je demande à parler sur la seconde partie de l’article.

M. le président. - Vous avez la parole.

M. Rogier. - Quoi qu’on en dise, messieurs, je vois encore dans cet article une des tendances de la loi, un des caractères les plus significatifs de cette loi. L’opinion publique fait peur ; elle fait peur dans le moment où l’élan de cette opinion est le plus naturel, le plus permis. Quoi ! une fois tous les quatre ans, les électeurs se rassemblent pour nommer leurs députés ; ils sont excités de toutes parts par les divers partis, par le gouvernement lui-même. Et dans cette situation, messieurs, il ne sera pas permis à un seul membre de l’assemblée, dans le local où se fait l’élection (je ne sais si l’on entend par là tout le local), de donner un signe public soit d’approbation, soit d’improbation ; cela ne lui sera pas permis, sous peine d’une amende de 50 à 500 fr.

Ensuite toute distribution ou exhibition d’écrits ou imprimés (quelqu’innocents qu’ils soient), est interdite sous peine d’une amende de 50 à 500 fr.

Vraiment, messieurs, nous ne paraissons pas faire une loi sérieuse. Je ne crois pas que, dans aucun pays du monde, on ait poussé les précautions contre les électeurs à une pareille extrémité. Nous tombons dans le ridicule, et un des moindres défauts de cette loi sera d’être loi impuissante, inexécutable.

Je suppose, messieurs, qu’à la suite de la proclamation d’un nom agréable à la grande majorité d’un bureau, un seul individu s’écrie : bravo, et que ce bravo gagne d’électeur en électeur tout le bureau, qu’il y ait quatre cents bravos. Allez-vous poursuivre ces 400 électeurs ; allez-vous les conduire tous à l’Amigo ? En vérité, messieurs, cette loi est inexécutable ; elle n’est pas digne d’une législature sérieuse.

Messieurs, on cherche en vain à lutter contre la force des choses, contre les habitudes, contre ce qui est de l’essence d’un gouvernement constitutionnel. Et puisque nous en sommes arrivés à un article que je ne puis considérer comme sérieux, permettez-moi de vous raconter une historiette qui, pour être ancienne, n’en viendra pas moins à propos.

J’ai lu dans un vieil auteur grec que les habitants d’une île étaient possédés d’une singulière manie, c’était de rire de toutes choses et à tout propos. Ils voulurent se guérir de cette manie et allèrent consulter l’oracle. L’oracle dit qu’ils se guériraient de cette manie, s’ils pouvaient, sans rire, consacrer un taureau à Jupiter.

Ils se réunirent au jour fixé pour le sacrifice, et firent tous leurs efforts pour remplir les conditions de l’oracle. Par malheur, un enfant s’introduisit dans l’assemblée. On voulut l’expulser. L’enfant s’écria : Eh quoi avez-vous peur que je n’avale votre taureau ?, (Hilarité.) A ces mots, les voisins commencèrent à rire ; le rire gagna de proche en proche ; les sacrificateurs eux-mêmes s’en mêlèrent et le sacrifice se termina par un immense éclat de rire.

Eh bien ! messieurs, ainsi en sera-t-il de vos bureaux électoraux que vous voulez condamner au silence, à l’immobilité. Qu’il s’introduise dans un de ces bureaux un électeur qui donne un signal d’approbation, ce signal gagnera de proche en proche, et jusqu’aux membres du bureau, peut-être, s’en mêleront.

Je demande, messieurs, qui sera chargé de constater ce genre de délit d’une espèce toute nouvelle et particulière à la Belgique. Comment ! la Belgique est renommée dans l’Europe par la libéralité de ses institutions ; la publicité est de l’essence de notre gouvernement ; partout on fait appel à la franche manifestation de l’opinion ; eh bien, messieurs, au moment où le citoyen vient s’acquitter avec zèle de son mandat et vivre de sa vie publique, vous voulez le décourager, l’interdire par une multitude de précautions inutiles.

Je demanderai qu’on me dise où est le délit, où est le crime à distribuer un écrit, un imprimé, même le plus innocent, dans le local où se fait l’élection. Je ne vous signalerai pas les monstrueux inconvénients de la disposition. On a parlé des élections d’Anvers. Voici ce qui est arrivé aux dernières élections de cette ville. Un candidat avait positivement refusé la candidature. Cependant ses partisans voulurent à toute force le maintenir et vinrent déclarer dans les bureaux qu’il acceptait. Ils firent même distribuer à l’entrée des bureaux des billets imprimés où l’on annonçait que M. un tel, quoi qu’en eussent dit ses adversaires, acceptait la candidature, Que firent les électeurs du parti contraire ? Ils allèrent trouver le candidat et lui demandèrent une déclaration par écrit, d’où il résultait qu’il refusait la candidature, et, au moyen de cet écrit, ils vinrent fermer la bouche à ceux qui déclaraient que leur candidat acceptait. Eh bien, messieurs, avec votre système, on n’aurait pu venir communiquer un pareil écrit, fort innocent, fort utile pour éclairer la masse des électeurs.

Quant à la distribution de pamphlets injurieux, de caricatures, puisque les caricatures font peur, je consentirais à ce qu’on interdît cette distribution. Je sais que cette loi est motivée en grande partie sur des faits isolés et tout particuliers. Je crois qu’on a cité une caricature distribuée un jour dans un bureau d’élection de Bruxelles. C’est sans doute contre le renouvellement d’un pareil fait qu’on se précautionne. Jusqu’ici, qu’on y prenne garde toutefois, les Belges ne sont pas très féconds en caricatures, mais, avec vos précautions vous feriez naître de mauvaises pensées. On ne pensait pas aux caricatures. Vous les interdisez. Qu’arrivera-t-il ? C’est qu’on va peut-être en distribuer partout ailleurs que dans les bureaux. Vous faites naître des idées auxquelles on ne se serait pas arrêté. Il en sera de même, peut-être, pour toute interdiction de signe approbateur ou désapprobateur ; on ne parviendra pas à empêcher de pareilles manifestations ; au contraire, elles éclateront d’autant plus fort que vous aurez voulu les comprimer davantage. Il faut laisser un certain essor à l’esprit public, si l’on ne veut qu’il s’emporte.

Y a-t-il eu désordre dans beaucoup de bureaux d’élection ? Y a-t-il eu des distributions de pamphlets et d’écrits incendiaires ? quant aux pamphlets injurieux, je n’en veux ni dans les bureaux, ni hors des bureaux ; poursuivez-les, punissez-les ; je ne m’y oppose pas. Les caricatures injurieuses, punissez-les aussi ; je n’en veux ni dans les bureaux ni hors des bureaux. Mais distinguez ce qui est innocent de ce qui est répréhensible et coupable.

Y a-t-il dans la loi en vigueur, en France, chez ce peuple qui est bien plus impressionnable que nous, une disposition qui ressemble le moins du monde à celle-ci ? Je ne conçois pas que M. le ministre de l’intérieur, qui est un homme jeune, à idées nouvelles, puisse donner les mains à de pareilles dispositions, qui doivent répugner à toutes ses idées, à toutes ses études, à tout son esprit.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demande la parole.

M. Rogier. - Je ne sais pas, du reste, par qui ces sortes de délits seront poursuivis. Introduira-t-on, par hasard, des gendarmes, des agents de police dans les bureaux d’élection, pour verbaliser ? En chargera-t-on les présidents de bureau ? Je n’en sais rien. Il faudra que la loi s’en explique.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je m’étonne, messieurs, que l’honorable préopinant, qui est un homme jeune aussi, mais positif, se livre à de semblables exagérations. Si l’article est aussi ridicule, aussi absurde, aussi impraticable qu’on le suppose, le même reproche s’adresse aux art. 181, 504, etc. du code d’instruction criminelle, aux art. 10, etc. du code de procédure civile, à je ne sais quels articles de la loi provinciale, enfin à notre propre règlement. Voici en effet, ce que porte l’article 19 du règlement :

« Toute imputation de mauvaise intention, toute autre personnalité, tout signe d’approbation ou d’improbation sont interdits. »

L’art. 93 porte ce qui suit :

« Toute personne qui trouble l’ordre est sur-le-champ exclue des tribunes. »

Eh bien quelle est la sanction de ces dispositions ? Je vous dirai comme l’honorable préopinant Que feriez-vous si dans les tribunes tout le monde se plaçait dans le cas de l’art. 93 de votre règlement, et qu’il y eût refus de la part des tribunes de se retirer ? Que feriez-vous ? Je puis faire la même question, soulever les mêmes doutes, faire les mêmes objections à propos de toutes les dispositions que je viens de citer. Je pourrais dire que ceux qui ont introduit ces différentes dispositions de police n’y avaient pas sérieusement réfléchi.

Messieurs, hors des locaux, les électeurs appartiennent à toute l’action de l’opinion publique, à tous les moyens qu’emploie l’opinion publique, à tous les moyens que peuvent employer les différents candidats ; aussi longtemps que les électeurs se trouveront hors des locaux, ils doivent rester dans cette espèce d’atmosphère de publicité où tout agit sur eux, mais quand ils entrent dans le local ils doivent appartenir à eux-mêmes. Permettez-leur en quelque sorte de se recueillir pour remplir sérieusement le grand acte que vos lois politiques leur out confié. Voilà, messieurs, la pensée de la loi. (Interruption.)

Hors des locaux, je le répète, les électeurs vous appartiennent, agissez sur eux par tous les moyens qui vous sont accordés ; mais dès qu’ils entrent dans les locaux, ils sont investis d’une espèce de magistrature ; laissez leur exercer librement cette magistrature. Voilà, messieurs, une autre pensée que je crois très sérieuse, et je pense que si l’honorable préopinant voulait bien y réfléchir, il la trouverait sérieuse et l’approuverait. On ne porte atteinte à aucun droit, on n’entrave aucune liberté d’action hors des locaux ; l’action de l’opinion publique peut s’exercer dans toute son étendue sur les électeurs, mais lorsque les électeurs se trouvent dans le local en présence du bureau, ils forment une espèce de magistrature ; c’est une autorité publique qui agit ; il faut donc que là tout se passe dans le plus grand ordre.

Je ne pense pas, messieurs, qu’il soit nécessaire d’entrer dans d’autres détails pour justifier la disposition, qui est extrêmement simple. Je suis étonné de l’opposition qu’elle rencontre de la part de l’honorable préopinant. Je ne pouvais pas m’attendre à des réflexions de ce genre que je ne puis pas considérer, moi, comme sérieuses.

M. Delfosse. - Il me paraît impossible, messieurs, que l’on prohibe la distribution, dans le local où se fait l’élection, de toute espèce d’écrits. Je conçois que l’on prohibe les pamphlets et les caricatures ; mais il est des écrits qu’il doit être permis de distribuer. Il peut arriver, par exemple, qu’un candidat se trouve sous le coup d’une infâme calomnie, et qu’il soit en possession d’une pièce qui en prouve la fausseté ; comment pourrait-on lui défendre de faire circuler la pièce justificative dans le local où se fait l’élection ?

Je suppose aussi qu’on ne veut pas aller jusqu’à interdire la distribution de bulletins ; chaque électeur doit pouvoir donner ses bulletins à ceux qui lui en demandent, et même en offrir à ceux qui ne lui en demandent pas ; il n’y a pas là de mal ; cependant la disposition, telle qu’elle est rédigée, semble interdire cette distribution de bulletins qui est certes une chose fort innocente et quelquefois fort utile.

Je veux l’ordre comme vous, messieurs, et je m’associe à la disposition en ce qu’elle prohibe la distribution de pamphlets et de caricatures ; mais je ne puis admettre la prohibition des écrits et imprimés en général.

Il est des écrits et imprimés dont la distribution peut être nécessaire ; bornons-nous à interdire la distribution de ceux qui seraient injurieux ; nous aurons assez fait pour l’ordre.

M. de Theux. - Messieurs, je ne comprends réellement pas que l’on puisse faire sérieusement des objections contre une disposition de police, qui est d’une nécessité évidente. Vous savez que le président d’un collège électoral n’a pas le droit d’expulser des électeurs, n’a pas le droit de suspendre les opérations électorales, sous peine de fausser les élections mêmes. Les moyens de police ordinaires, qui appartiennent à tout président d’une assemblée publique, manquent essentiellement au président du collège électoral ; force est donc de lui accorder au moins un moyen extraordinaire que l’on accorde aussi à tous les présidents d’assemblées publiques, c’est le rappel à l’ordre, et au moins le droit de dresser procès-verbal, si pas celui d’infliger lui-même une pénalité.

Le moins que l’on puisse faire, c’est de lui accorder le droit de dresser procès-verbal, qui pourra donner lieu à l’application d’une pénalité.

Je dis que des désordres très graves peuvent avoir lieu dans les collèges électoraux. La chambre vient d’adapter pour les élections générales une disposition de la loi provinciale, d’après laquelle tous les électeurs d’un collège peuvent se réunir dans un seul bureau. Voilà donc une réunion qui peut devenir extrêmement nombreuse et, par suite, tumultueuse. Il faut donc donner au président les moyens de maintenir l’ordre ; si vous ne lui donnez pas ces moyens, vous ne lui donnez qu’un mot en lui donnant la police de l’assemblée.

Maintenant, cette police sera-t-elle exercée d’une manière ridicule ? Assurément non. Nous avons dans notre propre assemblée un exemple de la manière dont la disposition sera exécutée ; votre règlement défend aussi les marques d’approbation ou d’improbation, et le président peut rappeler à l’ordre celui qui se permet de semblables manifestations ; cependant nous voyons bien souvent des marques d’approbation ou d’improbation n’être pas réprimées, ce n’est que si les mouvements d’approbation ou d’improbation devenaient tumultueux, que le président userait du droit que le règlement lu donne. Je crois donc que l’article, sainement entendu, comme il le sera nécessairement par le magistrat qui préside le collège électoral, ne peut donner lieu à aucune espèce de difficulté, et qu’il est extrêmement utile de le conserver. Quant à la distribution dans le collège de pamphlets, de caricatures, ce sont là des actes de désordre qui doivent être immédiatement réprimés. Assurément, on n’entend pas défendre aux électeurs de communiquer des bulletins à d’autres électeurs qui en demanderaient, ce n’est pas là ce que la loi défend ; un bulletin n’est ni une caricature, ni un pamphlet.

Puisque j’ai la parole, j’appellerai l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur une disposition à l’égard de laquelle il me semble qu’il est nécessaire d’avoir une explication. La chambre a décidé que les électeurs auront accès à tous les bureaux ; cela est également admis dans la loi provinciale ; la loi électorale défend aux étrangers d’entrer dans les locaux où les élections se font ; le projet actuel confirme cette défense et la sanctionne, par une pénalité, mais comment le président pourra-t-il s’assurer si la personne qui entre dans un bureau est ou n’est pas électeur ? L’article 1 de la loi provinciale a prévu ce cas ; elle exige que l’électeur soit porteur de son bulletin ; ou, s’il n’est pas porteur de son bulletin, qu’il demande au président l’autorisation d’entrer, autorisation que le président accorde lorsqu’un autre électeur déclare connaître le réclamant. Je ne sais s’il ne serait pas utile d’adopter une semblable disposition. It est possible que la crainte d’encourir la pénalité comminée par la loi actuelle suffise. Je me borne à appeler sur ce point l’attention de M. le ministre de l’intérieur ; on pourra y revenir au second vote.

M. le président. - Voici un amendement qui a été déposé par M. Delfosse :

« Je propose de rédiger le dernier § de l’art. 13 de la manière suivante :

« Toute distribution ou exhibition de pamphlets, caricatures, écrits ou imprimés injurieux, etc. (le reste comme dans la proposition du gouvernement).

M. Delfosse désire-t-il développer cet amendement ?

M. Delfosse. - Je crois l’avoir suffisamment développé tantôt.

M. Devaux. - Je trouve que l’on n’a réellement pas répondu à plusieurs objections et, entre autres, à celle qui concerne le mot écrits. Il est évident qu’il faut permettre la circulation d’écrits dans les bureaux. Si, par exemple, ou disait qu’un député renonce à la candidature, il faut bien qu’il puisse déclarer par écrit qu’il ne renonce pas. Quand il y aura un scrutin de ballotage il arrivera très souvent qu’on fera courir le bruit que l’un ou l’autre des candidats renonce ; il faut que ce candidat puisse déclarer par écrit qu’il ne renonce pas. Un autre fait s’est passé : à Ath, on a fait courir un bruit qui était de nature à nuire à l’élection de l’un des candidats ; je crois que l’on a affiché le démenti ; mais le démenti aurait pu arriver trop tard, il faut bien que, dans un cas semblable, le démenti puisse circuler dans les bureaux.

Je vous citerai un autre exemple : aux dernières élections communales de Bruges, personne n’avait combattu ma réélection ; les journaux de toutes les couleurs l’avaient appuyée ; j’étais porté dans deux sections à la fois. La veille de l’élection, on a distribué, dans ma section, des billets dans lesquels on disait que j’étais porté dans l’autre et que je n’étais plus porté dans celle-là ; on a fait la même clause dans l’autre section ; il faut bien, dans un cas semblable, que les électeurs puissent être éclairés, et le moyen le plus simple pour les éclairer, c’est un écrit signé.

D’ailleurs, l’exécution de la loi elle-même deviendrait impossible si des écrits ne pouvaient pas circuler. En effet, la loi dit que le procès-verbal doit être fait séance tenante ; or, s’il y a des irrégularités et protestations de la part des électeurs, il faut bien que le procès-verbal contienne cette protestation ; mais cette protestation doit être signée, et comment voulez-vous qu’elle soit signée si l’on ne peut pas la faire circuler.

Vous ne pouvez donc pas maintenir le mot écrit seul ; mettez écrit anonyme, si vous le voulez, mettez écrit injurieux, mais évidemment, vous ne pouvez pas défendre la circulation de toute espèce d’écrit, car vous ne permettriez pas même de faire circuler une protestation, une lettre, une déclaration, même la plus innocente.

Evidemment il faut que cela puisse circuler dans les bureaux. Il faut faire disparaître le mot écrits ou adopter l’amendement de l’honorable M. Delfosse.

- L’amendement de M. Delfosse est appuyé.

M. Malou, rapporteur. - Messieurs, j’ai été un peu surpris du caractère qu’on a attribué à cette disposition.

Les observations que les sections ont faites sur cet article sont résumées à la page 28 de mon rapport, et vous verrez, messieurs, en les consultant, que dans les sections il ne s’est guère élevé d’opposition, si ce n’est sur le § 1er.

M. Delfosse. - C’est une erreur.

M. Malou, rapporteur. - Il y a quelques observations ; mais tout le monde paraît avoir compris dans les sections que ce n’était pas là une mesure ridicule tendant à étouffer l’esprit public, mais une mesure d’ordre, une mesure de nécessité, en quelque sorte.

L’addition du mot injurieux a été proposée aussi dans une section et dans la section centrale. Voici pour quel motif il n’a pas été admis :

« Il ne s’agit que du local même de l’élection ; si l’on permet la distribution d’écrits en faveur des candidats, il faut permettre aussi de placer le blâme à côté de l’éloge : il n’y a d’ailleurs aucune utilité à autoriser ces distributions d’imprimés ou d’écrits autres que les bulletins électoraux, lesquels ne peuvent évidemment pas être compris sous les expressions dont se sert le § 3. »

L’on a cité quelques faits pour prouver la nécessité de restreindre le dernier paragraphe.

Si telle était l’opinion de la chambre, je crois qu’il vaudrait mieux mettre le mot d’écrits anonymes que celui-ci : écrits injurieux ; car si vous permettez de défendre un candidat, il faut permettre de l’attaquer, et un écrit dans lequel vous attaquez un candidat peut être considéré comme un écrit injurieux. Je préférerais donc le mot anonyme au mot injurieux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mettez les deux mots, et tout est dit.

M. Malou. - Il ne me paraît pas qu’il soit nécessaire d’exiger de l’électeur qu’il exhibe sa carte de convocation, ou qu’il se fasse reconnaître par un autre électeur. La pénalité suffira pour éloigner ceux qui ne sont pas électeurs.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, le dernier paragraphe de l’article en discussion défend la distribution de pamphlets, écrits et imprimés, caricatures dans le local de l’élection. Il faut ici distinguer : quant à la distribution des caricatures et pamphlets, tout le monde est d’accord qu’elle ne doit pas avoir lieu. Mais je ne vois pas pourquoi on défendrait la distribution des écrits et imprimés, s’ils ne sont pas injurieux. Il est certain qu’il peut se présenter assez souvent des circonstances où il y a avantage à ce qu’on distribue, soit la renonciation d’un candidat, soit même une déclaration contraire à celle qui aurait attenté à son honneur.

Je voterai donc pour les additions des mots anonymes ou injurieux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’accepte les deux additions.

M. Malou. - On pourrait en revenir à l’amendement qui a été proposé à la 3ème section :

« Toute distribution ou exhibition d’écrits ou imprimés injurieux, de pamphlets ou caricatures, etc. »

On ajouterait le mot anonymes après le mot injurieux, il y aurait anonymes ou injurieux.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - En me ralliant à cette rédaction, je déclare d’abord que, dans ma pensée, cet article ne peut pas s’appliquer à la circulation et à la distribution de bulletins ; ensuite, qu’un journal portant un nom d’imprimeur n’est pas un écrit anonyme. Le nom de l’imprimeur donne la signature au journal, parce que, d’après le terme fictif de la loi, l’imprimeur est censé être l’auteur, jusqu’à désignation contraire.

M. Orts. - C’est moi qui, dans la deuxième section, ai demandé l’addition du mot injurieux. On propose d’y ajouter les mots ou anonymes ; mais, messieurs, il y a tel écrit anonyme qui peut offrir les caractères les plus inoffensifs. Maintenant on est d’accord pour ajouter le mot injurieux ; mais on échappe encore une fois à l’objection, en employant la disjonctive ou, au lieu de la copulative et. Je ne puis pas admettre le mot ou. Vous me direz qu’un écrit anonyme n’est pas l’acte d’un honnête homme, cela est vrai, mais cela est vieux comme le monde. Je suppose qu’un électeur, ayant à communiquer à un autre électeur l’expression fort inoffensive d’une réflexion personnelle, lui fait passer un billet qu’il oublie de signer. Eh bien, pour n’avoir pas signé un écrit qui n’est nullement injurieux, vous allez punir cet électeur d’une amende de 50 à 500 francs, comme l’auteur d’un pamphlet ou d’une caricature.

Messieurs, vous savez que le code pénal établit trois catégories d’injures. L’injure qui contient l’imputation d’un vice déterminé est punie d’une peine correctionnelle dont le maximum est de 500 francs ; mais toute injure qui ne contient pas l’imputation d’un vice déterminé n’est punie que d’une simple peine dont le maximum est de 15 francs ; et pour avoir fait circuler un écrit anonyme qui ne contient pas la moindre injure, mais qui n’est pas signé, on pourra me condamner à une peine dont le maximum sera de 500 fr. Messieurs, lorsqu’on est pénétré de la vérité du principe qu’en matière pénale tout doit être coordonné, et qu’on ne doit frapper d’une peine qu’un fait vraiment répréhensible, je ne sais pas comment on veut atteindre un écrit anonyme qui ne présente aucun caractère de méchanceté.

Une violation si manifeste de tous les principes, en matière de répression, devrait suffire, dans ma pensée, pour répudier une pareille loi.

- La clôture de la discussion est demandée.

M. Rogier (contre la clôture). - Je dois faire remarquer que mes observations, qu’on a traitées de peu sérieuses, ont pourtant porté leurs fruits, puisqu’elles ont amené un amendement auquel je me rallie et qui corrige en partie les défauts du § 2.

Quant au § 1er, je persiste à soutenir que c’est une prescription impuissante. On a cité l’exemple de la chambre ; cet exemple ne signifie rien....

Des membres. - On a demandé la clôture.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. Verhaegen demande qu’on vote séparément sur l’addition du mot anonymes.

- La chambre consultée décide que le mot anonymes sera inséré dans l’article.

Le § est ensuite mis aux voix et adopté, ainsi que l’ensemble de l’article amendé.

Article 15

« Art. 14 du gouvernement (15 de la section centrale). La disposition suivante est ajoutée, comme 3ème § à l’art. 23 de la loi électorale du 3 mars 1831.

« Tout membre d’un bureau, s’il est électeur, votera dans la section où il remplit ces fonctions. »

M. Delfosse. - Messieurs, par suite de la décision que vous avez prise hier, il faudra être électeur pour faire partie d’un bureau. Les mots, s’il est électeur, ne peuvent plus s’appliquer qu’aux présidents. Il me semble qu’il y a un changement de rédaction à faire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Dans les sections composées d’électeurs de la ville, les scrutateurs pourront appartenir à d’autres sections.

M. Dolez. - Je demande la parole pour faire une simple remarque ; c’est que l’article dont il s’agit présente une équivoque des plus remarquables.

Tout membre d’un bureau, s’il est électeur, votera dans la section où il remplit ces fonctions.

Quelles fonctions ? les fonctions d’électeur ou les fonctions de membre du bureau ? D’après le sens grammatical ce sont les fonctions d’électeur ; d’après les intentions du législateur, ce sont, je pense, les fonctions de membre du bureau.

M. Malou. - Ce doute ne peut pas exister ; les seules fonctions dont il soit question dans la loi, sont celles de membre du bureau. L’électorat n’est pas une fonction, c’est l’exercice d’un droit. D’après le sens grammatical, le doute ne peut donc se présenter. Cependant si on juge à propos de modifier la rédaction, je ne m’y oppose pas.

M. Delfosse. - M. le ministre n’a pas compris le sens de mon observation ; le projet porte que tout membre du bureau, s’il est électeur, votera, etc. ; cela suppose qu’on peut être membre du bureau, sans être électeur, et vous avez décidé que les électeurs seuls peuvent être appelés aux fonctions de scrutateurs ; vous avez décidé cela même pour le bureau principal.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’art. 20, § 1er comme nous l’avons amendé hier, sera ainsi conçu ;

« Le président du tribunal de première instance ou, à son défaut, celui qui le remplace dans ses fonctions préside le bureau principal. Les quatre plus jeunes conseillers de régence du chef-lieu sont scrutateurs, à la condition qu’ils sont électeurs. »

Ces scrutateurs peuvent très bien appartenir à un autre bureau que le bureau principal. Ils n’iront pas voter chacun dans sa section respective, mais ils voteront dans la section du bureau principal. Cet article recevra donc encore son application.

Je proposerai, pour faire droit à l’observation de M. Dolez, de rédiger la disposition de la manière suivante :

« Tout électeur membre d’un bureau votera dans la section où il remplit les fonctions de membre du bureau. »

M. Dumortier. - L’observation de M. le ministre me paraît suffisante. Il peut se trouver des cas où les membres du bureau principal feraient partie d’une autre section.

M. d’Huart. - Je comprends l’observation de M. Delfosse, elle parle sur les mots : s’il est électeur. Mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire de changer la rédaction de l’article. On y ferait droit en disant : « Le président du bureau, s’il est électeur, et tout autre membre du bureau votera dans la section où il siège. »

Mais ne trouveriez-vous pas qu’en laissant l’article tel qu’il est, et en disant au lieu de où il exerce ces fonctions, ceci : où il siège, vous satisferiez aux observations qui out été présentées.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Aujourd’hui, tout membre du bureau est électeur, il n’y a plus d’exception que pour le président, qui est un juge et siège en cette qualité. Le secrétaire lui-même est électeur, car il est pris dans l’assemblée. Il se trouve nécessairement électeur.

Je propose d’amalgamer toutes les observations et de rédiger ainsi l’article :

« Tout électeur membre d’un bureau votera dans la section où il siège »

M. d’Hoffschmidt. - Je demande la parole pour faire observer qu’en vertu des articles 20 et 21 le bureau principal choisit son secrétaire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Dans l’assemblée.

M. d’Hoffschmidt. - Presque toujours on prend quelqu’un qui n’est pas électeur. Il faut donc faire disparaître cette anomalie. Il faut s’expliquer clairement. L’honorable ministre se trompait quand il disait que le secrétaire était pris dans l’assemblée ; c’est seulement pour les bureaux secondaires que cela est prescrit ; on n’en dit rien quant au bureau principal ; là le choix du secrétaire n’est pas limité.

M. d’Huart. - Le secrétaire devra être électeur, car vous ne laissez plus entrer personne dans le local des élections qui ne soit électeur, le président seul excepté. Il y a donc nécessité absolue de prendre pour secrétaire un électeur, puisqu’il devra entrer dans le bureau pour exercer ses fonctions.

M. d’Hoffschmidt. - Je demanderai pourquoi la loi exige la qualité d’électeur pour le secrétaire dans les bureaux secondaires, et pourquoi elle garde le silence à l’égard des secrétaires du bureau principal.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous reviendrons là-dessus au second vote.

- La rédaction proposée par M. le ministre de l’intérieur à l’article 15 est adoptée.

Article 9 et 16

« Art. 16 (nouveau) proposé par la section centrale. L’art. 24 de la loi électorale est abrogé et remplacé ainsi qu’il suit :

« Lorsqu’un collège aura à élire, le même jour, des sénateurs et des représentants, les suffrages seront donnés aux uns et aux autres par un seul bulletin.

« Il en sera de même au second scrutin, s’il y a lieu. »

M. le président. - La chambre a ajourné l’art. 8 du gouvernement (9 de la section centrale).

M. le ministre de l’intérieur propose à l’art. 16 de la section centrale un amendement qui se rapporte également à l’art. 9, où il est question de l’art. 18 de la loi de 1831. Cet amendement est ainsi conçu :

« Le § 2 de l’art. 18 de la loi du 3 mars 1831 est abrogé.

« L’art. 24 de la même loi sera rédigé de la manière suivante :

« Lorsqu’un collège aura à procéder le même jour aux élections pour la chambre des représentants et au sénat, les opérations se feront simultanément, comme il est dit ci-après. »

« Seront insérées, à la suite de l’art. 25 de la loi électorale, les dispositions suivantes :

« Quand il y aura lieu de procéder simultanément aux élections pour les deux chambres, il y aura deux boîtes portant, l’une l’inscription sénat, l’autre celle de chambre des représentants.

« Le président recevra des mains de l’électeur d’abord le bulletin pour le sénat, puis le bulletin pour la chambre des représentants.

« Les bulletins pourront porter à l’extérieur, l’un le mot sénateur ou sénateurs, l’autre celui de représentant ou représentants, les abréviations de ces mots ou les initiales S ou R ; dans tous les cas, ces désignations seront écrites à la main et à l’encre noire ; tout bulletin sur lequel ces désignations seront imprimées ou écrites autrement qu’à l’encre noire, tout bulletin portant à l’extérieur d’autres désignations, ne sera pas reçu.

« Si le bulletin ne porte aucune désignation extérieure, le président le déposera dans la boîte indiquée par l’électeur ; si le bulletin porte une désignation extérieure, le président le déposera dans la boîte indiquée par cette désignation.

« Lorsque l’électeur ne remet pas de bulletin pour l’une des chambres, il est pris note de l’omission, et cet électeur n’est pas compté au nombre des votants pour cette chambre.

« Le dépouillement des deux boîtes se fera dans chaque bureau sans désemparer, en commençant par la boîte du sénat.

« Les dispositions qui précèdent seront appliquées au second scrutin, s’il y a lieu.

M. le président - Voici un amendement présenté par M. Malou :

« A défaut de désignations spéciales, le premier ou les premiers noms, jusqu’à concurrence du nombre de sénateurs à élire, sont attribues à l’élection de ceux-ci.

« Si les noms sont écrits sur plusieurs colonnes, sans qu’il y ait de désignations spéciales, les premiers noms sont ceux de la première colonne, et ainsi de suite.

« Le bulletin qui ne contiendra de suffrages valables que pour l’élection de membres de l’une des chambres, n’entrera point en compte, afin de déterminer le nombre des votants pour l’élection des membres de l’autre chambre.. »

Voici maintenant un amendement proposé par M. Dolez :

« Le paragraphe suivant est ajouté à l’article 24 de la loi du 3 mars 1831.

« La Loi charge les présidents de bureaux d’imprimer aux opérations électorales la plus grande célérité. Elle confie à leur honneur et à leur conscience l’exécution de cette disposition. »

Voici un sous-amendement présenté par M. Cools :

« Le procès-verbal du bureau principal constatera l’heure de l’ouverture des différents scrutins et de la proclamation de leurs résultats. »

La parole est à M. Malou pour développer son amendement.

M. Malou. - Messieurs, j’ai peu d’observations à ajouter aux développements que j’ai déjà donnes dans une précédente séance.

J’ai reconnu que la disposition qui crée le papier électorat est connexe, jusqu’à un certain point, avec la simultanéité du vote, mais cependant que, d’après le mode proposé par la section centrale, la simultanéité peut être admise sans que le papier électoral le soit. Il faut alors créer une présomption légale, à défaut de désignation faite par l’électeur lui-même. Presque toujours ces désignations se trouveront sur les bulletins ; nous savons tous qu’au moment de l’élection, beaucoup de personnes distribuent des bulletins faits avec soin ; ce ne sera donc que très rarement que l’électeur mettra la désignation spéciale indiquant à quelles personnes il donne sa voix pour le sénat, et à quelles personnes il la donne pour la chambre des représentants. La présomption pour le cas très rare où il n’y aurait pas de désignation spéciale, peut être établie en ce sens que les premiers noms portés sur le bulletin, jusqu’à concurrence du nombre de sénateurs à élire, soient attribués à l’élection de ceux-ci.

Il est bon aussi de prévenir un autre doute qui pourrait naître : il peut arriver que les noms soient inscrits sur plusieurs colonnes. L’on peut établir comme présomption, en ce cas, que les premiers noms sont ceux de la première colonne, les suivants, ceux de la seconde colonne, et ainsi de suite.

Je propose enfin une troisième disposition, ainsi conçue :

« Le bulletin qui ne contiendra de suffrages valables que pour l’élection de membres de l’une des chambres n’entrera point en compte, afin de déterminer le nombre des votants pour l’élection des membres de l’autre chambre. »

Ici, messieurs, deux hypothèses peuvent se présenter ; ou il y a une désignation spéciale, et l’électeur indique clairement sa volonté, de ne voter que pour les membres de l’une des deux chambres, ou bien il n’y a pas de désignation spéciale, mais le bulletin ne contient de noms que jusqu’à concurrence du nombre de sénateurs à élire. Lorsque la volonté de l’électeur est manifeste et qu’il s’abstient de voter pour l’une des chambres, son bulletin ne peut pas entrer en compte afin de déterminer la majorité pour l’élection des membres de l’autre chambre. Si on n’admettait pas ce principe, on arriverait aux résultats les plus bizarres. Si, au contraire, le bulletin ne contient que deux noms, lorsqu’il y a deux sénateurs à élire, en réalité, l’électeur n’a pas pris part au vote pour l’autre chambre ; son bulletin ne doit donc pas être compté pour établir la majorité.

J’ai fait cette proposition pour le cas où le papier électoral ne serait pas admis. Je me suis concerté avec plusieurs de mes collègues de la section centrale qui avaient admis l’art. 18 du projet qu’elle avait formulé ; je croirais pouvoir renoncer à cet article si le projet de la section centrale sur le mode d’organisation du vote simultané était admis, mais il serait impossible d’y renoncer si la proposition de M. le ministre de l’intérieur était adoptée ; il y a connexité étroite et nécessaire entre les deux mesures ; en n’admettant pas le papier électoral, il faudrait autoriser à écrire sur les bulletins une désignation extérieure. L’on donnerait ainsi des moyens nouveaux de violer facilement le secret du vote.

M. d’Huart (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Messieurs, un principe domine toute la discussion qui va s’élever sur cet article. Si nous ne décidons pas d’abord la question de principe, et si nous examinons les différents amendements qui se rapportent à son application, la discussion présentera une grande confusion, et nous arriverons difficilement à un résultat. Ne croyez-vous pas que la première question à examiner est celle posée dans l’amendement de M. le ministre, qui porte que lorsqu’un collège aura à procéder à l’élection des membres de la chambre et du sénat, cette élection se fera simultanément.

Il est évident que si l’on décide d’abord cette question, l’on arrivera ensuite facilement à organiser le principe dans la loi, mais si on veut examiner les moyens de l’organiser, tout en contestant l’existence même du principe, vous arriverez difficilement à une solution. L’ordre de discussion que je propose est donc le plus rationnel ; je demande qu’on s’occupe d’abord de la première partie de l’amendement de M. le ministre, qui pose le principe de la simultanéité du vote pour l’élection des sénateurs et des représentants.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je ne fais pas d’objection contre la marche que l’on propose. Cependant il faut que chacun puisse faire une réserve, tant sur le principe que sur l’application. Il est possible que tel membre adopte le principe, mais qu’ensuite le moyen d’application ne lui convienne pas ; il est évident que ce membre pourra, sans inconséquence, voter contre l’ensemble de l’article.

M. Mercier. - Mais, messieurs, la plus forte objection que l’on oppose à la disposition tient précisément aux moyens d’exécution. Lorsqu’on aura voté le principe, on n’aura encore rien fait. Si ce principe n’entraînait aucun inconvénient dans son exécution, beaucoup de membres, qui croient devoir le rejeter, lui donneraient probablement leur approbation ; il me semble donc que la discussion des moyens d’exécution est inséparable de celle du principe.

M. Verhaegen. - Les objections sont tout aussi fortes contre le principe que contre les moyens d’exécution. Il s’agit de savoir si on peut voter à la fois et pour les membres de la chambre des représentants et pour les sénateurs. On pourrait donc faire ce que proposait l’honorable M. d’Huart. On discutera d’abord le principe de la simultanéité, puis les moyens d’exécution, et il y a ira ensuite un vote sur l’ensemble de l’article. De cette manière, on fera droit à toutes les exigences. Je le répète, les objections les plus fortes sont contre le principe lui-même de la simultanéité.

M. Cools. - On ne gagnera rien à adopter cette motion. Le principe et les moyens d’exécution se confondent. Le principe est mauvais, et il sera presqu’inexécutable.

A chaque moment les orateurs viendront se placer sur ce terrain ; il vaut donc mieux ne pas donner suite à cette motion et aborder franchement la discussion.

- La motion d’ordre de M. d’Huart est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - La discussion est ouverte sur la première partie de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.

M. Dolez. - Messieurs, quel que soit mon désir de me conformer à la décision de la chambre, il faudra bien qu’elle m’excuse si je ne puis m’empêcher de passer du domaine du principe dans le domaine des moyens d’exécution, parce qu’il me semble impossible de discuter autrement cette question.

La pensée qui a dominé la section centrale, quand elle vous a proposé cette disposition, a été de faciliter aux électeurs des campagnes, et surtout des campagnes éloignées, les moyens d’exercer leur droit électorat. Je m’associe de grand cœur à cette pensée, et, messieurs, si les moyens proposés, si la simultanéité des votes ne présentaient pas des inconvénients plus graves que les avantages que veut procurer la section centrale, il serait bien loin de ma pensée d’y former opposition. Mais, messieurs, c’est parce que je pense qu’à côté de l’avantage que la section centrale a recherché, des inconvénients bien plus graves prendront naissance, que je ne puis donner mon assentiment à la disposition, et que j’ai cru devoir proposer de la remplacer par l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre.

Il m’a toujours paru, messieurs, que le premier soin du législateur, alors qu’il posait les règles de l’élection, devait être de les rendre simples, faciles pour tous les électeurs, et surtout pour les électeurs des campagnes qui tous n’ont pas un degré d’instruction, et, par suite, un degré d’intelligence aussi prononcé parfois que les électeurs des villes.

C’est donc particulièrement au nom de l’intérêt des électeurs des campagnes que je viens prier la chambre de ne pas introduire dans notre code électoral un principe qui serait, pour ces mêmes électeurs des campagnes, fécond en erreurs, fécond en inconvénients, qui conduirait à ce résultat de fausser fréquemment le vœu des électeurs campagnards, et, par suite, le vœu de l’élection elle-même.

En effet, quels que soient les moyens d’exécution que l’on choisisse, soit que l’on prenne les moyens indiqués par M. le ministre de l’intérieur, soit qu’on adopte ceux qui vous sont proposés par l’honorable M. Malou, vous devez reconnaître avec moi, que des erreurs et des erreurs nombreuses seront commises par les électeurs.

S’agira-t-il de venir mettre deux bulletins dans deux urnes différentes ? Mais il arrivera fréquemment que l’électeur se trompera, qu’il déposera dans l’urne pour le sénat le bulletin destiné à l’élection pour la chambre, et vice-versa. C’est donc une sorte de piège que vous tendez involontairement au vote d’une foule d’électeurs, et particulièrement au vote des électeurs de campagnes.

Adopterez-vous, au contraire, le système très compliqué et fort peu clair de l’honorable M. Malou. Les erreurs seront plus nombreuses encore. Permettez-moi, messieurs, de sortir un moment de la question de principe et de vous prouver que par les moyens d’application que propose l’honorable M. Malou, vous arriveriez à fausser l’élection.

Le 3ème § de l’amendement qu’il propose est ainsi conçu :

« Le bulletin qui ne contiendra de suffrages valables que pour l’élection de membres de l’une des chambres, n’entrera point en compte, afin de déterminer le nombre des votants pour l’élection des membres de l’autre chambre. »

Que résulte-t-il, messieurs, de ce paragraphe combiné avec ceux qui précèdent ? Lorsque l’indication donnée à un nom n’est pas suffisante, ce nom ne peut être compté. Ce nom sera censé comme non écrit. Eh bien ! il arrivera, de cette manière, que l’électeur qui a à voter pour trois candidats au sénat, et qui a donné par erreur une désignation insuffisante à l’un de ces trois candidats, verra le quatrième nom de la liste reporté parmi les sénateurs, tandis qu’il le destinait aux représentants.

Je pense donc, messieurs, que si le principe de la simultanéité a été inspiré par une pensée à laquelle j’applaudis de bon cœur, c’est-à-dire, par la pensée de faciliter aux électeurs des localités les plus éloignées l’exercice de leurs votes, je pense, dis-je, que ce principe répond mal à la pensée qui l’a dicté, et qu’il vient jeter dans notre loi électorale des inconvénients bien plus graves que ceux auxquels on cherche à parer.

On vous a déjà dit, dans la discussion générale, qu’il était, au fond, d’autres inconvénients encore. On vous a fait remarquer, par exemple, que vous entraviez ainsi la liberté des électeurs, de nommer, comme membre de la chambre, le candidat qu’ils avaient d’abord désiré envoyer au sénat et qui avait échoué dans la première élection. Bien que l’exercice de cette faculté ne se présentera que dans des cas excessivement rares, je crois cependant que vous ne pouvez pas entraver la liberté des électeurs. Je crois que l’électeur doit être libre, et il ne l’est pas ; s’il doit voter instantanément pour le sénat et pour la chambre, il lui est impossible, dans ce cas, de porter subsidiairement à la chambre l’homme qu’il aurait voulu voir figurer au sénat, mais qui n’a pas réussi.

Remarquez d’ailleurs, messieurs, que des électeurs qui ne sont appelés qu’une fois sur 8 années à concourir à la formation d’un corps aussi important que le sénat, et qui dédaigneraient de rester une heure plus tard à la ville pour remplir ce devoir, ne sont pas dignes d’une sympathie bien grande. Il faut qu’il y ait chez eux une négligence bien profonde de leurs devoirs électoraux, Eh bien, je demande si c’est bien pour quelques électeurs négligents qu’il faut ainsi gêner, dans l’exercice de leurs droits, tous les autres membres du corps électoral.

Permettez-moi, messieurs, de vous faire remarquer que déjà la loi qui nous occupe a paré à une partie des inconvénients qui ont inspiré à la section centrale la disposition que je combats.

Auparavant, l’heure de la réunion n’était pas fixée par la loi. Il y avait du temps perdu, possibilité même de réunir les bureaux tardivement, à une heure telle que les électeurs de la campagne se trouvaient forcés de séjourner à la ville, d’y passer la nuit, pour prendre part aux scrutins de ballottage. Aujourd’hui, l’heure est fixée, de sorte que bien certainement il arrivera 99 fois sur 100 que les opérations électorales seront terminées de bonne heure.

Vous avez de plus, par la loi nouvelle, décidé que les bureaux seraient formés à l’avance ; cette opération entraînait encore une grande perte de temps qui n’aura plus lieu à l’avenir. Les opérations commenceront donc plus tôt et marcheront avec plus d’activité. Tout porte dès lors à penser qu’il n’y aura plus gêne pour les électeurs campagnards à concourir par deux votes séparés, comme cela s’est fait depuis dix ans, à l’élection pour les membres des deux chambres.

Remarquez encore qu’il est écrit dans la loi que les électeurs des communes les plus éloignées voteront les premiers au second scrutin. Ils auront donc la faculté de se retirer dès l’instant qu’ils auront émis leur vote. Il y aura très peu de cas où les électeurs des campagnes se trouveront forcés de séjourner à la ville pour prendre part aux scrutins de ballottage.

Messieurs, je vous le disais tout à l’heure, je n’ai pas la pensée d’entraver en quoi que ce soit l’action des électeurs campagnards, et si, au lieu du vote simultané que je repousse, parce que je le crois fécond en inconvénients graves, on avait proposé quelque autre moyen praticable, j’y aurais donné mon assentiment de tout mon cœur. Ainsi, si l’on proposait de fixer les élections à des jours différents, à un mois d’intervalle, par exemple, je ne m’y opposerai pas, parce que j’y verrais la réalisation des avantages que la section centrale a recherchés, sans les inconvénients que je combats et qui m’effraient. Mais tant qu’on réunit les électeurs dans un même jour pour les deux élections, je persiste à croire qu’il est indispensable que les élections soient séparées.

Je vous disais, messieurs, que le projet de loi qui nous occupe parait déjà à une partie des inconvénients que la section centrale avait eu particulièrement en vue. L’amendement que j’ai eu l’honneur de vous soumettre vient concourir encore à la réalisation de cette même pensée. Il fait appel à la conscience et à l’honneur des présidents des bureaux, pour imprimer aux opérations électorales la plus grande activité possible. Je crois qu’en ajoutant aux mesures d’ordre que vous avez adoptées cette recommandation faite aux présidents des bureaux, vous imprimez aux opérations électorales une activité telle que les électeurs des campagnes ne se trouveront plus forcés de séjourner au lieu de l’élection. Dès lors je ne vois en vérité plus pourquoi on persisterait à demander la simultanéité des votes, système dont je vous ai signalé le plus succinctement possible les inconvénients. J’espère que la chambre repoussera le principe et les modes que l’on propose pour sa réalisation.

M. le président. - La parole est à M. Cools pour développer son amendement.

M. Cools. - Messieurs, voici mon amendement :

« Je propose d’ajouter le paragraphe suivant l’amendement proposé par l’honorable M. Dolez.

« Le procès-verbal du bureau constatera l’heure de l’ouverture des différents scrutins et de la proclamation de leurs résultats. »

Je vous dirai, messieurs, que l’examen de différents procès-verbaux m’a convaincu que cela ne s’exécutait que rarement jusqu’à présent. On est dans l’habitude d’indiquer l’heure où les opérations ont commencé, mais non celles où elles ont fini. Sur vingt procès-verbaux que j’ai eus sous les yeux, il y en a dix-neuf qui n’indiquent pas l’heure où les résultats ont été proclamés. J’ai cru devoir d’abord vous faire cette observation, parce que quelques membres, hier, m’ont dit que cela se faisait partout et que mon amendement était inutile.

Messieurs, mon amendement rentre dans le système de l’honorable M. Dolez, qui est de s’opposer au principe de la simultanéité des votes. On me permettra donc d’ajouter quelques considérations à celles qui ont été développées par l’honorable préopinant.

D’abord, messieurs, je dois dire que je ne vois pas quelle nécessité a exigé cette proposition. J’ai recherché tout ce qui s’est faite dans les élections précédentes, et je n’ai trouvé aucune réclamation qui constatât que des abus graves seraient résulté des votes successifs. A la vérité, des procès-verbaux ont constaté qu’à des scrutins de ballottage, le nombre des votants avait été beaucoup moins grand qu’au premier scrutin ; mais je ne crois pas que ce soit le résultat des retards qu’on aurait apportés aux élections. Je crois qu’il faut uniquement l’attribuer à ce que l’éducation du pays n’était pas assez avancée. Et ce qui le prouve, c’est que dans les élections dernières, qui ont eu lieu il y a deux ans et il y a quatre ans, la différence des votants aux scrutins de ballottage et aux premiers scrutins était généralement fort peu sensible.

Messieurs, la simultanéité des votes offre des inconvénients graves. Ils vous ont été indiqués par l’honorable préopinant. Un des principaux, c’est de multiplier les erreurs. Il est impossible qu’avec les systèmes proposés, soit celui de M. le ministre de l’intérieur, soit celui de l’honorable M. Malou, il n’arrive qu’un grand nombre de bulletins soit annulé. Ainsi, avec le système de l’honorable M. Malou, il arrivera très souvent qu’on ne saura pas si tel nom appartient au vote pour le sénat ou au vote pour la chambre. On a senti la nécessité de prévoir les cas où il y aurait deux colonnes sur un bulletin, où il n’y aurait pas de désignation au premier nom. Tout cela peut amener des erreurs très nombreuses, assez nombreuses pour que, dans certaines élections, 10 ou 20 bulletins doivent annulés.

Messieurs, je prie du reste la chambre de croire que nous n’avons ici aucun intérêt de parti à nous opposer à la proposition en discussion. Nous combattons cette proposition parce que nous la croyons mauvaise. Nous proposons des améliorations à la loi ; mais il n’appartient plus à l’opposition de diminuer ce mauvais effet que la loi doit produire. Depuis que le gouvernement et la majorité se sont opposés à la disjonction, la loi a revêtu un caractère indélébile.

C’est un marché qui nous est imposé, et les dispositions déjà votées, démontrent quel sentiment de répulsion l’opposition éprouve pour l’entourage de la disposition principale. Je ne sais ce qui arrivera du vote définitif de la loi, mais, comme tous les membres de l’opposition se trouveront dans une espèce de contrainte morale, je puis dire que (erratum Moniteur belge n°87 du 28 mars 1843) les votes affirmatifs seront aussi désapprobateurs que les votes négatifs.

J’ai entendu dire quelquefois que l’opposition cherchait à jeter de l’irritation dans le pays : mais si telle pouvait être mon intention, je m’abstiendrais bien certainement de combattre la proposition, car je crois que de toutes les dispositions du projet, il n’en est pas une qui produira un aussi mauvais effet dans le pays que la simultanéité des votes pour les sénateurs et pour les représentants. Vous demandez la mesure pour que les électeurs des campagnes puissent plus facilement prendre part aux scrutins de ballottage. Or, c’est une idée en quelque sorte populaire, que la majorité trouve plus de partisans dans les campagnes que dans les villes. Je vous avoue que, dans mon opinion, il y a, sous ce rapport, beaucoup d’exagération ; je partage entièrement l’opinion que l’honorable M. Dolez exprimait, il y a quelques jours, que la situation des campagnes n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était il y a quelques années. Je crois que là aussi de grands changements se sont opérés. Cependant il n’est pas un membre de la chambre qui ne reconnaisse que, sur un nombre égal d’électeurs, la minorité trouverait plus de partisans dans les villes que dans les campagnes.

M. d’Huart. - Je n’en sais rien.

M. Cools. - Dans tous les cas, c’est là une idée populaire que vous ne détruirez pas, et vous aurez beau dire : « C’est une justice que nous demandons ; nous demandons que les électeurs des campagnes jouissent, dans l’exercice de leur droit, des mêmes facilités que les électeurs des villes » ; vous aurez beau dire cela, au dehors le gros bon sens du public répondra toujours : « Cet acte de justice, vous ne l’auriez jamais sollicité si vous n’aviez pas cru pouvoir compter plus sur les électeurs des campagnes que sur ceux des villes. »

Voilà, messieurs, pour les effets moraux de la disposition. Mais il faut aussi s’attacher à ses conséquences pratiques, et je dis qu’elle conduirait à des résultats réellement funestes pour la minorité. D’abord, messieurs, comme l’a déjà dit l’honorable M. Dolez, le premier résultat de la disposition sera de rendre les erreurs beaucoup plus nombreuses qu’elles ne l’étaient auparavant ; il y aura beaucoup plus de bulletins douteux, et par conséquent, un plus grand nombre de réclamations contre l’admission des membres des chambres. Il en résultera donc aussi que la chambre sera appelée plus souvent que par le passé, à faire usage de son droit d’omnipotence, quant à l’admission de ses membres. Eh bien, messieurs, on ne saurait remettre une arme plus dangereuse entre les mains d’une majorité quelconque, que l’usage fréquent du droit de repousser de son sein ou d’admettre un certain nombre de membres. Je ne fais ici allusion à aucune circonstance donnée, je parle en principe. Il est évident, et l’histoire parlementaire de tous les pays le prouve, que toutes les majorités sont disposées à se montrer faciles pour l’admission des membres qu’elles supposent partager leur opinion et plus exigeantes à l’égard de ceux qu’elles croient appartenir à une opinion contraire. (erratum Moniteur belge n°87 du 28 mars 1843) Dans une assemblée composée d’une centaine de membres, il suffit souvent de 4 ou 5 voix pour déplacer la majorité. Il suffira donc souvent à une majorité d’écarter 2 à 3 membres, à chaque élection générale, pour se perpétuer, contrairement à l’opinion publique. N’exposez jamais une majorité à de pareilles tentations, surtout lorsque la lutte des partis est aussi vive qu’elle l’est en ce moment ; la force des choses exige que les chambres prononcent sur l’admission ou la non-admission de leurs membres ; mais c’est là un principe qui n’en est pas moins dangereux et dont il faut restreindre l’application autant que possible, au lieu de l’étendre comme le ferait inévitablement la disposition qui nous occupe. On peut dire à bon droit que c’est une combinaison qui est toute à l’avantage de la majorité.

Messieurs, les amendements présentés par l’honorable M. Dolez et par moi n’offrent aucun des dangers que présente la disposition du gouvernement et conduiraient à peu près au même but ; car il ne faut pas que les partisans de la simultanéité s’exagèrent les avantages de ce mode de procéder ; il ne faut pas qu’ils s’imaginent que ce mode imprimerait aux opérations une célérité considérable. Quant à moi, je crois que l’on y gagnerait une heure tout au plus. Ce mode est proposé surtout en vue du scrutin de ballottage ; le cas qui se présentera le plus souvent, ce sera celui où les sénateurs auront été nommés au premier tour de scrutin et où la nomination des représentants donnera lieu à un scrutin de ballottage. Sous l’empire de la loi actuelle, il y a dans ce cas trois opérations successives : le scrutin pour les sénateurs, le premier scrutin pour les membres de la chambre des représentants et le scrutin de ballotage. Si la proposition est adoptée, l’un de ces trois scrutins disparaîtra ; mais remarquez bien qu’un scrutin renferme deux opérations distinctes : d’abord l’appel des votants et la remise des bulletins, en second lieu, le dépouillement.

Eh bien, la mesure proposée ne fait disparaître que l’un des appels des votants ; quant au dépouillement, il doit toujours avoir lieu pour le sénat comme pour la chambre des représentants, et il dure au moins aussi longtemps que l’appel des votants ; il faut d’abord déplier les bulletins, les remettre au président, qui les lit et les montre à un scrutateur. Deux autres scrutateurs écrivent les noms et un quatrième empile les billets.

L’ensemble de ces opérations, qui paraissent très rapides lorsque qu’on les considère isolement, l’ensemble des opérations durera, je le répète, au moins aussi longtemps que l’appel des votants. Il est donc évident que la proposition ne diminuera que d’un sixième la durée des opérations électorales. Ajoutez à cela qu’il faudra procéder avec beaucoup de précaution, que le dépouillement sera très difficile, et si vous avez égard à toutes ces considérations, vous serez convaincus que vous gagnerez tout au plus une heure.

L’amendement de l’honorable M. Dolez et le mien laissent subsister la disposition d’après laquelle le premier appel commencera par les communes les plus rapprochées, et le dernier par les communes les plus éloignées. C’est déjà la un premier avantage pour les électeurs des campagnes. Ensuite cet amendement charge le président de procéder avec la plus grande rapidité possible, il lui en fait un devoir de conscience. Le président saura à quelle responsabilité il s’exposerait s’il ne se conformait pas à cette prescription. En outre, d’après ma proposition, le procès-verbal constatera l’heure de l’ouverture des scrutins, et de la fin de chaque opération ; il en résultera que tout le monde connaîtra l’intervalle qui aura été laissé entre les différentes opérations, que tout le monde pourra juger si le président a rempli son devoir.

Je n’en dirai pas davantage, messieurs, pour le moment. Ma proposition offre, sur celle du gouvernement, cet avantage qu’elle laisse intacte une disposition essentielle de la loi électorale, qu’elle modifie moins profondément la première de nos institutions.

M. de Theux. - Messieurs, l’honorable M. Dolez est d’accord avec nous sur la nécessité d’imprimer aux élections la plus grande célérité, sur la justice qu’il y a à accorder à tous les électeurs, quelque éloignés qu’ils soient, des facilités qui les mettent à même de prendre part aux diverses opérations électorales. Nous sommes donc d’accord sur le principe, seulement nous différons sur les moyens d’atteindre le but. L’honorable membre a proposé un amendement d’après lequel la loi charge le président du bureau d’imprimer aux opérations électorales la plus grande célérité et confie à leur honneur et à leur conscience l’exécution de cette disposition.

Au premier abord, messieurs, cette disposition semble avoir de l’importance, mais si l’on y réfléchit, on s’aperçoit bientôt qu’elle n’a réellement pas l’importance que l’honorable membre lui attribue. En effet, messieurs, les présidents des bureaux sont des magistrats qui, en cette qualité, ont prêté serment d’obéissance à la loi. Ainsi déjà aujourd’hui, en vertu du serment qu’ils ont fait d’obéir aux lois, les présidents des bureaux doivent exécuter sincèrement la loi électorale, et conséquemment imprimer aux opérations la célérité convenable. Mais, messieurs, la célérité des opérations ne dépend pas toujours du bureau, elle ne dépend pas même toujours des autres membres du bureau ; une infinité de circonstances, d’incidents peuvent venir retarder la marche des opérations, et dans ce cas vous aurez beau rappeler en termes exprès et, je dois le dire en passant, inusités, vous aurez beau rappeler aux présidents des bureaux un devoir qu’ils ont déjà assumé par leur serment de magistrats, vous n’atteindrez pas le but ; cette disposition n’ajoute véritablement rien à la loi électorale.

Le sous-amendement proposé par l’honorable M. Cools, à mon avis, n’y ajoute pas davantage, puisqu’il est déjà de l’essence des procès-verbaux de contenir la mention de l’heure à laquelle les opérations ont commencé et de celles à laquelle elles se sont terminées ; du reste, je ne m’opposerai en aucune manière à l’adoption de ce sous-amendement, qui aura pour résultat de faire suivre une marche uniforme dans tous les bureaux.

L’honorable membre craint que la disposition proposée par le gouvernement ou celle qui est présentée par la section centrale, ne donne lieu à des erreurs multipliées. Je conviens, messieurs, que quelques erreurs seront possibles, mais, si je compare les erreurs qui pourront résulter de la loi à l’absence d’un grand nombre d’électeurs au scrutin de ballottage, absence qui résulte du mode suivi aujourd’hui, j’arrive à ce résultat, que le désavantage est entièrement du côte de la loi du 3 mars 1831, c’est-à-dire que beaucoup plus d’électeurs sont dans l’impossibilité d’émettre leur vote, à cause de la nécessité dans laquelle ils se trouvent de retourner dans leurs foyers, qu’il n’y en aura qui commettront des erreurs par suite du vote simultané. Or, il me semble que si nous ne pouvons pas faire une disposition entièrement exempte d’inconvénients, il faut adopter celle qui en offre le moins, et telle est celle qui prescrit le vote simultané.

L’honorable membre a indiqué un inconvénient qui pourrait se présenter, d’après la rédaction de l’amendement de M. Malou. Mais quand nous nous occuperons de cet amendement, nous pourrons peut-être parer à l’inconvénient qu’il a signalé. L’honorable député de St.-Nicolas a pose la question sur un autre terrain. Il dit : Les votes des électeurs des campagnes sont en général plus favorables à la majorité de la chambre, et les votes des électeurs des chefs-lieux plus favorables à la minorité.

M. Cools. - J’ai raisonné sous le point de vue de l’effet moral et j’ai dit qu’il y a une idée populaire qui regarde les campagnes comme étant plus favorables que les villes à l’opinion de la majorité.

M. de Theux. - Si ce n’est qu’une idée populaire, tâchons d’éclairer le peuple sur ce point. Le peuple veut, sans doute, être sincèrement représenté. Pour qu’il soit sincèrement représenté, il faut, autant que possible, que tous les électeurs appelés par la loi à émettre un vote puissent l’émettre avec facilité ; c’est de cette manière que vous aurez véritablement l’expression de la volonté de la majorité des collèges électoraux.

Si l’on m’objectait que le système de la loi est mauvais, je dirais : changez les bases de la loi électorale ; mais aussi longtemps que ces bases subsistent, nous devons vouloir que tous ceux que la loi appelle à exercer le droit électoral aient les facilités nécessaires pour exercer ce droit. Ce principe ne sera sans doute contesté par personne car le congrès n’a pas voulu accorder aux électeurs éloignés un droit illusoire, il a voulu leur accorder un droit réel.

Mais ce ne sont pas seulement les électeurs des campagnes qui profiteront des facilités que procure le vote simultané, il en résulterait encore un avantage pour les élections des villes qui ne sont pas chefs-lieux d’arrondissement. Je dis même que cette disposition donnera des facilités aux électeurs habitant le chef-lieu, en leur évitant des déplacements inutiles, déplacements dont ces électeurs ne sont pas très désireux.

Mais un inconvénient très grave, dont l’honorable préopinant n’a pas parlé, est celui-ci :

La constitution prévoit la dissolution des chambres. Cette dissolution peut même être simultanée. Le droit de dissolution peut être exercé pendant toute l’année. Je suppose que le gouvernement, je ne dirai pas pour changer la majorité, mais pour obéir à une nécessité politique, soit amené à dissoudre les chambres, à l’époque où les jours sont courts et les chemins mauvais.

Dans ce cas, le gouvernement ne consulterait pas réellement le pays ; ce serait impossible, le pays ne répondrait pas ; la minorité du collège électoral seule répondrait ; et cependant ce pourrait être dans une circonstance décisive pour les intérêts du pays.

Messieurs, sans nous arrêter à cette circonstance qui, à elle seule, devrait être déterminante, il est évident qu’il ne faut pas laisser dans la loi une disposition qui tend à vicier l’élection de la moitié de cette chambre tous les huit ans. Or, ce résultat peut être amené au moins dans plusieurs districts où il y a un grand nombre d’électeurs, où il y a plusieurs députés à nommer pour les deux chambres, où les opérations électorales traînent dès lors en longueur. C’est là un inconvénient grave qu’il faut faire disparaître de la loi. Je suis persuadé que si, au congrès, à l’époque de la discussion et du vote de la loi électorale, on n’avait pas été pressé par le temps, on eût cherché à prévenir l’inconvénient qui résulte des dispositions de l’art. 24 de la loi électorale.

L’on a parlé des nullités auxquelles pouvaient donner lieu le vote simultané dans quelques collèges ; je ne vois pas pourquoi le vote simultané amènerait le cas de nullité des élections ; mais si cela arrivait, ce serait sans doute dans des cas fort rares, et alors ces nullités ne se trouveraient pas prononcées au profit de l’opinion de la majorité, s’il est vrai que l’opinion de la majorité trouve son principal appui dans les électeurs des campagnes, car toute élection qui est la conséquence de la nullité d’une première élection, se fait à des époques où les électeurs éloignés ne se déplacent pas avec facilité.

Dans la discussion générale, l’on a parlé de l’avantage qu’il y avait à laisser à un candidat la faculté de se présenter en premier lieu pour le sénat, et subsidiairement pour la chambre, s’il échoue pour le sénat. Déjà on a répondu à cette observation, en faisant remarquer que jamais cette circonstance ne s’était présentée, et que, dût-elle se présenter, le candidat que les électeurs n’auraient pas nommé pour le sénat échouerait très probablement pour la chambre.

Mais il y a encore une autre réponse à faire ; je la puise dans l’art. 39 de la loi électorale.

Cet article prévoit le cas où l’on soit élu pour le sénat et pour la chambre, ou bien que l’on soit élu dans plusieurs districts, soit pour la chambre, soit pour le sénat. Si elle arrive, l’on opte pour l’une des deux chambres dans le premier cas, ou pour l’un des districts, dans le second. Eh bien, supposer que quelqu’un désire être absolument élu sénateur ou représentant par un district, et qu’un certain nombre d’électeurs favorisent ce désir, il y aura un moyen très facile, ce sera de porter le candidat à la fois comme sénateur et comme représentant ; s’il est élu à la fois sénateur et représentent, il optera.

Mais, dit-on, vous aurez une réélection. Le mal n’est pas bien grand. N’avons-nous pas vu plusieurs fois des candidats se présenter dans différents collèges électoraux, y obtenir la majorité des suffrages, et donner ouverture à une nouvelle élection ? Ce cas n’est pas très rare.

Si les électeurs voulaient bien s’exposer à la chance d’une nouvelle convocation, c’est leur fait ; que la convocation soit le résultat d’une double élection faite par un même collège, ou d’une double élection faite par des collèges différents, l’inconvénient est le même ; au reste, le cas ne se présentera, pour ainsi dire, jamais ; ce n’est donc a mon avis qu’un inconvénient imaginaire.

Je n’en dirai pas davantage. Je me réfère aux considérations que j’ai exposées dans la discussion générale.

M. Verhaegen. - Messieurs, comme nous l’avons dit dans la discussion générale, on nous a présenté cette disposition comme étant faite dans l’intérêt des campagnes. S’il n’y avait aucun inconvénient à la disposition, sous le rapport de la constitutionnalité, nous nous empresserions de la voter, car les campagnes ont toutes nos sympathies, et d’ailleurs nous voulons être justes envers elles ; mais la disposition est inadmissible, parce qu’elle enlève un droit que la constitution assure aux électeurs, de porter à la chambre des représentants les candidats qu’ils auraient portés d’abord au sénat et qui auraient échoué.

D’abord, messieurs, je pense que, tout en voulant accélérer les opérations par la disposition qu’on nous présente, on les retardera. J’ai la conviction que si le principe de la simultanéité était admis, avec les moyens d’exécution qu’on propose, l’opération serait plus longue, même avant d’arriver au ballottage que celle qui a lieu aujourd’hui en vertu de la loi existante. J’ai la conviction que les campagnards seraient obligés de perdre beaucoup plus de temps qu’aujourd’hui.

Il me semble que vous avez fait, dans l’intérêt des campagnes, tout ce que vous pouviez faire. En effet, vous donnez aux campagnards le temps d’arriver, puisqu’à la première opération, on commence par les villes, et que l’on finit par les campagnes. La première opération terminée, vous mettez les campagnes à même de partir immédiatement, car au ballotage on commence par les campagnes et même par les campagnes les plus éloignées.

De la manière dont les opérations se font aujourd’hui, il y a simplicité, il y a célérité ; il y a d’ailleurs division en plusieurs sections.

Messieurs, l’on oublie ce qui a été fait en 1831. Ceux de nos honorables collègues qui se trouvaient, à cette époque, dans cette enceinte, devraient se rappeler pourquoi l’on a voulu qu’on commençât par le sénat.

Ils devraient savoir qu’en 1831 on a statué qu’on commencerait par le scrutin pour le sénat, parce que, pour siéger au sénat, il faut des qualités spéciales, entre autres, qu’il faut payer un cens qui n’est pas exigé pour la chambre des représentants ; on l’a voulu, ainsi pour qu’un candidat, qui aurait échoué pour le sénat, pût encore être présenté pour la chambre des représentants, et en effet, si on avait commencé par le scrutin pour la chambre, cette faculté aurait été enlevée.

La disposition de 1831, qui veut qu’on commence par les élections du sénat, prend sa base dans un principe et je vous défie d’en indiquer un autre que celui que je viens de vous exposer.

Il y a d’ailleurs là deux actes importants qui méritaient bien d’être séparés. On a des élections communales et des élections provinciales distinctes. Je ne vois pas pourquoi deux actes aussi importants que les élections pour la chambre et les élections pour le sénat ne seraient pas séparées aussi. Il y a d’ailleurs, pour le sénat, comme je viens de le dire, des conditions spéciales, et une durée de mandat différente ; car le mandat de sénateur est de huit ans, tandis que celui de membre de la chambre des représentants n’est que de quatre ans.

Il y a plus, et je me permets de vous le dire, je trouve la disposition nouvelle tant soit peu insultante pour le sénat. On veut l’englober dans une opération commune avec la chambre des représentants, tandis qu’aujourd’hui on lui laisse les honneurs d’une opération séparée.

Il est une considération à laquelle on n’a pas répondu et à laquelle je défie qu’on réponde. Nous l’avons dit précédemment et nous le répétons, tout citoyen qui peut être porté au sénat, peut être porté à la chambre des représentants. C’est un droit qu’ont les électeurs et un avantage dont jouit l’éligible.

Eh bien si celui qui se porte au sénat par une circonstance quelconque, qui ne lui ôte par la confiance dont on l’entoure, échoue, il peut se présenter au scrutin pour la chambre des représentants ; par la disposition nouvelle, vous empêchez que cela soit, et vous n’avez pas le droit de l’empêcher.

L’honorable M. Malou dans la discussion générale me disait : « Mais ce seront là des cas très rares, vous raisonnez de possibilités qui ne se réaliseront peut-être jamais ; ne vous occupez pas du futur, citez des exemples dans le passé. »

J’ai cité des faits qui avaient lieu naguère dans le Hainaut ; M. Malou les a combattus, mais il est évident qu’il était dans l’erreur ; j’avais dit qu’aux élections pour le sénat, à Mons, un honorable sénateur, ayant échoué à certaine époque, s’était présenté comme candidat à la chambre des représentants. C’était l’honorable comte Duval de Beaulieu, Il avait eu aux élections du sénat pour compétiteur M. de Sécus, père. Mais l’honorable M. de Beaulieu se présenta immédiatement pour la chambre des représentants, et dans cette lutte il eut pour compétiteur M. de Puydt ; il est vrai M. Duval ne fut nommé à la chambre que deux ans après ; mais il aurait pu fort bien se faire qu’il eût réussi dans la première lutte, voilà ce que je vous cite pour le passé. Le passé peut vous servir de leçon pour l’avenir. J’ajouterai qu’il est tels membres du sénat qui, s’ils succombaient dans le scrutin pour le sénat, seraient portés immédiatement pour la chambre des représentants. Je fais un appel à l’honorable rapporteur qui a entendu citer dans ma section, dont il faisait partie, des noms propres.

Messieurs, on a fait encore une autre objection, on a dit : il n’est pas à supposer qu’un candidat qui échoue pour le sénat se présente immédiatement pour la chambre, car il n’est pas à présumer qu’il réussisse dans cette deuxième lutte.

Mais, messieurs, n’avez-vous pas vu, et je pourrais citer une masse d’exemples, des candidats qui, au premier tour de scrutin, approchaient très près de la majorité absolue, l’atteignaient presque, échouer au ballottage contre un candidat qui, au premier tour n’avait eu qu’une faible minorité. Ce n’est donc pas là un argument.

Maintenant l’honorable M. de Theux, qui a fort bien compris la force de l’argument, vous dit : mais si vous voulez absolument avoir un citoyen dans l’une des deux chambres, vous le nommez en même temps au sénat et à la chambre. En effet, si la disposition passe, il n’y aura plus que ce moyen ; une opinion qui tiendra à avoir certain candidat dans la représentation nationale devra le porter en même temps pour la chambre des représentants et pour le sénat.

Cela n’arrangera guère les campagnards dont vous soignez les intérêts, car vous allez les forcer à revenir une deuxième fois. Il n’y aura pas grand mal, dit M. de Theux, parce que si pour la chambre il y plusieurs nominations, en faveur d’un même candidat, ils sont bien obligés de revenir. Oui, mais vous augmentez le nombre des voyages et, par suite, les inconvénients se multiplient.

Comme les arguments que nous avons fait valoir sont restés sans réponse, nos honorables adversaires nous permettront de persister dans l’opinion que nous avons émise et de voter contre le principe qu’ils veulent introduire dans la loi.

Un grand nombre de membres. - La clôture ! la clôture !

M. Dolez. - Je demande la parole contre la clôture. La question qui nous occupe est peut-être la plus grave de toute la loi. Je ne comprendrais pas qu’après un quart d’heure au plus de discussion, on pût tout à coup prononcer la clôture. Je demande que la discussion continue et que la chambre porte à cette disposition toute l’attention que son objet mérite.

Plusieurs voix. - Il faut en finir. La clôture ! la clôture !

M. Dolez. - S’il y a parti pris de ne pas nous écouter, soit ; le pays saura qu’il y a parti pris de voter et de ne pas entendre. Vous pouvez clore, si vous le voulez, mais tous les hommes impartiaux du pays pourront juger votre clôture !

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Devaux. - Deux propositions sont en délibération, une seule a été discutée. Il est impossible de clore sans laisser à quelques orateurs la faculté d’émettre leur opinion sur l’autre. La manière dont la question est présentée n’a pas permis d’entrer dans de grands développements. Vous avez mis en discussion la question de principe, mais cette question de principe, peut-on la détacher de la question d’application, ne doit-on pas entrer dans les questions de détail ? Il est facile de déclarer que la discussion sera bornée à la question de principe, mais on vous fait des objections d’application et vous, qui proposez le principe, vous n’êtes pas d’accord sur l’application ; le ministre déclare inapplicable le mode d’application proposé par la section centrale ; la section centrale, à son tour, déclare inapplicable le mode proposé par le ministre, et vous ne voulez pas que la discussion suive son cours.

Messieurs, cette disposition est une des plus importantes de la loi ; c’est en réalité la seule à laquelle la majorité attache le plus de prix, c’est celle qui a plus de portée ; je demande donc à pouvoir la combattre.

M. d’Huart. - Messieurs, je me suis levé pour la clôture bien que cette disposition soit, je le reconnais, très importante ; mais vous aurez beau discuter, chacun sait fort bien maintenant quel vote il veut émettre, s’il veut ou non de la simultanéité. Du reste, cette question a été suffisamment débattue dans la discussion générale. Que dit l’honorable M. Devaux ? Que vous ne savez pas quel système vous adopterez pour l’application de ce principe ; mais, messieurs, nous le discuterons, nous tâcherons de nous entendre sur les moyens d’exécution. Quant au principe lui-même, l’on discuterait encore pendant trois jours sans rien changer au résultat du vote.

Il ne peut y avoir de difficultés que sur l’application du principe, et je suis étonné de l’observation que vient de faire l’honorable M. Dolez contre un principe dont il reconnaît lui-même la justesse ; il vous disait qu’il était désirable de faire en sorte que les électeurs fussent déplacés le moins fréquemment possible, et de leur faciliter l’exercice de leurs droits. Ainsi sur le principe, il n’était pas aussi opposé que maintenant ; il n’avait d’inquiétude que sur les moyens d’appliquer le principe. Cette question n’est donc pas si ardue qu’on le prétend. Toute la difficulté nous attend quand nous aurons admis le principe ; je persiste donc à demander la clôture.

M. Mercier. - Nous sommes d’accord sur le principe en ce sens que nous désirons que tous les électeurs puissent assister aux élections, et qu’ils éprouvent le moins de dérangement possible ; mais…

Un membre. - On a assez discuté...

M. Mercier. - Ce point n’a pas été assez discuté. On pourrait indiquer des moyens d’atteindre le but qu’on se propose sans avoir recours à la simultanéité des votes ; si on ne veut pas les examiner, on décidera sans être suffisamment éclairé. Dans la discussion générale, on s’est, il est vrai, occupé de cet objet, mais il n’a pas été approfondi. Vous voulez faire, je pense, la meilleure loi possible, vous devez donc entendre tous les arguments.

M. de Theux. - Je veux faire une seule observation en réponse à ce qu’a dit l’honorable M. Devaux, que les moyens d’exécution offriront beaucoup de difficultés, et qu’il faut les discuter avant de voter le principe ; mais la chambre a décidé que le vote sur le principe serait un vote provisoire ; lorsqu’on en sera arrivé aux moyens d’exécution, la discussion sera peut-être plus longue que celle sur le principe. En effet, messieurs, la question de principe est facile à saisir ; il n’en est pas de même des divers moyens d’exécution ; et lorsque l’on aura voté sur les moyens d’exécution, on votera sur l’ensemble de la disposition, principe et moyens d’exécution. Si l’on veut avoir le vote de la loi dans un délai rapproché, point sur lequel nous sommes tous d’accord, il est inutile de prolonger la discussion sur la question de principe.

M. Devaux. - La disposition est tellement importante qu’elle a pour but de changer la majorité des électeurs. Il n’y a pas dans la loi de disposition plus importante. En conséquence, je demande que la discussion continue.

Quant à l’argument, que toutes les opinions sont faites, qu’il ne faut plus de discussions, on peut le reproduire à toutes les lois pour empêcher les discussions. Mais, messieurs, lorsqu’il s’agit d’une question aussi grave, la discussion ne doit pas être étouffée, car je ne puis pas croire que, si on a de bonnes raisons à donner, vous ne veuillez pas les écouter, mais s’il y a un parti pris pour adopter le principe, le pays doit être éclairé. Nos discussions sont publiques, c’est pour quelque chose, c’est pour que le pays puisse connaître nos débats, et alors même que ce parti serait pris, la discussion ne serait pas inutile.

M. Dolez. - L’honorable M. d’Huart s’est étonné de mon opposition à la demande de clôture, attendu que j’étais d’accord sur le principe. C’est une erreur. Quel est donc le principe sur lequel je suis d’accord ? C’est de faciliter à tous les électeurs l’exercice de leur droit, mais non celui de la simultanéité des votes. Je l’ai combattu dès l’origine dans la discussion générale et dans les observations que j’ai émises tout à l’heure. Je n’ai donc pas donné à la clôture un assentiment anticipé.

Maintenant, je le répète, je ne comprendrais pas que, sur un principe aussi sérieux, la chambre prononçât la clôture après un quart d’heure de discussion. Je n’ai pas l’habitude d’abuser de la parole et de prolonger inutilement les débats. Si jamais une question a mérité votre temps, c’est évidemment celle-ci. Je demande donc, au nom de votre dignité même, que vous ne prononciez pas maintenant la clôture.

M. Dumortier. - Je ne puis laisser passer sans réponse l’observation faite par l’honorable M. Devaux, que la simultanéité du vote a pour but de changer la majorité électorale. Ne semblerait-il pas que la majorité électorale repose sur l’impossibilité où serait un grand nombre d’électeurs de prendre part au vote ? Belle majorité que celle qui reposerait sur un abus ! mais cela seul suffit pour condamner le système actuel.

M. Dubus (aîné). - C’est précisément parce que la question nous occupe depuis quinze jours, que nous pouvons fermer aujourd’hui la discussion. Cette question ne nous prend pas à l’improviste ; elle a été signalée comme très importante ; et elle a été combattue et défendue dans la discussion générale, et ici je n’ai aperçu que les mêmes arguments qu’on a fait valoir dans la discussion générale et il est temps d’y mettre un terme.

Quant à l’objection faite par l’honorable M. Devaux, elle m’avait frappé comme M. Dumortier. M. Devaux l’avait déjà faite dans la discussion générale ; j’ai pris garde à cette observation, que le système qu’on propose aura pour but de faciliter à un plus grand nombre d’électeurs des villes et des campagnes qui ne sont pas des chefs-lieux, les moyens de prendre part aux élections, mais s’il en est ainsi, nous devrions voter par acclamation une disposition qui donnera enfin la véritable expression de la majorité ; ce serait à dire, d’après l’honorable membre, que jusqu’ici nous n’avons pas eu cette expression de la majorité.

M. Mercier. - On a dit que, quand on aurait voté sur le principe de la simultanéité, on examinerait les moyens d’exécution ; mais n’est-il pas rationnel de discuter préalablement les moyens de remplacer la simultanéité ? J’ai à cet égard quelques vues à soumettre à la chambre. Je veux que tous les électeurs puissent prendre part au vote ; d’autres moyens plus convenables que la simultanéité seront indiqués pour atteindre ce but ; que la chambre en prenne du moins connaissance avant de rien décider.

- La clôture est mise aux voix.

Deux épreuves sont douteuses.

La discussion continue.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je m’attacherai seulement à l’objection d’inconstitutionnalité sur laquelle a insisté l’honorable M. Verhaegen. Aujourd’hui, dit-il, une personne qui échoue comme candidat au sénat peut immédiatement après se présenter comme candidat pour la chambre des représentants, et c’est un ordre de choses que vous ne pouvez pas changer, à moins de porter atteinte à la liberté de l’exercice du droit électoral et à l’éligibilité, en quelque sorte, des citoyens qui peuvent successivement se porter candidats, d’abord pour le sénat, ensuite pour la chambre des représentants. Voila l’objection de l’honorable M. Verhaegen.

Mais, messieurs, je répondrai d’abord que cette faculté, qui existe aujourd’hui, de se porter candidat pour la chambre des représentants, après avoir échoué au sénat, n’existe pas dans tous les cas.

Lorsque c’est le même collège qui nomme un ou plusieurs sénateurs, sans le concours d’autres collèges, alors les opérations pour le sénat sont les premières, et on procède ensuite à l’élection des membres de la chambre des représentants ; mais il n’en est pas de même quand il s’agit de l’élection d’un sénateur par plusieurs collèges, car alors la priorité est accordée à l’élection des membres de la chambre, et les sénateurs sont nommés, huit jours après, par les collèges réunis.

Ainsi, messieurs, si c’est une considération constitutionnelle qui exige que la même personne puisse d’abord se porter au sénat et ensuite à la chambre des représentants, je dis qu’il faut appliquer cette nécessité à tous les cas, et que dès lors le paragraphe 2 de l’article 18 de la loi électorale serait inconstitutionnel.

Ou me dit : Mais ce cas de l’élection par plusieurs collèges se présente une seule fois. Mais, messieurs, il y a plusieurs sénateurs qui sont ainsi nommés. Cette année même, on doit procéder à l’élection d’un sénateur dans le cas du paragraphe 2 de l’art. 18 de la loi électorale (Tongres et Maeseyck).

Ce sénateur, on avait d’abord supposé que, s’il n’était pas nommé au sénat, il se présenterait pour la chambre des représentants. Son nom, je ne dois pas le prononcer ici ; mais on se trompe en fait ; s’il veut faire le double essai, et réunir les chances d’une double candidature, il faudra qu’il commence par se porter candidat à la chambre des représentants.

Ainsi, vous voyez, messieurs, qu’il n’y a aucun motif rationnel qui exige plutôt la priorité pour l’élection au sénat que pour l’élection à la chambre des représentants, et s’il y avait un motif constitutionnel, la constitution serait dès à présent violée par le § 2 de l’art. 18 de la loi électorale. Aucune nécessité constitutionnelle n’exige cette priorité ; et, comme j’ai déjà eu l’honneur de le dire, on peut retourner l’argument. Il peut y avoir tel homme qui voudrait d’abord essayer de la candidature à la chambre et, en cas d’échec, se porter ensuite candidat au sénat.

Si, en 1831, on a donné la priorité à l’élection du sénat, c’est qu’on a supposé qu’il n’y aurait pas un si grand nombre de concurrents pour le sénat, que cette élection pourrait se faire avec plus de rapidité. Mais depuis lors, l’éducation nationale, comme l’a dit l’honorable M. Cools, a fait des progrès, les candidats ont augmenté, et dès lois les chances de retard dans les opérations électorales se sont aussi accrues.

On suppose toujours, messieurs, qu’il s’agit ici de donner un avantage aux électeurs des campagnes ; on se livre à une singulière préoccupation. Est-ce que, par hasard, il n’y a pas en Belgique d’autres villes que les chefs-lieux de district où l’on se réunit pour les opérations électorales ? Est-ce que, hors de ces chefs-lieux, il n’y a pas autre chose que des villages ? Je prends, par exemple, l’arrondissement de Louvain ; je ne veux pas citer toutes les villes que cet arrondissement renferme, je ne citerai que Diest et Tirlemont, deux villes assez importantes. Je pourrais citer l’arrondissement de Nivelles ; cet arrondissement renferme une ville presque aussi importante que Nivelles même, Wavre.

Je pourrais passer en revue tous les districts du pays et détruire cette singulière erreur, cette singulière préoccupation qui fait dire que l’on réclame ici un avantage en faveur des campagnes. Ce que l’on veut, c’est rétablir, en quelque sorte, l’égalité pour l’exercice des droits électoraux ; on veut la rétablir au profit, non pas des électeurs des campagnes seulement, mais au profit de tous les électeurs étrangers aux chefs-lieux de district. Les électeurs résidant au chef-lieu ont, pour l’exercice de leurs droits électoraux, une facilité que n’ont pas les électeurs résidant hors du chef-lieu. Voilà la seule idée qui doit préoccuper, et non la malheureuse distinction que l’on fait entre les électeurs des campagnes et les électeurs des villes.

Vous détruisez, dit-on, la majorité électorale. Voilà une objection, selon moi, fort étrange. Que l’on me dise pourquoi les quatre provinces que le sort a désignées, en faisant coïncider, d’après l’article 24 de la loi électorale, les élections du sénat et de la chambre, se trouvent dans une position exceptionnelle par rapport aux cinq autres. Le tirage au sort a été opéré en 1835, si ma mémoire est bonne, et le sort a désigné comme province où la coïncidence doit exister, la Flandre orientale, le Hainaut, Liége et le Limbourg. Mais le sort aurait pu assigner une tout autre position à ces provinces. Moi, je dis que la position doit être la même, n’importe quelle a été la désignation du sort. C’est pour qu’il y ait une espèce de droit commun pour l’exercice du droit électoral, que je veux que l’on ramène aux mêmes conditions de l’exercice de ce droit toutes les provinces indistinctement. C’est là le but du vote simultané. Je veux que le droit soit égal. Aujourd’hui il y a véritablement inégalité, et inégalité due à la cause la plus bizarre, au sort.

Il y a peut-être au fond de votre pensée cette idée que la majorité électorale est autre en 1843, par exemple, parce que la coïncidence des élections pour les deux chambres existe, et que cette coïncidence astreint à des conditions particulières les électeurs. Mais pourquoi cette différence, précisément ? Pourquoi voulez-vous que, pour cette année, où il y a coïncidence, les conditions pour l’exercice du droit électoral soient autres que les autres années dans les provinces où il n’y a pas coïncidence ? Je trouve dans cet aveu que la disposition que nous discutons pourrait changer la majorité électorale, aveu que je ne reconnais pas comme fondé, mais dont je prends acte, la raison la plus forte pour demander que l’art. 24 ne soit pas maintenu.

Je l’ai dit et je ne saurais assez le répéter : il faut qu’il y ait un droit commun, une véritable égalité pour l’exercice des droits électoraux. Je ne veux pas que les droits électoraux s’exercent avec d’autres chances lorsqu’il y a coïncidence, avec d’autres chances lorsqu’il s’agit des élections pour une seule chambre. Je ne suis préoccupé ni des villes ni des campagnes, ni des intérêts d’aucun parti. Je crois que la loi de 1831 par l’art. 24 dénote encore la précipitation avec laquelle elle a été votée. Comment vouloir que le même jour, dans les grands districts surtout, on puisse procéder peut-être à quatre scrutins. Je dis qu’il y a là une véritable impossibilité matérielle.

Aussi la question de principe, qui serait véritablement à poser, serait celle-ci : Faut-il changer l’art. 24 de la loi électorale ? Eh bien ! si la question était ainsi posée, il y aurait presque unanimité pour répondre : oui, il faut le changer. Nos objections ne portent réellement que sur le mode de changement. Tout le monde comprend qu’il y a ici quelque chose à faire.

Je bornerai là mes observations.

M. de La Coste. - Messieurs, je désirerais vivement que la décision que prendra la chambre pût réunir aux voix de la majorité, celles de la minorité assez considérable qui s’est prononcée sur plusieurs questions ; cette circonstance heureuse donnerait à la loi plus de force morale et d’empire. Mais, quant à moi, à moins qu’on ne propose quelque chose de nouveau, qui atteigne le but qu’on a en vue, sans tomber dans des inconvénients plus grands, quelque chose que moi-même j’ai cherché dans mes réflexions et que je n’ai pas trouvé, j’adopterai le principe qui vous est proposé.

Je ne crois pas que nous devrions en ce moment nous préoccuper des moyens d’exécution, à moins qu’en réalité on n’y trouve une impossibilité absolue ou une difficulté presque équivalente. Lorsqu’on est bien d’accord sur un principe, les moyens d’exécution se trouvent assez facilement.

On a parlé, messieurs, du droit qui serait enlevé à un éligible, le droit d’aspirer d’abord au sénat et, ensuite, à la chambre, s’il échouait à la première élection. Mais, messieurs, à proprement parler, lorsqu’on se présente devant la nation, on ne s’y présente avec aucun droit.

Le droit est du côté des électeurs, et c’est du droit des électeurs que nous devons nous préoccuper. La mesure en discussion gêne peut-être en certains cas, jusqu’à un certain point, l’exercice de ce droit ; mais n’est-ce pas une gêne bien plus grande, n’est-ce pas, pour ainsi dire, anéantir partiellement le droit des électeurs que, tout en le reconnaissant, de le régler de manière qu’on a d’avance la certitude morale qu’un grand nombre d’entre eux n’en fera pas usage ? N’est-ce pas porter à ces droits une bien plus rude atteinte, de l’annuler par le fait pour un grand nombre, que d’y apporter une certaine gène dans des circonstances tout à fait exceptionnelles et plus hypothétiques que réelles ?

L’honorable M. Dolez a dit qu’il faudrait supposer une grande négligence de la part des électeurs, s’ils trouvaient quelque difficulté à se rendre au moins tous les huit ans à de semblables élections. Mais n’est-ce pas supposer aussi aux électeurs une bien grande négligence, que de croire qu’ils ne pourront écrire au-dessus de certains noms : sénateurs, au-dessus de certains autres : représentants ?

Messieurs, lorsqu’on a quelquefois onze lieues à faire, pour arriver aux élections, bien des personnes qui ne sont pas sans zèle, sans bonne volonté, restent pourtant en arrière. Il faut prendre les hommes pour ce qu’ils sont, il faut être de notre temps et en connaître la situation. Certainement nous devons désirer que des électeurs soient animés de beaucoup de zèle pour remplir leurs fonctions ; mais il faut voir ce qui se passe et ne pas vouloir ce qui n’a pas réellement lieu. D’ailleurs, nous n’avons pas ici à juger les électeurs, mais nous avons un devoir à remplir envers eux ; notre devoir est de leur faciliter l’exercice de leurs droits. Nous ne devons pas trop exiger de leur zèle quand nous pouvons leur épargner des efforts.

Il y aura, a-t-on dit, d’après les dispositions de la nouvelle loi, moins de temps perdu. Je crois qu’il sera toujours difficile de pouvoir procéder successivement dans la même journée à des élections nombreuses de sénateurs et de députés. Cela sera très difficile, surtout s’il y a ballottage, et si, comme l’a dit M. le comte de Theux, l’élection a lieu dans un temps où les jours sont courts, où les chemins sont difficiles.

On a dit que l’on pourrait mettre un mois d’intervalle entre les élections pour les deux chambres. Mais, dans certains cas, cela serait à peu près impossible, notamment lorsqu’il y aurait par exemple, une dissolution des chambres, et qu’il serait nécessaire, dans l’intérêt de l’Etat, pour pourvoir peut-être à de grands dangers, de convoquer le parlement à bref délai.

Je verrais encore en ceci un grand inconvénient : c’est qu’il y aurait une espèce d’intérêt de la part d’un parti, quel qu’il soit, à employer des moyens d’intimidation à la première élection pour dégoûter les électeurs de se rendre à la seconde convocation.

Messieurs, j’ai été témoin des dernières élections de Bruxelles dont on a parlé ; et, je le reconnais avec plaisir, c’est une chose admirable et qui peut-être n’aurait lieu que dans notre pays, de voir autant d’électeurs réunis et les choses se passer avec autant d’ordre. Et cependant je dirai qu’il est à ma connaissance qu’il y a des électeurs, qui appartiennent à des classes assez éclairées pour ne pas se laisser facilement intimider, qui sont revenus de ces élections en faisant le vœu bien formel de ne jamais y reparaître. Que serait-ce donc, si l’intimidation était systématiquement employée ?

Suivant l’honorable M. Cools, la loi serait un marché, et un marché désavantageux présenté à la minorité. Quant à moi, je ne la considère pas sous ce point de vue, et je demanderai la permission d’expliquer mon opinion à cet égard, parce que j’ai été un de ceux qui ont engagé M. le ministre de l’intérieur à nous présenter une loi complète.

Je ne renie pas cette opinion qui a été attaquée par l’honorable M. Cools. Ce n’est pas que je croie qu’il faille des compensations à une opinion quelconque pour une disposition qui mettrait, sous certains rapports, plus de sincérité dans les élections. C’est là un bien pour toutes les opinions ; au moins toutes les opinions devraient le désirer ; mais je crois qu’en nous occupant d’un certain genre d’abus, nous aurions montré de la partialité, si nous avions fermé les yeux sur les autres. Faire une disposition pour détruire telle espèce d’abus, tout en laissant subsister telle autre espèce, c’eût été faire une loi partiale. Quant à moi, je ne me serais pas prêté à forger, sous le nom de loi, un instrument pour marquer au front une opinion quelconque, une opinion grande et respectable ; à forger sous le nom de loi, un instrument pour repousser certains de nos collègues dans le néant politique ; je l’ai dit, nous n’avons pas de droit devant le pays ; nous ne devons ni ne pouvons faire une loi en faveur de ces collègues ; mais voici ce que nous pouvons et ce que nous devons faire pour eux comme pour leurs concurrents ; ils vont paraître devant les électeurs, que ce soit devant tous les électeurs ; le pays va les juger par l’organe de ceux-ci ; faisons donc en sorte que le tribunal soit complet. Ce n’est certainement pas là changer la majorité, c’est faire que la majorité soit présente, que la majorité soit réelle.

On a dit aussi qu’il ne s’agissait ici que de l’intérêt des campagnes. M. le ministre de l’intérieur a répondu à cet argument. Il a cité l’arrondissement qui m’a fait l’honneur de m’envoyer dans cette enceinte. Je pense que l’on pourrait encore tirer de cet exemple beaucoup d’arguments en faveur de la loi. Je n’ai pas la prétention d’être dans le secret des partis, mais j’incline à croire que, pour la réalisation de ce vœu de la loi électorale, que les différentes opinions soient tempérées l’une par l’autre ; il est utile, par exemple, que les électeurs de Tirlemont arrivent à Louvain. Je ne crois pas que cela ait pour résultat de donner lieu à des choix plus prononcés dans le sens de l’opinion que la minorité combat ; je crois plutôt le contraire. Eh bien, messieurs, quoique l’on trouve la chose si facile, le fait est que les électeurs de Tirlemont ont été longtemps dégoûtés de se transporter à Louvain. Et pourquoi cela, messieurs ? Remarquez, je vous prie, que dans les élections il ne s’agit pas uniquement d’affaires de parti ; dans un grand arrondissement il y a différents intérêts qui doivent être représentés, et les électeurs d’une ville ne se transporteront pas au chef-lieu si les électeurs des campagnes environnantes, qui ont des intérêts communs avec eux, ne viennent les appuyer. Voilà, messieurs, ce qui a eu lieu le plus souvent de fait à Tirlemont jusqu’à une époque récente.

On a encore cité l’arrondissement de Nivelles, et, en vérité, je ne crois pas que les électeurs de Wavre, de Jodoigne et des communes environnantes, eussent beaucoup de gré à leurs députés de multiplier les obstacles qui s’opposent à ce qu’ils exercent leurs droits, et qui sont déjà si grands, puisqu’il y a de ces électeurs qui ont onze lieues à faire.

Je crois, messieurs, que l’on se préoccupe trop des idées de parti ; cette fièvre n’est peut-être pas aussi répandue dans le pays qu’on se l’imagine, ou du moins, quand elle aura sévi quelque temps, quand elle aura malheureusement fait beaucoup de mal au pays, on en reviendra à des idées plus saines. Quoi qu’il en soit, je dirai seulement : Trouvez-vous que les électeurs des campagnes aient trop d’influence, proposez franchement de leur enlever une partie de leurs droits électoraux, mais aussi longtemps que la loi est telle qu’elle existe aujourd’hui, il faut que les droits qu’elle confère soient réels, soient effectifs, On ne peut dire à certain électeur, à une classe d’électeurs : Abstenez-vous ! restez chez vous ! S’il est des électeurs, des classes d’électeurs qui puissent trouver des motifs de s’abstenir, de rester chez eux, ces motifs doivent être puisés dans leur propre appréciation, dans les considérations morales, dont ils sont juges, mais ne doivent jamais résulter d’obstacles matériels qu’il est de notre devoir d’aplanir.

M. Mercier. - Je ne puis assez le répéter, messieurs, je suis d’accord sur le principe avec ceux qui veulent que tous les électeurs indistinctement prennent part aux opérations électorales, qu’ils appartiennent aux villes ou aux campagnes. Voilà, messieurs, le principe dont il s’agit dans cette discussion. Quant à la simultanéité qui est proposée, c’est un mode et non un principe ; la simultanéité est un moyen d’arriver au résultat que l’on a en vue, mais il faut examiner si ce moyen est le meilleur, s’il ne présente pas de trop grands inconvénients, s’il ne serait pas possible d’y substituer un autre mode plus convenable et plus constitutionnel.

Pour tous ceux qui ont assiste à des élections, il est évident que dès qu’il se présente la moindre complication, il se commet de nombreuses erreurs ; cela n’arrive pas seulement dans les élections pour les chambres, pour la province pour la commune, cela se remarque aussi dans des élections de sociétés composées de membres fort éclairés. Je pourrais invoquer, à cet égard, le témoignage de l’honorable membre qui a parlé avant moi ; il pourrait nous dire que dans certaine société haut placée, il se commet une foule de méprises dans les scrutins qui se font pour l’admission de nouveaux membres, chaque fois que les opérations ne sont pas rendues très simples.

Eh bien, messieurs, les inconvénients de cette nature, qui se rencontrent déjà aujourd’hui dans les élections, seront bien plus nombreux lorsqu’il faudra procéder simultanément à la nomination des sénateurs et des membres de la chambre des représentants. Beaucoup de bulletins ne distingueront pas d’une manière suffisante les suffrages qui seront donnés pour le sénat de ceux qui auront pour objet de désigner un candidat à cette chambre, ce sera là une source de confusions funestes à la sincérité du résultat électoral. D’un autre côté, on s’imagine que l’on abrégera les opérations ; je crois que l’on se trompe sur ce point ; le dépouillement va devenir extrêmement difficile et compliqué ; il demandera la plus grande attention et un temps considérable ; les listes que tiendront les scrutateurs comprendront tant de noms qu’il y aura nécessairement un intervalle assez long entre chaque vote ; il arrivera que, par suite de cette complication, des votes destinés à une chambre seront attribués à l’autre ; il y a là, selon moi, des obstacles très sérieux à l’application du mode proposé.

Nous nous opposons aussi à la simultanéité des votes par des arguments puisés dans les principes constitutionnels. M. le ministre de l’intérieur a répondu : « Mais déjà, dans certains cas, l’on ne commence pas par l’élection des sénateurs. » Ce n’est pas sur ce point que porte l’objection principale qui a été faite, cette objection consiste en ce que tout citoyen éligible doit indistinctement pouvoir être porté à la chambre, s’il ne réussit pas pour le sénat, ou au sénat s’il avait échoué pour la chambre, dans le cas où l’on procéderait d’abord à l’élection des membres de la chambre ; cette objection n’a pas été détruite.

M. le ministre de l’intérieur a aussi fait remarquer qu’aujourd’hui il n’y a point parité pour toutes les localités du royaume, qu’il y a des provinces où l’élection des sénateurs se fait à des époques autres que celles où l’on procède à l’élection des membres de la chambre des représentants.

Eh bien, l’honorable M. Dolez a indiqué les moyens qui se rapprochent précisément de ce qui se passent dans les provinces où les deux élections ne se font pas le même jour, en proposant d’ajourner le vote, soit pour le sénat, soit pour la chambre des représentants. On craint, dit-on, que ce ne soit imposer aux électeurs des déplacements trop fréquents qui les empêcheraient peut-être d’aller prendre part aux opérations électorales ; l’élection des sénateurs n’ayant lieu que tous les huit ans, je ne crois pas que les électeurs s’abstiennent de concourir au choix des membres de la représentation nationale, pour un dérangement qui ne doit se renouveler qu’à des époques très éloignées. Je ne me dissimule cependant pas qu’il y a là un inconvénient, mais il peut être écarté dans le plus grand nombre des cas.

Dans la plupart des collèges, il n’y a point de scrutin de ballottage, les opérations électorales se terminent au premier vote ; l’ajournement pourrait donc n’être que d’une application très restreinte, en l’appliquant seulement aux bureaux dans lesquels il y aurait scrutin de ballottage ou qui, par suite de circonstances quelconques, n’auraient pas commencé l’élection des députés à une heure à déterminer ; on atteindrait ainsi avec le moins d’inconvénients possible et sans froisser ni les principes constitutionnels ni les droits des candidats le but que l’on se propose, but auquel je m’associe franchement, et qui tend à ce que les électeurs des campagnes et des villes puissent exercer leur droit ; il est impossible d’éviter tout inconvénients ; mais la mesure étant ainsi restreinte, les électeurs ne seraient rappelés que dans un sixième on peut-être même un huitième des collèges électoraux du royaume ; si cette combinaison me paraît dans la discussion avoir quelque chance d’être agréée par le cabinet ou par la majorité qui l’appuie, j’en ferai la proposition à la chambre.

Quant à la simultanéité, elle présente des inconvénients de toute espèce ; ainsi que je l’ai déjà dit, au lieu d’abréger les opérations, ce mode aura probablement pour effet de les retarder considérablement ; en tout cas, il fera naître la confusion et donnera lieu à des erreurs nombreuses qui rendront les élections vicieuses et contraires parfois au vœu national ; il compliquera le travail du bureau, travail qu’il importe, au contraire, de simplifier, attendu que les scrutateurs n’ont pas tous l’habitude de ces sortes d’opérations ; enfin, elle restreint les droits des candidats et porte atteinte aux principes constitutionnels. Voilà, messieurs, des objections qui sont très sérieuses ; un plus long examen en ferait découvrir bien d’autres encore. Je ne prétends pas que le mode que j’indique soit à l’abri de toute objection, mais je suis intimement convaincu que l’ajournement des opérations ainsi réduites à un très petit nombre de bureaux, donnerait lieu à fort peu d’inconvénients, tandis que la proposition de la section centrale en renferme de très graves ; je crois d’ailleurs que l’adoption du mode que j’indique rallierait au projet bien des voix qui le repousseront si l’on persiste dans le système de simultanéité du vote pour les deux chambres.

M. Dumortier. - Messieurs, la disposition qui est en discussion a pour but de prévenir deux inconvénients qui se sont présentés jusqu’ici.

Il est prouvé d’abord par l’expérience que jusqu’ici, lorsque des élections ont lieu en même temps pour la chambre des représentants et pour le sénat, et qu’il y a eu ballottage, le ballottage est presque toujours remis au lendemain. Ainsi, dans la localité qui m’a fait l’honneur de m’envoyer dans cette enceinte, deux fois en pareil cas, le scrutin de ballottage a été remis au lendemain.

Il résulte delà un inconvénient bien grand, c’est que bon nombre d’électeurs, ne peuvent pas prendre part au scrutin de ballottage.

On a cité divers arrondissements, Je citerai, à mon tour, l’arrondissement de Tournay. Indépendamment du chef-lieu, il y existe deux villes importantes, Péruwels et Leuze, qui ont chacune 10,000 habitants environ ; je vous le demande, n’est-ce pas déjà un grand sacrifice de la part des électeurs de ces villes et des campagnes environnantes, de devoir faire huit lieues pour venir déposer leur bulletin ? Faut-il encore les forcer de loger à Tournay pour pouvoir prendre part, le lendemain, au scrutin de ballottage ? Ce serait une chose véritablement vexatoire.

Il ne peut résulter de la disposition aucun préjudice pour les électeurs des chefs-lieux. Si elle était de nature à amener un préjudice quelconque pour les électeurs des villes où se fait l’élection, je la repousserais ; elle a simplement pour but de faciliter aux électeurs de la campagne l’exercice de leur droit électoral. Je ne pense donc pas qu’on puisse faire une objection sérieuse à un pareil système, qui tend uniquement à faciliter à chacun l’exercice de son droit d’électeur.

L’inconvénient qui a rendu nécessaire l’article en discussion a déjà été plusieurs fois signalé dans cette enceinte. C’est ainsi que mon honorable ami, M. Gendebien, avait présenté dans le temps un projet de loi ayant pour but de demander que, pour l’arrondissement de Nivelles, il y eût un scrutin ouvert à Wavre et un autre à Nivelles. Cette proposition était fondée sur le motif que les électeurs de telle partie de l’arrondissement avaient dix lieues à faire pour arriver au chef-lieu, et qu’ainsi ils avaient 20 lieues à faire pour pouvoir exercer leur droit électoral,

Il est temps que de pareils inconvénients viennent à cesser.

Encore une fois, s’il s’agissait de léser les chefs-lieux, je concevrais l’opposition que l’on fait au principe que nous discutons ; mais cette opposition, je ne la conçois pas, lorsqu’il s’agit uniquement de permettre aux électeurs de la campagne, éloignés du chef-lieu, de venir déposer leur vote.

On a dit que la disposition aurait, pour conséquence d’empêcher un moyen qui se serait porté au sénat et qui aurait échoué, de se présenter pour la chambre.

Je dirai que si l’on poursuit avec vigueur ce principe dans ses extrémités, ou arriverait à ce résultat qu’il faudrait, pour donner à tout citoyen qui aurait échoué une première fois, la possibilité de se représenter toujours quelque part, qu’il faudrait échelonner les opérations des collèges électoraux jour par jour ; ce qui se pratique en Angleterre. Là un candidat, grâce à ce système, peut se présenter devant d’autres électeurs, s’il a échoué dans un premier collège. Voilà le système de la loi anglaise. Mais notre loi électorale n’a rien voulu de semblable, Elle a voulu que les opérations électorales se fissent simultanément le même jour, sauf cependant les opérations électorales extraordinaires, qui sont, par exemple, la conséquence d’une dissolution. C’est ainsi que lors de la dissolution prononcée en 1833, sous le ministère de M. Lebeau, on a échelonné les opérations électorales à huitaine, pour offrir à ceux qui ne seraient pas réélus dans un collège le moyen de se présenter devant un autre collège, et si ma mémoire est fidèle, deux ministres de l’époque, qui n’avaient pas été réélus dans les collèges qui les avaient élus la première fois, ont profité du bénéfice de cette disposition pour se faire élire dans un autre collège.

Je dis donc, messieurs, que si l’on poussait dans les dernières conséquences l’argument invoqué par nos honorables adversaires, on tomberait dans l’absurdité.

Il est d’ailleurs un fait incontestable, c’est que celui qui veut se porter pour le sénat, pourra en même temps se présenter pour la chambre. S’il s’agit d’un citoyen tellement important que les électeurs en veulent à tout prix, ils pourront le porter sur les deux listes. En outre, toute personne a droit à chercher de se faire élire par plusieurs collèges électoraux. Il est arrivé déjà plusieurs fois que des collèges différents ont élu la même personne. Pour mon compte, j’ai été élu deux fois dans deux localités différentes.

Je ferai maintenant remarquer qu’en pratique il ne sera pas possible qu’un candidat au sénat, qui aura échoué dans le premier vote, se présente avec chance de succès pour la chambre des représentants.

Comment se font les élections ? Deux partis sont en présence. On dresse une liste dans chacun des deux camps. Les candidats au sénat portés sur une liste appuient les candidats à la chambre des représentants, portés sur la même liste, et vice-versa. Je suppose maintenant qu’un candidat au sénat vienne à échouer. Y aura-t-il parmi les candidats à la chambre des représentants quelqu’un qui viendra lui dire : Je me désiste de ma candidature en votre faveur ? Cela n’est pas présumable.

D’ailleurs, il serait impossible dans le moment de modifier les listes, de manière à assurer la majorité au nouveau candidat. C’est ce qui est arrivé à Mons, à l’occasion de l’élection qu’a rappelée l’honorable M. Verhaegen. Un honorable sénateur d’un grand mérite, qui avait échoué dans sa candidature pour le sénat, ne fut pas plus heureux lorsqu’il se représenta immédiatement pour la chambre des représentants.

On est donc fondé à dire qu’en pratique, lorsqu’on a échoué une première fois pour le sénat, il n’est pas possible qu’on se porte immédiatement avec chance de succès candidat à la chambre des représentants.

Messieurs, il n’y a guère d’exemples de pays où le sénat soit électif comme en Belgique. Cependant il est un seul pays où le mode d’élection du sénat se rapproche un peu du nôtre, c’est l’Espagne, où le sénat est quasi-électif. Vous savez comment les choses se passent en Espagne ; là, on présente pour une place de sénateur trois candidats entre lesquels le Roi fait son choix ; et en Espagne il y a simultanéité du vote pour les candidats au sénat et pour les membres de la chambre des représentants. Le scrutin reste ouvert pendant plusieurs jours.,.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Oui, pendant cinq jours.

M. Dumortier. - Cette circonstance ne modifie en rien le principe de la simultanéité ; cela ne justifie en aucune manière l’argument qu’on a présenté, qu’un citoyen qui échouerait dans sa candidature au sénat, pourrait se présenter pour la chambre des représentants. S’il y a là cinq jours ouverts pour le scrutin, c’est un avantage que l’on accorde aux électeurs ruraux, et ici l’on veut, pour ainsi dire, leur ôter la possibilité d’exercer leur droit électoral.

On dit : mais votre disposition est insultante pour le sénat. Je crois que le sénat connaît trop bien sa position, pour voir rien d’insultant dans ce que nous faisons ici. Mais ne pourrait-on pas renverser l’argument et dire que le système actuel qui nous régit est insultant pour la chambre des représentants ; car enfin il y a dans la chambre des représentants des membres qui pourraient être élus au sénat ; ainsi l’honorable M. Verhaegen pourrait très bien être élu au sénat ; donc, à son point de vue, la disposition qui nous régit aujourd’hui doit être insultante pour la chambre des représentants.

Messieurs, on a parlé des inconvénients du vote simultané ; je ne me dissimule pas qu’il y aura quelques petits inconvénients ; il est possible que quelques électeurs se trompent de bulletin, et qu’ils mettront sénateurs, au lieu de représentants, et vice-versa ; mais je crois que ces cas seront exceptionnels ; tous les électeurs aujourd’hui, ruraux ou citadins, sont trop pénétrés de l’importance de ce qu’ils ont à faire, pour commettre de semblables erreurs.

Ainsi les abus que l’on redoute seront bien peu nombreux. Mais ces abus, dussent-ils être plus nombreux ne seraient rien, en comparaison de l’inconvénient grave qui résulterait de l’absence d’un grand nombre d’électeurs ; il est démontré que jusqu’ici, dans les derniers scrutins, le quart des électeurs au moins ne prennent point part au vote.

L’honorable M. Mercier propose un mode différent. Il est pénétré comme nous des inconvénients du système qui nous régit ; il voudrait qu’en cas de ballottage, on convoquât les électeurs pour un autre jour ; mais je vous le demande, messieurs, pourquoi faire revenir les électeurs, alors que vous avez un moyen excessivement simple d’en finir sur-le-champ ? Le système de l’honorable M. Mercier tend à multiplier les frais des électeurs, à les obliger de ne pas se déplacer, à empêcher dès lors que la majorité des électeurs ne soit véritablement représentée. Or, je veux absolument qu’il y ait de la sincérité dans les élections pour les chambres ; à mes yeux, les chambres doivent réellement représenter le pays ; je n’ai pas peur d’une majorité libérale ou d’une majorité catholique, mais je veux que le pays sache ce qu’il vote ; je veux que ceux qui arrivent dans cette enceinte soient sincèrement les élus du peuple, et pour cela il ne faut pas qu’il y ait fraude par le fait de la loi. Jusqu’ici il y a eu fraude par le fait de la loi. Quand tous les électeurs pourront prendre part aux élections, le pays sera gouverné selon le vœu de la majorité, et, pour atteindre ce but, je ne vois pas de meilleur moyen que celui qui nous est proposé. (Très bien ! Très bien !)

M. Dolez. - Messieurs, je vous l’ai déjà dit, je ne suis pas préoccupé du point de savoir si la disposition que nous discutons est, oui ou non, favorable aux campagnes. J’ai examiné la question en elle-même, et c’est parce que je l’ai trouvée excessivement mauvaise que je l’ai combattue avec énergie. Tout ce qu’on vient de dire en faveur de la disposition n’a pas modifié mon opinion. Que la chambre me permette de dire encore quelques mots. Je serai très bref ; il me paraît d’ailleurs qu’il y a un parti pris d’adopter la disposition.

Messieurs, je crois que la disposition tournera directement contre le but qu’on veut atteindre, c’est-à-dire que je pense que, loin d’imprimer une célérité plus grande aux opérations électorales, vous allez les ralentir. Permettez-moi de vous le démontrer. Il faudra que les scrutateurs tiennent deux listes séparées pour les candidats du sénat et pour les candidats de la chambre des représentants. Leur attention sera donc divisée, et par cela même ralentie. Chaque scrutateur devra avoir à gauche une liste des votes pour le sénat, et à droite une liste des votes pour la chambre. Ne sait-on pas que quand on divise l’attention d’un homme, son action se ralentit et se trouve exposée à de nombreuses erreurs. Vous verrez porter sur la liste du sénat des votes émis pour la chambre des représentants et porter sur la liste de la chambre des représentants des votes destinés au sénat. De là nécessité de vérification nouvelle. Au lieu de vérifier une fois, il faudra vérifier deux, trois et quatre fois. Loin d’aller plus vite, les bureaux procéderont avec plus de lenteur, et les opérations, loin de se terminer à une heure moins avancée, aboutiront très avant dans la soirée et même au lendemain, dans la majeure partie des cas où il y aura un scrutin de ballottage.

Il est un autre inconvénient grave que je signale à l’attention de la chambre et dont jusqu’à présent on n’a pas encore parlé. Vous voulez que les opérations se fassent simultanément. Il y aura donc un seul et même procès-verbal pour les deux élections, toutes deux dériveront d’une même opération. Cependant vous aurez deux pouvoirs séparés, appelés à apprécier la validité du procès-verbal de l’élection. Qu’arrivera-t-il, si d’un côté la chambre proclame les opérations entachées d’illégalité, et que, d’autre part, le sénat les déclare valides ? Croyez-vous que la dignité de la représentation nationale ne souffrira pas de cette contradiction ? Vous aurez un représentant exclu et un sénateur admis, le premier parce que l’opération électorale aura été déclarée illégale, le deuxième, parce que la même opération aura été déclarée légale ! Croyez-vous que le pays se trouvera satisfait en présence de décisions contradictoires sur la validité de ses élections, pensez-vous que la dignité de la représentation nationale n’en éprouvera pas quelqu’atteinte ?

Dans l’état actuel des choses, la chambre décide souverainement, il n’y a pas de pouvoir pour décider qu’elle a commis une erreur, quand elle a jugé une élection nulle ou valable. Le sénat apprécie, d’un autre côté, comme il l’entend les élections de ses membres, il n’y a pas de censure d’une chambre vis-à-vis de l’autre. La dignité parlementaire, je le répète, ne sortira pas intacte du résultat que je vous signale. Je crois messieurs, qu’il est impossible de répondre à cette objection.

Qu’on ne dise pas que cela arrivera rarement, car avec la disposition proposée, l’erreur sera la règle et la régularité l’exception, il n’y aura pas d’élection qui ne donne matière à réclamation ; il y aura une foule d’incertitudes sur le point de savoir si des votes doivent être attribués à la chambre des représentants ou au sénat.

Je vous l’ai déjà dit, je suis grand partisan de tout ce qui tend à faciliter aux électeurs l’exercice de leurs droits, mais je suis plus partisan encore de tout ce qui tend à donner des résultats non équivoques. Les élections, avec la proposition de M. le ministre de l’intérieur ou celle de la section centrale, donneront dans la plupart des cas des résultats équivoques. En effet, que les bulletins portent uniquement les noms des membres actuels de la chambre, il faudra porter ces noms sur la liste du sénat, et cependant il sera certain pour que tous les électeurs auront voulu les renvoyer à la chambre des représentants.

Je suppose qu’il y ait à élire trois sénateurs et six représentants. Qu’on ne porte que trois noms sur les bulletins, les trois suffrages seront comptés pour le sénat et cependant ils porteront sur trois membres surtout de cette chambre, qui, souvent, ne seront pas même éligibles au sénat. Supposez que l’élection n’ait lieu qu’à une voix de majorité, ne croyez-vous pas que le vœu électoral sera faussé par l’attribution au sénat de votes qui, consciencieusement, auraient dû être attribués à la chambre ? Cet exemple pourrait se représenter dans une infinité de cas ; car, comme je l’ai déjà dit, l’erreur sera la règle et la régularité l’exception dans nos élections.

Mon honorable collègue, M. Verhaegen, a rectifié une erreur échappée à l’honorable rapporteur, en ce qui concerne un fait arrivé au collège électoral de Mons. Je ne me rappelle pas avec exactitude ce qui s’y est passé, bien que je fisse alors partie de ce collège, de sorte que je ne pourrais pas garantir si, en réalité, M. le comte Duval de Beaulieu s’est porte immédiatement candidat pour la chambre après avoir échoué dans sa candidature pour le sénat ; cependant j’ai quelque propension à croire qu’il en a été ainsi. Mais ce que je me rappelle, c’est que M. Duval non seulement s’était présente pour la chambre, mais avait été élu. Mais, par une décision de la chambre, l’élection avait été annulée, et c’est sur une nouvelle convocation du collège électoral que son concurrent, M. de Puydt, l’a emporté. Il est impossible qu’une pareille position ne se présente pas encore. Il est très possible qu’après avoir échoué pour le sénat, un candidat se présente pour la chambre des représentants. Si vous aimez à donner des facilités aux électeurs, tâchez de concilier ces facilités avec leur liberté. Pour moi, je préfère la liberté à la facilité. Pour faciliter l’exercice de son droit à l’électeur, vous entravez, dans un cas donné, sa liberté.

Que dirai-je d’ailleurs de l’exemple que l’honorable M. Dumortier a été cherché en Espagne. Je ne sais trop de quelle manière on vote en Espagne, mais, dans tous les cas, ce n’est pas là que j’irai chercher des exemples pour la pureté des institutions. MM. Cools, Mercier et moi, nous avons dit que nous ne demandions pas mieux que de faciliter les opérations électorales, de faciliter a tous l’accès de l’urne électorale, mais aussi nous ne voulons pas un moyen fécond en inconvénients aussi graves que ceux que nous avons signalés. Nous avons pensé que, pour atteindre le but qu’on annonce, il fallait prendre toutes les mesures possibles pour imprimer la plus grande rapidité aux opérations ; c’est dans ce but que j’ai proposé l’amendement que M. de Theux a combattu.

Permettez-moi de répondre à quelques-unes des objections que cet honorable membre a présentées. Il a dit que cette disposition était inusitée, insolite. C’est une erreur de l’honorable membre. Il me permettra de lui répondre, un texte de loi à la main, l’article 268 du code d’instruction criminelle relatif aux présidents des cours d’assises. C’est cette disposition que j’ai transcrite dans mon amendement. Cet article porte : Le président est investi d’un pouvoir discrétionnaire, en vertu duquel il pourra prendre sur lui tout ce qu’il croira utile pour découvrir la vérité, et la loi charge son honneur et sa conscience d’employer tous ses efforts pour en favoriser la manifestation.

Mais, a dit M. de Theux, les bureaux électoraux sont présidés par des magistrats qui ont fait serment de respecter la loi ; il est inutile de faire appel à leur honneur, à leur conscience pour imprimer aux opérations électorales de la rapidité. L’article 268 du code l’instruction criminelle, que je viens de citer, réfute l’objection. En effet, bien que le président de la cour d’assises ait, lui aussi, prêté serment de respecter la loi, vous voyez que celle-ci n’hésite pas, dans un cas spécial, à faire appel à son honneur et à sa conscience pour rechercher la manifestation de la vérité.

M. de Theux. - Il y a une grande différence.

M. Dolez. - Oui, il y a une grande différence, car dans la loi électorale, il n’y a aucune disposition qui dise que le président devra imprimer de la rapidité aux opérations, et dans le code d’instruction criminelle, il y a une disposition qui prescrit au président de tout faire pour obtenir la manifestation de la vérité.

La différence est donc en faveur de mon opinion, de ma proposition. Permettez-moi, messieurs, de répondre à une dernière observation que j’ai trouvée, à deux reprises dans la bouche de M. le ministre de l’intérieur. Ce que nous demandons, a-t-il dit, c’est l’égalité entre les provinces. Nous voulons que dans les provinces où des sénateurs et des représentants sont élus le même jour, la position soit la même que dans celles où ces élections n’ont pas lieu la même année.

Je réponds à M. le ministre que cette égalité de position, la mesure proposée ne l’atteint pas.

Est-ce que vous appelez, dans les provinces où les élections des deux chambres n’ont pas lieu la même année, les électeurs à voter concurremment pour les sénateurs et les représentants ? Non. Ils votent séparément ; de plus, ils ont la charge de devoir voter à deux époques, à deux années d’intervalle, la charge de se déplacer deux fois pour une. Loin de rétablir l’égalité, vous allez agrandir l’inégalité qui existe. Dans la thèse du ministre, c’est une charge de devoir revenir deux fois pour le sénat et la chambre des représentants. Eh bien, ces autres provinces ont déjà cette charge, et vous prétendez rétablir l’égalité entre toutes les provinces, en disant que d’un côté on votera séparément et de l’autre cumulativement. La disparate qui résultera de cette disposition sera plus grande que celle qu’on voulait faire cesser. D’un côté, il y aura des élections séparées, et de l’autre des élections cumulées. C’est une disparate choquante, et d’autant plus inévitable, qu’elle est féconde en inconvénients de toute nature. Ces inconvénients, nous vous les avons signalés : ne les verront pas ceux qui sont décidés à ne pas les voir.

M. Malou. - L’honorable préopinant vient de dire que l’honorable M. Verhaegen avait constaté à ma charge une erreur de fait relativement à la double candidature de M. le comte Duval de Beaulieu. Ce fait a été cité à une de vos dernières séances par l’honorable M. Verhaegen. Dans la section à laquelle j’appartiens ainsi que lui, il n’avait parlé que du futur, il avait dit que deux membres du sénat, s’ils n’étaient pas réélus, se mettraient sur les rangs pour la chambre des représentants. Ce sont deux membres certains de leur réélection. Cela ne prouvait pas beaucoup. J’ai combattu les possibilités. Quand on a affirmé qu’un exempte s’était présenté antérieurement, je n’ai rien dit, car le fait m était complètement inconnu ; ne disant rien, je ne pouvais pas commettre d’erreur.

Plusieurs membres. - La clôture !

- La clôture mise aux voix est prononcée.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. le ministre.

Plusieurs membres. - L’appel nominal !

- Il est procédé à l’appel nominal.

84 membres prennent part au vote.

52 répondent oui.

32 répondent non.

La chambre adopte.

Ont répondu oui : MM Coppieters, de Behr, Dechamps,, Dedecker, de Garda, de La Coste, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Potter, Deprey, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, d’Huart, Dubus (aîne), Dubus (Bernard), Dumortier, Duvivier Eloy de Burdinne, Fallon, Henot, Huveners, Hye-Hoys, Kervyn, Lejeune, Malou, Mast de Vries, Meeus, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters, Rodenbach, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Vandenbossche, Van Volxem, Wallaert, Zoude et Raikem.

Ont répondu non : MM. Coghen, Cools, David, de Baillet, Delehaye, Delfosse, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Dolez, Dumont, Fleussu, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Mercier, Orts. Osy, Pirmez, Puissant, Rogier, Savart-Martel, Sigart, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Verhaegen et Vilain XIIII.

M. le président. - Viennent maintenant les amendements de M. Malou.

M. Delfosse. - J’ai présenté hier un amendement qui se lie à la dernière proposition de M. Malou.

La dernière proposition de M. Malou est ainsi conçue :

« Le bulletin qui ne contiendra de suffrages valables que pour l’élection des membres de l’une des chambres, n’entrera point en compte, afin de déterminer le nombre des votants pour l’élection de l’autre chambre. »

L’amendement que j’ai présenté hier porte, au contraire, que la nullité des suffrages d’un bulletin n’entraîne pas la nullité du bulletin lui-même, et que, par conséquent, il entre en compte pour fixer le nombre des votants.

Il me semble qu’il faut discuter cet amendement en même temps que la proposition de M. Malou.

M. le président. - M. Delfosse a la parole pour développer son amendement.

M. Delfosse. - Messieurs, j’ai renoncé hier à plusieurs amendements que je m’étais proposé de présenter. Les dispositions de la chambre m’en faisaient prévoir le rejet, et je ne voulais pas prolonger inutilement les discussions.

Je n’ai pas renoncé à celui dont je vais avoir l’honneur de vous soumettre les motifs, parce que je le regarde comme très important et parce que je le crois de nature à être accepté par les deux opinions.

L’art. 31 de la loi électorale porte que les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître sont nuls, ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main.

L’art. 32 porte que les bulletins nuls n’entrent point en compte pour fixer le nombre de votants.

Il n’y a rien à dire contre ces deux dispositions. Le votant qui se fait connaître, comme celui dont le bulletin n’est pas écrit à la main, n’est pas censé faire un acte sérieux, il viole la loi ; on fait bien de le considérer comme n’ayant pas pris part au vote.

Mais en est-il de même de celui qui dépose dans l’urne un bulletin régulier, contenant des suffrages qu’il croit valables, mais qui sont annulés par le bureau, parce que la désignation n’est pas suffisante ? Non, sans doute, il n’y a là aucune violation de la loi, il y a erreur excusable. Cependant on a décidé que dans ce cas le bulletin était aussi nul et qu’il ne devait pas entrer en compte pour fixer le nombre des votants.

C’est là une décision que je ne puis admettre, et si, comme on le soutient, elle est fondée sur la combinaison des art. 31, 32 et 34 de la loi électorale, il y a moyen d’introduire une disposition nouvelle ; c’est le but de mon amendement.

L’interprétation qui a prévalu présente le danger le plus grave, le candidat d’une imperceptible minorité peut être élu à l’aide de cette interprétation ; je rendrai la chose claire par un exemple

Supposons un collège électoral, composé de 100 électeurs.

Deux candidats sont sur les rangs.

Pierre, avocat.

Paul, industriel.

Pierre a pour lui 95 électeurs ; 91 électeurs se bornent à mettre sur leur bulletin le nom de Pierre, sans ajouter la qualité d’avocat ; 4 électeurs ajoutent cette qualité au nom.

Paul, industriel, obtient les cinq autres suffrages.

Les 91 suffrages donnés à Pierre, sans autre désignation, sont déclares nuls, comme ne portant pas une désignation suffisante ; il se trouve qu’à l’insu des électeurs, il y a dans le district deux individus auxquels ces suffrages peuvent s’appliquer.

Par suite de l’annulation des suffrages, les 91 bulletins sont déclares nuls, ils n’entrent pas en compte pour fixer le nombre des votants ; il en résulte que sur 100 électeurs présents et qui ont réellement pris part à l’opération, 9 seulement sont censés avoir voté. Paul ayant eu 5 suffrages sur 9 (en réalité sur 100) est élu.

Pierre, qui avait presque l’unanimité pour lui, est écarté par suite d’une erreur. Si l’on recommençait l’opération, il aurait certainement 95 suffrages pour lui.

Voilà, messieurs, un exemple frappant du danger que présente la loi actuelle, telle qu’elle est interprétée ; il suffit, je pense, pour justifier mon amendement.

- L’amendement de M. Delfosse est appuyé.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Delfosse avait bien voulu me prévenir de son amendement qui est maintenant imprimé et distribué ; il fait une distinction entre la nullité des suffrages et la nullité du bulletin. Cette distinction est-elle logiquement vraie ? J’ai donné dans mon bulletin des noms qui sont annulés, faute de désignation suffisante ; le suffrage est nul, mais se peut-il que le bulletin ne soit pas nul ? Je vais me trouver dans une singulière position. Ayant donné un suffrage nul, il faudrait en conclure que je n’exercerai aucune influence sur le scrutin. Avec la disposition que propose l’honorable préopinant, il se trouve que, malgré la nullité de mon suffrage, j’exercerai une influence, et, dans certains cas, une influence prépondérante et déterminée sur le scrutin. Je crois que la distinction que l’honorable préopinant établit entre la nullité du suffrage et la nullité du bulletin n’est pas logiquement vraie.

Je dis qu’on ne peut pas compter le bulletin de l’électeur si le suffrage donné par lui est nul. Il faut que cet électeur n’exerce aucune influence sur le résultat total du scrutin ; sans cela, vous arrivez à la position la plus bizarre. La nullité des suffrages doit amener la nullité du bulletin ; je crois ceci plus vrai, plus logique.

L’honorable M. Delfosse a cité un exemple ; cet exemple est extraordinaire Je dirai à l’honorable membre que nous ne nous occupons pas de choses étranges. Il me serait facile, au contraire, de citer, dans un grand nombre de cas où cet électeur qui aurait donné un suffrage nul, et qui, par conséquent, devrait n’exercer aucune influence sur le résultat du vote, aurait cependant nommé si on comptait son bulletin. Je crois que cet exemple est infiniment plus bizarre et aussi plus fréquent que celui cité par l’honorable M. Delfosse. Nous pouvons donc, je l’avoue, arriver l’un et l’autre à des résultats bizarres ; mais celui que je vous indique est un résultat de tous les jours, un résultat que présente un grand nombre d’élections, tandis que celui qu’indique l’honorable membre est invraisemblable.

Voilà les réflexions auxquelles je me suis livré depuis que l’honorable membre a bien voulu me faire connaître sa proposition.

M. de Theux. - Messieurs, vous vous rappellerez que déjà, dans une occasion de vérification de pouvoirs, la chambre a admis que les bulletins qui ne contenaient aucun suffrage valable, non seulement étaient nuls, mais n’entraient pas en compte pour déterminer la majorité absolue. A cela, l’honorable M. Delfosse me répondra que c’est pour modifier la jurisprudence qu’il présente son amendement. Mais je vais lui faire deux autres objections, et je les puise dans les lois provinciale et communale.

Ici, messieurs, après avoir d’abord fixé, par votre propre jurisprudence, le sens de la loi électorale, vous avez consacré, en termes exprès, dans les lois communale et provinciale, la proposition diamétralement opposée à celle de l’honorable M. Delfosse. Je vais donner lecture de ces articles.

L’art. 26 de la loi provinciale porte :

« Sont nuls les bulletins qui ne contiennent aucun suffrage valable, ceux dans lesquels le votant se fait connaître, ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main. »

« Art. 27. Les bulletins nuls n’entrent point, en compte pour déterminer la majorité absolue ou relative. »

Voici les articles de la loi communale :

« Art 37. Sont nuls les bulletins qui ne contiennent aucun suffrage valable, ceux dans lesquels le votant se fait connaître, ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main. »

« Art. 38. Les bulletins nuls n’entrent point en compte pour déterminer la majorité absolue ou relative. »

Je ne pense pas, messieurs, que la chambre veuille se départir de ce principe qui a été discuté à l’occasion de la loi provinciale et de la loi communale, et alors que la chambre avait encore présente à la mémoire la discussion qui avait eu lieu lors de la vérification des pouvoirs de l’un de ses membres. Ainsi c’est en pleine connaissance de cause que la chambre a admis ce principe.

Messieurs, il est un principe certain, c’est que ce qui est nul ne peut produire d’effet. Or, le bulletin qui ne contient aucun suffrage valable est aussi nul qu’un bulletin blanc, et cependant l’honorable membre voudrait faire produire de l’effet au bulletin. Mais si l’on admettait la proposition pour les bulletins qui ne contiennent pas de suffrages valables, il faudrait l’appliquer aux bulletins blancs.

Je crois donc, messieurs, qu’il n’y a pas lieu de s’arrêter à cet amendement.

M. Verhaegen. - Messieurs, on a trouvé que l’exemple cité par mon honorable ami était extraordinaire, et que le cas qu’il a prévu ne se présentera guère. C’est une erreur ; il peut se présenter des circonstances où la majorité ne donnant pas à un candidat une désignation suffisante, un autre candidat, qui n’aura obtenu que trois ou quatre voix, l’emporte. Messieurs, je vais le prouver ; il n’y a pas d’inconvénient à citer ici un nom propre. Je suppose l’honorable M. van Volxem en présence d’un bureau électoral qui se compose de 100 votants. Il a un compétiteur. On donne à M. van Volxem père 95 suffrages ; mais il y a deux van Volxem pères ; les 95 voix données à M. van Volxem père ne compteront donc pas ; elles seront annulées, et son compétiteur, qui n’aura obtenu que 5 suffrages, sera nommé, bien qu’il sera constant qu’on a voulu nommer M. van Volxem qui siège sur ces bancs. Ce que mon honorable ami a voulu vous indiquer se réduit à ce peu de mots.

Mais l’exemple qu’il vous a cité, et qui est frappant n’est pas le seul. Il pourra se rencontrer que trois ou quatre électeurs feront entrer au sein de la représentation nationale un individu qui n’a pour lui que la minorité, et cela, parce que la majorité se sera trompée. Eh bien, ce que mon honorable ami vous propose de décider dans ce cas, c’est qu’il n’y aura pas d’élection, et qu’il faudra recommencer.

L’objection de l’honorable M. de Theux n’est pas sérieuse. Il vous dit : Ce qui est nul ne produit aucun effet. Nous savons cela depuis longtemps ; mais la question de savoir si lorsqu’un bulletin porté un nom qui peut s’appliquer à deux individus, ce bulletin doit être considéré comme nul, en ce sens qu’il ne doit pas être compté pour faire nombre et pour établir la majorité absolue.

Lorsqu’un électeur signe un bulletin, ou bien lorsqu’un bulletin est imprimé, celui qui vote sait qu’il fait une chose inopérante ; son bulletin est frappé de nullité par la loi ; il n’a pas fait, comme le dit l’honorable M. Delfosse, une chose sérieuse. Là c’est comme s’il n’y avait pas de bulletin. Mais lorsqu’un bulletin est écrit à la main, et comme le veut la loi, qu’il y a seulement une désignation vicieuse, ou plutôt une désignation qui peut s’appliquer à deux personnes, ce bulletin doit-il être nul ? Voilà la question qui vous est posée par l’amendement de l’honorable M. Delfosse. Or, messieurs, il me semble qu’il suffit de faire attention à l’exemple qu’il a cité pour être convaincu que le principe qu’on veut maintenir est dangereux. L’amendement, au contraire, ne doit porter préjudice à aucune opinion. Je crois donc que la proposition mérite de fixer votre attention, surtout qu’elle ne comporte un rejet sans examen.

M. Malou, rapporteur. - Messieurs en rédigeant la dernière des trois dispositions additionnelles, j’ai pris pour base la jurisprudence qui a toujours été admise dans cette chambre, et je me suis conformé aux dispositions des lois provinciale et communale qui vous ont été rappelées par l’honorable M.de Theux. Il me semble que cette opinion est seule logique ; il y a d’ailleurs un autre motif de l’admettre, c’est que, en adoptant le principe de l’amendement de M. Delfosse nous établirions une anomalie dans nos lois.

- La clôture est demandée.

M. Delfosse. - J’avais quelques observations à présenter ; mais il paraît que la chambre n’est pas disposée à m’entendre.

- L’amendement de M. Delfosse est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demanderai si le papier électoral est abandonné. Dans ce cas le mode d’exécution me serait indifférent.

M. Malou, rapporteur. - M. le ministre demande si le papier électoral est retiré ; je crois m’être expliqué avec toute la clarté possible ; j’ai dit que la majorité des membres de la section centrale avec lesquels je m’étais concerté, abandonnent le papier électoral, si l’on adopte, quant au vote simultané, le mode proposé par la section centrale, c’est-à-dire un seul bulletin et une seule urne. Si ce dernier mode est admis, je puis dire que la section centrale renonce au papier électoral. Mais il y a plus de connexité entre le système présenté plus tard par M. le ministre de l’intérieur et le papier électoral. Si M. le ministre retirait son amendement, je retirerais aussi la proposition relative au papier électoral, et la discussion serait ainsi beaucoup simplifiée.

- L’art. 16 du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le président. - Nous avons maintenant la disposition additionnelle proposée par M. Malou, qui est ainsi conçue :

« A défaut de désignations spéciales, le premier ou les premiers noms, jusqu’à concurrence du nombre des sénateurs à élire, sont attribues à l’élection de ceux-ci.

« Si les noms sont écrits sur plusieurs colonnes, sans qu’il y ait de désignations spéciales, les premiers noms sont ceux de la première colonne, et ainsi de suite.

« Le bulletin qui ne contiendra de suffrages valables que pour l’élection de membres de l’une des chambres, n’entrera point en compte, afin de déterminer le nombre de votants pour l’élection des membres de l’autre chambre.

M. Delfosse. - Messieurs, d’après cette disposition, il peut arriver que l’on comptera des suffrages pour la chambre des représentants à ceux qui seront éligibles au sénat et qui seront sur les rangs, pour le sénat, et que l’on comptera des suffrages pour le sénat à ceux qui seront sur les rangs pour la chambre des représentants et qui ne seront pas éligibles au sénat.

Tout cela peut amener des résultats fort étranges.

L’observation que je viens de faire prouve combien il y a d’inconvénients à introduire dans une loi aussi importante que la loi électorale des dispositions en quelque sorte improvisées.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, l’objection que fait l’honorable préopinant m’avait également frappé, mais cet inconvénient existe dans le système actuel, et je vais en citer immédiatement un exemple. J’ai pris des renseignements sur ce qui s’est passé il y a 8 ans ; on a fait d’abord les élections pour le sénat, ensuite celles pour la chambre des représentants, et lorsqu’on a procédé au dépouillement du scrutin pour le sénat, on a trouvé dans l’urne un certain nombre de bulletins portant les noms de candidats pour la chambre des représentants, candidats non éligibles au sénat. Voilà, messieurs, ce qui est arrivé il y a 8 ans, dans un grand nombre de localités. Vous voyez donc, messieurs, que- l’objection faite par l’honorable préopinant, s’applique aussi bien à l’ancien système qu’à celui qu’il s’agit d’introduire.

Je crois cependant qu’il faut examiner cette objection. M. Malou établit une présomption ; il dit qu’à défaut de désignation spéciale, le premier nom ou les premiers noms seront comptés pour le sénat ; ne pourrait-on pas dire que cette présomption n’existe pas, lorsque les noms portés les premiers sur la liste, ne seront pas ceux de personnes éligibles au sénat ?

M. Malou, rapporteur. - Messieurs, l’honorable M. Delfosse a exprimé le regret que l’on introduisît aussi légèrement des dispositions nouvelles dans la loi électorale. Je dois dire qu’en ce qui me concerne, ce reproche n’est pas mérité ; avant de présenter la disposition, j’y ai longuement réfléchi ; j’ai consulté plusieurs membres de cette assemblée dans les lumières et l’expérience desquels j’ai grande confiance. Je persiste à croire que dans la plupart des cas les noms seront accompagnés des dispositions suffisantes ; en effet, on a grand soin de distribuer aux électeurs des bulletins bien faits ; il n’arrivera donc que dans des cas excessivement rares que les bulletins ne porteront pas les désignations nécessaires. Il faut pourtant prévoir ces cas et en les prévoyant, il faut établir une présomption légale, qui ne peut être autre que l’ordre des noms.

Dans le cas cité par l’honorable M. Delfosse, qu’arriverait-il s’il y avait sur le bulletin plus d’éligibles au sénat qu’il y a de sénateurs à élire ? C’est qu’il faudrait nécessairement en revenir à la même présomption.

Je crois, messieurs, que cette disposition suffit ; elle pourvoit à un cas fort rare, et s’il peut en résulter une perte de quelques voix, cela n’arrivera que très rarement, et ce sera d’ailleurs la faute des électeurs.

M. Dubus (aîné). - Je prie la chambre de considérer que la loi avertira tous les électeurs que s’ils veulent que leur vote soit valable, ils doivent désigner dans leur bulletin pour quelle chambre ils veulent élire tel ou tel candidat. Ainsi tous les électeurs indiqueront dans leur bulletin quelles sont les personnes auxquelles ils veulent donner la préférence pour le sénat, quelles sont celles auxquels ils veulent donner la préférence pour la chambre des représentants. Lorsqu’ils ne le feront pas, ce sera une exception extrêmement rare. C’est donc que pour un cas très exceptionnel que vous avez à disposer ; eh bien, pour ce cas même, la loi donne déjà un avertissement en disant que les premiers noms sont ceux des sénateurs ; si maintenant l’électeur intervertit les noms, ce n’est pas un motif de supposer qu’il a voulu que les premiers noms comptassent pour la chambre des représentants, puisque la loi l’avertit que ces noms doivent compter pour le sénat.

Il faut, messieurs, qu’il y ait une règle et la loi actuellement en vigueur présente une règle analogue : il arrive quelquefois qu’un bulletin contient plus de noms qu’il n’y a de places à conférer ; il fallait déterminer quels seraient dans ce cas les suffrages valables ; eh bien, la loi a décidé que l’on compterait les premiers noms jusqu’à concurrence du nombre de places vacantes et que les autres suffrages seraient considérés comme nuls. Ce n’est encore la qu’une simple présomption de la loi. On pourrait dire aussi que celui qui a fait le bulletin attachait plus d’importance précisément aux noms qui ne sont pas comptés qu’à ceux qui le sont ; mais il faut bien que pour des cas semblables la loi fixe une règle ; puisque le bulletin ne contient pas l’expression complète de la volonté de l’électeur, la loi tranche la difficulté en substituant une présomption à ce qui peut manquer à l’expression du bulletin.

M. le ministre de l’intérieur a demandé si l’on ne pourrait pas faire une exception à la règle pour le cas où les premiers noms seraient ceux de personnes non éligibles au sénat, mais, messieurs, cela compliquerait les questions et rendrait le travail plus difficile, car le bureau ne saura pas toujours si telle personne est ou n’est pas éligible.

M. Dumortier. - Messieurs, l’observation de l’honorable M. Delfosse m’a frappé. Je ferai d’abord remarquer à la chambre que lorsqu’un bulletin porterait : « Un tel, député sortant ; ou tel, sénateur sortant », ce serait là, sans doute, une désignation suffisante (assentiment.) ; mais il existe un autre cas, c’est celui où le bulletin ne porterait aucune désignation, ou ne porterait pas une désignation suffisante, il me semble qu’alors on pourrait s’en rapporter à la notoriété. (Interruption.) Je dis que par le dépouillement du scrutin, il sera notoire que telle personne a été portée pour le sénat, que telle autre personne a été portée pour la chambre des représentants. Du reste, nous pourrons revenir sur ce point au second vote.

- La disposition est mise aux voix et adoptée.

L’ensemble de l’article est ensuite adopté.

Article 9

M. le président. - La chambre a à statuer maintenant sur un article qu’elle a ajourné ; c’est l’article 9 des propositions de la section centrale (8 du projet du gouvernement).

Cet article était ainsi conçu :

« Art. 8 du projet du gouvernement (art. 9 de la section centrale). La disposition suivante est ajoutée à l’art. 18 de la loi électorale du 3 mars 1831, comme dernier paragraphe :

« L arrête royal de convocation du collège électoral fixera l’heure où doivent commencer les opérations électorales. »

« Les opérations électorales commenceront à 9 heures du matin, si l’élection se fait du 1er mai au 1er octobre, et à dix, si elle se fait à d’autres époques. »

M. le ministre de l’intérieur a proposé de rédiger cet article ainsi qu’il suit :

« Le § 2 de l’art. 18 de la loi du 3 mars 1831 est abrogé, et remplacé par la disposition suivante :

« Les opérations électorales commenceront à neuf heures du matin, si l’élection se fait du 1er mai au 1er octobre, et à dix si elle se fait à d’autres époques. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 17

M. le président. - Je mets maintenant en discussion l’article 15 (17 des propositions de la section centrale). Cet article est ainsi conçu :

« Art. 15. Est insérée à l’art. 25 de la loi électorale du 3 mars 1831, et comme premier paragraphe, la disposition suivante :

« L’appel des électeurs sera fait en commençant, au premier scrutin, par ceux des communes les plus rapprochées, et au deuxième, par ceux des communes les plus éloignées. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Article 18

M. le président. - L’article 18 du projet de la section centrale, relatif au papier électoral, est devenu sans objet.

Article 19

M. le président. - Reste à voter l’art. 19 du projet de la section centrale (26 du projet du gouvernement). C’est une disposition transitoire. L’article est ainsi conçu :

« Art. 26. Disposition transitoire.

« L’art. 2 de la présente loi est applicable à la formation des listes électorales de l’année 1843. »

M. le ministre de l’intérieur a proposé à cet article les 2 paragraphes additionnels suivants :

« § 2. Pour la formation des listes de l’année 1843, les rôles pourront être remis en original au collège des bourgmestre et échevins ; il en sera donné récépissé ; immédiatement après la clôture de ces listes, ces rôles seront transmis au commissaire de district et restitués par celui-ci, après l’expiration du délai d’appel, aux receveurs de contributions. La députation permanente, saisie d’un appel, pourra, pour chaque réclamation, demander la production du rôle.

« § 3. Les listes de l’année 1843 pourront être formées d’après le modèle en usage, sans indiquer séparément les diverses natures des contributions. »

M. Rogier. - L’art. 9 de la loi électorale dit que chacun pourra prendre inspection des listes au secrétariat de la commune ou au commissariat d’arrondissement. Ce droit emporte-t-il celui de prendre copie des listes (oui ! oui !), afin qu’on puisse au besoin les faire imprimer ? La loi française renferme une disposition spéciale sur ce point, et c’est cette disposition que, pour plus de clarté, je voudrais voir introduire dans la loi actuelle. Cette disposition porte

« Art. 27. Il sera donné communication des listes annuelles et des tableaux de rectification à tous les imprimeurs qui voudront en prendre copie. Il leur sera permis de les faire imprimer sous tel format qu’il leur plaira choisir, et de les mettre en vente. »

Je substituerais le mot d’électeurs à celui d’imprimeurs.

M. Rodenbach. - L’article est inutile. Tout électeur peut prendre copie des listes et les faire imprimer.

M. Dumortier. - La disposition me paraît aussi inutile. Ce que demande M. Rogier est aujourd’hui pratiqué ; chaque électeur a le droit de copier et de faire imprimer les listes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’entends de cette manière l’exécution de loi. Ainsi, à Bruxelles, l’on a imprimé il y a deux ans, la liste de tous les électeurs.

M. Rogier. - Il est donc entendu qu’un commissaire d’arrondissement ne pourra pas se refuser à donner communication, sans déplacement à un électeur, de la liste et à lui en laisser prendre copie. Je crois cependant qu’une disposition serait à cet égard serait très utile.

M. Dubus (aîné). - La disposition en vigueur suffit, et l’on n’a pas ouï dire que jamais un commissaire d’arrondissement se soit refusé à laisser prendre des extraits des listes. Il est naturel que lorsqu’on doit communication, sans déplacement, d’une liste, on en laisse prendre un extrait ou une copie. D’autre part, je ferai remarquer que si on allait remplacer la disposition en vigueur par celle qui vient d’être indiquée par l’honorable M. Rogier, on chercherait le motif de cette différence de rédaction, au lieu de permettre à toute personne de venir prendre communication de ces listes sans déplacement, vous substituerez une disposition absolue, en ce qui concerne le commissaire d’arrondissement, à la disposition actuellement en vigueur. La communication est faite à celui qui se présente pour l’obtenir. Voilà la portée de la disposition actuellement en vigueur.

M. Rogier. - Mon but est atteint. Il est entendu par tout le monde et par M. le ministre de l’intérieur, qu’on pourra prendre inspection et copie des listes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je l’ai entendu ainsi

M. Lejeune. - Il y a d’autant moins de difficultés de l’entendre dans ce sens, que les listes, dans un grand nombre d’arrondissements, s’impriment par les soins du commissaire de district.

M. Dumortier. - Messieurs, une simple lecture de l’art. 15 de la loi électorale prouve qu’une nouvelle disposition à cet égard n’est pas nécessaire. Cet article porte :

« Il sera donné au commissariat du district, communication des listes annuelles et des rectifications à tous ceux qui voudront en prendre copie. »

Puisque j’ai la parole, je demanderai si, pour le second vote, il ne serait pas utile d’introduire dans la loi un article portant que la loi électorale sera réimprimée avec les diverses dispositions qui viennent d’être votées par la chambre. J’appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur ce point. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - Personne ne demandant plus la parole, je vais mettre aux voix les deux dispositions transitoires additionnelles proposées par M. le ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il est bien entendu que ces deux articles transitoires sont des amendements. (Oui ! oui.)

- Les deux dispositions additionnelles sont mises aux voix et adoptées.

- L’ensemble de l’article est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 20

« Art. 20. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

Second vote des articles

M. le président. — A quel jour veut-on fixer le second vote ?

Un grand nombre de membres. - A demain ! A demain ! Il y a urgence !

M. Verhaegen. - C’est de toutes les lois la plus importante et on veut faire une exception au règlement. C’est une loi qui, sous le prétexte de réprimer des fraudes, réforme tout le système de la loi électorale. Je propose de remettre le second vote à lundi.

Un grand nombre de voix. - Non ! non ! à demain !

M. Verhaegen. - Vous êtes vraiment pressés de jouir !

M. de Theux. - Je propose de fixer la séance à midi pour commencer à midi et demi.

M. Cools. - Il est de toute nécessité au moins d’avoir un jour d’intervalle pour le second vote. En ce qui concerne la simultanéité on a dit qu’on discuterait d’abord le principe et ensuite les moyens d’exécution, et aussitôt que le principe a été adopté, on a voté sur les mesures d’exécution, sans aucune discussion. Il y aura impossibilité d’y réfléchir d’ici à demain. Il me semble que c’est assez important pour qu’on y mette du calme et qu’on exécute littéralement le règlement.

- La proposition de fixer à demain le second vote est mise aux voix et adoptée.

M. le président. - A quelle heure veut-on fixer la séance ?

Plusieurs membres. - A midi ! à midi !

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je propose de fixer la séance à une heure.

- Cette proposition n’est pas adoptée.

La chambre fixe la séance à midi.

- La séance est levée à 5 1/2 heures.