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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 16
janvier 1843
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2) Projet
de loi relatif à la canalisation de la Campine. Discussion générale (notamment
principe de la participation financière des propriétaires riverains et
défrichement des bruyères) (de Renesse, Cogels, Huveners, de
Nef, Peeters, Savart-Martel,
Simons, Lys, Desmaisières,
Dubus (aîné), Peeters, de La Coste)
(Moniteur belge n°17, du 17
janvier 1843)
(Présidence de M. Raikem)
M. de Renesse procède à
l’appel nominal à 2 heures et demie.
M. Scheyven procède au
tirage au sort pour la formation des sections.
M. Scheyven donne lecture
du procès-verbal de la dernière sénace, dont la rédaction est approuvée.
M. de Renesse communique les
pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs habitants de Lommel présentent des observations contre
le projet de loi sur le canal de la Campine. »
- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet.
________________________
« Plusieurs pharmaciens établis dans la province du Luxembourg demandent
l’abrogation de la disposition de la loi du 12 mars 1818, qui autorise les
médecins des campagnes ou des villes du plat pays à fournir les médicaments aux
malades. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_______________________
« Plusieurs ouvriers de Heusdies se plaignent
de ce qu’on veut leur faire payer un droit de parente pour les haricots de leur
récolte qu’ils vont colporter dans le Borinage. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_______________________
« Le sieur Ronflette, notaire à Ixelles, demande que le nombre de
notaires à Bruxelles, soit fixé à trente. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_______________________
« Plusieurs électeurs de Frasnes
demandent que le vote pour les élections aux chambres aient lieu par
canton. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
_______________________
M. le ministre de la guerre
(M. de Liem) adresse à la chambre quelques explications sur la
pétition du sieur Reith, qui lui a été renvoyée.
- Pris pour notification.
_______________________
« M. le docteur Joly adresse la chambre un exemplaire de la
première livraison du deuxième volume des Annales du conseil central de
salubrité publique. »
- Dépôt la bibliothèque.
Discussion générale
M. de Renesse. - Messieurs,
de tous les travaux à exécuter dans la Campine, la canalisation doit être mise
en première ligne, par l’heureuse influence qu’elle exercera dans un avenir
plus ou moins rapproché, sur le défrichement des vastes bruyères de cette
contrée, restées jusqu’ici incultes, faute de moyens faciles de communication
pour le transport des engrais, et pour l’exportation surtout de ses produits
boisés.
La législature, en accordant la somme de 1,750,000
fr., pour l’exécution des travaux de la première section de ce canal de Bocholt
à la Pierre-Bleue sous Lommel, a enfin fait droit aux justes réclamations, et
aux vives instances d’un pays trop longtemps délaissé sous le rapport des
travaux publics.
Si l’engouement pour les chemins de fer n’avait entraîné les chambres et
le gouvernement à donner la préférence à ce grand œuvre national, il est
probable que la canalisation de la Campine eût obtenu plus tôt un commencement
d’exécution, et la fertilisation de cette contrée n’eût pas été ajournée
jusqu’ici. Mais puisque par la loi du 29 septembre de l’année dernière, le
principe de la canal a été décrété sous la réserve du concours des communes et
des propriétés intéressés, il s’agit d’examiner si le gouvernement, en
établissant le taux du concours fixé par le projet en discussion, n’a pas fait
à ce principe une trop large application pour la première section du canal,
s’il a eu assez égard à la position toute particulière de cette partie de la
Campine, à ses ressources actuelles, et si les charges qui doivent en résulter
ne seraient pas trop onéreuses, surtout que seulement onze communes doivent y
contribuer, et encore parmi ces communes, celles de Reppel,
d’Achel, de Kleine-Brogel, de Groote-Brogel et de
Bocholt, ne doivent intervenir que dans la rente de 30,819 fr. 50., que pour
une part très minime ; toute la charge des annuités retomberait sur les six
communes dont les terres et les bruyères se trouvent en grande partie dans les
cinq zones désignées par le projet de loi.
Depuis 1830, le principe du concours des communes et des propriétés, n’a
pas reçu une application générale ; toutes nos lignes du chemin de fer ont été
construites aux frais de l’Etat ; la plupart des routes et d’autres travaux
d’utilité publique, ont été exécutés sans cette intervention, et maintenant, où
il s’agit d’indemniser une province qui a été sacrifiée à l’intérêt général, de
tirer toute une contrée de l’état d’isolement où elle n’est restée que trop
longtemps, et dont les intérêts ont été négligés par tous les gouvernements qui
se sont succédé, l’on voudrait imposer une charge extraordinaire, tout
exceptionnelle, à un pays dont les moyens actuels sont très bornés, et qui ne
devait pas s’attendre à devoir contribuer dans les frais de construction de ce
canal pour une somme aussi importante, lorsque dans presque toutes les autres
provinces, des sommes considérables ont été dépensées sans aucun concours, tant
pour le chemin de fer que pour d’autres travaux publics. Le canal à construire
de Bocholt à Herenthals étant la ligne principale des
canaux à établir dans la Campine, devrait être considéré sous le rapport de
l’utilité générale qu’il doit procurer, en mettant la Meuse en communication
avec l’Escaut, son exécution devait avoir lieu aux frais de l’Etat, et comme ce
canal est l’agent principal de l’amélioration de cette contrée, ce n’est que
par la voie indirecte des impôts que le trésor devra retirer les intérêts de la
mise des fonds qu’elle aura faite, comme le propose M. l’inspecteur en chef
Vifquain, dans son rapport sur les voies navigables.
D’après les pétitions adressées à la chambre, il résulterait que, si la
proposition du gouvernement était admise, pour chaque franc de contribution
foncière, personnelle et patente, il faudrait payer pendant 23 années 1 fr. 75
c. pour parfaire la rente de 30,819 fr. 50 c. ; cette contribution
extraordinaire serait admissible, si la canalisation de la Campine pouvait
avoir une influence immédiate sur l’amélioration des terres incultes ; mais,
avant de parvenir à ce résultat, les propriétaires, les communes, devront faire
d’assez fortes dépenses, et attendre pendant 15 à 20 années, pour retirer les
intérêts des capitaux avancés. Il est aussi à observer que le canal de la
première section de Bocholt à Lommel, ne pourra guère servir à l’irrigation des
terres riveraines, puisqu’il sera creusé, sur une grande partie de son
parcours, un déblai de plusieurs mètres. L’on ne peut donc tirer tous les
avantages de cette voie de navigation, pour fertiliser les bruyères dans un
temps assez rapproché mais il faudra de longues années pour y parvenir, et
cependant, en attendant que la plus-value de ces terrains défrichés résulte de
cette canalisation, les propriétaires, les communes, devront payer une rente
qui ne me paraît pas avoir été mise en rapport avec la situation actuelle de
cette contrée, surtout, si l’on considère que ce pays est pauvre, que ce n’est
qu’à force de travail, que les quelques terres qui y sont cultivés produisent à
peine des céréales et les fourrages nécessaires à la consommation. Quant aux
bruyères à convertir en bois, tous ceux qui se sont occupés de ces
défrichements peuvent attester que cette culture est assez coûteuse, et que les
calculs présentés par le département des travaux publics, dans la note A,
joints au rapport de la section centrale, ne sont pas entièrement exacts, mais
bien au-dessous de la réalité ; car, il arrive très souvent qu’il faut
ensemencer à plusieurs reprises les mêmes bruyères, après y avoir fait des
travaux assez dispendieux, avant d’obtenir un bon résultat ; ensuite, il faut
attendre un temps assez long, pour que ces semis de bois puissent être exploités
; pareillement, pour l’établissement des prairies artificielles au moyen de
l’irrigation, l’on calcule que, par hectare, il faut faire une dépense de
plusieurs centaines de francs ; il est en outre à remarquer que toutes les
bruyères ne peuvent être défrichées ; une partie notable doit rester bruyère,
pour fournir le chauffage et la litière, que l’on ne saurait, momentanément,
remplacer : ce n’est que lorsque les parties défrichées donneront des produits
pour remplacer ceux qui existent actuellement, que l’on pourrait parvenir au
défrichement de ces terrains incultes.
Les communes intéressées à la construction de ce canal, et qui doivent y
intervenir pour environ le quart de la dépense, me paraissent avoir démontré, à
l’évidence, que la charge de 30,819 fr. 50 c., pendant 23 années, leur est trop
onéreuse pour leurs ressources actuelles ; qu’il faut, à leur égard,
n’appliquer dans le début, le principe de concours qu’avec ménagement et
modération, en prenant en considération que ces communes ont été particulièrement
froissées, par un fatal traité ; qu’en vertu, lors de l’invasion des troupes
hollandaises en 1830 et 1831, elles ont eu à supporter des pertes assez
notables, sans obtenir actuellement la faculté, au moyen de la loi des
indemnités, d’être en partie payées des réquisitions militaires qui leur ont
été imposées, puisque les communes, d’après les dispositions de cette loi, ne
seront pas admises à la liquidation de pareilles prétentions.
En appelant l’attention de la chambre sur leur situation toute particulière,
ces communes demandent que le concours soit réduit du quart au dixième des
frais de construction ; néanmoins, alors ce concours serait encore pour les
communes traversées par la première section du canal une charge assez forte :
pas moins de 70 p. c. du principal de toutes les contributions directes
réunies, ou du moins de réduire les annuités à la moitié du taux proposé par la
section centrale ; de donner aux communes la faculté de racheter la part de leurs habitants comme la leur, et
de déterminer que les annuités ne seront payables que du jour où toute la ligne
de Bocholt à Herenthals sera livrée à la navigation.
La majorité de la section centrale, ayant trouvé les réclamations de ces
communes fondées, propose une légère réduction sur le taux du concours stipulé
par le gouvernement ; cette diminution me paraît être insuffisante, si l’on
considère que la Campine offre actuellement peu de ressources, que la
contribution foncière y est depuis de longues années assez élevée,
comparativement à d’autres parties du pays où les terres sont cependant d’une
qualité meilleure ; d’ailleurs, le défrichement de toutes les bruyères
traversées par le canal ne peut avoir lieu immédiatement ; des dépenses assez
considérables doivent être faites pour y parvenir, et en outre ces communes ont
encore des rentes constituées à acquitter.
Les considérations que les communes intéressées à la construction du
canal de la Campine ont fait valoir, pour obtenir une réduction plus notable
sur le concours que le gouvernement veut leur imposer, doivent être mûrement
pesées par la chambre ; elles me paraissent être assez importantes, surtout
celles présentées par les communes de Lommel et par notre honorable collègue M.
Huveners, le zélé défenseur des intérêts de la Campine, pour engager la
législature à être équitable envers une contrée qui n’a été que trop longtemps
délaissée, et qui mérite bien, après de longues années d’attente, d’obtenir à
son tour une part dans les fonds qui sont destinés aux travaux publics, sans
toutefois être obligée de contribuer par un concours trop onéreux, tandis que
jusqu’ici des sommes considérables ont été dépensées dans presque toutes les
provinces du royaume, sans l’intervention des communes et des propriétés
intéressées.
J’appuierai donc toute proposition qui tiendrait
à établir un concours équitable, sans trop grever la Campine de charges
nouvelles et tout exceptionnelles.
M. Cogels. - Messieurs,
dans la séance de samedi dernier, l’honorable représentant du Limbourg qui a
ouvert la discussion s’est plaint du peu d’intérêt que la section centrale
avait porté aux habitants de la Campine et aux communes qui seront appelés à
contribuer à la construction de ce canal. Il aurait voulu que sa construction
eût lieu comme celle des chemins de fer et de plusieurs autres grandes routes,
aux frais de l’Etat, et sans aucune espèce de concours de la part des habitants
ou des communes qui en profitent. Je suis surpris que l’honorable M. Huveners
n’ait pas fait ces observations quand il s’est agi de poser le principe de la
loi, car c’est alors qu’elles auraient mieux trouve leur place. En effet, la
section centrale n’avait plus qu’une chose à faire : elle n’avait pas de
principe à poser, mais l’application du principe à régler. En ce sens, je crois
qu’elle a fait tout ce qu’elle pouvait faire.
Pour donner de la valeur à ses observations, l’honorable M. Huveners est
venu amoindrir tous les résultats que doit avoir la construction du canal pour
les contrées qu’il doit traverser. Il a dit qu’il n’aurait aucun résultat pour
l’agriculture de ces contrées, que le principal avantage de cette construction
serait pour le commerce et pour les provinces qui ne seraient pas traversées
par le canal.
J ai été d’autant plus surpris d’entendre ce langage de la part de
l’honorable membre qu’au mois de septembre dernier, quand il s’est agi de poser
les principes de la loi, il en tenait un tout autre.
Voici ce qu’il disait à cette époque :
« Vous rendrez à la culture au moins 150,000 hectares de terres, vous
doterez la Belgique d’un nouveau pays de Waes, vous créerez une nouvelle
province, vous améliorerez le sort de 200,000 habitants, et cela tout en
produisant un bénéfice certain au trésor par l’augmentation des impôts. »
Je vous avoue qu’il m’est difficile de concilier ce langage à celui
qu’il a tenu en dernier lieu.
Je ne m’étendrai pas davantage sur cette espèce d’inconséquence, je
m’attacherai principalement à combattre quelques-uns des amendements proposes
par l’honorable M. Huveners.
Quant à ce qui regarde l’amendement proposé à l’art. 2, pour exempter du
concours toutes les propriétés situées à cinq mille mètres du canal de
Bois-le-Duc, je ne me prononcerai pas maintenant ; je réserve cette discussion
pour le moment ou nous nous occuperons de l’art. 2, car il s agit là d’une
exception et non d’un principe.
Pour les amendements proposés à l’art. 4, je ne saurais les admettre ;
ils tendraient à appliquer la totalité de la contribution aux bois et bruyères,
et de la réduire à moitie pour les propriétés cultivées.
A propos de ces terres cultivées, l’honorable membre a demandé sur un
passage du rapport de la section centrale, une explication qu’il aurait pu se
dispenser de demander. Je vais vous donner lecture de ce passage.
Une des questions posées était :
« 1° Etablira-t-on une distinction en faveur des propriétés cultivées et
déjà soumises à la contribution ? Y aura-t-il pour elles exonération ou
réduction de la contribution proposée ?
« La première de ces questions a été résolue négativement, et elle ne
pouvait pas l’être autrement ; car si les propriétés déjà cultivées ne sont pas
destinées à obtenir de la construction du canal un accroissement de valeur
proportionnel, égal à celui qu’obtiendront les bruyères, cette plus-value ne
s’élèvera certainement pas un chiffre moins considérable, eu égard à la
superficie des terrains, seule base admise par le projet de loi. »
Voilà ce que l’honorable membre n’a pas su comprendre et qui cependant
est très compréhensible, car si un hectare de bruyères qui ne valait que 50 fr.
s’élève à 100 fr., il double sa valeur ; mais en définitive, il n’augmente que
de 50 fr. Mais si une propriété cultivée, qui vaut maintenant mille francs, est
portée à 1,200 fr., son accroissement proportionnel est moindre, mais elle acquiert une plus-value plus considérable. Il
n’y a donc pas de motif pour réduire sa contribution au-dessous de celle de la
propriété qui n’acquiert qu’une plus-value de 50 fr.
Maintenant, voici la question de principe. Ces propriétés cultivées
acquerront-elles une augmentation de valeur, oui ou non ? C’est ce que je
laisse à la chambre le soin d’apprécier.
Une autre condition que voudrait introduire dans la loi le député du
Limbourg, c’est de donner aux communes la faculté de libérer les propriétaires
de la contribution au moyen de la cession d’une partie de leurs terrains.
J’avoue que si cette libération se faisait à titre gratuit, ce serait un grand
soulagement pour les propriétaires, mais ce serait aggraver la position des
communes. Il y aurait injustice en ce sens, que ce serait un sacrifice qu’on
imposerait à la masse, au profit de quelques-uns. Mais, pour réfuter cet
argument qui est dans le rapport, l’honorable membre dit que tous les habitants
sont propriétaires. S’il en est ainsi et que la commune soit encore
propriétaire de plusieurs milliers d’hectares, leur position n’est pas
malheureuse. Je voudrais voir toutes les communes dans cette position, elles
n’auraient pas se plaindre d’un défaut de bien-être. En supposant que tous les
habitants soient propriétaires, je ne vois rien de mieux que de donner à chacun
la faculté de se libérer au moyen d’une cession de terrains. Il faut bien
remarquer qu’il ne s’agit pas ici d’un impôt personnel, mais d’un impôt
territorial, dont on donne la faculté de se libérer au moyen de cession de
terrains, qu’il est dans l’intérêt des communes de voir livrer à la culture.
Ces terrains, tant qu’ils restent propriétés communales, sont incultes. Si les
habitants trouvent dans cette communauté un avantage pour la litière, les
engrais, le chauffage et le pâturage, il est certain que si les communes
pouvaient vendre d’une manière convenable ces propriétés et les voir livrer à
la culture, elles tireraient des capitaux que la vente de ces terrains leur
procurerait, un plus grand avantage que celui qu’elles retirent maintenant de
ces terrains incultes.
Voilà les seules observations que j’ai à
présenter pour le moment.
M. Huveners. - En réponse
au discours de l’honorable rapporteur de la section centrale, je dois dire
d’abord que je n’ai jeté aucun blâme sur la section centrale, et en second lieu
que je ne me suis pas opposé au concours des propriétés. Mais j’ai fait
observer qu’alors que pour tous les autres travaux d’utilité publique, on
ne demandait pas le concours des
propriétaires qui en profitaient, on ne devait pas élever trop haut celui qu’on
exigeait des propriétaires de la Campine. J’ai dit que nous avions dû subir ce
concours, parce que nous n’aurions pas pu espérer de voir s’exécuter la
canalisation de la Campine sans le concours des propriétaires.
Quand au rapprochement que l’honorable rapporteur a fait de mon discours
de samedi et de celui du mois de septembre dernier, il est loin de m’embarrasser,
car ils se concilient parfaitement. Je soutiens aujourd’hui comme alors que
pour les bruyères et surtout pour celles qui sont susceptibles d’irrigation et
dont on peut faire des prairies artificielles, le canal sera d’une grande
utilité, mais il n’en est pas de même pour les terres cultivées.
Ensuite, j’ai critiqué une considération du rapport, et quoi qu’en ait
dit son honorable auteur, je ne la comprends pas encore. Il dit que les terres
cultivées auront une plus-value proportionnelle moindre, mais que, relativement
à sa superficie, cette plus-value sera plus considérable. Il fallait d’abord
prouver que les terres cultivées augmenteraient de valeur. C’est ce que je
conteste. Et s’il y avait augmentation, est-elle assez considérable pour pouvoir
supporter la charge qu’on veut imposer ?
L’honorable rapporteur ne peut pas comprendre qu’il y a des communes où
tout le monde est propriétaire. Qu’il aille dans la Campine, il verra plusieurs
villages où chaque ménage a sa petite propriété.
Mais si un habitant qui possède un demi-hectare, doit contribuer, il est
imposé au taux de 2 fr. 50 c. par hectare, tandis que la contribution n’est que
de 1 fr. 75 c., c’est-à-dire à plus du quart du
revenu.
Je n’en dirai pas davantage pour le moment. Je
me réserve de reprendre la parole lors de la discussion des articles.
M. de Nef. - A propos du
concours des propriétaires, je demanderai à M. le ministre des travaux publics,
s’il a l’intention de nous proposer, avant l’achèvement de la première section
du canal, un système de canalisation de la Campine, moins restreint que celui
qui est préjugé par la loi du mois de septembre dernier.
Je prie M. le ministre de s’expliquer à cet
égard.
M. Peeters. - Je
commencerai par remercier M. le ministre des travaux publics, pour la
promptitude qu’il a bien voulu mettre à nous présenter un projet définitif pour
la première section de la canalisation de la Campine, afin de pouvoir mettre la
main à l’œuvre au printemps prochain. Je regrette que je doive borner là mes
remerciements ; car je suis aussi de ceux qui pensent que les rétributions
qu’il impose, par son projet de loi, aux localités que le canal doit parcourir,
sont beaucoup trop élevées. Quoi ! messieurs, jusqu’ici toutes les grandes constructions qui se sont exécutées
dans le pays (le chemin de fer compris) l’ont été sans subside des localités
les plus spécialement favorisées, et maintenant qu’il s’agit de faire quelque
chose pour une localité trop longtemps oubliée et privée, comme le Luxembourg,
des avantages du chemin de fer, l’on veut exhumer une loi française de 1807,
qui se trouve même, pour ainsi dire, sans application en France. On nous
demande même le quart de tous les frais de la canalisation. On attend pour
appliquer cette loi jusqu’à ce que l’on commence de travailler dans les pays
les plus pauvres, qui n’ont d’autres torts que d’avoir été longtemps négligés.
Prenez-y garde, messieurs, je parle à ceux qui ont encore besoin de
communication, le gouvernement ne peut pas avoir deux poids et deux mesures, le
système qu’on veut appliquer aujourd’hui à la Campine devra l’être plus tard à
toute construction quelconque que le gouvernement voudra entreprendre (chemins
de fer compris), le gouvernement voulût-il même l’abandonner pour quelques
localités privilégiées, Je l’invoquerai toujours dans cette chambre et j’ai
assez de confiance dans la justice de mes honorable collègues, pour pouvoir
vous assurer que ce système sera toujours adopté par la suite.
Je vous ferai remarquer que la province d’Anvers a déjà dépensé un
million pour la canalisation de la Petite-Nèthe, qui
forme pour ainsi dire la première section de la canalisation de la Campine, et
que la province du Limbourg se trouve dans une position financière qui ne lui
permet point de donner des secours ; cette province que vous avez mutilée dans
l’intérêt de la généralité, et pour laquelle vous auriez voté un canal par
acclamation à l’époque à laquelle a dû s’accomplir cette triste séparation.
L’honorable M. Rogier vous disait alors : « Le gouvernement doit, autant
que la chose peut dépendre de lui, réparer les torts que le traité doit faire à
cette partie du territoire, en reportant sur la partie qui nous reste toute sa
sollicitude, en la dotant de tous les avantages qu’elle peut supporter, et
notamment en la dotant largement des travaux publics, des routes et des
canaux. »
Après ces considérations, dis-je, j’aurais pu m’opposer avec fondement à
toute rétribution nouvelle, mais, messieurs, je m’abstiens d’en agir ainsi. Je
regarde le projet qui nous occupe comme le premier jalon placé pour le grand
projet de canalisation de la Campine, et je suis persuadé que cette
canalisation ne sera véritablement utile pour l’agriculture, que lorsque le
canal d’irrigation de Hasselt par Turnhout à Anvers qui traverse et doit
fertiliser toutes nos immenses bruyères, sera également exécuté. C’est en
partant de ce point de vue, et pour accélérer l’exécution de ce second projet
que je veux bien admettre le concours des communes intéressées, mais le
concours tel qu’il est fixé par le projet de loi, me paraît exorbitant, surtout
lorsqu’on considère que cette canalisation intéresse tout le pays et que
quelques communes qui se trouvent dans sa proximité paieront le double des
contributions qu’elles payent aujourd’hui, tandis que les villes les plus
favorisées ne paieront rien, ainsi que mon honorable collègue, M. Huveners, l’a
très bien fait remarquer hier.
D’après les renseignements fournis par le gouvernement et joints au
rapport de la section centrale, quelques propriétés longeant le canal à
construire décupleront de valeur ; en admettant ces renseignements comme
exacts, il s’en suivra que les produits d’enregistrement, mutations et
successions décupleront également dans ces localités, et il en résultera que le
gouvernement aura fait une opération très avantageuse en canalisant la Campine
; en se basant sur le résultat obtenu à cet égard par la canalisation de la
Petite-Nèthe, on peut dire sans exagération que
l’augmentation seule de l’enregistrement et de droits de successions dans ces
localités récompensera complètement le gouvernement des frais que la
canalisation de la Campine va lui occasionner.
Je pense que l’on devrait prolonger le terme de paiement, tout en
réduisant le montant du concours annuel : un dixième dans la dépense me paraît
un concours suffisant ; c’est ainsi que la Campine paierait la dîme dont on
vous a tant effraye depuis quelque temps.
Je voterai donc pour une rétribution
raisonnable, non pas parce que je regarde ce concours comme juste et équitable,
mais, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire en commençant, afin
d’accélérer l’exécution du grand projet de canalisation de la Campine proposé
par MM. Masui et Teichmann,
le seul projet qui pourra fertiliser nos immenses bruyères et procurer, en
quelque sorte, au pays une province de plus, projet que je ne cesserai de vous
réclamer avec persévérance et ténacité même, persuadé que je suis qu’il sera
fort avantageux au pays et qu’il rapportera de très grands intérêts au
gouvernement des sommes qu’il pourrait y employer ; je dis que je le demanderai
avec ténacité, et la justice de ma cause et les bonnes dispositions de mes
honorables collègues m’assurent le triomphe ; car c’est à la chambre aussi, et
je me plais à le reconnaître, que nous devons le projet qui nous occupe ;
l’honneur de l’initiative lui appartient.
M. Savart-Martel. – Messieurs, sans
rien préjuger contre la Campine, je pense qu’il s’agit dans le moment actuel
d’ouvrir la discussion générale, et je crois qu’on est assez d’avis qu’il
faudra toujours que les habitants qui profiteront des travaux qu’on se propose
d’exécuter, interviennent pour quelque chose. Quand nous discuterons les
articles, il y aura lieu d’entrer dans plus de détails et nous nous
prononcerons sur le chiffre. J’ai pris la parole pour relever une erreur dans
laquelle est tombé un honorable préopinant. Il a dit que pour les autres
travaux publics les riverains en avaient retiré des avantages gratuits. C’est
là une erreur ; dans la plupart des travaux qui ont été faits et dont les
riverains ont retiré un bénéfice quelconque, on les a fait intervenir pour
quelque chose. On a parlé des chemins de fer. Mais je ferai observer que les
chemins de fer ne donnent aucun avantage aux propriétaires riverains, et sont
même souvent dans le cas de leur nuire. Il y a plus, c’est qu’un tiers de la
contribution foncière est payé pour le chemin de fer. Plus il y aura de chemins
de fer, plus les propriétaires riverains perdront, du moins pour la grande
majorité. Ne dites donc pas que les riverains gagnent à la construction des
chemins de fer, mais que la propriété foncière y perd, car elle fait des sacrifices
immenses en faveur des chemins de fer ; car vous n’allez pas croire que le
grand avantage du chemin de fer soit de nous porter facilement d’une ville à
l’autre. Ce serait d’un intérêt si faible qu’il ne vaudrait pas la peine d’en
parler. Mais c’est le commerce qui gagne et la propriété qui paie.
Ainsi, arrière la pensée qu’on serait injuste envers la Campine. Je suis
loin de dire qu’il faille la vexer, qu’il ne faille pas diminuer le chiffre.
Mais je dis que, puisque les propriétaires doivent gagner à l’exécution de ce
canal, elles doivent y être pour quelque chose. Ce principe est généralement
appliqué. C’est ainsi qu’aux environs de Tournay, où il est question de faire
des routes, les propriétaires riverains souscrivent personnellement.
Sans rien préjuger contre les habitants de la
Campine, sans m’expliquer, quant au chiffre, sur lequel j’ai besoin d’autres
renseignements, je dis que, pour être juste, il faut partir du principe qu’il
est dû au trésor une indemnité à proportion des avantages que la Campine peut
retirer de l’exécution du canal.
M. Simons. - Mon
intention n’est pas de méconnaître le principe posé par la chambre. Qu’il me
soit permis cependant de déclarer que jamais un pareil principe n’aurait dû
être posé. C’est une exception à ce que nous avons fait depuis la révolution ;
en effet, a-t-on réclamé le concours des propriétés intéressées, quand on a
exécuté pour 150 millions de travaux à charge du trésor public, quand on a fait
certains travaux très dispendieux et sans grande utilité, quand on a construit
ici la nouvelle station, qui a décuplé la valeur des terrains. Mais quand il
s’agit de localités pauvres on est exigeant, tandis que quand il s’agit du
commerce et de l’industrie des grandes villes, on jette en quelque sorte
l’argent à celui qui veut le prendre. Nous ne contestons pas le principe
malheureusement adopté. Mais nous disons que la législature et le gouvernement
ont réellement deux poids et deux mesures. On aurait dû agir autrement envers
une localité malheureuse, qui a payé en quelque sorte la rançon de la Belgique,
lors du malheureux traité.
Mais le principe est adopté. Je le respecte. Je prétends seulement que
la charge imposée aux communes est tellement exorbitante que je ne conçois pas
comment on a pu l’admettre dans la section centrale. Je n’entrerai pas à cet
égard dans beaucoup de détails. Lorsque nous viendrons aux articles en
question, je crois que nous le démontrerons d’une manière évidente. Je me
permettrai seulement de faire observer que le concours imposé aux communes
dépasse le cinquième de leurs propriétés. Pour vous en convaincre, vous n’avez
qu’a voir le tableau joint au rapport de la section centrale ; vous y verrez
notamment que la commune de Bocholt serait obligée de céder 42 hectares, et
qu’elle n’en conserverait que 172. Je vous le demande,
avez-vous jamais vu expliquer de cette manière la loi de septembre ?
Ces observations reçoivent d’autant plus leur application que je prie la
chambre de ne pas perdre de vue (car c’est le sens qu’on doit donner au
discours de mon honorable ami M. Huveners), que le canal dont il s’agit ne sera
pas très utile à la localité ; car ce n’est que la branche principale qui forme
l’artère pour alimenter les canaux d’irrigation qui pourra être utile à la localité.
Mais on peut le dire, c’est plutôt un canal dans l’intérêt des grandes villes
de Liège et d’Anvers, puisqu’il doit servir à la navigation. Mais l’intérêt de
la localité était qu’on s’occupât de canaux d’irrigation.
Je crois que ces considérations suffiront pour faire comprendre à la
chambre qu’il est impossible d’admettre la quotité proposée par la section
centrale.
Je me bornerai à ces observations, me réservant
d’y revenir dans la discussion des articles.
M. Lys. - Lorsque le canal
de la Campine n’était pas décrété, ceux qui le demandaient étaient disposés à
faire les plus grands sacrifices ; on ne trouvait pas extraordinaire de voir
modifier les dispositions de l’art. 113 de la loi du 3 frimaire an VII.
On consentait à réduire le terme de 30 années pour les terres en friche
depuis dix ans, qui seront plantées ou semées en bois, pendant lesquelles les
cotisations ne peuvent être augmentées.
On parlait d’attribuer à l’Etat la plus-value des propriétés communales.
Par suite des dispositions des articles 28, 29 et 30 de la loi du 16
septembre 1807, on parlait non seulement de céder gratuitement au gouvernement
le terrain nécessaire pour le canal, mais une partie de terrain plus large.
On parlait de forcer les communes à vendre leurs bruyères, en fixant la
contribution foncière sur ces terrains, à un franc par hectare, au lieu de dix
centimes qu’elles paient actuellement.
On faisait beaucoup valoir cette cotisation d’un franc par hectare, en
disant que les communes devraient se trouver heureuses d’aliéner leurs bruyères
à un prix double et même triple de ce qu’il était avant la loi de canalisation.
On ajoutait à cela les bénéfices à revenir au gouvernement par suite des
mutations. On ne s’éloignait nullement à payer les mêmes cotisations que celles
imposées pour le canal de Zelzaete.
La canalisation étant décrétée et venant à l’exécution, les communes ne
veulent, pour ainsi dire, supporter aucune imposition.
On n’admet plus que le concours des communes et des propriétaires
intéressés, soit fixé par le gouvernement.
On proteste contre les conditions proposées par ce dernier.
On va jusqu’à contester le mérite agricole, on le déclare d’abord
presque nul pour la première section de Bocholt à la Pierre-Bleue.
On n’apprécie plus la condition légale que les communes qui planteront
leurs bruyères en bois, jouiront pendant trente années de la faveur de ne payer
que dix centimes de contribution foncière par hectare.
Ou est tout étonné de devoir céder à l’Etat 2,823 hectares de bruyères
si on voulait se libérer de cette manière et d’en conserver 13. 222 hectares.
Les communes posséderont aujourd’hui 16,045 hectares, qui, avant la loi
de canalisation, ne valaient pas 30 fr. par hectare, ce qui donnait une valeur
de 481,350 et elles conserveront 13,222 qui vaudront au moins, valeur moyenne,
100 fr. l’hectare. Ainsi 1,322,200 : donc augmentation
de valeur de 840,830.
On va jusqu’à se plaindre de ce que les communes seront trop tôt privées
de bruyères, dont on veut faire sentir pour longtemps encore le besoin
indispensable.
Vous conviendrez, messieurs, que c’est pousser trop loin la défense des
intérêts de la Campine.
On aurait pu ajouter que les communes tiendront à conserver leurs
bruyères, que leurs magistrats imiteront leurs devanciers, en les conservant,
en repoussant toute aliénation, laissant à leurs habitants leur exploitation
qui fait toute leur richesse, leur procure chauffage, litières et par suite
engrais, et préféreront leur conserver le droit de vaine pâture.
Sans cela, messieurs, le canal plongerait la Campine dans la plus grande
désolation et causerait la ruine de ses habitants.
Voilà le langage, messieurs, qu’on vous a tenu avant-hier. Le rapporteur
de votre section centrale a répondu :
« Les avantages plus ou moins directs, plus ou moins importants que
doivent retirer du creusement du canal toutes les communes, dont il traversera
le territoire, ne peuvent être contestés d’une manière sérieuse. La facilité
des communications, l’économie dans les frais de transport de toutes les
matières pondéreuses ; le bénéfice qui doit résulter pour les communes de
l’exécution même des travaux, l’accroissement de valeur des propriétés
particulières, aussi bien que des vastes bruyères appartenant encore aux
communes, tels sont les avantages qui se présentent les premiers à l’esprit de
tout juge impartial. On aurait donc, conformément aux dispositions de l’article
29 de la loi de 1807, pu appeler à contribuer aux frais du canal, dans des
proportions différentes, la totalité des territoires de son parcours ; mais l’application
rigoureuse de la loi de 1807 a été reconnue comme fort difficile, peu
praticable, et le gouvernement a cru dès lors pouvoir limiter le recours aux
propriétés qui retireront de la construction du canal les bénéfices les plus
immédiats. »
Remarquez, messieurs, que le concours des communes va être fixé par la
loi actuelle.
Remarquez aussi que l’on suppose en ce moment qu’il s’agit d’un canal à
petite dimension, qui ne doit coûter que 3,200,000 francs
; et je dirai avec le rapporteur de votre section centrale : la part que le
gouvernement s’est réservée dans la dépense forme une charge assez notable
imposée à tout le pays.
Les annuités à payer par les propriétés intéressées établiraient une
charge fort lourde sans doute, s’il s’agissait de rétablir sur les populations
de diverses communes, mais ce n’est point ici un intérêt personnel ; c’est une
charge territoriale ; c’est en raison des terrains qu’elles possèdent,
c’est-à-dire, en raison de leur richesses que les communes seront appelées à
contribuer. La faculté qui leur est accordée par l’article 6, et sur laquelle
nous aurons à nous expliquer plus amplement, leur permettra de se libérer, en
cédant une partie, proportionnellement assez faible, de ces bruyères, dont les
parties conservées vont acquérir une nouvelle valeur et qu’il serait de
l’intérêt des communes aussi bien que du pays en général, de voir passer à
l’exploitation particulière.
Mais il n’en sera pas ainsi, lorsque vous aurez achevé la première
section, on viendra vous demander un canal à grande dimension. Je pense qu’il y
aura lieu de l’accorder : ce canal est évalué à 7,400,000
francs. L’Etat sera chargé des frais et le concours des communes restera fixé
ainsi que vous allez l’établir.
Qu’arriverait-il, messieurs, si les devis estimatifs pour ce canal
ressemblaient à ceux du chemin de fer, ce ne serait plus 7,400,000,
mais bien 15 millions au moins.
Et qu’on ne cite point ici la commune de Bocholt, qui, dit-on, devra
céder le quart de ses bruyères, car si les trois quarts lui restant, valent le
double et même le triple de la totalité, ce sera là un résultat fort avantageux
pour cette commune.
Qu’on ne vienne point aussi parler d’impôt personnel, il ne s’en agit
pas ; c’est un impôt territorial, Vous ne payerez dès lors qu’autant que votre
position sera considérablement améliorée.
D’après ces considérations, je voterai le rejet
des amendements présentés, et j’admettrai le projet du gouvernement, et je
crois que le pays fera par là une grande faveur à la Campine, faveur que je
reconnais lui être due, et faite même dans l’intérêt de l’Etat.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - La question de principe relative au concours
des propriétés intéressées a été résolue par la loi du
29 septembre dernier. Il ne s’agit donc plus aujourd’hui de cette question.
Mais ce concours des propriétés intéressées doit-il être plus ou moins modéré ?
Voilà une question que nous pouvons certainement discuter actuellement. Il ne
me sera pas difficile de prouver qu’à cet égard le projet présenté par le
gouvernement est réellement conçu dans les bornes de la modération, et je
reconnais que cette modération était due à un pays aussi peu riche que celui
connu sous le nom de Campine. On a dit que le projet de loi allait, en ce qui
concerne le concours des propriétés intéressées, plus loin que la loi relative
au canal de Zelzaete.
On a dit que c’était la première fois qu’on faisait concourir les
propriétés intéressées à des travaux d’utilité publique. Je dois faire
remarquer que cela n’est pas exact, que ce concours a déjà eu lieu pour le
canal de Zelzaete ; et il y a une très grande différence, en ce qui touche le
canal de Zelzaete. En effet, il s’agissait là non pas d’une amélioration de
valeur à donner aux terres avoisinantes comme pour le canal de la Campine, mais
d’une restitution de valeur, et cette perte de valeur avait été la suite
d’événements politiques. Par conséquent, cette restitution était due.
L’honorable M. Huveners a présenté un amendement pour réduire à la
moitié le concours des propriétés cultivées, parce que, selon lui, les
propriétés intéressées en état de culture ne reçoivent pas une augmentation de
valeur aussi forte que les bruyères. Mais je lis dans le discours que
l’honorable membre a prononcé en présentant ces amendements :
« Ce n’est pas tout, le bassin du Zwyn
(composé de terres dont il s’agit, par le canal de Zelzaete, d’évacuer les
eaux), est composé de terres de première qualité, de terres en plein rapport ;
elles peuvent donc facilement supporter la charge qui leur est imposée. »
Donc des terres cultivées, des terres en plein rapport, peuvent, selon
l’honorable membre, plus facilement supporter toutes les charges et par
conséquent le concours.
Je n’entrerai pas maintenant dans de grands développements pour
justifier les détails du projet de loi. Mais il est cependant certaines
considérations que je crois devoir faire connaître dès à présent, afin de ne
pas être taxé d’agir par surprise, lorsque nous arriverons à l’article relatif
au concours.
J’ai reçu, ce matin même, une lettre de réclamation contre l’élévation
du concours de la part d’un grand propriétaire de terres situées dans la
Campine, et appelé à concourir à l’exécution du canal. Je vois dans cette
lettre que ce propriétaire possède dans l’étendue des zones qui doivent
concourir à l’exécution du canal projeté dans la Campine, 618 hectares de
bruyères qui lui ont coûté en tout 32,000 fr., soit environ 50 fr. par hectare.
Ce propriétaire, messieurs, ajoute dans sa lettre de réclamation que la
contribution, telle qu’elle résulterait du projet de loi présenté par le
gouvernement, porterait le capital, représenté par les annuités qu’il aurait à
payer, à la somme de 18,540 francs, ce qui porte sa contribution, par hectare,
en capital, à 30 fr.
Or, messieurs, la première zone, celle qui est obligée à la plus forte
annuité, paie, d’après le projet présenté par le gouvernement, une somme qui
représente un capital, par hectare, de 35 fr. Ainsi, vous voyez que les 618
hectares de ce propriétaire réclamant se trouvent presque tous dans la première
zone, et vous pouvez voir à l’art. 6 du projet de loi, que les propriétaires
intéressés peuvent racheter leurs annuités en payant au gouvernement 100 fr. de
capital pour 7 fr. 10 d’annuités et qu’en cas de rachat ils peuvent se libérer
en cédant au gouvernement leurs propriétés à des prix qui sont stipulés dans le
même art. 6. Et quel est le prix pour la première zone ? 130 fr. par hectare.
Le réclamant peut donc se libérer du concours qui lui est demandé, en cédant au
gouvernement une partie des bruyères qu’il possède, pour la somme de 130 fr.
l’hectare. Il annonce lui-même que chaque hectare lui a coûté environ 50 fr, ; ainsi, en payant de cette manière ses annuités, il
profitera encore 80 fr. par hectare sur ceux avec lesquels il se libérera de
son concours.
Vous voyez donc, messieurs, que le projet, tel que le gouvernement vous
l’a présenté, est très modéré en ce qui concerne les propriétés intéressées.
Il y a une autre considération qui doit faire maintenir ce concours au
taux proposé par le gouvernement, et ici je réponds en même temps à une
interpellation de l’honorable M. de Nef. L’honorable M. de
Nef m’a demandé si l’intention du gouvernement était de ne pas se borner à
l’exécution de la première section du canal et de venir ensuite proposer
l’exécution complète du système de canalisation dans la Campine. Oui,
messieurs, il est de l’intérêt général du pays comme de la Campine que le
système de canalisation soit complété, et pour cela il faut nécessairement que
le concours des propriétés intéressées à la construction de la première section
ne soit pas rendu par trop illusoire ; car alors il serait impossible d’arriver
à une exécution complète du système de canalisation. C’est pourquoi le
gouvernement, aussi longtemps que l’on ne donnera pas de meilleurs motifs en
faveur d’une réduction que ceux donnés jusqu’à présent, est obligé de maintenir
les chiffres du concours tels qu’il les a proposés dans le projet de loi qu’il
a présenté.
M. Dubus (aîné). - Messieurs,
les propositions du gouvernement et celles de la section centrale, en ce qui
concerne le concours des propriétés à la dépense de la canalisation de la
Campine, sont l’objet des critiques les plus amères dans la séance de ce jour.
Comme on vous l’a déjà fait remarquer, ces plaintes sont, en quelque sorte,
posthumes, et on doit s’étonner qu’elles se produisent dans la séance actuelle,
alors que rien n’a été dit de semblable, quand il était question de voter la
canalisation de la Campine.
Par qui cette canalisation a-telle été réclamée lorsque la chambre a été
saisie de l’examen du projet de l’emprunt ? La proposition de son exécution a
pris naissance notamment dans deux sections de la chambre où la Campine était
fortement représentée. J’étais membre de l’une de ces sections. Eh bien, que
demandaient ceux qui voulaient qu’une partie de l’emprunt fût applicable à la
canalisation de la Campine ? Ils demandaient cette application à la condition,
disaient-ils eux-mêmes, du concours des communes et des propriétés intéressées.
C’étaient eux-mêmes qui demandaient ce concours ; et aujourd’hui on se plaint
que la législature ait commis l’iniquité envers ce pauvre pays, de proposer
pour la première fois ce principe contre lequel on s’élève de toutes ses
forces.
Mais, messieurs, il faut renvoyer l’iniquité à ses auteurs. Or, ce sont
précisément les honorables membres qui représentent la Campine qui ont demandé
le concours des communes et des propriétés intéressées.
M. Peeters. - Je demande
la parole.
M. Dubus (aîné). - Mais,
disent-ils, nous n’avions pas l’espoir d’obtenir la canalisation à d’autres
conditions. Dans ce cas vos discours sont tout au moins inutiles ; et lorsque
c’est vous-mêmes qui avez fait la proposition, je crois que vous n’avez aucun
reproche à adresser à la chambre.
Messieurs, en définitive, où serait l’injustice ? On va ouvrir aux frais
de l’Etat une voie de canalisation, dont l’effet immédiat sera d’augmenter dans
une proportion énorme la valeur des propriétés immobilières les plus
rapprochées de cette voie de communication ; tout le monde est d’accord
là-dessus. Et lorsqu’on ouvre la loi de 1807, à laquelle l’une des sections
dont j’ai parlé tout à l’heure proposait de recourir, on y voit que dans ce cas
les propriétaires intéressés peuvent être tenus de payer une indemnité égale à
la moitié des avantages qu’ils acquièrent par la construction de l’ouvrage dont
il s’agit.
Est-on arrivé, messieurs, dans les propositions qui vous sont soumises,
à cette moitié des avantages que vont recueillir les propriétaires intéressés ?
Mais on en est très éloigné.
Quelle était la valeur moyenne des bruyères avant qu’il fût question du
projet de canalisation de la Campine depuis la révolution ? C’était environ 25
fr. Et une fois la canalisation décrétée, quelle était cette valeur moyenne ?
Mais, messieurs, je recourrai aux calculs de l’ingénieur Kummer, calculs qui
datent de 1840, et où il estime la valeur moyenne des bruyères qu’il faudra
exproprier à cent francs ; il me paraît que la différence est grande de 25
francs à 100 fr.
Mais il y a plus ; le gouvernement pour la première zone propose
immédiatement, de racheter à 130 fr. ces mêmes bruyères qui ne valaient que 25
fr. avant qu’il fût question de la canalisation, et nous lisons partout que la
circonstance seule que des études étaient faites, qui donnaient l’espoir que
cette canalisation aurait lieu, a fait immédiatement hausser le prix de 25 à 50
fr. Si l’espoir seul de voir ce projet s’exécuter, a fait doubler le prix,
quelle sera la conséquence de la loi qui ordonnera que l’ouvrage s’exécute ? Il
est évident, messieurs, qu’il y aura une augmentation de prix très notable, et
l’indemnité que propose le gouvernement, j’en suis convaincu, bien loin
d’atteindre la moitié de l’augmentation de valeur, qui sera le résultat
immédiat de la mesure, ne va pas au tiers de cette augmentation immédiate. Et
lorsque je dis cela, je suis excessivement modéré car un honorable membre, qui
a parlé dans le sens que je combats, vous a dit que les propriétés seront même
décuplées.
M. Peeters. - Quelques
propriétés,
M. Dubus (aîné). - Quelques propriétés
! Mais quand celles qui ne seront pas décuplées, ne seraient que quintuplées !
On a dit qu’elles seraient décuplées pour en venir à prétendre que le
gouvernement récupérerait ses avances au moyen de l’augmentation des produits
de l’enregistrement, des produits de successions et autres. Or, messieurs, pour
qu’une augmentation des droits d’enregistrement et autres soit telle qu’elle
fasse rentrer le gouvernement dans ses avances, il faut supposer un
accroissement bien étonnant de la valeur de ces propriétés.
Ainsi, messieurs, la proposition du gouvernement est réellement très
modérée. Elle est beaucoup au-dessous de ce qu’elle aurait pu être d’après la
disposition de la loi de 1807.
Mais, dit-on, c’est la première fois que l’on pose ce principe, et à
cette occasion, on a cité l’exemple du chemin de fer qui a été fait aux frais
de l’Etat sans le concours des propriétés qu’il traverse. Messieurs, il a été
répondu, et personne n’a rencontré cette réponse, que le chemin de fer n’a
aucunement augmenté la valeur des propriétés qu’il traverse. Le chemin de fer
peut avoir amené une augmentation de valeur dans certaines localités aux
stations. Mais on peut dire que l’augmentation de la valeur des propriétés
résultant de la construction du chemin de fer est véritablement une exception.
La grande masse, la presque totalité des propriétés que le chemin de fer
traverse n’ont reçu aucune augmentation de valeur par la construction. Au
contraire, plusieurs ont reçu une diminution de valeur à cause de l’entrave
qu’il a apportée dans les communications. Il y a des fermes qui ont été
partagées de la manière la plus défavorable pour les propriétaires ; il y a un
grand nombre d’exploitations qui ont été divisées d’une manière véritablement
dommageable. Il n’est donc pas étonnant que l’idée ne soit venue à personne de
faire contribuer à la dépense du chemin de fer les propriétés qu’il traverse.
Mais ici il s’agit de propriétés qui recevront une augmentation immédiate
de valeur ; tellement immédiate que le seul espoir, je le répète, de voir
exécuter la canalisation, a déjà doublé la valeur des bruyères.
« Que les bruyères, paient, dit-on, l’indemnité à raison de
l’augmentation, soit ; mais il y a au moins injustice à faire payer les terres
cultivées. » Les terres cultivées, messieurs, recevront aussi une
augmentation de valeur, et à cet égard je vous ferai remarquer que dans les
calculs de l’ingénieur Kummer, les terres cultivées à emprendre
pour le canal sont estimées en moyenne à 1800 fr. par hectare, ce qui est
certainement beaucoup plus que le prix moyen de ces terres ayant qu’il ne fût
question du canal, car alors les terres cultivées valaient tout au plus 1,000
fr. en moyenne. Vous voyez donc, messieurs, que ces terres recevront une
augmentation de valeur considérable ; cette augmentation ne sera pas sans doute
proportionnellement aussi forte que celle que recevront les bruyères,
c’est-à-dire, que leur valeur ne sera pas doublée, triplée, quadruplée ; mais
si cela était, il n’aurait pas fallu les mettre sur la même ligne que les
bruyères, il aurait fallu exiger d’elles une indemnité infiniment plus
considérable, car remarquez bien que la loi de 1807 ne prend pas pour base
l’augmentation proportionnelle de la valeur, mais qu’elle demande un calcul
reposant sur l’augmentation absolue, qu’elle exige le paiement d’un tantième de
l’augmentation de valeur reçue pour l’immeuble. Dès lors, comme on nous l’a
fort bien dit, si les propriétés devaient, par exemple acquérir une
augmentation de 200 francs par hectare, ce serait à la rigueur, d’après la loi
de 1807, 100 francs qu’elles devraient payer, tandis que maintenant, pour une
augmentation de valeur qui s’élèvera, comme je l’ai fait remarquer tout à
l’heure, à 800 francs, les terres cultivées ne paieront qu’une somme qui
variera (erratum au Moniteur belge n°18, du 18 janvier 1843 :) de 7 à 35
francs.
Vous voyez donc messieurs, que les terres cultivées sont traitées plus
favorablement que les bruyères.
On a appelé particulièrement votre attention sur la commune de Bocholt,
qui a, dit-on, 172 hectares, et qui, pour se libérer de l’indemnité, devra
abandonner 40 hectares, Mais, messieurs, si les 130 hectares qui lui restent
acquièrent une valeur double ou triple de celle qu’il avaient auparavant,
n’est-il pas évident que, loin de subir une perte, la commune de Bocholt
éprouvera un grand avantage ; qu’elle gagnera ainsi beaucoup plus que la valeur
de ces 40 hectares, lesquels, s’il ne s’était pas agi de la canalisation de la
Campine, n’aurait jamais valu plus de 25 à 30 fr.
Messieurs, la loi que vous avez votée n’a pas
seulement décidé le concours des propriétés intéressées, elle a décidé encore
une autre question, elle a décidé que le canal serait construit à petites
dimensions. Un honorable membre a dit tout à l’heure que c’est à grande
dimension qu’il est nécessaire de construire le canal et que la dépense
s’élèvera à 7,200,000 fr. Je crois, messieurs, qu’il
est question d’exécuter la loi telle qu’elle a été votée, et que ce n’est pas
une dépense de 7,200,000 fr. que nous avons votée sans
nous en douter. Je demanderai à cet égard une explication à M. le ministre des
travaux publics. Je désirerais savoir si réellement s’il y a été question
depuis d’exécuter à grande dimension le canal de la Campine qui a été voté pour
être fait à petite dimension par la loi du mois de septembre dernier. La
différence serait de plusieurs millions et je crois que cela mérite l’attention
de la législature.
M. Peeters. - M. le
ministre vient de dire que le projet de concours est conçu avec modération ; je
ne suis pas de son avis, je crois que, quand on force les propriétaires à
contribuer pour un quart dans toutes les dépenses du canal, ce n’est pas là de
la modération. M. le ministre dit aussi que, pour le canal de Zelzaete, les
propriétaires ont également payé un quart, mais je trouve qu’il une grande
différence entre le canal de Zelzaete et le canal de la Campine : le canal de
Zelzaete n’est qu’un ruisseau d’écoulement exclusivement destiné à débarrasser
les Flandres de leurs eaux ; il ne s’agit donc là que d’un intérêt purement
local, tandis que la canalisation de la Campine est en même temps un objet
d’intérêt général, c’est-à-dire que plusieurs autres provinces en profiteraient
également. M. le ministre dit que la construction du canal de Zelzaete est en
quelque sorte un acte de restitution. J’aurais pu concevoir un pareil
raisonnement avant la conclusion du traité avec la Hollande ; mais nous sommes
à la veille de discuter un traité de paix définitif avec ce pays, traité qui
nous coûtera assez chez. Si donc la construction du canal de Zelzaete n’est
qu’un acte de restitution, comme vient de le dire M. le ministre, je crois
qu’on pourrait l’abandonner en ce moment, car toutes les entraves que la
Hollande aurait pu mettre à l’écoulement de nos eaux, devront cesser après
l’adoption du traité définitif. Je pense, moi, que le canal de Zelzaete est une
véritable amélioration ; je ne suis pas contraire à cette amélioration, car je
pense que l’argent employé à des travaux publics est de l’argent bien employé,
mais il ne faut pas que, sous le rapport du concours des propriétaires, l’on
vienne présenter le canal de Zelzaete et le canal de la Campine comme des
choses analogues.
L’on a dit également qu’il y a une grande différence entre les canaux et
le chemin de fer ; je regrette, messieurs, qu’on n’ait pas invoqué la loi de
1807, lorsqu’on a décrété la construction du chemin de fer. Cette loi ne parle
pas justement des propriétés riveraines, mais elle veut atteindre la plus-value
des propriétés favorisées par les travaux publics à construire. C’est ainsi
qu’on aurait pu atteindre certaines propriétés centuplées de valeur, et les
villes et les industries les plus favorisées qui auraient dû contribuer, et
comme l’a fort bien dit un honorable préopinant, le pays a déjà fait de grands
sacrifices en faveur des villes et de certains industries en construisant
entièrement à ses frais les grandes lignes du chemin de fer. La Campine qui n’a
pas de chemin de fer, mais qui reçoit maintenant en compensation un canal,
devrait bien aussi recevoir ce canal, non pas gratuitement, mais au moyen d’un
concours modéré de la part des propriétés intéressées. On a voté deux millions
pour le Luxembourg, et je ne me souviens pas que là on ait exigé un concours
quelconque des propriétaires intéressés.
Dans un précédent discours, messieurs, j’ai dit que, d’après les
renseignements de M. le ministre, il y aurait des propriétés qui décupleraient
de valeur, mais j’ai tiré de là la conclusion que, pour une localité, les
droits de mutation, d’enregistrement, etc. décupleraient également. Une chose
qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que, par suite des impôts de toute
espèce qui pèsent sur la propriété foncière, droits de succession, mutation et
autres contributions, l’Etat, au bout de quelques années, reçoit le montant de
la totalité de la valeur de cette propriété, C’est donc l’Etat qui profitera
réellement de la canalisation de la Campine ; il en retirera des avantages
beaucoup plus considérables qu’il ne le croit lui-même.
L’honorable M. Dubus (aîné) vient de nous reprocher de nous opposer au
concours des propriétaires ; mais, messieurs, nous ne repoussons pas ce
concours, nous en discutons seulement la quotité. Je demanderai à cet honorable
membre si la province de Hainaut, par exemple, a bien contribué pour un quart
dans la dépense du canal de Mons à Condé dont elle veut continuer à toucher le
revenu.
M. Dubus (aîné). - Elle a payé
la totalité de la dépense.
M. Peeters. - La
discussion qui a eu lieu, il y quelques jours, et dont les députés du Hainaut
se sont tout alarmés, a prouvé le contraire. Quant aux habitants de la Campine,
plus raisonnables, ils ne demandent pas, eux, à retirer un revenu quelconque du
canal à construire, et cependant la province d’Anvers a déjà dépensé un million
pour une partie de cette compensation.
Je pense aussi, avec l’honorable M. Huveners, qu’il y a une grande
différence entre les propriétés cultivées qui ne gagneront rien à ce canal,
celles, par exemple, qui se trouvent à proximité d’un bon chemin de
communication qui ne conduit vers le canal qu’en faisant un grand détour qui
leur enlève toute l’économie.
Quoi qu’il en soit, malgré tout ce que la province d’Anvers a déjà fait,
malgré tout le droit que nous aurions à ne pas contribuer, je veux bien
consentir à une contribution ; mais, comme l’a très bien dit M. le ministre,
afin d’obtenir plus promptement un système complet de canalisation pour la
Campine, chose qui sera extrêmement utile au pays et qui rapportera au
gouvernement plus de 15 pour cent par an, des sommes qu’il y aura dépensées,
par suite de l’augmentation des contributions de toute espèce.
Je voterai donc en faveur d’un subside à payer par les propriétaires
mais je voudrais qu’on pût réduire de moitié le chiffre de ce subside, tout en
doublant d’un autre côté le nombre des années pendant lesquelles il devra être
payé, c’est-à-dire que je proposerai de porter l’annuité de 25 à 50 ans. Alors
au moins une partie de la charge pèserait sur ceux qui jouiront le plus des
avantages de l’entreprise.
Je me propose de vous présenter un amendement
dans ce sens.
M. de La Coste. - Messieurs,
le canal de la Campine est à mes yeux une grande et noble entreprise. Je vois
avec plaisir que le gouvernement a fixé son attention sur une province où tout
est à créer et qu’il ne l’a pas concentrée uniquement sur les localités que de
nombreuses voies de communication ont déjà enrichies, et qui trouvent dans
leurs richesses même de nouveaux motifs d’en obtenir d’autres.
Néanmoins, messieurs, nous ne devons pas nous dissimuler que la
destination et l’utilité du canal de la Campine, ne sont plus absolument les
mêmes qu’au temps de l’infante Claire-Eugénie, qu’au temps de la conception du
canal du Nord, qu’au temps même où l’administration provinciale d’Anvers, en
1828 et 1829, a repris cette idée, j’ose le dire, avec assez de zèle.
Aujourd’hui, sans refuser au canal de la Campine toute utilité, quant au
commerce en général, je crois cependant que son utilité principale sera
agricole et locale. Nous ne devons point nous soucier ici de faire à grands
frais une concurrence au chemin de fer dont la construction nous a coûté des
capitaux considérables. Eh, bien, messieurs, si le canal de la Campine a
principalement une utilité agricole et locale, je ne pense pas qu’il y ait
d’injustice à faire concourir la propriété ; je crois que la comparaison qu’on
a faite à cet égard avec ce qui s’est passé pour le chemin de fer n’est pas
exacte, et qu’il faut plutôt prendre pour terme de comparaison les routes
intérieures à la construction desquelles les propriétés ont contribué par des
centimes additionnels imposés soit par les provinces, soit par les villes. Ici
nous nous adressons directement à la propriété, comme pour le canal de
Zelzaete.
A ce sujet, je dois cependant témoigner un regret. C’est un des
principes fondamentaux des libertés qui nous sont parvenues, que nul ne soit
imposé que de son consentement. C’est la base de toutes les libertés publiques
; c’est de là qu’elles ont pris leur essor au moyen âge. Ainsi, il y aurait
quelques chose d’irrégulier à taxer directement la
propriété.
L’honorable M. de Theux, dans une séance précédente, a émis l’opinion,
qu’on pourrait donner plus d’élan aux constructions de route, en y faisant
concourir les propriétés dans une certaine proportion. Si l’on venait à
s’occuper d’organiser le concours de la propriété, je voudrais qu’on organisât
aussi le consentement de la propriété. Ce ne serait pas là une institution
politique, ce serait une institution purement civile, une sorte de syndicat à
établir.
Néanmoins l’intérêt de la propriété est tellement évident dans cette
circonstance que je ne m’arrêterai pas ce scrupule constitutionnel. D’ailleurs
il s’agit, comme on l’a déjà dit plusieurs fois, de la réalisation d’un
principe décrété par la loi.
Je crois qu’il est de l’intérêt de l’entreprise de ne pas trop
marchander sur ce concours ; car eu égard aux difficultés constantes que nous
éprouvons pour subvenir aux moyens de réaliser les grands travaux que nous
entreprenons, il est fort à craindre qu’à certaines époques ces entreprises ne
soient arrêtées par le défaut de moyen.
Le but principal qui m’a engagé à faire ces observations, c’est,
messieurs, de vous soumettre une idée qu’on m’a communiquée, et dont je
n’assure pas la responsabilité : j’avoue mon insuffisance pour traiter ces
questions. Je prie M. le ministre des travaux publics et M. le rapporteur de
vouloir bien, dans le cours de la discussion, faire connaître leurs motifs
d’opposition pour le cas où ils ne seraient pas favorables à cette idée.
On m’a fait observer qu’il n’y avait aucun motif pour arrêter le
concours de la propriété dans la distance d’une lieue ; que les propriétés qui
sont plus éloignées du canal sont destinées à en recueillir aussi les
avantages, dans une moindre proportion, il est vrai. Les propriétés situées à
deux lieues de profondeur seraient assujetties au concours ; les deux lieues
seraient divisées en 10 zones : la 1ère zone paierait 1 fr. ; la 2ème, 85 c. ; la 3ème, 80 c. ; la 4ème, 70 c. ; la 5ème, 60 c. ; la
6ème, 50 c. ; la 7ème, 40 c. ; la 8ème, 20 c. ; la 9ème 15 c. et la
10ème, 10 c.
Cette, proposition me paraît mériter au moins l’attention de M. le
ministre et de M. le rapporteur. J’attendrai leurs observations à cet égard.
Toutefois, je ne suis pas assez éclairé pour présenter un amendement.
M. le président. - Personne ne
demandant plus la parole, la discussion générale est close. Nous allons passer
aux articles.
Des membres. - A demain ! à demain !
M. le président. - Demain la
chambre a à l’ordre du jour la fin de la discussion des articles du budget des
travaux publics.
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) - Comme la discussion du projet de loi relatif
au canal de la Campine est commencée, je propose à la chambre de la continuer
dans la séance de demain.
- Cette proposition est adoptée.
La séance est levée à 4 heures et demie.