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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 8
décembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relative à l’impôt sur la
bière (Peeters)
2)
Projet de loi autorisant un transfert de crédit au budget de la
guerre pour l’exercice 1842
3) Projet de loi
portant le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1843
4) Projet de loi
relatif au remboursement des péages sur l’Escaut
5) Projet de loi
portant le budget de la dette publique et des dotations pour l’exercice 1843.
Discussion générale (gestion de la dette flottante, commission d’amortissement
de la dette publique, et/ou de consignations et dépôt, etc.) (Mercier (+caisses de retraite), Demonceau
(+comptabilité publique), Cogels). Discussion des
articles. (Gestions des fonds disponibles et amortissement et rachat de la
dette) (de Theux, Osy, Smits, Cogels, Mercier,
Demonceau, Mercier, Smits, Mercier, Smits,
Devaux, Demonceau, Devaux, Mercier, Cogels),
emprunt autorisé par la loi du 29 septembre 1842 (Smits, Rogier, Demonceau, Cogels, Smits, Rogier),
frais relatifs à l’émission d’un emprunt (Cogels)
6) Projet de loi
relatif à la pension de madame la veuve Thorn (David)
7) Projet de loi
portant le budget du département de la justice pour l’exercice 1843. Discussion
générale. (A : traitements des membres de l’ordre judiciaire ;
B : tribunaux de commerce ; C : conseils de fabrique
d’église ; D : code de discipline militaire et régime des prisons) ((Verhaegen, Van Volxem)
(A, B, C,D), (Malou, Verhaegen) (B), Van Volxem)
(Moniteur belge n°343, du 9 décembre 1842)
(Présidence
de M. Raikem)
M. de Renesse fait l’appel
nominal à 1 heure et quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal
de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.
M. de Renesse communique les
pièces de la correspondance :
« Les brasseurs de Tongres présentent des
observations contre les projets de loi tendant l’une à majorer les centimes
additionnels sur le principal de l’accise des bières, l’autre à modifier la loi
de 1822 sur les bières. »
« Mêmes
observations des brasseurs de Charleroy et des environs, de ceux de Moerseke, du canton d’Herenthals,
de la commune de Stavelot, des sieurs Van Sieleghem, Guestier et Heyvaert, et des
brasseurs des arrondissements de Malines et de Turnhout. »
M. Peeters. - Je demande le
renvoi de ces pétitions à la section centrale chargée d’examiner le projet de
loi sur les bières.
- Ce
renvoi est ordonné.
________________________
« Le
sieur Jean-Pierre Poppelsdorff,
négociant-commissionnaire se plaint d’être illégalement arrêté sous la
prévention d’escroquerie ou de tentative d’escroquerie. »
« Plusieurs
habitants de Solevoster demandent un subside pour la
reconstruction de leur église. »
«
Plusieurs habitants des hameaux de Xhavée, Souverain,
Wandre, Lamotte, Rabosée, Chefneux
et Priesvoie demandent que ces hameaux soient séparés
de la commune de Wandre et érigés en une commune distincte. »
- Renvoi
à la commission des pétitions.
________________________
« Il
est fait hommage à la chambre par M. Bivort d’un
exemplaire de son ouvrage : La loi
communale expliquée et interprétée.»
Dépôt à
la bibliothèque.
________________________
Par
dépêche en date du 7 décembre, M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) informe la chambre qu’un le Deum sera chanté
le 16 de cc mois dans l’église des SS. Michel et Gudule, à l’occasion de
l’anniversaire de la naissance du Roi, et que l’escorte d’usage sera mise à la
disposition de la chambre, si elle se propose d’y assister.
- La
chambre consultée décide qu’elle se rendra en corps à la cérémonie.
PROJET DE LOI AUTORISANT UN TRANSFERT DE CRÉDIT AU BUDGET DE LA GUERRE
POUR L’EXERCICE 1842
M. le ministre de la guerre (M. de Liem) présente
un projet de loi ayant pour but d’autoriser un transfert à son budget pour
l’exercice 1842.
- La
chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet de loi dont il
vient de donner communication, en ordonne l’impression et la distribution.
M. de Theux. - Je
propose de le renvoyer à la section centrale chargée d’examiner le budget de la
guerre.
- Ce
renvoi est ordonné.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DÉPARTEMENT DE L’INTÉRIEUR POUR
L’EXERCICE 1843
M. Dedecker dépose le rapport
de la section centrale qui a examiné le budget du département de l’intérieur
pour l’exercice 1843.
- Ce
rapport sera imprimé et distribué et la discussion est renvoyée après les
autres budgets à l’ordre du jour.
PROJET DE LOI RELATIF AU REMBOURSEMENT DES PÉAGES SUR L’ESCAUT
M. de La Coste. - J’ai l’honneur
de présenter le rapport de la section centrale qui a été chargé de l’examen du
projet de loi relatif au remboursement des péages sur l’Escaut.
Plusieurs membres. - Les conclusions
!
M. de La Coste. – Les conclusions
sont de proroger le terme de l’art. 2 de la loi du 5 juin 1839 pour deux ans au
lieu de trois, comme l’avait proposé M. le ministre de l’intérieur.
-
L’impression et la distribution de ce rapport sont ordonnées.
M. Hye-Hoys. - Je propose de
mettre ce rapport à l’ordre du jour après le vote de la convention avec la
Hollande.
M. de Theux. - Nous
avons des objets plus urgents, les budgets et la loi sur le sucre. Rien ne
presse de discuter ce rapport. La chambre pourra fixer ultérieurement l’époque
de la discussion.
- La
chambre décide que le jour de la discussion sera ultérieurement fixé.
Discussion générale
M. Mercier. - Messieurs, je
suis parfaitement d’accord avec l’honorable M. de Foere sur l’importance qu’il
attache à établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses et d’éviter de
nouveaux déficits qui, chaque année, augmentent notre dette, mais je ne
comprends pas aussi bien la pensée de l’honorable membre quand il conseille
d’adopter les systèmes suivis dans d’autres pays, en ce qui concerne la dette
flottante. Je crois que ces systèmes dépendent de circonstances locales qui ne
se rencontrent pas en Belgique. En Angleterre, le système de la dette flottante
est fondé sur la confiance qu’inspirent une ancienne nationalité, la force de ca
grand empire et sa situation qui le met l’abri des commotions politiques
auxquelles d’autres Etats sont exposés.
La dette
flottante est divisée en trois catégories. La première a beaucoup de ressemblance
avec la dette consolidée ; elle en diffère cependant sous trois rapports : le
premier en ce que le gouvernement peut rembourser les obligations à l’échéance
qui a lieu douze mois après leur émission ; le second, c’est que si ces
remboursements n’ont pas lieu, les porteurs peuvent faire usage des billets de
l’échiquier pour payer les contributions et droits de l’Etat ; en troisième
lieu, les porteurs peuvent les faire renouveler à l’échéance, ce qui arrive
presque toujours, à cause de la prime qui résulte de la négociation de ces
billets.
Il y a
une seconde catégorie d’obligations pour les avances à faire à des
corporations, à des provinces, ou des corporations pour des établissements
d’utilité publique et aux Indes occidentales. Ces effets sont hypothéqués et
remboursés à des époques déterminées.
La
troisième catégorie est celle qui a le plus d’analogie avec la dette flottante
que l’honorable membre voudrait seulement conserver en Belgique ; elle comprend
les bons émis pour faciliter le service du trésor quand les revenus de l’Etat
ne rentrent pas en temps opportun pour faire face aux dépenses courantes ;
cette catégorie d’effets n’entre pas dans la circulation en Angleterre ; ils
sont déposés à la banque comme garantie des sommes avancées par elle pour le
service public.
L’émission
des bons du trésor qui repose sur un degré de confiance qui ne peut s’établir
qu’avec le temps, s’est élevée en Angleterre à 56,700,000 liv. st.,
1,417,000.000 de fr. en 1818. En 1840, ce chiffre n’était plus que de 500
millions. C’est encore un chiffre fort élevé. Quant à la forme de billets, elle
ne diffère guère de celle qui est adoptée en Belgique, si ce n’est que
l’intérêt du montant de l’obligation est indiqué par jour, et que le porteur
peut ainsi très facilement établir le montant de la valeur qu’il possède, et
qui en facilite l’échange.
Dans la
position où se trouve la Belgique, je suis d’accord avec l’honorable M. de
Foere que l’émission de la dette flottante ne devrait avoir lieu que pour
faciliter le mouvement du trésor, et non pour couvrir un déficit. Il n’y aurait
pas grand intérêt, si nous arrivions à cette situation, qui serait une
situation normale, à changer ce qui existe aujourd’hui ; car, dans cette
hypothèse, l’émission des bons du trésor serait très restreinte. Du reste, je
voudrais plus encore qu’un semblable équilibre ; je voudrais qu’au lieu d’un
déficit permanent dans nos caisses, nous eussions une réserve bien réelle, une
épargne de quelques millions. Si, au lieu d’un découvert de 2 millions, nous
avions une réserve de 7 à 8 millions, nous éviterions pour l’avenir la position
critique dans laquelle nous nous sommes trouvés en 1840, en présence du traité
du 15 juillet.
Je dirai
quelques mots du vœu émis par la section centrale relativement aux fonds de la
caisse d’amortissement. Ce vœu a été exprimé plusieurs fois dans cette
enceinte. En 1840, une commission avait été créée pour formuler un règlement de
l’emploi de ce fonds ou un projet de loi qui aurait déterminé le mode
d’amortissement des fonds publics, et indiqué la marche à suivre pour les
achats à faire, soit par la caisse des consignations, soit par d’autres caisses
qui existent au département des finances, comme par exemple la caisse des
cautionnements.
L’honorable
M. Rodenbach semblait croire qu’il pourrait naître de là quelques abus, que
cette commission pourrait se livrer à des spéculations ; cette commission ne
ferait que surveiller l’exécution des règlements, et les règlements étant
publiés, on aurait une entière certitude que tout se passe régulièrement. Sans
doute on n’a aucun motif de croire qu’il en ait été autrement jusqu’ici. Mais
enfin, c’est une institution qui existe ailleurs, dont on a reconnu les bons
effets ; et il y aurait lieu, selon moi, de l’établir en Belgique. Aujourd’hui les
fonds d’amortissement ne sont pas très considérables. Mais indépendamment des
motifs indiqués par M. Cogels, qui veut prévoir le cas d’une dépréciation,
d’autres circonstances, par exemple, une conversion de l’emprunt à 5 p. c., peuvent donner une forte action à l’amortissement.
D’ailleurs, comme on l’a fait observer, il ne s’agit pas seulement de la caisse
d’amortissement, mais de la caisse des cautionnements et de celle des
consignations.
En France
c’est la même commission qui surveille ces différentes caisses, bien qu’elles
soient parfaitement distinctes de la caisse d’amortissement. Elle surveille
aussi la caisse des fonds de retraite.
A cette
occasion, je ferai remarquer qu’il existe quelques caisses de fonds de retraite
qui ne sont pas gérées par le département des finances. C’est, selon moi, une
irrégularité ; leur centralisation au ministère des finances ajouterait encore
aux attributions de cette commission qui, du reste, exercerait ses fonctions
gratuitement, comme l’a fait observer l’honorable M. Cogels ; car elle n’aurait
pas un travail très considérable, puisqu’elle n’exercerait guère sa
surveillance qu’à des époques déterminées.
Il est vrai que M. le ministre des finances nous renvoie à la loi de
comptabilité. Cependant je crois qu’il peut être très utile d’émettre le vœu
que cette institution soit formée par M. le ministre ; il ne paraît pas avoir
l’intention d’en proposer la création ; en effet, il ne nous dit pas qu’il en
soit fait mention dans son projet de loi sur la comptabilité. Je pense donc que
les membres qui la croient nécessaire ont bien fait d’exprimer de nouveau leur
opinion sur la convenance de l’introduire en Belgique.
M. Demonceau. - Je n’avais prêté
hier que peu d’attention à la discussion générale ; j’ai relu aujourd’hui ce
qui a été dit. Je me suis aperçu qu’on attribuait à la section centrale l’idée
positive de vouloir une commission de surveillance pour les fonds de
cautionnements, de consignations et d’amortissement. Au sein de la section centrale,
je n’ai pas contesté combien une telle commission pouvait être utile, mais j’ai
fait remarquer à mes collègues que ce n’était pas seulement pour ces fonds,
mais en général pour tous les fonds de l’Etat qu’il fallait des mesures de
surveillance. Si l’on veut émettre un vœu, il convient de l’émettre tel qu’il
l’a été par la section centrale. Je fais cette observation, parce que j’ai cru
m’apercevoir que l’honorable M. de Foere, qui paraît être d’accord avec moi en
principe, a attribué à la section centrale des idées qu’elle n’a pas eues.
Voici ce
qu’a dit la section centrale :
« Vous
aurez été frappés sans doute, messieurs, des observations de la cour des
comptes (page 20 du dernier cahier), sur l’absence complète de tout contrôle
dans une branche aussi importante de l’administration de nos finances. Ces
observations ont fixé toute l’attention de la section centrale ; mais,
considérant qu’elles ne s’appliquent pas à cette seule branche du service, elle
croit devoir réitérer le vœu déjà si souvent exprimé, de voir présenter au plus
tôt une loi de comptabilité bien complète, et qui soit de nature à régler
convenablement la surveillance de toutes les recettes et dépenses des deniers
de l’Etat, à quelque branche du service qu’elles appartiennent. Ce vœu sera sans
doute partagé par toute la chambre.»
Lorsque
nous avons émis cette opinion, nous, majorité de la section centrale du budget
de la dette publique, nous avions sous les yeux la législation française, à
laquelle on a fait allusion. Eh bien, la législation française qui règle la
comptabilité de l’Etat, contient un titre spécial pour la commission de
surveillance des fonds de dépôts, de consignation et d’amortissement.
Je
partage entièrement l’opinion de mes honorables collègues, qu’il faut que les
fonds d’amortissement soient surveillés. Mais je vous avoue que, quand même
vous auriez une commission, de la manière que nous faisons les emprunts, il ne
serait guère possible de surveiller l’amortissement ; car il se fait à
l’étranger pour la majeure partie de nos emprunts. Plus tard, sans doute, il
faut l’espérer, nous obtiendrons des conditions moins défavorables. Mais celles
que nous avons obtenues jusqu’ici nous mettent dans l’impossibilité de
surveiller l’amortissement, à moins que pour la partie qui se fait en Belgique.
J’ai
entendu dire aussi qu’on désirait que cette commission exerçât son mandat
gratuitement, et que les fonds de l’Etat n’étaient pas tout à fait en sûreté au
ministère des finances. Je ne sais si j’ai bien compris, mais il me semble
qu’on a dit qu’il serait bien possible que les fonds de l’Etat disparussent.
Je dirai
qu’une commission de surveillance ne serait probablement pas mieux que le
ministre des finances qui prend sans doute toutes les précautions nécessaires
pour que le trésor reste intact. La commission ne ferait rien de plus. Mais il
faudrait qu’elle prît des mesures pour l’emploi des fonds, qu’elle achetât des
rentes inscrites aux livres de la dette publique. Mais si alors vous appliquez
ce système aux cautionnements et aux consignations, cette même commission
serait obligée de vendre, quand il faudrait restituer les fonds déposés à
charge de restitution,
Toutes
ces questions doivent être mûries attentivement. Pour moi, je n’ai pas
d’opinion arrêtée. Mais je pense que les fonds de l’Etat doivent être
surveillés avec la plus grande attention. Je ne pense pas qu’il faille se
borner aux fonds de cautionnements, de consignations et d’amortissement. Je
crois qu’il faut une bonne loi de comptabilité, qui assure la surveillance de
tous les deniers de l’Etat, et sur ce point, je crois être parfaitement
d’accord avec la cour des comptes et avec l’honorable M. de Foere.
M. Cogels, rapporteur. - Je crois que la
chambre est pressée de clore la discussion générale. Je dirai donc peu de mots
en réponse à l’honorable M. Demonceau.
Il est
très vrai que, pour la plupart de nos emprunts, l’amortissement a lieu à Paris,
en tout ou en partie. Ainsi il a lieu :
Pour le
premier emprunt de 100 millions à Paris ;
Pour
l’emprunt de 30 millions à 4 p. c. à Bruxelles et à Anvers ;
Pour
l’emprunt en 3 p. c., moitié à Bruxelles, moitié à
Paris ;
Pour les
autres emprunts faits depuis lors, moitié à Paris et moitié en Belgique, avec
cette seule différence qu’il se fait à Paris par les soins du gouvernement
belge et non par l’entremise obligatoire de la maison contractante.
Dès lors
vous comprenez que la surveillance de la commission d’amortissement, que
quelques membres de la section centrale ont exprimé le vœu de voir créer,
pourrait exercer sa surveillance aussi bien à Paris qu’à Bruxelles, parce
qu’elle réglerait la manière dont on opérerait. Quant aux rachats qui se
feraient en Belgique, la surveillante serait immédiate.
Venons-en
aux mesures de conservation.
J’ai dit
en effet hier qu’en mettant de côté toute espèce de doute sur la délicatesse et
la probité du ministre, il pourrait arriver qu’une clef fût surprise, et des
fonds soustraits par un employé inférieur. C’est ce qui est arrivé à Paris ; on
se rappelle l’affaire Kessner. Ce n’est pas à la
caisse d’amortissement, c’est à la caisse centrale du trésor public que cela
est arrivé.
Voici les
mesures de conservation que l’on prend ordinairement : quant il y a des effets
au porteur, on les met dans une caisse à trois clefs. Le ministre a une de ces
clefs, et deux commissaires en ont chacun une. De cette manière pour qu’il y
ait soustraction, il faut le concours de 3 personnes.
Une
mesure de conservation bien plus certaine, c’est d’inscrire au grand-livre, et de
rendre les inscriptions nominatives ; car veuillez remarquer que l’on a la
faculté de convertir en inscriptions nominatives les titres au porteur.
Plusieurs porteurs en ont usé. M’étant rendu à la direction du grand-livre, j’y
ai vu qu’il y avait pour 117,000 fr. de rentes d’inscrits ; le chiffre est peu
important. Je voudrais que le grand-livre devînt plus populaire. De cette
manière on pourrait faire un appel aux petits capitaux et, intéresser au crédit
de l’Etat toutes les personnes qui ont des économies à placer, et qui en
retireraient un intérêt plus élevé que celui qu’ils retirent du placement à la
caisse d’épargne.
- La
discussion générale est close.
Discussion des
articles
Chapitre premier - Service de la dette
Articles 1 à 7
Les 7
premiers articles du chapitre premier sont successivement adoptés sans
discussion ; ils sont ainsi conçus
« Art.
1er. Intérêts de la dette active inscrite au grand-livre auxiliaire : fr.
611,894 17
« Complément
de la rente annuelle de 10,582,010 francs 58 c. ( cinq
millions de florins ), à payer en exécution de l’art. 13 du traité signé à
Londres le 19 avril 1839 : fr. 9,970,116 41.
« Total
: fr. 10,582,010 58. »
Art. 2.
Intérêts de l’emprunt de 100,800,000 fr., à 5 p. c.,
autorisé par la loi du 16 décembre 1831 : fr. 5,040,000
« Dotation
de l’amortissement de cet emprunt : fr. 1,008,000
« Total
: fr. 6,048,000 »
« Art.
3. Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt :
fr. 122,000 »
« Art.
4. Intérêts de l’emprunt de 30,000,000 de francs, à 4
p. c., autorisé par la loi du 18 juin 1836 : fr 1,200,000
«
Dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 300,000
« Total
: fr. 1,500,000 »
« Art.
5. Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement du même emprunt
: fr. 4,500 »
« Art.
6. Intérêts de l’emprunt de 50,850,800 fr., à 3 p. c.,
autorisé par la loi du 25 mai 1838 : fr. 1,525,524
« Dotation
de l’amortissement de cet emprunt : fr. 508,508
« Total
: fr. 2,034,032. »
« Art.
7. Frais relatifs au payement des intérêts et à l’amortissement dudit emprunt :
fr. 32,000 »
M. le président. - La chambre passe
à l’art. 8, ainsi conçu :
« Art. 8.
Intérêts de l’emprunt de 86,940,000 fr., à 5 p. c.,
autorisé par la loi du 26 juin 1840 : fr. 4,347,000
« Dotation
de l’amortissement de cet emprunt, fr. 869,400
« Total
: fr. 5,216,400 »
M. de Theux. - Nous
voyons que les fonds de l’amortissement restent improductifs dans les caisses
de l’Etat. Cet état de choses peut continuer pendant six ans pendant lesquels
l’amortissement ne peut avoir lieu. Ainsi une somme considérable restera
improductive. Il me semble qu’il y aurait lieu de la part du gouvernement, à
émettre au moins des bons du trésor, au lieu de laisser les fonds improductifs
chez le caissier de l’Etat ; car c’est là une perte considérable pour le trésor
et sans aucune utilité.
M. Osy. - J’appuie l’observation de l’honorable
préopinant. Mais il ne suffit pas d’émettre de nouveaux bons du trésor. Il faut
savoir que, d’après les règles de notre comptabilité, les crédits dont on n’a
pas fait usage après 3 ans restent comme boni au trésor. De manière que M. le
ministre des finances devrait disposer de ces sommes, prendre réellement des
bons du trésor, et les faire fructifier à l’avantage de la caisse
d’amortissement ; car sans cela, en 1843, les crédits de 1840 seraient annulés.
Je demanderai à M. le ministre des finances si cette opération se fait de cette
manière.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Si je
comprends bien l’honorable M. Osy, il voudrait que non seulement on appliquât
la somme disponible pour le fonds d’amortissement, mais qu’on fît en même temps
fructifier cette somme au profit de l’amortissement. Or, messieurs, il peut
naître de cela des inconvénients. D’abord, je ferai remarquer que ce n’est pas
une obligation d’après le contrat de l’emprunt de 86 millions. Le contrat pour
la première partie de cet emprunt, qui s’élève à 20 millions, portait en effet
que les sommes qui ne seraient pas employées à l’amortissement seraient
productibles en faveur de cet amortissement. Mais la seconde partie de
l’emprunt n’a pas été contracté sous la même condition.
Que
résultera-t-il, messieurs, de l’exécution de la pensée de l’honorable M. Osy ?
C’est que le fonds destiné à l’amortissement et dont il ne serait pas fait
emploi, s’augmenterait annuellement par les intérêts que gagnerait ce même
fonds ; de sorte qu’au bout de six ans, alors que votre remboursement commencerait,
qu’il serait facultatif au gouvernement, vous auriez, au lieu d’un
amortissement calculé à 1 p. c. par an, 7 ou 8 années d’amortissement qui
devraient être appliquées, ce qui mettrait les porteurs d’obligations dans une
condition autre que le contrat d’emprunt ne leur a fait. Le porteur pourrait
dire : Vous pouvez amortir à raison d’un p. c., mais
vous n’avez pas le droit, à la fin de la 6ème année, d’amortir 7 ou 8 p. c.
M. Rogier. - Vous pouvez
racheter.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Oui,
on pourrait racheter ; mais y aurait-il intérêt à racheter, alors que le cours
de la rente serait extrêmement élevé ?
Quoi
qu’il en soit, la pensée de l’honorable M. de Theux est très utile. L’Etat examinera
s’il n’y a pas lieu de faire fructifier les sommes restées disponibles du chef
de la dotation de l’amortissement. Ce que je dis seulement, c’est qu’on ne peut
considérer comme une obligation de faire fructifier ce fonds d’amortissement au
profit même de l’amortissement.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs, j’ai
toujours vu avec beaucoup de regret la clause de la suspension du
remboursement, qui a été introduite pour la première fois dans l’emprunt
contracté au mois de septembre 1840, parce que je considère cette clause comme
plus ou moins en opposition avec le texte et surtout avec l’esprit de la loi.
Que nous dit la loi ? Qu’il y aura une dotation d’au moins 1 p.c.,
indépendamment des intérêts des obligations rachetées. Ce que le législateur a
eu en vue par là, c’est d’assurer d’abord à l’emprunteur l’amortissement ou le
remboursement de son prêt ; c’est en même temps d’assurer au pays l’extinction
progressive de la dette au moyen des intérêts composés.
Maintenant,
messieurs, que résulte-t-il de la stipulation qui a été mise dans le contrat ?
C’est que dans le cas où l’on ne ferait pas fructifier le fonds
d’amortissement, nécessairement son action se trouverait diminuée, et au lieu
d’amortir comme on le fait, par les intérêts composés, dans un terme de 37 ans,
il faudrait un terme plus long.
Qu’arrive-t-il
encore, messieurs ? C’est que vous allez voir ce fonds s’accumuler et qu’a
l’expiration du terme pendant lequel l’amortissement doit être suspendu, terme
qui expire au 10 novembre 1846 pour l’emprunt de 86 millions et au 8 octobre
1848 pour le dernier emprunt, vous aurez dans l’année qui suit, à faire un
tirage au sort pour 7 p. c., ce qui nécessairement jettera encore une grande
dépréciation sur vos obligations. Car si vos fonds sont au-dessus du pair et
que vous fassiez tout à coup un tirage au sort pour 7 p. c.,
il en résultera nécessairement une baisse dans les cours des obligations
menacées du remboursement ; et c’est ainsi que l’on a constamment, par la
nature des obligations que l’on a créées, comprimé l’élan de notre crédit. Car
si on avait laissé un libre essor à notre 5 p. c.,
notre 3 p. c. ne serait aussi élevé, et nous ne verrions pas notre 3 p. c. au
taux de 72, à côte d’un 3 p. c. danois qui est à 84.
J’appuie
donc la proposition de l’honorable M. de Theux et de l’honorable M. Osy, et je
voudrais que, si l’opération ne se fait pas réellement, car c’est le gouvernement qui paie et qui reçoit, elle fût facultative,
comme cela se pratique en France. Car en France il y a également une réserve de
l’amortissement pour le 5 p. c. Eh bien qu’a-t-on fait
? On a placé cette réserve en bons du trésor, tant que l’émission de la dette
flottante était suffisante ; et quand la réserve a été trop forte, on a fait
une loi qui permet d’employer l’excédant en travaux publics, sauf à le
réintégrer quand la rente serait au-dessous du pair, et que l’action de
l’amortissement deviendrait de nouveau obligatoire.
M. Mercier. - Messieurs, le
but de la proposition ou de l’observation de l’honorable M. de Theux n’a jamais
cesse d être rempli ; car je ne pense pas que M. le ministre des finances ait
fait une caisse particulière pour le fonds destiné à l’amortissement de
l’emprunt de 86 millions, et qu’il n’ait pas eu égard à cet encaisse dans
l’émission de la dette flottante. Il a émis moins de bons du trésor à mesure
que cet encaisse augmentait. Cela est évident. Il ne
pouvait en être autrement.
Quant à
l’opinion qu’a exprimée l’honorable M. Osy, que le fonds d’amortissement
devrait être placé de manière à porter intérêt au profit de l’amortissement, je
dirai que si, en effet, la somme destinée à l’amortissement doit être réservée,
il me semble qu’une conséquence de la réserve elle-même c’est qu’elle doit
profiter à la caisse d’amortissement de l’emprunt.
Messieurs,
la question de savoir si ce fonds doit être réellement réservé n’a pas été
tranchée dans nos débats antérieurs. Dans le premier contrat de l’emprunt, il
est clairement stipulé que le gouvernement a la faculté de ne pas réserver ce
fonds. Mais c’est une simple faculté, et comme la loi de l’emprunt a fixé un
amortissement d’un p. c. par an, il faudrait une autre
loi, sinon pour suspendre momentanément le rachat des obligations, au moins
pour être dispensé de continuer à alimenter le fonds destiné à cet
amortissement. Mon intention était d’en proposer une, parce que je jugeais
cette suspension de l’amortissement utile, et que je ne trouvais pas qu’il y
eut nécessité de réserver les fonds qui ne sont pas employés, alors que
l’emprunt est au-delà du pair.
Ainsi le
contrat ne renferme que la faculté pour le gouvernement, de ne pas amortir
quand la rente est au-dessus du pair ; pour user de cette faculté et pour
pouvoir ne pas réserver un fonds d’amortissement, une nouvelle loi paraît
nécessaire. C’est de cette pensée qu’il a été convenu avec les bailleurs que la
suspension de l’amortissement serait facultative.
Il y a
donc dans cette clause du contrat un avantage réel, parce qu’elle ne lie pas et
qu’elle accorde une simple faculté dont on peut ne pas faire usage. Si cette
faculté n’a aucune utilité, eh bien, qu’on amortisse. Je pense que
l’observation de l’honorable M. Cogels sur ce point ne se rapporte pas au
contrat, car si le gouvernement juge qu’il y a aujourd’hui avantage à amortir,
il peut le faire ; le contrat n’exige pas qu’il y ait amortissement, mais il le
permet ; ce qu’il interdit pendant six années, c’est le remboursement forcé au
pair. Or, ce rachat par tirage au sort a été maintes fois signalé avec raison dans
cette chambre, comme funeste à notre crédit et comme étant un obstacle à ce que
nos fonds s’élèvent au taux des fonds étrangers. C’est donc dans un but
essentiellement utile, que dans le contrat de l’emprunt de 86 millions, il a
été introduit une clause qui permet au gouvernement de ne pas amortir lorsque
les fonds sont réellement au-dessus du pair et qui lui interdit le rachat au
pair par tirage au sort.
Sous
quelque point de vue qu’on l’envisage, la clause qui se trouve dans le contrai
est avantageuse. Si le gouvernement n’était pas de cet avis, à l’instant même
il amortirait au-dessus du pair ; si, au contraire, ii est d’avis qu’il n’y a
pas lieu d’amortir et que les fonds ne doivent pas être réservés, il peut
proposer une loi pour être autorisé à user de la faculté qui lui est concédée ;
en vertu du premier contrat, la question n’est pas douteuse. Quelques doutes ont été émis sur le droit de ne pas réserver ces fonds
d’après le second contrat ; cependant, comme il fait suite au premier et que
l’intention du gouvernement a été de rester libre de suspendre l’amortissement
et de faire emploi des fonds, je crois qu’un examen attentif des deux contrats
conduirait à cette conclusion, que le gouvernement peut très bien ne pas faire
la réserve de ce fonds, s’il y est autorisé par une nouvelle loi. Mais, encore
une fois, il ne le peut dans l’état actuel des choses, parce que la loi de
l’emprunt a établi d’une manière absolue un amortissement fixé à 1 p. c. par
an.
M. Demonceau. - Messieurs, la
question soulevée par l’honorable M. Osy, et appuyée par l’honorable M. Cogels,
est une de ces questions qu’il est bien difficile de pouvoir examiner
attentivement, sans avoir sous les yeux les pièces qui servent de base à
l’opinion émise par ces honorables membres.
Ainsi que
vous l’a dit l’honorable M. Cogels, par la loi qui autorise un emprunt, il est
dit qu’il sera affecté 1 p. c. à l’amortissement, et par le contrat qui a eu lieu,
il a été stipulé qu’on affecterait 1 p. c. à l’amortissement de l’emprunt, mais
on s’oblige en même temps à ne pas rembourser pendant six ans.
L’opinion
émise par l’honorable M. Osy, est en désaccord complet, messieurs, avec les
observations de l’honorable M. de Theux, et avec celles de l’honorable M.
Mercier. Je vais vous le prouver.
S’il est
vrai que l’intérêt des fonds réservés à l’amortissement doit être mis en
réserve pour être affectés à l’amortissement, vous ne pouvez les employer à un
autre usage, ou si vous le faites vous devrez plus tard les restituer à la
caisse d’amortissement en principe et intérêts ; vous ne pourriez en faire un
usage autre que celui auquel l’honorable M. Osy prétend qu’ils sont destinés.
Mais
c’est précisément la question de savoir si l’on doit affecter à l’amortissement
les intérêts à provenir des fonds qui sont destinés à cette opération. Ainsi,
par exemple, par suite des stipulations consenties par le gouvernement, il a
été formellement convenu entre le prêteur d’une part et l’emprunteur de
l’autre, que pendant six ans, le remboursement au-dessous du pair ne pourra
être fait. Mais on doit cependant faire les fonds nécessaires à cet
amortissement. Or, à l’expiration des six années il aura été affecté pour
l’amortissement, sans qu’on ait pu en faire usage, une somme de 5,216,400 francs. Au jour où l’amortissement pourra s’opérer,
vous aurez ces cinq millions. Qu’en ferez-vous ? Serez-vous obligés de les
appliquer immédiatement à l’amortissement ? Si le gouvernement est lié par les
contrats, vous devez les y appliquer et vous aurez beau faire une loi, le
contrat que vous avez signé, M. Mercier, est loi pour les parties contractantes
; vous pouvez bien difficilement y déroger même par une loi.
Le
contrat, il est vrai, autorise le gouvernement à amortir, mais à amortir
au-dessus du pair ; or, si vous devez amortir au-dessus du pair, l’opération
devient encore plus mauvaise. Il ne restera plus alors qu’un moyen : c’est la
conversion.
Ainsi, messieurs, la conversion devient inévitable au bout de six
années, à moins qu’on n’interprète le contrat autrement que de la manière dont
je pense qu’il doit être interprété. Je déclare toutefois que ces contrats ne
me paraissent pas assez exprès et que moi-même, je n’ai pas une opinion bien arrêtée
sur ce point
M. Mercier. - Messieurs, je
suis tout à fait d’accord avec les honorables MM. Osy et Cogels, quoique
l’honorable M. Demonceau semble croire le contraire. L’honorable M. Osy a
exprimé l’opinion que si l’on réserve les sommes portées au budget pour
l’amortissement, elles doivent porter intérêt au profit de la caisse
d’amortissement. L’honorable M. Cogels est du même avis, et je partage aussi
cette manière de voir.
Mais il y
a une autre question à examiner : c’est celle de savoir si les allocations dont
il s’agit doivent être réservées. Eh bien, messieurs, je pense que jusqu’à
présent cette question doit être résolue affirmativement, puisque la loi
d’emprunt porte qu’il est affecté à l’amortissement un pour cent par an.
Maintenant,
cette réserve doit-elle avoir lieu toujours ? Non, messieurs, il dépend du
gouvernement de nous présenter un projet de loi qui autorise à user de la
faculté que lui donne le contrat, de ne pas faire cette réserve.
Le
premier contrat, comme je l’ai déjà fait observer, stipule cette faculté, de
manière à ne lui laisser aucun doute ; le deuxième contrat renferme la même
clause, quoique d’une manière moins explicite ; je fais du reste observer que
ce n’est pas en vertu du contrat que la retenue doit avoir lieu ; mais bien
qu’elle est exigée par la loi d’emprunt, que nous pouvons la modifier.
Le
gouvernement, messieurs, s’est interdit pendant six ans la faculté de
rembourser l’emprunt au pair ; pourquoi l’a-t-il fait ? C’est par une mesure de
prévoyance ; c’est pour augmenter le crédit de la Belgique, c’est parce qu’il a
vu que par suite du tirage au sort annuel pour le remboursement au pair d’une
partie du précédent emprunt à 5 p. c., la rente belge
ne s’élève pas au même taux que celle d’autres nations, qui ne devraient
cependant pas avoir plus de crédit que nous.
Je crois,
messieurs, qu’en vertu du contrat du premier emprunt à 5 p.c., nous avons le
pouvoir de convertir cet emprunt. Cependant, cette faculté nous est contestée
par les bailleurs qui ont fourni à l’appui de leur opinion un mémoire des
jurisconsultes les plus renommés du barreau de Paris. Cette difficulté est
écartée dans les contrats de l’emprunt de 86 millions ; la conversion est
interdite pendant six ans dans l’intérêt du crédit public, mais à l’expiration
de ce terme, la conversion ou le remboursement au pair pourront s’opérer sans
opposition aucune.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, quoique ce soit M. Mercier qui ait fait le contrat d’emprunt dont il
s’agit, je doute que ce contrat puisse recevoir l’interprétation que
l’honorable membre vient de lui donner, c’est-à-dire qu’on puisse en tirer
cette conclusion que, du moment où les fonds de l’amortissement sont tenus en
réserve, ces fonds doivent être appliqués au profit de l’amortissement. Voyons
à cet égard les contrats.
(Le
ministre donne lecture des articles relatifs à l’amortissement.)
Ainsi,
messieurs d’après le premier contrat il est formellement stipulé que les fonds
destinés à l’amortissement et qui n’auraient pas été affectés à cet projet
profiteront au profit de l’amortissement mais cette clause, ainsi que vous
l’aurez remarqué, a complètement disparu du deuxième contrat ; or, messieurs,
c’est le second contrat qui a servi à la formation des obligations, qui sont
les titres des porteurs, et ces titres ne donnent à ces derniers d’autre droit
que celui de voir assigner par la législature 1 p. c. par an au fond de
l’amortissement
Maintenant
l’action de l’amortissement reste suspendue pendant six ans. Si pendant ce
délai vous attribuez à l’amortissement l’intérêt de la somme qui y est affectée
annuellement, il est évident qu’à l’expiration de la sixième année le fond de
l’amortissement sera bien plus élevé, qu’il ne doit l’être en vertu du contrat.
Si donc nous procédions de cette manière, les porteurs pourraient nous dire que
nous amortissons plus que nous ne pouvons amortir, puisque nous ne pouvons
affecter à l’amortissement que 1 p. c. par an
Certes, messieurs, si les fonds de l’amortissement peuvent être
appliqués au profit de l’Etat, il faut qu’ils le soient ; mais ils ne doivent
pas l’être rigoureusement au profit de l’amortissement lui-même, ainsi que le
propose M. Osy.
M. Mercier. - Je n’ai pas dit,
messieurs, comme semble croire M. le ministre des finances, que c’est en vertu
du contrat que le gouvernement doit se servir des fonds destinés à
l’amortissement. J’ai dit, au contraire, que c’est la loi d’emprunt qui lui
impose cette obligation. Il est d’usage, en effet, que quand la loi assigne une
somme annuelle à l’amortissement d’un emprunt, les intérêts de cette somme
profitent à cet amortissement. M. le ministre est également dans l’erreur
lorsqu’il pense que cette obligation dérive du premier contrat ; cela ne
résulte ni du premier ni du deuxième contrat, mais, je le répète, cela résulte
de la loi d’emprunt.
Au
surplus, messieurs, je ne pense pas que la question soit d’un bien grand
intérêt : si les fonds dont il s’agit ne profitent pas à l’amortissement, ils
profiteront à l’Etat. Je voulais seulement constater que j’ai fait dériver
l’obligation de réserver les fonds de l’amortissement, non pas du contrat, mais
de la loi, que nous ferons changer.
M. le ministre des finances (M. Smits) -
L’honorable M. Mercier se méprendrait sur mes intentions, s’il croyait que je
fais dériver du contrat lui-même l’obligation de réserver les fonds de
l’amortissement ; je sais très bien que cette obligation dérive de la loi ;
toute la différence qu’il y a entre l’opinion de l’honorable membre et la
mienne, c’est que, selon moi, le fonds de l’amortissement doit être appliqué,
non pas au profit de l’amortissement lui-même, mais au profit de l’Etat.
Ainsi,
plus la réserve résultant de la loi d’emprunt sera grande, plus l’encaisse de
l’Etat sera considérable et moins on émettra de bons du trésor. Voilà de quelle
manière l’Etat profitera de la réserve de l’amortissement.
M. Devaux. - Autant qu’on peut
comprendre cette discussion sans avoir les pièces sous les yeux, une chose me
paraît prouvée ; c’est que le gouvernement n’a pas le droit de suspendre
l’amortissement sans une loi. La loi d’emprunt porte qu’il sera annuellement
consacré 1 p. c. à l’amortissement. Il est bien vrai, messieurs, que le contrat
stipule pour le gouvernement la faculté de faire exception à cette disposition
de la loi, mais le gouvernement ne peut pas faire usage de cette exception,
sans y être autorisé par une loi nouvelle qui modifie la première.
A l’occasion de cette loi nouvelle, on pourrait, si elle était
présentée, examiner toutes les questions qui se rattachent à cette matière.
Quelques-unes de ces questions sont très intéressantes ; on verrait alors, par
exemple, s’il est de l’intérêt du gouvernement de suspendre l’amortissement ou
de racheter au-dessus du pair. C’est une question qui n’a pas encore été
traitée.
M. Demonceau. - Moi, je ne
regrette pas d’avoir soulevé cette question qui mérite toute l’attention de la
chambre. Dans la loi, nous avons dit qu’il y aurait un pour cent affecté à
l’amortissement ; mais par la même loi, nous avons donné au pouvoir exécutif le
droit d’ouvrir un emprunt aux conditions les plus avantageuses au pays. Or,
dans le contrat qu’il a passé, le gouvernement a dit : J’affecterai
annuellement 1 p. c. à l’amortissement ; je m’engage, en outre, à ne pas
rembourser pendant six ans. Avec un pouvoir en quelque sorte illimité que la
loi accorde au gouvernement, à côté d’une disposition qui dit qu’il y aura 1 p.
c. consacré à l’amortissement, voici un contrat où l’on se met dans
l’impossibilité de rembourser pendant six ans.
Le seul
moyen, selon moi, d’examiner la question, car après l’avoir étudiée avec la
plus scrupuleuse attention, je le dis, ces contrats ne m’ont pas donné tous mes
apaisements, c’est de faire imprimer les contrats, pour que chacun comprenne
toute la portée des contrats, en les combinant avec la loi. Si le gouvernement
voulait nous remettre cette pièce imprimée, je suis certain qu’à la première
occasion nous pourrions discuter cette question avec plus de maturité que nous
ne pourrions le faire en ce moment.
Du reste,
quant à présent, la question n’a pour moi aucune importance ; seulement il y a
une grande différence entre pouvoir disposer à volonté des fonds qui vont se
trouver dans la caisse du trésor, et entre être obligé de les employer à
l’amortissement.
J’espère
que l’honorable M. Devaux comprendra la différence ; pour moi je préférerais
pouvoir adopter l’opinion de M. le ministre des finances ; il y aurait
certainement moins de préjudice que si l’opinion de l’honorable M. Mercier qui
a signé le contrat, prévalait.
M. Devaux. - Je comprends
très bien la différence qu’il y a entre affecter l’intérêt de ces fonds à
l’amortissement, ou l’affecter aux autres dépenses de l’Etat ; il n’est pas
besoin de grands efforts pour comprendre cette différence ; mais la question de
savoir lequel de ces deux emplois est plus favorable aux intérêts publics n’est
pas aussi claire, vaut-il mieux pour la chose publique que l’intérêt soit
affecté à l’amortissement, ou bien affecté aux services généraux ? Moi, je
penche pour l’amortissement ; je suis disposé à croire qu’on doit conserver les
droits de l’amortissement et que ce n’est pas trop peu que de prendre sept
années pour amortir la dette. Je ne voudrais pas proroger le terme de son
extinction en affaiblissant l’action de l’amortissement, J’inclinerais donc
pour que dans ce moment les fonds d’amortissement continuassent à agir par
intérêts composés.
Quant à
ce qu’a dit l’honorable M. Demonceau, qu’il y a une contradiction, sous un
autre rapport, entre le contrat et la loi, je ne vois pas que l’interdiction du
remboursement pendant six ans soit un obstacle absolu à l’amortissement ;
l’amortissement peut agir par une autre voie que par le remboursement, en
rachetant au-dessus du pair. II n’y a guère que dans notre pays qu’on ne
rachète pas au-dessus du pair.
Je désire que cette question puisse être mieux approfondie dans une
autre occasion. Quant à moi, dans le doute, je suis toujours disposé à me
prononcer en faveur de l’amortissement.
M. Mercier. - Messieurs,
quoique j’aie tout à l’heure exprimé de la manière la plus claire que
l’obligation de faire profiter à l’amortissement les fonds qui seraient ainsi
réservés, dérive, selon moi, non des contrats, mais de la loi, l’honorable M.
Demonceau vient encore de dire : « M. Mercier qui a signé le contrat, est
d’opinion qu’on doit, d’après le contrat, faire fructifier ces fonds pour
l’amortissement. » Je n’ai rien dit de semblable, j’ai dit le contraire ;
j’ai dit que l’obligation résulte de la loi, et non du contrat ; je n’ai pas
argumenté du contrat, mais j’ai argumenté de la loi.
L’honorable
M. Demonceau a parlé d’un second point ; il semblerait, d’après lui, que la
clause de la suspension de remboursement au pair pendant six ans est une clause
défavorable ; mais cette clause a été insérée au contrat dans l’intérêt de
notre crédit ; on s’était souvent plaint que le tirage au sort pour le
remboursement était une condition nuisible à notre crédit. J’ai donc stipulé un
délai de 6 ans au moins (délai sans doute très court), pour donner une garantie
aux préteurs que pendant ces 6 années au moins le remboursement au pair ne
serait pas opéré. Je crois que cette condition est très favorable.
M. Cogels, rapporteur. - Je pense,
messieurs, que cette question ne peut pas être discutée pour le moment parce
qu’elle devrait être approfondie ; c’est en effet une question assez grave que
celle de savoir si le gouvernement est tenu, oui ou non, d’employer les fonds
de l’amortissement à des rachats, même au-dessus du pair. Mais ce que je dirai
pour le moment, c’est qu’il y aurait grande convenance, dans l’intérêt de notre
crédit et surtout eu égard aux circonstances dans lesquelles nous nous
trouvons, d’opérer ces rachats même au-dessus du pair, et de faire ainsi un
léger sacrifice pendant quelques années ; car vous savez, messieurs, (et je
regrette de ne pas voir à la séance l’honorable M. Meeus), ce qui m’empêche de
parler de la question de la conversion.
Vous
savez que dans le traité qui nous est soumis, se trouve une clause par laquelle
il nous est permis de nous libérer d’une rente de deux millions de florins.
Certainement si, avant 1844, nous parvenons à relever notre crédit de l’état de
torpeur où il se trouve, nous trouverons par la capitalisation de cette rente
des conditions tout à fait favorables, et qui pourront procurer au pays une
très grande économie.
-
Personne ne demandant plus la parole, l’art, 9 est mis aux voix et adopté.
Article 10
« Art.
10. Complément des mêmes frais pour 14 mois (du 1er novembre 1840 au 31
décembre 1841) : fr. 91,000. fr. »
- Adopté.
« Art.
11. Intérêts calculés à raison de 5 p.c. de l’emprunt d’un capital effectif de
29,250,000 fr., autorisé par la loi du 29 septembre
1842 : fr. 1,462,500.
« Dotation
de l’amortissement de cet emprunt : fr. 292,500.
« Total
: fr. 1,755,000 »
M. le ministre des finances (M. Smits) -
Messieurs, comme l’emprunt a été élevé au-dessus du pair, nous n’avons à payer
les intérêts que sur une somme de 28,621,718 fr. 38 c, ; cette somme devrait
conséquemment remplacer celle de 29,250,000 fr. ; partant l’intérêt, au lieu
d’être de 1,462,500 fr. doit être réduit à 1 million 431,085 fr. 92 c.
Le second
article « dotation de l’amortissement », au lieu d’être de 292,500
fr., serait de 200,217 fr. 10 c. ; total 1,717,303 fr.
10 c. Il en résulterait une différence de 37,696 fr. 90 c.,
somme que je proposerai de reporter à l’art, suivant (12) pour frais relatifs
au paiement des intérêts et à l’amortissement d’un emprunt, en d’ajoutant ces
mots : confection des titres. De cette manière, rien ne sera changé au budget.
J’ajouterai, pour justifier la modification, que le budget était à l’impression
lorsque le contrat de l’emprunt a été signé.
M. Rogier. - Il me semble
qu’il y aura confusion entre le capital fixé par la loi d’emprunt et celui qui
sera indiqué dans le budget de la dette publique. Le capital fixé par la loi
est de 29,250,000 fr. Cette indication devrait être
maintenue dans le budget de
la dette publique ; parce qu’on pourrait croire qu’il y a deux emprunts, l’un
de 28 millions, l’autre de 29 millions.
Ce chiffre de 29,250,000 fr. répond à celui
indiqué dans la loi d’emprunt. Pour les autres emprunts, on n’a pas fait de
distinction de capital effectif et de capital nominal, on n’a mentionné que le
capital indiqué dans la loi autorisant l’emprunt.
M. Demonceau. - Pour les autres
emprunts, on indique le capital nominal, parce qu’ils ont été contractés
au-dessous du pair ; le dernier, au contraire, a été contracté au-dessus du
pair. Pourquoi dès lors portera-t-on une somme supérieure à celle que le
gouvernement s’est engagé à rembourser. Si le gouvernement ne s’est engagé à
rembourser que la somme capitale indiquée par M. le ministre des finances,
pourquoi dire dans le budget 29,250,000 quand les
intérêts ne doivent être payés que sur ce que nous avons reçu réellement ?
De même
aussi nous ne devons affecter que 1 p c. à l’amortissement, de cette même somme
capitale, et je ne vois pas pourquoi nous mettrions davantage.
M. Cogels, rapporteur. - L’observation de
M. Demonceau est d’autant plus juste que c’est ce qui a été pratiqué pour les
autres emprunts. Vous en trouvez un exemple à l’article
relatif à l’emprunt du 25 mai 1838. La législature n’avait pas autorisé le
gouvernement à contracter un emprunt de 50 millions, mais de 35 millions ;
comme l’emprunt a été contracté en 3 p.c., le capital dont on s’est reconnu
débiteur s’est trouvé porté à 50,850,800 fr. et c’est
le chiffre qu’on a porté au budget. Pour bien connaître le capital effectif de
notre dette, on doit mentionner le capital dont on s’est reconnu débiteur,
c’est-à-dire qu’on aura à rembourser pour se libérer vis-à-vis de ses
créanciers.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Si on
indiquait 29 millions comme chiffre de l’emprunt, il n’y aurait plus de rapport
avec celui des intérêts et de l’amortissement.
M. Rogier. - J’attache peu
d’importance à mon observation. Je l’avais faite parce qu’on n’avait jamais
fait mention du capital nominal et du capital effectif des emprunts dans le
budget. Je conçois qu’il y a plus de régularité à mettre les intérêts et
l’amortissement en rapport avec le capital de l’emprunt. Sous ce point de vue,
je pense qu’il y a utilité à admettre la rédaction proposée par M. le ministre
des finances.
- La
rédaction proposée à l’art 11 par M. le ministre de finances est adoptée.
Articles 12 à 14
« Art.
12. Frais relatifs au paiement des intérêts et à l’amortissement de cet emprunt
: fr. 30.000 »
M. le président. - M. le ministre
des finances propose d’ajouter les mots suivants : et confection des litres, et
de porter le chiffre à 67,696 90
« Art.
13. Intérêts de l’emprunt de 1,481,481 fr. 48 c., à 5
p.c., autorisé par arrêté royal du 21 mai 1829, pour l’érection de l’entrepôt
d’Anvers : fr. 74,074 07
« Dotation
de l’amortissement de cet emprunt : fr. 14,814 81
« Total
: fr. 88,888 88 »
« Art.
14. Frais relatifs au même emprunt : fr. 200 »
- Ces
articles sont adoptés.
Article 15
« Art.
15. Indemnités pour pertes causées par les événements de guerre de la
révolution
« En
numéraire : fr. 1,000,000
« Intérêts
à 3 p. c. du 1er février au 31 décembre 1843, sur 7,000,000
de francs, montant approximatif des obligations à créer : fr. 192,500
« Dotation
de l’amortissement des obligations à créer (pour 11 mois) : fr. 64,166 67
« Total
: fr. 256,666 67 »
M. le président. - La section
centrale propose diverses réductions à cet article. Elle propose d’abord de
réduire à 250,000 fr. le chiffre de 1 million et ensuite de supprimer
l’allocation de 64,166 fr. 67 c., demandée pour
l’amortissement des obligations.
M. le ministre des finances (M. Smits) se
rallie à ces amendements.
-
L’article ainsi amendé est adopté.
Article 16
« Art.
16. Frais relatifs à l’émission, au payement des intérêts et à l’amortissement
des mêmes obligations : fr. 25,000 »
M. le président. - La section
centrale propose de réduire le chiffre de 25 mille francs à 5 mille.
M. le
ministre s’est rallié à cet amendement.
- Cet
article ainsi amendé est adopté.
Article 17
« Art.
17. Intérêts calculés à raison de 5 p. c., des
obligations à créer en vertu de la loi du 26 juin 1842 pour la construction
d’un canal de Zelzaete à la mer du Nord : fr. 27,500
« Dotation
de l’amortissement des obligations à créer : fr. 5,500. »
« Total
: fr. 33,000. »
- Adopté.
« Art.
18. Frais relatifs à l’émission, au payement des intérêts et à l’amortissement
des mêmes obligations : fr. 4,000. »
M. Cogels. - Vous aurez
remarqué que la section centrale a adopté le chiffre proposé, mais que cependant
elle a fait une observation relativement à l’émission de cet emprunt ; elle ne
voudrait pas voir créer une nouvelle catégorie de dette pour une si faible
somme. On pense que le gouvernement pourrait se dispenser d’émettre des
obligations et couvrir la dette au moyen de bons du trésor ou autrement. Tout
en accordant la somme on pense que le gouvernement satisfera au vœu exprimé et
n’augmentera pas le livre d’échantillons de notre dette.
- L’art.
18 est adopté.
Article 19
« Art.
19. Rente à payer par suite de la convention conclue avec la ville de Bruxelles
: fr. 300,000 »
La
section centrale a propose l’ajournement de cet article.
M. Cogels, rapporteur. - Le chiffre de
300 mille fr. a été rétabli, la loi étant promulguée, j’en ai fait la
déclaration hier au début de la discussion. Mais la section centrale maintient
sa proposition relative à la suppression du chiffre de 8 mille fr., parce
qu’elle ne pense pas qu’il y a lieu d’émettre des titres.
- M. le
ministre s’est rallié à cette proposition.
L’art. 19
est adopté.
Article 20
« Art.
20. Frais relatifs à l’émission des titres et au payement de cette rente : fr.
8,000 »
- La
suppression de cet article est adoptée.
Article 21
« Art.
21. Intérêts et frais présumés de la dette flottante sur une émission
éventuelle de 10,000,000 de francs, à 5 p. c., 500,000
fr. »
M. le ministre des finances (M. Smits) propose
de réduire cet article à 350 mille fr. et de faire un article spécial des 150
mille fr. retranchés, sous le libellé suivant : « Intérêts et
amortissement du capital de la British Queen : fr.
150,000. »
Cet
article formera le 26ème.
- L’art.
21 est adopté.
Articles 22 à 26
« Art.
22. Intérêts de la dette viagère : fr. 5,500 »
- Adopté.
« Art.
23. Intérêts à payer aux anciens concessionnaires de la Sambre canalisée : fr.
25,000. »
- Adopté.
« Art.
24. Intérêt à payer à la société Générale pour favoriser l’industrie nationale,
en exécution de la transaction avec lesdits concessionnaires, autorisée par la
loi du 26 septembre 1835 : fr. 230,705 fr. 89 c. »
- Adopté.
« Art.
25. Indemnité de reprise à payer à la société concessionnaire du canal de
Bruxelles à Charleroy, aux termes de l’article 26 de la convention du 6
novembre 1834, entre cette société et le gouvernement : fr. 661,375 fr. 66 c. »
- Adopté.
« Art.
26. Intérêts et amortissement du capital de la British-Queen
: fr. 150,000. »
- Adopté.
Chapitre II. Rémunérations
Les articles
composant le chapitre II, Rémunérations,
sont successivement mis aux voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus :
Articles 1 à 5
« Art.
1er. Pensions ecclésiastiques : fr. 370,000 »
« Pensions
civiles : fr. 525,000
« Pensions
civiques : fr. 190,000
« Pensions
militaires : fr. 1,907,000
« Pensions
de l’ordre Léopold, 23,000
« Arriéré
des pensions de toute nature pour les exercices clôturés : fr. 5,000
« Total
: fr. 3,020,000 »
« Art. 2.
Traitement d’attente (wachtgelden) : fr.36,000
« Traitement
ou pensions supplémentaires (toelagen) : fr. 48,510
03
« Secours annuels (jaarlyksche onderstanden) : fr. 7,128 04
« Total
: fr. 91,638 07 »
« Art. 3.
Subvention à la caisse de retraite : fr. 200,000 »
« Art. 4.
Crédit supplémentaire remboursable sur le fonds de la caisse de retraite des
employés du département des finances, retenu en Hollande : fr. 609,000 »
« Art. 5.
Avances à faire aux titulaires de pensions acquises depuis le 1er octobre 1830,
à la charge du fonds des veuves et orphelins, demeuré en Hollande : fr. 9,947
08 »
Chapitre III - Fonds de dépôts
Les
articles composant le chapitre III, fonds de dépôt, sont successivement mis aux
voix et adoptés. Ils sont ainsi conçus :
Articles 1 à 4
« Art.
1er. Intérêts des cautionnements dont les fonds sont encore en Hollande : fr.
110,000
« Arriéré
des intérêts dus sur des exercices clôturés : fr. 1,000
« Total
: fr. 111,000 »
« Art.
2. Intérêts des cautionnements versés en numéraire dans les caisses du trésor
public de l’Etat, pour garantie de gestions comptables, pour sûreté du payement
de droits de douanes et accises, pour garantie de la gestion des receveurs de
communes, de bureaux de bienfaisance, etc., etc. : fr. 194,000
« Arriéré
des intérêts dus sur des exercices clôturés : fr. 1,000
« Total
: fr. 195,000 »
« Art. 3.
Intérêts des consignations faites dans les caisses du trésor public de l’Etat :
fr. 60,000 »
« Art. 4.
Intérêts et remboursements des consignations dont les fonds sont encore en
Hollande : fr. 20,000 »
TITRE II - DOTATIONS
Chapitre premier
« Article
unique. Liste civile (mémoire) : fr. 2,751,522 fr. 75
c. »
- Adopté.
Chapitre II
« Article
unique. Sénat : fr. 22,000. »
- Adopté.
Chapitre III
« Article
unique. Chambre des représentants : fr. »
- Sur la
proposition de M. Dubus (aîné), la
chambre laisse ce chiffre en blanc, jusqu’à ce qu’elle ait adopté son budget en
comité secret.
Chapitre IV. - Cour des
comptes
« Art.
1er. Membres de la cour : fr. 45,386 fr. 20 c. »
- Adopté.
« Art. 2.
Personnel des bureaux : fr. 65,000 »
- Adopté.
« Art.
3. Matériel et dépenses diverses : fr. 16,900 fr. »
- Adopté.
Vote sur l’ensemble
du projet de loi
M. le président. - La chambre
sursoit au vote sur l’ensemble de ce budget, jusqu’après l’adoption en comité
secret de son budget particulier qui doit former l’art. unique
du chap. III.
M. le président. - Nous allons
passer à la discussion du budget de la justice.
M. David. - M. le président,
plusieurs membres demandent que l’on s’occupe d’abord du projet de loi relatif
à la pension de madame la veuve Thorn. J’en fais la
proposition.
- La
proposition de M. David mise aux voix est adoptée.
M. le président. - Le projet est
ainsi conçu Léopold, etc.
« Voulant
récompenser dans la personne de la veuve de Jean- Baptiste Thorn,
les services rendus au pays par son mari dès les premiers jours de la
révolution ;
« Nous
avons, de commun accord avec les chambres, décrété et nous ordonnons ce qui
suit :
« Article
unique. Une pension annuelle et viagère de la somme de quinze cents francs
(1,500) est accordée, à dater de la promulgation de la présente loi, à la veuve
de Jean-Baptiste Thorn, ancien gouverneur du
Luxembourg et du Hainaut. »
- La
discussion est ouverte.
Personne
ne demandant la parole, l’article unique et le préambule sont successivement
adoptés.
Il est
procédé à l’appel nominal sur l’ensemble du projet.
71
membres répondent à rappel nominal.
62
adoptent le projet
6 le
rejettent.
3
s’abstiennent.
Ont voté
pour le projet : MM. Brabant, de La Coste, Cogels, Cools,
Coppieters, David, de Baillet, de Behr, Dechamps, de Foere, Delfosse, de Meer
de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Potter, Deprey,
de Renesse, Desmaisières, Desmet, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, Dolez, Dubus
(aîné), Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Fallon, Fleussu, Hye-Hoys, Jadot, Jonet, Lange, Lebeau, Lejeune, Lys, Malou, Manilius,
Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Pirmez, Pirson, Puissant,
Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Smits, Trentesaux, Van
Cutsem, Vandensteen, Vanderbelen Van Volxem, Verhaegen, Vilain XIIII, Wallaert,
Zoude et Raikem.
Ont voté
contre : MM. Delehaye, de Roo, Huveners, Mast de Vries, Peeters et Van
Hoobrouck.
Se sont
abstenus : MM. de Garda. Henot et Vanden Eynde.
Les
membres qui se sont abstenus, sont invités à en faire connaître les motifs.
M. de Garcia. -
Messieurs, je n’ai pas voulu par un vote négatif contester les droits que la
veuve de M. Thom pouvait avoir à la bienveillance nationale, mais je n’ai pas voulu
non plus, par un vote affirmatif, consacrer un système que je regarde comme
fâcheux, comme désastreux pour la chose publique.
M. Henot. - Je me
suis abstenu par les mêmes motifs.
M. Vanden Eynde. - Je ne m’oppose
pas à ce qu’il soit accordé des pensions aux veuves des personnes qui ont rendu
des services au pays, mais il ne m’est pas démontré que Mme Thorn
se trouve dans ce cas ; il ne m’a pas été prouvé qu’elle ait droit à une
pension pour les services rendus au pays par son mari.
Discussion générale
M. le président. - L’ordre du jour
appelle la discussion du budget de la justice.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem). - M. le
président, j’ai l’honneur de proposer par amendement à la chambre de porter à
61,000 francs le chiffre de 58,000 francs, compris à l’art. 2 du chapitre 8 du
budget de la justice. Je pense qu’on pourrait renvoyer cet amendement à la
section centrale qui nous ferait demain son rapport sur ce point.
-
L’amendement de M. le ministre est renvoyé à l’examen de la section centrale.
M. Verhaegen. - Messieurs, c’est
une habitude constitutionnelle de s’occuper successivement, au sujet des
budgets des dépenses, de chacun des ministres et de formuler les griefs que
l’on peut avoir contre eux.
En
commençant aujourd’hui par M. le ministre de la justice, je me bornerai à
articuler quatre griefs que je considère comme principaux et dignes de fixer
l’attention de la chambre.
Le grief
qui se présente toujours en première ligne et que je ne puis manquer de
signaler sans manquer à mes devoirs, est celui qui prend sa source dans la
position faite à la magistrature. Que M. le ministre de la justice ne s’y
trompe point, c’est sur lui seul que pèse la responsabilité de tout ce qui
concerne l’ordre judiciaire.
Quant à
moi, je crois avoir rempli ma tâche ; advienne maintenant que pourra.
Messieurs,
en 1838, j’ai fait une proposition aux fins d’augmenter les traitements des
membres de l’ordre judiciaire. En la faisant j’ai cru poser un acte de justice
envers la magistrature, mais aussi, et avant tout, j’ai cru être utile à la
société tout entière qui ne peut trouver de garantie dans le pouvoir judiciaire
que pour autant qu’il soit indépendant de fait comme de nom.
J’ai fait
tous mes efforts pour que cette proposition fût prise en considération et
discutée ; le renvoi aux sections fut ordonné, et, après un intervalle assez
long, la section centrale allait s’en occuper, lorsque M. ministre de la
justice jugea à propos de nous faire connaître que lui-même se proposait de
présenter un projet de loi concernant la magistrature. Il nous fit entrevoit
qu’une proposition du gouvernement avait plus de chances de succès qu’une
proposition d’un membre prenant l’initiative. Trop confiant peut-être, je me
laissai aller à cette considération, et je résolus d’attendre le projet qu’on
venait de me promettre avec une apparence de bienveillance ; mais je m’aperçus
bientôt que j’étais trompé dans mon attente. Depuis je fis des réclamations
pressantes, et je les réitérai souvent, les prétextes ne firent point défaut ;
M. le ministre de la justice me répondit en se donnant plus d’un démenti ;
tantôt les besoins du trésor ne permettaient pas encore de présenter le projet
qu’il avait si pompeusement annoncé ; tantôt pressé de plus près, un projet
avait été élaboré, mais le Roi était absent et n’avait pas pu le revêtir de sa
signature ; tantôt encore c’étaient d’autres excuses, jusqu’à ce qu’enfin,
poussé dans ses derniers retranchements, force fut à M. Van Volxem de présenter
un projet tel quel. Mais comment le présenta-t-il ? Avec l’intention, je dois le
dire, de le voir mal accueilli par la législature. A côté du projet
d’augmentation de traitement, il présenta un projet d’augmentation de charges
(et l’on sait que les projets de finances augmentant les charges existantes ne
sont ordinairement pas très bien accueillis dans cette enceinte). Cette
tactique avait pour objet de nous signaler à nos concitoyens comme voulant
aggraver la position des contribuables au profit de la magistrature.
Nous ne
reculâmes point devant cette accusation, parce que, voulant obtenir le
résultat, nous devions bien donner au gouvernement les moyens de nous le
procurer, c’est-à-dire de créer la ressource pour faire face à la dépense.
Je fus le
premier à dire que ce projet d’augmentation des charges était le corollaire
indispensable de l’augmentation de besoins que créait le projet de M. le
ministre de la justice. Ces projets furent examinés simultanément, et, plus
tard, celui d’augmentation de charges ayant pour objet 4 centimes additionnels
sur l’enregistrement, greffe, etc., fut fondu dans le budget des voies et
moyens tout en conservant à ces centimes additionnels leur destination
primitive, lors de la discussion des voies et moyens.
Nous
étions bien décidés à voter l’amendement demandé pour la magistrature, et ce
malgré le reproche que M. le ministre de la justice provoquait contre nous de
la part des contribuables. Mais quel fut notre étonnement lorsque, vers la fin
de la discussion, on voulut affecter aux besoins généraux du trésor cette
ressource qu’on avait déclarée spéciale dans le principe.
Les
objections qui ont été faites à cet égard par l’honorable M. Demonceau, dans
une séance précédente, s’adressaient bien plutôt au cabinet qu’à nous. Nous ne
faisions, nous, que suivre les errements posés par messieurs les ministres.
Eh bien,
messieurs, cette ressource que le ministère avait créée spécialement pour la
magistrature fut donc affectée aux besoins généraux de l’Etat. J’ai eu
l’honneur (et plusieurs de mes honorables collègues m’ont appuyé) de faire un
appel à la loyauté et à la bonne foi du ministère.
Mes
observations ont été vaines ; les 4 centimes additionnels qui avaient été
proposés comme une ressource spéciale pour satisfaire aux besoins à résulter du
projet relatif à la magistrature, ont été définitivement fondus dans le budget
général des voies et moyens, et, de ce moment, dans mon opinion, le projet de
M. le ministre de la justice a été renvoyé aux calendes grecques. C’est,
messieurs, par ce motif que j’ai voté contre le budget des votes et moyens. Et,
je ne le regrette point, car, par ce vote, j’ai voulu protester contre l’acte
que venait de poser le ministère.
J’ai jugé
à propos, messieurs, de rappeler tout ce qui s’est passé au sujet du projet
concernant la magistrature pour qu’on ne s’y trompât point, pour que l’on sût
bien que c’est sur M. le ministre de la justice, et sur lui exclusivement qui
doit peser la responsabilité de la position qu’il vient de faire à l’ordre
judiciaire ; c’est dans mon opinion un grief permanent que la magistrature
belge aura à élever contre lui.
Si de la
magistrature ordinaire je passe, messieurs, à une magistrature que j’appelle
extraordinaire, si je passe aux juges consulaires, à ces juges qui sont nommés
par les notables et considérés comme les pairs des négociants, je trouve un
nouveau grief contre les ministres ; ces magistrats rendent des services
continuels à la société, gratuitement, et en sacrifiant leur temps et leurs
intérêts à la chose publique, en même temps qu’ils donnent au trésor des
ressources considérables ; car, si mes renseignements sont exacts les tribunaux
de commerce rapportent annuellement plus de 800,000 fr. au trésor, et cependant
ces magistrats sont encore aussi mal traités que ceux dont nous nous sommes
occupés ; d’abord les juges consulaires qui méritent les plus grands égards,
ont été froissés dans leurs intérêts moraux et ont à se plaindre du
gouvernement sous plus d’un rapport ; certains tribunaux de commerce ont été
l’objet de mesures extraordinaires, et quand je ne citerais, messieurs, que ce
qui s’est passé tout récemment à l’égard du tribunal de commerce de Bruxelles,
il y aurait plus qu’il n’en faut pour étayer l’opinion que je me permets
d’émettre en formulant mon deuxième grief.
Les juges
consulaires sont nommés par les notables, les présidents le sont de la même
manière, Il y a un an les notables de Bruxelles s’étaient réunis pour nommer
des juges et un président. Ces nominations, aux termes de la loi, devaient se
faire pour 2 ans, et elles ont en effet été faites pour ce temps.
Eh bien,
M. le ministre de la justice a jugé à propos de dire aux notables que puisque
le président nominé (M. Vangelder), avait été juge
pendant un an, il ne serait président que pendant une année seulement. Dans mon
opinion, messieurs, et, je le démontrerai à l’évidence, si la chambre me le
permet, la loi a été violée dans cette circonstance. On a convoqué les notables
à l’expiration de l’année, à l’effet de nommer un autre président ; les
notables ont résisté, ils n’ont pas voulu se rendre à l’élection ; on les a
convoqués une deuxième fois, une troisième fois ; ils ont résisté de nouveau,
et, je dois le dire, chaque fois que la résistance est légale, chaque fois
qu’elle est dirigée contre une violation de la loi, elle est respectable, et
pour mon compte je la respecte, comme la respecte tout le commerce de
Bruxelles. M. le ministre de la justice n’a pas tenu compte de la résistance
des notables, et le tribunal de commerce de Bruxelles est en ce moment sans
président et il n’y en aura pas pendant toute l’année. Tout au moins cet état
de choses est fâcheux et un ministre de la justice qui se met dans une position
pareille, alors qu’il est déjà dans une position très fâcheuse, vis-à-vis de la
magistrature ordinaire, accumule sur lui des griefs nombreux. Ces griefs je ne
pouvais pas me dispenser de les énumérer.
L’honorable
M. Malou vient de demander la parole, sans doute pour rappeler qu’un rapport a
été fait naguère sur une pétition présentée par tous les juges du tribunal de
commerce, par tous les membres de la chambre de commerce, et par tout ce que le
commerce compte de plus important dans la ville de Bruxelles ; ces notables se
sont adressés à la législature pour lui demander son appui contre les exigences
de M. le ministre de la justice. Par une espèce de fatalité cette pétition s’est
trouvée confondue dans un bulletin de pétitions, et, je dois vous l’avouer
naïvement, elle a échappé à mon attention et sans doute à celle de beaucoup
d’entre nos honorables collègues ; cependant son objet était de la plus haute
importance.
Un
rapport avait été fait sur ce point par l’honorable M. Malou, il y a, je pense,
quinze jours. Cet honorable membre a pensé que M. le ministre de la justice
avait eu raison, il a développé ses motifs, et il a demandé que l’on déposât la
pétition au greffe à titre de renseignements. Personne ne contredisant, ces
conclusions ont été adoptées.
Messieurs,
si la chambre me le permettait, je me ferais fort de démontrer, à l’évidence,
que la pétition des notables de Bruxelles est marquée au coin de la justice en
même temps qu’elle est basée sur un texte formel de loi, et étayée sur
l’autorité du conseil d’Etat et sur l’opinion de tous les auteurs ; enfin
qu’elle est même appuyée par les arguments que M. le rapporteur a fait valoir
pour défendre son opinion. Je m’empresse de le dire, je tiens cette opinion
pour très consciencieuse, et je la respecte ; mais je pense, d’un autre côté,
que l’opinion de mon honorable collègue, donnant son avis sur la pétition, ne
pouvait être autre que celle qu’il a eu probablement à émettre précédemment et
en une autre qualité sur la même question.
M. Malou. - Le rapport a été
fait au nom de la commission des pétitions et approuvé par elle.
M. Verhaegen. - Je ne dis pas
non ; mais tout le monde sait comment les choses se passent à la commission des
pétitions ; la commission s’en rapporte ordinairement à l’avis de son
rapporteur ; or, l’honorable M. Malou ayant, dans cette circonstance, une
opinion faite, l’a soutenue et l’a fait prévaloir comme rapporteur de la
commission. Je regrette de n’avoir pas pu rencontrer les objections que M.
Malou a formulées à l’appui de son système ; je pense que la question était au
moins assez importante pour qu’on ordonnât l’impression du rapport et qu’on fixât
un jour pour le discuter.
Je n’en
dirai pas pour le moment davantage à ce sujet ; si l’honorable M. Malou prend
la parole pour entrer dans des détails, je me réserve de lui répondre.
Messieurs,
voilà donc la position de M. le ministre de la justice vis-à-vis de la
magistrature belge en général, et vis-à-vis d’une magistrature exceptionnelle,
si je puis l’appeler ainsi ; magistrature toute désintéressée, qu’on a froissée
dans son intérêt moral et qu’on a obligée de répondre à l’acte du gouvernement
par une abstention, par une résistance légale, que j’appellerai encore une fois
respectable.
Messieurs,
à ces deux griefs je dois en ajouter d’autres.
J’ai
toujours pensé qu’au ministère de la justice surtout on devait respecter les
lois ; eh bien, messieurs, à mon grand étonnement, j’ai acquis la preuve qu’au
ministère de la justice on violait les lois, qu’on se substituait même à la
prérogative royale. Je m’explique,
Messieurs,
que diriez-vous d’un membre du cabinet qui, dans une circonstance, prend la place
du Roi ? Que diriez-vous d’un ministre qui au lieu de contresigner un arrête,
le signe lui-même ? Que diriez-vous enfin d’une ministre qui, au lieu de
laisser épuiser en matière administrative un second degré de juridiction qui
appartient au Roi, décide lui-même ? C’est, messieurs, ce qui vient d’arriver
an département de la justice.
Quand un
gouvernement prend une décision, j’ai toujours pensé que le second degré de
juridiction est le droit. Eh bien, il est arrivé dans une circonstance récente
et importante que des habitants d’une localité qui avaient à se plaindre d’une
décision d’un gouverneur, se sont adressés en degré d’appel, administrativement
parlant, au Roi.
Vous
croyez, sans doute, qu’il est intervenu un arrêté royal contresigné par le
ministre ! point du tout ; le ministre a répondu tout
court aux réclamants, que leur demande n’était pas accueillie. Voici les faits.
Un
conseil de fabrique existait dans une commune ; c’était la commune de Lombeek-Ste-Catherine. Ce conseil de fabrique, par des motifs
que je n’ai pas à examiner, ne convenait pas à certaine coterie : on le mit de
côté ; l’évêque nomma quelques nouveaux membres, le gouverneur en nomma
quelques autres ; les anciens fabriciens résistèrent, parce qu’ils prétendaient
qu’ils avaient pour eux le décret de 1809, et par suite ils se maintinrent en
possession de tout ce qui concernait la fabrique, registres, fonds, etc.
Les
nouveaux membres intentèrent un procès aux anciens fabriciens, en reddition de
comptes et en remise des objets que les anciens fabriciens détenaient ; ceux-ci
répondirent que les nouveaux fabriciens étaient sans titres. Un tribunal de
première instance ayant admis la compétence du pouvoir judiciaire, on en appela
de cette décision à la cour d’appel qui réforma le jugement, en décidant que
c’était à l’administration qu’il fallait avoir recours pour faire résoudre la
question. Elle était décidée administrativement en premier ressort par l’arrêté
du gouverneur, lequel avait confirmé la décision épiscopale. On s’adressa donc en
second ressort au roi, et on demanda la réformation de l’arrêté, Eh bien,
messieurs, il n’y a pas eu d’arrêté royal, il n’y a eu qu’une simple lettre de
M. le ministre de la justice par laquelle il informait les réclamants que leur
demande n’était pas fondée. A ces griefs vient se joindre encore l’inaction du
ministère. J’aurai l’honneur de demander à M. le ministre de la justice de nous
indiquer l’époque à laquelle il espère enfin pouvoir nous présenter
quelques-unes des nombreuses et importantes lois qu’il avait promis de
soumettre aux délibérations de la législature. Je ne parle pas ici de la
révision du code civil, ni de la révision du code pénal : ce serait une œuvre
au-dessus de ses forces. Mais je demanderai si l’on s’est déjà occupé de la
révision de la législation des faillites et des sursis, révision dont la
constitution elle-même fait une obligation au gouvernement, ce qu’on a fait
pour le système hypothécaire, etc.
M. le
ministre de la justice a les prisons dans ses attributions. Je voudrais qu’il
me dît s’il a cherché des moyens pour parer aux graves inconvénients que j’ai
signalés l’année dernière. Les prisons sont encombrées, et encombrées surtout
de militaires, par suite de la dégradation qui est attachée à certaines peines
et que les militaires recherchent pour se soustraire au service militaire. La
dernière émeute qui a eu lieu dans les prisons militaires d’Alost et qui a
failli avoir des conséquences graves, était due à cette circonstance, qu’on
avait soustrait quelques militaires à la dégradation. Quelles mesures M. le
ministre de la justice a-t-il prises pour remédier à ce fâcheux état de choses
? Rien, absolument rien.
Au total en résumant tout cela, je vois que tout est resté en
souffrance, toutes les promesses qu’on nous a faites sont demeurées sans
résultat, et je rencontre beaucoup d’inconvénients.
Le petit
compte que j’avais à régler avec M. le ministre de la justice est arrêté quant
à présent, au moyen de ces observations, sauf une omission.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) -
Messieurs, je m’empresse de répondre à l’acte d’accusation que l’honorable
préopinant vient de formuler contre moi. Il avait, disait-il, un nombre
considérable de griefs à articuler à ma charge, et cette foule de griefs s’est
réduite aux quatre points. qu’il vous a signalés et
que la chambre à déjà sans doute appréciées à leur juste valeur.
Le
premier reproche qu’il m’adresse résulte de la position que, suivant lui, j’ai
faite à la magistrature belge. Je demanderai à la chambre depuis combien de
temps on s’occupe de l’amélioration de la position de la magistrature. Et je
demanderai quel ministre a proposé un projet de loi pour améliorer sa position.
La chambre est saisie d’un projet. C’est moi qui l’ai présenté. L’honorable
député de Bruxelles l’a qualifié de projet tel quel. Quand il sera mis en
discussion, on l’appréciera et on verra ce que la chambre décidera.
Il s’est
plaint de ce qu’en proposant ce projet, le gouvernement a présenté un projet de
loi autorisant la perception de centimes additionnels pour faire face à
l’augmentation de dépense qui résulterait de l’augmentation des traitements de
la magistrature,
Je
voudrais savoir quel autre moyen nous aurions pu employer. Si le projet eût été
adopté à la session dernière, comme nous le désirions, il fallait, pour le
mettre à exécution, trouver les moyens de faire face à la dépense. Les budgets
étaient clos, il fallait pourvoir à ce qui allait être porté à la charge de
l’Etat. Nous avons à cet effet proposé des centimes additionnels.
L’honorable
député de Bruxelles n’a pas trouvé le projet mauvais, puisque naguère, il
voulait voter les centimes additionnels pour autant qu’ils fussent employés à
satisfaire à l’augmentation des traitements de la magistrature.
Ou n’a
pas pu voter le projet de loi dans le cours de la session dernière, j’espère
que cela aura lieu pendant la session actuelle et les quatre centimes proposés
primitivement pour augmentation de ressource, qui n’auraient pas dû servir à
payer l’augmentation des traitements de la magistrature, mais à rétablir
l’équilibre entre les recettes et les dépenses, ces 4 centimes sont fondus dans
les recettes générales de l’Etat. Connaissez-vous un système financier où l’on
attribue à telle branche de dépenses, telle branche de recettes ? Cela n’existe
nulle part, ce serait contraire à toute régie de comptabilité. La chambre a
fait justice de l’opinion de ceux qui soutenaient le système d’application
spécial.
Un membre. -
Personne ne soutenait cela.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) -
C’était donc pour ce seul but qu’on voulait voter les centimes, plusieurs
membres en ont demandé formellement l’application à la magistrature.
On a
scruté mes intentions, je ne reconnais à M. Verhaegen non plus qu’à d’autres le droit de le faire et
surtout de les présenter comme hostile à la magistrature. Il a prétendu que
j’avais proposé mon projet avec l’intention de le faire avorter. C’est une
calomnie ! Il n’appartient pas à un membre de cette chambre de faire de
pareilles suppositions
Que M.
Verhaegen m’attaque quand cela lui plaira, je lui répondrai quand je jugerai
à-propos de le faire, mais je n’entends pas qu’il inculpe mes intentions.
Le projet
de loi relatif à l’ordre judiciaire sera mis en discussion quand la chambre le
permettra. Je fais des vœux pour que ce soit après le vote des budgets, et j’en
ferai la demande formelle. Comme je l’ai déjà dit, je souhaite que le sort de
la magistrature soit fixé en supposant qu’on ne puisse pas mettre la loi immédiatement
à exécution, encore est-il important de discuter et de voter la loi le plus tôt
possible. Je ferai tous mes efforts pour que ce soit prochainement. Voila pour
le premier grief.
Voyons le
second.
J’aurais
faussé la loi sur la durée des fonctions d’un président le tribunal de
commerce. Mais l’honorable membre a mis des réticences dans ce qu’il a dit. Les
négociants notables de Bruxelles avaient choisi pour leur président un juge. Ce
juge avait déjà desservi ses fonctions de juge, pendant environ un an. J’ai cru
que la qualité de juge et celle de président ne pouvaient pas durer ensemble
plus de deux années. Je le crois encore ; la loi est formelle. Je n’entrerai
pas dans l’examen de cette question. J’ai proposé un arrêté d’institution de
président pour le temps qu’il avait encore à faire en sa qualité de juge. Je
crois que je suis dans la légalité et que la chambre a sanctionné ma manière de
voir. En effet, les négociants de Bruxelles lui ont adressé une requête
prétendant à faire décider que j’avais violé la loi.
L’honorable
M. Malou a fait sur cette requête un rapport détaillé et pas une seule voix ne
s’est élevée pour contredire son rapport. Le silence gardé par la chambre a
suffisamment justifié ma conduite.
Je ne
suis d’ailleurs pas le seul ministre qui ait interprété de cette façon le code
de commerce. Mon honorable prédécesseur M. Leclercq a agi de la même manière
vis-à-vis du tribunal de commerce de Gand. Ce président ayant reçu un arrêté
qui l’instituait pour le temps restant à courir pour achever les deux années,
s’est plaint de ce qu’il était l’objet d’une mesure exceptionnelle et
outrageante. M. Leclercq lui répondit qu’il croyait avoir interprété sainement
la loi et qu’il le priait de ne pas regarder la mesure comme exceptionnelle et
outrageante. Ce négociant a exercé la présidence jusqu’à l’expiration des deux
années.
Le
troisième grief consiste à dire que je viole les lois et que j’ai usurpé la
prérogative royale, que je me suis mis à la place de Sa Majesté et que j’ai
signé un arrêté, au lieu de le contresigner seulement.
Je n’ai
pas présente à la mémoire l’affaire à laquelle M. Verhaegen fait allusion. Je
ne m’attendais pas à être interpellé à ce sujet. Je pense que ce que j’ai fait
se pratique dans tous les ministères. Quand on ne juge pas à propos de
soumettre un arrêté au Roi, c’est le ministre qui répond, sauf à en rendre
compte au Roi, quand l’affaire est importante
Le
quatrième grief est fondé sur ce que je n’ai pas encore présenté de projet de
loi pour la révision de la législation sur le régime hypothécaire, etc. Je
commencerai par faire observer que c’est la constitution promulguée le 7
février 1831, il y a bientôt 12 ans, qui a imposé l’obligation de réviser ces
lois. On est arrivé au mois d’avril 1841 sans que cette révision ait eu lieu.
Doit-on en faire plutôt un grief à moi qu’à mes prédécesseurs ? A cet égard
cependant, je dirai que j’ai présente au Roi des arrêtés pour nommer des
commissions chargées de procéder à la révision de plusieurs lois. J’attends le
résultat des travaux de ces commissions.
Je
finirai par demander quelle aurait pu être l’utilité de présenter des projets
de loi dont l’examen ne pourrait se faire même d’ici à longtemps.
Je crois
avoir répondu à tous les griefs articulés par l’honorable député de Bruxelles.
M. Malou. - Messieurs, je
n’ai qu’un seul article de compte à régler avec l’honorable M, Verhaegen. Il
est très vrai que j’ai fait le rapport sur la pétition des notables de
Bruxelles. Il est vrai encore que je connaissais la question avant qu’elle se
présentât dans cette chambre ; ce n’a pas été un motif pour moi de m’abstenir.
Je n’ai pas cru que les membres de cette chambre ayant une opinion sur des
questions, les ayant étudiées, fussent par cela même dessaisis du droit de participer
à leur solution. S’il n’en était pas ainsi, l’honorable M. Verhaegen devrait se
récuser sur mille questions de droit qu’il a eu à examiner.
Je
n’entrerai pas dans l’examen du fond. Il est de toute évidence pour moi,
d’après le texte et l’esprit de la loi, que la question doit être résolue comme
elle l’a été. Je pourrais citer une autorité qui est d’un bien grand poids,
L’autorité de M. Leclercq. La question a été décidée par lui comme elle l’a été
depuis pour la ville de Bruxelles, elle se présentait pour le tribunal de
commerce de Gand. On s’est rendu aux motifs exposés par le ministre de la
justice.
Je
regrette que l’honorable membre n’ait pas été présent quand le rapport a été
fait, mais je pense que la chambre a dû apprécier les motifs qui y étaient
développés ; ce n’est qu’ainsi que je puis expliquer l’adoption des conclusions
du rapport. Ces conclusions étaient très nettes. Si la chambre est d’avis que
l’opinion de négociants de Bruxelles peut être soutenue, il y a lieu de
renvoyer la pétition au ministre avec demande d’explications. Dans le cas
contraire, il y a lieu de déposer la pétition au bureau des renseignements.
C’est sur des conclusions ainsi formulées que la chambre a ordonné le dépôt au
bureau des renseignements.
Si la décision prise par la chambre pouvait encore être remise en
discussion, je pense qu’il serait facile d’établir à l’évidence que
l’interprétation donnée par le gouvernement est juste et fondée sur le texte et
le véritable esprit du code de commerce.
M. Verhaegen. - J’ai quelques
mots à répondre à M. le ministre de la justice, non sur le fond, car pour le
fond, quoi que l’on puisse en dire, je ne pense pas qu’il ait détruit mes
allégations.
J’ai
formulé quatre griefs, je les maintiens, Il est facile de dire qu’on ne
s’attendait pas à l’attaque et qu’on ne peut pas s’en expliquer d’une manière
catégorique. C’est ce qui s’appelle tourner la difficulté.
Quant à
la forme de la réplique, je ne sais si M. le ministre comprend comme moi les
discussions parlementaires. Je combats mes adversaires souvent avec force, mais
toujours je reste dans les convenances parlementaires.
Je n’ai
rien dit qui puisse s’appliquer à M. le ministre de la justice, comme homme
privé, et lorsqu’il s’est servi du mot calomnie, il est évidemment sorti des
bornes parlementaires, et a oublié sa position et son rôle. Je ne le suivrai
pas sur ce terrain des personnalités, parce que j’ai toujours pensé que celui
qui sort des justes limites, et qui, pour me servir d’une expression triviale,
se fâche à la tribune, est dans son tort. Je ne me suis pas servi d’expressions
inconvenantes envers M. le ministre de la justice, mais je l’ai attaqué. La
chambre appréciera de quel côté est le tort, libre à M. le ministre, à
l’avenir, de ne pas me faire l’honneur de me répondre, ce qui le mettra mieux à
l’aise.
Je n’ai
qu’un mot à dire en réponse à l’honorable M. Malou. Je ne sais s’il m’a bien
compris. Je ne lui ai pas fait un reproche d’avoir fait un rapport sur une
question qu’il avait examinée précédemment au ministère de la justice. J’ai dit
seulement qu’il n’était pas étonnant que l’honorable M. Malou ait exprimé une
opinion conforme à celle de M. le ministre de la justice, alors qu’il avait
déjà exprimé cette opinion précédemment ; j’aurais pu y ajouter cette
considération qu’alors qu’un homme a déjà émis une opinion il y tient
d’ordinaire.
La
chambre a statué sur les conclusions de la commission des pétitions ; mais elle
n’y a attaché aucune importance.
Si vous
voulez que la question soit décidée en connaissance de cause, décidez que le
rapport sera imprimé et distribué.
Ce n’est
pas parce qu’elle émane d’un ministère que je combats, que je blâme la mesure
qui a été prise. Je l’eusse fait sous le ministère de M. Leclercq, comme je le
fais sous le ministère Van Volxem. J’ai la conviction que la loi a été violée ;
l’art. 622 du code de commerce est tellement clair que je ne conçois pas qu’il
ait pu entrer dans l’esprit de qui que ce soit de lui donner un autre sens que
celui que j’y donne. Pour étayer mon système, j’ai l’opinion de tous les
auteurs, les discours des orateurs du gouvernement, un avis du conseil d’Etat.
J’ai en un mot, toutes les autorités pour moi ; vous n’en avez aucune, sauf une
opinion émise, à ce qu’il paraît, par un autre ministre de la justice. Je
respecte beaucoup l’opinion de M. Leclercq ; mais tout ce qui a été fait par
lui ne doit pas être suivi aveuglément ; j’aurais, je le répète, combattu cette
doctrine sous le ministère de M. Leclercq, comme je la combats sous le ministère
de M. Van Volxem.
Si vous trouvez que cela est tellement clair, laissez, comme je le
disais tout à l’heure, imprimer et distribuer le rapport. En attendant, ce qui
est beaucoup plus clair, c’est que les notables vous répondent par une force
d’inertie, par cette résistance légale contre laquelle vous ne pouvez rien.
M. le ministre de la justice (M. Van Volxem) - La
chambre jugera entre M. Verhaegen et moi lequel des deux est sorti des
convenances. La chambre se souviendra que cet honorable membre m’a positivement
imputé d’avoir présenté un projet de loi sur la magistrature, en faisant des
vœux pour son rejet. (Adhésion.)
Il
semblerait que c’est un parti pris pour le ministère d’être hostile à la
magistrature ; il n’en est rien ; le gouvernement a présenté un projet de loi
tendant à améliorer la position des membres de l’ordre judiciaire, tandis qu’il
n’a rien proposé encore en faveur des fonctionnaires de l’ordre administratif,
quoique plusieurs sections aient fait observer qu’il serait juste d’améliorer
leur sort.
- La
séance est levée à 4 heures et demie.