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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 23 janvier 1843

(Moniteur belge n°24, du 24 janvier 1843)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est approuvée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse des pétitions suivantes.

« Le sieur Félix-Adrien-Pierre Loisel, élève, mécanicien, attaché à l’administration du chemin de fer, à Malines, né à Melun (France), demande la naturalisation ordinaire.

« Le sieur Oswald Schneider, sous-lieutenant au 4ème régiment de ligne, né à Elm (Suisse), demande la naturalisation. »

- Ces deux pétitions sont renvoyées à M. le ministre de la justice.


« Les fabricants de tuiles, carreaux, briques, etc., de Boom, demandent des mesures de protection pour leur industrie. »

M. Osy. - Je demande que cette pétition soit renvoyée à la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet de loi sur les droits d’entrée et de sortie, pour en faire rapport lors de la discussion.

M. Rogier. - D’après les explications que les réclamants m’ont données verbalement, ils ne voudraient pour le moment qu’obtenir une réduction sur les droits de sortie. Ainsi la section centrale devrait être invitée à ne s’occuper de la pétition que sous ce dernier point de vue. D’ailleurs, le rapport sur la loi des droits d’entrée est fait et présenté.

M. Osy. - Les pétitionnaires demandent qu’on augmente les droits d’entrée sur les toiles de Hollande et de diminuer les droits de sortie vers la France. Il y a donc lieu de renvoyer la pétition aux deux sections.

- Le double renvoi est ordonné.


« Les fabricants de tabac de la commune de Jemmapes demandent le rejet de toute majoration de droits sur les tabacs étrangers. »

« Même demande des fabricants de tabac de Grammont et des environs. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi concernant les droits d’entrée.


« Les cultivateurs du canton de Bodegnée présentent des observations contre le projet de loi sur la contribution personnelle. »

- Renvoi à la section centrale qui sera chargée d’examiner le projet.


Par dépêche en date du 2 janvier, M. le ministre de la guerre transmet à la chambre des explications sur les requêtes des sieurs de Hertogh et Durant. »

- Pris pour notification.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1843

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Chemin de fer. Postes

Première section. Chemin de fer
Article 2

M. le président. - Nous étions parvenus à l’art. 2 du chapitre III, ainsi conçu :

« Art. 2. Service de l’entretien des routes et des stations : fr. 1,443,000. »

M. Cools a déposé la proposition suivante

« Je propose de retrancher de la somme de 1,443,000 fr. formant l’art. 2, celle de 300,000 fr. demandée pour le renouvellement des rails sur la ligne de Malines à Gand, sauf à M. le ministre à en faire, s’il y a lieu, l’objet d’une demande de crédit spécial. »

M. Cools. - Messieurs, vous avez remarqué que j’ai proposé d’ajourner le renouvellement des rails jusqu’à examen ultérieur. J’ai besoin de justifier mon amendement sous le rapport du chiffre et sous le rapport du principe.

Je dirai d’abord quelques mots du chiffre.

On nous demande cette année pour l’entretien de la route 700,000 fr. de plus que les années précédentes. Il ne résulte pas d’une manière bien claire des développements qui nous ont été distribués pour quelle somme le renouvellement des rails subondulés par des rails parallèles est compris dans cette dépense ; mais à différentes reprises, l’honorable rapporteur de la section centrale a évalué la dépense à 400,000 fr. Je vois que dans les nouveaux développements qui nous ont été distribués par le gouvernement, cette dépense est estimée à 426,000 fr. Mais il y a subdivision : les billes seules y figurent pour 200,000 fr. ; les rails, clavettes etc., pour 226,000 fr. ; total : 426,000 fr.

Je suppose que de la somme demandée pour le renouvellement des billes, la moitié seule est destinée à supporter les rails nouveaux ; je réduis donc ma demande au chiffre de 300,000 francs.

Je ne parle dans mon amendement que du renouvellement des rails sur la ligne de Malines à Gand ; non pas que je pense qu’on ait l’intention de borner le renouvellement des rails à cette section, mais la discussion nous a appris que c’est réellement sur cette section qu’on veut procéder à un renouvellement un peu général. J’ai donc voulu poser le principe, persuadé que si la chambre adoptait mon amendement, le ministre y verrait une indication suffisante pour ne pas procéder à de semblables renouvellements sur d’autres sections.

Dans la discussion qui s’est agitée pendant quelques séances, plusieurs faits contradictoires ont été allégués ; des chiffres ont été mis en avant et contredits par différents orateurs. L’impression qui vous est restée de cette discussion, c’est qu’il y a plusieurs économies à faire sur le chemin de fer. Cependant, je pense que la chambre, dans le vote qu’elle a émis à la fin de la dernière séance, a cédé à une autre impression, et moi-même je reconnais que j’y ai obéi : c’est qu’il est fort difficile d’indiquer d’une manière précise quelles économies sont possibles, et que dès lors il est encore nécessaire, cette année, de procéder, par une espèce de vote de confiance, tout en recommandant à M. le ministre de prendre égard aux observations qui ont été émises, et de ne faire aucune dépense qui ne soit parfaitement justifiée.

Cependant il est une partie de la discussion qui a pris un caractère tout particulier : c’est celle qui a rapport au renouvellement des rails subondulés par des rails parallèles.

M. le ministre, en demandant des fonds pour cet objet, a invoqué le danger qu’il y aurait à laisser subsister plus longtemps l’état actuel des choses ; il a déclaré que pendant un hiver un grand nombre de rails s’étaient brisés ; que la sécurité des voyageurs impose au gouvernement l’obligation de ne pas attendre plus longtemps pour introduire dans le chemin de fer les changements consistant à établir des rails parallèles.

M. le ministre a déclaré que dans l’espace de deux ou trois mois de l’hiver dernier, 400 rails se seraient brisés sur une seule section : celle de Malines à Termonde. Je trouve ce renseignement dans le rapport de la section centrale, à la page 31.

Messieurs, ces faits ont été fortement révoqués en doute par plusieurs orateurs dans le cours de la discussion, et moi aussi j’ai beaucoup de peine à les admettre ; Je ne puis croire que sur une seule section, 400 rails se seraient brisés en un seul hiver. Qu’on les ait remplacés, je le veux bien, mais qu’ils fussent tous brisés ou hors de service, je ne puis l’admettre. D’ailleurs le gouvernement a eu soin de démontrer en quelque sorte lui-même l’inexactitude de ce renseignement. Lorsqu’après avoir répondu que ces rails ne valent plus rien, la section centrale lui demande ce qu’il en a fait, alors la scène change complètement. Ouvrez le rapport de cette section et vous trouverez à la page 31, que les rails sont usés, et à la page suivante, qu’ils sont encore fort bons. Etonnés sans doute d’une si grande quantité de rails mis tout d’un coup au rebut, la section s’informe où se trouve renseigné l’argent provenant de la vente de ces vieux matériaux, et le gouvernement répond qu’on ne les a pas vendus ; qu’à la vérité ils ne peuvent plus servir dans le corps de la route, mais qu’ils sont mis à la disposition des ingénieurs pour être employés dans les évitements des stations ou sur des lignes secondaires. Ces rails sont donc loin d’être brisés ou hors de service.

Messieurs, des faits plus graves ont été signalés. On nous a dit tenir de personnes dignes de toute confiance et qui ont des connaissances spéciales dans cette matière, que sur la section de Termonde à Gand des rails parfaitement bons ont été enlevés et remplacés par des rails parallèles. On a ajouté qu’on a remarqué dans le magasin central de Malines, une autre quantité de rails qui avaient été retirés du service de cette manière, et qui étaient encore aussi bons que neufs ; on est même allé plus loin : On a dit tenir de bonne source qu’on se propose de mettre au rebut des rails qui n’ont même pas encore servi, quoiqu’il y ait, de ce chef, à Malines, un approvisionnement pour une valeur de un million.

Messieurs, ces faits sont très graves ! Ils ont fait naître des doutes dans l’esprit de tous les membres de la chambre.

Tous les membres qui ont pris la parole ont déclaré que ce renouvellement des rails subondulés par des rails parallèles devait être soumis à un examen ultérieur. Le rapporteur l’a déclaré : le ministre lui-même s’est rallié à cette opinion. Peut-être les paroles de M. le ministre à cet égard vous ont-elles échappé, ayant été prononcées à la fin de la séance ; mais le Moniteur vous a appris ce matin qu’il a déclaré que la question n’était pas suffisamment éclaircie, qu’il voulait procéder à un nouvel examen, à une espèce d’enquête et que si cette enquête constatait la nécessité de ce renouvellement, alors seulement il y ferait procéder.

Nous sommes d’accord avec M. le ministre, sauf un point ; il prétend que la somme doit lui être allouée avant l’enquête, et nous nous pensons qu’elle ne doit l’être qu’après que l’enquête aura eu lieu.

Messieurs, j’ai prouvé par mon vote, à la dernière séance, que je veux accorder au gouvernement non seulement toutes les sommes nécessaires, mais même les sommes dont il peut avoir besoin, alors même qu’il y aurait doute sur la nécessité de les accorder. Mon intention n’est en aucune manière d’entraver la marche du gouvernement. Je reconnais que cette année c’est encore un vote de confiance que nous avons à émettre. Mais mes bonnes dispositions ne vont pas jusqu’à lui accorder une confiance imprudente, sans restriction aucune.

Je ne puis avoir une pareille confiance dans le ministre actuel, je ne l’aurais dans aucun autre. Je pense que, quand il s’agit de constructions nouvelles, ii faut que la nécessité en soit démontrée avant d’allouer les fonds. C’est un principe auquel on s’est toujours conformé dans des circonstances semblables, Jamais une construction de quelque importance n’a été votée par la chambre avant que la nécessité en ait été démontrée. Ce principe a toujours été observé et il y a des motifs particuliers pour ne pas en dévier dans cette circonstance.

Le ministre des travaux publics est soumis à toutes sortes d’influence qui le poussent à commencer des travaux et il lui est difficile de résister à ces influences, surtout quand il s’agit de la voie ferrée. Là il est soumis à deux influences très puissantes, d’abord celle des établissements métallurgiques qui ont pris un grand développement depuis la construction du chemin de fer et qui, pour conserver leur activité, circonviennent le ministre pour se faire faire des commandes. Ils cherchent à démontrer qu’il y a tels travaux à faire, tels autres à renouveler. Il est bien difficile au ministre de résister à ces sollicitations et de démontrer que la nécessité de ces travaux n’est pas établie. Du moment que le ministre hésite, qu’il veut seulement s’éclairer, il tombe sous une autre influence tout aussi puissante, c’est celle des ingénieurs des ponts et chaussées.

Je ne veux me livrer à aucune supposition fâcheuse. Je veux bien admettre que tous les ingénieurs, quel que soit leur grade, quand ils se prononcent pour l’exécution de travaux, n’écoutent que leurs propres inspirations. Mais on me passera cette expression, il est reconnu que tout ingénieur a la bosse des constructions. Quand on leur parle d’ouvrages nouveaux, ils sont toujours prêts à donner un avis favorable ; dès qu’il est démontré que les rails ondulés offrent moins de sécurité que les rails parallèles, ce que je ne conteste pas, que la possibilité de certains accidents démontre la nécessité de procéder graduellement à leur remplacement, il leur est difficile de dire d’attendre encore quelque temps, que les rails existants sont encore bons.

Que M. le ministre fasse procéder à une enquête, et d’ici à un mois ou six semaines, il pourra nous démontrer si la nécessité du renouvellement dont il s’agit existe réellement ; nous lui accorderons alois en pleine connaissance de cause les fonds qu’il demande.

Je terminerai par une dernière considération. Quand nous avons repris nos travaux au mois de décembre dernier, on disait que cette session serait surtout financière, qu’il fallait surtout tâcher de rétablir l’équilibre entre les recettes et les dépenses. On a vaguement reconnu la nécessité d’établir des impôts nouveaux, mais tout le monde a été d’avis qu’il fallait introduire des économies dans les dépenses. Déjà quatre budgets sont votés et aucune économie de quelque importance n’a été votée.

Dans le budget de la dette publique, si une réduction de chiffre a été votée, c’est plutôt un ajournement qu’une économie réelle. Il nous reste à voter le budget de la guerre et le budget des travaux publics. Je ne sais ce qu’on pourra retrancher du budget de la guerre, mais dans tous les cas, ce qu’on retranchera ne suffira pas pour rétablir l’équilibre. Le budget des travaux publics est à peu près voté, il ne nous reste qu’un lambeau à voter, et dans ce lambeau il y a une dépense dont la nécessité est plus que problématique, tous les orateurs qui ont été entendus, ont élevé des doutes sur cette nécessité ; chez moi, il y a présomption contraire ; et, dans cette pensée, en présence de la situation du trésor, j’aurais cru manquer à mon devoir de représentant, si je n’avais pas insisté non pour qu’on refuse les fonds, mais pour qu’on exige un examen préalable avant de les accorder.

M. David. - D’après ce que j’ai eu l’honneur de dire à la chambre samedi dernier, relativement aux rails et aux billes, j’adopterai la réduction proposée par M. Cools en ce qui concerne ces deux objets. J’appuie également sa proposition d’ajournement. J’avais l’intention de proposer comme l’honorable membre une réduction de 300 mille fr. Cependant, je n’ajouterai aucun développement à ceux qu’il vous a présentés, j’ai déjà assez entretenu la chambre de mes réclamations relativement au budget du chemin de fer, je m’en réfère à ce que vous a dit l’honorable M. Cools.

M. Desmet. - Je n’avais pas pris la parole dans cette discussion, parce que je ne me suis jamais occupé du chemin de fer. Mais je la demande sur l’amendement de M. Cools, parce que je pense qu’on ne peut pas prendre trop de précaution pour éviter des malheurs, et par conséquent que nous ne pouvons nous dispenser de mettre à la disposition du gouvernement la somme qu’il nous demande pour ce but.

On a parlé de la section de Gand à Witteghem, où l’on aurait remplacé des rails sans raison ; je ne puis dire que si d’Andeghem à Witttghem on n’avait pas remplacé beaucoup de rails, on se serait exposé à de grands malheurs. Je ne voudrais jamais prendre sur moi la responsabilité de refuser au gouvernement les fonds qu’il demande pour éviter des malheurs dont chacun de vous peut apprécier la gravité.

Depuis que le chemin de fer est en régie, la chambre, en ce qui le concerne, s’occupe beaucoup d’administration. Je conçois qu’elle porte ses investigations dans une administration de cette espèce, qui fait d’aussi grandes dépenses ; cependant c’est aller trop loin que de vouloir entrer dans tous les détails de l’administration. On a critiqué l’enlèvement des billes sur certaines sections comme prématuré ; fallait-il attendre qu’elles fussent pourries ? Vous savez que dans le principe on a employé des billes eu bois tendre, et vous savez combien ces billes sont mauvaises, elles sont maintenant presque vermoulues, et ou doit être satisfait de n’avoir pas eu de malheur à déplorer, qu’on les ait changées en temps. Si on veut en finir avec toutes ces discussions, il faut obtempérer à la proposition de l’honorable M. de Theux, créer non une commission d’enquête, mais une commission de direction, une commission permanente, afin qu’on puisse travailler avec certitude et que la chambre ne doive pas s’occuper constamment de l’administration du chemin de fer. Si depuis longtemps on avait institué cette commission, on y aurait beaucoup gagné.

Aujourd’hui on réclame la construction de plusieurs sections du chemin de fer : l’une de Namur à Tirlemont, une autre de Gand, et une troisième dans le Hainaut. Si on avait eu dès l’abord une commission directrice, ces réclamations auraient été discutées, et peut-être aurait-elle jugé utile d’y faire droit dans le tracé des grandes lignes.

Je ne puis donc appuyer l’amendement de M. Cools, parce qu’il ne me paraît pas prudent de refuser au gouvernement une somme demandée pour la sécurité des voyageurs.

Aujourd’hui, les billes en peuplier de Canada et en sapin sont remplacées par des billes en bois dur en chêne. J’en félicite l’administration ; nous n’aurons plus tant de malheurs à craindre. Je voudrais de plus que les billes fussent mieux faites, fussent carrées comme sur les chemins de fer de France. En France, les billes sont équarrissées ; j’engage le gouvernement à en agir de même ; c’est plus cher, il est vrai, mais les billes dureront plus longtemps et l’exploitation sera plus sûre.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Lorsque l’honorable M. Cools a présenté son amendement, je n’ai pas pu m’expliquer comment il demandait, du chef du renouvellement des rails seulement, sur la section de Malines à Gand, une réduction de 300 mille fr., attendu qu’il avait pu voir par mes développements du budget, à la page 32, que je ne demandais du chef de renouvellement de rails, chevilles, clavettes, etc., que la somme de 226,500 fr. en tout. Je ne voyais donc pas comment une réduction de 300 mille francs était possible sur une somme de 226,500 francs demandée pour toutes les sections du chemin de fer où l’on prévoyait que pendant l’exercice 1843, il y aurait des rails à renouveler, lorsque ce chiffre était inférieur à la réduction que l’on voulait opérer. L’honorable membre vient de s’en expliquer : il vous a dit qu’il demande une réduction de 200,000 francs sur le chiffre des rails et de 100,000 francs sur celui des billes. Mais ce n’est pas ce que dit le libellé de son amendement, ce libellé ne parle que des rails.

M. Cools. - Mon amendement comprend tout ce qui est nécessaire au renouvellement des rails, billes main-d’œuvre, etc. C’est un principe que j’ai voulu poser.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Ainsi l’honorable membre rectifie son amendement en ce sens qu’il s’agit aussi bien des billes que des rails ; mais il y a, ce me semble, encore une rectification à faire. Le libellé de l’amendement ne porte que sur la section de Malines à Gand, et vous avez pu voir, messieurs, page 32 du rapport de la section centrale, qu’il y a 14 sections à l’égard desquelles il y a des renouvellements de rails à opérer dans le courant de 1843, et que les sections de Malines à Termonde et de Termonde à Gand, ne figurent dans le crédit demandé que pour une somme de 160,090 fr. 40 c. dont 87,664 fr. 80 c. sont destinés à la première et 72,425 fr. 60 c. à la seconde. Le crédit demandé pour la section de Malines à Gand est donc inférieur de 40,000 francs environ, au chiffre de 200,000 francs que l’honorable membre propose de retrancher de ce crédit, du chef des rails.

Maintenant, messieurs, pourquoi y a-t-il plus de rails que l’on présume devoir être renouvelés successivement en 1843 à mesure qu’une enquête spéciale en aura démontré la nécessité absolue. Car, remarquez bien, messieurs, que quand un chiffre est porté au budget, ce chiffre n’est qu’une simple prévision ; le gouvernement ne demande les crédits qui figurent au budget, que pour être à même de parer à toutes les nécessités qui peuvent se produire dans le courant de 1843. Pourquoi maintenant prévoit-on, dis-je, que dans le courant de 1843 il y aura plus de rails à renouveler sur la section de Malines à Gand que sur les autres sections ? C’est d’abord parce que sur les sections plus anciennes il y a déjà eu des renouvellements considérables ; c’est ensuite que la section de Malines à Gand est une de celles qui ont été construites les premières et sur lesquelles on a employé des rails de 17 kilog., tandis que ceux que l’on emploie aujourd’hui pèsent 27 kilog. C’est après des visites répétées de la route, quoi qu’on en ait dit, après que 400 rails avaient été brisés sur cette section, que les ingénieurs ont constaté qu’il fallait prévoir pour cette section un renouvellement de rails en 1843, dont la dépense s’élèverait à environ 160,000 fr.

Mais, encore une fois, une prévision ne peut jamais être qu’une prévision ; si dans l’exécution il n’y avait pas autant de rails à remplacer qu’on le suppose, on ne dépenserait pas tout le crédit demandé, Quant à moi, je crois avoir fait mes preuves à cet égard. J’en citerai une qui est encore présente à votre mémoire parce qu’il s’en est agi à la chambre, il y a quelques jours. La chambre avait porté, depuis plusieurs années, au budget, 100,000 fr. pour les voles navigables de second ordre.

Vous avez entendu, il y a quelques jours, plusieurs honorables membres demandés pourquoi j’avais réduit ce chiffre à 45,000 fr., pour l’exercice 1843. J’ai répondu : « Parce que je prévois qu’en 1843 je ne pourrai pas dépenser davantage utilement, attendu que l’étude des améliorations aux voies navigables ne peut pas être poussée assez loin pour qu’on puisse dépenser, dans le courant de cette année, plus de 45,000 fr. » J’ai ajouté que, bien que les années précédentes on ait alloué 100,000 fr., on avait dépensé seulement des sommes de beaucoup inférieures encore à 45,000 fr. Cela vous prouve, messieurs, qu’un crédit voté n’est pas toujours un crédit dépensé. On ne dépense que quand il y a utilité, nécessité de le faire.

Quant à moi, bien certainement, en présence des rapports m’ont été faits par les hommes de l’art, par les fonctionnaires compétents de l’administration, je ne pourrais pas assumer sur moi la responsabilité de céder aux instances des honorables membres qui voudraient une réduction de l’allocation pour renouvellement des rails ; on dit que les 400 rails brisés n’ont pas donné lieu à des accidents bien graves. Mais pourquoi avons-nous moins d’accidents sur notre chemin de fer qu’ailleurs ? C’est principalement parce que nous prenons toutes les précautions possibles dans notre chemin de fer. Mais qu’un jour un machiniste ne prenne pas toutes les précautions possibles, et qu’un rail se brise, et nous pouvons avoir à déplorer des accidents extrêmement graves. Il faut donc que l’administration soit mise, par un crédit suffisant, en état de pourvoir aux nécessites qui pourront se produire, pendant l’année 1843, quant au renouvellement des rails ; car encore une fois, s’il n’en est pas ainsi, on peut avoir à déplorer les plus grands malheurs.

M. Rogier. - C’est encore à l’argument de la peur qu’on a recours pour engager la chambre dans une nouvelle dépense très considérable. Cet argument, je ne puis m’y rendre ; cela pourrait avoir de très graves conséquences pour le trésor public. Aujourd’hui on vous effraie sur les conséquences graves qui peuvent résulter de la rupture d’un rail ; demain on vous effraiera sur les conséquences graves que peut avoir la rupture d’un ressort de voiture ; après-demain on vous effraiera sur les conséquences graves que peut avoir la construction plus ou moins solide du tube d’une machine. Ainsi, de peur en peur, de conséquence grave en conséquence grave, on finira par entraîner la chambre dans des dépenses tout à fait exorbitantes.

Je conçois qu’il y a une grande responsabilité pour la chambre à s’opposer à une dépense, alors que le ministre des travaux publics l’invoque comme un moyen de sécurité pour le chemin de fer. Nous savons tous quelle impression pénible l’événement de Versailles a produite en Europe. A la première apparence de danger, tous les esprits se reportent à cet accident, Dès lors, ceux qui n’examinent pas les choses de sang-froid sacrifieraient volontiers des millions pour prévenir des accidents du même genre. Je conviens que pour cela on ne saurait dépenser trop d’argent. Mais dit-on au ministre de ne pas prendre toutes les précautions qu’exige la sécurité des voyageurs ? Non ; ce qu’on veut, c’est que ces dépenses nouvelles qui figurent pour la première fois au budget soient pleinement justifiées aux yeux de la chambre et du pays, Des doutes se sont élevés sur la nécessité du renouvellement des rails de Malines à Gand. M. le ministre dit bien que 400 rails s’y sont brisés. Mais dans les développement de son budget, joints au rapport de la section centrale, je vois que ces rails ont servi dans les stations pour les voies d’évitement ; s’ils étaient brisés, ils n’auraient pu servir.

Il y a dans l’administration du chemin de fer un désir louable jusqu’à un certain point ; c’est de transporter les voyageurs le plus facilement, avec le plus de sécurité possible. On a pensé que les rails parallèles offraient plus de sécurité aux voyageurs que les rails subondulés, et l’on en a conclu qu’il fallait remplacer les rails subondulés par des rails parallèles. Je crois que les rails parallèles, étant plus pesants, valent mieux. Mais je crois que les rails subondulés ne sont pas tellement mauvais qu’il faille les remplacer. Dans tous les cas, ce qu’on demande, c’est qu’on veuille examiner de plus près ; qu’une nouvelle instruction ait lieu ; que M. le ministre envoie un ingénieur qui n’ait pas les mêmes préventions que ceux qui ont fait le premier rapport, rapport que nous ne connaissons pas. Après cela, si la nécessité de la dépense est établie, on pourra demander un crédit à la chambre. il s’agit d’une dépense spéciale, d’une dépense qui n’a pas encore été faite, qu’on nous propose pour la première fois, et dès lors, y a-t-il rien de plus naturel que de venir proposer un crédit spécial, motivé par un rapport spécial ?

Je ne pourrais pas être alarmé de l’exemple qui nous a été cité d’un ou de deux rails brisés sur la route de Tirlemont. Les journaux sont ordinairement très au courant des accidents qui arrivent sur le chemin de fer ; je ne sache pas qu’ils aient signalé quelque accident survenu par la rupture d’un rail. On nous a parlé d’un accident sur la route de Mons, vers la France ; mais je crois que précisément sur cette route il n’y a pas de rails subondulés, qu’on n’y a employé que des rails parallèles ; si vous allez donc présenter cet argument pour demander le remplacement des rails subondulés, n’est-on pas en droit de vous dire : Attendez, assurez-vous du peu de solidité de ces rails ; est-il bien démontré, bien avéré que ces rails présentent les dangers que l’on redoute ?

Messieurs, s’il ne s’agissait que d’une dépense de 200,000 fr. la chambre devrait déjà y prendre garde. Mais, je le répète, si nous accordons 200,000 fr. pour la route de Malines à Gand par la raison qu’il y a des dangers à redouter sur cette route, il faudra nécessairement accorder des crédits pour les autres routes. Il faudra traiter les voyageurs sur la voie de Bruxelles à Liége de la même manière que les voyageurs qui se rendent de Bruxelles à Gand. Je ne vois même pas pourquoi il ne faudrait pas, s’il y a urgence, pourvoir à la sécurité des voyageurs sur toutes les routes en même temps. Or, messieurs, il n’y a pas urgence. M. le ministre des travaux publics peut, d’ici à un mois, prendre tous les renseignements nécessaires sur la nécessité de ce remplacement et alors il pourra présenter à la chambre un rapport spécial et une demande de crédit spécial.

M. le ministre nous dit que le budget n’est qu’une prévision ; nous le savons bien ; nous savons fort bien que le budget n’est qu’une demande de crédits répondant à des prévisions. Mais il s’agit d’apprécier la valeur de ces prévisions ; il faut prévoir, messieurs, des besoins probables, s’être assuré, jusqu’à un certain point, de la réalité des besoins ; et ce n’est qu’après s’être assuré de la réalité des besoins qu’on vient demander les crédits nécessaires pour les couvrir.

En règle générale, messieurs, les budgets sont dépensés. Il y a des économies qui n’en sont pas. M. le ministre des travaux publics vient de nous citer, par exemple, la réduction du crédit de cent mille fr. qui avait été alloué pour les voies navigables de second ordre. Il a dit que, cette année, il n’avait pas demandé cent mille fr. pour les voies navigables. Eh bien, je crois qu’il n’y a pas lieu pour M. le ministre de s’en féliciter ; je crois que le crédit de cent mille fr. aurait pu être très utilement employé en améliorations aux voies navigables. C’est un genre d’économie auquel, pour ma part, je ne pourrais applaudir. Si les études avaient été poussées avec un peu plus d’activité, on aurait pu constater les besoins et employer fort utilement les cent mille fr. Je ne pourrais donc m’associer aux éloges qui pourraient être donnés ou que pourrait s’attribuer M. le ministre des travaux publics, du chef de cette économie qui n’en est pas une. C’est une dépense utile qui n’a pas été faite et qui aurait dû être faite.

Quant à la dépense relative au remplacement des rails, l’utilité n’en est pas démontrée. Si la chambre, sans plus de renseignements, accorde la somme demandée, je dis qu’elle entraîne le trésor dans des dépenses considérables. Il faudrait même que M. le ministre eût l’obligeance de nous dire à quelle somme s’élèvera le renouvellement intégral des rails subondulés. Aujourd’hui l’on nous demande 3 à 400,000 fr. ; mais enfin à quelle somme arrivera-t-on par le renouvellement intégral des rails subondulés par des rails parallèles ? M. le ministre est-il en position de nous le dire ? Ce serait cependant un renseignement très utile.

L’augmentation sur le chiffre demandé pour l’entretien de la route est de 700,000 fr. Je crois que c’est beaucoup trop. Je suis entré dans de longues explications dans la dernière séance, et certainement je ne veux pas les renouveler. Je rappellerai seulement que lorsque j’insiste en ces circonstances en faveur des économies, je ne fais en quelque sorte que poursuivre mon rôle. Pendant le peu de temps que j’ai passé au ministère, j’ai toujours lutté contre ce désir de dépense qui se manifeste de la part de l’administration, désir d’ailleurs assez naturel. Pour l’entretien de la route en 1841, alors que je n’avais pu encore m’éclairer sur les vrais besoins de ce service, j’ai demandé le chiffre de 1,160,000 fr.

Quelque temps après, lorsque j’ai pu recueillir des renseignements, m’éclairer sur les besoins réels, j’ai proposé une réduction de 410,000 fr. M. le ministre des travaux publics, mon successeur, est venu demander un crédit supplémentaire sur le budget de 1841. Eh bien, quant à l’art. 1er, il a trouve mes réductions bien faites. 750.000 fr. ont été trouvés suffisants pour l’entretien de la route en 1841 ; et c’est cette somme de 750,000 que l’on veut tout à coup porter à 1,400,000 fr. On croirait vraiment que l’on veut récupérer les sommes dont on a été privé en 1840 et 1841.

Messieurs, j’attire votre attention sur cette circonstance. Si 750,000 fr. ont été trouvés suffisants et ont suffi pour 1841, je crois que l’on nous demande évidemment trop pour 1843, en doublant cette somme.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Messieurs, l’honorable préopinant raisonne toujours comme s’il s’agissait ici de décider une question de principe à savoir s’il faut que les rails subondulés soient renouvelés et remplacés par d’autres d’un poids plus considérable. Ce n’est pas du tout cette question que vous avez à décider par le vote à émettre. Cette question se trouve décidée par la construction de nouvelles sections qui ont été faites depuis que l’on s’est convaincu des inconvénients graves que présentaient les rails subondulés. Il y a déjà longtemps qu’on n’emploie plus cette espèce de rails pour la construction des chemins de fer, parce qu’ils ont été entièrement condamnés et partout.

Puisque l’honorable membre ne paraît pas bien l’avoir entendu je répéterai que sur les sections pour lesquelles on prévoit le renouvellement le plus considérable à faire en 1843, on se trouve avoir employé, lors de la construction primitive, les rails subondulés les plus faibles.

Ils ne pesaient que 17 kil., tandis que les rails parallèles, que l’on emploie maintenant, en pèsent 27. Pour les sections françaises, le gouvernement français a même jugé qu’il était nécessaire d’augmenter encore le poids ; il est de 30 kil. En Angleterre, il est de 30 à 36.

Il n’y a donc pas ici de questions de principe à décider. Il y a tout bonnement à voter le chiffre d’une prévision. Les ingénieurs, après un examen minutieux de toutes les parties du chemin de fer en exploitation, ont fait connaître qu’ils prévoyaient, pour 1843, qu’il faudrait faire le renouvellement de rails dont je vous ai donné la nomenclature par sections, à la page 32 du rapport de la section centrale. Cette dépense ne peut se faire qu’au fur et à mesure que la nécessité du renouvellement se fera sentir d’une manière absolue. Vous dire que ce sera le mois prochain ou dans 2, 6, 8 ou dix mois qu’il y aura lieu sur telle ou telle section d’opérer ce renouvellement, c’est ce qui me serait impossible. Mais il faut bien que le gouvernement obtienne, dès le commencement de l’exercice, les crédits nécessaires pour faire face aux prévisions, si elles se réalisent et pour éviter les accidents qui pourraient résulter du non-renouvellement. Messieurs, il ne peut tomber sous le sens que chaque fois qu’il sera démontré qu’un renouvellement partiel plus ou moins considérable doit se faire, le ministre vienne dire à la législature : Il y a tant de mètres de rails à renouveler sur cette section, il est constaté qu’ils ne peuvent durer plus longtemps ; accordez-moi le crédit nécessaire pour opérer ce renouvellement.

Messieurs, de cette manière l’administration serait complètement dans la chambre. Je crois qu’il est du devoir du gouvernement de s’enquérir avant de demander à la législature les crédits nécessaires pour telle ou telle dépense, si les prévisions sont raisonnablement calculées ; mais, à cet égard, je puis déclarer que j’ai pris toutes les précautions ; et si M. Rogier vient vous dire qu’alors qu’il était ministre, il a réduit de son propre mouvement le chiffre d’abord demandé pour l’entretien de la route, et qu’ensuite j’ai trouvé le chiffre réduit suffisant, il ne faut pas croire que j’aie, moi, adopté toutes les propositions que les chefs d’administration de mon département m’ont faites relativement aux chiffres à porter au budget. J’ai opéré, et notamment sur le crédit que nous discutons en ce moment, de fortes réductions mais il y a cette différenre entre l’honorable préopinant et moi, qu’il présenté à la chambre le chiffre tel qu’il lui avait été proposé, et qu’il n’a fait ses réductions qu’après coup, tandis que moi j’ai opéré mes réductions avant de présenter le crédit à la chambre.

Encore une fois, messieurs, il ne s’agit que d’une somme de 226,300 fr. destinée à mettre le gouvernement à même d’assurer la sécurité des voyageurs et la marche régulière des convois.

M. Cools. - J’éprouve d’autant plus le besoin d’ajouter quelques considérations à celles que déjà fait valoir, que les arguments présentés aujourd’hui par M. le ministre sont tout à fait différents de ceux qu’il avait fait valoir d’abord. D’après ce que M. le ministre vient de dire, le maintien des rails actuels sur la station de Malines à Gand serait une chose tout à fait nécessaire, il n’y aurait pas le moindre doute à cet égard, il y aurait même urgence. Dans la séance de samedi, au contraire, M. le ministre avait reconnu que cette question devait faire l’objet d’un nouvel examen, que les rails ne seraient remplacés que si la nécessité de ce remplacement était démontrée, et un rapport ultérieur devait lui être fait à cet égard par l’administration des ponts et chaussées. Messieurs, ce rapport de l’administration des ponts et chaussées, la chambre a le plus grand intérêt à le connaître. Je le déclare franchement, je n’ai pas une confiance illimitée dans les rapports faits par des fonctionnaires appartenant exclusivement à l’administration des ponts et chaussées ; les ingénieurs sont toujours très portés à proposer des travaux.

Je voudrais que l’on adjoignît à la commission qui doit examiner la question dont il s’agit, des personnes étrangères à l’administration, des personnes possédant des connaissances spéciales, mais n’ayant aucun motif pour pousser à des travaux.

On a dit qu’il y aurait du danger à retarder le remplacement des rails subondulés, parce que sur la ligne de Malines à Termonde, un grand nombre de rails se seraient brisés. Remarquez, messieurs, que ce fait est révoqué en doute et même formellement contredit par les renseignements que l’honorable M. David nous a fournis à ce sujet. Depuis quatre ans, le nombre des rails qui se sont brisés successivement ne s’est pas élevé annuellement à plus de 15. En 1840, il en a été remplacé 15 ; en 1841, 16 ; en 1842 17, Il y a loin de là au chiffre de 400.

Je ne conteste pas qu’on ait renouvelé 400 rails en 1842, mais je doute fortement qu’il y ait eu nécessité de le faire. Comme l’a très bien dit l’honorable M. Rogier, on a fait valoir l’argument de la peur : on a dit qu’il ne fallait pas exposer la vie des voyageurs ; mais il ne faut pas perdre de vue que jusqu’ici l’on a toujours procédé graduellement au renouvellement des rails, et que la dépense de ce renouvellement a été couverte par les crédits ordinaires votés pour l’entretien de la route. Ces fonds, M. le ministre les aura encore cette année en dehors de mon amendements, mais aujourd’hui, c’est un crédit spécial de 700,000 fr., que l’on demande en plus pour cet objet, et c’est une partie au moins de ce crédit que je voudrais voir ajourner jusqu’à ce que la nécessité de la dépense ait été bien constatée.

M. Delfosse. - Ce n’est pas sur l’amendement, c’est pour adresser une interpellation à M. le ministre des travaux publics que j’ai demandé la parole.

Dans la discussion générale, j’ai rappelé à M. le ministre des travaux publics la promesse qu’il a faite d’établir, au Haut-Pré, une station pour les voyageurs et pour les marchandises. Je demanderai à M. le ministre s’il n’a pas quelques explications à donner sur ce point.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je les donnerai tout à l’heure.

M. Devaux. - Messieurs, la dépense dont il s’agit est fort importante. Elle ne le serait peut-être pas autant si elle devait se borner au crédit demandé, mais il s’agit de poser un premier fait qui, par ses conséquences, peut nous entraîner extrêmement loin ; il s’agit d’une chose toute nouvelle, il s’agit du renouvellement en masse sur une section, des rails existants par des rails nouveaux. Les rails subondulés sont mis en suspicion de pouvoir se briser à cause de leur forme ou de leur peu de pesanteur, et l’on demande pour ce motif à pouvoir remplacer. Il est évident que du moment où pour cette raison, l’on aura remplacé les rails subondulés sur une section, il faudra les remplacer sur toutes les sections où il en existe, car pour toutes ces sections l’on invoquera le même motif, qu’il faut prévenir les accidents auxquels le maintien de cette espèce de rails pourrait donner lieu. Or, messieurs, la question du remplacement de tous les rails ou de la plus grande partie des rails du chemin de fer est financièrement très importante. Savez-vous ce que coûtent les rails du chemin de fer ? D’après le dernier compte rendu de M. le ministre, les rails du chemin de fer avaient coûté, non compris la pose, 20 millions.

Si donc les rails subondulés sont mis en suspicion aujourd’hui, en raison de leur légèreté, cela peut nous entraîner dans une dépense fort considérable. Je pense, quant à moi, que ce ne serait pas trop demander que de vouloir des renseignements précis avant de nous engager dans une semblable dépense. Vous savez, messieurs, comment ces choses-là se font ; une fois qu’un principe a été discuté et admis par la chambre, quelque restreinte que soit l’importance de l’objet auquel ce principe a été une première fois appliqué, rien n’est plus facile que d’étendre l’application par la suite. Ainsi, lorsque les rails subondulés auront été remplacés sur la section de Malines à Gand, il est évident qu’on voudra également les remplacer sur les autres sections.

Messieurs, ainsi que le disait l’honorable M. Cools, l’administration du chemin de fer, l’administration des ponts et chaussées, dans leur sollicitude pour le bon service de la route, sont souvent portés à demander des sommes exagérées. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rappeler quelques faits récents, nous en avons eu des exemples extrêmement saillants. Ainsi nous avons vu tout à l’heure qu’un ministre a trouvé le moyen de faire une réduction de 400,000 fr. sur un seul article du budget, proposé par son administration. Il est bien vrai qu’après le vote du budget, on a demandé un crédit supplémentaire sous un autre ministre, mais il ne faut pas perdre de vue que l’administration, qui a beaucoup de sollicitude pour le bon service de la route a aussi son amour-propre et que, quand elle a présenté une dépense comme nécessaire, elle n’aime pas à en avoir un démenti. Elle fera donc toujours tout ce qu’elle pourra pour obtenir l’admission de sa première évaluation,

Nous avons un autre exemple de cette tendance de l’administration, dans ce qui s’est passé à l’égard des stations. Combien ses prétentions n’étaient-elles pas exorbitantes sous ce rapport, lors de la discussion de l’emprunt ? Aujourd’hui encore, je crois que l’on dépense beaucoup trop pour les stations, je crois que l’on y fait des dépenses de luxe. Je pourrai approuver ces dépenses, une fois que le chemin de fer aura fait honneur à ses affaires, une fois qu’il produira au-delà de ce qu’il coûte, mais jusqu’à ce qu’il en soit ainsi, toute dépense de luxe doit être ajournée. C’est ainsi que l’on agit dans d’autres pays. En Prusse, par exemple, on vient de prendre des mesures pour la création d’un réseau de chemins de fer, mais on vient de décider en même temps que ces chemins de fer seront construits économiquement, que les dépenses de luxe seront remises jusqu’à l’époque où ils seront dans une bonne situation financière.

Vous avez encore un autre exemple, c’est le nombre des locomotives qu’on vous a demandées, il y a quelques mois, et demandées avec l’approbation du conseil des ponts et chaussées. Cette demande se trouve consignée dans le compte-rendu de M. le ministre.

En 1841, on avait parcouru 300,000 lieues ; il y avait déjà à cette époque 127 locomotives et 6 en construction, c’est-à -dire que chaque locomotive faisait à peine 6 à 7 lieues par jour ; et lors de la discussion de la loi d’emprunt, l’administration du chemin de fer, approuvée par le conseil des ponts et chaussées, a demandé 50 locomotives de plus. En supposant toute la route achevée, c’est-à-dire 102 lieues construites, et en supposant 12 convois par jour sur chaque partie de route, il y aurait 1,224 lieues à parcourir par jour ; en supposant que depuis l’emprunt, l’on n’a pas fait construire de nouvelles locomotives, il y aurait aujourd’hui 133 locomotives, d’après le compte-rendu de M. le ministre ; si chaque locomotive faisait seulement 14 lieues par jour, comme partout en Angleterre, il n’en faudrait que quatre-vingt-six pour faire les 1224 lieues par jour. Aujourd’hui donc, il y en a 133, peut-être plus, c’est-à-dire une cinquantaine de locomotives de trop, ce qui fait une dépense de deux millions.

Ces exemples ne sont pas les seuls des prétentions exagérées de l’administration du chemin de fer, alors même qu’elle est contrôlée par le conseil des ponts et chaussées. Vous vous rappelez ce qu’on a dit dans cette discussion pour le combustible.

On nous a prouvé que le coak, chose singulière, coûte plus cher en Belgique qu’en France, en Angleterre et en Allemagne. M. le rapporteur de la section centrale a fait de vains efforts pour expliquer cette différence, car enfin, on ne persuadera à personne qu’il y aurait économie à envoyer le charbon de Mons à Paris, et puis d’aller acheter à Paris le coak qui aurait été fait avec du charbon de Mons. D’ailleurs, ce n’est pas avec Paris seulement que la comparaison a été faite. Les chemins de fer d’Allemagne et d’Angleterre ont, à cet égard, aussi de grands avantages sur les nôtres. Si l’on avait réellement à cœur l’économie, n’aurait-on pas déjà établi les fours à coak sur les lieux même de production du charbon ?

L’administration du chemin de fer avait un moyen bien simple d’économiser sur le combustible, c’était d’utiliser la belle invention de M. l’ingénieur Cabry. Cette invention existe depuis un an ou un an et demi ; l’administration s’en est occupée pendant un an ; elle a eu besoin d’un an pour faire une expérience quelle pouvait faire en quinze jours et dont le résultat, de son propre aveu, doit donner une économie de 30,40 ou 50 p.c. ; et qu’a-t-on fait ? Maintenant qu’après beaucoup de difficultés, on est obligé de reconnaître les grands avantages de l’invention, on ne l’utilise que pour la ligne de l’Est. Et cependant, ne devait-on pas s’empresser dès l’origine de l’appliquer à tous les chemins de fer ? Ne fallait-il pas accueillir l’invention avec faveur, récompenser même l’inventeur ? Il y a quelques années, on a institué un prix de 30,000 francs pour celui qui ferait cette découverte ; loin qu’aujourd’hui on ait accordé le prix, on a rebuté de toutes façons l’inventeur, et l’on a tardé jusqu’à présent à profiter de sa découverte. Si l’invention eût été utilisée, il n’en résultait pas seulement une grande économie dans les dépenses du chemin de fer, mais il rejaillissait encore un grand honneur sur l’administration elle-même dans le sein de laquelle elle était née ; il en résultait encore un grand avantage pour les mécaniciens belges, par la réputation de supériorité que leurs machines auraient acquise en Europe.

Je pourrais multiplier encore les exemples de demandes exagérées faites par l’administration du chemin de fer. Lors de la discussion de l’emprunt, l’on vous demandait 500 waggons nouveaux pour transporter les petites marchandises on a prouvé qu’il suffisait aujourd’hui de 8 waggons d’ici à Anvers, aller et retour, pour cette partie du service ; de sorte que sur toute la ligne, 100 waggons suffisaient ; c’est encore une demande qui avait été approuvée par le conseil des ponts et chaussées.

Quant aux rails, il y a toujours eu, à mon avis, tendance dans l’administration des chemins de fer, à étendre cette dépense au delà du nécessaire. J’ai toujours eu de grands doutes sur la nécessité de cette seconde voie, que peu à peu on a étendue à la plus grande partie de la route. En Prusse, l’on vient de décider qu’il n’y aura de seconde voie que lorsque le chemin de fer rapportera son intérêt. On aurait fait sagement d’agir de même en Belgique. Mais pour ne pas faire une seconde voie, il fallait pour les marchandises des services de nuit ; c’est ce à quoi l’administration n’a jamais voulu entendre. Si on avait fait faire des services de nuit, on aurait épargné les frais de malle poste de nuit, qui se paient encore aujourd’hui pour le transport des lettres, et de plus ou aurait prévenu ce service de nuit qui se fait pour le transport des marchandises par les routes ordinaires, et qui fait concurrence au chemin de fer. Il y a bien des pays où les canaux font concurrence aux chemins de fer ; mais je ne sais si ailleurs qu’en Belgique les routes pavées font concurrence au chemin de fer. L’exception qui existe chez nous à cet égard doit être attribuée, en grande partie, à l’absence des services de nuit.

Si vous avez à faire expédier des marchandises à Manchester vous êtes admis au chemin de fer jusqu’à minuit, et le lendemain matin, de bonne heure, vos marchandises sont rendues à leur destination. En Belgique, il faut se présenter de très bonne heure, vous avez quatre ou cinq heures de plus, pour vous présenter aux messageries, et très souvent la remise des marchandises à destination se fait plus vite par cette voie que par le chemin de fer.

Je croyais, quant à moi, qu’une fois que cette seconde voie serait faite, alors au moins on s’en tiendrait là et qu’on en finirait un jour de cette grande dépense de rails. Il paraît qu’on a trouvé un nouveau moyen de l’étendre, c’est de remplacer les rails subondulés par des billes parallèles. Je veux bien croire que les rails parallèles valent mieux que les rails subondulés ; cependant les rails subondulés doivent avoir aussi leur mérite ; car, enfin, on se sert de ces rails en Belgique depuis que le chemin de fer existe, et il n’a été signale, de ce chef, je pense, aucun accident. Il est possible que les rails parallèles valent mieux, qu’ils donnent moins de cahots, que le roulant soit plus doux ; mais enfin, quand on a des rails ondules, ce n’est pas une raison pour les jeter. Quand une maison vient d’être meublée, des meubles plus soldes, plus agréables, peuvent être inventés, mais ce n’est pas une raison pour jeter les meubles qu’on a, et pour vous approvisionner de meubles nouveaux. Toute la question est donc de savoir s’il y a nécessité de remplacer en masse les rails ondulés par les rails parallèles ; si l’on adopte ce changement pour une section, il faudra bien qu’on remplace ainsi les rails sur toutes les autres sections.

J’ai dit tout à l’heure qu’aucun accident n’était arrivé sur les rails ondulés du chemin de fer en Belgique ; dernièrement un accident a eu lieu sur la section de St-Saulve, au-delà de la frontière ; un rail, si je ne me trompe, s’y est brisé ; or, les rails de cette section sont des rails parallèles.

On a parlé, dans la dernière séance, de la création d’une commission pour surveiller le chemin de fer. Je ne veux pas d’une manière absolue me prononcer sur la création de cette commission ; mais il ne faut pas croire que cette nomination soit sans danger ni sans difficulté. Tout dépendrait de la manière dont la commission serait composée.

D’abord, remarquez bien que la commission sera un boucher derrière lequel vont se retrancher et le ministre et le directeur du chemin de fer ; si la commission est bien composée, le mal sera moindre ; il faudrait que cette commission ne fût pas politique ; il ne faut pas qu’on fasse de la politique au chemin de fer, il faut qu’on y fasse de l’administration ; qu’on n’y décide pas que telle dépense est trop forte ou trop faible, à raison de telle ou telle opinion, de tel ou tel ministre ; il faut qu’on ne considère que les choses en elles-mêmes ; qu’on ne parle pas, par exemple, du principe qu’avant tout il faut augmenter les tarifs, car ceux qui veulent à tout prix élever le tarif des places, doivent désirer l’augmentation des dépenses, pour pouvoir dire qu’il y a insuffisance de recettes, et que dès lors il y a lieu d’augmenter le prix des places. Je ne veux donc pas de commission politique ni de commission instituée dans un esprit d’hostilité ou de camaraderie, pour ou contre tel ou tel personnage qui appartient ou a appartenu à l’administration des travaux publics.

Je désirerais aussi que les membres de cette commission ne fussent pas tous pris dans le corps des ponts et chaussées ; je ne veux certainement rien dire de désobligeant pour ce corps ; mais je suis disposé à le croire peu propre au contrôle des dépenses du chemin de fer. MM. les ingénieurs des ponts et chaussées se trouvent successivement tous dans la même position ; chacun à son tour est appelé à être contrôlé dans ses calculs ; ils sont donc peu prêts à se contrôler mutuellement. J’ai cité une preuve tout à l’heure du peu de sévérité de ce contrôle dans les évaluations qui avaient été faites pour les locomotives, pour les waggons de marchandises et pour les stations. Lors de la discussion de la loi d’emprunt, les membres de la commission ne devraient pas non plus être pris dans l’administration du chemin de fer. Il faudrait, en un mot, choisir une commission dont les membres fussent dans une position tout à fait impartiale, politiquement et administrativement. Si l’on nommait une commission qui est entachée du défaut contraire, ce serait un mal grave.

Une commission n’est pas responsable comme un ministre ; à la vérité la plus grande partie de ce qui se fait aujourd’hui au chemin de fer se fait par le directeur de l’administration ; ce fonctionnaire est en quelque sorte un ministre sans responsabilité, c’est un inconvénient ; mais il peut y avoir un inconvénient plus grave dans une commission d’une responsabilité collective, c’est-à-dire nulle, si elle n’est pas très bien composée. Il faut surtout se garder de la rendre permanente.

Messieurs, depuis plusieurs années, je me suis plus d’une fois efforcé de faire comprendre à l’administration du chemin de fer qu’elle était plutôt une administration industrielle qu’une administration proprement dite, et qu’il fallait adopter au chemin de fer des règles toutes particulières d’administration ; un mal qui me frappe toujours dans l’administration du chemin de fer, c’est que la plupart des personnes y sont intéressées à ce que les dépenses se fassent, et que je ne vois aucun intérêt à l’économie.

On a introduit pour les machinistes une mesure qui me paraît très bonne ; c’est de récompenser ceux qui font des économies ; je voudrais que cela pût se généraliser, je voudrais qu’on trouvât moyen de récompenser les hommes les plus influents de l’administration, pour les intéresser à y introduire des économies. L’honorable M. Rogier avait essayé de le faire, mais il n’a pas eu le temps d’achever de mettre son projet à exécution et de l’organiser dans son ensemble. Il consiste à récompenser les principaux fonctionnaires du chemin de fer, quand le produit net augmenterait. Dût-on consacrer 50 mille francs par an à cette mesure, il y aurait un avantage à répartir des gratifications dans le cas où des économies ont eu lieu, entre ceux qui peuvent le plus contribuer à diminuer les dépenses de cette administration.

En attendant de pareilles mesures, je crois que, vu la facilité de l’administration à exagérer ses dépenses, par suite, sans doute, du désir qu’elle a que le chemin de fer soit dans le meilleur état possible, qu’on emploie de meilleurs rails aussitôt qu’il s’en fait de meilleurs ; je crois, dis-je, que nous devons nous mettre en garde contre l’entraînement, et demander que de nouveaux renseignements soient pris avant d’admettre la mesure proposée. J’appuie donc l’ajournement jusqu’à ce que ces renseignements soient pris. M. le ministre pourra alors nous dire jusqu’à quelle somme s’élèverait la dépense du remplacement de tous les rails subondulés par des rails parallèles. C’est un chiffre que nous devons connaître avant de nous prononcer sur une dépense qui peut nous entraîner plus loin que nous le prévoyons.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - J’ai demandé la parole non pour suivre l’honorable préopinant dans la discussion générale, car elle a déjà été assez longue et ce serait abuser des moments de la chambre que d’y revenir, mais j’ai demandé la parole pour réparer un oubli que j’ai commis à l’égard de la station du Haut-Pré. L’honorable M. Delfosse m’a demandé pourquoi on n’y avait pas encore établi le service des marchandises. J’ai déjà fait connaître dans une autre occasion que quand les plans inclinés ont été mis en exploitation, j’avais reçu des réclamations de la part de la régence de Liége et des habitants qui y avaient intérêts pour que j’établisse en cet endroit une halte pour les voyageurs et pour les marchandises. Cependant par la première réclamation on disait qu’on croyait pouvoir se borner à demander une halte pour les voyageurs. J’ai répondu que je ferais tout ce qui me serait possible après l’examen de la demande. J’ai, en effet, établi une halte pour les voyageurs ; quelques mois après un honorable représentant est venu m’apporter des plaintes en disant qu’on n’observait pas toutes les mesures que j’avais prescrites, pour faciliter la montée et la descente des voyageurs qui voulaient monter ou descendre à cette station. J’ai donné depuis des ordres précis. Il y a de cela quelques mois. Je n’ai plus depuis reçu de réclamation, si ce n’est celle que l’honorable M. Delfosse vient de faire par l’interpellation qu’il m’a adressée. Je ne me refuse pas à examiner de nouveau la question, je ferai tout ce qui sera possible, en prenant en considération la situation de cette station et les dépenses qui peuvent résulter de la mesure.

Quant à la dépense dont il s’agit à l’article que nous discutons, il est vraiment étonnant que les honorables préopinants ne veuillent pas comprendre qu’il ne s’agit aucunement de décider en principe si les rails subondulés doivent être renouvelés. Ce n’est pas là la question. Le gouvernement vous demande un crédit pour renouveler non seulement les rails subondulés, mais les autres qu’il prévoit devoir être nécessaire de renouveler en 1843. Seulement, il est certain qu’il devra s’en trouver un beaucoup plus grand nombre de subondulés que d’autres, puisque les uns ne sont que de 17 kil. par mètre et que les autres en ont 27.

M. Liedts, rapporteur. - Messieurs, l’amendement de M. Cools me paraît avoir perdu une grande partie de son importance par la discussion à laquelle il a donné lieu. Son intention, messieurs, est moins de s’opposer à l’allocation que de demander une instruction nouvelle. Or, si je me le rappelle bien, dans la dernière séance, M. le ministre des travaux publics a promis de se livrer à une instruction nouvelle et plus approfondie de cette affaire et, de ne procéder au renouvellement de tout ou partie de ces rails subondulés, qu’autant que la nécessité lui en sera bien démontrée. Si M. le ministre veut joindre à cette déclaration la promesse de livrer à la publicité le nouveau rapport qui lui sera fait sur la nécessité de ce renouvellement, je ne verrai aucun inconvénient à ce que nous votions dès aujourd’hui le chiffre dont il s’agit.

Il est évident que M. le ministre engagerait gravement sa responsabilité si après la discussion qui vient d’avoir lieu, il chargeait le trésor sans une nécessité bien constatée d’une dépense considérable, surtout après avoir pris l’engagement de livrer à la publicité le rapport qui pourrait être fait par les ingénieurs du chemin de fer. Veuillez remarquer que dans tous les cas, il y a une partie du railway sur laquelle une économie bien entendue doit nous engager à permettre le remplacement des rails subondulés, sans examen ultérieur : La section à laquelle je fais allusion est celle de Bruxelles à Malines. Il est démontré que sur cette section, il y a une partie qui doit être exaucée, pour mettre la route à l’abri des inondations, dans les grandes crues d’eau.

Puisqu’il faut de toute nécessité faire ce relèvement il me paraît que ce serait faire deux fois le travail que de ne pas remplacer maintenant les rails ondulés par des rails parallèles, alors que dans un court espace de temps il faudra nécessairement faire ce remplacement. Je crois que pour cette partie, quelle que soit la décision qu’on prenne à l’égard des autres sections, il faut faire maintenant ce qu’on doit faire plus tard, remplacer immédiatement les rails existants par d’autres rails dont tout le monde reconnaît la supériorité. Il est préférable de procéder en une fois à ce renouvellement que d’y procéder en deux fois.

Pour ma part, je ne m’effraie pas de ce renouvellement, si le gouvernement agit avec prudence. Il est démontré, en effet, que du moment où votre chemin de fer aura atteint les charbonnages de Charleroy, tous viendront s’y rattacher, ces charbonnages auront besoin des rails et les rails subondulés qui ne présentent pas la solidité nécessaire pour la circulation des voyageurs et des marchandises sont suffisants pour transporter les charbons au chemin de fer. Pas plus tard qu’aujourd’hui des exploitants de charbonnages m’ont assuré que si le gouvernement veut fixer un prix raisonnable, ils se chargeront de reprendre ces rails, et la perte sera insensible pour le trésor.

Je n’en dirai pas davantage sur la question, j’en reviens à mon point de départ, l’amendement proposé a perdu une partie de son importance, si le ministre prend l’engagement de livrer son rapport à la publicité et de ne procéder au remplacement des rails ondulés que quand la nécessité sera bien démontrée.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je m’engage très volontiers à ce que demande M. le rapporteur, à livrer à la publicité l’enquête et le rapport des ingénieurs, au fur et à mesure qu’il y aura un renouvellement de rails à faire.

M. de Garcia. - Les demandes formées aujourd’hui pour remplacement des rails sur une partie des chemins de fer présentent un chiffre déterminé, s’élevant environ à une somme de 700 mille francs. Je désire savoir jusqu’à quel point ce renouvellement de rails peut engager le pays pour l’avenir.

S’il est vrai, s’il est établi que les rails, qu’on veut remplacer sur telle ligne, exposent la vie des voyageurs, les rails de même espèce et de même nature exposent aussi, et au même degré, la vie des voyageurs sur les autres lignes où sont employés des rails d’une mauvaise qualité ou d’une qualité moins solide. Si cette réparation est commandée d’un côté, elle l’est aussi de l’autre. En conséquence, j’ai l’honneur de demander à M. le ministre la somme totale à laquelle pourra s’élever l’amélioration réclamée partout où elle devra s’opérer.

M. le ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Je regrette que l’honorable préopinant ne m’ait pas compris. Il ne s’agit pas de décider que tous les rails subondulés seront remplacés. Il s’agit de pourvoir le gouvernement de la somme nécessaire pour opérer le renouvellement tant des rails subondulés que des autres dont le renouvellement devra avoir lieu en 1843. Voilà ce dont il s’agit et rien de plus. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - M. Cools a proposé un amendement qui réduit de 300 mille fr. le chiffre du gouvernement.

Je vais mettre d’abord aux voix le chiffre du gouvernement 1,443,000, fr. qui est le plus élevé.

- Ce chiffre est adopté.

Projet de loi approuvant le traité de paix conclu avec les Pays-Bas le 5 novembre 1842

Rapport de la section centrale

M. le président. - La parole est à M. Donny, rapporteur da la section centrale chargée d’examiner le projet de loi relatif au traité de paix.

M. Donny, au nom de la section centrale, chargée de l’examen du projet de loi relatif au traité avec la Hollande, dépose le rapport sur ce projet de loi.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.

M. David. - Je demanderai où en est l’examen du projet de loi relatif au traité de navigation ?

M. le président. - Il ne s’agit pas de cela maintenant.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Quand le rapport sera-t-il imprimé ? voilà la question.

M. Donny. - Il pourra être distribué mercredi soir.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Dès lors nous demandons que la discussion soit fixée à samedi, et qu’il n’y ait pas de séance jeudi.

M. Jadot. - Je demande la parole.

M. Devaux. - Je crois qu’il est impossible que la chambre adopte hic et nunc la proposition de M. le ministre. Nous ne connaissons pas le contenu du rapport. L’examen du traité a duré plusieurs mois dans les sections. Plusieurs sections ne se trouvant pas assez éclairées ont demandé beaucoup de renseignements ; il est donc impossible de fixer le jour de la discussion, quand nous ne connaissons pas le contenu du rapport de la section centrale. Quand le rapport sera imprimé, nous pourrons voir si réellement les questions qu’il soulève sont si faciles à examiner que deux jours suffisent pour leur examen. Le vote sur ce traité est un des actes les plus importants que nous ayons eu à poser.

Je demande que l’époque de la discussion ne soit fixée qu’après la distribution du rapport.

M. le président. - La parole est à M. Jadot.

M. Jadot. - Je voulais faire l’observation qu’a présentée l’honorable préopinant.

De mercredi, jour de la distribution du rapport, à samedi, il n’y a pas un délai suffisant pour étudier le rapport.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Nous ne nions pas l’importance de la question. Mais nous sommes dans des circonstances particulières ; il y a urgence. Il est vrai que cinq sections sur six avaient donné à leur rapporteur un mandat en quelque sorte conditionnel ; les membres de la section centrale devaient en référer de nouveau à leur section et leur faire rapport avant de prendre une résolution en section centrale. C’est ce qui a eu lieu : chaque rapporteur, après la réunion en section centrale, est retourné à sa section, et a vidé le délibéré, si je puis parler ainsi. Il a donc été satisfait à la demande de chacune des sections.

Nous devons le dire, jusqu’à présent aucune prorogation de délai n’a été convenue. Le délai est donc encore fixé au 5 février. Le rapport sera distribué mercredi soir ; nous partons de cette idée ; tout ce que nous disons serait non avenu si cette distribution était retardée. Nous pensons que la discussion pourrait commencer, après deux jours d’intervalle, c’est-à-dire samedi. Cette discussion pourra porter sur les questions qui ne présentent pas les plus grandes difficultés. Le traité se partage par la force des choses en trois parties, et l’on sait que les questions les plus importantes, les intérêts les plus graves appartiennent à la troisième partie. Je crois donc que la discussion pourrait être fixée à samedi, dans l’hypothèse de la distribution pour mercredi soir. Il n’y aurait séance ni jeudi, ni peut-être vendredi. Dès lors chaque membre aurait deux jours pour se préparer.

Nous insistons sur la fixation de la discussion à samedi. Nous vous prions de ne pas perdre de vue que nous sommes dans des circonstances toutes particulières.

M. Vandenbossche. - Je ne conçois pas comment on veut nous proposer une discussion d’urgence. Il est vrai que nous n’avons pas obtenu un délai. Mais qu’on le demande ; car quelque diligence que nous y mettions, il sera impossible d’avoir voté le traité avant le 5 ou le 6 février, à moins qu’on ne veuille sacrifier les intérêts du pays.

Lors du premier traité des 24 articles, le roi Guillaume a voulu s’éclairer ; il a attendu six ans ; il n’a fait qu’y gagner. Attendons aussi ; mûrissons la question, et demandons un délai ; ne craignons pas que la Hollande retire sa parole.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il ne suffit pas de demander un délai ; il faut que l’autre partie acquiesce. J’ai déclaré qu’aucune prorogation n’a été convenue jusqu’à présent.

On nous cite l’exemple du roi Guillaume Ier. Il a attendu 7 ans. Chacun de vous sait ce qu’il a gagné à attendre 7 ans !

M. Cogels. - Comme l’a dit M. le ministre de l’intérieur, cinq rapporteurs n’avaient pas reçu de mandat de leurs sections ; ils avaient été chargés d’en référer, j’étais du nombre. Je me suis rendu dans ma section, avec tous les renseignements que la section centrale avait obtenus ; j’en ai donné communication ; j’ai commencé par faire un résumé succinct des documents ; puis j’ai donné les explications que les membres de la section ont désirées. Les membres de ma section se sont déclarés satisfaits de ces renseignements. Je suppose qu’il en a été de même dans les autres sections. Dès lors je crois qu’un examen de deux ou trois jours doit suffire pour une résolution définitive.

M. Donny. - Ce que vient de dire l’honorable M. Cogels est également arrivé dans ma section, qui avait fait un grand nombre de questions ; nous avons réclamé en section centrale la réponse à ces questions. J’ai communiqué cette réponse à ma section, qui en a été satisfaite.

Je me suis ensuite rendu à la troisième section dont le rapporteur était malade ; j’y ai fait la même communication ; et la section centrale a nommé, séance tenante, un nouveau rapporteur.

Il y avait un très grand nombre de questions ; mais le plus grand nombre ne demandait que des réponses très simples, ces réponses ayant été faites, il ne reste qu’un nombre de questions comparativement très petit, qui a pu attirer l’attention de la section centrale, et qui attirera celle de la chambre.

M. Devaux. - Je persiste à croire que nous devons connaître le rapport, avant de fixer le jour de la discussion. Ce n’est pas s’engager bien avant, chacun alors pourra se rendre compte de la possibilité de commencer la discussion tel jour ou tel autre.

Plusieurs membres. - Nous pouvons fixer la discussion à samedi.

M. Devaux. - Je félicite les honorables membres qui m’interrompent de ce que deux jours leur suffisent pour se préparer à une semblable discussion ; quant à moi, j’avoue qu’il me faut plus de temps.

Si la discussion du traité n’est qu’une simple formalité, si la chambre elle-même, dans cette affaire, devient une formalité, soit. Mais si notre intervention est chose sérieuse, il faut évidemment qu’on ait le temps d’étudier toutes les questions. Le rapport de la section centrale peut en soulever de nouvelles, nécessiter des recherches ; il faut savoir quelles sont ces recherches.

Dans tous les cas, si vous voulez une discussion sérieuse dans les deux chambres, il sera fort difficile d’arriver là pour le 5 février, Il est bien difficile, assurément, en commençant le 28 comme on le propose, que le traité ait été discuté, adopté ou rejeté par cette chambre ; ensuite que le sénat ait renvoyé le traité à ses sections, ait entendu le rapport et ait voté sur le projet de loi pour le 5 février.

Il ne faut peut-être pas préjuger non plus la question de savoir si, dans le cas où le gouvernement hollandais ne prorogerait pas le délai pour la ratification, cela ne voudrait pas dire qu’il ne veut plus du traité, et si dans ce cas, nous devons nous presser d’adopter, comme nous l’avons fait dans une autre circonstance où, après avoir adopté un traité, il nous a fallu en accepter un autre renfermant des conditions plus dures. C’est ce qui est arrivé pour les 18 articles et les 24 articles. Je ne veux pas soulever cette question. Je demande seulement qu’on attende, pour prendre une décision, que le rapport de la section centrale soit distribué.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le vote du traité n’est pas une formalité ; cette chambre n’est pas une formalité. Mais ce qui n’est pas non plus une formalité, c’est le travail des sections. Je suppose que les honorables membres qui, par une interruption, ont fait supposer qu’ils étaient préparés à aborder la discussion de quelques-unes des questions, ont suivi avec soin les travaux préparatoires des sections ; alors cette présomption est permise ; alors ils sont au courant de la plupart des questions. Ainsi, pour nous, le travail en sections n’est pas une formalité ; ce n’est une formalité ni pour les membres de la chambre ni pour le gouvernement, qui a laborieusement concouru à tous ces travaux préparatoires. On se préoccupe de la discussion du sénat ; préoccupons-nous de nos devoirs ; faisons en sorte qu’aucun reproche ne puisse nous être adressé, à nous, chambre des représentants. On a parlé de renvoi aux sections du sénat. Le sénat n’a pas de sections ; il renvoie les projets de loi à des commissions qu’il nomme.

M. Devaux. - Qu’est-ce que cela fait ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Cela fait que les travaux du sénat sont plus rapides que les nôtres.

Il y a une autre raison pour fixer, la discussion à samedi. Si, après l’examen qu’on aura fait du rapport, jeudi et vendredi, on trouve de nouveaux renseignements nécessaires, on les demandera samedi, et on pourra peut-être donner ces renseignements à la séance de lundi.

Nous aurons aussi à examiner quelle devrait être notre position en cas de rejet du traité par les chambres néerlandaises ; nous verrons si, dans ce cas, notre position ne serait pas très avantageuse, en adoptant le traité de notre côté.

Nous insistons de nouveau pour que la discussion soit fixée samedi.

- La proposition de M. le ministre de l’intérieur de mettre à l’ordre du jour de samedi le projet relatif au traité avec la Hollande est mise aux voix ; elle est adoptée.

M. Lys. - Messieurs, vous venez de fixer à samedi la discussion du traité avec la Hollande ; mais il y a aussi une convention de navigation.

M. le président. - Je dirai à l’honorable membre que jusqu’ici nous nous sommes constamment occupés de l’examen du traité ; nous venons seulement de terminer aujourd’hui notre travail. Mais la section centrale chargée de l’examen de la convention de navigation est convoquée pour demain.

M. Lys. - C’est sur ce point que j’ai des observations à faire. Il circule le bruit qu’il s’agit de soulever une question d’ajournement relativement à cette convention. S’il en est ainsi, je crois que la question d’ajournement doit être décidée immédiatement. Il est nécessaire que la convention de navigation soit aussi soumise à la chambre et approuvée avant le 5 février. Si, au contraire, on allait discuter pendant plusieurs jours dans la section centrale sur la question d’ajournement, nous arriverions au 5 février sans qu’il eût été fait aucune proposition à la chambre. Je crois, quant à moi, que c’est à la chambre à examiner et à décider cette question d’ajournement. Je demanderai donc qu’un rapport nous soit fait pour samedi, que, s’il y a une proposition d’ajournement à faire, elle soit soumise à la chambre avant samedi, sinon, je demanderai que la chambre la mette à l’ordre du jour et la décide immédiatement.

M. David. - Il me semble qu’il est d’autant plus nécessaire de passer promptement à la discussion du projet relatif à la convention de navigation, qu’il serait à craindre que ce résultat, qui est le plus favorable de ceux qui ont été obtenus, ne vînt à nous échapper. Je demande donc que la section centrale s’en occupe immédiatement.

M. le président. - Il est décidé qu’elle s’en occupera immédiatement, puisqu’elle est convoquée pour demain. Si elle ne s’est pas réunie plus tôt, c’est qu’il y a eu impossibilité physique.

M. Cogels. - Je crois que la chambre ne doit pas s’occuper de ce que décidera la section centrale. Je fais partie de cette section centrale. Demain, dans sa première réunion, la première question qui sera agitée sera celle de l’ajournement. Si elle était adoptée, la chambre en aurait immédiatement connaissance. Si, au contraire, la section centrale fait un rapport définitif sur la convention, ce rapport pourra être déposé samedi et la chambre en délibérera.

- La séance est levée à 4 heures trois quarts.