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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mardi 24
janvier 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative à la convention de
navigation conclue avec les Pays-Bas (Delfosse)
2)
Motion d’ordre relative à la fixation des tarifs du chemin de fer (notamment sur le
plan incliné de Liége) (David, Pirmez)
3)
Projet de loi portant le budget du département des travaux publics pour l’exercice 1843.
Discussion des articles. Chemin de fer. Renouvellement du matériel roulant et
coût du combustible (d’Hoffschmidt, Cogels, David, Desmaisières, David, d’Hoffschmidt, Rogier, Cogels, Liedts)
4) Projet de loi
relatif à l’érection de la commune de Ville-en-Waret
(Savart-Martel, de Garcia)
5) Projet de loi
portant un crédit supplémentaire au budget du département des finances pour
l’exercice 1842
6) Fixation de l’ordre
du jour. Projet de loi relatif à la répression de la fraude et projet de loi
relatif au traité de paix avec les Pays-Bas (Smits)
(Moniteur belge n°25, du 25
janvier 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M.
Kervyn fait l’appel nominal à 1 heure 1/4.
M. Scheyven donne lecture du
procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.
M.
Kervyn présente l’analyse des pièces adressées à la
chambre :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur François Grenier, docteur en droit, à Brugelette, propose des mesures préventives concernant le
cens électoral. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
__________________________
« Le sieur Théophile Boucher, cultivateur à Brugelette,
né à St.-Vaast (France) demande la naturalisation. »
- Renvoi au ministre de la justice.
__________________________
« L’administration communale de Masnuy-St-Pierre
demande le rétablissement dans cette commune d’une halte du chemin de
fer. »
Dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des travaux publics.
« La chambre de commerce de Liége prie la chambre d’adopter le traité et
la convention conclus le 5 novembre avec les Pays-Bas. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner la convention.
M. Delfosse demande que
cette pétition soit en outre insérée au Moniteur.
- Cette proposition est adoptée.
_________________________
« Le bourgmestre de la ville de Tournay présente des observations contre
certains faits signalés dans la pétition des brasseurs de Tournay, dont la
chambre a ordonné l’insertion au Moniteur.»
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur
les bières et insertion au Moniteur.
__________________________
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb), chargé de l’intérim du département de la
justice, transmet à la chambre 75 demandes en naturalisation avec les
renseignements y relatifs.
- Renvoi la commission des naturalisations,
_________________________
M. Jadot informe, la
chambre qu’il lui est impossible d’assister aux séances d’aujourd’hui et de
demain.
- Pris pour notification.
M. David. - Nous sommes
probablement à la veille de voir paraître de nouveaux tarifs. J’aurai à cet
égard une simple observation à faire à M. le ministre des travaux publics,
observation que je regrette de n’avoir pas eu l’idée de présenter lors de la
discussion générale sur le budget du chemin de fer. Ce n’est, du reste,
messieurs, qu’un mot que j’aurai l’honneur de vous dire :
Puisqu’en attendant que l’administration des chemins de fer soit devenue
plus sage, plus éclairée, et surtout plus juste, il faut que le plan incliné
pèse comme un cauchemar, comme une montagne sur le cœur de l’industrielle ville
de Liége, n’y aurait-il pas moyen de changer de système quant à la manière
d’imposer le parcours de ce fatal plan incliné ? Je crois pouvoir prouver
victorieusement ceci : qu’il n’y aurait qu’à déplacer l’impôt du triple
parcours, et de l’appliquer aux voyageurs, au lieu de l’appliquer aux
marchandises. En l’appliquant aux voyageurs, M. le ministre, vous faites cela
de juste et de bien pensé, que vous appelez le Belge de toutes les contrées du
royaume, le Français, l’Anglais, l’Allemand et les autres nations qui
parcourent notre territoire, à concourir à l’acquittement du droit exceptionnel
du plan incliné.
En continuant dans le système actuel, M. le ministre, que faites-vous ? un acte d’injustice, involontairement sans doute, car il est
probable que vous n’avez pas encore pensé à faire rapporter, par la
contribution des voyageurs, la taxe du plan incliné qui ne pèse que sur les
marchandises.
Oui, messieurs, faire payer triple plus longtemps le parcours du plan
incliné pour les produits de notre province, et non par les voyageurs, serait
un acte d’injustice. C’est ma province seule alors qui est condamnée à payer
pour tout le monde : elle paie cher,
elle paie beaucoup alors, mais il serait bien plus équitable que tout le monde
payât pour ma province, qui n’en peut, elle, si sa surface est accidentée, et
le transit, messieurs, peut-on donc le repousser par le maintien d’une mesure
aussi vexatoire ?
Je livre cette réflexion aux méditations de M. le ministre des travaux
publics, afin que si nous n’avons ni Meuse, ni canaux, nous ayons au moins un
chemin de fer, qui tende en toute saison les bras à nos produits, à notre
industrie, à notre commerce.
M. le ministre
des travaux publics (M. Desmaisières) - Ce n’est pas là une
motion d’ordre.
M. David. - Je vais
arriver à la motion d’ordre ; je n’ai plus qu’un mot à ajouter.
M. Pirmez. - Messieurs,
nous avons discuté la question des tarifs il y a quelques jours, et la chambre
a prononcé alors la clôture de cette discussion ; elle a décidé que ce qui
concerne les tarifs serait examiné plus amplement à l’occasion de la loi des
péages. Si maintenant l’on permet à l’honorable M. David de présenter de
nouvelles considérations sur les prix du transport, il faudra bien aussi
accorder la parole aux honorables membres qui voudraient lui répondre, et nous
retomberions ainsi dans une discussion que nous avons ajournée.
M. David. - Je n’avais
plus, je le répète, qu’un mot à dire. Mais enfin, puisqu’on ne veut pas
m’entendre, je n’insisterai pas d’ailleurs, les observations que je viens de
présenter, et qui seront insérées au Moniteur,
suffiront pour que l’on prenne acte de ma réclamation et pour que l’on puisse
apprécier les changements qui seront apportés aux tarifs.
Discussion
des articles
CHAPITRE III. - Chemin de fer. Postes
Article
3
M. le président. - Nous en sommes arrivés à l’art. 3 du
chapitre III : « Service de locomotives et entretien du matériel : fr. 2,570,700 »
M. d’Hoffschmidt a proposé de réduire ce chiffre d’une somme de 300,000
fr.
M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs, le rejet de l’amendement que nous
avait présenté hier l’honorable M. Cools, ne présage peut-être pas au mien une
grande chance de succès. Cependant, comme je suis intimement convaincu que la
réduction que je propose peut être adoptée sans entraver le moins du monde le
service du chemin de fer, je crois dès lors qu’il est de mon devoir d’insister
en sa faveur.
Je me permettrai, messieurs, de faire une simple observation avant
d’aborder les développements que je vais avoir l’honneur de vous présenter. Au
commencement de cette session, chacun disait : la session actuelle va être une
session toute d’économies ; d’une part, nous devons augmenter les ressources du
trésor, d’autre part il est nécessaire d’introduire toutes les économies
possibles dans les budgets des dépenses.
Eh bien ! qu’est-il arrivé ? Jusqu’à présent je
ne sache pas que l’on ait créé de grandes ressources au trésor, et, d’un autre
côté, toutes les propositions qui tendaient à réduire les chiffres du budget,
ont été assez mal accueillies.
Pour bien saisir les considérations que je vais avoir l’honneur de
présenter, il est important que l’on veuille bien jeter les yeux sur la page 52
des nouveaux développements qui ont été distribués à la suite du budget des
travaux publics ; sans cela, il est impossible de suivre les raisonnements par
lesquels je vais appuyer mon amendement. Vous verrez, messieurs, dans ces
développements qu’à l’article 8 du littera C, intitulé Fournitures de coak et de houille, il est demandé 810,000 fr., et que l’on
demande, en outre, pour la fabrication, 65,000 fr., ce qui fait ensemble
875,000 fr. Or, messieurs, dans un discours que j’ai prononcé, il y a quelques
jours, je crois avoir démontré que ce chiffre est trop élevé, et dans la séance
de samedi dernier, l’honorable M. Rogier l’a démontré beaucoup plus clairement
encore que moi. M. le ministre des travaux publics n’ayant point répondu à ces
observations, j’en ai conclu que lui-même était porté à croire que la réduction
pourrait être adoptée sans inconvénient, et c’est ce qui m’a tout à fait
déterminé à présenter mon amendement.
L’honorable M. Rogier a pris pour base de ses calculs le chiffre de 365
lieues à parcourir en 1843. Eh bien, je veux bien admettre pour un moment que
le parcours sera de 410.500 lieues comme l’a supposé M. le ministre ; je veux
bien admettre aussi que la consommation de coak, par
lieue parcourue, sera de 50 kilog., et enfin que le
prix de 1,000 kilog. de coak
est encore actuellement de 29 fr.
Avec ces chiffres, évidemment exagérés, j’arrive à ce résultat qu’il
faudra pour l’année 1843 20,525,000 kil, de coak. Multipliant ce chiffre par 29 fr., on obtient une
somme de 595,000 fr. au lieu de 875,000. Vous voyez donc, messieurs, que même
en calculant sur les bases données par M. le ministre lui-même, on doit
reconnaître que le crédit qu’il demande est trop élevé.
On me permettra de revenir encore un instant sur ce chiffre de 440,000
lieues que l’on a dit devoir être parcourues en 1843. Comment M. le ministre
a-t-il obtenu ce chiffre ? Par une règle de trois qu’il a établie de cette
manière : si 79 lieues de chemin de fer exploité, ont donné en 1842, 318,000
lieues de parcours, combien en donneront dans l’exercice actuel les 102 lieues
qui seront exploitées dans le courant de 1843 ? M. le ministre est tombé là
dans cette erreur que nous avons signalée plusieurs fois, et qui consiste à
comparer les sections que l’on va ouvrir en 1843, à des sections où il y a une
circulation beaucoup plus active. En effet, messieurs, quelles sont les
sections que l’on va ouvrir dans le courant de 1843 ? Nous en trouvons le
détail aux réponses qui ont été faites par M. le ministre, à la section
centrale, chargée d’examiner le budget des voies et moyens.
Nous avons d’abord la section de Liége à Verviers, qui est d’une
longueur de 23 kilomètres. Cette section s’ouvrira, dit-on, au printemps
prochain et elle sera exploitée pendant 9 mois. Je veux bien admettre qu’il n’y
aura plus de retard dans les travaux et que cette section sera effectivement
livrée à la circulation assez en temps pour pouvoir être exploitée pendant les
9 derniers mois de 1843. Eh bien, messieurs, les 26 kilomètres de cette section
exploitées pendant 9 mois équivaudront à 17 kilomètres ou 3 1/2 lieues
exploitées pendant toute l’année. Je veux bien aussi évaluer à 8 le nombre de
convois qui parcourront tous les jours cette route, quoiqu’il soit très
probable que ce nombre ne sera pas atteint.
Nous avons ensuite la section de Braine-le-Comte à Charleroy et de
Charleroy à Namur ; la longueur de cette section, qui doit aussi être ouverte
au printemps et exploitée pendant les 9 derniers mois de l’année, est de 79
kilomètres, ce qui équivaut à 60 kilomètres ou 12 lieues pendant l’année
entière. Mais ici, messieurs, le nombre des convois ne sera pas de 8, car entre
Charleroy et Namur surtout, je pense qu’il ne doit pas dépasser 4 par jour ; un
plus grand nombre de convois sur cette partie de la route excéderait évidemment
les besoins du mouvement des personnes et des choses. Ainsi sur la plus grande
des lignes qui seront ouvertes dans le cours de cette année, la circulation ne
dépassera probablement pas 4 convois par jour.
Nous avons ensuite la section de Verviers à la frontière prussienne,
Mais quant à celle-là, il est peu probable qu’elle soit ouverte dans le courant
de 1843, surtout en présence des retards que des difficultés soulevées par des
entrepreneurs, apportent à l’achèvement des travaux. Quoi qu’il en soit, supposons
que les prévisions ministérielles se réalisent et qu’elle soit aussi exploitée
pendant trois mois ; comme elle est de 15 kilomètres, cela équivaut à environ
1/2 lieue pendant toute l’année. Ainsi, toutes les sections qui doivent être
livrées à la circulation pendant l’année qui vient de s’ouvrir représentent
ensemble, si nous admettons les prévisions de M. le ministre, un parcours de 16
lieues, à ajouter à la longueur des sections qui ont été exploitées l’année
dernière.
On a fait observer, et avec raison que, parmi les sections exploitées en
1842, il en est qui n’ont été ouverts que dans le courant de l’année, et qui
par conséquent n’ont pas été exploitées pendant l’exercice entier. Mais voyons,
messieurs, quelles sont sections, et à quel mouvement elles ont donné lieu.
Nous avons d’abord la section de Mons à Quiévrain d’une longueur de 20
kilomètres ; sur cette section, il y a en à la vérité, huit convois par jour,
mais je crois que ce nombre est de beaucoup au-delà des besoins de
l’exploitation. Sur la section de Courtray à Mouscron il n’y a eu que 6 convois
par jour, et sur celle de Mouscron à Tournay, il n’y en a eu que 4.
Voilà, messieurs, les sections que l’on compare à celles qui sont
exploitées depuis longtemps. Or, vous savez que sur la section de Bruxelles à
Malines, il circule tous les jours 26 convois, qu’il y en a 12 sur la section
de Malines à Anvers, 11 sur celle de Malines à Louvain, 10 sur celle de Louvain
à Liége ; 10 également sur celle de Malines à Gand, qu’enfin parmi toutes les autres
sections exploitées avant 1842, il n’en est pas une qui n’ait au moins 6
convois par jour.
Evidemment, messieurs, ces sections doivent coûter infiniment plus pour
les frais d’exploitation, comme elles rapportent infiniment plus pour les
recettes, que les sections que l’on ouvrira dans le courant de l’année et qui
sont d’ailleurs placées à l’extrémité du réseau de nos chemins de fer, tandis
que les anciennes sections se trouvent situées au centre.
Je suis donc convaincu que le chiffre total des lieues de parcours
pendant l’année 1843, n’atteindra pas même à beaucoup près 400,000 lieues ; et
j’en appelle à cet égard, pour le prouver, au compte-rendu de l’année
prochaine.
Quant au chiffre de 50 kilog. qui est établi
pour la consommation par lieue de parcours des locomotives, je le crois aussi
trop élevé, mais je l’ai admis, parce qu’il y a des frais de stationnement et
d’allumage, dont il faut tenir compte ; sans cela, d’après la belle invention
de M. l’ingénieur Cabry, ce ne serait pas 50 kilog. mais 40 kilogrammes que nous devrions prendre pour terme
moyen.
Le troisième chiffre, pris pour base de mes calculs, est celui de 29
francs, prix de mille kilog. de houille. Ce chiffre,
évidemment, est encore trop élevé, car maintenant que le railway atteint les
lieux de production de la houille, maintenant qu’on y a établi des fours à coak, maintenant que des perfectionnements seront encore
apportés sans doute au mode de fabrication, les mille kilogrammes de houille ne
doivent plus coûter 29 fr.
En effet, messieurs, nous ne sommes qu’à l’A B C des chemins de fer ;
chaque année chaque mois peut-être amène de nouveaux perfectionnements dans ce
nouveau mode de locomotion ; ainsi, l’on doit s’attendre d’une année à l’autre
à des améliorations, et à des économies nouvelles. Je pense donc que le chiffre
que je propose est même au-dessous de la réduction qu’on pourrait adopter. Il
semble dès lors que M. le ministre des travaux publics pourrait se rallier à
mon amendement, sans crainte de nuire aux besoins du service.
Plusieurs honorables membres disent : « A quoi bon des réductions ? Si
la dépense est plus forte que le chiffre qu’on aura voté, force sera bien
d’allouer plus tard un crédit supplémentaire si, au contraire, l’on ne dépense
pas tout le crédit, l’excédant deviendra disponible pour le trésor
public. »
Messieurs, je crois que dans l’administration du chemin de fer surtout
où il y a tant de besoins, lorsqu’il y a un excédant sur un article, cet
excédant est probablement dépensé pour un autre objet. Dans tous les cas, je
dirai que l’on n’a pas raisonné de cette manière, lors de la discussion du
budget de la marine ; la chambre a voté une réduction, sur la proposition de
l’honorable M. Osy, et elle n’a pas pensé qu’il fût préférable de maintenir le
chiffre du gouvernement, avec la perspective d’avoir un excédant.
M. le ministre des travaux publics nous disait dernièrement qu’il était
bien disposé à faire des économies ; je suis convaincu, pour ma part, que M. le
ministre fera tous ses efforts pour introduire le plus d’économie possible dans
les frais d’exploitation ; mais, messieurs, on vous l’a dit aussi, un ministre
ne peut pas tout voir, tout faire et l’on connaît le désir de l’administration
de faire toujours des dépenses élevées plus ou moins nécessaires.
Quand je vois, d’un autre côté, qu’on nous annonce constamment des
économies et que cependant l’on demande un million de plus que l’année dernière
; quand je vois que le prix de la lient parcourue nous est représenté comme
devant s’élever à 14 fr. au lieu de 12 fr. 79 c.,
j’avoue qu’alors je suis porté à proposer moi-même une réduction. Oh ! si M. le
ministre venait nous dire qu’il doit satisfaire cette année à une exploitation
de 400,000 lieues, par exemple, mais que, par suite d’améliorations qu’il a
introduites, la lieue de parcours ne coûtera que 10 fr., et que, par
conséquent, 4 millions lui suffiront, alors je voterais de confiance, mais il
n’en est pas ainsi. Je crois donc que mon amendement peut être admis sans le
moindre inconvénient. L’économie que je propose n’est que de 300,000 fr., il
est vrai, mais cependant elle n’est pas à dédaigner, en présence du déficit qui
se trouve dans nos finances.
M. Cogels. - Messieurs,
dans la séance de samedi dernier l’honorable M. Rogier vous a dit que
l’appréciation du budget du chemin de fer n’était pas une chose fort difficile. L’honorable députe d’Anvers vous disait :
« Ici comme en Angleterre, comme en France, comme en Allemagne, on
peut savoir au juste, à quelques centimes près, le prix de revient de la lieue
parcourue. Une fois ce prix connu, vous l’appliquez aux lieues à parcourir, et
vous avez le total de la dépense, à peu de différence près. »
C’est lorsque l’honorable député a prononcé ces mots que j’ai demandé la
parole ; toutefois, j’ai cru devoir différer de présenter mes observations,
jusqu’au moment où l’on aborderait l’article actuellement en discussion ; je
trouvais en effet, que ces observations s’appliquaient principalement à la
locomotion.
J’aurais même aujourd’hui renoncé volontiers à la parole, si l’on
n’avait pas proposé une réduction dans le chiffre, car la discussion sur le
chemin de fer a déjà pris trop de temps.
Messieurs, je crois qu’admettre comme base de la dépense la lieue
parcourue, c’est s’exposer aux plus graves erreurs ; je tâcherai de le
démontrer en peu de mots.
D’abord, messieurs, il est évident que plus le nombre des convois est
grand sur une section, plus le prix de la lieue parcourue se réduira, car
nécessairement en appliquant la totalité des dépenses du chemin de fer à la
lieue parcourue, vous devriez déduire d’abord les dépenses invariables, toutes
celles qui sont indépendantes des frais du parcours : administration centrale,
bureaux de recette, etc.
On nous a cité l’exemple du chemin de fer de Versailles ; l’honorable M
David est encore revenu sur cette comparaison dans le discours qu’il a fait
insérer dans le Moniteur. Eh bien,
messieurs, il était impossible de citer un exemple qui fût moins applicable à
nos chemins de fer que celui de Versailles, rive droite. Voici pourquoi :
Sur le chemin de fer de Versailles, il y a tous les jours de la semaine
un départ par heure, et les dimanches, un départ toutes les demi-heures. Vous
concevez dés lors que les locomotives y sont constamment en action productive,
parce qu’arrivées à la station, elles n’ont qu’une demi-heure à reposer et
repartent immédiatement après. J’ignore combien de fois elles font le trajet,
mais ce que je sais très bien, c’est qu’elles ne sont pas chauffées à pure
perte.
Un autre motif, c’est que les locomotives dont on se sert sur le chemin
de fer de Versailles, sont plus faibles que celles qui ont été employées
jusqu’ici sur les nôtres, parce qu’elles sont destinées à transporter des
convois de voyageurs, et d’après le cahier des charges, le nombre des voitures
qui doivent composer un seul convoi sur le chemin de fer de Versailles, est
limité.
Il existe encore un autre motif que l’honorable M. David a perdu de vue,
c’est qu’il y a une partie du chemin de fer de Versailles qui n’appartient pas
à l’administration de ce chemin ; c’est la partie qui s’étend de Paris à
Asnières et qui se compose de 4 ou 5 kil. ; dans cette
étendue, St-Germain prête son chemin à l’administration de Versailles ; ainsi,
sur cette partie de la route, il n’y pas de frais de surveillance et
d’entretien.
Dans les circonstances extraordinaires, les jours de fête, par exemple,
St-Germain prête une partie de son matériel ; et l’administration du chemin de
ter de Versailles paie à raison de ces concours de diverses espèces à la
compagnie de St-Germain une redevance de 15 centimes par voyageur, somme qui
n’est pas portée en dépense, mais qui est portée en déduction de la recette.
Indépendamment de ces motifs, je puis en citer un autre ; c’est que sur
le chemin de fer de Versailles les frais de surveillance sont beaucoup moindres
que sur les nôtres ; voici pourquoi : le chemin de fer de Versailles, rive
droite, est coupé par des routes très fréquentées ; le gouvernement a cru, dans
l’intérêt de la sécurité publique, devoir interdire à l’administration le
passage de son chemin par aucune route. Ainsi, toutes les routes qui coupent le
chemin de fer de Versailles passent au-dessus ou au-dessous de ce chemin, par
des ponts ou des tunnels. Il en résulte que de ce chef, il doit y avoir moins
et de surveillance.
Du reste, le chemin de fer de Versailles est assis à mi-côte sur un
terrain sec très ferme ; c’est une espèce de craie où, par conséquent, il y a
beaucoup moins de réparations pour le renouvellement des billes des rails.
L’honorable M. d’Hoffschmidt, en nous proposant son amendement, s’est
livré à des calculs. Il a admis le nombre de 410,500 lieues à parcourir, mais
il n’établit la consommation du combustible qu’à 50 kilogrammes par lieues. Il
trouve cette évaluation encore trop exagérée, et moi, au contraire, je la
trouve beaucoup au-dessous de ce qu’elle sera en réalité. Et ici je m’empare
des citations de l’honorable M. Rogier, dont j’ai écouté le discours avec
beaucoup d’intérêt et d’attention.
Voici ce que nous dit l’honorable M. Rogier ; d’après M. Teisserene la consommation serait de 70 kilog. Sur le
chemin de Versailles, rive droite, elle est de 64 kilog. et
sur celui de St-Germain elle est de 52.
L’honorable M. Rogier a commis une erreur, il a dit que le chemin de
St-Germain desservait Versailles et St-Cloud. Il est vrai que Versailles
emprunte le chemin de fer de St-Germain jusqu’à Asnières, mais ce sont deux
administrations distinctes, et quant à St-Cloud, c’est le chemin de Versailles
qui le dessert. Le chemin de St-Germain ne dessert que quelques communes sur la
route de Paris à St-Germain même.
M. Rogier. - Cela ne
fait rien au chiffre de consommation de coak par
lieue.
M. Cogels. - C’est vrai
; mais vous concevez que si la consommation du coak
est de 64 kilog. par lieue sur le chemin de fer de
Versailles et de 52 sur le chemin de St.-Germain, il n’est pas étonnant que la
consommation soit plus forte sur nos chemins de fer, parce que les départs ont
lieu à de plus longs intervalles ; il y a une plus grande consommation de coak non utilisée, dans le moment où les machines ne sont
pas en parcours. Je ne sais pas si de ce chef on ne pourrait pas faire quelques
économies, car j’ai remarqué que très souvent un très grand nombre de
locomotives sont chauffées sans fonctionner. On pourrait peut-être ne pas les
chauffer aussitôt et se dispenser d’en chauffer autant inutilement.
Vous voyez qu’établir des calculs d’après la lieue parcourue, c’est
prendre une base vicieuse. Supposez le chemin de fer tel qu’il est maintenant,
mais qu’il survienne une diminution de mouvement et une réduction du nombre des
convois, ainsi que cela a déjà eu lieu pour plusieurs sections, le prix de la
lieue parcourue augmentera. D’un autre côté, si le mouvement prend un grand
accroissement sur toutes les sections, nécessairement le prix de la lieue
parcourue diminuera comparativement.
On nous a dit encore que le chemin de fer devait être considéré comme
une entreprise industrielle ; qu’on devait porter la plus grande économie dans
les dépenses et chercher à élever les recettes autant que possible.
Je ne parlerai, pour le moment, que des dépenses. La question des
recettes viendra plus à propos quand nous nous occuperons des péages. Alors je me
propose de prouve que le chemin de fer ne doit pas être administré comme une
entreprise industrielle, mais comme une grande voie de communication. Alors
même qu’on voudrait le considérer comme une grande entreprise particulière, je
citerai ce qui a lieu en France, où le gouvernement ne laisse pas le champ
libre aux sociétés, où il intervient dans les tarifs, dans la fixation du
nombre et de l’étendue des convois.
Quant à ce qui concerne l’économie, il faut la rechercher dans le chemin
de fer comme dans toutes les branches d’administration. Mais il faut faire en
sorte que le service ne se trouve dans aucun cas suspendu. Les chambres ne sont
pas toujours assemblées, et l’insuffisance pourrait se présenter quand elles ne
sont pas réunies ; elle pourrait avoir lieu quand elles sont assemblées et
qu’on ne peut pas obtenir assez tôt des crédits supplémentaires pour empêcher
l’interruption du service.
Voilà les considérations que je voulais présenter pour combattre
l’amendement proposé. Je suis convaincu que M. le ministre cherchera à
introduire dans l’administration du chemin de fer toutes les économies
possibles.
M. Rogier. - Vous avez
annoncé l’intention de démontrer que le coût de la lieue parcourue est une
mauvaise base pour évaluer la dépense.
M. Cogels. - Je l’ai ce
me semble suffisamment démontré.
M. David. - Messieurs,
en parlant du chiffre de 11 fr., du chemin de Paris à Versailles, cité par moi,
pour prouver l’économie du prix de parcours, M. Cogels trouve que la
comparaison n’est pas applicable à
Je ne vois en vérité pas pourquoi, et je comprends encore moins qu’on
n’admette pas qu’en tout état de choses, et en quelque pays que ce puisse être,
un convoi de marchandises, surtout de marchandises communes et en vrac, ne
coûte moins qu’un élégant convoi pour les hommes.
Ainsi avec des matériaux infiniment moins chers en Belgique qu’en
France, nous sommes condamnés à ne pouvoir exploiter qu’à plus hauts deniers.
Tout à l’heure, en citant mon amendement, l’honorable M. d’Hoffschmidt
est venu rappeler mon chiffre de 1,200,000 de
réduction. Je ferai observer, messieurs, que cet amendement a été global sur
les quatre litteras du budget que la décision de la chambre m’a force à diviser
et n’a pas, n’a jamais porté sur le lit. C. que nous discutons. Ma réduction
sur un seul littera paraîtrait ainsi une exagération et je tiens à rétablir les
faits.
D’après ce qui se passe, messieurs, il est évident pour moi que la
chambre veut cette fois un vote de confiance.
Soit, mais cependant je pousserai le courage jusqu’au bout et
j’ajouterai à l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt qui porte sur le coak et la houille un autre amendement qui demande une
réduction de 250,000 fr. sur les fournitures à faire pendant l’exercice 1843 au
magasin central de Malines. Voici la nomenclature des objets qui me paraissent
susceptibles de réduction :
Fournitures pour l’éclairage, huile épurée, fallot,
pour une somme de fr. 56,000
De cordes, ficelles, chanvre, fr. 16,000
De pièces de rechange pour locomotion, fr. 100,000
Des n° 15 jusqu’à 29 du litt. C, montant ensemble à
la somme de fr. 363,000
Ce qui donne une valeur de fr. 535,000
Il devient évident, messieurs, que cette sommes de 535,000 fr. pour des
fournitures nouvelles pour le magasin central de Malines, tandis qu’il regorge
déjà d’anciennes fournitures, est une demande exagérée. Ce qui dénoterait
l’état de pléthore du magasin central, c’est l’état complet d’approvisionnement
de tous les magasins particuliers, qui sont presque tous fournis pour 6 mois à
l’avance, ainsi que nous avons pu en juger pour la comptabilité très bien
tenue, qui a été soumise à notre inspection.
De ce chef, je réduis donc la demande pour
fournitures nouvelles d’environ la moitié, soit. fr. 250,000 ; qui avec la
réduction ci-dessus de fr. 350,000 font la somme de 600,000 francs portée à mon
amendement.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, ii est vraiment étonnant que l’on
veuille chercher par des réductions à obtenir de moi des économies sur les
fournitures de houille au chemin de fer, alors que je suis le premier qui de
mon propre mouvement ai porte mes investigations sur les économies possibles de
ce chef, que je suis le premier qui de mon propre mouvement ait réalisé de très
fortes économies sur la consommation de la houille et du coak.
Messieurs, j’ai cru que la consommation de la houille et du coak était un des objets les plus importants de
l’exploitation du chemin de fer ; et c’est pourquoi j’ai cru devoir porter
toute mon attention sur cette consommation. J’ai d’abord dû nécessairement
m’enquérir du chiffre de la consommation qui avait lieu précédemment.
C’est vainement que j’ai recouru aux comptes-rendus de mon prédécesseur
; je n’y ai rien trouvé à cet égard. Force m’a donc été de faire constater
moi-même quelle était la consommation du coak par
lieue de parcours d’une locomotive, mais par lieue de parcours, (il faut bien
ici y prendre garde), en comprenant dans le calcul de la consommation celle qui
a lieu par suite des stationnements, de l’allumage et de machines de réserve
qu’il faut tenir prêtes pour remplacer immédiatement les locomotives mises hors
de service par accident, ou pour porter secours aux locomotives qui ont à
traîner des convois trop chargés. Ces frais d’allumage, de stationnement et de
consommation par les machines de réserve, ne sont pas aussi peu considérables
qu’on peut le croire.
Quand il m’a été rendu compte du chiffre de 102 kilogrammes par lieue de
parcours, en y comprenant les frais d’allumage, de stationnement et de
consommation par les machines de réserve, je dois l’avouer franchement, j’ai
trouvé ce chiffre élevé. Mais c’est un chiffre que j’ai trouvé établi, c’est
pourquoi j’ai voulu rechercher tous les moyens possibles de réduire ce chiffre.
C’est pourquoi aussi j’en suis venu à établir mon règlement auquel des
honorables membres, bien qu’ils aient à l’égard des crédits que j’ai demandés
fait de l’opposition, ont bien voulu cependant donner des éloges ; c’est
pourquoi, dis-je, par mon règlement, je me suis efforcé de diminuer la
consommation du coak pendant la marche des convois et
je suis parvenu à faire descendre ainsi le chiffre de la consommation par lieue
de parcours de la marche des convois, consommation pour stationnement, machine
de réserve et allumage comprise, de 102 kilog. à 88.
C’est ce que vous pouvez voir par mon compte-rendu. Je suis parvenu à faire
descendre la consommation pendant la marche des convois à 52 kilog. environ.
J’ai comme on l’a dit, visité, il y a quelque temps, les chemins de fer
étrangers, et je me suis enquis des chiffres de consommation du coak. Le chiffre qu’on a cité dans une autre séance à
l’égard du chemin de fer de Strasbourg à Bale, est bien le chiffre qu’on m’a
renseigné aussi. Il est du 11 à 13 kilog. par
kilomètre pour la marche des convois. Maintenant ce chiffre peut être plus ou
moins exact, parce qu’on n’a pas pu me donner les calculs à l’aide desquels on
est parvenu à l’établir. Mais remarquez que ces 11 à 13 kilog par kilomètres,
font 55 à 65 kilog. par lieue de 5 kilomètres. Mon
règlement l’a réduit à 52. Vous voyez donc bien que j’ai
fait à cet égard tout ce qu’il était possible de faire. Je recherche en ce
moment les moyens d’arriver à diminuer la consommation pour l’allumage, les
stationnements et les machines de réserve.
Maintenant on a parlé de l’invention de l’ingénieur en chef Cabry, invention très méritante et qui, j’espèce, portera
ses fruits.
Mais, messieurs, dans la somme de 875,000 fr. que je vous demande pour
les fournitures et la fabrication du coak, n’ai-je
pas tenu compte de l’économie qui doit résulter de l’adoption du système de M.
l’ingénieur Cabry ? Certainement, et je vais le
démontrer.
J’ai porté en compte dans les développements que j’ai fournis au sujet
de l’article en discussion :
Pour le charbon, fr. 810,000
Pour la fabrication du coak, fr. 65,000
Total : fr. 875,000
Ici je dois vous faire une remarque essentielle, c’est que je n’ai porté
pour la fabrication du coak que la somme qui a été
dépensée à ce titre, en 1841 ; cependant vous comprenez que l’on consommera
plus de coak en 1843 qu’en 1841. Vous voyez donc que
j’ai tenu compte des économies que je m’efforcerai de réaliser.
Maintenant, veut-on absolument calculer par lieue parcourue ? Mais
(ainsi que je l’ai déjà dit à la chambre) ces calculs bons seulement pour les
résultats du passé n’offrent pas assez de certitude pour l’avenir, je suis à
cet égard tout à fait d’accord avec l’honorable M. Cogels.
Du reste, l’honorable rapporteur vous a prouvé, en procédant par des
calculs différents des miens, l’exactitude du chiffre de 428,000 lieues à
parcourir en 1843, chiffre auquel je suis arrivé en rectifiant les calculs
erronés de l’honorable M. David.
Divisant 875,000 par 428,000, nous avons pour le coût du parcours 2 fr.
05 c. par lieue, y compris les frais de stationnement les machines de réserve
et de l’allumage. Le coak coûte de 26 à 28 fr, les
1.000 kilog. Supposons le prix moyen de 27 francs, soit fr. 0.027 par
kilogramme. Divisant les 2 fr. 05 par fr. 0.027 pour avoir le nombre de
kilogrammes à employer par lieue de parcours, nous arrivons à près de 76 kilog.
Par suite de mes réductions, 52 est le nombre réduit de kilogrammes que l’on
est parvenu à consommer seulement dans la marche des convois par lieue
parcourue.
Si l’on tient comte de la nouvelle économie de 25 p. c. sur la
consommation de la lieue de marche d’une locomotive, que peut produire le
système de l’ingénieur Cabry (c’est là l’économie qui
a été annoncée par cet honorable ingénieur lui-même), cela fait 13 kil. sur 52 ; or, 13 de 88, reste 75. Ainsi vous voyez que j’ai
compté pour établir le chiffre de 875,000 fr., sur presque toute l’économie de
25 p. c. que M. l’ingénieur Cabry croit devoir
résulter de son système.
On m’a demandé pourquoi l’on n’a pas appliqué ce système à toutes les
locomotives. Je réponds que c’est parce qu’il y a des questions essentielles et
très importantes pour bien juger de la bonté du système qui ne sont pas encore
résolues. Pour juger du système à expansion inventé par M. l’ingénieur Cabry, il n’y a pas seulement à considérer la consommation
du coak, relativement à une locomotive, pendant la
marche du convoi ; il y a aussi à voir si ce système ne diminue pas la
puissance de traction de ces locomotives et n’oblige pas ainsi, pour certains
convois, à avoir deux locomotives au lieu d’une. Vous concevez que, s’il en
était ainsi, l’économie résultant de la mise en œuvre de ce système pourrait
être compensée ou dépassée par l’emploi d’un plus grand nombre de locomotives.
C’est une question très grave à la solution de laquelle on ne peut parvenir par
des essais en petit, tels que ceux qui ont été faits, mais pour laquelle il
faut des essais en grand, comme ceux qui se font sur la ligne de l’Est.
Je crois, du reste, messieurs, que lorsqu’il s’agit d’un crédit global,
pour lequel il y a dans les développements 29 subdivisions, on ne peut
s’attacher à une seule subdivision pour demander une économie. Car on doit
admettre qu’il peut y avoir des compensations. C’est donc surtout au chiffre
global qu’il faut s’attacher ; c’est là qu’il faut voir si les prévisions du
gouvernement sont exagérées, oui ou non. Eh bien, comparons ce chiffre global à
celui des années antérieures, et examinons, si réellement il est exagéré. Ce
chiffre global est de 2,570,000 fr., et, en 1841, alors que toutes les dépenses ne sont pas encore connues, puisque l’exercice a
trois ans de durée, en 1841, on a déjà dépensé 2,580,000 fr., c’est-à-dire
10,000 fr. de plus que le chiffre demandé pour 1843, et en 1843 il y a 35
lieues de plus à exploiter qu’en 1841, c’est-à-dire à peu près 47 à 48 p. c. de
plus, puisqu’en 1841 on n’a exploité que 69 lieues et qu’on prévoit qu’il en
sera exploité 102 en 1843. Je crois que cette seule comparaison doit vous
suffire pour allouer le chiffre demandé à l’art. 3 du chapitre du chemin de
fer, article qui comprend en outre l’entretien du matériel que l’on pense bien
devoir n’aller qu’en augmentant.
M. David. - Je rends
justice aux bonnes intentions qu’a eues M. le ministre des travaux publics, en
intéressant les conducteurs des locomotives dans les économies de combustible
qu’ils pourraient faire. Cependant, je me permettrai de lui faire observer qu’une
maison de commerce n’opérerait pas ainsi. Si l’on peut faire une économie sur
la consommation du combustible, pourquoi en donner une part aux conducteurs des
locomotives ? Cela ne me paraît pas nécessaire. Nous avons des ingénieurs qui
peuvent parcourir le chemin de fer avec les conducteurs et apprécier le coke
nécessaire de telle à telle distance.
Vous êtes obligés de calculer d’une manière un peu généreuse le coke que
vous donnez pour aller d’un point à un autre ; car si vous donnez seulement la
quantité absolument nécessaire, vous êtes exposés à laisser la locomotive en
route. J’avoue que je ne comprends pas la nécessité de partager, comme vous le
faites, avec les conducteurs des locomotives, ce qui excède les besoins réels.
Ces besoins étant connus, il y aurait seulement à congédier les conducteurs qui
dépasseraient ces besoins.
M. le ministre dit toujours qu’on ne peut adapter comme base des calculs
le coût de la lieue parcourue. Mais sur quoi donc baserons-nous nos calculs ?
Il nous faut cependant une base.
M. le ministre nous a fait une règle de trois ; il est certain que ce
n’est pas d’après cela que j’établirai des calculs ; si l’on admet ce mode de
calculer, il nous faudra recommencer notre éducation en fait d’arithmétique. Ce
n’est pas ainsi qu’on calcule. Je l’ai assez démontré.
M. le ministre persiste à dire qu’il a relevé
les erreurs de mon tableau. J’affirme le contraire. D’après une observation
qu’il a faite, j’ai ajouté 3,600 lieues aux lieues parcourues. Apres cela, j’ai
défié à dix reprises M. le ministre d’indiquer où il faut un plus grand nombre
de convois ; il est resté muet ; ainsi mon tableau est resté ; je défie qui que
ce soit d’y trouver une erreur.
M.
d’Hoffschmidt. - Je répondrai d’abord quelques mots à
l’honorable M. Cogels. « Je crois, vous dit-il, que c’est s’exposer à de
graves erreurs que d’adopter pour base des calculs le nombre de lieues de
parcours. » En cela l’honorable membre est en opposition avec tous les
comptes-rendus qui nous ont été présentés jusqu’ici et qui basent leurs calculs
sur le nombre de lieues parcourues. Il est en opposition avec les
renseignements qui ont été fournis à la commission chargée d’examiner les
tarifs : ces renseignements ont aussi été basés sur le nombre de lieues de
parcours.
Dans tous les cas, les observations de l’honorable M. Cogels ne
s’appliqueraient pas bien certainement à mon amendement qui se rapporte
seulement à la consommation du coak par les
locomotives. Or, messieurs, évidemment ici on doit calculer d’après le nombre
de lieues parcourues ; car dès que les locomotives sont en mouvement, elles
consomment du combustible. Il est vrai que le poids de transport peut influer
sur cette consommation ; mais il y a toujours une certaine compensation dans le
grand nombre de convois qui parcourent notre route ferrée pendant l’année, et
l’on peut adopter en toute assurance une moyenne à cet égard.
M. le ministre des travaux publics vous a parlé du règlement qui a été
adopté par lui, et qui concerne les machinistes. Or, je puis me baser sur ce
règlement lui-même pour vous démontrer que le chiffre de 50 kilog. que j’ai adopté comme étant celui de la consommation par
lieue parcourue, est trop élevé. En effet, quels sont les maxima qu’on a fixés
aux machinistes ? D’abord pour les locomotives de 14 pouces, il est de 2
hectolitres, ce qui revient à 74 kilogrammes par lieue de parcours ; mais pour
les locomotives de 11 à 13 pouces, on l’a fixé à 1 ½ hectolitre, ce qui ne fait
que 55 kil. et demie. Or,
c’était avant le perfectionnement dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui
est dû à M. Cabry, qu’on a arrêté ce règlement ; et
décidément il faut bien tenir compte de ce perfectionnement, puisqu’il est
adopté par l’administration du chemin de fer ; puisqu’il a été admis après de
longs et minutieux essais, et qu’il été constaté qu’il était éminemment
applicable par un rapport parfaitement développé du directeur de
l’administration des chemins de fer.
Eh bien ! si nous réduisons de 30 p. c. les
maxima que nous venons d’indiquer et qui sont, notez-le bien, les chiffres les
plus élevés de consommation, nous arrivons à 39 kilog. seulement
pour les locomotives de 11 à 13 pouces. Ainsi, en fixant le chiffre à 50 kilog., nous faisons une large part pour les dépenses de stationnement
et d’allumage pour lesquelles, du reste, il y a déjà au budget un article qui
s’élève à 27,000 fr.
Après cela on n’a pas tenu compte, non plus, de ce que, d’après toutes
les démonstrations qui ont été faites, le chiffre de 410,500 lieues est évidemment
trop élevé. On n’a pas tenu compte, et il n’a été fait aucune réponse à cet
égard, qu’en portant à 29 fr. le prix des 1,000 kilog. de
coak, on a adopté un prix également trop élevé.
Du reste, pour l’économie du combustible, nous sommes d’accord avec
l’honorable rapporteur de la section centrale. Dans le discours qu’il a
prononcé dernièrement, il convenait lui-même que c’était sur le combustible
qu’on pouvait faire le plus d’économies.
Enfin, M. le ministre nous a dit qu’on ne devait pas envisager les
détails qui nous étaient soumis, mais le chiffre global, et il a ajouté que la
dépense pour les frais de locomotion en 1841 avait été plus élevée que la somme
demandée pour 1843. Ici je crois que M. le ministre est dans l’erreur. D’après
son compte rendu, la dépense en 1841 n’a été que de 2,369,000
fr., c’est-à-dire de 200,000 fr. de moins que la somme demandée pour 1843.
Plusieurs
membres. - La clôture
M. Rogier. - Messieurs,
la chambre est impatiente ; je tâcherai donc d’abréger ce que j’ai à dire.
Messieurs, en général je me suis prononcé pour les économies dans la
discussion du budget des travaux publics. Quoique nous n’ayons pas obtenu de
résultat réel, nous avons obtenu du moins, de la part de M. le ministre, la
promesse de marcher dans la voie des économies. J’ai été le premier à féliciter
M. le ministre des économies qu’il avait obtenues sur la consommation du coak ; je lui réitère mes félicitations mais j’ai ajouté
que je voudrais que ces économies tournassent en même temps à l’honneur de M.
le ministre et au profit du budget. Or, jusqu’ici, nous n’avons pu introduire
le résultat de ces économies dans le budget.
L’honorable M. Cogels, voulant bien revenir sur mon discours de samedi,
vous a dit qu’il ne comprenait pas comment on pouvait prendre pour base des
calculs le prix de revient de la lieue parcourue. Je m’attendais, de la part de
cet honorable membre, à la démonstration de cette assertion : j’ai écouté son
discours et il n’a pas dit le moindre mot pour prouver que cette base ne valait
rien. Il a fait une longue description des chemins de fer de Versailles et de
St-Germain, mais au fond je n’ai pas trouvé dans son discours que cette base
fût vicieuse.
Messieurs, cette base est celle qui a été adoptée dans tous nos
comptes-rendus des opérations du chemin de fer ; c’est la base adoptée dans
tous les comptes-rendus de toutes les administrations de chemins de fer en
exploitation, et je la trouve, messieurs, la base la plus naturelle.
L’honorable M. Cogels aurait dû nous dire quelle était, suivant lui, la base
qu’il fallait adopter ; jusqu’à ce qu’il nous l’ait appris, il faudra bien nous
en tenir au prix de revient de la lieue parcourue.
Mais je comprends, messieurs, que cette base soit quelquefois difficile
à admettre. Ainsi, elle est devenue très embarrassante pour M. le ministre des
travaux publics et pour ses défenseurs. M. le ministre nous avait dit : J’ai
parcouru, en 1842, 317,000 lieues. Nous lui avons demandé combien il en
parcourrait en 1843. M. le ministre ne nous a pas d’abord répondu. Nous lui
avons fait alors son compte largement. D’après les sections nouvelles à ouvrir,
avons-nous dit, vous n’aurez que 350,000 lieues à parcourir en 1843 ; mais nous
vous en accordons 365,000 ; à 12 fr. 79 c. la lieue, nous avons telle somme.
Vous demandez plus que cette somme, il faut donc réduire votre demande. Alors
M. le ministre s’est dit : 365,000 lieues ne me suffisent pas ; je vais en
exagérer le nombre : j’en demanderai 400,000 ; si 400,000 ne suffisent pas,
j’en parcourrai 428,000 ; 110,000 lieues de plus qu’en 1842.
Je m’étonne, messieurs, que cette exagération ait trouvé pour défenseur
un esprit aussi calme, aussi réfléchi que celui de l’honorable rapporteur de la
section centrale ; j’avoue que je ne comprends pas comment l’honorable M.
Liedts, dans son désir bien naturel de soutenir M. le ministre des travaux
publics, ait adopté un pareil calcul, qui n’est vraiment pas raisonnable.
Comment ! il y aura en moyenne 12 lieues de plus en
1843 qu’en 1842, et tout d’un coup on vient nous annoncer 110,000 lieues de
plus à parcourir. Mais nous vous avons démontré qu’avec un parcours utile de
365,000 lieues, à 10 convois par jour, transportant 500 kilog. à 10 lieues, sur
une étendue de 100 lieues, vous arriveriez à 5,000 tonneaux par jour,
c’est-à-dire pour les 365 jours de l’année à 1,800,000
tonneaux et au-delà. Nous avons réduit les 365 jours de parcours à 300 ; nous
avons déduit les jours de fête et les dimanches, et il nous est resté un
parcours suffisant pour le transport de 1,500,000
tonneaux. Et quel poids, messieurs, avons-nous compté par convoi ? Non pas le
poids de 100 tonneaux que peuvent réellement transporter un convoi, mais celui
de 50 tonneaux, c’est-à-dire la moitié de ce qu’il pourrait être. C’est à
raison de 50 tonneaux par chaque convoi faisant 10 lieues, et surtout de
l’étendue du chemin de fer, calculée à 100 lieues, que nous trouvons la
possibilité de transporter par année de 300 jours, 1,500,000
tonneaux. Eh bien ! ce parcours n’a pas suffi à M. le
ministre et à M. le rapporteur de la section centrale, et ils sont venus nous
parler de 428,000 lieues Cependant en admettant même 428,000 lieues on
n’arriverait pas à la somme demandée pour l’exploitation du chemin de fer, si
les calculs de M. le ministre sont exacts, et si les économies qu’il nous
annonce ne sont pas un rêve. En 1841, le prix de la lieue parcourue en
comprenant tous les frais d’exploitation possibles, frais d’administration
générale, frais de locomotion, frais de perception, a été de 12 fr. 79 c. Mais
M. le ministre, dans une note fournie à la section centrale, et dont M. le
rapporteur s’est emparé pour adopter le chiffre du budget, nous annonce qu’il y
aura entre 1841 et 1843 une économie de 15 p. c. sur les frais d’exploitation.
Eh bien ! messieurs, une économie de 15 p. c. sur 12 fr. 79 c.,
réduit cette dernière somme à 10 fr. 80 c. Voilà, si les économies annoncées
par M. le ministre des travaux publics ne sont pas une illusion, si elles sont
réelles, le prix de revient de la lieue pour 1843. Il n’est pas étonnant qu’en
présence de cette base de 10 fr. 80 c. on soit fort embarrassé du nombre de
lieues à parcourir. Il est évident que, pour échapper aux contradictions, force
est bien d’exagérer ce nombre au-delà de toute limite raisonnable.
Puisque j’ai été amené à parler du rapport de la section centrale, je
répondrai un mot à l’une des dernières observations de M. le rapporteur.
Messieurs, dans les questions administratives j’aurais pu avoir une opinion
il y a deux ans, et, éclairé par l’expérience, la modifier aujourd’hui. Les
changements d’opinion, messieurs, n’ont pas de gravité dans les questions
administratives. Mais il se trouve que je n’ai pas changé d’opinion depuis deux
ans. J’ai conservé en administration comme en politique, la même opinion.
M. le rapporteur de la section centrale a signalé à la chambre une
erreur dans laquelle je serais tombé, et qui consisterait en ceci :
J’avais dit qu’il y avait de la part de l’administration du chemin de
fer, tendance à exagérer les demandes de crédit, que cela s’était manifesté
dans les dernières années, mais que pour les années 1838, 1839 et 1840 on était
parvenu à couvrir les dépenses de l’exploitation avec une même somme de
3,090,000 fr., quoiqu’on n’eût parcouru en 1838 que 129,000 lieues, tandis
qu’on en avait parcouru 174,000 en 1839, et 236,000 en 1840.
M. le rapporteur a dit que je m’étais trompé du tout au tout, qu’en
vérité l’on avait demandé pour 1838, 3,090,000 fr.,
mais que cette somme n’a pas été dépensée. Cela, messieurs, est exact : on
avait, en effet, demandé pour 1838, 3,090,000 francs,
et l’on a dépensé 355,000 fr. en moins, cela prouverait que pour 1838,
l’administration avait demandé plus que ce qu’exigeaient les besoins réels du
service. Pour 1839 et pour 1840, on a demandé la même somme que pour 1838, mais
M. le rapporteur observe qu’en 1840 on a dépensé une somme plus forte. Je
voudrais bien savoir où M. le rapporteur a puisé les éléments de sa conviction,
Si c’est dans le rapport du chemin de fer, présenté par mon honorable
successeur, je dois déclarer que je récuse ce rapport presque tout entier. Le
moment viendra de démontrer de combien de contradictions et d’inexactitudes il
fourmille. Il y a dans ce rapport un passage où M. le rapporteur aura pu puiser
son assertion, c’est celui où l’on affirme que des dépenses pour fournitures
consommées en 1840 auraient été imputées sur l’exercice de 1841 jusqu’à
concurrence d’une somme de 184,000 fr. Parmi les questions faites à M. le
ministre par la section centrale, il en est une par laquelle on demandait la
nature de ces fournitures et les détails de cette imputation prétendument
irrégulière. C’est là une des questions auxquelles M le ministre n’a pas
répondu et pour cause. Je nie qu’il ait été imputé sur 1841 des dépenses de
fournitures consommées en 1841, je le nie formellement et je le nierai jusqu’à
ce qu’on en apporte la preuve ; cette preuve, M. le ministre a eu l’occasion de
la fournir ; il n’avait qu’à répondre à la question posée par la section
centrale, mais cette question est restée sans réponse.
Je soutiens qu’en 1840 la somme de 3,090,000
fr. a suffi, comme elle avait suffi pour 1839 ; cependant, en 1840, ou a
exploité 64 lieues, tandis qu’on n’en avait exploité que 54 en 1839 ; en 1840,
on a parcouru 236,000 lieues, tandis qu’on n’en avait parcouru que 174,000 en
1839.
Je tenais, messieurs, à répondre, surtout en ce
point, à M. le rapporteur de la section centrale. Je pourrais m’étendre
davantage, mais dans l’état actuel de la discussion, cela est devenu inutile,
et je ne veux pas abuser des moments de la chambre. (Aux voix ! aux voix !)
M. Cogels. - Je
demanderai à répondre quelques mots seulement à l’honorable préopinant. Il a
dit que j’avais promis de démontrer que les lieues parcourues sont une fausse
base pour l’appréciation du budget du chemin de fer, et que je n’ai point
fourni cette démonstration. Voyant l’impatience de la chambre d’en finir, je
n’ai pas voulu entrer dans tous les développements que j’aurais pu présenter ;
j’ai cru devoir me borner à examiner les points les plus saillants, de manière
à être compris de messieurs les membres qui ont le plus étudié la matière et je
vous avoue, messieurs, que je suis fort étonné de ne pas avoir été compris par
l’honorable M. Rogier.
J’ai dit d’abord que dans l’évaluation du coût de la lieue parcourue, il
ne faut pas tenir compte des dépenses invariables du chemin de fer, des
dépenses de l’administration centrale, des bureaux de perception, etc. ; il ne
faut pas tenir compte non plus des dépenses imprévues, car il est au chemin de
fer des dépenses qui peuvent se présenter une année et qui ne se représentent
pas l’année suivante. Ainsi, lorsque sur une section, il faut, ou bien
renouveler les rails, ou retirer les billes ou faire des travaux d’art
extraordinaires qui ne peuvent plus être considérés comme frais de premier
établissement, mais qu’il faut envisager comme frais d’entretien, il est
certain qu’alors le prix de la lieue parcourue augmentera de beaucoup alors
même qu’il y aurait des réductions sur le personnel et sur les frais
d’exploitation proprement dits.
J’ai dit aussi, messieurs, que l’on ne peut pas établir un parallèle
entre nos chemins de fer et les chemins de fer français, et voici pourquoi :
c’est que ces derniers chemins de fer se composent d’une seule section et que
par conséquent chacun d’eux est parcouru sur toute sa longueur par le même
nombre de convois, tandis que chez nous telle partie du chemin de fer est
parcourue par 10 ou 12 convois par jour, tandis que sur telle autre partie, il
n’y en a que 4 ; or, il est certain que sur ces derniers, le prix de la lieue
parcourue est beaucoup plus élevé que sur les autres.
L’honorable M. d’Hoffschmidt a dit que c’est
lorsqu’elle est en voie de parcours que la locomotive consomme le charbon ;
mais, messieurs, une locomotive ne consommera guère moins de charbon
lorsqu’elle est en stagnation que lorsqu’elle est en voie de parcours du moment
où elle est chauffée, elle consomme à peu près la même quantité de combustible,
qu’elle soit en repos ou qu’elle marche. Par conséquent, plus il y a
d’intervalle entre les départs des convois, plus les frais d’alimentation
augmentent, relativement à la lieue parcourue. (Aux voix ! aux voix !)
M. Liedts, rapporteur. - Messieurs,
l’honorable orateur qui a précédé l’honorable M. Cogels, s’est étonné de ce que
j’ai soutenu avec M. le ministre des travaux publics que les 23 lieues de route
nouvelle qui vont s’ouvrir en 1843 amèneront pour les locomotives un parcours
d’à peu près 100,000 lieues en plus qu’en 1842. Si l’honorable membre admet
avec M. le ministre que 23 lieues de railway seront réellement livrées à la
circulation en 1843, de plus qu’en 1842, je dis qu’il est impossible de ne pas admettre
également qu’il en résultera une augmentation de parcours d’environ 100,000
lieues. C’est là une chose qu’il faut bien reconnaître, à moins, comme je l’ai
dit la première fois que j’ai pris la parole dans cette discussion, à moins de
soutenir que les nouvelles sections qui vont être ouvertes traversent des
localités où il n’y aura pas une circulation aussi active que sur le reste du
chemin de fer. Or, les 23 lieues nouvelles dont il s’agit appartiennent
précisément aux parties du pays où il y a le plus grand transport de matières
pondéreuses. Ainsi, par exemple, dans le pays de Charleroy, les carrières, les
charbonnages, les matières métallurgiques, donneront lieu à des transports de
marchandises pondéreuses qui surpassera certainement
tout ce qui existe dans le reste du pays, à distance égale.
Un membre. - Et les
canaux ?
M. Liedts, rapporteur. - Sans doute
les canaux ne perdront pas tous le transport qu’ils ont actuellement, mais il
est manifeste qu’une grande partie de ce transport se fera par le chemin de fer
; il en sera surtout ainsi pour le transport du charbon à l’intérieur du pays.
Il peut même se présenter telle circonstance où tous les transports de charbon
se feront momentanément par le chemin de fer. Ainsi, par exemple, s’il y avait
un hiver rigoureux, il est évident que dans ce cas le chemin de fer ferait seul
le transport de toutes les matières dont je viens de parler. Il y a encore,
messieurs, par exemple les pierres des carrières de Basècles
servant aux constructions, et beaucoup d’autres produits pondéreux. En somme,
il est incontestable qu’il y aura sur les 23 lieues de route nouvelle qui vont
être ouvertes, une circulation au moins aussi active que celle qui a eu lieu
sur les 23 autres lieues prises, terme moyen, dans le reste du chemin de fer.
Il ne faut pas toujours prendre pour point de la circulation qui existe entre
Malines et Bruxelles, il faut aussi voir ce qui se passe sur les extrémités du
railway.
Un membre. - Mais les
voyageurs ?
M. Liedts, rapporteur. - J’admets
que sur les sections nouvelles il y aura peut-être moins de voyageurs que sur
le reste du chemin de fer, mais évidemment le transport des marchandises sera
bien plus considérable sur ces nouvelles sections que sur les autres, et de ce
chef il y aura compensation.
Si M. le ministre avait présenté des chiffres erronés ce ne serait pas
de ma faute ; je suis bien obligé d’établir la discussion sur ceux qu’il a
présentés à la section centrale et à la chambre et d’après lesquels il sera
parcouru, terme moyen, pendant l’année 1843, 102 lieues de chemin de fer. Ces
prémisses une fois admises, si on recherche, par comparaison avec les années
antérieures, quel parcours amèneront ces 102 lieues de railway, on obtient,
comme je l’ai dit dans une autre séance, 428,000 lieues.
Arrivant aux frais d’exploitation des années antérieures et notamment
des années 1838, 1839 et 1840, l’honorable M. Rogier a prétendu que j’étais
tombé dans une erreur grave lorsque j’ai dit que ces frais ont présenté d’année
en année une majoration ou moins en rapport avec l’extension que le chemin de
fer a prise successivement pendant ces trois années. Eh bien, messieurs,
encore, si j’ai commis une erreur, cette erreur est bien innocente puisque mes
chiffres sont puisés dans les documents officiels présentés aux chambres. Le
rapport de l’honorable M. Rogier lui-même présente pour 1838 une dépense
d’exploitation de 2,575,000 fr. et pour 1839, une
dépense de 2,905,000 fr., c’est-à-dire une augmentation, en 1839, de 333 mille
fr.
J’ai donc eu raison de dire dans mon premier discours, que l’honorable
membre s’était trompé lorsqu’il avait dit qu’en 1839 on avait exploité avec la
même somme qu’en 1838. Quant à l’année 1840, il est vrai que d’après le rapport
de l’honorable M. Rogier la dépense de cette année n’aurait pas dépassé celle
de 1839, mais ce rapport a été rédigé au mois de janvier 1841, c’est-à-dire
dans le mois qui a suivi la clôture de l’exercice ; et à cette époque il était
physiquement impossible de connaître toutes les dépenses de 1840. Aussi un
rapport ultérieur qui a été présenté lorsque toutes ces dépenses étaient
connues, en porte le chiffre à 3,254,000 fr. Si
maintenant l’honorable membre prétend que ce rapport présente des chiffres
erronés, ce n’est pas de ma faute ; je ne puis raisonner que d’après les
documents officiels qui nous sont fournis par le ministre.
Je crois, messieurs, devoir borner ici mes observations, puisque la
chambre est impatiente d’arriver à la fin de cette discussion. (Aux voix ! aux voix !)
- Le chiffre de 2,570,700 fr demandé par le
gouvernement est mis aux voix et adopté.
Article
4
« Art. 4. Service des transports : fr. 1,094,800 »
- Adopté sans discussion.
Les deux articles de la section des postes,
et les chap. IV, V et VI qui forment les derniers chapitres du budget des
travaux publics ont été discutés et votés dans une séance précédente.
Vote sur les articles et sur l’ensemble du
projet
La chambre décide qu’elle procédera séance tenante, au vote, par appel
nominal sur l’ensemble du budget des travaux publics.
Elle adopte d’abord successivement et sans discussion, les deux articles
du projet de loi qui contient le texte du budget. Ces deux articles sont ainsi
conçus ;
« Art. 1er. Le budget du département des travaux publics pour l’exercice
de 1843 est fixé à la somme de onze millions huit cent cinquante mille
quarante-quatre francs soixante-cinq centimes (11,850,044 fr. 65 cent.),
conformément au tableau ci-annexé. »
« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa
promulgation. »
On passe à l’appel nominal.
67 membres y prennent part
66 ont répondu oui.
1 (M. David) répond non.
En conséquence, le budget du département des travaux publics est adopté
et il sera transmis au sénat.
Ont répondu oui : MM. Angillis, de La Coste, Cogels, Coghen, Cools, de
Baillet, de Behr, Dechamps, Dedecker, de Florisone, de Foere, de Garcia de la
Vega, Delehaye, Delfosse, de Man d’Attenrode, de Nef, de Potter, Deprey, de
Renesse, de Roo, de Sécus Desmaisières, Desmet, de Terbecq, Devaux, de
Villegas, d’Hoffschmidt, Savart-Martel, Dubus (aîné), Duvivier, Fallon, Henot,
Hye-Hoys, Huveners, Jonet, Kervyn, Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Lys, Malou,
Manilius, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Osy, Peeters,
Pirmez, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits,
Thienpont, Van Cutsem, Vanden Eynde, Vandensteen, Van Volxem, Wallaert, Zoude
et Raikem.
PROJET DE LOI RELATIF A
L’ERECTION EN COMMUNE SOUS LE NOM DE VILLE-EN-WARET, DES HAMEAUX DE
VILLE-EN-WARET ET HOUSSOY
M. le président. - Ce projet
est ainsi conçu :
«Art. 1er. Les hameaux de Ville-en-Waret et de
Houssoy sont séparés de la commune de Vezin, province de Namur, et érigés en une commune distincte
sous le nom de Ville-en-Waret.
« La limite séparative entre la nouvelle commune et celle de Vezin est formée par le chemin marqué, au plan ci-joint,
par un liseré bleu et allant de A en B. »
«Art. 2. Le cens électoral et le nombre des conseillers à élire dans les
communes de Ville-en-Waret et de Vezin
seront déterminés par l’arrêté royal fixant le chiffre de leur
population. »
- La discussion générale est ouverte.
M. Savart-Martel. - Messieurs, je crois
qu’en général la chambre ne doit pas être inclinée à consentir à des
séparations de communes. Il est certain qu’un aussi grand nombre de petites
communes doivent singulièrement multiplier les rouages administratifs. Ces
séparations sont rarement profitables aux habitants ; la séparation terminée,
les difficultés deviennent d’autant plus grandes entre les communes séparées
qu’il y a presque toujours des procédures relativement au partage des biens
communaux, relativement aux servitudes, aux dettes et aux autres obligations.
Je ne connais pas assez l’affaire dont il s’agit
en ce moment, pour pouvoir dire que je voterai contre la loi. Si les
administrations locales ont émis un avis favorable à la séparation, j’adopterai
le projet ; mais j’ai cru devoir présenter ces observations, car bien souvent
j’ai remarqué que ces divisions de communes étaient une source de difficulté
presqu’inextricables.
M. de Garcia,
rapporteur. - Messieurs, il serait difficile d’ajouter de nouvelles considérations
à celles qui sont exposées dans le rapport de votre commission, relativement à
la question qui vient d’être soulevée par l’honorable Savart. D’après
l’instruction à laquelle on a soumis cette affaire, il est avéré que les deux
fractions de communes qui demandent à faire chacune une commune particulière,
ont des intérêts essentiellement distincts. Il est également établi que la
commune unique actuelle a une configuration très allongée, et que les deux
hameaux de Ville-en-Waret et de Houssoy
sont séparés de Vezin de plus d’une demi-lieue, dans
un pays très accidenté, boisé, et où les communications sont extrêmement
difficiles.
Messieurs, je partage l’opinion de l’honorable M. Savart. Je pense, avec
lui, qu’il faut être fort sobre de séparations de communes. Mais il ne faut
pourtant pas poser à cet égard une règle inflexible et absolue.
L’administration provinciale de Namur se livre, en général, à un examen très
sévère des demandes de séparation de communes. J’ai eu l’honneur de faire
partie du conseil de cette province, et je puis dire que cette assemblée est
animée des mêmes sentiments que ceux qu’a exprimés tout à l’heure l’honorable
M. Savart. Eh bien, l’administration provinciale et le gouvernement de la
province, qui mérite sans doute toute la confiance de la chambre, ont émis un
avis favorable à la demande.
L’honorable M Savart a parlé aussi des difficultés que rencontre en
pareil cas le règlement des intérêts communaux respectif. Je ferai remarquer à
l’honorable membre que la séparation est demandée, entre autres motifs, parce
que, dans l’une des fractions, il y a des biens communaux, et que, dans
l’autre, il n’en existe pas, et que les revenus particuliers de ces biens sont
souvent employés d’une manière peu conforme à l’équité, soit qu’on les affecte
à couvrir des charges d’intérêts généraux, soit même qu’on en fasse profiter
plus particulièrement les fractions de la commune qui n’a pas de biens
communaux.
Je crois, en conséquence, que la demande de séparation qui fait l’objet
du projet de loi en discussion repose sur des motifs suffisants pour que la
chambre y donne son assentiment.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion générale est
close.
Les deux articles dont se compose le projet de loi sont mis
successivement aux voix et adoptés sans discussion, tels qu’ils se trouvent
indiqués ci-dessus.
On passe à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 61 membres qui ont pris
part au vote.
Il sera transmis au sénat.
PROJET DE LOI PORTANT UN CREDIT SUPPLEMENTAIRE
AU BUDGET DU DEPARTEMENT DES FINANCES POUR L’EXERCICE 1842
M. le président. - Je
demanderai à M. le ministre s’il se rallié à la rédaction proposée par la
commission des finances.
M. le ministre des finances (M.
Smits) - Oui, M. le président ; mais j’aurai une autre modification à
proposer. Postérieurement à la présentation du projet de loi, un autre
bordereau de collocation m’est parvenu, délivré au profit des communes de
Couvin, Brouilly, et Petit Chate, montant à 32 mille fr., auquel il faut
ajouter les intérêts à partir du 2 août dernier. Comme le sénat ne pourra
donner son approbation à cette loi que dans le courant de février, il faudrait
calculer les intérêts à raison de sept mois.
Le capital étant de 398,000 fr., en y ajoutant sept mois d’intérêt, la
somme totale pour laquelle le crédit devrait être ouvert serait de 409,738 fr.
14 c. C’est cette somme que je proposerai de substituer à celle portée dans le
projet présenté par la commission des finances.
Une autre modification devrait être apportée à la rédaction ; elle
consistera à dire : Les bordereaux de collocation délivrés les 28 juillet et 23
août 1842, etc.
- Les modifications proposées par M. le ministre des finances sont mises
aux voix et adoptées.
La chambre décide qu’il sera, nonobstant ces amendements, passé au vote
sur l’ensemble du projet.
« Article unique. Un crédit supplémentaire de fr. 409,738 14 est
ouvert au budget du département des finances de l’exercice 1842, chap. IV, art.
10, pour pourvoir au paiement des bordereaux de collocation délivrés les 28
juillet et 25 août 1842, par le greffier du tribunal de première instance de
Dinant. »
Il est procédé à l’appel nominal.
Le projet de loi est adopté à l’unanimité des 57 membres qui ont répondu
l’appel.
M. le président. - Nous avons
maintenant le projet de loi relatif à la répression de la fraude.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je suis prêt à commencer cette discussion, mais je crois qu’il serait
impossible de terminer la discussion de ce projet, même dans la séance de
demain en commençant aujourd’hui. Je pense qu’il vaut mieux la remettre
immédiatement après celle du traité avec
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Dans ce cas, je propose de mettre à l’ordre
du jour de demain deux objets qui ne pourront pas l’occuper longtemps : D’abord
le projet de loi relatif au palais de justice de Mons et, en second lieu, le
projet de loi concernant les primes pour construction de navires.
M. de Renesse. - Je propose
d’ajouter un projet de loi relatif à des naturalisations.
- L’ajournement proposé par M. le ministre des finances et l’ordre du
jour proposé par M. le ministre de l’intérieur et M. de Renesse sont adoptés.
La séance est levée à 3 heures 3/4.