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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 7
décembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative au canal de la
Campine (Huveners)
2) Motion
d’ordre relative au projet de loi pour l’exécution de jugements au profit du
sieur de Gruyter (Sigart, Dubus (aîné))
3)
Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1843.
Dispositions légales (Donny)
(A : droits de fanal et de pilotage à Ostende ; B : contribution
personnelle, taxe sur les chevaux de luxe) (A (Donny), B
(Savart-Martel), A (Nothomb, Donny), B (Smits, Dubus
(aîné), Savart-Martel, Smits, de Garcia, Vandenbossche, Demonceau, Savart-Martel, Demonceau, de Garcia, Savart-Martel, de Mérode, Smits, Savart-Martel, Cools, Dubus (aîné), Demonceau, Cools),
impôt sur la bière (Demonceau, de
La Coste))
4)
Nomination des membres de la Cour des comptes
5)
Projet de loi portant le budget de la dette publique pour l’exercice 1843.
Discussion générale. Commission de surveillance pour l’amortissement de la
dette publique et pour l’emploi des fonds de dépôts et consignations, gestion
de la dette flottante, comptabilité publique et/ou cour des comptes (de Foere, Cogels, Rodenbach, Smits, de Foere, Osy)
(Moniteur
n°342, du 8 décembre 1842)
(Présidence de M.
Raikem)
M. de Renesse fait l’appel nominal à 1 heure et quart.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente dont la rédaction est
adoptée.
M. de Renesse communique les pièces de la correspondance :
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Pierre Keys,
curé à Helchteren, né à Huisseling
(Pays-Bas) demande la naturalisation. »
« Le chevalier Adolphe Philibert Ernest de Calonne
de Beaufait, capitaine de 1ère classe au 4ème
régiment d’infanterie, né à Forest (France) demande la naturalisation
ordinaire. »
- Renvoi à M. le ministre de la justice.
___________________
« Les brasseurs de Rupelmonde
et de Basel présentent des observations contre les projets de loi portant :
l’un à majorer les centimes additionnels sur le principal de l’accise des
bières, l’autre à modifier la loi de 1842 sur les bières. »
« Mêmes observations des brasseurs d’Overmeire, de la ville d’Ypres, et des villes et communes
environnantes de l’arrondissement de Turnhout, de la ville de Lokeren, de la
commune d’Exaerde et du canton de Comptich. »
« Les frères Pourbaix
présentent des observations contre le projet de loi tendant à modifier les
bases de l’impôt sur les bières. »
- Renvoi à la section centrale chargée d’examiner le
projet de loi modifiant les bases de l’impôt sur les bières.
_________________
« Le conseil communal d’Achel présente des observations concernant le projet de loi
sur le canal de la Campine. »
« Mêmes observations du conseil communal de Caulille et de celui de Lille-Saint-Hubert. »
- Sur la proposition de M.
Huveners, cette pétition est renvoyée à la
section centrale chargée d’examiner ce projet.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DU DEPARTEMENT DES
AFFAIRES ETRANGERES POUR L’EXERCICE 1843
M. de La Coste. - Je viens déposer le rapport de la section centrale sur le budget des
dépenses du ministère des affaires étrangères.
Ce rapport sera imprimé et distribué. La chambre en
fixe la discussion après celle des budgets déjà à l’ordre du jour.
MOTION
D’ORDRE RELATIVE AU PROJET DE LOI POUR L’EXECUTION DE JUGEMENTS AU PROFIT DU
SIEUR DE GRUYTER (TITRE A ADAPTER)
M. Sigart. - Messieurs, dans la session dernière, le gouvernement nous a soumis un
projet de loi pour l’exécution de jugements rendus contre lui, et au profit du
sieur de Gruyter.
Ce projet de loi a été renvoyé à la commission
permanente des finances. Jusqu’à présent cette commission n’a pu s’en
occuper ; je demanderai qu’elle veuille bien l’examiner incessamment.
M. Dubus (aîné). - Messieurs, les membres de la commission des finances ne se sont pas
encore assemblés pour s’occuper de ce projet de loi, parce qu’ils font partie
des sections de la chambre et des différentes commissions qui s’occupent de
l’examen du traité, des budgets et de différents autres projets importants.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR
L’EXERCICE 1843
Discussion des dispositions légales
M. le président. - L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du budget des voies
et moyens.
Nous en sommes arrivés à la discussion du projet de
loi :
Article premier
« Art. 1er. Les impôts directS
et indirects existant au 31 décembre 1842, en principal et centimes
additionnels ordinaires et extraordinaires, tant pour les fonds de non-valeurs
qu’au profit de l’Etat, ainsi que la taxe des barrières, continueront à être
recouvrés, pendant l’année 1843, d’après les lois et les tarifs qui en règlent
l’assiette et la perception. »
La section centrale propose un paragraphe
additionnel, ainsi conçu :
« § 2 (section centrale). La disposition de
l’art. 1 de la loi du 29 décembre 1835, n° 859, est renouvelée pour l’exercice
1843, à l’égard des provinces qui n’ont pas contracté d’abonnement pour le
service administratif de la poste aux lettres. »
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je me suis rallié à cet amendement.
M. le président. - Deux amendements ont été présentés, l’un par M. Donny, l’autre par M.
Savart-Martel.
Voici celui de M. Donny : « Toutefois, le
gouvernement est autorisé à mettre les tarifs des droits de fanal et de
pilotage perçus au port d’Ostende, en harmonie avec les tarifs qui sont ou
seront établis en d’autres localités. »
Voici celui de M. Savart-Martel : « Les chevaux
employés habituellement à l’agriculture ne sont point soumis à l’impôt, sauf le
cas où ils seraient attelés à une voiture suspendue. »
La parole est M. Donny, pour développer son
amendement.
M. Donny. - Messieurs, il se perçoit au port d’Ostende un droit de fanal qui ne se
perçoit que là, et dont le produit cependant sert à payer l’éclairage maritime
du littoral belge tout entier.
Il se perçoit encore au port d’Ostende des droits de
pilotage réglés par un tarif hollandais, dont le taux est trop élevé. Et la
preuve, messieurs, qu’il est trop élevé, c’est que sous le régime précédent ce
service a donné un excédant de 204,000 florins en dette active dont le grand
livre d’Amsterdam paie encore aujourd’hui les intérêts.
Ce sont là, messieurs, deux griefs contre lesquels
la chambre de commerce d’Ostende et moi n’avons cessé de réclamer et dans cette
enceinte et dans les cabinets des ministres. Et cependant rien de plus simple,
rien de plus juste, que les moyens de faire droit à ces plaintes.
En ce qui concerne le droit de fanal, si on voulait
absolument faire supporter par le commerce maritime les frais de ce service
public, il fallait établir un droit de fanal uniforme frappant tous les navires
qui se rendent en Belgique, quel que fût le port de leur destination. Il y
aurait alors eu équilibre ; il y aurait eu justice.
En ce qui concerne le droit de pilotage, il fallait
réduire le tarif évidemment trop élevé du port d’Ostende au niveau du tarif des
ports qui se trouvent dans une situation pareille, par exemple, au niveau du
tarif de Flessingue.
Messieurs, cette double mesure : l’établissement
d’un droit de fanal uniforme, l’abaissement du tarif du port d’Ostende au
niveau de celui de Flessingue, je vous la proposerai aujourd’hui même, si le
traité, qui est intervenu entre la Belgique et la Hollande ne compliquait tant
soit peu la question.
Vous 1e savez, messieurs, ce traité prescrit la
perception d’un nouveau droit de fanal sur l’Escaut et de plus, à la suite des
ratifications de ce traité, un tarif nouveau sur les droits de pilotage doit
être introduit à Flessingue. Dès lors je conçois parfaitement qu’à la veille
d’un changement de régime sur l’Escaut, je ne puis espérer d’obtenir de vous un
régime nouveau spécial pour le port d’Ostende. Je reconnais qu’il faut, avant
tout, que le traité soit discuté, accepté ou rejeté ; qu’il faut ensuite, dans
l’hypothèse de l’acceptation du traité, que l’on décide si le nouveau droit de
fanal qu’il s’agit d’établir sur l’Escaut, sera supporté par le commerce
maritime, ou s’il sera racheté par l’Etat comme le traité en donne le droit au
gouvernement ; qu’il faut enfin que l’on arrête d’une manière définitive et que
l’on publie le nouveau tarif pour les droits de pilotage de Flessingue.
Je ne puis donc, messieurs, vous demander
aujourd’hui une décision immédiate sur nos réclamations. Cette décision
immédiate, je ne vous la demande pas. Tout ce que je vous demande, c’est de
vouloir bien donner au gouvernement le pouvoir d’établir, aussitôt qu’il le
pourra, l’équilibre qui n’aurait jamais dû être rompu entre les ports de
Belgique.
C’est là, messieurs, le but du paragraphe additionnel
que j’ai l’honneur de vous proposer ; ce paragraphe n’a pas d’autre portée. Une
fois que le gouvernement sera muni de cette autorisation, il examinera la
question à fond ; et lorsqu’il s’occupera de l’organisation définitive du
service de l’Escaut, il prendra à l’égard du port d’Ostende les mesures que lui
dictera la justice de nos réclamations.
En terminant, messieurs, je dois vous faire observer
que l’amendement qui est en discussion, peut être considéré comme remplaçant le
projet de loi que j’ai eu l’honneur de vous présenter dans le courant du mois de mars 1841, projet de loi par
lequel je vous proposais l’établissement d’un droit de fanal uniforme de 3 c.
par tonneau. Aujourd’hui que nous nous trouvons en présence d’un traité qui
prescrit la perception d’un droit de fanal s’élevant à 13 centimes environ par
tonneau, le droit de 3 centimes que j’avais proposé ne peut être voté. Aussi,
je déclare retirer le projet que j’ai présenté en 1841, et le remplacer par le
paragraphe additionnel que j’ai eu l’honneur de proposer à la chambre, et qui
est ainsi conçu :
« Toutefois, le gouvernement est autorisé à
mettre les tarifs des droits de fanal et de pilotage perçus au port d’Ostende
en harmonie avec les tarifs qui sont ou seront établis en d’autres localités. »
- L’amendement de M. Donny est appuyé.
M. le président. - La parole est à M. Savart, pour développer son amendement.
M. Savart-Martel. - La loi néerlandaise du 12
juin 1821 introductive d’un nouveau système de contributions personnelles a
frappé de 20 florins les chevaux de luxe.
Elle a frappé de 5 florins les chevaux des
voituriers, maîtres de postes et autres loueurs.
« Sont exempts, dit-elle, les chevaux exclusivement
employés à l’usage de l’agriculture, des fabriques, manufactures ou usines, et
ne servant jamais aux usages indiqués pour ceux soumis à la taxe. Cependant
lorsque ces chevaux seront en même temps employés aux attelages des voitures
suspendues sur ressorts ou courroies, il sera paye par chaque cheval 7
florins. »
On le voit, la loi n’a
point frappé indistinctement tous les chevaux, mais les chevaux de luxe. Et en
frappant de 7 florins les chevaux de labour, au cas spécial d’emploi aux
attelages de voitures suspendues, il est évident qu’elle ne les a point présumés chevaux de luxe.
Le législateur savait très bien qu’un cheval de
labour pouvait être monté de temps à autre, comme il arrive dans toutes les
fermes ; mais comme les dandys, les fashionables, non plus que les lions de nos jours, ceux, enfin, qui
aiment le faste et le luxe, dédaignent cette modeste monture de l’économie, il
n’a pas cru devoir s’exprimer plus clairement, et, en effet, nous n’avons
jamais vu parader tels chevaux, soit à l’Allée-Verte, soit dans nos autres
promenades publiques.
La loi du 28 juin 1822 n’a été qu’une loi
d’exécution ; elle n’a point étendu la matière imposable.
Voir l’article 42.
Voir aussi l’article 43. Il indique, quoique d’une
manière insuffisante peut-être, ce qu’on entend par chevaux de luxe.
II ne dit point que ce sont ceux employés à la selle
accidentellement c’est, dit-il, l’usage fixe ou permanent, servant à la selle
ou à l’attelage des voitures.
Ce qui semble prouver encore que les chevaux de
l’agriculture ne sont frappés d’impôt que dans le cas d’attelages, c’est l’art.
46, puisqu’il établit en principe l’exemption, et ne déroge à cette exemption
que pour le seul cas de l’attelage ; c’est le cas de l’adage exceptio confirmat regulam.
La manière dont se demandent et se donnent les
déclarations vient encore à l’appui de mon opinion ; car les cultivateurs
n’ayant point de chevaux uniquement destinés à être montés, se trouveraient
dans une position à devoir les déclarer tous, puisqu’accidentellement tous
peuvent servir à la selle.
Dans la session de 1837, des plaintes s’élevèrent
sur l’application de cette loi. Au lieu de la réviser, comme l’avait ordonné
l’assemblée constituante, elle fut modifiée le 12 mars 1837, par des
dispositions qui ont eu pour but, non d’augmenter les charges mais de les
diminuer. C’était sous le ministère de l’honorable M. d’Huart.
Voir cette loi...
On remarque d’abord qu’au lieu d’une augmentation,
elle veut une diminution ; elle modifie l’art. 42, mais ne touche pas à
l’article 46. Cette loi n’a point en vue les chevaux servant habituellement au
labourage, mais les chevaux destinés soit à la selle, soit à l’attelage,
employés principalement et habituellement à l’exercice de diverses professions,
tels que médecins, s’il n’y est point question des avocats, chirurgiens,
artistes vétérinaires, fabricants, commis voyageurs et cultivateurs.
Ainsi, d’après cette loi, le cultivateur qui possède
un cheval qu’il monte ou attelle principalement et habituellement pour sa
profession, ne doit que quinze francs ; mais si ce cheval sert ordinairement à
l’agriculture, il reste dans le droit commun de la loi de 1821.
C’est la destination principale, l’emploi habituel
qui constituent la différence. Les uns sont destinés à
la personne même du cultivateur, tandis que les autres sont destinés à la
glèbe, aux fonds à cultiver.
Sous l’empire de cette loi sont émanées 2
circulaires ministérielles. L’une du 1er mai 1837, sous le ministère de
l’honorable M. d’Huart ; l’autre du 31 décembre 1839, sous le ministère de
l’honorable M. Desmaisières.
Par la première, il est reconnu que, sous la loi de
1822, les chevaux des cultivateurs, servant accessoirement à la selle,
n’étaient point imposables ; que le but de la loi nouvelle n’a point été
d’imposer ceux qui primitivement n’étaient assujettis à aucune taxe, mais de
réduire à quinze francs ceux qui autrefois devaient payer vingt fl. ; tandis
que la circulaire de 1839 part du point que ces chevaux étaient frappés
primitivement de l’impôt de vingt fl. Or, si deux ministres, hommes d’esprit,
ne sont point d’accord sur un pareil point, c’est une preuve que la loi est
défectueuse.
Voici ces deux circulaires :
Voici donc l’état actuel des choses
administrativement au moins à l’égard des chevaux tenus par le cultivateur ; il
y a 4 catégories.
1° Le cheval servant uniquement à la selle,
principalement par luxe, et accessoirement pour la profession, paye comme
cheval de luxe.
2° Le cheval servant principalement à la selle pour
l’exercice de la profession et accessoirement à l’agriculture, paye 15 fr.
3° Le cheval employé principalement à l’agriculture,
mais accessoirement à la selle pour l’exercice de la profession et pour
l’agrément doit aussi 15 fr.
4° Le cheval, employé principalement à
l’agriculture, mais servant aussi à la selle, accessoirement pour l’exercice de
la profession seulement, ne doit rien.
Cette théorie se conçoit ; mais en pratique elle
donne matière au plus odieux arbitraire, il n’en peut guère être autrement.
D’abord, il n’est pas toujours facile de connaître si
le cheval sert à l’agriculture principalement. Puis il est encore plus
difficile de s’assurer si le cultivateur, rencontré sur son cheval, s’en sert
pour l’exercice de sa profession.
Enfin, dans beaucoup de nos campagnes, les fermiers
emploient tous leurs chevaux à l’agriculture habituellement mais tantôt ils
montent l’un, tantôt ils montent l’autre, suivant les besoins et circonstances.
D’ordinaire, ils n’ont pas de chevaux ayant une destination spéciale.
Comment l’agent du fisc s’assurera-t-il si ce fermier
voyage pour son agrément ou pour sa profession ? Cette indagation
n’est d’abord pas dans nos mœurs, et la réponse du fermier sera probablement
conforme à son intérêt. Si l’homme du fisc ne croit pas cette réponse, il faut
une enquête, donc un procès.
L’honorable M. d’Huart a senti cette fausse
position. Malgré toute sa bonne volonté et son expérience, il n’a pu indiquer
un signe certain pour reconnaître le cas imposable.
Il a indiqué pour exemple de l’exception, le cas où
le cheval serait chargé d’un porte-manteau, d’un sac ou autre fardeau que ne
comporte pas un usage ordinaire d’agrément. Ainsi, on croira 1e fermier qui
aura eu la précaution de prendre un sac ou son porte-manteau, tandis que
l’autre sera sous la prévention de fraude. Je sais qu’on pourra y joindre
d’autres circonstances ; mais, convenons-en, c’est soumettre l’agent fiscal à
un système d’espionnage qui doit le rendre odieux, c’est lui laisser un
arbitraire dangereux ; c’est exposer le citoyen à des vexations insupportables.
Le procès-verbal, en pareil cas, sera presque
toujours suivi de poursuites judiciaires où les employés auront tort ou raison,
suivant que le fermier pourra plus ou moins facilement prouver la cause pour
laquelle il montait ce cheval.
Aussi ne doit-on point s’étonner de la diversité des
jugements et arrêts en cette matière.
La cour de Bruxelles a décidé, le 29 février 1840,
que le cultivateur ou l’industriel qui n’emploie qu’accidentellement à la selle
l’un des chevaux employés à sa profession habituellement, ne tombe ni sous
l’application de l’art. 42 de la loi du 28 juin 1822, ni sous celle de l’art.
1er de la loi du 12 mars 1837.
La cour de Gand a incidemment appliqué la même
doctrine, le 10 mai 1841. Le même point avait été reconnu par l’arrêt du 4
novembre 1840, Bulletin de 1841, page 138.
Voir aussi les deux arrêts de la cour de Liége du 22
avril 1842.
Dès le 8 avril 1826, la cour de Bruxelles avait
reconnu que pareils chevaux n’étaient point frappés de l’impôt ; cependant la
cour suprême, par son arrêt de rejet du 5 juillet 1842, que tous les chevaux de
selle étaient chevaux de luxe sous la loi de 1822 (contrairement à l’opinion
émise par le département des finances en 1837) ; d’où la cour infère que par
suite de la modification du 12 mais 1837, tout cheval de selle serait soumis à
l’impôt de 15 fr., fût-il même employé principalement et habituellement à
l’agriculture.
Il reste donc vrai que, sous l’application de cette
loi, Cujas dit oui ; Barthole dit non.
Ma demande, messieurs, ferait cesser toute
incertitude ; elle rallierait au gouvernement beaucoup d’habitants de nos
campagnes, que tourmente singulièrement cet impôt, exigé à tort ou à droit dans
quelques localités seulement.
Vous le savez, l’habitant des campagnes surtout est
d’une économie sévère. Déjà surchargé d’impôts, courbé sous le poids de la
contribution foncière, des charges provinciales et locales qui vont chaque
année en augmentant, il lui faut cette sévère économie pour se maintenir
honorablement. Telle faible que paraisse une taxe de 15 à 20 francs, il la
supporte d’autant plus impatiemment, qu’elle donne matière à un arbitraire sans
précédent. Cette taxe est presque assimilée à l’impôt mouture et d’abattage
d’odieuse mémoire.
On m’objectera peut-être que les tribunaux sont
appelés à juger les faits et circonstances, et à décider les contestations que
soulève le zèle des employés du trésor. Mais, messieurs, les poursuites de la
régie coûteront toujours plus aux contribuables que la hauteur de l’impôt. Ce
sont de ces procès qui ruinent le modeste cultivateur qui les gagne ; et je ne
crois pas qu’il s’élève dans cette enceinte aucune voix pour établir qu’il faut
payer une taxe qu’on croit ne pas devoir.
Ici un mot sur la pratique.
Force est-il donc de rédimer vexation, soit par le
paiement, soit ce qui est encore plus odieux, par une transaction.
On invoquera peut-être le besoin du trésor ! mais le trésor doit vivre des impôts décrétés, d’acte de
justice et de loyauté. J’ajouterai que cette exigence, qui est devenue un fléau
dans nos campagnes, n’intéresse presque pas le trésor. Elle ne vaut pas les
frais et les dépenses, les embarras qu’elle lui occasionne, le véritable profit
en appartient à ces heureux mortels de la finance qui partagent les
transactions, ce nouveau genre de démoralisation qu’ont importé chez nous les
Hollandais.
Messieurs, l’obscurité, l’ambiguïté des lois sont un
malheur surtout en matière fiscale ; d’abord pour le contribuable, qui sera
toujours porté à croire qu’on lui en fait une application illégale puis pour le
magistrat, dont la position la plus pénible est celle du doute.
La Belgique compte dans sa magistrature les citoyens
les plus sages et les plus éclairés ; vous les avez vus divisés cependant sur
l’interprétation de la loi. En faut-il davantage pour exciter votre sollicitude
?
Peut-être la chambre admettra-t-elle que la loi de
1821 doit être entendue dans le sens même de ma proposition.
En ce cas, la demande que j’ai
eu l’honneur de lui soumettre, ne sera point un amendement proprement dit, mais
une interprétation ; ou si l’on veut même une demande officielle
d’explications. Vous ne souffrirez point que la forme emporte le fond.
La forme m’importe peu ; dès que le principe
conforme à ma proposition, absolument conforme et décrété, ou au moins reconnu,
mon but serait atteint ; car il n’y aurait plus ni doute, ni arbitraire ; je
dis arbitraire, car à moins d’espionner nos cultivateurs du 1 janvier au 31
décembre, personne n’oserait affirmer qu’un cheval, servant principalement à
l’agriculture, et sur lequel serait trouvé le fermier, sert à un acte
d’agrément, plutôt qu’à sa profession.
C’est, je le répète, créer au ministère des embarras
qui ne valent pas le droit ; c’est volontairement exposer le contribuable à des
déclarations mensongères ; c’est créer au gouvernement des ennemis. C’est
donner à la fraude une sorte de prime.
On nous a dit autrefois, messieurs :
Selon
que vous serez ou faible ou puissants,
Les
jugements des cours vous rendront noirs ou blancs ;
Eh bien, après avoir longtemps étudié et commenté la
déplorable loi du système hollandais, je ne puis m’empêcher de dire :
Vous
aurez à payer ou non de par la loi,
Selon
que vous serez adroit ou maladroit.
- L’amendement de M. Savart est appuyé.
M. le président. - Si la chambre ne s’y oppose pas, je mettrai d’abord en discussion
l’amendement de M. Donny.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Messieurs, les réflexions par
lesquelles l’honorable M. Donny a terminé, prouvent que son amendement est
prématuré. Cet amendement suppose le vote du traité du 5 novembre. Ce traité
étant voté, il y aura en effet quelque chose à faire relativement à Ostende. Il
faudra mettre le pilotage d’Ostende en rapport avec le pilotage de Flessingue, pilotage
qui aujourd’hui n’est pas encore définitivement fixé. En second lieu il faudra
aussi établir un rapport entre les charges que supporte la navigation à Ostende
en ce qui concerne les droits de feu avec celles qu’elle supportera peut-être à
Anvers. Si à Anvers la navigation ne supporte aucun droit de feu, vous aurez à
examiner s’il n’est pas juste d’accorder la même faveur à Ostende.
Mais ces questions, je le répète,
ne se présenteront que lorsque le traité aura été voté, ou à l’époque du vote
du traité. L’honorable auteur de l’amendement le reconnaît lui-même ; c’est une
précaution qu’il veut prendre en quelque sorte ; il a déclaré que le
gouvernement verrait ce qu’il y a lieu de faire. Pour être conséquent avec
lui-même il devrait ajourner sa proposition et la reproduire lors de la
discussion du traité, ou après le vote du traité.
M. Donny. - Je vois avec plaisir M. le ministre de l’intérieur reconnaître qu’il y
a quelque chose à faire pour le port d’Ostende. Je suis au reste persuadé que
si la question est soumise à la législature, dans le cas, par exemple, où le
gouvernement ne prend pas sur lui de la décider, la chambre reconnaîtra la
justesse de nos réclamations. Il y a deux lignes parallèles, par lesquelles on
arrive de la mer dans l’intérieur du pays ; sur l’une on paye des droits qu’on
ne paye pas sur l’autre ; sur celle-ci, l’on a des avantages dont on ne jouit
pas sur celle-là. Une injustice pareille ne peut être sanctionnée par la
chambre. J’ai reconnu moi-même qu’on ne pouvait aujourd’hui prononcer sur nos
réclamations, en connaissance de cause. Tout ce que je veux c’est que le
gouvernement soit mis à même de nous rendre justice aussitôt que la chose sera
possible, qu’il soit à même d’organiser un régime pour le port d’Ostende,
lorsqu’il en organisera un pour l’Escaut. Je n’ai aucune objection à faire à ce
que la question soit ajournée jusque-là, si M. le ministre pense que cette
marche est préférable. Mais je prends acte des dispositions favorables que le
gouvernement a manifestées sur la question.
M. le président. - L’amendement de M. Donny est ajourné. La discussion est ouverte sur
l’amendement de M. Savart.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Je présenterai à la chambre à l’égard
de l’amendement de l’honorable M. Savart-Martel, les mêmes réflexions que vient
de présenter M. le ministre de l’intérieur à l’égard de l’amendement de
l’honorable M. Donny.
Il me semble que la proposition
de M. Savart-Martel, ne peut être insérée incidemment dans la loi des voies et
moyens,. C’est une proposition qui tend à modifier
essentiellement une des principales lois du pays, la loi sur la contribution
personnelle. La chambre a toujours écarté ces modifications à l’occasion du budget.
Certainement les réflexions de l’honorable M. Savart-Martel, méritent toute
attention. Mais je crois qu’elles viendraient mieux à leur place, lorsqu’il
s’agira de discuter le projet de loi nouveau sur la contribution personnelle,
présentée à la chambre. Je crois donc qu’il serait prudent et conforme aux
antécédents de la chambre d’ajourner cette proposition jusqu’au moment où l’on
pourra s’occuper du projet de loi dont je viens de parler.
M. Dubus (aîné). - Je ferai remarquer que l’ajournement équivaut à un rejet ; car le
projet de loi qui a pour objet de modifier l’impôt personnel supprime
précisément l’impôt sur les chevaux. Ainsi l’amendement n’a plus d’objet, dès
qu’on suppose l’adoption du projet de loi. Mais que faisons-nous ? Un budget
des voies et moyens, qui, en attendant que la loi sur la contribution
personnelle soit adoptée, maintient les impôts existants. L’amendement a pour
objet l’impôt existant. Il sera donc trop tard pour l’adopter, lorsque vous
aurez adopté la loi sur la contribution personnelle.
Ainsi qu’on vous l’a fait voir, l’amendement
s’appuie sur de décisions ministérielles, qui sont formelles. Mais, en même
temps on vous fait remarquer que ces décisions ne sont pas exécutées, qu’il y a
des agents des finances qui ne se conforment pas aux instructions du ministre
des finances, et que les cultivateurs, qui emploient incidemment comme chevaux
de monture, pour les besoins de leur ferme, des chevaux de labour, sont vexés ;
des procès-verbaux sont dressés contre eux ; on leur fait des procès, et des
procès très désagréables ; et cela parce que l’art. 1er de la loi du 12 mars
1837 est équivoque, et peut prêter à deux interprétations différentes.
Si les instructions de M. le ministre des finances
étaient exécutées, ces procès n’auraient pas lieu. Mais ces procès ont lieu
dans des circonstances où il y a vraiment l’iniquité la plus révoltante ; car
il m’est revenu qu’un cultivateur, ayant monté sans selle un cheval de labour
pour acheter des chevaux à la foire, a été poursuivi. On a prétendu qu’il
devait payer l’impôt. Certainement cela était manifestement contraire aux
instructions du ministre. Mais enfin l’agent qui a exécuté ainsi les
instructions du ministre, peut les exécuter encore ainsi, si vous n’adoptez une
disposition qui rende la loi tellement claire qu’on ne puisse plus en abuser.
Je crois qu’il est nécessaire de
prendre une disposition dès à présent, puisque vous conservez la législation
existante.
M. Savart-Martel. - Naturellement je parlerai
dans le sens de ma proposition, et dans le sens des observations que vient de
soumettre à la chambre mon honorable collègue M. Dubus.
Je pourrais vous citer une foule de cas ; mais je ne
veux pas abuser des moments de la chambre. Je m’expliquerai seulement sur la
demande d’ajournement.
M. le ministre des finances parle d’une nouvelle
loi. Cette nouvelle loi, je ne puis concevoir qu’elle serait mise à exécution
le 1er janvier ; car dans ce cas je n’aurais pas besoin d’insister sur ma
proposition. Je pense donc que la même loi qui a été en vigueur dans les
exercices précédents sera en vigueur l’année prochaine. Si ma proposition est
juste, pourquoi ne serait-elle pas admise pour 1843 ?
L’ajournement proposé serait,
comme vient de l’expliquer l’honorable M. Dubus, le rejet de ma proposition et
un rejet fondé sur le motif le plus futile, sur ce qu’il y a un projet de loi
qui n’est pas encore examiné.
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Il y a deux jours que mon attention a
été éveillée sur le défaut d’exécution des instructions par les agents des
finances, en ce qui concerne la loi sur la contribution personnelle. Je
prendrai à cet égard des renseignements. Je ferai en sorte que les instructions
soient ponctuellement observées. En attendant, s’il y a des abus, on pourra
rechercher s’il n’y a pas lieu de porter une loi spéciale. Mais auparavant, il
convient que je m’assure que les instructions du département des finances ne
sont pas exécutées.
Je persiste donc à croire qu’on
doit ajourner la proposition de l’honorable M. Savart, et qu’on doit en faire
l’objet d’une loi spéciale, s’il y a lieu.
M. de Garcia. - On doit convenir que, dans la loi actuelle sur la contribution
personnelle, il y a beaucoup à dire à l’égard des chevaux. Il en était de même
sous l’empire de la loi hollandaise. Il y avait alors divergence sur ce qu’on
entendait par chevaux de luxe, proprement dits, ou par chevaux mixtes. Les
tribunaux étaient divisés ; l’administration était divisée. La loi était
évidemment incomplète. Sous le ministère de l’honorable M. d’Huart, on voulut
faire disparaître un doute, et décider ce qu’on devait entendre par cheval
mixte. Il résulta de là un nouveau doute. On fut alors divisé sur la question
de savoir ce qui constituait un cheval mixte, c’est-à-dire, soumis au droit
simple de 14 florins, Sur ce point, les circulaires ministérielles furent
d’avis différents. Les tribunaux furent aussi divisés sur le sens de la loi de
1837 ; ensuite cette loi, qui a eu pour objet de prévenir qu’on ne confondît
les chevaux mixtes avec les chevaux de luxe, a créé des doutes nouveaux sur le
point de savoir quels chevaux doivent le droit de 15 florins ou n’en doivent
aucun. Il faut donc faire cesser le doute que fait naître la loi. Mais il faut
l’interpréter d’une manière opportune. Je ne crois pas que ce soit à propos du
budget des voies et moyens qu’il convienne d’examiner cette question. Si l’on
votait la nouvelle loi sur la contribution personnelle, on pourrait lever le
doute dans cette loi.
Cette question a plus de portée qu’on ne pense. En
effet, si vous déclarez que les chevaux de selle seront exemptés de l’impôt
dans les campagnes, autant vaut dire que les chevaux dans les campagnes ne
payeront plus l’impôt, parce qu’en général à la campagne tous les propriétaires
de chevaux de selle les emploient à quelques travaux légers d’agriculture.
Alors vous réduirez votre impôt ; et puis vous ferez naître un autre doute ;
quand les chevaux de l’agriculture seront attelés à une voiture suspendue, on
pourra encore alors, aussi bien qu’on le prétend aujourd’hui, vexer leurs
propriétaires, si vexation il y a. Restera toujours à voir si ces chevaux sont
habituellement employés à l’agriculture et accidentellement à l’attelage ; à
cet égard les investigations qu’on a qualifiées de vexatoires et toutes les
difficultés actuelles ne disparaîtront pas. On le voit, cette question est
assez grave.
Quant à moi, comme magistrat, j’ai eu à appliquer la
loi, sous le gouvernement des Pays-Bas et sous le gouvernement actuel ; les
tribunaux ont été très embarrassés ; par la force des choses, l’application de
la loi est très difficile, Je ne sais si l’on ne devrait pas supprimer cette
partie de la contribution, à cause de la difficulté de déterminer les cas où le
droit est dû, c’est une question à examiner sérieusement.
Quand on dit que cet impôt est supprimé, d’après le
projet de loi présenté, ce n’est pas un motif pour faire disparaître l’examen
de cette question, surtout en présence de cette déclaration du ministre, qui a
pris l’engagement de faire une circulaire pour engager les employés de
l’administration à mettre de la retenue et de la modération dans leurs
poursuites pour l’application de cette disposition de la loi. Je parle des
employés de l’administration, parce que les tribunaux ne peuvent jamais être
liés des par circulaires ministérielles.
L’honorable M. Dubus sait mieux
que moi, que les actes de cette nature ne peuvent jamais tenir lieu de loi
devant la justice. D’après ces considérations et en présence des difficultés de
la question, je pense que nous devons attendre que nous soyons saisis de la loi
sur la contribution personnelle, pour examiner la proposition faite par M.
Savart.
M.
Vandenbossche. - Je demande la parole pour
appuyer la proposition de l’honorable M. Savart.
Les instructions ministérielles paraissent assez
claires : quand le paysan s’est muni d’un porte-manteau, ou d’un sarrau, son
cheval ne paie pas. Mais quelles que soient les mesures que l’on prenne pour
l’alléger, cet impôt sur les chevaux habituellement employés à l’agriculture
est même contraire à l’industrie agricole. Un paysan, éleveur de chevaux, doit
pouvoir dresser son cheval ; or, pour le dresser, il faut qu’il puisse monter
dessus.
On paraît craindre, messieurs, que si la proposition
était adoptée, on ne parvînt à faire passer les chevaux de luxe pour des
chevaux de travail ; mais cette crainte n’est pas fondée, attendu que les
chevaux de labeur sont suffisamment reconnaissables.
J’ai dit, et je persiste à dire,
que cet impôt est nuisible à l’industrie agricole. Je m’oppose à l’ajournement.
M. Demonceau, rapporteur. - Messieurs, je ne conteste pas les vérités que vient de proclamer
l’honorable M. Vandenbossche, je ne conteste pas non plus les raisons données
par l’honorable M. Savart à l’appui de son amendement ; cependant il faut bien
reconnaître que cet amendement nous arrive dans une circonstance un peu
extraordinaire. Toutes les sections centrales qui ont été chargées d’ouvrir les
projets de lois tendant à régler les voies et moyens ont toujours posé le
principe qu’il ne faut pas, à l’occasion du budget des voies et moyens,
modifier des lois spéciales d’impôts. C’est cependant un changement à une loi
spéciale d’impôt que l’amendement de l’honorable M. Savart tend à consacrer.
L’honorable membre désire que la chambre interprète deux lois qui existent, je
pense, sur cette matière. Eh bien, messieurs, je me permettrai de donner ici un
conseil à l’honorable M. Savart ; qu’il consente à faire de son amendement un
projet de loi spéciale, et qu’il en propose le renvoi soit à une commission,
soit à la section centrale. Si la proposition nous est renvoyée, nous
l’examinerons et nous tâcherons d’éclaircir la question ; mais en présence
d’une première loi interprétative que nous avons portée et qui paraît jeter sur
la matière dont il s’agissait plus de doute qu’il n’y en avait auparavant, je
n’aime pas à improviser une interprétation qui peut-être ferait tort à ceux en
faveur desquels on demande cette interprétation. L’honorable M. Savart nous a
fait observer qu’il y a désaccord complet entre les tribunaux ; mais est-ce
bien en improvisant un amendement que l’on fera cesser ce désaccord ? Quant à
moi, j’en doute, et je vous annonce, messieurs, que dans la position où je me
trouve, je ne saurais émettre un vote
sur l’amendement de l’honorable M. Savart ; mais si nous pouvions l’examiner
attentivement, il nous serait peut-être possible de faire une proposition dans
un bref délai.
Je demanderai donc messieurs, que
l’amendement de l’honorable M. Savart soit renvoyé à une commission ou à la
section centrale pour faire l’objet d’un projet de loi spécial.
M. Savart-Martel. - Il me paraît, messieurs, que
tout le monde est d’accord, qu’il y a quelque chose à faire, que la loi laisse
quelque chose à désirer dans son interprétation. Ce motif me paraît déjà bien
puissant pour engager la chambre à adopter mon amendement. On dira peut-être
que ce n’est que l’affaire d’une année, mais quand ce ne serait que l’affaire
de 2 ou 3 mois, justice est due aux contribuables aussi bien pour quelques mois
que pour une ou plusieurs années.
Je donnerai une explication à l’honorable M. de
Garcia qui a dit ne pas bien saisir la portée de mon amendement. Mon amendement
concerne les chevaux tenus par les fermiers et habituellement employés à
l’agriculture ; je ne voudrais pas faire une proposition qui ne renfermât pas
ce mot habituellement, car alors les
inconvénients que craint l’honorable M. de Garcia pourraient être réels, alors
le trésor pourrait essayer des pertes auxquelles je ne voudrais pas l’exposer.
Le texte de la loi actuelle porte également :
« Chevaux habituellement employés à l’agriculture, » mais il y a
divergence sur la question de savoir si un fermier doit l’impôt parce qu’il
aura été rencontré se trouvant par hasard sur l’un de ses chevaux, employés
habituellement à l’agriculture ; la difficulté consiste à reconnaître si le
cheval est employé habituellement à l’agriculture et accidentellement à autre
chose, ou s’il est employé habituellement comme cheval de luxe, et
accidentellement comme cheval de labour. Voilà, messieurs, le véritable point
sur lequel il y a désaccord, et cette différence est très difficile à saisir :
en effet, lors qu’un fermier est rencontré à cheval, comment savoir s’il se
rend à un marché voisin ou à une partie de plaisir ? Si les employés avaient le
discernement de M. le ministre des finances, ils pourraient bien faire la
distinction entre les chevaux qui doivent payer l’impôt et ceux qui en sont
affranchis, mais c’est ce que nous ne pouvons pas exiger d’eux ; nous ne
pouvons pas exiger que les employés soient plus sages que les tribunaux qui
sont constamment en doute sur la question de savoir s’il faut condamner ou ne
pas condamner. Il faut donc convenir, messieurs, que la loi laisse quelque
chose à désirer.
L’honorable M. Demonceau voudrait que je retirasse
ma proposition pour en faire l’objet d’un projet de loi spécial ; mais,
messieurs, j’ai toujours cru que c’était dans la discussion du budget des voies
et moyens qu’il convenait de présenter les propositions relatives à la
perception des impôts. Je n’ai pas empêché que mon amendement fût renvoyé à la
section centrale ; je l’ai présenté au commencement de la discussion, et si on
l’avait renvoyé alors à la section centrale, nous aurions pu avoir aujourd’hui
un rapport ; mais il n’a pas été question d’un semblable renvoi, et la chambre
a décidé que ma proposition serait discutée lorsqu’on s’occuperait de l’art.
1er.
Remarquez, messieurs, que toutes les contestations
auxquelles la loi actuelle donne lieu, ne vont pas devant les tribunaux ; on aime
généralement mieux payer 15 fr. que de plaider, d’autant plus que ces procès
vont presque toujours en appel. Je suis convaincu que cela se fait à l’insu de
M. le ministre des finances ; mais il est facultatif que, pour cette misérable
somme de 15 francs, les paysans sont forcés d’aller en appel ou de payer sans
mot dire. Croyez-vous, messieurs, que le gouvernement gagne à cela ? Évidemment
non ; je pense qu’il perd plus par les faux frais, les embarras, les
tracasseries auxquels la législation actuelle donne lieu, qu’il ne perdrait si
la loi était interprétée comme je demande qu’elle le soit.
On nous a cité des exemples, messieurs, et à mon
tour, je puis vous en citer un : J’ai vu un fermier qui offrait d’abandonner
son cheval pour le montant de l’impôt ; on a refusé son offre, on lui fait un
procès, il a fini par transiger, et il a dû payer 80 fr. Eh bien messieurs, il
s’agissait d’un cheval qu’il avait acheté 10 fr. ; ce n’était certes pas là un
cheval de luxe.
M. de Mérode. - Il aurait fallu destituer l’employé.
M. Savart-Martel. - Je
ne me fais pas le dénonciateur d’un employé ; cet employé peut avoir eu de très
bonnes intentions ; il a été guidé par un excès de zèle, mais ce n’en est pas
moins de l’arbitraire, et c’est cet arbitraire qu’il faut cesser en modifiant
la loi.
M. Demonceau, rapporteur. - Si j’ai proposé le renvoi de la proposition de M. Savart à une
commission, c’est vraiment pour l’aider à sortir de la position où il doit se
trouver en ce moment. Il est certain que l’honorable membre ne peut pas réussir
maintenant à convaincre la chambre que son amendement fera cesser tout doute.
Je lui demanderai, par exemple, comment il entend le mot habituellement ? combien de fois
faudra-t-il qu’un fermier ait employé son cheval à d’autres usages qu’aux
travaux d’agriculture, pour que ce cheval soit considéré comme n’étant pas
employé habituellement à ces travaux ? quand
y aura-t-il habitude ? Il me semble que sur ce point l’honorable M. Savart
devrait s’expliquer plus clairement s’il veut mettre fin aux tracasseries que
sa proposition a pour objet de faire cesser ; car dès le lendemain de la
promulgation de la loi il y aurait doute sur la signification du mot habituellement.
M. de Garcia. - L’honorable M. Savart a dit que je n’avais pas bien compris sa
proposition ; je crois, messieurs, l’avoir très bien comprise. Où se trouve la
difficulté dans l’application de la loi actuelle ? Cette difficulté se trouve
tout entière dans ce qu’on doit entendre par les mots employés habituellement à l’agriculture et accidentellement à la selle
ou à l’attelage des voitures suspendues. Or, je le demande, la proposition
faite lève-t-elle toute difficulté ? Evidemment non. Les employés qui rédigent
les procès-verbaux, et les magistrats qui sont appelés à juger des affaires
semblables, seront encore incertains sur la portée qu’il faudra donner à la loi
qu’on propose ; cette portée n’est pas définie suffisamment.
La proposition de l’honorable M. Savart ne fait
disparaître qu’une partie du doute ; elle fait disparaître la difficulté en ce
qui concerne le mot accidentellement,
mais elle la laisse substituer, quant au mot habituellement. Cependant je puis dire que lorsque j’ai été appelé
à juger de ces contestations, le mot habituellement
m’a tout autant embarrassé que l’expression accidentellement.
Je crains, messieurs, que la
proposition de l’honorable M. Savart mérite toute l’attention de la chambre,
mais qu’il faut la renvoyer à une commission spéciale, afin que cette
commission présente une proposition nette et formelle, une proposition qui
fasse disparaître à l’avenir toute espèce de doute sur l’application de la loi.
M. Savart-Martel. -
Messieurs, je me suis servi dans mon amendement de l’expression même consacrée
dans la loi qui parle des chevaux employés habituellement à l’agriculture.
L’honorable M. de Garcia a dit avec raison que ce mot dans l’exécution prêtait
matière à un doute. Il n’y a pas seulement un doute, il y en a deux ; or, mieux
vaut sans doute d’en faire disparaître un que d’en laisser subsister deux. Au
reste, on sait que les chevaux dont il s’agit sont ceux qui sont employés journellement
au labour, de manière que quand ils sont à la selle, c’est par exception.
M. de Mérode. - Messieurs, la preuve qu’il faut renvoyer l’examen d’un semblable
amendement à une commission, c’est qu’il y a d’autres individus qui sont taxés
par la loi actuelle, plus injustement même que ceux dont on a parlé. Ainsi, par
exemple, les maîtres de poste sont encore obligés de payer la taxe, quoiqu’ils
soient notoirement dans la plus grande gène. Toutes ces modifications doivent être
mûries davantage et ne peuvent pas être introduites légèrement à l’occasion du
budget des voies et moyens.
M. le président. - M. le ministre des finances a demandé l’ajournement de l’amendement en
proposant que cette disposition devienne, s’il y a lieu, l’objet d’une loi
spéciale.
M. Demonceau, de son côté, a proposé de renvoyer
l’amendement à l’examen soit d’une commission, soit de la section centrale du
budget des voies et moyens,
M. le ministre des finances
(M. Smits) - Ma proposition est en quelque sorte
identique avec celle de l’honorable M. Demonceau ; je demande seulement que la
disposition proposée par l’honorable M. Savart ne soit pas insérée dans le
projet de loi du budget des voies et moyens.
M. Savart-Martel
déclare se rallier à la proposition de M. Demonceau.
M. Cools propose le renvoi de l’amendement à la section centrale qui sera chargée
de l’examen du projet de loi sur la contribution personnelle.
M. Dubus (aîné). - Nous ne savons pas quand cette section centrale sera nommée, et
cependant l’honorable M. Demonceau a entendu, je pense, en faisant sa
proposition, que l’amendement de M. Savart ferait l’objet d’un examen immédiat.
M. Demonceau,
rapporteur. - J’ai entendu, en effet, que le
renvoi serait ordonné à une commission qui serait chargée d’examiner
spécialement et dans un bref délai la disposition proposée par l’honorable M.
Savart. Ainsi, l’on pourrait d’abord mettre aux voix la question de savoir si
l’on renverra à une commission spéciale.
M. Cools. - Il faut bien s’entendre sur la portée du vote qu’on nous demande. Si on
renvoie l’amendement à l’examen d’une commission spéciale, on décide
implicitement que la proposition fera l’objet d’une loi spéciale ; si, ce qui
est plus rationnel, on envoie à la section centrale qui examinera la loi sur la
contribution personnelle, l’objet dont il s’agit n’en sera pas moins pris en
considération dans un bref délai ; cette section centrale examinera quelles
modifications il y a lieu d’apporter à la loi sur la contribution personnelle,
et la proposition se fondera dans la loi générale,
M. Demonceau. - En faisant ma proposition, j’ai entendu que l’amendement serait examiné
le plus tôt possible. Or, si vous voulez que la question soit examinée dans un
très bref délai, il ne faut pas renvoyer l’amendement à la section centrale qui
sera chargée de l’examen du projet de loi sur la contribution personnelle.
M. Cools. - Tout le monde sera d’accord sur ce point,
qu’il y a lieu d’adopter la division de la proposition, mais je persiste à
proposer le renvoi de l’amendement à la section centrale qui sera chargée de
l’examen du projet de loi sur la contribution personnelle.
M. le président. - La proposition est
complexe. Le premier point sur lequel la chambre doit statuer d’abord, est celui-ci
:
Détachera-t-on du
budget des voies et moyens l’amendement de M. Savart.
- Cette question est
résolue affirmativement.
La chambre statue
ensuite sur le deuxième point de la proposition.
Après deux épreuves
douteuses, elle décide que l’amendement ne sera pas renvoyé à l’examen d’une
commission spéciale. Elle ordonne ensuite le renvoi de l’amendement à la
section centrale, qui sera chargée de l’examen du projet de loi sur la
contribution personnelle.
M. le président. - Nous allons
continuer l’examen des articles du projet de loi du budget des voies et moyens.
M. le
ministre des finances s’est rallié au paragraphe additionnel proposé par la
section centrale. Ainsi, l’art. 1er est ainsi conçu :
« Art.
1er. Les impôts directs et indirects existant au 31 décembre 1842 en principal
et centimes additionnels ordinaires, et extraordinaires, tant pour les fonds de
non-valeurs qu’au profit de l’Etat, ainsi que la taxe des barrières,
continueront à être recouvrés, pendant l’année 1843, d’après les lois et les
tarifs qui en règlent l’assiette et la perception. »
- Cet
article est adopté.
Article 2
« Art.
2. En attendant l’adoption des lois financières déjà présentées à la
législature et de celles qui lui seront présentées dans le courant de cet
exercice, afin de porter les recettes de l’Etat au niveau des dépenses, il sera
perçu, pour 1843 seulement :
« 1°
Sept nouveaux centimes additionnels sur le principal de la contribution
foncière ;
« 2’
Dix nouveaux centimes additionnels sur le principal de la contribution
personnelle ;
« 3°
Dix nouveaux centimes additionnels sur le principal du droit de patente ;
« 4°
Dix nouveaux centimes additionnels sur le principal de l’accise des bières et
vinaigres. »
La
section centrale propose la suppression de cet article.
- Cette
suppression, qui est la conséquence de la non-adoption des centimes
additionnels, est adoptée.
Article 3 (devenu article 2)
« Art.
3. A partir du 1er janvier 1843, les centimes additionnels sur les droits
d’enregistrement, de greffe, d’hypothèques et de successions seront rétablis à
leur ancien taux. En conséquence, quatre centimes additionnels seront ajoutés à
ceux existants. »
« Art.
2 (de la section centrale correspondant à l’art. 3 du projet du gouvernement).
A partir du premier janvier 1843, les centimes additionnels sur les droits
d’enregistrement, de greffe et de successions sont portés à trente ; ceux sur
les droits d’hypothèques restent fixés à vingt-six. »
Article 4 (renvoyé à une loi spéciale)
« Art.
4. Par modification de l’article 12 de la loi du 27 décembre 1817, aucune dette
ne sera admise dorénavant dans le passif des successions donnant lieu à la
perception des droits établis par ladite loi, à moins que ces dettes ne soient
constatées par des actes authentiques ou ayant une date certaine antérieurement
au décès de l’auteur de la succession. »
M. le président. - La section
centrale propose le renvoi à une loi spéciale.
M. le ministre des finances (M. Smits) se
rallie à cette proposition.
Le renvoi
est ordonné.
Article 3
M. le président. - L’article café a été adopté dans une séance
précédente.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Cet
article doit former l’art. 3.
Article 3 proposé par la section centrale
(devenu article 4)
« Le
gouvernement est autorisé à aliéner :
«
1° Les rentes désignées au tableau litt. A, annexé à la présente loi ;
« 2° Les
parcelles de domaines reprises au tableau litt. B, également annexé à cette
loi.
« Les
débiteurs des rentes auront trois mois, à partir du jour où la présente loi
sera obligatoire, pour opérer le rachat au taux de dix-huit annuités au moins.
»
- Cet
article est adopté.
Article 5
« Art.
5. D’après les dispositions qui précèdent, le budget des recettes de l’Etat,
pour l’exercice 1843, est évalué provisoirement à la somme de cent neuf
millions six cent cinquante mille cinquante trois francs (109,650,053 fr.), et
les recettes pour ordre, définitivement. à celle de treize millions cinq cent
trente-deux mille deux cent vingt-cinq francs (13.552,225 francs), le tout
conformément aux tableaux ci-annexés. »
M. Demonceau, rapporteur. - Je
pense que si l’on adopte la rédaction de la section centrale, il faut en
retrancher les mots provisoirement et
définitivement.
- L’art.
5 est adopté avec cette suppression.
Article 6
« Art. 6.
Pour faciliter le service du trésor pendant le même exercice, le gouvernement pourra,
à mesure des besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation des bons
du trésor jusqu’à concurrence de la somme de vingt et un millions cinq cent
mille francs (21,500,000 fr.), montant de la dette flottante, déduction faite
du prêt fait à la banque de Belgique, en vertu de la loi du 1 janvier
1839. »
- Adopté.
Article 7
« Art. 7.
La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1843. »
- Adopté.
Vote sur l’ensemble du projet
M. le président. - Comme il y a eu des
amendements, nous devons fixer un autre jour pour le vote définitif.
Plusieurs membres. - M. le
ministre se rallie aux amendements.
M. le président. - On paraît
désirer vouloir voter immédiatement. Je vais mettre la question aux voix.
- La
chambre consultée décide qu’il sera passé immédiatement au vote définitif du
budget des voies et moyens.
Les
amendements introduits sont successivement mis aux voix et confirmés.
Il est
ensuite procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.
En voici
le résultat :
81
membres répondent l’appel ;
77
répondent oui ;
2
répondent non ;
2
s’abstiennent.
En
conséquence le projet de loi du budget des voies et moyens, pour l’exercice
1843 est adopté.
Il sera
transmis au sénat.
Ont
répondu oui : MM. Angillis, de La Coste, Cogels, Cools,
Coppieters, David, de Baillet, de la Behr, de Foere, de Garcia de la Vega,
Delehaye, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Mérode, Demonceau, de
Muelenaere, de Nef, de Potter, Deprey, de Renesse,
Desmaisières, Desmet, de Theux, Devaux, de Villegas, Dolez, Donny, Dubus aîné,
Dubus (Bernard), Dumont, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Fleussu, Henot, Hye-Hoys, Huveners, Jadot, Jonet,
Lange, Lebeau, Lejeune, Liedts, Maertens, Malou, Manilius, Mast de Vries,
Meeus, Mercier, Morel Danheel, Nothomb, Orts, Osy, Peeters, Pirmez, Pirson,
Puissant, Raymaeckers, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Simons, Smits,
Thienpont, Trentesaux, Troye, Van Cutsem, Vandenbossche, Vanden Eynde,
Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Vilain XIIII, Wallaert, Zoude et
Raikem.
Ont
répondu non : MM. Delfosse et Verhaegen.
Se sont
abstenus : MM. Savart et Lys.
MM.
Savart et Lys.
M. le président - Les membres qui
se sont abstenues sont invités à en faire connaître les motifs.
M. Savart-Martel. -
Attendu que je ne puis admettre l’exécution même pour 1843 d’une loi
néerlandaise que presque tout le monde reconnaît défectueuse, et qui, dans mon
opinion, jette au plus odieux arbitraire ; loi que le conseil nous avait
ordonné de réviser.
Attendu
d’autre part que le refus du budget des voies et moyens pourrait avoir de
graves inconvénients, j’ai cru devoir m’abstenir.
M. Lys. - Je n’ai pas donné
mon assentiment au budget à cause de l’admission de centimes additionnels sur
l’enregistrement ainsi que l’approbation indirecte donnée à la réduction des
intérêts sur le prêt fait à la banque de Belgique Je n’ai pas voulu coopérer,
par mon vote, au rejet du budget, pour ne pas retarder la perception générale
des impôts.
M. Demonceau propose à la
chambre de statuer sur les conclusions de la section centrale, relatives à la
pétition des brasseurs de Louvain, et tendant au renvoi de cette pétition à M.
le ministre de l’intérieur.
M. de La Coste appuie ces
conclusions en faisant remarquer qu’il a été dans l’erreur lorsqu’il a répondu affirmativement
à l’observation de M. Demonceau que « probablement les griefs des
brasseurs, au sujet des droits à l’entrée des villes, existent probablement à
Louvain vis-à-vis des brasseurs des autres villes. » La personne que les
brasseurs de Louvain ont choisie pour leur organe lui a écrit que « Les bières
externes ne sont frappées que du même droit que les bières fabriquées dans la
ville. »
- Les
conclusions de la commission sont mises aux voix et adoptées ; en conséquence
la pétition des brasseurs de Louvain est renvoyée à M. le ministre de
l’intérieur.
NOMINATION DES MEMBRES DE LA COUR DES COMPTES
M. le président rappelle à la
chambre que le mandat des membres de la cour des comptes expire le 6 janvier
prochain ; il propose de mettre leur nomination à l’ordre du jour d’une
prochaine séance.
Plusieurs membres. - A
demain.
M. de Garcia. - Nous
avons le droit de choisir les membres de la cour des comptes ; si nous fixons
cette nomination à demain, notre droit devient illusoire. Je propose de fixer
cette nomination au 15 de ce mois.
- Cette
proposition est adoptée.
La
chambre adopte également une proposition de M. de Garcia tendant à ce que la
liste des membres de la cour des comptes soit imprimée et distribuée aux
membres de la chambre.
Discussion générale
M. Cogels, rapporteur. - La section centrale
avait proposé de retrancher provisoirement du budget les articles 19 et 20, qui
auraient pu faire l’objet d’une proposition spéciale, lorsque la convention
avec la ville de Bruxelles serait signée, et la loi promulguée. La loi est
maintenant promulguée ; puisque la cause disparaît, l’effet doit aussi
disparaître. La section centrale propose donc de rétablir les 300,000 fr., mais
de supprimer 8,000 fr. pour frais démission des obligations, parce qu’elle ne
voit pas la nécessité d’émettre des titres.
M. le président. - M. le ministre
des finances se rallie-t-il aux modifications proposées par la section centrale
aux articles 15 et 16 ?
M. le ministre des finances (M. Smits) - Oui,
M. le président.
J’ai à
proposer une modification qui ne change rien au résultat du budget, je propose
d’ajouter un article sous le n° 26 ainsi libellé : « Intérêts et
amortissement du capital employé à l’achat de la British Queen
: fr. 150,000 fr. » et de retrancher cette somme de l’art. 21. Ainsi les
500,000 fr. de la dette flottante se trouveraient réduits à 350,000 fr.
M. de Foere. - Messieurs, la
section centrale a émis dans son rapport quelques opinions auxquelles je ne
puis m’associer. Je les crois assez importantes pour mériter l’attention de la
chambre. Ces opinions tendent à instituer une commission de surveillance qui
aurait pour objet l’amortissement de la dette publique et l’emploi des fonds de
dépôt et de consignation. Quant à la première attribution de cette commission,
ce serait une espèce de syndicat d’amortissement qui serait sans objet. La
section centrale en convient, en quelque sorte elle-même, puisqu’elle avoue que
nos fonds publics s’élèvent presque toujours au dessus du pair et que, d’après
les conditions de nos principaux emprunts, l’action de l’amortissement ne peut
s’exercer que lorsque nos fonds sont au pair ou au-dessous de cette cote. Ce
serait donc instituer une commission qui, sous ce rapport, resterait presque
toujours sans objet.
En effet,
messieurs, l’opinion de la chambre est que, comparativement aux fonds
étrangers, les nôtres doivent plutôt monter que descendre. Mais la section
centrale invoque à son appui l’avenir. Des événements pourraient surgir,
dit-elle, qui feraient baisser nos fonds au-dessous du pair, et alors la
commission deviendrait utile et pourrait exercer ses attributions.
Messieurs,
c’est là baser l’action d’une commission sur de pures éventualités. Ces cas ne
sont d’ailleurs pas probables, et, alors même qu’ils arrivent, ils ne sont pas
de longue durée. Aussi les détenteurs des fonds publics ne se laissent plus
effrayer si facilement par des événements politiques pour jeter leurs valeurs
sur le marche. Après la crise, nos fonds reprennent
leur position antérieure. Aussi il a été prouvé par le fait, pendant la
dernière crise, que nos fonds n’ont baissé tout au plus que de 2 p. c, ; ils ont repris en peu de temps leur ancienne valeur.
L’amortissement
chez nous n’est pas comparable à celui de la France. Dans ce dernier pays,
l’amortissement exerce une action très puissante ; c’est une action de tous les
jours. Voilà pourquoi il existe en France une commission d’amortissement ; mais
ici elle ne pourrait presque jamais exercer ses attributions.
Il reste
maintenant l’autre objet : les fonds de dépôt et de consignation. Pour appuyer
son opinion, la section centrale invoque celle de la cour des comptes, énoncée
à la page 20 de son dernier cahier d’observations, les remarques de cette cour,
dit la section centrale, ont dû frapper les membres de cette chambre. Il est
vrai, messieurs, ces observations m’ont frappé ; mais elles ne m’ont pas touché
dans le sens de la section centrale, car la cour des comptes arrive à une
conclusion toute différente de celle de la section centrale. Pour obvier aux
abus, elle réclame, non une commission de surveillance, mais une bonne loi de
comptabilité, par laquelle il lui serait accordé un contrôle efficace sur
l’emploi des fonds de dépôt et de consignation. C’est donc à tort que la
section centrale invoque l’opinion de la cour des comptes pour établir
l’utilité ou la nécessité d’une commission de surveillance à l’égard de ces
fonds. En effet, messieurs, cette commission ne serait autre chose qu’une
institution parasite à celle de la cour des comptes. Nous obtiendrons notre but
par une bonne loi de comptabilité publique et ce but sera atteint par
l’exercice du contrôle et des attributions de la cour des comptes.
Je ne
combattrai plus une autre opinion, émise par la section centrale, par laquelle
le transfert des trois millions de la banque de Belgique à la caisse de l’Etat
serait sans objet comme sans but utile. A mon avis, cette opinion a été
entièrement démolie dans la séance d’hier. Mais je porterai mes observations sur
les puissants intérêts qui se rattachent à notre dette flottante.
Depuis
1833, cette dette vient au secours de deux besoins du pays. Elle est émise en
partie pour faciliter les opérations du trésor, lorsque ses rentrées ne
s’opèrent pas au moment de ses besoins, et, en partie, pour couvrir les
déficits que laisse le budget des voies et moyens, et, nonobstant cette
dernière destination de notre dette flottante, tous nos ministères n’en
continuent pas moins de dire que la balance est établie entre les recettes et
les dépenses. Or, il est évident que l’on couvre constamment un déficit de
recettes, plus ou moins considérable, au moyen d’un emprunt, car les bons du
trésor qu’on lève à cet effet, ne sont autre chose que des emprunts qu’il faut
transférer plus tard de la dette flottante à la dette consolidée. Il est
déplorable, messieurs, qu’un principe de bonne administration financière, admis
et pratiqué par toutes les nations, reste constamment chez nous, soit à l’état
de contestation, soit sans exécution. En temps de paix, au lieu d’augmenter
votre dette publique par des emprunts, il faut chercher, par tous les moyens, à
la diminuer et à balancer vos dépenses par les revenus ordinaires et réguliers.
Je viens de voter pour le budget des voies et moyens, mais je dois déclarer
d’avance, messieurs, que si une partie de nos dépenses devait encore être
couverte par des bons du trésor, c’est-à-dire par des emprunts, je voterai
contre le budget des voies et moyens, à moins que des motifs, que je ne puis
prévoir, ne m’engagent à m’abstenir.
Je
finirai en rappelant aux souvenirs de la chambre les observations que j’ai
émises, pendant plusieurs années antérieures, sur le mode d’émission de notre
dette flottante, en tant qu’elle doit servir à faciliter les opérations du trésor.
Cette dette ne diffère, dans les caractères essentiels, de la dette consolidée
que par le grave inconvénient de ses échéances. Tous ses autres caractères sont
les mêmes. En effet, le crédit d’une dette ne repose exclusivement que sur la
solvabilité et la probité du débiteur. Or, le débiteur de la dette flottante et
le débiteur de la dette consolidée est le
même, c’est l’Etat.
Je suis
persuadé qu’il y a moyen d’émettre notre dette flottante à un intérêt de
beaucoup inférieur à celui auquel elle est émise aujourd’hui. Ce moyen
consisterait en adoptant le mode établi en Angleterre, ou en Prusse, ou en
France, ou en extrayant de ces différents modes d’émission ce que l’expérience
aurait consacré comme le plus avantageux aux intérêts du pays, Il en résulterait,
sans aucun doute, une grande circulation des effets de notre dette flottante,
quoique émise à un taux inférieur, et cette circulation faciliterait beaucoup
nos transactions journalières. C’est cette raison, ajoutée à celle de
l’allégement des charges publiques, qui fait qu’en Angleterre la dette
flottante est très populaire.
Un
honorable membre de cette chambre, c’était, si je ne me trompe M. Rogier, a
émis une semblable opinion dans la discussion du budget des voies et moyens.
Les effets de notre dette flottante entreraient dans la circulation,
parce que leur garantie reposerait sur la solvabilité de l’Etat. Les billets de
banque entrent dans les transactions journalières, parce que eux aussi ils
reposent sur la solvabilité des sociétés qui les émettent. Or, le crédit de
l’Etat tout entier est certes supérieur à celui d’une société quelconque,
quelles que soient les garanties qu’elles présentent. Les effets d’une dette
flottante, émise comme en Prusse ou en Angleterre ne sont pas échangeables sur
présentation et ils ne sont pas payables à échéances fixes ; vous éviteriez
donc ainsi l’un et l’autre grave inconvénient.
M. Cogels, rapporteur. - Messieurs,
l’honorable préopinant, pour vous effrayer de la commission que la section centrale
vous propose, lui a donné le nom de syndicat d’amortissement, syndicat de
fâcheuse mémoire, mais qui, je crois, n’a aucune espèce de rapport avec la
commission telle que la section centrale vous propose de l’établir.
Quelle
est l’intention de la section centrale, messieurs ? Ce n’est pas de jeter un
voile sur les opérations de la caisse d’amortissement, ou de la caisse des
dépôts et de consignations ; c’est au contraire de leur donner la publicité que
ces opérations ont en France, en Angleterre, dans tous les pays
constitutionnels ; c’est surtout de régler l’emploi des fonds, de manière à ce
que jamais leur emploi ne puisse servir d’aliment, d’encouragement à
l’agiotage.
L’honorable
préopinant vous a dit que la section centrale elle-même avait reconnu que
l’action de l’amortissement serait complètement nulle. Ceci est une grave
erreur ; la section centrale n’a pas dit pareille chose. Elle a dit que pour le
moment l’action serait peu importante, parce qu’effectivement, tant que notre 5
p. c. est au-dessus du pair, l’amortissement n’agit que sur le 3 et le 4 p.c.
Maintenant,
messieurs, d’après les informations que j’ai prises, voici comment se font les
achats de la caisse d’amortissement : Chaque semestre on fait l’achat en une
seule fois pour tout le semestre, et comme cet achat doit se faire en partie à
Paris, qu’arrive-t-il ?
C’est
qu’à Paris, où notre 3 p.c. n’est pas du tout courant ou très souvent il n’est
pas coté de toute une semaine, de toute une quinzaine, lorsque l’ordre
d’acheter arrive, l’agent qui a cet ordre, peut par une demande d’un fonds qui
n’existe pas au marché, élever le taux. Et c’est ainsi que le gouvernement est
exposé à payer beaucoup plus qu’il ne devrait le faire.
L’action
de l’amortissement, soumis à la surveillance d’une commission, pourrait le
régler, non pas comme en France, jour par jour, parce que la chose serait trop
importante pour notre 3 et 4 p. c., mais on pourrait,
par exemple, la répartir par semaine ; de cette manière chaque achat se ferait
pour une semaine, il ne serait pas assez important pour exercer la moindre
influence sur les cours, et il y aurait cet avantage, que nous aurions toujours
le cours moyen du semestre.
Messieurs,
les prévisions de la section centrale, relativement aux événements qui
pourraient survenir ne sont pas aussi chimériques que l’honorable M. de Foere a
bien voulu nous les dépeindre, et il ne faut pas que je me reporte bien loin,
pour vous citer une circonstance où pendant plus de quatre mois notre 5 p. c. a
été au-dessous du pair. Il n’est pas tombé de 2 p. c, comme l’a dit l’honorable
membre, mais de 14 à 15 p. c. ; c’est-à-dire que notre
5 p.c., qui avait été constamment côte à 104, est tombé au mois de septembre ou
octobre 1840 à 89 ou 90, même peu de temps après que nous avions conclu la première
partie de l’emprunt avec la Société Générale. Moi-même, je me rappelle avoir
acheté dans les cours de 90 à 91. Eh bien, la commission aurait pu profiter de
cette circonstance pour faire des achats extrêmement avantageux. Ces événements
peuvent se représenter ; il ne faut pas se le dissimuler, nous ne pouvons pas
enchaîner l’avenir. Il ne faut pas perdre de vue, d’ailleurs, que notre crédit
ne subsiste pas par lui-même ; nous subissons l’influence des marches qui nous
entourent ; nos fonds sont négociables à Paris et à Londres, et aussitôt qu’il
y a une panique sur l’une de ces places, cette panique vient réagir sur les
bourses de la Belgique.
Au reste,
ce qu’a dit l’honorable membre ne détruit nullement la nécessité d’une
commission chargée de surveiller l’emploi des fonds des dépôts et des
consignations. Au commencement, ces fonds n’étaient pas très considérables,
mais ils peuvent le devenir, et il s’agit déjà aujourd’hui de 13 à 14 millions,
dont il faut non seulement faire l’emploi, mais encore assurer la conservation
et la perception des intérêts.
En
France, les fonds des dépôts et consignations sont inscrits en rentes
nominatives, au nom de la commission ; en Belgique ils sont convertis en
obligations au porteur, qui sont confiées à la garde de je ne sais qui. Je mets
ici (et les liens d’amitié qui m’attachent à M. le ministre des finances me
permettent de m’expliquer à cet égard avec beaucoup plus de liberté que je ne
le ferais autrement), je mets ici à l’abri de toute espèce de doute la probité de
tous les ministres ; mais qui me dit qu’un employé infidèle ne pourrait
surprendre la clef qui enferme ces obligations ? Qui nous garantit qu’elles ne
pourraient pas être soustraites ? Comment ! vous exigez l’intervention de la
cour des comptes, vous exigez le visa de la cour des comptes, pour le moindre
payement, pour des sommes de 2 ou 3,000 fr., et vous abandonnez à
l’administration, sans aucune espèce de contrôle le maniement d’une somme de 15
millions, et le recouvrement des intérêts de cette somme. Vous comprenez,
messieurs, que cela ne se peut pas.
La chose
est d’autant plus vicieuse, à mes yeux, que l’importance de la caisse des
dépôts et consignations peut s’accroître encore. En France, la caisse des
dépôts et consignations ne s’élevait, au 31 décembre 1817, je pense, qu’à 10
millions ; aujourd’hui elle s’élève à 416 millions.
Ainsi,
messieurs, vous voyez que s’il n’y a peut-être pas une
bien grande importance attachée aux opérations de la caisse d’amortissement,
l’importance de la caisse des dépôts et consignations est très grande et ne
peut que s’accroître.
Cette
importance sera beaucoup plus grande encore, si un jour vous prenez en Belgique
la mesure qui a été prise en France, où l’on a ordonné le versement dans la
caisse des dépôts et consignations des fonds de la caisse d’épargne.
Quant à
la dette flottante, messieurs, je partage l’opinion de l’honorable M. de Foere
dans un certain sens, c’est qu’effectivement, la dette flottante ne doit jamais
servir à combler des déficits reconnus, des déficit existants,
qu’elle ne doit servir qu’à faciliter le mouvement du trésor, c’est-à-dire à
équilibrer les épargnes des recettes et des dépenses.
En ce qui
concerne le mode d’émission que l’honorable M. de Foere a développé dans
d’autres circonstances, et qui est usité en Angleterre mais non pas en France,
comme le pense l’honorable membre, je crois que ce mode n’est pas praticable en
Belgique, c’est-à-dire que s’il y était pratiqué il en résulterait pour le
gouvernement des inconvénients et aucun avantage. Quelle est la cause,
messieurs, qui favorise l’émission des bons de l’échiquier en Angleterre ?
C’est que Londres est un très grand centre financier ; vous avez à Londres une
foule d’établissements, vous y avez toutes les compagnies d’assurance, un
nombre considérable de caissiers qui ont des dépôts de toutes les maisons de
commerce ; là les billets de l’échiquier sont une espèce de papier-monnaie
portant intérêt et coursable, que l’on peut vendre
tous les jours à la bourse, qui porte intérêt jour par jour ; l’intérêt est
fixé à autant de deniers par 100 liv. st. et par jour. Ces billets se négocient
à prime ou à perte selon que les capitaux sont abondants ou rares,
Mais,
messieurs, en Belgique, nous n’avons pas le même mouvement à espérer ; en
Belgique, presque toutes les transactions se résolvent par des transferts d’un
compte à un autre. Ainsi à Anvers, qui est notre seule place de commerce un peu
importante, tontes ces transactions se résolvent par des transferts faits à la
banque, d’un compte courant à un autre. Il ne faut pas dès lors de grands
capitaux aux négociants, comme en Angleterre.
Aussi, M. le ministre des finances pourrait nous
dire que, généralement, nos bons du trésor ne vont pas dans des mains qui ne
les prennent que comme placement purement temporaire ; on les demande très
souvent à des échéances assez longues et pour un capital assez élevé, et
ordinairement c’est la main qui les a pris qui vient en demander le
remboursement, Vous voyez donc, messieurs, qu’il serait impossible d’appliquer
en Belgique le mode d’émission que l’on suit en Angleterre.
Je
bornerai ici mes observations, messieurs, pour le moment, parce que si je
voulais parler et de votre dette et de la question de l’amortissement, et de la
question de la conversion qui peut- être se soulèvera, j’en aurais encore pour
plus d’une demi-heure. Je remettrai donc cela à une autre séance.
M.
Rodenbach. - Il est vrai, messieurs, que la section
centrale a exprime le vœu de voir former une commission de surveillance, mais
elle s’est bornée à émettre ce vœu. Lorsque nous examinerons la loi de
comptabilité, nous pourrons examiner cette question.
L’honorable
préopinant, que j’ai écouté avec un vif intérêt, a dit que l’établissement
d’une commission de surveillance diminuerait l’agiotage ; mais nous devons
examiner si cela n’aurait pas un résultat contraire. D’ailleurs, messieurs, en
Belgique, cet objet n’a pas l’importance qu’il a en France : la il s’agit de plusieurs
centaines de millions, tandis qu’ici il ne s’agit que d’une douzaine de
millions.
Si vous
voulez établir à Bruxelles une commission permanente, cette commission devra
être payée ; si vous choisissez des membres de la chambre des représentants,
ces membres devront résider à Bruxelles, et ils devront dès lors être payés. Si
vous choisissez des personnes qui habitent la capitale, comme vous devrez
prendre des hommes capables, il est très probable que votre choix devra porter
sur des hommes d’affaires qui connaissent les opérations financières et dans ce
cas, il est à craindre qu’au lieu de diminuer l’agiotage, vous ne l’augmentiez.
Je
n’accuse ici personne ; je suis persuadé que M. le ministre chercherait des
personnes qui présenteraient toutes les garanties désirables, mais rien ne vous
garantit cependant que parmi les membres de la commission il ne s’en trouverait
pas qui arrangeaient les affaires de manière à pouvoir agioter eux-mêmes. Je
crois, messieurs, que nous devons examiner cette question très mûrement et que
le moment de la traiter sera venu lorsque nous discuterons la loi de
comptabilité qui nous sera présentée sous peu ; alors nous pourrons peser les
avantages et les inconvénients de la mesure et nous prononcer en connaissance
de cause.
M. le ministre des finances (M. Smits) - Je
crois en effet, messieurs, que la question de l’établissement d’une commission
de surveillance de la caisse des consignations et des cautionnements est
prématurée, et qu’elle pourra être examinée avec plus de fruit lorsqu’il
s’agira des lois sur la comptabilité et sur la cour des comptes. En attendant,
je puis assurer à la chambre que les fonds provenant des consignations et ces
cautionnements sont administrés avec beaucoup d’attention et de sollicitude.
Cette administration a été confiée jusqu’à présent au directeur du trésor, qui
agit sous la surveillance immédiate du ministre et je puis assurer qu’il serait
difficile de rencontrer dans le pays entier un fonctionnaire plus intelligent
et plus intègre.
Du reste,
messieurs, je n’entends émettre aucune opinion sur la question en elle- même,
mais, je le répète, je crois qu’elle pourra être examinée plus utilement
lorsque nous nous occuperons de la loi de comptabilité. Cette loi, comme je
vous l’ai dit, est en ce moment soumise à l’examen de mes collègues, et
j’espère pouvoir la présenter bientôt à la chambre.
Je saisirai cette occasion pour soumettre une réflexion à l’honorable
député de Thielt. Cet honorable membre a dit tantôt que dorénavant il donnerait
difficilement son vote approbatif à un budget des voies et moyens qui
n’établirait pas un parfait équilibre entre les recettes et les dépenses, et
par cet équilibre l’honorable membre entend que les recettes couvrent non
seulement les dépenses portées au budget, mais encore la dette flottante.
Or, vous
savez, messieurs, que notre dette flottante s’élève aujourd’hui à la somme de
21 millions ; résultat des défauts de tous les exercices antérieurs ; s’il
fallait aujourd’hui créer des voies et moyens pour 21 millions au-delà des
dépenses ordinaires du budget général des dépenses, je crois que la mission
serait extrêmement difficile. A mon avis, le montant de la dette publique doit
s’éteindre graduellement par les excédants et les économies des budgets, et
c’est à établir ces excédants que le gouvernement et les chambres doivent
tendre. Mais couvrir tout d’un coup et les dépenses du budget et le montant de
la dette flottante, cela me paraît une œuvre très difficile à réaliser, à en
juger seulement d’après ce qui vient de se passer.
M. de Foere. - L’honorable
rapporteur de la section centrale, dans la réponse qu’il m’a faite, a enlevé
toute l’importance qu’il avait donnée à la question de la commission
d’amortissement ; il ne sera donc plus nécessaire de revenir sur ce point mais,
en revanche, il a porté toute cette importance sur les fonds de dépôt et de
consignation. Il persiste à penser qu’une commission serait nécessaire pour
surveiller l’emploi de ces fonds. Il a particulièrement insisté sur la
nécessité de donner de la publicité à cet emploi. II en résulte qu’aujourd’hui
cette publicité n’existe pas et qu’il convient d’obvier à cet abus.
L’honorable
membre invoque l’opinion de la cour des comptes qui demande que cette publicité
soit réalisée ; mais la cour des comptes, comme j’en ai fait l’observation,
n’en vient pas à une commission de surveillance ; pour atteindre ce but elle
réclame une bonne loi de comptabilité qui lui accorderait un contrôle efficace
sur l’emploi des fonds de dépôt et de consignation. Par ce contrôle, la
publicité de l’emploi de ces fonds serait garantie.
II n’est
donc pas nécessaire d’établir une commission parasite à côté de la cour des
comptes, cette surveillance publique entre d’ailleurs dans ses attributions
naturelles.
Ainsi, il
n’y a pas lieu de créer un établissement particulier qui coûterait encore à
l’Etat, et qui exercerait les mêmes attributions que la cour des comptes.
L’honorable
membre prétend que j’avais proposé un mode d’émission de la dette flottante,
semblable à celui qui est suivi en Angleterre ; c’est inexact.
M. Cogels. - Vous l’avez dit
dans vos discours antérieurs.
M. de Foere. - Votre réponse
devrait s’appliquer au discours que je viens de prononcer ; mais, dans tous les
cas, c’est encore une erreur. J’ai toujours laissé à nos ministres des finances
le choix entre les différents modes en Angleterre, en Prusse et en France, et
dans la séance d’aujourd’hui, j’ai de plus proposé un mode d’émission qui
résulterait d’une sage combinaison des différentes émissions en pratique dans
ces derniers pays.
Alors
même que j’aurais proposé exclusivement le système anglais, je ne pourrais me
ranger de l’opinion que l’honorable rapporteur a exprimée sur l’usage établi en
Angleterre.
Sans
doute, nos transactions ne sont pas aussi colossales que celles qui s’exécutent
en Angleterre au moyen des bons de l’échiquier ; tout en adoptant chez nous un
mode plus ou moins analogue au système anglais, il ne faudrait pas émettre ici
une dette flottante d’un chiffre aussi considérable que celui de la dette
flottante en Angleterre ; il faudrait proportionner la masse des effets de la
dette flottante, et leur valeur à l’importance et aux transactions de la Belgique
et les circonscrire dans ces limites ; ces effets auraient proportionnellement
les mêmes résultats qu’en Angleterre.
L’honorable
membre a restreint dans un sens absolu, la dette flottante au service du
trésor, lorsque ses rentrées ne sont pas opérées en temps utile. Je ne puis non
plus accepter cette opinion. Il est vrai, et j’en suis déjà convenu, c’est là
la destination particulière de la dette flottante ; mais si nous pouvons
arriver à un mode plus économique d’émission des bons du trésor, et que, dans
des cas imprévus, nous eussions encore besoin de lever un léger emprunt, il
serait préférable de le lever au moyen de bons du trésor, sauf à le consolider
dans des circonstances favorables. C’est la pratique suivie en Angleterre.
Cette politique financière a plusieurs avantages. L’emprunt est moins onéreux
pour le pays, parce qu’il n’est pas chargé d’intérêts aussi élevés ; ensuite,
vous n’êtes pas forcé de le contracter dans des circonstances défavorables, à
des conditions très onéreuses pour le pays, comme il est arrivé lors de
l’emprunt de 86 millions. Mais pour obtenir ces avantages, il faudrait
pratiquer le système d’émission suivi en Angleterre.
Je ne
comprends pas l’opinion de l’honorable membre, lorsqu’il veut nous faire croire
que les effets de l’Etat n’auraient pas une circulation au moins aussi active
que les billets de banque. Je vous demande si l’Etat tout entier n’a pas plus
ou au moins autant de solvabilité qu’une société quelconque, et si dès lors les
billets attachés à la dette flottante n’auraient pas une circulation même plus
favorable que les billets de banque ? pourquoi en
serait-il ici autrement qu’en Prusse et en Angleterre ?
L’honorable
ministre des finances croit, de son côté, qu’il serait difficile de couvrir,
par un seul budget de recettes, les 21 millions de dette flottante qu’il
demande aujourd’hui. Je conçois que ce serait très difficile ; mais la dette
actuelle pourrait être éteinte au moyen d’autres capitaux qui deviendront
disponibles par suite de la liquidation avec la Hollande, et puisqu’une dette
flottante, en temps ordinaire, ne doit avoir pour but que de satisfaire aux
besoins accidentels du trésor ; alors l’importance de cette somme diminue
considérablement, et l’honorable ministre lui-même a déjà diminué cette somme en
disant que probablement il n’émettrait que dix millions de bons du trésor.
(Moniteur belge n°343, du 9 décembre 1842)
M. Osy. - Messieurs, comme
membre de la section centrale j’ai partagé l’opinion qu’il serait nécessaire
d’établir une commission surveillance de pour les fonds de l’amortissement, des
consignations et des cautionnements ; mais comme M. le ministre des finances a
promis de nous présenter un projet de loi sur la comptabilité générale du
royaume, j’espère que cet objet y sera réglé ; car il est plus que temps que le
pays soit certain qu’un objet aussi important est entouré d’une surveillance
efficace ; aujourd’hui non seulement il n’y a pas de publicité, mais il
n’existe aucune espèce de surveillance. Il est donc urgent qu’il soit pourvu à
une lacune aussi fâcheuse.
Pour ce
qui regarde l’agiotage dont a parlé l’honorable M. Rodenbach, je vous dirai
qu’en France la somme à acheter est répartie par jour et affichée à la Bourse,
et les vendeurs sont prévenus ; ici la somme à acheter étant moindre, on
pourrait faire les achats par huitaine ou quinzaine en prenant les mêmes
précautions. Comme il se fait à Paris peu d’affaires en nos 3 p.c., leur cours,
quand on fait trop d’achats à la fois, subit souvent de fortes variations et
leur cours est souvent plus élevé qu’il n’aurait dû être ; si cette somme était
répartie comme je viens de le dire, si l’achat se faisait publiquement à la
bourse de Paris ou à celle de Bruxelles à des époques déterminées, vous sentez
qu’il ne pourrait pas y avoir agiotage ; aujourd’hui on pourrait faire des
achats clandestins et les appliquer plus tard à la caisse d’amortissement. Je
suis loin de supposer que cela se fasse mais il faut éviter, s’il est possible,
jusqu’à l’ombre du soupçon.
L’honorable
M. Rodenbach objecte que la création d’une commission de surveillance
entraînera une nouvelle dépense pour l’Etat. Je regrette souvent que l’on nomme
des commissions dont les membres reçoivent une indemnité ; et à cette occasion,
je vais vous dire sur quel pied est établie en France la commission
d’amortissement qui ne coûte rien, sauf les frais de bureau.
Cette
commission est composée de deux députés nommés par la chambre et ratifiés par
le roi, d’un membre de la cour des comptes, du président du tribunal de commerce
et du gouverneur de la banque. Je pense que si la commission belge était formée
des mêmes éléments, on trouverait facilement deux représentants et un sénateur
qui acceptassent gratuitement ce mandat, et je suis persuadé que personne ne
manifesterait le désir d’être indemnisé de ce chef, d’autant plus que la
besogne serait peu considérable.
Que fait
encore la commission de surveillance en France ? Elle fait un rapport à la
législature sur ses opérations, dont le résultat est inséré au Moniteur, de manière que rien de ce qui
concerne cet objet important n’échappe à la publicité ; tandis qu’en Belgique,
je le répète, nous sommes dans une ignorance complète des opérations de la
caisse des consignations. Et, à cette occasion, je rappellerai qu’il y a quelques
années ou ne portait de ce chef au budget qu’une somme de 300,000 francs, et
que déjà aujourd’hui, cette somme s’élève à 700,000 francs. Il est donc des
plus essentiels qu’il soit promptement pourvu aux mesures à prendre à cet égard
; je n’en dirai pas davantage pour le moment ; j’attendrai que M. le ministre
des finances nous ait présenté le projet de loi qu’il a promis à la chambre de
déposer dans un bref délai.
M. le président. - La suite de la
discussion générale est remise à demain.
- La
séance est levée à 4 heures et demie.