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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 20 décembre 1842

(Moniteur belge n°355, du 21 décembre 1842)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure et quart.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur A.-E.-H. Aernouts, sous-lieutenant au 6ème régiment de ligne, né à Cassel (France), demande la naturalisation ordinaire. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le sieur F.-M. Hym, trompette-major au premier régiment de cuirassiers à Ypres, né à Freiberg (Saxe), demande la naturalisation. »

- Même disposition.


« Le sieur Jacques Dur, teinturier à Arlon, né à Coblence, demande la naturalisation.»

- Même disposition.


« Les membres du tribunal de première instance de Namur demandent que ce tribunal soit rangé dans la première classe des tribunaux. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur l’ordre judiciaire.


« Plusieurs habitants de Verviers demandent que des mesures soient prises pour empêcher l’introduction en Belgique d’habillements confectionnés en Angleterre. »

M. Lys. - Le grand nombre de signatures qui sont apposées sur cette pétition vous prouve qu’il s’agit d’une masse d’intérêts compromis.

Si des mesures ne sont prises promptement, la vente du printemps pour nos tissus de laine est encore une fois perdue, et par suite toute l’année prochaine.

Je demande le double renvoi de cette pétition à la section centrale qui sera chargée de l’examen du projet de loi sur les droits d’entrée et à la commission d’industrie.

- Ce double renvoi est ordonné.


« Le sieur Druart, relayeur de la diligence Van Gend et compagnie, réclame l’intervention de la chambre pour obtenir le dégrèvement de 9/12 de sa contribution personnelle et de sa patente, attendu que son service de relais de diligence se trouve supprimé par l’établissement des chemins de fer. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Des entrepreneurs de transports et expéditeurs à Gand demandent que l’exploitation du camionnage des marchandises transportées par le chemin de fer fasse l’objet d’une adjudication publique. »

- Même disposition.


« Les bourgmestre et échevins de la ville d’Anvers réclament contre l’interprétation donnée par le département de l’intérieur au dernier paragraphe de l’art. 56 de la loi du 8 janvier 1817, concernant l’inscription, pour la milice nationale, des enfants alimentés et de ceux qui se trouvent dans les établissements de bienfaisance. »


M. Delehaye. - Parmi les pétitions dont on vient de faire l’analyse, il en est une qui concerne le chemin de fer et qui pourra être utilement consultée quand il s’agira de la discussion du budget des travaux publics. M. le président a annoncé que cette pétition était renvoyée à la commission des pétitions. Je demanderai que cette commission soit invitée à faire son rapport avant la discussion du budget des travaux publics.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi cédant le palais de justice de Mons à la province du Hainaut

Rapport de la commission

M. Lange. - Je suis chargé par votre commission de vous présenter le rapport sur le projet de loi ayant pour objet d’autoriser le gouvernement à céder gratuitement à la province de Hainaut le palais de justice de Mons et les terrains qui en dépendent

Je proposerai de mettre ce rapport à l’ordre du jour après les objets qui y sont déjà.

- Ce rapport sera imprimé, distribué et mis à l’ordre du jour après les objets qui s’y trouvent placés.

Projet de loi qui fixe le contingent de l'armée pour 1843

Rapport de la section centrale

M. Brabant. - J’ai l’honneur de présenter à la chambre, au nom de la section centrale du budget de la guerre, des conclusions tendant à l’adoption du projet fixant le contingent de l’armée pour 1843. Ce projet, qui a été présenté le 29 novembre, est en tout semblable, dispositif et exposé de motifs, à celui adopté pour 1841 et 1842. Comme cet objet est urgent, je prierai la chambre de le mettre à l’ordre du jour immédiatement après le budget de l’intérieur.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1843

Discussion du tableau des crédits

Chapitre X. Agriculture

Discussion générale

M. le président. - Nous en étions restés au chapitre X ; les articles 1er et 3 du projet de budget ont été votés et une discussion générale s’est établie sur les autres articles dont M. le ministre a demandé la réunion en un seul.

Sur l’article 3 nouveau, correspondant aux articles 2, 4, 5 et 6 du projet de budget, M. d’Hoffschmidt a présenté un amendement qui se rapporte à l’article 6 ; il est relatif à la culture de la garance et conçu comme suit :

« Je propose de réduire à 10,000 francs l’allocation portée pour encouragement de la culture de la garance, litt. B. de l’art. 6. »

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, M. le ministre de l’intérieur demande 20 mille fr. pour encouragement à la culture de la garance. Déjà, dans la séance d’hier, j’ai combattu cette allocation. Depuis lors, je me suis livré à quelques recherches dans nos précédents budgets et les rapports auxquels ils ont donné lieu, et j’ai acquis l’intime conviction qu’il n’est pas un seul chiffre dans tous les budgets des dépenses qui soit aussi susceptible de réduction que celui dont il s’agit.

Depuis environ huit à neuf ans, il est porté chaque année, au budget de l’intérieur, une somme pour la culture de la garance. Si on additionnait ces différentes sommes, je suis persuadé qu’on arriverait à près d’un total de 200 mille fr. C’est la, messieurs, un sacrifice considérable. Ce sacrifice a-t-il amené des résultats satisfaisants ? Je crois, à cet égard, que tout le monde est d’accord, que ces résultats n’ont pas répondu à ce qu’on s’était promis. La section centrale, ainsi que je l’ai déjà fait observer hier, a, dans son rapport de l’année dernière, manifesté ses craintes sur l’avenir de la culture dont il s’agit. Cette année encore elle revient à la charge, et malgré les explications données par le gouvernement, voici comment elle s’est exprimée :

« Ces explications du gouvernement ne sont pas de nature à donner aux membres de la section centrale la conviction que la culture de la garance a de l’avenir dans notre pays, où les terres peuvent au moins être aussi bien appliquées à des productions plus indispensables. Cependant, pour ne pas nuire aux intérêts des cultivateurs qui, dans la perspective d’obtenir des primes, ont planté cette racine, la section centrale adopte l’allocation. »

Ce dont on peut s’étonner, c’est qu’avec cette opinion, quant à l’avenir de la culture de la garance dans notre pays, elle n’ait pas proposé ou de supprimer l’allocation ou du moins de la réduire ; car ce qu’elle allègue pour justifier l’adoption du chiffre proposé, peut être allégué tous les ans, et dans tous les cas semblables. Il y aura toujours, en effet, certains intérêts engagés dans la question ; s’il ne faut pas supprimer le chiffre, parce que ces intérêts se trouveraient compromis, il faudrait dès lors, avec un pareil système, perpétuer indéfiniment l’allocation. D’un autre côté, un honorable membre de cette chambre me disait hier qu’on avait naguère fait une découverte en Angleterre, qui tendrait rendre inutile la garance. Je ne sais si ces renseignements sont exacts, mais s’il en était ainsi, ce serait un motif de plus pour abandonner cette culture.

M. le ministre de l’intérieur, dans les explications qu’il a fournies à la section centrale, convient que les résultats des encouragements donnés à cette culture, ne peuvent encore être sensibles ; il faut qu’un certain nombre d’années se soient écoulées, dit-il, pour qu’on puisse en juger. Mais, messieurs, voilà déjà neuf années qu’on s’occupe de ces encouragements ; s’il faut, après un laps de aussi considérable, attendre encore un nombre d’années que ne détermine pas, c’est là un signe certain que ces encouragements ont peu de chances de succès.

Tous les économistes sont en général contraires au système des primes ; cependant ils admettent comme utile et légitime la protection temporaire pour des industries dont le succès est assuré au bout d’un certain laps de temps, pour des industries qui rencontrent dans l’intérieur du pays des éléments de prospérité.

Or, messieurs, quand on a protégé une industrie naissante pendant un laps de temps déjà considérable, et qu’on s’aperçoit qu’on ne réussit pas à l’implanter définitivement sur le sol du pays, je crois qu’il est sage et prudent de ne pas continuer les encouragements.

Mais, messieurs, j’ai d’autres motifs encore pour vous proposer la réduction du chiffre qui se trouve porté au budget. L’allocation des années précédentes n’a jamais été entièrement dépensée, il s’en faut de beaucoup Voici, d’après un document fourni a la section centrale, les dépenses qui ont été faites les années précédentes en faveur de la garance :

En 1835, on a dépensé 2,616 fr. 17

En 1836, 3,853 fr. 93

En 1837, 1,180 fr. 16

En 1838, 245 fr. 27

En 1839, 7,165 fr. 86

En 1840, 4,000 fr. (environ)

En 1841, 3,165 fr. 86

En 1842, 7,103 fr. 67

Vous voyez donc, messieurs, que le chiffre de la dépense est resté chaque année infiniment au-dessous de l’allocation ; il me paraît dès lors inutile de voter une somme de 20,000 fr., qui bien certainement ne sera pas entièrement employée à l’encouragement que l’on a en vue.

Je suppose que, par suite des engagements pris par M. le ministre de l’intérieur, la somme de 10,000 fr., ce qui n’est pas à croire, ne soit pas suffisante ; eh bien ; nous avons voté, au budget des années précédentes, 30,000 fr., et l’on n’a dépensé tout au plus que le quart de cette somme. Il reste donc des fonds disponibles qui pourraient subvenir, le cas échéant, à l’insuffisance du crédit, tel que je propose de le fixer.

Ainsi, messieurs, la chambre, en adoptant cette réduction aura ménagé tous les intérêts.

Je crois donc, messieurs, que si nous ne voulons pas continuer à faire des économies seulement en parole, il y a lieu d’adopter celle que je propose en ce moment, économie faible à la vérité, mais qui ne nuira à personne.

Messieurs puisque j’ai la parole j’ajouterai quelques mots relativement à l’amendement proposé par M. le ministre de l’intérieur dans la séance d’hier.

Ainsi que vous l’a fort bien dit M. le rapporteur de la section centrale, le chapitre X ne comprenait autrefois qu’un crédit global ; mais la chambre a jugé convenable de diviser ce crédit. M. le ministre de l’intérieur avait d’abord adopté cette division ; mais, dans la séance d’hier, il a jugé à propos de changer d’avis et de réduire considérablement le nombre des articles. Il propose de diviser le chapitre X en 3 articles seulement.

Je n’ai aucune objection à faire quant aux deux premiers articles ; l’un est relatif au crédit pour l’école de médecine vétérinaire de l’Etat et pour le jury d’examen, l’autre au subside pour la société d’horticulture de Bruxelles. Mais, quant au troisième, je ne sais si réellement nous devons abandonner le système que nous avions adopté précédemment. En effet, il ne s’agit ni plus ni moins que de placer sous les termes assez élastiques de fonds d’agriculture, une somme de 393,000 francs complètement à la disposition de M. le ministre de l’intérieur.

Du reste, messieurs, je dirai qu’il ne faut pas voir dans la question qui nous occupe la confiance que peut inspirer le ministre qui est aux affaires ; car vous savez qu’une fois que le crédit global sera adopté, il restera longtemps au budget dans les termes d après lesquels on veut le formuler, et MM. les ministres à venir, comme le ministre actuel, en disposeront comme ils le jugeront convenable.

Eh bien, messieurs, il me semble que c’est quand il s’agit de subsides à accorder, que la chambre fait bien d’entrer dans quelques détails, parce qu’un ministre, en fait de subsides, peut s’abandonner facilement aux différentes spéculations qui peuvent lui être proposées. En accordant un crédit global, qui garantira, par exemple, à ceux qui sont adversaires de primes considérables à accorder pour les plantations de productions étrangères dans notre pays, plantations plus ou moins hasardeuses, que ces primes ne seront pas données ? Qui leur garantira qu’un ministre n’accordera pas 10,000 fr., au lieu de 4,000 fr., pour l’industrie sétifère, plus de 20,000 fr. pour la garance, ou pour d’autres productions de l’espèce ? Il n’y aura plus de garantie à cet égard.

Je croyais d’abord que l’on conserverait au moins les litteras ; il y a là une espèce de désignation qui peut guider le gouvernement ; la pensée de la chambre y est manifestée, et le ministre ordinairement ne cherche pas à s’en écarter. Mais ici il n’y a plus de littera, il s’agit d’un chiffre global unique.

Messieurs, dans tous les cas, il n’y a pas, en définitive, de grands inconvénients à la division par articles. Car, quand une allocation doit être nécessairement outrepassée, quand il y a de bons motifs pour le faire, on peut y suffire seulement en présentant une demande de transfert. Avec les litteras c’est beaucoup plus facile encore, puisque le ministre peut faire le transfert lui-même.

Il est à remarquer, messieurs, qu’il y a toujours eu une tendance de la part des ministres, quels qu’ils soient, à obtenir des crédits globaux, C’est une grande facilité pour eux. Par exemple, l’année dernière, au budget des travaux publics, M. le ministre avait proposé un article global pour le chemin de fer. Après une discussion plus ou moins longue dans la section centrale, cette section avait consenti à adopter le crédit global, mais sous la condition expresse que l’année suivante on reviendrait à la division en plusieurs articles ; cependant, vous avez pu remarquer que, dans le budget de 1843, on propose encore un crédit global.

Messieurs, si nous adoptons un pareil système, et s’il est exécuté dans toutes ses conséquences, on finira par ne vouloir qu’un seul article dans chaque budget. Je ne crois pas que la chambre consente à voir restreindre ainsi son droit d’investigation sur l’application des deniers de l’Etat.

M. Pirmez. - J’avais demandé la parole dans la séance d’hier. C’était pour savoir si, en demandant la réunion de plusieurs articles en un seul crédit général, ou entendait par là que le gouvernement serait autorise à protéger d’autres industries que celles mentionnées dans ces articles. (Dénégations de la part de M. le ministre de l’intérieur.)

Les explications qu’avait données l’honorable M. d’Hoffschmidt m’avaient fait penser qu’il en serait ainsi, et que l’on pourrait protéger d’autres industries que celles dont il est question dans les articles. Il paraît que l’honorable membre s’est trompé.

Nous avions lieu d’espérer que, par suite de la cession que nous avons faite de l’établissement d’Uccle, les vers à soie disparaîtraient entièrement du budget. (On rit.) Il paraît qu’ils y sont encore, pour 4000 fr. Si je combats cette allocation, ce n’est pas à cause de l’énormité de la somme. C’est à cause du mal qui en résulte, parce qu’une fois que cela figurera au budget, nous n’en resterons pas là. Si l’on maintient ce crédit de 4,000 fr. et que cette industrie vienne, je ne dirai pas à prospérer, parce que cela me paraît impossible, mais à grandir, on voudra que le crédit grandisse dans la même proportion. Je considère cela comme une véritable calamité. Nous demandons des débouchés, et nous voulons créer des industries qui ne peuvent prospérer chez nous. Il faut cependant que les autres pays aient quelques produits à nous donner en échange des produits de notre industrie.

En Angleterre, de simples particuliers obtiennent des résultats merveilleux. Mais nous voyons par ce qui se passe en France et en Belgique, que les gouvernements n’obtiennent aucun résultat, en protégeant les industries.

Je voterai pour l’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt, contre l’allocation de 4000 fr. pour les vers à soie. Il est bien entendu, d’après la dénégation de M. le ministre de l’intérieur, que l’on ne pourra protéger d’autres industries que celles qui sont portées dans le libellé des articles.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Les années précédentes vous réunissiez toutes les allocations en un seul article qui s’élevait alors à près de 500,000 fr. Cette somme ne pouvait recevoir d’autre destination, et ne reçoit de fait d’autre destination que celle indiquée dans les développements du budget. Si vous faites trois articles, chacun de ces articles recevra la destination qui leur est attribuée par les développements du budget. J’ai proposé de réunir quatre articles en un seul article pour former l’article 3. Fonds d’agriculture, 393,000 fr. ; cette allocation recevra les différentes destinations indiquées dans les développements du budget. Je l’ai dit formellement dans la séance d’hier. Voici, en effet, ce que je lis dans le Moniteur : « Cet article servirait aux différentes destinations indiquées aux développements du budget. » Voulez-vous que j’aille plus loin ? Je suppose que vous supprimiez les primes concernant les vers à soie. Le ministre pourrait-il les accorder, les prendre sur un des chiffres de ce chapitre ? Non ; il ne le pourrait plus.

Je vois que plusieurs orateurs sont inscrits. Je prendrai de nouveau la parole tout à l’heure. Je tenais à donner cette explication. Les craintes des deux honorables préopinants ne sont pas fondées. Si les 393,000 fr. étaient votés, ils ne pourraient avoir d’autre destination que celle indiquée aux développements du budget.

M. de Man d’Attenrode. - Il n’est pas de chiffre aussi susceptible de réduction que celui qui concerne la garance, nous a dit l’honorable M. d’Hoffschmidt. Je vous avoue, messieurs, que mon opinion sur les chances de succès de cette culture n’est pas faire, n’est pas assise ; avant de modifier le chiffre, d’adopter la réduction proposée, je voudrais des éclaircissements, je voudrais encore une année d’essai. Il me semble qu’il faut ou supprimer le chiffre, ou le maintenir ; le supprimer, je ne le pourrais, dans le doute où je me trouve. Je voterai donc encore cette année le chiffre proposé pour la garance.

Messieurs, l’honorable ministre de l’intérieur, par l’amendement qu’il a déposé hier sur le bureau, nous propose de partager le chapitre X en articles.

Le 1er se composerait de l’école vétérinaire et de son jury d’examen ;

Le 2ème du subside à la société d’horticulture de Bruxelles.

Et le 3ème des autres littera du chapitre en discussion, concernant l’agriculture ; car je ne pense pas que l’intention soit de supprimer les littera, les littera ne gênant pas les transferts ; ces littera sont ce que M. le ministre vient de désigner comme les développements du budget.

Je n’ai, quant à moi, aucune objection à faire à cette proposition avec le maintien des littera. Mon premier désir est de ne pas voir majorer les articles. Or, le trop grand fractionnement d’un chapitre en articles tend à les majorer, car si le ministre ne peut, par des transferts, profiter de l’excédant de certaines lettres pour couvrir les frais excédants les prévisions d’autres lettres, il est obligé de demander des crédits supplémentaires ; et, par suite d’enfler son budget pour l’année suivante ; nous venons d’en avoir la preuve : la proposition de fractionner le chapitre VI a été sur le point de valoir une augmentation de 5,000 francs. Je ne vois donc aucun avantage dans un excès de fractionnement en articles, on ne peut y être poussé que par une méfiance que je ne partage pas.

Jusqu’ici je suis d’accord avec M. le ministre, mais je ne pourrai continuer à l’être quant aux encouragements à l’industrie sétifère. Membre de la section centrale, j’ai voté contre cette allocation, et mon vote lui sera encore défavorable dans cette enceinte, car j’envisage cette dépense comme sans avenir, sans utilité. M. le ministre nous disait hier : Mais c’est condamner l’industrie sétifère ; il n’y a pas là condamnation, car je n’ai jamais pu prendre au sérieux l’implantation de cette industrie en Belgique. Pour condamner une chose, il faut qu’elle existe ; et quant aux efforts d’implantation, je les envisage comme inutiles.

Chaque pays est doté de quelques spécialités ; et cela est éminemment social, car ce partage des forces productives favorise les échanges, les relations internationales, la civilisation en un mot. Ce serait donc un très grand malheur, selon moi, que chaque nation pût tout produire, se suffire à elle-même, se passer de ses voisins. Ne disputons pas à la France, à l’Italie par des moyens impuissants un produit que le climat nous refuse ; faisons fleurir nos industries linières, drapières et bien d’autres ; nous en échangerons les produits avec les soieries françaises et autres ; je maintiens donc la suppression de l’allocation concernant l’industrie sétifère.

M. Desmet. - L’honorable M. d’Hoffschmidt conseille l’abandon de la culture de la garance. Il nous a dit qu’en Angleterre on était parvenu à se passer de la garance. Je ne sais si l’on y a réussi. C’est ainsi qu’en Angleterre on a cherché à remplacer le houblon par la chicorée, l’écorce de chêne par l’écorce de hêtre ; mais on n’y a pas réussi. Pour moi, je considère la garance comme une matière première qui est très nécessaire à nos fabriques. Nous avons trois espèces de garance aujourd’hui employées pour la teinture : la garance d’Avignon, celle de Zélande et celle de Hasselt et de Mariakerke, en un mot celle du pays. Il est vrai que la garance d’Avignon est meilleure que la nôtre. Je ne dirai pas que la garance de Zélande ne vaut pas la nôtre. Mais je dirai que nous pouvons faire de la garance aussi bonne que celle de Zélande. Vous savez qu’il y a un fabricant d’Hasselt qui fait d’excellente garance. Différents essais ont été faits pour en apprécier la qualité. Vous connaissez le rapport remarquable fait par M. Desmaisières, au nom de la commission d’industrie ; il prouve combien la culture de la garance est importante, combien la garance est nécessaire pour la teinture dans le pays.

Si notre garance n’est pas aussi bonne que celle d’Avignon, il est certain que pour certaines couleurs, on a besoin de la garance du pays. Aussi, je ne puis concevoir que l’on conteste que cette matière première soit intéressante pour la teinture ; l’honorable député du Luxembourg ignore peut-être que pendant notre réunion avec la France et lorsque l’entrée de ce produit était libre avec ce pays, on y expédiait notre garance, preuve que la qualité est autre que celle de la garance d’Avignon.

Je n’ai pas toujours été de l’opinion qu’il fallait protéger la production de la soie. Mais aujourd’hui qu’il y a tant d’établissements où l’on produit la soie, il me semble que l’on aurait tort, pour 4.000 francs, de ne pas continuer à protéger cette industrie. On a dit : nous ne pouvons, avec notre climat, produire de la soie comme dans les pays chauds. Cependant, il y a des pays du même climat que le nôtre qui produisent de la soie. Je citerai notamment la Prusse. Il est de fait que les Français font acheter cette soie. Je crois que, puisqu’il s’agit d’une somme si minime, on pourrait continuer de protéger cette industrie. Vous savez combien nos tissus de soie sont bien faits. Aujourd’hui à Liége et à Anvers on fait de très bons tissus ; depuis peu de temps on a établi à Alost une fabrique de velours et de pluche de soie ; ces tentatives y ont parfaitement réussi ; on y en fabrique de très belle qualité ; on fait déjà beaucoup mieux qu’en Allemagne et les prix n’en sont pas plus élevés. Il est indubitable que les tissus en soie qu’on fait déjà dans le pays sont très beaux et qu’on peut les livrer à des prix plus élevés. Je ne crois donc pas qu’il faille lésiner ici pour une somme de 4000 fr.

L’honorable M. Pirmez a fait l’observation suivante : Si vous voulez vous entendre avec nos voisins qui produisent de la soie, il ne faut pas en produire. Pour moi, je dirai qu’il faut produire ce que produisent nos voisins, afin d’être indépendant. Je ne persisterai pas dans cette opinion, si chaque pays voulait se borner à produite ce que comporte son sol. Mais lorsque nous voyons les autres pays vouloir produire de la toile comme nous, nous devons chercher à produire de la soie comme d’autres pays. Puisque nous sommes dans la discussion générale, je demanderai la permission de faire quelques observations sur l’objet en discussion. Je conçois ce qui porte M. le ministre de l’intérieur à demander la réunion de divers articles en un seul article ; c’est parce que, si les littera étaient séparés, il y aurait à certains littera insuffisance à pourvoir aux besoins réels. Ainsi une somme de 15,000 francs est insuffisante pour l’achat de bestiaux à l’étranger. On a vu que des provinces ont pris les devants sur le gouvernement ; et ont résolu d’améliorer la race bovine. Ceci est un objet important. Il faut que le gouvernement ait les fonds nécessaires pour satisfaire aux besoins sous ce rapport. Si l’on veut la division de l’article, il faudra augmenter le crédit demandé à ce titre.

On sait qu’une épizootie règne depuis longtemps dans le pays. Comment se fait-il que, pour 1841, on n’ait pas encore indemnisé les cultivateurs dont on a abattu les bestiaux à cause de l’épizootie.

Quand on subit des pertes dans l’intérêt général, il faut que l’on soit indemnisé ; il faut donc indemniser les cultivateurs qui abattent leurs animaux pour que la maladie ne se propage pas.

Messieurs, je crois qu’en permettant trop facilement l’entrée des animaux étrangers, on décime la race bovine dans le pays. Jetez un coup d’œil sur les sorties et les entrées des bestiaux, et vous verrez la progression qui se présente tous les ans, à tel point que maintenant les entrées sont plus fortes que les sorties d’un tiers.

Je puis dire, messieurs, qu’il en résulte qu’il n’y a pas un coin du pays qui ne soit atteint des maladies qui ruinent nos bestiaux, Ces maladies sont de deux espèces. Il en est d’abord une qui attaque les poumons et qui est mortelle. Quant à la seconde maladie, celle des aphtes, elle n’est pas aussi mortelle ; mais il n’est pas moins vrai qu’elle fait de grands ravages. Ainsi M. Claes de Lembeke m’a dit qu’il avait établi une infirmerie où il avait continuellement dix à 12 têtes de bétail.

Messieurs, nous avons un marché sur lequel il se vend toutes les semaines deux à trois cents têtes de bétail venant de l’étranger et surtout de la Hollande. Eh bien ! on a fait l’expérience que chaque fois qu’on achète des animaux sur ce marché et qu’on les met dans les écuries, on a des bêtes atteintes de la maladie des aphtes. Je voudrais que le gouvernement eût à ce marché des médecins-vétérinaires qui visiteraient les animaux étrangers. C’est ce qui se fait en Hollande. Tous les animaux qui entrent en Hollande doivent porter la marque de santé.

Messieurs, nos pères avaient grand soin d’extirper l’épizootie, et ils consacraient pour cela des fonds considérables. Mais quels moyens employaient-ils ? Ils faisaient un abattage général. Je regarde ce moyen comme le seul efficace. C’est pourquoi je désire, avec la section centrale, que les sommes que nous devons toucher de la Hollande soient encore consacrées à faire un fonds général pour extirper l’épizootie. Les fonds provinciaux ne sont pas suffisants pour cela, et ne sont pas bien employés. Il faut, comme le dit la section centrale, un fonds général, un fonds gouvernemental.

Messieurs, on vous a parlé hier de l’amélioration de la race chevaline. A cet égard, je dois dire que le gouvernement fait tout ce qu’il peut faire, on ne peut en douter en présence des sommes qu’il consacre à l’amélioration de cette race. Il est vrai que si, comme on l’a dit hier, le gouvernement pouvait faciliter la vente des chevaux provenant du croisement, ce serait un stimulant pour les éleveurs. Mais on ne peut pas dire que nos éleveurs ne peuvent se défaire de leurs produits. On voit au contraire que ces produits se vendent très bien sur nos marchés. Quand des produits d’un an se vendent 2 à 300 fr., je trouve qu’il n’y a pas lieu de se plaindre, et que c’est une preuve que la race est améliorée.

lci j’aurai une interpellation à faire à M. le ministre de l’intérieur. Depuis plusieurs années, dans la ville qui m’envoie ici, nous avions une station d’étalons ; on commençait à reconnaître l’utilité de croiser les races du pays avec des races étrangères. Mais, l’année dernière, nous n’avons plus eu de station ; je voudrais en savoir les motifs. Il est vrai qu’on pourra me répondre que le nombre d’étalons n’est pas suffisant. Mais alors je demanderai qu’on en achète davantage. Ainsi, au lieu d’employer 20 mille fr. pour les courses, on pourrait les utiliser à l’achat d’étalons, les joindre aux 77 mille fr. qui sont déjà dépensés dans ce but, et non les consacrer à des fêtes. Je sais que l’on peut dire qu’il est utile d’améliorer la race des chevaux de courses ; mais le plus grand besoin pour le pays, dans ce moment, c’est d’améliorer nos races de chevaux de carrosse et de cavalerie.

Je prie M. le ministre d’examiner s’il n’y a pas lieu de rétablir une station d’étalons à Alost.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je m’arrêterai sur quelques-uns des points qui ont été indiqués dans la séance d’hier et dans celle d’aujourd’hui. Je chercherai à être aussi court que possible.

Cet objet est de la plus haute importance ; il occupe une large part dans nos richesses nationales. D’après un relevé très curieux que j’ai fait faire, on peut admettre que les chevaux et le bétail entrent environ pour 300 millions dans l’actif du pays, à savoir :

Chevaux, 89,000,000

Bêtes à cornes, 184,000,000

Moutons, 11,000,000

Mulets, 600,000

Porcs, 12,600,000

Ensemble : 297,200,000

Le commerce d’exportation, déduction faite de l’importation pour les chevaux est aujourd’hui annuellement de trois millions cinq cent mille francs.

Celui de bétail, de deux millions environ ; ce dernier chiffre s’élevait, il y a quelques années, jusqu’à cinq et six millions.

On a supposé, messieurs, que rien n’a été fait par le gouvernement ni cette année ni les années précédentes, qu’aucun résultat n’a été obtenu. Pour mettre quelque méthode dans les détails que je vais soumettre à la chambre, je parlerai d’abord de la race chevaline, en second lieu, de la race bovine, en troisième lieu, de la race ovine et porcine et je terminerai par quelques considérations sur des encouragements divers.

En ce qui concerne la race chevaline, on a supposé que le gouvernement s’était presque exclusivement occupé de l’amélioration des chevaux pur-sang, des chevaux de course ; c’est là une erreur, messieurs, et pour le détromper sur ce point, il suffit d’avoir sous les yeux la liste de nos étalons. Nous avons en ce moment 74 étalons, dont 70 ont été employés aux saillies en 1842, les 4 autres ont été achetés récemment et ce sont des étalons demi-sang très forts.

Les 70 étalons qui ont été employés aux saillies cette année, se divisent de la manière suivante :

10 étalons pur sang ; 4 étalons pur sang non tracés ; 50 étalons demi-sang, dont 28 très forts ; enfin 6 étalons gros trait.

Il y a eu, messieurs cette année 3,257 saillies dont 2,477 par les 50 étalons demi-sang.

Ailleurs, messieurs, le gouvernement a été exposé à une autre accusation, c’est de ne pas faite assez pour les races pur sang ; on prétend qu’il y a de la part de l’administration une tendance à ne s’occuper presque plus que de l’amélioration des races demi-sang et des chevaux de trait. Vous voyez, messieurs, qu’il est difficile de concilier ces deux accusations.

On s’est aussi plaint, messieurs, de ce que le gouvernement ne consultait pas les besoins des localités pour la répartition des étalons. Pour ne pas être exposé à des plaintes de ce genre, il faudrait, messieurs, que nous eussions un bien plus grand nombre d’étalons que celui que nous possédons. Toutefois, le gouvernement s’enquiert avec le plus grand soin des besoins des localités, et si les députés qui se sont plaints veulent me remettre une note particulière, je leur promets de soumettre leurs observations aux administrations que je suis forcé de consulter.

Sur la demande du gouvernement, messieurs, huit provinces sur neuf ont institué des primes. Dans ces huit provinces, il est alloué une prime provinciale par province et deux primes par arrondissement. Il faut espérer que cette mesure aura le meilleur résultat.

Vous voyez, messieurs, que les provinces s’associent au gouvernement, et je n’hésite pas à dire qu’en général la race chevaline s’est améliorée dans le pays. Je pourrais même donner à la chambre des détails que je tiens indirectement de marchands de chevaux. Ces marchands de chevaux reconnaissent qu’ils trouvent aujourd’hui dans le pays des produits qu’ils n’y trouvaient pas autrefois.

Je passe, messieurs, à la race bovine.

Il est très vrai, comme l’a dit l’honorable M. Desmet, qu’une maladie extrêmement dangereuse fait en ce moment les plus grands ravages, c’est la pleuropneumonie épizootique ; il faut employer tous les remèdes pour l’extirper.

Le gouvernement, en se prévalant des lois de police qui existent, a fait abattre un grand nombre de bestiaux attaqués de cette maladie. Nous sommes en retard pour les indemnités de 1841, et un crédit supplémentaire sera demandé pour cet objet.

Il y a une autre mesure, messieurs, qui a aussi été proposé et l’honorable M. Desmet l’a perdu de vue. Vous aurez remarqué, messieurs, que le nouveau projet de loi relatif au droit d’entrée sur divers objets réserve au gouvernement le droit de prendre des mesures sanitaires à l’égard des bestiaux étrangers qui sont introduits dans le pays. Ces mesures existent en Angleterre et nous les avons empruntées au tarif anglais. Le gouvernement attend que le projet soit adopté pour exiger un certificat sanitaire pour les bestiaux introduits dans le pays.

Enfin, une autre mesure que le gouvernement prend depuis plusieurs années, c’est l’achat d’animaux étrangers destinés à régénérer les races. A cet égard, les provinces se sont encore associées au gouvernement ; le gouvernement leur a promis d’acheter pour une somme égale à celles qu’elles mettraient elles-mêmes à sa disposition. Les provinces ont voté une somme que j’ai portée hier à environ 30 mille francs ; pour être exact, je dois dire 27 mille fr. Il faut donc que, pour remplir les engagements, le gouvernement ait au moins à sa disposition une somme de 27 mille francs. Vous remarquerez, messieurs, que, si vous adoptez la division de l’article proposé par la section centrale, le gouvernement ne pourrait disposer pour cet objet que de 15 mille francs, en supposant que le chiffre du dernier article ne fût consacré qu’à l’achat d’animaux domestiques.

Le gouvernement s’est aussi occupé de la race ovine ; il a acheté des moutons de South-Down, en Angleterre. L’honorable M. Eloy de Burdinne a dit hier que l’introduction de ces moutons dans le pays a eu le meilleur résultat. Si l’expérience faite, est reconnue satisfaisante, le gouvernement fera de nouveaux achats.

Quant à la race porcine, le gouvernement a aussi acheté des animaux étrangers et il les a, par des ventes, placés dans le pays.

J’arrive au dernier objet : certains encouragements.

Le gouvernement, depuis plusieurs années, achète des graines qu’il répand dans le pays. C’est ainsi, par exemple, qu’il a introduit en Belgique un nouveau froment d’hiver et de la graine de tabac de la Havane. Enfin le gouvernement a toujours insisté pour le maintien au budget des primes accordées à l’industrie sétifère et à la culture de la garance.

Il m’a semblé, messieurs, d’après les observations faites tout à l’heure, que l’on se trompe sur la portée de l’expression : « industrie sétifère», il ne s’agit pas de la fabrication de la soie, du tissage des soieries, il s’agit de la production de la matière première. Cette matière première, messieurs, se vend dans deux états différents, il y a des cultivateurs qui se bornent à vendre les cocons non filés, d’autres vendent la matière première, lorsqu’elle est arrivée à un degré de préparation, lorsqu’elle est arrivée à l’état de soie. Il ne s’agit donc pas d’introduire dans le pays la fabrication des soieries, il s’agit tout simplement de permettre à l’agriculture de s’adjoindre une branche nouvelle, qui consiste à produire la matière première de la soie, en s’en tenant à la vente des cocons ou de la soie filée. Quant à moi, j’ai la conviction, d’après les renseignements que j’ai recueillis, que le pays est en état de produire des cocons.

On dit : Voilà 15 années que l’on fait des tentatives et que l’on n’a pas réussi. Je crois, messieurs, qu’il n’a été fait jusqu’ici que des tentatives imparfaites et que c’est pour la première fois qu’il se fait une tentative avec des moyens complets ; cette tentative se fait dans l’établissement d’Uccle. J’ai déjà dit hier que le particulier qui a pris à bail l’établissement d’Uccle, a fait des frais considérables de construction, qui s’élèvent à plus de 50 mille francs.

Ce n’est donc que maintenant, messieurs, que l’expérience se fait réellement. J’ai vu que l’honorable M. Liedts, mon prédécesseur, demandait la parole ; il pourra vous dire ce qui s’est entre lui et ce particulier lorsque le bail a été fait. Je l’ai déjà dit hier, on suppose que la seule obligation imposée à ce particulier consiste à payer 500 fr. de loyer ; c’est là une erreur ; il doit d’abord faire toutes les constructions nécessaires, et il les a faites ; il doit en second lieu fournir 3,000 plants de mûrier, il doit ensuite acheter tous les cocons qui lui sont présentés, au prix admis en France, et se charger de les filer. La soie que produit ce particulier n’est pas consommée dans le pays. Il l’envoie à Lyon, et c’est là qu’elle est convertie en tissus. Je vous ai dit aussi hier, messieurs, que l’année dernière il a fourni, non pas 3,000, mais 6,000 plants de mûriers, sans exiger d’indemnité.

J’arrive, messieurs, au dernier objet, qui a été vivement contesté aujourd’hui : les encouragements donnés à la culture de la garance.

L’honorable M. d’Hoffschmidt trouve que la somme de 20,000 fr. demandée pour cet objet est trop forte. S’il s’agissait, messieurs, de voter cette allocation comme crédit spécial, je n’hésite pas à dire que l’honorable membre aurait parfaitement raison ; s’il s’agissait de faire de cette allocation un article duquel on ne pût rien distraire, la somme de 20,000 fr. serait trop considérable : en 1841 l’on a dépensé 3,015 francs, en 1842, l’on a disposé de 3,115 francs ; ainsi une somme de 4 ou 5 mille francs serait suffisante. Qu’a-t-on donc fait des 16,000 francs restés disponibles, que fera-t-on de cette même somme en 1843 ? Cette somme, messieurs, on l’emploiera encore à l’achat d’animaux étrangers. Si donc la division proposée par la section centrale était admise, au lieu de voter 20,000 francs pour la garance, il faudrait se borner à allouer 5,000 francs pour cet objet, mais alors il faudrait transférer les 15,000 francs restants à l’article suivant.

Un membre. - Faites-le.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Mais alors, messieurs, si l’année prochaine la somme de 5,000 fr. était reconnue insuffisante pour les encouragements à donner à la culture de la garance, le gouvernement devrait demander une augmentation, tandis que si les deux sommes sont réunies en un seul article, nous pouvons, en quelque sorte prendre l’engagement de suffire à tous les besoins, à l’aide de ce seul article, qui est d’ailleurs divisé en littera dans les développements du budget.

L’honorable M. d’Hoffschmidt craint qu’il ne résulte des abus de l’allocation de chiffres votés d’une manière générale, globalement, comme on le dit ; mais, messieurs, les primes dont il s’agit sont accordées en vertu d’un arrêté organique, et le ministre se compromettrait gravement en changeant, sans motifs un arrêté organique. Les primes pour l’éducation des vers à soie sont fixées par un arrêté de 1822 ; si ma mémoire est fidèle, les primes pour l’encouragement de la culture de la garance sont fixées par un arrêté plus récent ; c’est 100 fr. par hectare de culture de garance.

Ainsi, ce n’est pas légèrement qu’on changera ces arrêtes royaux qui ont un caractère organique. La prime est accordée d’après les bases qui sont fixées par ces arrêtés. Il faut qu’on prouve ou bien qu’on a produit autant de cocons ou de kilogr. de soie, ou bien qu’on cultive autant d’hectares de garance ; il faut que cela soit constaté par des procès-verbaux authentiques et dès lors les arrêtés anciens reçoivent en quelque sorte leur application de plein droit. Les abus ne sont donc pas possibles.

Messieurs, on s’est aussi étonné de ce que la culture de la garance, malgré certains encouragements, n’ait pas fait de progrès. C’est, messieurs, parce que cette tentative a été faite aussi par des moyens imparfaits. On n’a pas construit les séchoirs nécessaires. Le gouvernement a fait des arrangements avec un particulier de Mariakerke, pour l’établissement de séchoirs ; ces séchoirs, il les a établis ; de plus, il a contracté l’obligation de recevoir chez lui, pour être séchées, les racines qui lui seront remises, et cela à des prix arrêtés par le gouvernement.

Messieurs, voila quelques uns des éclaircissements que je tenais à donner à la chambre ; je tenais à prouver que le ministère actuel, non plus que les ministères précédents, n’a employé d’une manière stérile la somme qui a été annuellement votée, et que certains résultats, que je suis loin d’exagérer, ont été obtenus.

M. Liedts. - Messieurs, je vois, par le rapport de la section centrale, qu’on propose la suppression du crédit de 4,000 fr. destiné à la production des cocons de vers à soie. En faisant cette proposition, la section centrale suppose que, dans l’acte de cession de l’établissement d’Uccle, le gouvernement n’a pris aucun engagement quant à la distribution des primes dont il s’agit ici.

Je dois déclarer à la chambre que lorsque cette aliénation a eu lieu, aucun engagement n’a été pris de ma part envers l’acquéreur ; cependant, sur la demande qu’il avait faite, si cette prime serait continuée au budget, je n’ai pas hésité à lui répondre que si d’un côte je ne pouvais pas lui garantir le vote de la législature, je croyais, d’autre part, que la législature, conséquente avec elle-même, continuerait d’allouer cette prime.

Je dis, messieurs, que, pour être conséquente avec elle-même la chambre doit continuer d’allouer la prime, et je crois qu’il ne me sera pas difficile de le prouver.

Messieurs, on a dit hier et on a répété aujourd’hui que nous ne devions pas avoir la prétention d’acclimater chez nous toutes les productions des pays étrangers ; je suis parfaitement de cet avis ; mais, d’un autre côté, je crois que si le gouvernement, après un mûr examen, s’est décidé à faire un essai, et que la législature, par différents votes, a approuvé en quelque sorte cet essai, je dis qu’il est logique, rationnel de chercher à rendre l’essai complet. S’arrêter en chemin, ne pas compléter l’essai qu’on a commencé, ce ne serait pas seulement rendre stériles les capitaux qu’on a employés, mais c’est encore laisser la question indécise pour ceux qui nous succéderons dans cette enceinte.

Ce que je dis ici s’applique parfaitement à l’industrie sétifère. L’on sait qu’à différentes époques de notre histoire les gouvernements ont fait des essais pour introduire dans notre pays l’industrie sétifère ; et chaque fois l’on n’a fait qu’un essai incomplet, un essai de quelques années.

Eh bien, si vous voulez empêcher que ceux qui nous suivront à la législature ne recommencent un essai sur nouveaux frais, la chambre doit désirer que l’essai que l’on fait en ce moment soit complété. Mais on demandera peut-être quand cet essai sera complet. Il est facile de répondre à cette question. L’essai sera complet lorsqu’il sera démontré que, dans notre pays, les dépenses ne peuvent pas être couvertes par les recettes de cette production.

Mais cet état de choses ne peut pas être obtenu maintenant Tous ceux qui se sont occupés de cette industrie, savent que les pieds d’arbre doivent avoir douze années d’âge, avant qu’on puisse les effeuiller convenablement.

Or, ce n’est que depuis 1833 que la culture du mûrier blanc s’est répandue dans notre pays, et, à l’heure qu’il est il n’est pas possible de connaître encore les résultats de cette industrie.

Messieurs, l’opinion que j’exprime ici a été la vôtre, il y a à peine un an. En 1840, il y avait deux opinions en présence. Les uns disaient que l’essai était fait, qu’il fallait, par conséquent, vendre l’établissement d’Uccle au plus offrant et au dernier enchérisseur. D’autres disaient qu’il fallait compléter l’essai, et mettre l’établissement entre les mains de personnes ayant des connaissances spéciales, qui continueraient l’essai commencé aux frais du gouvernement.

La chambre n’a pas voulu qu’on abandonnât l’essai, mais qu’on le continuât avec des dépenses moindres pour le trésor public.

Ce dernier résultat, messieurs, vous l’avez obtenu, car l’établissement qui ne rapporte, terme moyen, que de 2 à 2,500 fr. par an coûtait de 16 à 17.000 francs ; ainsi vous avez fait un bénéfice annuel de près de 15,000 fr.

Supprimer aujourd’hui le subside au budget, c’est déclarer à toutes les personnes qui continuent de planter des mûriers, qu’elles feraient mieux d’employer leurs capitaux à d’autres objets ; que les essais qu’elles poursuivraient, ne peuvent aboutir à rien. Supprimer aujourd’hui le subside, ce serait, messieurs, revenir sur notre décision antérieure, puisque vous vouliez en 1841, qu’avant d’abandonner définitivement cette industrie, on attendît que l’essai fût complet.

Je répète donc que la chambre ne peut pas retirer le subside cette année. Si dans quelques années d’ici il est reconnu qu’effectivement le mûrier blanc ne peut pas s’acclimater chez nous avec autant de faveur que sous une latitude plus septentrionale, comme en Prusse, par exemple, eh bien qu’on nomme alors une commission de personnes compétentes, et qu’il soit constaté que la continuation de l’essai est inutile. C’est le seul moyen d’empêcher que la législature revienne un jour sur ses pas, et qu’un nouvel essai peut-être soit tenté à grands frais.

D’ailleurs, il n’est pas à craindre, comme l’a pensé un honorable député, que cette somme s’accroisse d’année en aunée. Depuis 1833, la somme n’a pas été augmentée, et je crois qu’elle continuera de suffire pour les années suivantes.

Messieurs, on pourrait se faire illusion sur la manière d’élever le ver à soie, je ne suis nullement dans l’intention d’entamer ici une discussion scientifique ; mais je me bornerai à répondre à l’honorable M. de Man d’Attenrode qu’en France et même en Italie, le ver à soie est cultivé dans des magnanières absolument comme chez nous ; la question est donc uniquement de savoir si le mûrier blanc peut s’acclimater chez nous aussi favorablement qu’en Prusse.

Messieurs, je crois donc que le moment n’est pas venu de mettre en question la suppression de cet article au budget, et je demande qu’il y soit maintenu.

- La clôture est demandée.

M. Dedecker, rapporteur (contre la clôture.) - Je demande à pouvoir présenter quelques observations.

M. d’Hoffschmidt. - Il est d’usage, avant de clore, d’entendre le rapporteur.

M. Cogels. - J’avais demandé la parole, mais je pourrai présenter mes observations quand on viendra à l’article garance.

M. Dumortier (contre la clôture.) - Je n’avais qu’une observation très simple à présenter relativement à la race chevaline ; je voulais demander à M. le ministre de l’intérieur comment il se fait qu’à Tournay où il y avait autrefois une station d’étalons…

M. le président. - Vous n’avez la parole que sur la clôture.

- La discussion générale ouverte sur le chapitre est close.

M. le président. - Après le vote des divers numéros, on mettra en délibération la question de savoir si, comme le propose M. le ministre de l’intérieur, on le réunira en un seul article.

Article 2, qui deviendrait article 3

« Art. 2, qui deviendrait art. 3. Amélioration de la race chevaline : fr. 230,000 »

M. Dumortier. - L’observation que j’ai à faire ne sera pas plus longue que celle que j’ai faite pour m’opposer à la clôture ; elle est relative aux stations d’étalons. Sous l’empire français, alors qu’il n’y avait qu’un petit nombre de stations, je crois une par département, il y en avait une à Tournay. Maintenant qu’il y en a partout, je demande pourquoi il n’y en a plus à Tournay.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je promets à l’honorable membre de prendre des renseignements sur sa réclamation que j’entends pour la première fois.

M. Dumortier. - Les cultivateurs de l’arrondissement de Tournay ont droit de profiler des allocations portées au budget dans l’intérêt de l’agriculture. Ils réclament depuis longtemps une station d’étalons. Je forme des voeux pour que M. le ministre puisse la leur accorder.

- L’allocation de 230,000 fr. pour l’amélioration de la race chevaline est adoptée.

Articles 4 et 5

« Art. 4. Frais d’agriculture, indemnités pour les bestiaux abattus, traitements et frais de voyage des vétérinaires du gouvernement. - Frais de commission d’agriculture : fr. 100,000 »

« Art. 5. Supplément au troisième tiers du fonds de non-valeurs. - Secours aux personnes réduites à la détresse par suite d’accidents imprévus : fr. 24,000 »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 6

« Art. 6. Primes pour la production de cocons de vers à soie. - Culture de la garance. - Achat à l’étranger d’animaux domestiques. - Primes aux agents de la force publique pour la répression des délits de chasse et dépenses diverses : fr ; 39,000 »

La section centrale propose la division de cet article, et de plus la réduction de l’ensemble du chiffre à 35,000 fr.

M. d’Hoffschmidt, par son amendement, réduirait ce chiffre à 25,000 fr.

M. Dedecker, rapporteur. - Je demande qu’on vote séparément sur la division en plusieurs articles.

M. de Theux. - Je pense qu’il faut maintenir l’allocation demandée pour encouragement à la culture de la garance telle qu’elle est proposée au budget. La raison en est qu’il faut un peu de stabilité dans les encouragements. La protection accordée à la culture de la garance l’a été à la suite d’une enquête et en vertu d’une loi spéciale votée vers la fin de la session de 1838. Mais, dit-on, la somme de 20 mille francs affectée à cet encouragement n’a pas été dépensée ; de ce qu’elle ne l’a pas été jusqu’à présent, il ne résulte pas qu’elle ne pourra pas à l’avenir être employée utilement par le gouvernement. Il est naturel qu’on ait procédé avec timidité en se livrant à cette culture qui exige des avances considérables non seulement parce que la plante de garance ne peut pas se récolter annuellement, mais parce qu’il faut encore établir des séchoirs et des moulins à garance. D’après ces diverses considérations, je demanderai que le chiffre de 20,000 fr. soit maintenu. Si, pour l’année 1843, il se trouve un excédant, M. le ministre pourra l’employer à l’achat d’un plus grand nombre d’animaux étrangers de la race bovine. Je ne m’opposerai pas, pour le moment, à cet emploi, mais je demande que le chiffre continue à figurer au budget dans son intégrité.

M. Cogels. - L’honorable M. d’Hoffschmidt a présenté la culture de la garance comme une culture étrangère, comme une culture nouvelle. Ceci n’est pas exact. La culture de la garance est très ancienne, dans nos provinces comme en Hollande, comme dans la Flandre hollandaise. Dans les poldres qui ont été inondés, la culture de la garance était assez étendue ; il y avait plusieurs séchoirs dont quelques-uns sont encore en activité. Ce qui a porté un grand préjudice à cette culture, c’est l’abandon des dispositions qui avaient été prises par le gouvernement précédent et qui viennent d’être remises en vigueur. Ensuite on a falsifié les garances en y mêlant des mul qui viennent de la Hollande, et de cette manière on a perdu leur réputation. Autrefois nous exportions même vers les Etats-Unis. Une autre cause qui a nui au développement de cette culture, c’est qu’une grande partie des terres qui y étaient employées, a été inondée et ne pourra être rendue à cette culture que dans quelques années, Je pense que les primes pour lesquelles une allocation est portée au budget, ont été instituées pour introduire cette culture dans les pays où elle n’est pas connue, et où elle pourrait être implantée avec succès. Partout où le sol est riche et profond, on peut cultiver la garance. Voilà les observations que je voulais présenter pour que la chambre ne se formât pas l’idée que paraît avoir M. d’Hoffschmidt, que la culture de la garance est une culture nouvelle qu’on aurait de la peine à acclimater dans notre pays.

M. d’Hoffschmidt. - Messieurs, ce que vient de dire l’honorable préopinant vient parfaitement à l’appui de mes observations et de mon amendement. Si la culture de la garance est ancienne dans le pays et n’a pas réussi jusqu’à présent, c’est une preuve évidente qu’elle n’a pas grande chance de succès dans l’avenir. C’est donc là tout uniment une industrie ancienne et maladive qu’on veut rajeunir. D’ailleurs, messieurs, remarquez bien que mon amendement ne supprime pas toute l’allocation demandée pour encourager cette culture.

M. le ministre de l’intérieur a dit qu’il convenait que l’allocation était trop élevée. Selon lui, on n’a dépensé, jusqu’à présent, que cinq à six mille francs chaque année, et on continuera à en dépenser autant. Il est impossible, il faut en convenir, de mieux justifier ma proposition que par cet aveu.

On convient que le chiffre est trop élevé, que cinq à six mille fr. ont suffi jusqu’à présent ; malgré cela on veut maintenir une allocation de vingt mille francs ! C’est une chose inconcevable ! A quoi donc sont destinés les quinze mille francs de surplus ? Ils sont, dit-on, destinés à l’achat de types d’animaux domestiques. J’approuve en général ces sortes d’achat. Mais au moins qu’on fasse un changement de chiffre. Si la chambre veut consacrer à l’acquisition d’animaux domestiques une somme plus forte que celle portée au budget, qu’elle le décide en connaissance de cause. Mais, dit M. le ministre, si nous agissons ainsi, l’année prochaine le gouvernement se verra obligé de redemander pour encouragement de la culture de la garance, la somme primitive. Je ne vois pas grand mal à cela. Le vote du budget n’est jamais qu’annuel. La désignation des dépenses est également annuelle. Quand la chambre vote 20 mille francs pour la culture de la garance, c’est qu’elle croit qu’il est nécessaire de dépenser une pareille somme dans le cours de l’exercice. Or, il est tout au moins bizarre de penser qu’en votant 20 mille francs pour la culture de la garance, vous votez 15 mille francs pour l’achat de types d’animaux domestiques ; jusqu’à présent, on ne s’en doutait guère.

M. le ministre a parlé des séchoirs à établir comme d’une chose nécessaire à la prospérité de la garance. Voilà encore une source nouvelle de dépenses. Ces séchoirs ne s’établissent pas entièrement aux frais des particuliers, mais en grande partie aux frais du gouvernement ; car on donne 4 à 5 mille francs par séchoir. C’est là encore une prime d’encouragement assez élevée ; et, comme je le disais, une source nouvelle de dépense en faveur de la garance. Messieurs, je ne veux pas, ainsi que l’a prétendu M. Desmet, condamner la culture de cette plante, mais, après lui avoir porté appui et secours pendant dix années, il est temps de la laisser marcher seule, et voler de ses propres ailes. Si elle ne le peut pas, c’est d’un mauvais augure ; elle finira toujours par périr, et vous aurez le désagrément d’avoir dépensé des sommes considérables en pure perte, et cela quand nos finances sont dans un état peu prospère. L’honorable M. de Man, tout en convenant que cette culture a peu de chances de succès, voudrait voir continuer les essais pendant une année encore. Ma proposition laisse au gouvernement plus que les moyens suffisants pour remplir les intentions de l’honorable membre. Car il resterait une somme de 10 mille fr. à la disposition du gouvernement, et il doit, d’ailleurs, y avoir encore des fonds disponibles sur les années précédentes.

L’honorable M. de Theux a dit qu’on avait voté, à la fin de 1838, une loi sur cet objet. Je demanderai si, dans cette loi, le chiffre est déterminé. S’il ne l’est pas, ce n’est pas un obstacle à mon amendement.

L’honorable membre croit qu’on doit porter chaque année 20 mille francs au budget pour la garance, même dans la prévision où ils ne pourraient pas être dépensés. Mais s’ils ne peuvent pas être dépensés comme il y a lieu de le croire, il est certes, ce me semble, inutile de les porter.

M. Dedecker, rapporteur. - J’avais demandé la parole pour démontrer qu’il est plus facile qu’on ne pense, de mettre d’accord M. d’Hoffschmidt et M. le ministre de l’intérieur. Puisque M. d’Hoffschmidt trouve que la somme de 20 mille francs excède de beaucoup les besoins de la culture de la garance et que ces besoins ne s’élèvent qu’à environ 8 à 10 mille francs, et que de son côté M. le ministre pense que les 10 à 12 mille francs qui pourraient rester disponibles sur cette allocation devraient être reportées sur celle relative à l’acquisition d’animaux domestiques, il me semble que le mieux serait de conserver un seul article en deux littera pour ces objets en laissant au gouvernement la faculté d’imputer, d’un littera à l’autre.

M. de Theux. - Je me rallie à l’observation de M. le rapporteur.

M. le président. - Je vais mettre aux voix les littera de l’art. 6.

« Litt. A. Primes instituées par l’arrêté royal du 30 janvier 1832 pour la production de cocons de vers à soie : fr. 4,000 »

La section centrale a proposé la suppression.

- Ce littera est adopté.

« Litt. B. Culture de la garance : fr. 20,000 »

M. le président. - M. d’Hoffschmidt a proposé de réduire le chiffre à 10,000 fr.

- Le chiffre de 20,000 fr. est mis aux voix. Il est adopté.

« Litt. C. Achat à l’étranger d’animaux domestiques. - Primes aux agents de la force publique pour la répression des délits de chasse, dépenses diverses : fr. 15,000 »

- Adopté.

M. le président. - Reste à décider la question de savoir si on réunira en un seul article les divers articles qu’on vient de voter.

M. Dedecker. - (Erratum Moniteur belge n°356, du 23 décembre 1842) La section centrale renonce à former deux articles spéciaux de l’article 6, mais elle ne voit aucun motif pour ne pas adopter la division établie dans le projet de budget présenté par le gouvernement.

Puisque M. le ministre de l’intérieur trouvera sur la culture de la garance de quoi pourvoir à ces achats, je crois qu’il faut adopter la division en 6 articles, proposée primitivement par le gouvernement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable rapporteur de la section centrale propose que l’on fasse un article des trois littera suivants :

« A. Primes pour la production des vers à soie : fr. 4,000

« B. Culture de la garance : fr. 20,000

« C. Achat à l’étranger d’animaux domestiques. - Primes aux agents de la force publique pour la répression des délits de chasse et dépenses diverses : fr. 15,000 »

Le littera A sera à peu près épuisé ; mais supposons que je puisse obtenir sur ce litt. une économie de 1,000 fr.

Je suppose que sur le litt. B j’obtiendrai une économie de 14,000 fr.

En tout, 15,000 fr.

J’ai dit que, d’après les engagements pris avec les provinces, le gouvernement devrait faire pour l’achat d’animaux domestiques à l’étranger, une dépense de 30,000 fr., la dépense s’élevant à 27,000 francs, pour les huit provinces qui ont déjà fait connaître leurs résolutions. Les 15,000 fr. d’économies que je viens d’indiquer et les 15,000 francs portés au litt. C feront cette somme de 30,000 francs. Mais où trouverai- je les 4,000 fr. nécessaires pour primes aux agents de la force publique pour répression des délits de chasse, si je ne puis les prendre sur les autres allocations de ce chapitre ? Je crois qu’il vaudrait mieux réunir ces allocations en un seul article.

- La chambre consultée décide que les divers articles qui viennent d’être votés seront réunis en un seul article ainsi conçu :

« Art. 3. Fonds d’agriculture : fr. 393,000 »

ChapitreXI. Milice

Article unique

« Art. unique. - Frais d’impression des listes alphabétiques pour l’inscription des miliciens : fr. 1,600 »

- Cet article est adopté sans discussion.

Chapitre XII. Garde civique

Article unique

« Art. unique. Frais de voyage de l’inspecteur général de la garde civique, des aides-de-camp qui l’accompagnent, et frais de bureau de l’état-major. - Achat, réparation et entretien des armes et des équipements de la garde civique : fr. 20,000 »

- Cet article est adopté sans discussion.

Chapitre XIII. Récompenses honorifiques et pécuniaires

Article unique

« Art. unique. Médailles ou récompenses pécuniaires pour actes de dévouement et de courage : fr. 5,000 »

- Cet article est adopté sans discussion.

Chapitre XIV. Dotations de la Légion d’Honneur

Article unique

« Art. unique. Dotation en faveur de légionnaires et veuves de légionnaires peu favorisés de la fortune, et pensions de 100 francs par personne aux décorés de la croix de fer qui sont dans le besoin, ou qui n’ont ni autre pension, ni traitement quelconque : fr. 60,000 »

La section centrale propose de diviser cet article en deux, le premier de 47,000 fr., concernant la dotation des légionnaires, le deuxième de 13,000 fr. concernant les pensions de 100 fr. aux décorés de la croix de fer.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je maintiens mon libellé ; je désire donner quelques explications.

C’est pour la deuxième fois que ce libellé, tel qu’il est figuré au budget. La somme de 60 mille fr. était autrefois accordée pour un seul objet « dotation en faveur des légionnaires veuves de légionnaires peu favorisées de la fortune. » C’était là le libellé de l’article. Les 60 mille fr. n’avaient donc qu’une seule destination. Les décorés de la croix de fer qui se trouvent dans une situation peu aisée, dans une situation malheureuse, se sont adressés au gouvernement, et, je le pense à la chambre, pour leur exposer qu’il leur semblait qu’on pouvait leur allouer la pension de 100 fr. qu’on alloue dans certains cas aux militaires décorés de l’ordre de Léopold ou de l’ordre Guillaume. Le gouvernement a trouvé cette réclamation juste ; il est entré dans ses intentions de proposer à la chambre de permettre au gouvernement d’accorder une pension de cent francs à ceux qui sont dans le besoin, et qui n’ont aucune pension ni traitement quelconque. Le gouvernement aurait pu vous faire cette proposition en vous demandant une allocation nouvelle. C’est ce qu’il n’a pas fait. L’année dernière j’ai eu l’honneur de déclarer que, par suite des décès, je croyais que je pourrais faire quelques économies sur le chiffre alloué par la législature. J’ai donc maintenu le chiffre, et j’ai changé le libellé de manière à y donner une double destination.

Par suite des décès des légionnaires, on pourra encore faire quelque chose en faveur des décorés de la croix de fer.

La division proposée par la section centrale est impossible. J’engage la chambre à continuer à avoir confiance dans la manière dont les sommes seront dépensées. Ce qui prouve que l’administration est digne de cette confiance, c’est que, l’an dernier, l’on a pu accorder des secours aux décorés de la croix de fer. On fera encore, cette année, sur le chiffre de 60,000 fr. des économies suffisantes pour faire quelque chose en faveur des décorés de la croix de fer.

Voilà le véritable état de la question.

M. Rogier. - La section centrale propose de diviser en deux articles le crédit de 60,000 francs destiné aux légionnaires, aux veuves des légionnaires et aux décorés de la croix de fer. Elle veut garantir en quelque sorte la dotation des légionnaires et des veuves de légionnaires. Elle a demandé quelle somme est consacrée à cette dotation. Le ministre a répondu 47,000 fr. La section centrale a proposé de faire un article de 47,000 fr. Voilà donc le sort des légionnaires et des veuves des légionnaires parfaitement assuré. Reste maintenant le sort des légionnaires de la croix de fer ; ceux-là ont également des droits à la sympathie de la chambre et du pays. Ceux-là n’ont pas versé leur sang sur les champs de bataille de l’Europe, au profit de la France et de l’Empereur, mais en Belgique, au profit de la nationalité belge. Je crois que leurs titres peuvent être mis sur la même ligne que ceux de beaucoup de légionnaires. Il ne reste cependant, pour assurer une modeste pension de 100 fr. aux décorés de la croix de fer, qu’une somme de 13,000 fr. Or cette somme est évidemment insuffisante ; car 13,000 fr. à 100 fr. par décoré suffiront pour 130 décorés, mais pas au delà. Or il y a plus de 130 décorés de la croix de fer, qui ont besoin de cette pension.

Dans l’état actuel des choses, l’article du budget n’est pas exécuté. L’article comprend deux catégories de décorés de la croix de fer : 1° ceux qui sont dans le besoin ; 2° ceux qui ne touchent aucune pension ni traitement quelconque. Ainsi, pour exécuter à la lettre la loi du budget, il faudrait pensionner non seulement les décorés qui sont dans le besoin, mais encore ceux qui ne touchent aucune pension, ou traitement quelconque.

Je ne viens pas cependant réclamer en faveur des décorés de la croix de fer, qui ne sont pas dans le besoin. Mais je voudrais que tous ceux de cette catégorie fussent appelés à jouir de la modique pension de 100 francs.

J’ai été amené à parler sur cet article, parce que tout récemment deux décorés m’ont parlé de leurs réclamations qui m’ont paru fondées. L’un est un simple douanier qui a sept enfants et 740 fr. de traitement. On n’a pu admettre sa demande, par le motif qu’il touchait un traitement ; l’autre ne touche pas de traitement ; il exerce une industrie extrêmement modeste ; il a son père et sa mère à nourrir ; c’est un garçon coiffeur. Celui-là n’a pas été admis à la pension. Cependant sa position est loin d’être aisée.

Je voudrais que M. le ministre de l’intérieur, nous fît connaître quelle somme lui serait nécessaire pour faire jouir de la pension de 100 francs tous ceux des décorés de la croix de fer qui se trouvent dans une position peu aisée. Je voudrais qu’on les mît au moins sur la même ligne que les décorés de l’ordre de Guillaume. Car il y a vraiment une sorte de contradiction inexplicable à voir dans l’armée des sous-officiers, des caporaux et des soldats décorés de l’ordre Guillaume et jouissant d’une pension, tandis que les sous-officiers, caporaux et soldats décorés de la croix de fer ne jouissent d’aucune pension. Il me semble qu’il faudrait au moins l’égalité entre ces deux catégories de décorés. Eh bien, plusieurs sous-officiers décorés de la croix de fer n’ont pu obtenir la pension de cent francs par le motif qu’ils jouissaient d’un traitement, tandis que les décorés de l’ordre de Guillaume reçoivent la pension.

Messieurs, je ne veux pas faire de proposition formelle avant d’avoir obtenu des renseignements de M. le ministre ; mais je ne pense pas que la proposition d’étendre à un plus grand nombre de décorés de la croix de fer, la pension de cent francs, puisse occasionner des dépenses très fortes. Remarquez d’ailleurs que ce n’est pas ici une dépense permanente, mais une dépense qui doit décroître et disparaître avec le temps.

Je crois que le nombre primitif des décorés de la croix de fer s’élevait à 16 ou 17 cents. Mais il y aurait de grandes réductions à faire sur ce nombre. Ainsi, d’après les calculs que j’ai faits, il y a près de 300 officiers qui sont décorés de la croix de fer. Pour ceux-là, je ne réclame rien. Il y a aussi un très grand nombre de décorés qui reçoivent déjà la pension de 100 fr. Ceux-là, il ne faudrait les admettre que très exceptionnellement à un supplément de pension. Il y a, en outre, une foule de fonctionnaires jouissant d’un traitement, et auxquels il n’y aurait pas lieu d’accorder la pension. Je crois que, dans ce moment, il existe encore près de 120 membres du congrès national qui sont aussi décorés de la croix de fer. Bien qu’aux termes du budget, ils seraient admis à réclamer la pension, pour ceux-là, je ne la demande pas.

Je pense donc qu’en doublant la somme de 13 mille fr., en la portant à 26 ou 30 mille au plus, on aurait de quoi satisfaire à tous les décorés nécessiteux. Mais je voudrais à cet égard quelques renseignements de M. le ministre de l’intérieur, car je ne veux rien faire à la légère, ni proposer des sommes qui ne seraient pas utilement employées. Si M. le ministre de l’intérieur n’a pas en ce moment à sa disposition les renseignements nécessaires, nous pourrions remettre à demain le vote de cet article. Je pense que la chambre, après avoir entendu M. le ministre, n’hésitera pas à consacrer une augmentation de dépenses en faveur d’une catégorie de décorés qui, certes, ont autant de droit aux sympathies de la chambre, que les membres de la Légion d’honneur, que les décorés de l’ordre Léopold, et surtout que les décorés de l’ordre de Guillaume. Ceux-là sont d’ailleurs aussi des décorés de Léopold. Car toutes les nominations de la croix de fer portent la signature du roi.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’avoue que les renseignements que me demande l’honorable préopinant me manquent en ce moment. Je ne sais même si je pourrais les obtenir dans mes bureaux. La véritable question que soulèvent les réflexions présentées par l’honorable M. Rogier est celle-ci : ce serait de s’arrêter dans le libellé de l’article aux mots : qui sont dans le besoin, et de supprimer les mots : ou qui n’ont ni autre pension, ni traitement quelconque.

Maintenant, il s’agit de savoir quelles seront les conséquences de cette suppression. Je serais désolé que l’on pût croire que je ne m’associe pas aussi vivement que l’honorable préopinant à tout ce qu’il nous a dit en faveur des décorés de la croix de fer. Cependant tous ceux qui ont été aux affaires se rappellent que, lorsqu’il s’est agi de conférer des places, surtout dans les premiers temps de la révolution, on a eu généralement égard à la circonstance que tel ou tel était décoré de la croix de fer. C’est ce motif qui a justifié la restriction mise au libellé de l’article.

Je crois que si cette suppression est adoptée, si ces mots sont effacés, il faudra une somme de près de 60,000 francs, rien que pour les décorés de la croix de fer.

M. Rogier. - Qui sont dans le besoin ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Qui sont dans le besoin ; qui en ont besoin, qui ont des places, mais des places très insuffisantes. Vous reconnaîtrez, et l’honorable membre reconnaîtra avec moi, qu’un individu, par exemple, qui n’a qu’un traitement de 700 francs, et qui a famille, peut être considéré comme étant dans le besoin. Dès lors, il faudra lui accorder la pension de cent francs, bien qu’il se trouve avoir déjà un traitement. Il faudra aussi donner la pension de cent francs à un grand nombre d’individus, blessé de septembre, qui ont une pension civique comme blessés.

J’avoue que je ne sais quelles seront les conséquences pécuniaires de ce retranchement. J’avais cru qu’avec la somme de 60,000 fr. et le libellé, tel qu’il existe maintenant, il y aurait moyen de suffire à la double dépense.

Si la chambre veut remettre la discussion de ce chapitre à demain, je recueillerai de nouveaux renseignements. Je ne demande pas mieux que de faire droit aux observations de l’honorable M. Rogier.

M. le président. - Ainsi on propose de remettre la discussion de ce chapitre à demain.

M. Dumortier. - Je crois pouvoir donner une partie des renseignements qui sont demandés ; car j’en ai pris précisément sur l’objet qui nous occupe.

Messieurs, vous le savez, de toutes les distinctions honorifiques qu’un gouvernement peut donner, il n’en est pas de plus digne que celle qu’il accorde pour avoir contribué à fonder la nationalité du pays. Il est donc fâcheux de voir les décorés de la croix de fer dans une position inférieure à celle de ceux qui ont obtenu d’autres décorations. Si le libellé de l’article en discussion était maintenu tel qu’il est, on arriverait à ce résultat que les décorés de la croix de fer seraient dans une pire condition que les décorés de la Légion d’honneur. Car on n’exige pas de ceux-ci les mêmes conditions que des décorés de la croix de fer, de gens qui, comme l’a dit l’honorable M. Rogier, sont réellement dans le besoin, de pères de familles nécessiteux, qui ont été décorés pour les services rendus la révolution, qui ont versé leur sang pour la patrie.

Or, d’après les renseignements qui m’ont été donnés, je sais qu’une somme de 30.000 fr. suffirait pour couvrir la dépense nécessaire, pour accorder la pension à ceux des décorés que l’honorable M. Rogier vous a désignés. Il faut convenir que ce ne serait là qu’une très minime augmentation de dépenses, augmentation qui, comme on vous l’a dit, décroîtrait chaque année ; car on n’accorde plus la croix de fer, et les mortalités successives diminuent chaque année le nombre de ceux qui l’ont obtenue.

J’appuie donc de tous mes moyens les observations de l’honorable M. Rogier. Je crois, comme lui, qu’en portant à 75 mille fr. le chiffre de l’article en discussion, on pourrait faire face à tous les besoins. Il est vraiment fâcheux pour ceux qui voient souvent ceux qui ont été décorés à la suite de la révolution, de les trouver dans une position malheureuse, alors pourtant qu’ils ont obtenu leur décoration pour le sang qu’ils ont versé pour le pays, pour constituer sa nationalité. Je pense donc que la chambre tout entière s’empressera de voter un amendement tendant à porter à 75,000 fr. le chiffre du chap. XIV.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je demanderai la remise de cette discussion à demain.

M. Rodenbach. - M. le ministre de l’intérieur vient de demander la remise de la discussion à demain, j’y consens très volontiers. Mais tout en appuyant les observations de l’honorable M. Rogier et de l’honorable M. Dumortier, je ferai remarquer que dans le libellé de l’article on dit : dotation en faveur des légionnaires et des veuves de légionnaires, tandis que l’on ne parle pas des veuves des décorés de la croix de fer. Lorsque M. le ministre de l’intérieur nous fera connaître demain ses intentions, je le prierai d’examiner s’il n’y a rien à faire pour les veuves des décorés de la croix de fer ; je ne vois pas pourquoi les veuves des légionnaires auraient plus de droits que les veuves des décorés de la croix de fer. Car, on vous l’a dit, ce sont ces derniers qui ont versé leur sang pour la patrie.

M. de Theux. - Je ne veux faire qu’une seule observation. J’appellerai l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le point de savoir si, en accordant une pension spéciale pour la croix de fer à ceux qui jouissent déjà d’une autre pension ou d’un traitement, on n’établira pas encore une plus grande inégalité entre eux et les décorés de la croix de fer qui n’ont ni pension ni traitement. C’est un point que je soumets à l’attention de M. le ministre de l’intérieur

En outre, j’engage M. le ministre de l’intérieur à examiner si les décorés de la Légion d’honneur ou d’autres ordres, qui jouissent d’un traitement ou d’une pension, reçoivent le secours dont il s’agit.

M. Rogier. - Je désire beaucoup que M. le ministre de l’intérieur n’étende pas ma proposition au-delà de mes intentions ; car je veux que ma proposition réussisse, et je ne voudrais pas que la chambre fût effrayée par la perspective d’une dépense considérable. J’ai eu soin de limiter ma proposition d’une manière raisonnable. Ainsi, je ne pense pas qu’il faille pensionner deux fois les décorés de la croix de fer qui jouissent d’une pension à titre de blessés ; je pense au moins qu’il ne faudrait accorder la double pension que dans des cas tout à fait exceptionnels ; mais ceux pour qui je réclame surtout, ce sont ceux qui ne jouissent pas d’une pension et qui sont dans le besoin.

J’engage donc M. le ministre à diriger ses recherches de manière à pouvoir présenter à la chambre une disposition acceptable. Je crois avec l’honorable M. Dumortier, qu’il ne faudra pas augmenter l’allocation déjà demandée de plus de 15,000 fr.

La dotation pour les décorés de la Légion d’honneur resterait fixée à 47,000 fr. Mais j’espère que toutes les extinctions de pension pour cette espèce de décorés, profiteront aux décorés de la croix de fer, de manière que l’allocation de 75,000 fr. soit maintenue pendant plusieurs années au budget.

Je ferai observer que pour les décorés de la Légion d’honneur, l’administration se montre libérale ; je connais des légionnaires qui ont des traitements élevés, et qui cependant jouissent de la pension de 250 fr. Je n’en fais pas un grief à l’administration ; je crois qu’il importe que les croix de la Légion d’honneur soient honorablement portées ; mais je veux aussi que les croix de fer soient honorablement portées, qu’elles ne soient pas portées sur des haillons, ce qui arrive quelquefois.

Du reste ceci est une mesure en quelque sorte toute paternelle : je ne réclame pas cette faveur pour des décorés qui ne la mériteraient pas. Il y a une sorte de patronage moral à exercer sur ces hommes qui ont rendu de grands services au pays et il faut que l’administration agisse avec bienveillance et discernement.

-L’ajournement à demain de la discussion du chap. XIV est mis aux voix et adopté.

Chapitre XIV. Commerce

Discussion générale

« Art. 1er. Encouragements divers pour le soutien et le développement du commerce, frais de rédaction et de publication de la statistique commerciale et industrielle : fr. 143,500 »

M. le président. - La section centrale propose de diviser cet article comme suit :

« Art. 1er. Ecole de navigation : fr. 16,000 »

« Art. 2. Chambres de commerce, 12,000 »

« Art. 3. Portion imputable sur l’exercice 1843 de la garantie accordée par le gouvernement pour l’exportation des produits de l’industrie cotonnière : fr. 40,000 »

« Art. 4. Frais de statistique joints aux frais divers : fr. 45.500 »

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) déclare se rallier à la proposition de la section centrale.

M. Verhaegen. - Messieurs, quand nous nous sommes occupés du budget des affaires étrangères, j’ai demandé comment il se faisait que, lorsque nous avons un chargé d’affaires au Brésil, un négociant qui était allé dans ce pays pour ses affaires personnelles, y était resté à grands frais pour le compte du gouvernement. On m’a répondu alors que quelques avances avaient été faites à ce négociant, mais que cet objet concernait le budget de l’intérieur. Depuis, j’ai demandé des renseignements, comme j’en avais le droit, à la cour des comptes ; il m’a été répondu, quant aux allocations accordées en 1840, mais on n’a rien pu me dire relativement aux années 1841 et 1842, attendu que les pièces concernant ces exercices ne sont pas encore envoyées à la cour des comptes. Je voudrais bien savoir de M. le ministre de l’intérieur ce que ce négociant, qui est allé au Brésil pour ses affaires particulières, a touché sur les fonds du gouvernement. Puisqu’il s’agit de faire des économies, je crois que nous devrions bien savoir quelles sont les sommes qui ont été consacrées à cet objet qui constitue réellement un double emploi. Je n’ai pu obtenir de résultat à cet égard dans la discussion du budget des affaires étrangères ; on m’a renvoyé alors au budget de l’intérieur. Je crois donc que c’est maintenant le moment de demander des explications sur ce point.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je saisis avec empressement, messieurs, l’occasion qui m’est offerte de revenir sur ce fait, parce que les réflexions que j’ai présentées de mémoire, il y a quelques jours, avaient, par rapport à la personne qui est ici en cause, une portée qu’elles ne devaient pas avoir.

Un négociant liégeois s’est rendu au Brésil ; il a d’abord spontanément envoyé au gouvernement des renseignements et des échantillons ; le gouvernement les a reçus et en a fait son profit ; il a engagé ce négociant à continuer les envois et celui-ci l’a fait. Le ministère de l’intérieur lui a alloué de ce chef deux indemnités, l’une de 200 francs, l’autre de 500 francs. (On rit.) Il a dû, entre autres, acheter un grand nombre d’échantillons, et les deux sommes que je viens de citer sont tout ce qu’il a reçu de ce département pour ses renseignements, ses échantillons et les rapports qu’il a faits. Une fois, même, il a dû faire un voyage dans l’intérieur du pays pour obtenir certains renseignements ; il a obtenu une indemnité de 2,500 francs du département des affaires étrangères, exercice 1840.

Mais voici, messieurs, une autre affaire dont il a été question et sur laquelle l’honorable M. Verhaegen a des renseignements incomplets. Ce négociant avait projeté l’établissement à Rio-Janeiro d’une factorerie belge ; il s’est adressé au ministère de l’intérieur et a demandé comme encouragement pendant un certain nombre d’années une somme annuelle de 12,000 fr. Cette proposition était vivement appuyée par la chambre de commerce de Liége ; je ne l’ai pas accueillie, pour deux motifs : le premier c’est qu’il eût été difficile de trouver pendant un certain nombre d’années sur le budget de l’intérieur une somme de 12,000 fr. ; le deuxième motif était que déjà d’autres négociants avaient formé des relations avec le Brésil et que je craignais jusqu’à un certain point de placer celui dont il s’agit dans une position privilégiée. J’ai donc refusé la proposition au grand regret de la chambre de commerce de Liége dont certainement on ne suspectera pas les membres. Je désire que cette explication soit jugée suffisante par l’assemblée, y compris l’honorable M. Verhaegen.

M. Verhaegen. - Messieurs, si nos renseignements sont incomplets, c’est à M. le ministre de l’intérieur que je m’adresse pour qu’il veuille bien les compléter, et je crois que l’interpellation que je lui ai faite est tout à fait dans les convenances parlementaires.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Je n’ai pas dit le contraire.

M. Verhaegen. - On nous dit, messieurs, qu’un négociant est allé au Brésil pour des affaires particulières, et qu’étant là il a envoyé spontanément au gouvernement des renseignements et des échantillons, et l’on ajoute que le gouvernement lui a payé pour cela deux indemnités, l’une de 200, l’autre de 500 francs ; c’est fort peu de chose et l’hilarité que l’énonciation de ces chiffres a provoquée n’était pas nécessaire, car souvent de petites causes produisent de grands effets. On commence par donner une bagatelle et l’on finit par des sommes considérables, Ce n’est pas à la somme de 200 ou de 500 francs que j’attache de l’importance ; s’il n’y avait que cela, je ne m’en occuperais pas davantage ; mais, ainsi que cela arrive souvent, le négociant qui a reçu 200 francs, puis 500 francs, a voulu faire une spéculation en grand sur le trésor public, au moins dans mon opinion et d’après les renseignements que j’ai reçus. M. le ministre de l’intérieur dit que ce négociant voulait établir une factorerie belge à Rio-Janeiro et qu’il ne demandait ni plus ni moins que 12,000 francs par an pendant un certain nombre d’années ; M. le ministre a ajouté que cette proposition était vivement appuyée par la chambre de commerce de Liége, comme si l’appui de la chambre de commerce de Liége était un motif suffisant pour accorder à un négociant 12,000 francs par an. M. le ministre a refusé, et je pense qu’il a bien fait et jusque-là nous sommes parfaitement d’accord.

Mais ce n’est pas tout ; quoique M. le ministre ait refusé le subside de 12,000 fr., l’on n’en a pas moins dû convenir, dans la discussion du budget des affaires étrangères, que certaines sommes avaient été payées à ce négociant. Maintenant je dois dire à M. le ministre de l’intérieur que, d’après les renseignements que j’ai reçus à la cour des comptes, il a été payé de ce chef, sur l’exercice 1840, une somme de 2,500 fr. Ce n’est donc pas seulement 200 ou 500 fr. ; mais, en outre, 2,500 fr. qui ont été accordés, quoique l’offre relative à l’établissement d’une factorerie n’ait pas été acceptée. On m’a dit qu’on ne pouvait pas me donner des renseignements sur les exercices de 1841 et de 1842, et c’est à cet égard que je demande des explications à M. le ministre de l’intérieur ; je dois croire que, si l’on a donné à ce négociant 2,500 fr. sur 1840, on lui a encore donné certaines sommes sur les exercices suivants ; je dois d’autant plus le croire, que le négociant dont il s’agit est encore au Brésil, et qu’il n’y est plus pour des affaires personnelles.

Je n’ai pas à m’occuper de la question de savoir si l’on a d’autres motifs que l’intérêt du commerce pour favoriser cet individu, mais ce que je désire savoir (et à cet égard je crois que M. le ministre ne peut pas me refuser des éclaircissements), ce que je désire connaître, ce sont les sommes qui lui ont été payées en 1841 et en 1842. M. le ministre ne m’a pas répondu sur ce point ; je désire cependant compléter les renseignements que j’ai reçus par les réponses que M. le ministre de l’intérieur voudra bien me faire ; quant à ceux de mes collègues qui ont trouvé extraordinaire ce que je faisais des observations lorsque l’on disait qu’il ne s’agissait que de 200 et de 500 fr., j’espère qu’ils voudront bien reconnaître, eux qui demandent des économie, que mes remarques n’étaient pas de nature à exciter leur hilarité et que je n’ai fait que ce que mon devoir m’ordonnait de faire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable préopinant a d’abord dit que le négociant a reçu du ministère de l’intérieur, en 1840, une somme de 2,500 francs ; il a demandé alors ce qu’il avait reçu du département de l’intérieur, et je lui ai répondu qu’il lui avait été payé deux sommes, l’une de 200 et l’autre de 500 francs. C’est là tout ce que ce négociant a reçu, d’après une note que j’ai fait faite dans les bureaux et que je crois exacte. Je regarde ces indemnités comme n’étant pas exorbitantes. Tous ceux qui ont pris connaissance des renseignements fournis par ce négociant, ont reconnu que ses rapports offraient le plus grand intérêt.

Il a existé un autre projet, celui de l’établissement à Rio-Janeiro d’une factorerie belge ; ce négociant avait fait à cet égard une proposition que le gouvernement n’a pas accueillie, bien qu’elle fût appuyée entre autres par la chambre de commerce de Liége.

Maintenant, messieurs, j’ignore pourquoi l’honorable préopinant saisit cette occasion pour jeter une espèce de blâme sur ce négociant. C’est spontanément qu’il a offert des renseignements ; le gouvernement lui a accordé une indemnité parce qu’il a cru que cela était juste.

Quant à moi, messieurs, j’ai regretté de devoir me montrer si peu généreux, de ne savoir accorder que 200 francs et ensuite 500 francs. Quant à la factorerie, j’ai dit pourquoi j’ai refusé cette proposition qui m’était faite à cet égard, c’est que déjà d’autres négociants avaient établi des relations avec le Brésil et que je craignais de mettre la personne dont il s’agit dans une position privilégiée ; c’est encore que la somme de 12,000 francs me paraissait fort considérable, non pas relativement à l’objet lui-même mais eu égard aux allocations du budget.

Je dois donc protester contre toutes les inductions défavorables contre ce négociant, que l’on pourrait tirer des paroles de l’honorable M. Verhaegen et qui, du reste, n’entraient pas, je crois, dans ses intentions.

M. Verhaegen. - Je n’ai certes pas voulu qu’on tirât de mes paroles une induction défavorable quelconque contre le négociant dont il s’agit et que je ne connais pas même ; mais j’ai insisté contre le double emploi que j’ai signalé, et c’est ce que je ferai chaque fois que l’occasion s’en présentera.

Nous avons un chargé d’affaires au Brésil, ce chargé d’affaires est capable ou il ne l’est pas ; s’il est capable, il ne faut pas lui adjoindre un agent extraordinaire ; s’il n’est pas capable, il faut le remplacer. Dans tons les cas, lorsqu’on paie un chargé d’affaires, on ne doit pas payer en outre un négociant pour remplir la mission du chargé d’affaires.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Il n’y a pas, messieurs, de double emploi, il s’agit d’une chose fort simple ; de la même manière le département de l’intérieur a eu très longtemps en Espagne un particulier belge qui y recueillait des renseignements et des échantillons, quoiqu’il y eut un chargé d’affaires à Madrid. Je ne vois pas là un double emploi ; je crois, au contraire qu’il est fort sage d’avoir dans telle ou telle circonstance des agents temporaires dans certains pays.

M. Lebeau. - Je regrette l’absence de M. le ministre des affaires étrangères ; il aurait pu nous donner des renseignements plus précis sur le fait auquel l’honorable M. Verhaegen a fait allusion. Cependant, si j’interroge mes souvenirs, je crois que c’est sous mon administration que la première indemnité a été accordée au négociant dont a parlé M. Verhaegen, et je suis bien loin de vouloir en décliner la responsabilité ; car je pense que c’est un fait dont le département des affaires étrangères peut, à bon droit, s’applaudir.

Si ma mémoire est fidèle, une indemnité a été accordée à ce négociant pour un voyage d’exploration dans quelques-unes des localités les plus importantes du Brésil ; ce voyage n’était pas amené par ses affaires ; en effet, ses affaites ne l’appelaient qu’à Rio, où une maison, avec laquelle il était en relation, avait jusqu’à un certain point, paraît-il, manqué à l’attente de ses commettants et obligé ce négociant à se rendre sur les lieux ; il a cru qu’il pouvait faire une chose utile au commerce de notre pays, en entreprenant un voyage d’exploration ; mais dans ce pays où les moyens de communication n’abondent pas, ces voyages sont très coûteux. D’après les renseignements qui m’avaient été fournis, je n’ai pas hésité à croire que cette mission pouvait être plus utilement confiée à un homme spécial, à un négociant fort habile qu’à un chargé d’affaires, qui est surtout un agent politique ; et que le négociant auquel on a fait allusion avait plus que personne les connaissances nécessaires pour faire utilement un pareil voyage. Je crois avoir agi avec beaucoup de parcimonie, en lui accordant une indemnité de 2,500 fr.

J’ajouterai que les renseignements qui ont été le résultat de cette exploration, ont été accueillis avec une faveur marquée par le commerce ; et que c’est de la part même de ceux qui, dans d’autres circonstances, s’étaient montrés les adversaires politiques de ce négociant, qu’est venue cette proposition dont M. le ministre de l’intérieur a rendu compte. On a reconnu ainsi la haute utilité des renseignements qui avaient été fournis, et on a été unanime pour engager le gouvernement à utiliser sur une plus grande échelle les connaissances de ce négociant.

Quant au double emploi dont on a parlé, il n’est qu’apparent, car si j’avais trouvé dans le chargé d’affaires, homme très capable d’ailleurs, les mêmes connaissances spéciales que dans ce négociant qui se trouvait momentanément sur les lieux, je n’aurais pas hésité à confier une mission de cette nature au chargé d’affaires ; mais, dans ce cas, notre agent politique aurait dû recevoir une indemnité beaucoup plus considérable : car vous auriez dû payer les frais de route et de séjour du chargé d’affaires d’après le tarif en vigueur, et la somme à laquelle il aurait eu droit, en vertu de ce tarif, aurait été bien supérieure, je le répète, à celle que l’on a accordée au négociant dont il est question.

M. Osy. - Je regrette que M. le ministre des affaires étrangères ne soit pas présent ; je lui aurais demandé pourquoi le gouvernement belge n’a pas encore nommé un consul à Amsterdam. Il y a 3 ans qu’un traité de paix est signé avec la Hollande ; le gouvernement hollandais a nommé un consul à Anvers, à Ostende et à Gand et jusqu’ici, dans la ville la plus importante de la Hollande, il n’existe pas de consul belge, et cependant cet agent y rendrait d’utiles services à notre commerce et à notre navigation.

Je prierai M. le ministre de l’intérieur, en l’absence de son collègue, de vouloir bien s’expliquer à cet égard.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, le gouvernement a nommé plusieurs consuls en Hollande. Il est vrai que celui d’Amsterdam n’est pas encore nommé ; je crois savoir que le département des affaires étrangères a reçu un grand nombre de demandes et qu’il les examine. Le gouvernement désire qu’il puisse être pourvu le plus tôt possible à ce poste dont il reconnaît toute l’importance. Je ne pense pas que M. le ministre des affaires étrangères eût pu donner d’autres renseignements.

Messieurs, je crois que les observations que vient de présenter l’honorable M. Lebeau dissiperont tous les doutes que vous auriez pu avoir sur la question toute personnelle que l’honorable M. Verhaegen a soulevée ; je crois qu’on pourrait établir que le négociant dont il s’agit a fait des voyages à l’intérieur du Brésil sur notre demande, qu’il nous a envoyé des échantillons et des rapports, et que de ces divers chefs, il n’a touché que 2,500 fr. sur le budget du département des affaires étrangères, et 700 fr. sur le budget de l’intérieur.

M. Verhaegen. - Pas davantage !

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - S’il avait reçu davantage, je le dirais : J’ai sous les yeux une note que je dois croire exacte ; eh bien, d’après cette note, il a touché d’une part 2,500 fr. et de l’autre 700 fr.

Mais, messieurs, non seulement je prétends qu’il n’y a pas lieu de blâmer ce négociant, mais je dis qu’il a agi avec une rare générosité, et qu’on pourrait établir que les dépenses de son voyage à l’intérieur du Brésil, ainsi que des échantillons qu’il a dû acheter, ont excédé la somme de 3,200 fr. qu’il a touchée. C’est une conviction que je tiens à faire partager à la chambre : ce négociant s’est montré aussi actif que généreux ; l’utilité des renseignements qu’il a fournis a été appréciée par tout le monde, et l’on a même regretté que le gouvernement ne pût faire davantage pour lui.

- La clôture de la discussion générale sur le chap. XV est prononcée. La chambre passe aux articles.

Articles 1 à 3

« Art. 1er. Ecoles de navigation : fr. 16,000 »


« Art. 2. Chambres de commerce : fr. 12,000 »


« Art. 3. Portion imputable sur l’exercice 1843 de la garantie accordée par le gouvernement pour l’exportation des produits de l’industrie cotonnière : fr. 70,000 »

- Ces trois articles sont successivement adoptés sans discussion.

Article 4

« Art. 4. Frais de statistique joints aux frais divers : fr. 45,500 »

M. Rogier. - Messieurs, je suis grand partisan de tous les renseignements statistiques et autres qui sont communiqués au pays par l’intervention du gouvernement ; je ne puis qu’engager le gouvernement à être aussi prodigue que possible de ces renseignements. Mais je trouve que les dépenses faites pour la statistique du royaume sont très considérables ; d’après le relevé qui se trouve dans le rapport de la section centrale, près de cent mille fr. sont annuellement consacrés à la statistique. Or, cela paraît hors de toute mesure. La statistique générale absorbe 25 mille fr., la statistique industrielle et agricole coûte 33 mille fr., et enfin la statistique commerciale (au département des finances) donnerait lieu à une dépense de 41 mille fr. ; en tout 99 mille fr., d’après le calcul de la section centrale. Je crois, messieurs, que cette somme vous paraîtra, comme à moi, exorbitante.

Un arrêté royal pris en 1841, a institué une commission centrale de statistique au département de l’intérieur. Cette commission a pour but de mettre de l’ordre et de l’unité dans les travaux statistiques publiés par les divers départements. Le but assigné aux travaux de la commission est donc tout à fait louable et ne peut être qu’utile.

Plusieurs départements ont publié des documents statistiques ; il y a eu souvent de doubles emplois. C’est ainsi que, pendant que le département de l’intérieur publiait une statistique commerciale, le département des finances en publiait une de son côté, à peu près avec le même titre. La commission centrale de statistique a eu aussi pour but de faire cesser ces doubles emplois. Je ne conçois pas dès lors qu’une somme de 100,000 francs soit encore nécessaire pour la publication de ces documents.

J’appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur les observations que la section centrale a consignées dans son rapport.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, je crois avec l’honorable préopinant qu’il faut, non pas restreindre les publications que fait le gouvernement, mais faire en sorte qu’elles soient mieux coordonnées et qu’il n’y ait pas double emploi. C’est pour atteindre ce but, que mon honorable prédécesseur a institué un bureau de statistique générale.

Le département de l’intérieur publiait seul la statistique commerciale ; mais comme cette statistique rentre plus spécialement dans les attributions du département des finances, c’est ce département qui se chargera de publier désormais la statistique purement commerciale. Reste la statistique industrielle.

Cette statistique n’existe pas encore et je pense qu’elle aurait été d’une haute importance pour une discussion prochaine. Si une pareille statistique avait été faite, nous pourrions savoir quelle est l’importance des raffineries de sucre, quel est le nombre des raffineries de sucre indigène, et des raffineries de sucre exotique. Le gouvernement serait en ce moment très embarrassé pour vous donner des renseignements satisfaisants à cet égard, et cependant il sera très souvent question de ces points dans la discussion que nous aurons prochainement.

M. Rogier. - J’apprends qu’il est question de publier, indépendamment de la statistique commerciale qui serait dans les attributions du département des finances, une statistique industrielle dont le département de l’intérieur se réserverait la publication. Cela ne justifie pas, me semble-t-il, la somme énorme de 100,000 fr. qu’on demande pour cette branche du service.

Je demanderai à M. le ministre de l’intérieur si les documents relatifs à la statistique industrielle seront dans un autre format que celui de la statistique commerciale. Ce format, d’une dimension énorme, est très gênant pour les recherches ; le format de la statistique publiée par le département des finances est beaucoup plus convenable ; on recule devant les recherches, quand on doit les faire dans d’aussi énormes volumes. Je les ai critiqués sous ce rapport et loués sous d’autres dans des ouvrages français. Je suppose au reste que la commission centrale de statistique aura été frappée de l’inconvénient que je signale.

Je demande que tous les documents statistiques se coordonnent, non pas seulement au point de vue scientifique, mais aussi au point de vue matériel, pour qu’on puisse au besoin les faire relier ensemble.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - Le format de la statistique industrielle n’aura pas l’ancien format atlantique (on rit) ; on adoptera le format in-4° plus maniable des publications faites par le département des finances.

- Personne ne demandant plus la parole, le chiffre de 45,000 fr. porté à l’article 4 pour frais de statistique, est mis aux voix et adopté.

Articles 5 et 6

« Art. 2 qui devient l’art. 5 : Encouragements pour la navigation à vapeur, entre les ports belges et ceux d’Europe, ainsi que pour la navigation à voiles, sans que, dans l’un ou l’autre cas, les engagements puissent obliger l’Etat au-delà du crédit alloué pour l’année 1843, et sans que les subsides puissent excéder 40 mille francs par service : fr. 100,000 »


« Art. 6. Primes pour construction de navires : fr. 55,000 »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Article 7

« Art. 7. Pêche nationale : fr. 90,000 »

M. Mast de Vries. - Je prends la parole pour demander quelques renseignements sur l’augmentation de 10 mille fr. que présente cet article. Les motifs donnés par le gouvernement à cette augmentation ne me paraissent pas satisfaisants. Le nombre des bateaux de pêche s’est augmenté par suite de la loi qui fait à la pêche des conditions tellement favorables, qu’elle a quadruplé et même quintuplé. Les facilités du chemin de fer et le bas prix du transport des poissons font que les armements de pêche augmentent dans une très grande proportion. Le subside qui vous est demandé n’est plus destiné à être partagé proportionnellement entre les pêcheurs, comme cela se faisait avant. M. le ministre vous demande une augmentation pour leur payer la prime intégralement. Les conditions de la pêche ayant été rendues beaucoup plus favorables, les armements augmenteront d’année en année, et on vous demandera des sommes de plus en plus considérables, au fur et à mesure que les affaires de la pêche s’amélioreront.

Je suis partisan de la pêche, j’en ai donné des preuves ; mais aujourd’hui je pense qu’il convient de fixer à 80 mille fr. la somme destinée à lui accorder des primes et de s’arrêter là. Les armements nous fournissent de la morue pour notre consommation, c’est tout ce que nous pouvons demander.

Vous remarquerez que tout a été fait dans l’intérêt de la pêche nationale, que toutes les conditions onéreuses ont été levées. Si vous augmentez l’allocation pour l’encourager l’année prochaine, vous devez vous attendre à de nouveaux armements encore et par suite à de nouvelles augmentations de dépense.

Je demanderai à M. le ministre, si nous ne pourrions pas nous en tenir au chiffre de 80 mille francs de l’année dernière ou du moins si c’est la dernière augmentation qu’on nous propose.

M. Donny. - Un des motifs de l’augmentation d’allocation demandée pour la pêche, est que la pêche d’hiver, à laquelle on accorde depuis peu d’années une prime plus forte, a pris de l’extension.

J’ai beaucoup applaudi à l’idée du gouvernement, d’accorder à cette branche spéciale d’industrie une prime plus forte qu’à la pèche d’été : d’abord parce que les produits d’hiver sont incomparablement meilleurs, par la double raison qu’à cette saison le poisson est d’excellente qualité et que, pour conserver ce poisson-là, on peut se dispenser d’employer autant de sel que dans le temps des chaleurs, circonstance qui augmente singulièrement la qualité du poisson d’hiver. Ensuite, la pêche d’hiver est accompagnée de beaucoup plus de danger et de fatigues pour les équipages et exposée à beaucoup plus d’avaries pour le navire et le matériel de pêche ; à tel point que tandis qu’on voit au-delà de cent chaloupes partir en été, on n’en voit qu’un très petit nombre se livrer à la pêche en hiver. L’idée de M. le ministre de diminuer la prime accordée à la pêche d’été et d’augmenter celle de la pêche d’hiver a donc été une idée heureuse, et elle a produit d’heureux résultats car cette pêche qui aurait été abandonnée vient de reprendre quelque extension. Il s’agit maintenant de favoriser cette extension, et c’est pour ce motif que le gouvernement a demandé une augmentation d’allocation. Je pense qu’il y a lieu de la voter, et j’espère que la chambre la votera.

M. Eloy de Burdinne. - Il est vraiment étonnant de voir comment nous marchons. Nous devons être justes envers tout le monde. Si vous donnez des primes à une industrie, toutes les autres industries du pays ont le droit de venir vous en demander. Nous devons sans doute protection à toutes les industries de notre pays, mais n’avons-nous pas d’autre moyen de les protéger que de leur accorder des primes ? Selon moi, le moyen le plus sûr d’encourager l’industrie, c’est de lui garantir le marché intérieur. La loi est faite, dit-on ; c’est une calamité que des lois semblables. Il en résultera que, de toutes parts, les industries du pays qui ne se marchent pas bien, viendront demander des primes ; et si vous voulez être justes, vous ne pourrez pas les refuser. Quant à moi qui n’ai pas voté la loi qu’on veut renforcer, je voterai contre l’augmentation proposée.

Dans l’article précédent, vous accordez 70 mille fr. pour favoriser l’industrie cotonnière. J’avais cru qu’on discuterait cet article par littera, et je me proposais de prendre la parole pour demander à M. le ministre ou aux personnes qui ont des connaissances en industrie cotonnière, si ces encouragements ont amené de grands avantages. Si mes rapports sont exacts, ces subsides n’ont eu aucun résultat avantageux pour les industries auxquelles on les a accordés.

Je l’ai dit plusieurs fois dans cette enceinte, et je le répéterai à satiété, nous n’avons qu’un seul moyen de favoriser notre industrie, c’est de lui assurer le marché intérieur. Chercher des débouchés ailleurs, c’est perdre notre argent et nos peines. Si des débouchés existent à l’étranger, nos voisins les Anglais, qui ont si grand besoin d’écouler l’excédant de leurs produits, les trouveront avant nous ; et si nous voulons leur disputer les marchés dont ils sont en possession, nous entrons dans des voies désastreuses qui nous conduiront à la ruine. Nous n’assurons pas à notre industrie le marché intérieur et nous consommons trop de produits étrangers.

Je reviendrai sur ce point lors de la discussion du budget des finances.

M. Rodenbach. - Je suis de l’opinion de l’honorable préopinant, qu’il faut assurer à notre industrie le marché intérieur. Mais en attendant que nous puissions lui assurer le marché intérieur, il faut accorder une certaine protection à quelques branches de commerce. C’est ce qu’on fait en France où, indépendamment du marché intérieur, on accorde des primes à quelques industries, à l’industrie des draps et quelques autres. C’est pourtant en combinant ces divers moyens de protection que l’industrie et le commerce sont dans un état florissant en France.

En attendant que nous nous assurions le marché extérieur, non ne devons pas dédaigner les autres moyens qu’on emploie en France.

Quand j’ai pris la parole, ce n’était pas pour parler de l’industrie en général, mais de la pêche. La pêche, dit-on, est prospère en Belgique, c’est une moisson d’or. On se trompe ; il y a encore de la misère dans nos ports de mer et surtout parmi les individus qui se livrent à la pêche.

Il y aurait peut-être quelque chose d’autre à faire que d’accorder des primes. Le poisson dans les ports de mer se vend à très bon marché. Mais par suite des droits d’octroi de minque et autres frais le poisson augmente de 30 à 40 p. c. avant d’arriver au consommateur. A l’octroi de Bruxelles, le poisson paie 21 p. c. Le poisson pris dans les ports d’Anvers et d’Ostende n’est pas cher, mais il devient très cher quand il arrive dans les villes, à cause des règlements et des impôts locaux que j’engage le gouvernement à faire changer. Il en résulte qu’on en vend peu. Je prie M. le ministre de vouloir bien avoir égard à mes observations.

M. de Muelenaere. - Messieurs, il ne faut pas perdre de vue que la pêche est une industrie toute spéciale. Si vous voulez la faire prospérer en Belgique, il faut suivre l’exemple des autres peuples qui ont une pêche nationale. Chez ces peuples la pêche reçoit des encouragements. C’est dans ce but que vous avez institué de primes à l’imitation de la France, de l’Amérique, de la Hollande et de tous les peuples maritimes qui se livrent à la pêche.

Je ferai remarquer que l’allocation de l’année précédente était de 80 mille francs. L’augmentation est donc de 10 mille francs, puisqu’on propose d’allouer une somme de 90,000 fr au budget de l’exercice de 1843. Un honorable membre a paru croire que le gouvernement avait l’intention d’augmenter les primes qu’on accorde actuellement à la pêche et que cette augmentation était provoquée par l’extension que prend la pêche nationale. Ce n’est pas là le seul motif de l’augmentation de subside réclamée par le gouvernement, ce n’est pas même le motif principal. Le motif principal de cette augmentation de 10,000 francs est d’encourager une nouvelle branche de cette industrie, l’exportation des morues séchées.

J’ai sous les yeux une lettre relative à cet objet particulier. Je prie la chambre de vouloir bien me permettre de lui en donner lecture ; la voici :

« Ostende, 30 novembre 1842.

« La pêche, cette industrie vitale d’Ostende, dont l’existence exerce non seulement une heureuse influence sur notre pays, s’est sensiblement accrue depuis 1830. Le port d’Ostende, qui à cette dernière époque comptait à peine 45 bateaux, a vu prendre de l’extension à ses armements, au fur et à mesure des protections accordées par le gouvernement, et aujourd’hui, nous comptons plus de 100 corvettes se livrant à toutes les espèces de pêche.

« Aujourd’hui notre production, en fait de morue, dépasse déjà les besoins de la consommation. Pendant le courant de l’été, les importations se succèdent avec rapidité, et bientôt le marché se trouve fourni, beaucoup au-delà des besoins, précisément, au moment où les fortes chaleurs s’opposent à la conservation de la morue, et où les marchands ne s’approvisionnent que tout au plus pour 15 jours ; la dépréciation de la marchandise et le découragement des équipages en sont les conséquences naturelles.

« C’est sous l’impression de ces fâcheuses conséquences que l’idée nous est venue d’imiter les Anglais, les Français et les Américains. Nous avons pensé que l’établissement de séchoirs où l’on préparerait la morue pour les expéditions d’outre-mer, aurait le double avantage d’augmenter encore considérablement le nombre de nos corvettes de pèche, et de débarrasser le marché du trop-plein. Les renseignements que nous avons puisés à l’étranger, nous garantissent l’écoulement de ce nouveau produit. Le Portugal, l’Espagne, toute l’Italie et la plus grande partie de l’Amérique méridionale, consomment aujourd’hui des masses de morue sèche, et rien ne paraît s’opposer à ce que la Belgique fournisse sa quote-part à ces divers pays de consommation et surtout à l’Italie, à l’Espagne et au Portugal, qui reçoivent aujourd’hui leur morue sèche de la France et de l’Angleterre. La chose nous paraît d’autant plus praticable, que nous envoyons régulièrement des bâtiments dans ces pays pour y prendre des cargaisons de sel ou de fruits. Les moyens de transport ne nous manqueraient donc pas, puisque aujourd’hui nous y expédions nos navires en lest. L’établissement de séchoirs aurait donc encore un avantage, celui d’utiliser nos navires en destination des pays précités.

« Conformément à ce nous avons eu l’honneur de vous dire, nous nous sommes rendus à Dunkerque dans le but d’examiner, des tous leurs détails, les établissements similaires à celui que nous projetons, et nous avons acquis la conviction, que tout ce que l’on y pratique est praticable ici, pour autant toutefois que le gouvernement accorde à l’exportation de la morue sèche (dite Bakeljows) les mêmes avantages que ceux que le gouvernement français accorde à ses expéditeurs. »

Vous voyez que cette augmentation de primes est nécessaire pour implanter en quelque sorte dans le pays une industrie nouvelle : l’exportation de la morue sèche. Cela est d’autant plus vrai qu’il résulte du rapport de la section centrale que lorsque la somme allouée par le budget est insuffisante pour payer la totalité des primes, elles sont réduites au marc le franc. La section centrale le dit explicitement ; voici son rapport.

« Il est fâcheux que l’insuffisance du crédit de l’année 1842 n’ait pas permis d’accorder intégralement sa prime à chaque armateur ; mais, pour faire faire les scrupules de la 4ème section (cette section avait pensé que l’augmentation avait pour but d’augmenter les primes ou d’accroître démesurément le nombre des bateaux de pêche), il faut remarquer que le troisième paragraphe du chap. IlI du règlement du 27 février 1840 porte expressément qu’en cas d’insuffisance de l’allocation, son montant sera partagé entre tous les ayants droit.

En effet, chaque fois que le montant de l’allocation n’est pas assez élevé pour que chaque armateur reçoive la prime à laquelle il a droit, il se fait entre tous les intéressés un partage égal de l’allocation au marc le franc. Comme il s’agit d’une industrie entièrement nouvelle, qui peut influer d’une manière extrêmement favorable non seulement sur la pêche même, mais encore sur nos exportations, sur la navigation du pays, je pense que la chambre ne fera aucune difficulté d’allouer l’augmentation de crédit demandée de ce chef.

M. Manilius. - Lorsque j’ai demandé la parole, ce n’était pas pour la pêche, mais pour répondre à l’observation de l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui vient de dire que 70,000 francs demandés au budget de cette année sont une faveur spéciale pour l’industrie cotonnière. Je crois m’en être suffisamment expliqué l’année dernière ; c’est la suite d’une convention que le gouvernement a faite exclusivement dans son propre intérêt. L’honorable M. de Theux l’a suffisamment démontré l’an dernier. Je dirai à cette occasion que l’industrie cotonnière ne demande pas ces primes ; elle ne demande que des lois protectrices comme celles qui existent dans les pays où l’on veut réellement protéger l’industrie.

M. Donny. - L’honorable M. Eloy de Burdinne s’est montré hostile non seulement à la majoration de 40,000 fr., mais encore à l’allocation de toute espèce de prime. Pourquoi ? Parce que, dit-il, le système des primes ne produit aucun résultat.

Je ferai d’abord remarquer que l’honorable membre fait ainsi le procès aux allocations que la chambre a accordées chaque année. Je dirai ensuite qu’il s’est trompé étrangement, lorsqu’il a prétendu que le système des primes n’a produit aucun résultat utile au pays. On vous l’a déjà dit, en 1830, la grande pêche de la morue n’existait pour ainsi dire pas en Belgique. Nous avions un certain nombre de bateaux qui s’adonnaient à la petite pêche et à peine 5 ou 6 chaloupes en état de s’occuper de la pêche de la morue. Depuis lors, grâce aux encouragements de la législature et du gouvernement, la grande pêche s’est organisée sur une large échelle, à tel point que son développement excite, vous le savez tous, les plaintes les plus amères chez nos voisins.

L’intérêt que la chambre a toujours témoigné pour la pêche est très facile à justifier.

D’abord, la pèche est, pour ainsi dire, la seule industrie, le seul moyen d’existence des habitants du littoral,

Ensuite, le commerce maritime trouve dans la pêche une pépinière d’excellents matelots qu’elle ne peut trouver que là.

Enfin la pêche est une industrie qui enrichit le pays, lorsqu’elle se fait sur une grande échelle. Sur ce point, il n’y a qu’une voix, qu’une opinion dans tous les pays maritimes. La pêche consomme le bois de nos forêts, le fer de nos usines, les toiles, les étoupes les cordages de nos fileuses, de nos tisserands, de nos cordiers. En retour, elle verse annuellement dans la consommation une grande quantité de poisson frais, et de plus 15 à 16 mille tonnes de morue, que le consommateur achète à bas prix, et souvent même à vil prix. La pêche enrichit donc le pays, non seulement par les produits qu’elle rapporte, mais encore par ceux qu’elle consomme.

L’honorable M. Mast de Vries semble craindre que la pêche ne prenne un trop grand développement, et que l’année prochaine on ne donne par suite une plus grande extension de primes.

Cette prospérité que l’honorable membre se figure exister, et qui devrait amener un nouveau développement, n’existe pas en réalité. Les chambres ont fait beaucoup pour la pêche, je suis le premier à le reconnaître. Mais ce serait une erreur de croire que, par suite des dispositions existantes, la pêche est déjà dans un état de prospérité. Voici pourquoi : Le consommateur paye ordinairement fort cher le poisson qu’il achète.

Mais il n’y a qu’une petite partie de ce prix qui passe dans les mains de l’armateur et du pêcheur. D’abord une partie du prix est absorbée par les frais de transport. Mais ce n’est là qu’une bagatelle en comparaison de ce que prélèvent ensuite les régences des villes. Ces régences imposent sur le poisson des droits d’octroi exorbitants. Non contentes de ce premier impôt, elles font peser sur le poisson, quand il arrive au marché, d’autres droits encore, sous le nom de droit de minque, ou sous quelque qualification analogue.

Ce n’est pas tout ; les régences louent aux marchands de poisson les stales de leurs marchés à un prix très élevé, et en retour elles leur accordent le monopole de la vente. Les marchands exploitent naturellement ce monopole de la manière la plus large. Il suit de là que l’armateur et le pécheur ne reçoivent souvent pas le 5ème ou le 6ème, quelquefois même pas le 10ème prix payé par le consommateur. La pêche augmente considérablement les ressources des villes, elle enrichit les marchands de poisson ; elle ne produit que très peu de chose pour le véritable industriel qui l’exerce ; pour l’armateur, qui perd souvent une partie de son capital ; pour le pêcheur, qui souvent tombe dans la misère.

Aussi longtemps que ce régime existera, il sera impossible que la pêche se trouve dans un état de prospérité et puisse se passer de primes.

M. Mast de Vries. - Je veux, aussi bien que tout autre membre de cette chambre, accorder des encouragements à la pêche. Mais ce que j’ai dit reste entièrement vrai.

Qu’a-t-on demandé pour la pêche ? Messieurs, j’ai fait partie de la commission de la pêche et j’ai souvent entendu MM. les pêcheurs faire des doléances sur ce qu’ils n’avaient pas le marché intérieur, et demander qu’on leur accordât ce marché. Eh bien, vous savez si la loi que vous avez votée l’année dernière leur a donné ce marché. Il leur a été donné à tel point que des réclamations se sont élevées dans un pays voisin qui nous fournissait beaucoup de poisson. Aujourd’hui il n’entre plus du tout de poisson étranger en Belgique.

Ce n’est pas tout ; le chemin de fer donne à nos pêcheurs un autre marché d’une importance bien plus grande que le marché national. Il va leur permettre de transporter leur poisson sur la frontière d’Allemagne et même dans l’intérieur de ce pays.

Je suis encore partisan des primes à accorder à la pêche, mais je demande si nous allons nous arrêter, si on ne dépassera pas le chiffre de 90,000 fr. J’ai quelques craintes qu’il n’en soit pas ainsi, et ces craintes se sont encore augmentées après avoir entendu le discours de l’honorable comte de Muelenaere. Ce n’est pas, vous a-t-il dit, pour accorder de nouvelles primes qu’on a majoré le chiffre, c’est pour implanter une nouvelle industrie, l’exportation de la morue sèche. Ainsi, messieurs, nous avons accordé des primes pour l’importation de la morue et nous allons en accorder pour l’exportation de la morue. Je demande où ce système va nous conduire ?

Mais je sais qu’il y a des armateurs qui ne reçoivent qu’une partie de la prime ; la section centrale vous dit qu’il est regrettable que l’on ne donne pas la prime entière, et je crois qu’on a surtout proposé une majoration pour donner la prime entière à chaque bâtiment armant pour la pêche. Eh bien, si vous continuez ainsi, vous ne vous arrêterez pas ; cette année on vous demande 90,000 fr., l’année prochaine on vous demandera une allocation plus élevée encore. Je prie M. le ministre de nous dire si c’est la dernière fois qu’il demande une augmentation de crédit pour la pêche.

M. de Mérode. - Messieurs, je ne suis pas opposé aux primes pour la pêche. Mais je dois m’élever contre les plaintes que l’on fait continuellement entendre contre les octrois des villes. Car enfin, messieurs, les villes sont obligées d’avoir recours à toutes sortes de moyens pour équilibre leurs recettes avec leurs dépenses. On se plaint qu’elles mettent un impôt sur le poisson ; mais elles en mettent aussi sur la viande, sur le vin, sur une foule d’autres denrées, Et elles sont obligées de le faire. S’il y avait moyen d’éclairer, de paver, d’avoir des ressources contre les incendies, sans établir d’octroi, on pourrait supprimer tous ces droits dont on se plaint.

Voila plusieurs fois que j’entends attaquer les diverses ressources auxquelles les villes ont recours pour faire face à leurs dépenses. Je crois qu’il n’est pas à propos de les exciter ainsi a réduire tous les droits ; il en résultera qu’elles se trouveront ensuite engagées dans des dettes ; ce qui ne leur serait nullement avantageux.

M. Delehaye. - Je partage l’opinion de l’honorable comte de Mérode qu’il ne faut pas proclamer la nécessité de diminuer les octrois. Les villes, comme le gouvernement, ont des dépenses à faire. D’un autre côté je suis d’autant moins porté à engager à la diminution des octrois sur le poisson, que le poisson n’est pas la nourriture du pauvre.

Mais ce n’est pas sur ce point que j’ai demandé la parole ; je veux attirer l’attention du gouvernement sur un autre objet.

Nous accordons des primes pour favoriser l’industrie nationale, et c’est très bien ; mais il y a encore autre chose à faire en faveur de la pêche ; le gouvernement pourrait établir en Belgique ce qui se fait en Hollande. Dans ce dernier pays, on accorde la franchise des droits sur le sel employé à saler le poisson provenant de la pèche nationale. Dans la plupart des ports de la Hollande, il existe dans les entrepôts une grande quantité de sel dont les pêcheurs peuvent se servir, sans payer de droits, pour la salaison de la morue. En Belgique cette faculté n’existe pas.

Un membre. - C’est une erreur.

M. Delehaye. - Elle n’existe pas partout ; ainsi elle n’existe pas à Gand. La plupart des marchands de poisson de Gand ne peuvent lutter avec les Hollandais, parce qu’ils n’ont pas cette faculté dont jouissent ces derniers. Je voudrais donc que le gouvernement examinât s’il n’y a pas lieu d’accorder la franchise du droit pour le sel employé à la salaison du poisson. C’est une question fort importante pour nos marchands de poisson. Je crois qu’ils ont déjà attiré l’attention du gouvernement sur ce point ; mais jusqu’ici rien n’a été fait.

M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - L’honorable M. Mast de Vries m’a demandé si le gouvernement avait l’intention d’aller au-delà du crédit de 90,000 fr., pour primes à la pêche nationale. Je dois dire que cela n’entre pas dans nos intentions. Nous croyons que cette somme sera suffisante ; si elle ne l’était pas pour accorder la prime intégralement, la répartition en serait faite au marc le franc.

Je puis me référer aux explications qui ont été données par plusieurs députés des Flandres. Je dirai cependant un mot au sujet des octrois municipaux.

Certes je ne désapprouve pas l’existence des taxes municipales sur le poisson. Mais ce que je désapprouve beaucoup, ce sont certaines formalités tracassières que l’on devrait faire disparaître, qui s’opposent à la vente régulière du poisson, à la transmission directe en quelque sorte du poisson au consommateur. Récemment la ville d’Anvers a fait un nouveau règlement que j’ai eu soin de faire insérer dans le Moniteur, ce qui a pu étonner quelques personnes ; mais je voulais que ce règlement fût connu, que l’éveil fût donné à d’autres villes. Il y a lieu pour plusieurs d’entre elles à revoir les règlements, non pas seulement en ce qui concerne la taxe sur le poisson, mais encore et surtout en ce qui concerne les formalités pour la vente.

- Le chiffre de 90,000 francs est mis aux voix et adopté.


M. le ministre de l’intérieur (M. Nothomb) - J’ai quelques rectifications à faire au libellé des chapitres XVII et XVIII de mon budget ; pour faciliter la discussion, je demanderai que la chambre fasse imprimer ces rectifications.

- Ces rectifications seront imprimées et distribuées.

Projet de loi qui ouvre au ministère de la guerre un crédit provisoire de 4,000,000 de francs

Dépôt

M. le ministre de la guerre (M. de Liem) - Messieurs, comme il ne sera guère possible que la chambre puisse, avant la fin de l’année, discuter et voter le budget de la guerre pour 1843, le Roi m’a chargé de vous présenter un projet de loi ayant pour objet d’allouer un crédit provisoire de 4 millions de fr. afin d’assurer les divers services jusqu’au vote définitif de ce budget.

Je vous prie, messieurs, de vouloir bien soumettre à vos plus prochaines délibérations cet objet d’une urgence absolue. Voici le projet de loi :

« Art. 1er. Il est ouvert au ministère de la guerre un crédit provisoire de 4 millions de francs, applicable au paiement d’une partie des dépenses comprises au budget de 1843 »

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Il est donné acte à M. le ministre de la présentation de ce projet de loi ; il sera, ainsi que l’exposé des motifs, imprimé et distribué. La chambre en renvoie l’examen à la section centrale du budget de la guerre.

La séance est levée à 4 heures 3/4.