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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du mercredi 30
novembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment ampliation d’un arrêté royal
autorisant M. Dujardin à prendre part à la discussion du traité du 5 novembre
1842
2) Projet
de loi portant le budget de la dette publique et des dotations pour l’exercice
1843
3) Projet de loi
portant le budget des voies et moyen pour l’exercice 1843. Discussion générale.
A : équilibre générale entre recettes et dépenses (notamment recettes de
l’enregistrement, de l’accise sur la bière, de la contribution personnelle, de
l’aliénation de forêts domaniales, du chemin de fer, etc.) et proposition de
voter des centimes additionnels ; B : rendement du chemin de fer (A (Mercier), A, impôt sur le tabac (Smits),
A, B, rendement du chemin de fer, zèle abusif de agents de l’administration
fiscale (Dumortier), zèle abusif des agents de
l’administration fiscale (Smits), B (Rogier,
Dumortier, Desmaisières,
Rogier, Demonceau), A, comptabilité de l’Etat,
assurance par l’Etat contre l’incendie, contribution foncière, B, impôt sur le
sucre (Cogels), A, impôt sur le sucre, impôt
sur la bière (de La Coste), question politique, A,
contribution personnelle (Savart-Martel), A, budget de
la guerre (Cools))
(Moniteur belge n°335, du 1er décembre 1842)
M. Kervyn fait l’appel
nominal à 1 heure.
M. Scheyven lit le procès-verbal de la séance précédente ; la
rédaction en est adoptée.
M. Kervyn présente
l’analyse des pièces adressées à la chambre :
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
« Plusieurs brasseurs de Hougaerde présentent des observations contre les projets de
loi tendant, l’un à majorer les centimes additionnels sur le principal de
l’accise des bières, l’autre à modifier les bases de l’impôt sur les
bières. »
- Renvoi à la section
centrale chargée d’examiner le projet de loi modifiant les bases de l’impôt sur
les bières, et dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et
moyens.
_____________________
« Les chefs de
bureau des commissariats d’arrondissement de Namur, Dinant
et Philippeville demandent d’être considérés comme employés de l’Etat, salariés
directement par le trésor public et admis à la pension de retraite. »
- Renvoi à la commission
des pétitions.
____________________
M. le secrétaire donne
lecture de la lettre suivante :
« Ministère des
affaires étrangères.
« Bruxelles, le 29
novembre 1842,
« M. le président,
« J’ai l’honneur de vous
adresser une ampliation de l’arrêté royal du 25 de ce mois qui nomme M.
Dujardin commissaire du Roi, pour prendre part à la discussion, dans la chambre
des représentants, du traité du 5 novembre 1842, entre la Belgique et les Pays-Bas.
M. Dujardin concourra de plus à donner les éclaircissements qui pourraient être
demandés dans les sections.
« Veuillez agréer,
M. le président, l’expression de ma haute considération.
« Le Ministre des
affaires étrangères,
« Comte DE BRIEY. »
« Léopold, Roi des
Belges,
« A tous présents et à
venir, salut.
« Sur le rapport de notre Ministre des
affaires étrangères,
« Nous avons arrêté et
arrêtons :
« Art. 1er. Le sieur Aldephonse-Alexandre Dujardin, l’un de nos
plénipotentiaires au traité avec les Pays-Bas, est nommé notre commissaire à
l’effet de prendre part, devant les chambres, aux discussions relatives à ce
traité.
« Art. 2. Notre
ministre des affaires étrangères est chargé de l’exécution du présent
arrêté. »
« Donné à Ardenne, le
25ème jour du mois de novembre 1842.
« LEOPOLD.
« Par le Roi
« Le Ministre des
affaires étrangères,
« Comte DE BRIEY. »
- Pris pour information.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE LA DETTE PUBLIQUE ET DES DOTATIONS
POUR L’EXERCICE 1843
M. Cogels présente le rapport sur le budget de la dette
publique et des dotations.
- Ce rapport sera imprimé
et distribué. La discussion en sera fixée ultérieurement.
Discussion générale
M. Mercier. - En général, les prévisions des recettes
s’établissent d’après le produit des six ou huit premiers mois de l’année de la
présentation du budget, et les six ou quatre derniers mois de l’année
précédente. On ne doit s’écarter de cette règle qu’avec une extrême
circonspection, alors que des considérations très plausibles peuvent l’exiger
ou l’autoriser, ou bien lorsque les lois subissent quelques modifications qui
nécessitent un autre mode d’appréciation. Les prévisions les mieux combinées
peuvent sans doute ne pas se réaliser ; mais lorsque le gouvernement a suivi la
marche que je viens d’indiquer, il est à l’abri de tout reproche.
Est-ce ainsi qu’a procédé
le cabinet dans l’établissement des prévisions des recettes de l’année 1842 ?
Non, sans doute. Pour établir une balance apparente, ses prévisions sont
empreintes d’une exagération qu’il est impossible de justifier, du moins pour
plusieurs branches importantes du revenu public.
Quelles raisons pouvait
avoir le gouvernement de porter les prévisions des recettes de l’enregistrement
à 11,500,000 fr. Le produit des six premiers mois de
1841 et des six derniers mois de 1840, ne donnait qu’un résultat de 10,885,000 fr. ; et encore dans ce chiffre se trouvait
comprise une recette extraordinaire, provenant de l’application de la loi du 31
mars 1841, qui autorisait à soumettre à la formalité de l’enregistrement les
actes pour lesquels on avait négligé précédemment de la remplir. Cette loi a
produit une recette d’environ 100,000 fr. De telle sorte que les prévisions,
d’après les bases ordinaires, ne pouvaient s’élever qu’à 10,785,000
fr.
Mais, nous dira-t-on, M.
le ministre avait peut-être puisé quelque motif d’augmenter ses prévisions dans
les recettes déjà opérées sur l’exercice 1841 au moment de la présentation des
budgets. Il n’en est rien ; car à cette époque, au contraire, il aurait trouvé
dans les recettes effectuées des raisons d’atténuer plutôt que d’augmenter le
chiffre dés prévisions.
Enfin, la moyenne de
quelques années précédentes fournissait elle un chiffre qui pût justifier des
prévisions aussi exorbitantes ? Encore moins. Car la moyenne des cinq années
antérieures ne donnait qu’une recette de 10,700,000
fr. Enfin, la recette des dix premiers mois de 1841, qui était connue au moment
de la discussion du budget, lorsque M. le ministre des finances soutenait ses
prévisions, cette recette, jointe à celle des deux derniers mois de l’année
précédente, n’assignait qu’un chiffre de 10,600,000 fr. qu’il fallait réduire
de 100,000 fr. de recette extraordinaire opérée en vertu de la loi du mars
1841, et c’est à 11,5000,000 fr. que les prévisions sont portées au budget de
1842 : ainsi, 720,000 fr. au delà des prévisions ordinaires, 800,000 fr.
au-delà de la moyenne des cinq aunées antérieures, de un million au-delà du
produit des dix premiers mois de 1841 et des deux derniers mois de 1840.
Ainsi, messieurs, rien ne
justifiait les prévisions portées au chiffre de 11,500,000
fr.
Il en est de même à peu
près de l’accise sur les bières.
Le produit des six
premiers mois de l’exercice de la présentation du budget et des six derniers
mois de l’exercice précédent ne s’élevait qu’à 6,470,000 fr. Eh bien, c’est à
6,839,000 fr. que M. le ministre a porté ses prévisions. Cependant, déjà on
savait lorsque les budgets ont été formés, que les prévisions de 1840 n’avaient
pas été atteintes ; on savait aussi que le produit de 1841 n’atteindrait pas le
chiffre des prévisions. Néanmoins on a porté au budget un chiffre aussi
démesurément élevé.
Je pourrais faire des
observations identiques en ce qui concerne le sucre et les eaux-de-vie
indigènes. Je m’en abstiendrai pour ne pas abuser du temps de la chambre.
Mais enfin toutes ces
exagérations ne donnaient pas encore un chiffre suffisant pour balancer les
recettes et les dépenses. Qu’a-t-on fait ? On a porté le complément de la somme
nécessaire sur le produit éventuel des rentes des domaines. Déjà, dans une
circonstance précédente, j’avais émis l’opinion qu’on ne pourrait plus guère
compter que sur une recette de 400,000 fr., provenant de la vente des domaines.
On a porté les prévisions à 1.500,000 fr, et les recettes n’ont été que de
500,000 fr.
Messieurs, malgré tous
ces moyens employés par le cabinet pour établir une balance apparente, l’équilibre
était tellement rigoureux que le moindre crédit supplémentaire devait le
rompre, et l’on sait qu’il n’y a pas d’exemple d’un exercice qui n’ait subi
quelque augmentation de dépense par suite de crédits supplémentaires.
On ne pouvait donc dire
qu’il y eût réellement équilibre entre les recettes et les dépenses, alors
qu’aucune somme n’était destinée à parer à l’éventualité de crédits
supplémentaires auxquels on devait nécessairement s’attendre.
Aussi, messieurs, un déficit
assez considérable s’annonce pour la fin de cet exercice. Les dépenses, d’après
la situation générale du trésor qui a été mise sous vos yeux, s’élèvent à 107,109,000 fr. Mais il faut ajouter un crédit supplémentaire
qui ne se trouve pas compris et une autre demande de crédit supplémentaire
formant 347,000 fr., de telle sorte que les dépenses pour l’exercice courant
s’élèveront à 107,456,000 fr., tandis que les recettes
sont indiquées par M. le ministre comme n’étant que de 103,119,000 fr.
Un examen attentif que
j’ai fait des tableaux annexés à la situation générale du trésor m’a convaincu
que ce chiffre ne serait pas probablement pas atteint, et j’en retranche, pour
agir avec beaucoup de modération, une somme de 300,000 fr. ; de sorte que les
recettes, d’après les probabilités, ne s’élèveront qu’à 102,819,000 fr., et
qu’il y aura déficit de 4,637,000 fr.
Il est vrai que dans le
montant des dépenses de 1843, se trouve un crédit extraordinaire auquel le
ministère avait déclaré ne pas avoir eu l’intention de faire face par les
ressources ordinaires ; j’entends parler d’un crédit de 550,000 fr. pour le
canal de Zelzaete. Je retranche donc ces 550,000 fr. pour rester dans le vrai
et je trouve un déficit définitif de 4,087,000 fr.
Voilà, messieurs, comment
se trouvent réalisées les prévisions formées par le gouvernement, pour établir
l’équilibre entre les recettes et les dépenses de 1842 ; et cependant,
messieurs, s’il est une circonstance où la dignité du pouvoir, et un sentiment
de hautes convenances devaient interdire au ministère de faire entendre un
autre langage que celui de la vérité, c’est bien celle où la promesse
solennelle a été faite au pays qu’il serait satisfait aux besoins de l’Etat,
sans que le peuple eût à supporter de nouvelles charges.
La force des choses, les
faits accomplis n’ont plus permis au ministère de nous présenter un équilibre
imaginaire ; cependant on ne peut s’empêcher de déplorer que cette année encore
le cabinet ait introduit dans le discours du Trône une assertion contraire à la
vérité, relativement à la nécessité de créer de nouvelles ressources.
Voici la phrase qui
renferme cette assertion :
« Si la session
précédente se distingue par l’importance des questions qui ont été débattues et
par plusieurs actes d’équité nationales, ces résolutions, sans compromettre
notre état financier, exigent néanmoins la création de moyens nouveaux, propres
à mettre les recettes publiques au niveau des dépenses. »
A la lecture de ce
paragraphe, chacun a dû croire que l’insuffisance des ressources ne devait être
attribuée qu’aux lois que nous avons votées dans la dernière session. Rien
n’est plus inexact cependant ; les explications dans lesquelles je suis déjà
entré suffiraient pour le démontrer ; je viens toutefois soumettre encore
quelques observations à la chambre sur cet objet :
Comme nous l’avons vu,
les recettes de cette année ne s’élèveront, selon les plus grandes probabilités
qu’à 102,819,000 francs.
Le gouvernement demande
pour 1843 des voies et moyens s’élevant à 112,816,000
fr.
Ainsi 10 millions de plus
que le produit de 1842.
Or, il s’en faut de
beaucoup que les résolutions prises dans la dernière session exigent une
pareille augmentation de ressources.
En effet, quelles sont
les résolutions auxquelles il est fait allusion dans ce paragraphe du discours
du Trône ? c’est d’abord la loi des indemnités pour
les victimes des événements de la révolution ;
Ensuite celle qui
autorise la construction du canal de Zelzaete ;
Et enfin celle qui est
relative à la convention faite avec la ville de Bruxelles.
Eh bien, la dépense qui
doit résulter de l’exécution de ces trois lois ne figure au budget de 1843 que
pour 1,582,000 fr, et encore un million est-il porte
exceptionnellement pour les paiements à faire en numéraire en vertu de la loi
des indemnités.
Si l’on joint à cette
somme l’intérêt et le capital du nouvel emprunt, et même le montant éventuel de
l’augmentation du traitement des membres de l’ordre judiciaire, on arrive à
peine à une augmentation de dépenses de 4 millions, et c’est 10 millions de
plus que le produit de cette année que le ministère vient nous demander.
Les principales causes de
l’insuffisance des ressources ne sont donc pas celles qui sont signalées dans
le paragraphe du discours du Trône que j’ai cité plus haut.
L’insuffisance
antérieure, aujourd’hui reconnue implicitement par le ministère, serait donc de
6 millions ! et c’est ce ministère qui, au début de la
dernière session, est venu annoncer aux chambres et au pays que l’équilibre
existait entre nos recettes et nos dépenses ; qui, dans la discussion, a
reproché au cabinet précédent d’avoir exagéré nos besoins et assombri le
tableau de notre situation financière. Aujourd’hui ce même ministère dépasse de
beaucoup l’appréciation faite par ses prédécesseurs des ressources nécessaires
à la bonne marche des affaires du pays.
L’insuffisance des
ressources étant aujourd’hui avouée, il reste à examiner si les moyens proposés
pour y obvier sont susceptibles de recevoir votre approbation ; ces moyens sont
de deux espèces, les uns provisoires, les autres définitifs.
Je donnerai mon
approbation à quelques-uns des premiers, mais je ne consentirai pas à ce que la
contribution foncière soit frappée encore de sept nouveaux centimes
additionnels au profit de l’Etat. En faisant une semblable proposition, le
gouvernement a perdu de vue sans doute les nombreux centimes extraordinaires
dont cet impôt est déjà grevé au profit de l’Etat, de la province et des
communes. Il a oublié que c’était là une charge énorme que l’on imposait non
aux propriétaires, mais en général aux cultivateurs ; on n’ignore pas que la
plupart des baux obligent ces derniers à supporter toutes charges
supplémentaires assises sur la propriété.
La contribution
personnelle et le droit de patente pèsent aussi trop lourdement sur un grand
nombre de contribuables peu aisés, pour que j’accorde.mon assentiment au projet
qui tend à les frapper encore de nouveaux centimes additionnels.
Quant aux ressources
définitives, j’en dirai peu de mots, pour ne pas anticiper sur les discussions
auxquelles doivent donner lieu les lois générales qui nous sont proposées.
Mon opinion sur la loi
des sucres est connue, j’ai trouvé qu’en ce qui concerne la coexistence des
deux industries le projet de loi comparé à l’exposé des motif du gouvernement,
est un véritable contre-sens ; sous un second point de vue, Je m’opposerai à
une loi qui élève le montant des primes d’exportation à plus de trois millions.
Je n’approuve pas les
modifications proposées à la loi sur les débitants de boissons les
augmentations de droits que le projet consacre rendraient odieuse et impossible
la perception déjà si difficile de cet impôt.
Je repousserai surtout le
projet de loi d’accise sur la bière, dont la base est souverainement injuste et
qui n’est que la reproduction d’un système suranné, qui a été condamné et
abandonné depuis longtemps. On conçoit difficilement comment le ministère ait
pu s’arrêter à l’idée d’imposer la quantité de bière, sans égard à la qualité.
La base actuelle de l’impôt repose sur un principe juste. C’est la quantité de
substance employée à la fabrication de la bière que la législature a voulu
atteindre ; quelques abus ont été commis ; je pense qu’on peut obvier aux
principaux, sans changer le principe de la loi mais, cela fût-il impossible, il
serait préférable de laisser subsister quelques abus partiels, que de consacrer
l’inégalité des charges par la loi même. Si ce projet, qui, j’en ai la
conviction, sera repoussé par l’immense majorité de cette chambre, si pas par
l’unanimité. Si ce projet était converti en loi, il est des bières de qualité
ordinaire qui subiraient une augmentation de plus de 50, de 70 et de 100 p. c-.; en général ce serait la boisson de la classe peu aisée et
de l’ouvrier qui subirait cette augmentation d’impôt ; elle n’atteindrait
aucunement la bière de qualité supérieure.
Je vous soumettrai aussi
quelques observations à l’égard de la nouvelle loi sur la contribution
personnelle. Je ferai remarquer d’abord cette tendance de M. le ministre à
demander beaucoup trop à l’impôt direct ; l’augmentation de produit qu’il exige
de la contribution personnelle, ne s’élève pas à moins de 2,542,000
fr.
Je suis loin de trouver
heureuse l’idée de choisir les chevaux et le bétail tenu par les cultivateurs
comme élément de la contribution personnelle. Dans un pays éminemment agricole,
une pareille taxe ne peut manquer d’exciter une vive réprobation ; elle
entravera d’ailleurs l’élève du bétail, qu’il importe d’encourager comme une
des sources de notre richesse ; elle sera injuste aussi envers une foule de
petits contribuables.
La disposition qui
assujettit à un droit fixe les enfants qui demeurent
chez leurs parents, lors qu’ils ont plus de 21 ans et ont un état qui leur
procure un salaire, ne peut non plus être accueillie.
J’ai été à même de
vérifier qu’un très petit cultivateur ayant une culture de 2 1/2 hectares et un
fils ouvrier, aujourd’hui imposé à 10 fr., subirait une charge de 30 fr. sous
la nouvelle législation.
La taxe des chevaux et
des domestiques offre à la vérité des inconvénients administratifs, fait
parfois naître des difficultés ; mais on ne peut disconvenir qu’elle est le
meilleur indice de la fortune ; au lieu de la supprimer, il fallait chercher à
l’améliorer. Le projet de loi, s’il était jamais mis à
exécution, aurait pour résultat d’alléger les contributions de beaucoup de
contribuables très aisés ; je l’ai constaté par des applications fictives ; en
général le petit contribuable serait au contraire surtaxé.
Je n’étendrai pas
davantage mes réflexions sur les nouveaux projets d’impôts.
Je me suis expliqué, dans
d’autres circonstances, sur les ressources que l’on peut trouver par des moyens
qu’il me paraît préférable d’adopter.
Je me dispenserai de
revenir en ce moment sur ce que j’ai dit à cet égard.
J’ajouterai encore
quelques mots sur les détails du budget.
L’opinion que j’ai plus
d’une fois exprimée est que l’Etat ne doit pas dépenser ses capitaux pour faire
face à des dépenses ordinaires. Le budget des recettes de cette année comprend
encore une somme de fr. 2,870,000 en capitaux.
Comme il figure d’un
autre côté en dépense 1 million pour le paiement des indemnités, en numéraire,
je n’aurai pas d’objection à faire à ce qu’il fût compensé par un million de
recette en capital ; il n’en est plus de même pour le restant de la somme s’élevant
à 1,870,000 francs.
Il est vrai que
l’honorable rapporteur de la section centrale fait observer que l’amortissement
de nos emprunts s’élève chaque année à 3 millions et que le chemin de fer est
loin de produire tout ce qu’on pourra en attendre après son achèvement.
Je ne puis admettre le
premier de ces motifs, parce que je pense que c’est dans un temps de paix
profonde que nous devons chercher à amortir nos emprunts avec les ressources
ordinaires.
Quant au second motif, je
l’admets jusqu’à un certain point et je conviens qu’aussi longtemps que tous
les fonds provenant des emprunts consacrés à la construction des chemins de fer
ne sont pas productifs, il pourrait être rigoureux de n’admettre au budget
aucune ressource extraordinaire pour tenir lieu de la privation de ce revenu ;
toutefois on ne doit pas perdre de vue qu’une partie des fonds de l’emprunt
remplace les fonds à provenir des bons du trésor dont l’émission, du reste,
occasionne aussi une réduction de charges au budget des dépenses.
Messieurs, je terminerai
par quelques observations sur les prévisions de cette année.
En général on ne trouve
pas les mêmes exagérations qu’au budget de l’année dernière ; cependant
j’exprimerai quelques doutes à l’égard de certain produit. Je crains, malgré
les explications données par le gouvernement, que le chiffre de 10,000,000 indiqué comme revenu probable du chemin de fer, ne
soit pas atteint. Il faudrait pour cela que précisément aux époques annoncées
par M. le ministre, les diverses sections fussent mises en exploitation.
Ordinairement les époques fixées sont dépassées ; de sorte que je crains que le
chiffre de 10 millions ne soit pas atteint. Je ne puis, du reste, établir ici
des calculs comme je le ferais pour des voies et moyens ordinaires.
Le chiffre de 4,800,000 fr. comme produit des eaux-de-vie indigènes me
paraît aussi exagéré. J’ai déduit, lors de la discussion projet de loi sur les
eaux-de-vie indigène, les motifs qui me faisaient croire que cette loi ne
produirait pas une augmentation aussi considérable que celle qu’on en
attendait. M. le ministre des finances est resté fidèle à l’opinion qu’il avait
alors. Je persiste, de mon côté à penser que le chiffre qui se trouve au budget
ne sera pas atteint et qu’on devrait en retrancher 300,000 fr. au moins.
Le chiffre du produit des
successions est porté à 6,500,000 fr. La section
centrale a demandé à M. le ministre s’il avait des motifs particuliers pour
porter ses prévisions à un chiffre aussi élevé. Elle avait fait observer que,
s’il n’y avait pas des successions considérables ouvertes, et dont les droits
seraient perçus en 1843, comme cela a eu lieu en 1841 et en 1812, il était
probable que les prévisions du budget ne seraient pas atteintes. M. le
ministre, si mes souvenirs sont exacts, a répondu que les prévisions étaient
basées sur 1841 et 1842 ; mais il n’a pas ajouté qu’il y aurait des successions
extraordinaires, des successions énormes, comme cela est arrivé pendant ces
deux années et d’où il est résulté une augmentation de produit de plus d’un
million sur tous les exercices antérieurs.
Or, si ces
circonstances n’existent pas cette année, mon opinion est qu’il n’y a pas moins
d’un million à retrancher de la prévision relative au droit de succession.
Ainsi, messieurs, bien
qu’il n’y ait pas dans le budget des voies et moyens de cette année les
exagérations qui se rencontraient dans celui de l’année dernière, il s’y trouve
cependant encore, selon moi, des excédants considérables de prévisions.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Je ne
m’attacherai pas, messieurs, à la question politique qui a été traitée dans la
séance d’aujourd’hui et dans celle d’hier ; je m’occuperai spécialement de la
question financière qui a directement trait au budget des voies et moyens,
Quelle que soit,
messieurs, l’opinion que l’on ait à l’égard du ministère, nous avons la
confiance d’avoir fidèlement rempli notre programme ; car indépendamment des
grandes questions qui ont été résolues avec votre appui, indépendamment de la
conclusion d’un traité définitif avec les Pays-Bas, qui obtiendra, nous
l’espérons, votre approbation, nous avons eu le courage d’accomplir la tâche la
plus épineuse, la plus difficile et en même temps la plus ingrate de notre
mission, je veux parler dé la révision des lois d’impôt. Vous savez, messieurs,
que cette révision est prescrite par la constitution ; mais les circonstances
dans lesquelles nous nous sommes trouvés, et, disons-le, la malheureuse instabilité
ministérielle, malheureuse, non pas pour les hommes qui ont occupé le pouvoir
ou qui l’occupent en ce moment, mais pour la chose publique, pour la marche des
affaires ; cette instabilité n’a pas permis de penser plus tôt à l’exécution
d’une disposition formelle de la loi fondamentale. Aussi qu’est-il arrivé ?
Chaque fois qu’un découvert s’est présenté dans le trésor, on y a fait face,
soit par des emprunts, soit par des émissions extraordinaires de bons du
trésor, soit par des centimes additionnels, soit enfin par des improvisations
en matière de douanes, improvisations toujours nuisibles dans un pays
commercial et industriel comme le nôtre, puisque le commerce doit vivre de
stabilité, de fixité dans les lois.
Lorsque, l’année
dernière, j’ai déclaré dans cette chambre, que j’aurais le courage d’aborder la
difficulté et de m’occuper de la révision de nos lois d’impôt, vous voulûtes
bien applaudir à mes paroles ; c’est ce stimulant, que j’ai trouvé dans votre
appui, qui m’a porté à soumettre successivement au Roi et à vous présenter
ensuite une nouvelle législation sur les sucres, sur les distilleries, sur le
colportage, sur le batelage, sur les eaux-de-vie étrangères, sur le sel, sur
les bières, sur la contribution personnelle et sur les patentes. Trois de ces
lois, celles qui concernent les distilleries indigènes, le colportage et le
batelage ont pu être discutées et adoptées par les chambres ; elles l’ont été
par une immense majorité, et le pays y a applaudi. Les autres n’ont pas encore
été discutées et, comme la plupart d’entre elles sont destinées à augmenter les
ressources du trésor, mais qu’elles ne pourront être adoptées avant la fin de
l’exercice, force nous a bien été de vous demander des ressources
extraordinaires, mais temporaires pour faire face au découvert qui résulte des
votes émis dans le courant de cette année sur différents points.
Déjà, messieurs, l’on a
critiqué (et j’ose croire que c’est sans examen préalable) le projet de loi sut
la contribution personnelle, le projet de loi sur les brasseries, le projet de
loi sur les patentes ; mais, messieurs, sait-on quelles sont les injustices,
les inégalités qui résultent de la loi sur la contribution personnelle,
actuellement en vigueur ? Sait-on qu’il y a des localités qui ne paient plus
aujourd’hui que le tiers de la contribution personnelle qu’elles payaient en
1822 ? Sait-t-on qu’il y en a d’autres qui paient le double de ce qu’elles
payaient alors ? J’ose l’affirmer, il y a peu de lois plus équitables. Elle est
surtout défavorable pour les détaillants, pour les marchands. Il y a des
boutiquiers qui, tout en n’ayant qu’un mobilier insignifiant, sont néanmoins
obligés de payer un loyer considérable pour pouvoir produire ce loyer. Ces
contribuables sont obligés de sous-louer la meilleure partie de leur maison et
se contentent bien souvent de se loger sous les combles, eux et leur famille ;
eh bien précisément parce que ces gens doivent sous-louer, leur mobilier est
évalué au quintuple de la valeur locative, et il est de ces personnes qui
payent jusqu’à 200 fr. de contributions personnelles, tandis que l’homme aisé,
le propriétaire, le rentier paie souvent une bagatelle ; et l’on appelle cela,
messieurs, une loi d’amour et de justice !
Le projet de loi qui nous
est soumis, messieurs, loin de vouloir aggraver la condition de celui qui
possède peu, tend, au contraire, à frapper d’un avantage l’aisance. Je pourrai
répondre plus au long ici aux critiques qui ont été dirigées contre ce projet,
mais si je devais passer en revue toutes les dispositions, ce serait anticiper
sur la discussion dont il doit faire l’objet.
Quant à la loi sur les
brasseries, j’en dirai un mot, parce qu’elle soulève de vives réclamations. Il
ne me serait peut-être pas difficile de prouver par les réclamations même qui
ont été adressées à la chambre l’année dernière contre la proposition qui vous
était soumise alors par l’honorable M. Mercier, que plusieurs de ces
réclamations tendaient précisément à obtenir les bases établies dans le projet
que j’ai eu l’honneur de vous présenter. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas
m’attacher maintenant à justifier ce projet, mais je déclare que si l’on
pouvait me prouver qu’il doit porter un coup trop terrible à l’industrie
importante et intéressante sous tant de rapports, je n’hésiterais pas à adopter
toutes les modifications raisonnables dont il pourrait être susceptible, ni
même à en proposer, au besoin, le retrait ; car lorsque l’erreur est démontrée,
il ne faut pas s’y obstiner, mais il faut au contraire s’empresser d’en
revenir. Quoiqu’il en soit, nous examinerons avec sollicitude toutes les
réclamations qui nous seront adressées, et si nous nous sommes trompés, nous
serons les premiers à le reconnaître.
Ainsi que je le disais
tout à l’heure, messieurs, quel que soit le sort de ces projets de lois, les
ressources qu’ils sont destinés à créer ne peuvent pas être produites avant le
31 décembre prochain. Or, messieurs, dans le courant de votre dernière session,
vous avez voté extraordinairement, et en dehors du budget, un emprunt de
29,250,000 francs, huit millions pour les indemnités, six millions pour la
ville de Bruxelles, quatre millions pour le canal de Zelzaete, deux millions
six cent mille francs environ de crédits extraordinaires pour les divers
départements ministériels ; enfin un total d’au-delà de 50 millions de charges
nouvelles en dehors des prévisions des budgets. Or, en calculant ces charges à
5 p. c. seulement, vous trouvez une dépense annuelle de 2,500,000
fr. qui est précisément la somme que nous demandons à l’impôt.
Nous tenons, messieurs, à
constater que ce n’est pas par impuissance que nous venons demander des
centimes additionnels. Nous les demandons pour 1843 seulement, en attendant que
les lois, qui doivent combler le déficit du trésor, puissent être discutées.
Or, je le répète, comme il est évident qu’elles ne peuvent pas l’être avant la
fin de l’exercice actuel, et il est tout aussi évident qu’on ne peut payer 50
millions avec des ressources négatives.
Une chose singulière,
messieurs, c’est que lorsque l’honorable M. Desmaisières est venu proposer en
1839, la suppression des centimes additionnels qui existaient alors, on s’est
récrié contre cette proposition ; aujourd’hui nous demandons des centimes
additionnels pour un cas spécial, pour une chose flagrante, pour une
augmentation de dépenses de 50 millions, en dehors des budgets, et l’on veut
nous les refuser !
La section centrale,
messieurs, n’a pas non plus admis ces centimes et elle vous a proposé un projet
de budget qui solde un déficit par 1,073,000 fr. Mais
que fait la section centrale pour arriver à ce résultat ? Elle applique aux
dépenses ordinaires les 1,200,000 fr. portés au budget des voies et moyens
comme devant provenir de la vente de quelques rentes domaniales ; elle affecte
aux mêmes dépenses les cinq cent mille francs à provenir de la vente de
certaines parties de forêts ; d’un autre côté, elle admet les quatre centimes
additionnels destinés à couvrir l’augmentation des traitements des membres de
l’ordre judiciaire et des membres de la cour des comptes, et cependant elle ne
porte rien en dépense de ce chef. Il résulte de là que le déficit de 1,073,000
fr. devrait être augmenté d’abord des 593,000 fr. à provenir des 4 centimes
additionnels dont je viens de parler, à moins qu’on ne porte en dépense
l’augmentation des traitements de l’ordre judiciaire et de la cour des comptes,
et alors on arriverait au même résultat.
En deuxième lieu, la section
centrale admet le principe de prendre, pour base de ces évaluations, les
recettes réelles des 10 mois écoulés de l’exercice actuel et des 2 derniers
mois de 1841 ; mais alors il y a, selon moi, quelques exagérations dans ses
prévisions. Ainsi, messieurs, elle porte les droits d’entrée à 9,300,000 fr.,
tandis qu’il ne faudrait les porter qu’à 9,148,000 fr. ; car voici comment il
faut calculer en suivant la base adoptée par la section centrale : les recettes
pour les droits d’entrée des 10 premiers mois de 1842 et des 2 derniers mois de
1841 s’élèvent à 9,363,172 fr. ; la diminution à résulter de la convention
conclue avec la France doit être évaluée à 215,760 fr., de sorte qu’il ne reste
que 9,147,472 fr. ; j’ai porté 9,148,000 fr. en négligeant la fraction. Il faut
donc, de ce chef, réduire le chiffre de la section centrale de fr. 152,000.
Sur les droits de sortie,
il y a également une augmentation de 2,000 fr. ; sur les droits de transit, une
augmentation de 59,000 francs ; sur les droits de tonnage, 10,000 fr. ; du chef
du produit de l’accise sur le sel, 200,000 fr. ; sur les bières et vinaigres,
11,000 francs ; sur les timbres et les quittances, 131,000 fr. ; total :
565,000 francs. Ajoutons ces 565,000 fr. au déficit d’un million 7,000 fr., nous
trouverons un découvert de 2 millions 241,000 fr.
Messieurs, ceux qui ont
examiné la situation du trésor des exercices antérieurs ont dû reconnaître que
chaque exercice produit un vote de dépenses de 6 millions environ, en dehors
des prévisions du budget. Ainsi, depuis 1830 jusqu’à ce jour, il y a eu une
augmentation de 76 millions de fr., ce qui, divisé par
12, fait 6 millions par an.
D’un autre côté, il est
vrai de dire qu’il y a eu des économies notables dans les budgets, à raison de
dépenses qui n’ont pas été faites. Toutefois, il est à remarquer que ces
économies diminuent tous les ans : presque tous les départements ministériels
absorbent les sommes qui leur sont allouées ; de sorte que, d’une part, les
votes de crédits extraordinaires continuent, et d’autre part, les économies
s’effacent.
Ainsi, pour ne rien
exagérer, en portant seulement, du chef des crédits extraordinaires votés
éventuellement dans le courant d’un exercice, une somme de 3 millions (ce qui
fait la moitié de la moyenne établie par la situation du trésor), je trouve que
le découvert serait de 5 millions 253 mille francs.
Maintenant, si l’on
emploie encore, comme ressource extraordinaire sans affectation spéciale à
l’extinction de la dette flottante les 1,700.000 fr qui sont portés au budget
des voies et moyens, comme produit de la vente des domaines et des rentes
domaniales, vous aurez à la fin de l’exercice 1843 un découvert de 6 millions
900,000 fr., si la législature n’accorde pas au gouvernement les ressources
extraordinaires qu’il demande.
C’est là une position que
le gouvernement n’a pas cru pouvoir accepter ; parce que ce serait, en quelque
sorte, escompter l’avenir.
Si maintenant je fais un
autre calcul sur les budgets, je trouve que les ressources réelles et
permanentes sont divisées ainsi qu’il suit :
Impôts directes et
indirects, 83,000,000 fr.
Péages, 8,900,000 fr.
Chemins de fer, 10,000,000 fr.
Capitaux, 2,000,000 fr.
Revenus du trésor public,
1,600,000 fr.
Remboursements, 1,000,000 fr.
Total, 106,500,000 fr., y compris deux millions d’augmentation, comme
résultant de l’exploitation du chemin de fer.
Le budget de 1843, et la
section centrale a reconnu qu’il y avait très peu de réductions à y faire ; le
budget de 1843 est réglé à la somme de 110,500,000 fr.
; il y aurait dès lors un découvert de 4 millions. Défalquons de ce déficit : 1
million pour les sommes en numéraire à payer du chef de la loi sur les
indemnités, restera une somme de 3 millions ; mais en ajoutant à ces 3 millions
les crédits extraordinaires votés dans le courant d’une session en dehors du
budget : soit 3 millions encore, on aura une somme égale à celle que j’ai annoncée
tout à l’heure, c’est-à-dire 6 millions.
Ainsi, sous quelque face
que j’examine la position du budget, ce découvert me paraît probable, si l’on
adopte les conclusions de la section centrale.
M. Demonceau,
rapporteur. - Je demande la parole.
M. le ministre des
finances (M. Smits) - Vous voyez
donc, messieurs, que les ressources temporaires que le gouvernement a demandées
sont indispensables, en attendant que les lois nouvelles, qu’il a soumises à la
chambre sur la législation des impôts, aient pu être discutées et votées par la
chambre.
Messieurs, quelques
orateurs ont indiqué d’autres ressources que celles qui font l’objet des
projets de loi dont je viens de parler.
L’honorable M. Lys
voudrait que l’on imposât la livrée et les armoiries ; il voudrait qu’on imitât
en ce point l’exemple de l’Angleterre. Mais, messieurs, je pense qu’en Belgique
cette tentative ne serait pas heureuse ; en Belgique règnent des habitudes
d’économie, et je crois que si l’on imposait les armoiries et la livrée, la
livrée et les armoiries cesseraient bientôt d’exister. D’ailleurs, ce serait
une ressource que je crois insignifiante.
D’autres membres ont
vivement conseillé au gouvernement de proposer un impôt sur les tabacs.
Messieurs, il y a
plusieurs modes d’atteindre cette denrée.
D’abord, vous avez le
système de l’impôt à la fabrication ; dans ce système, il faudrait une
surveillance permanente dans les fabriques ; or, je ne crains pas de le dire,
cette surveillance serait tellement vexatoire, tellement en dehors de nos
habitudes, qu’il faudrait probablement renoncer, ne fût-ce que par le personnel
considérable qu’il faudrait entretenir et qui viendrait augmenter les charges
du budget, sans bénéfice peut-être pour le trésor.
L’autre mode, qui se
présente, c’est d’établir un droit sur les consommations, autrement dit, un
droit d’accise qui consisterait à frapper le tabac à son importation, à lui
accorder décharge des droits à l’exportation, lorsqu’il est fabriqué,
Vous concevez, messieurs,
combien ce mode d’impôt serait difficile à bien établir, car il faudrait
calculer le rapport qui existe entre le tabac fabriqué dans ses trois degrés de
fabrication et le tabac en feuilles. Ensuite, il faudrait, à l’exportation du
tabac fabriqué, restituer les droits que l’on aurait perçus sur le tabac en
feuilles. Ici la difficulté deviendrait plus grande encore ; car, comme vous
avez une production assez notable de tabac indigène, ce tabac qui s’emploie
déjà aujourd’hui pour plus d’un cinquième dans la fabrication générale,
jouirait alors de la prime d’exportation que vous auriez établie. Ainsi, ce
second mode est également très difficile dans son exécution.
Vient enfin la régie,
telle qu’elle existe en France ; mais c’est là une question grave, importante,
qui, avant de recevoir une solution, paraît tout à fait digne d’une enquête
spéciale et peut-être d’une enquête parlementaire.
Ne reste donc d’autre
mode immédiatement praticable que celui que le gouvernement a indiqué, c’est de
frapper le tabac à l’entrée, et l’atteignant au moyen du tarif ordinaire. Un
projet est soumis à cet égard à la chambre, et nous espérons qu’on pourra s’en
occuper dans un bref délai.
On me fait observer qu’il
y a encore un autre système, celui de frapper les débitants de tabac d’une
patente extraordinaire.
Eh bien, à la première
vue, ce mode offre également des inconvénients pratiques. Si l’on frappe les
débitants de tabac d’une patente spéciale, quelque peu élevée, il est probable
que tous les petits débitants devront cesser leur débit, et alors vous aurez
dans les villes quelques grands débitants qui y exerceront une espèce de
monopole, et qui, par cela même qu’ils auront accaparé le débit général,
s’indemniseront facilement du montant de la patente extraordinaire dont on les
aura frappés. Mais par cela même que la patente se restreindrait alors, le
trésor n’aurait pas de grandes ressources à espérer de l’établissement de cette
patente spéciale.
L’honorable comte de
Baillet-Latour a parlé hier de la nécessité de vendre
nos forêts domaniales. Vous savez, messieurs, combien cette question a été
controversée, et j’avoue que, bien qu’elle ait déjà occupé et occupe encore
beaucoup l’attention du gouvernement, je n’oserais pas aujourd’hui me prononcer
à cet égard ; seulement je ferai remarquer à l’honorable comte de Baillet qu’il
ne doit pas espérer de voir augmenter, par l’aliénation
de ces biens, la contribution foncière, attendu que cette contribution ne
s’alimente pas des changements qui s’opèrent dans les propriétés territoriales
; le contingent restant le même, il en résulte seulement que lorsque des
propriétés viennent à être affectées par l’impôt cela vient soulager les
autres, mais l’impôt n’augmente pas.
Messieurs, je crois avoir
justifie dans tous ses points les propositions du gouvernement ; je crois avoir
démontré qu’il serait imprudent d’accepter un budget en déficit, je crois avoir
établi que les ressources temporaires que nous demandons, et qui se bornent à 2,500,000 fr., sont l’équivalent des dépenses extraordinaires
qui ont été votées dans le courant de l’exercice.
Je crois avoir démontré
que tous les autres moyens qui ont été proposés pour couvrir le découvert qui
résultera de ces dépenses, ne sont pas susceptibles d’une exécution immédiate
et pratique.
M. Dumortier. - Messieurs, depuis douze années que nous avons fait
la révolution, nous avons annuellement augmenté les dépenses d’une manière
effrayante, et si maintenant nous portons nos regards sur le budget que nous
avons voté, il y a dix ans, nous verrons quel grand pas nous avons fait dans la
carrière des dépenses et des impôts. Il y a dix ans, notre budget s’élevait à
environ 70 millions de francs ; aujourd’hui, il monte à la somme énorme de 112
millions de francs, et l’on nous menace encore d’augmentations successives !
C’est, messieurs, contre ces augmentations successives de dépense que je viens
m’élever, et c’est principalement dans ce but que je prends aujourd’hui la
parole.
Je dis, messieurs, que
des augmentations d’impôt aussi exagérées sont choses manifestement nuisibles à
un pays, et qu’elles l’empêchent de se constituer sur des bases solides.
Lorsque nous prêchions le
système des économies, il ya quelques années, la chambre malheureusement n’a
pas écouté nos paroles, et en cédant toujours à des demandes sans cesse
renouvelées, l’on est arrivé à ce point que le chiffre du budget d’aujourd’hui
est supérieur de la moitié au chiffre du budget que nous avons voté, il y a dix
ans.
Il me semble, messieurs,
qu’il faut un peu porter nos yeux de ce côté, pour voir les ressources qu’on
peut y trouver pour équilibrer les recettes avec les dépenses.
Il y a, messieurs, deux
moyens d’arriver à ce résultat. Le premier est de dépenser beaucoup et de
prélever beaucoup d’impôts ; le deuxième est d’être sévère dans le vote des
dépenses et de ne pas augmenter les recettes plus que les nécessités ne
l’exigent. C’est ce système que j’ai toujours défendu et que je défendrai
toujours, parce que je le regarde comme le seul qui soit conforme à l’intérêt
du pays.
M. le ministre des
finances vient de présenter la situation de nos finances sous un point de vue
quelque peu effrayant ; mais il me semble qu’il a perdu de vue deux choses : la
première c’est que la vente des parcelles de domaines qu’il propose est une
ressource nouvelle au moyen de laquelle il peut faire face aux besoins de cette
année ; la seconde est que si nous avons des dépenses qui ne sont pas arrivées
à leur chiffre normal, nous avons aussi des recettes qui n’ont pas atteint leur
produit normal. La recette du chemin de fer n’est pas ce qu’elle devra être
quand les prévisions indiquées par M. le ministre se réaliseront. Il est à
remarquer que le chemin de fer présente encore un déficit effrayant. Il
coûtera, en 1843, cinq millions et demi au trésor. Cette somme dépasse le tiers
de toute la contribution foncière de la Belgique.
En effet le trésor porte
en recettes 10 millions pour le produit du chemin de fer, et comme les dépenses
s’élèvent 15 millions et 1/2, 10 millions pour frais de construction et 5 1/2
millions pour frais d’entretien et de perception, le déficit est de 5 1/2
millions.
En voici le détail : 1° emprunt au capital de 30 millions, dont le
service annuel est de 1,500,000 fr. ; 2° emprunt, celui de 1838 au capital de
50,850,000 fr., dont le service annuel est de 2,034,000 fr. ; 3° emprunt, celui
de 1840 au capital de 86,940,000 fr., dont le service annuel est de 5,216,000
fr. ; 4° emprunt, celui de 1842 au capital de 29,250,000 fr., dont le service
annuel est de 1,750,000 fr. ; total des quatre emprunts, 197,040,000 fr. dont
le service est de 10,500,000 fr.
Il faut défalquer ce qui
a été employé aux routes pavées ; on peut compter de ce chef 500 mille francs,
de sorte qu’il reste pour le chemin de fer 10 millions.
Au budget des dépenses,
on porte 5,400,000 fr. pour les frais d’entretien et
de locomotion, de sorte que la dépense sera pour 1843 de 15,400,000 fr. La
recette étant de dix millions, le déficit est de 5,400,000
fr. Je dis que ce déficit dépasse le tiers de la contribution foncière de tout
le royaume de la Belgique. J’ai toujours trouvé cela une chose éminemment
injuste.
Le chemin de fer doit
couvrir ses dépenses. Avant d’établir des centimes additionnels aux
contributions, il faut faire produire au chemin de fer tout ce qu’il peut
produire. Il ne faut pas que les propriétaires et les cultivateurs voient
augmenter de moitié leur impôt foncier au profit de ceux qui se servent du
chemin de fer, soit pour voyager, soit pour transporter leurs marchandises.
Faites produire au chemin
de fer l’intérêt des capitaux employés à sa construction, et vous trouverez 5,500,000 fr. qui couvriront et au-delà les déficits que vous
signalez. Mais je ne puis trop le répéter, il est souverainement injuste de
frapper les cultivateurs de contributions excessives, afin de donner aux
voyageurs et aux négociants l’avantage de circuler et de transporter leur
marchandises à bon marché par le chemin de fer.
On vient de faire
allusion au chemin de fer de Jurbise. On a dit : Vous avez demandé la
construction d’une section de Tournay à Jurbise. Oui, je l’ai demandée ; et
pourquoi l’ai-je demandée, c’est que nous avons démontré, et personne ne peut
le contester, nous avons démontré que ce chemin ne sera jamais onéreux, mais
toujours lucratif. Un chemin de fer, qu’il coûte 5 ou 30 millions pour 8
lieues, n’en rapporte pas davantage. Le chemin de fer de la Vesdre, dont le
devis s’élevait 2,243,000 fr. a coûté 30 millions,
c’est-à-dire plus de 27 millions au-delà des prévisions.
Eh bien, je dis que le
vice de cette grande entreprise c’est qu’on y a déployé trop de luxe dans les
constructions qu’on a faites, on n’a pas mis assez d’économie. Un chemin de fer
de même longueur, qu’il coûte 50 millions ou 5, ne produit pas davantage.
L’excédant de dépense est en pure perte pour le trésor public. Quand nous avons
demandé le chemin de fer de Tournay à Jurbise, nous avions la garantie qu’il
coûterait peu et rapporterait beaucoup par le mouvement de marchandises qui s’y
ferait.
Vous avez repoussé notre
demande si juste ; alors qu’on ouvrait les caisses du trésor pour toutes les
autres provinces, on les a fermées pour le Hainaut. Demandez des impôts à qui
vous voudrez, vous ne nous avez pas fait participer aux faveurs du budget, nous
n’avons pas de ressources nouvelles à lui donner.
Un autre objet qui doit
encore amener un grand résultat pour le trésor public, c’est la loi sur les
sucres, vous le savez très bien. Le ministre porte l’impôt sur les sucres comme
devant rapporter 1,140,000 fr. La section centrale
n’en évalue le produit qu’à 640,000 francs. Quelle que soit celle de ces
données qu’on adopte, il est certain que cet impôt est loin de rapporter ce
qu’il devrait produire. C’est un fait constant qu’il devrait rapporter au moins
cinq millions, car il n’y a pas de matière plus imposable que celle-là.
Pourquoi imposer la bière, augmenter l’impôt foncier, imposer tout ce que
consomme le pauvre peuple, tandis que le sucre que consomme le riche ne paie
rien. Commencez par faire produire l’impôt sur le sucre ; c’est là une
magnifique ressource pour couvrir le déficit.
Je conçois que l’impôt
sur les genièvres est encore susceptible d’augmentation. Comme, à diverses
reprises, j’ai eu l’honneur de l’exposer, si on changeait le système de
l’impôt, il n’est pas douteux qu’il en résulterait une augmentation
considérable de produit.
En ce qui concerne le
tabac, je suis partisan d’une augmentation de droit sur le tabac étranger, mais
je m’opposerai toujours à tout système dont le but serait d’imposer le tabac
cultivé en Belgique, car je ne consentirai jamais au rétablissement des droits
réunis, et ce serait rétablir les droits réunis que d’établir un droit sur la
culture du tabac dans le pays.
Il est un genre d’impôt
sur lequel je ne partage pas l’opinion de M. le ministre des finances, c’est
l’impôt somptuaire. J’exprime le regret qu’on ne l’ait pas établi, car encore
une fois il faut prendre l’argent à celui qui en a. C’est une chose vraiment
déplorable que la conduite tenue depuis la révolution. On a constamment diminué
les impôts indirects, tandis qu’on augmentait les impôts directs. C’est une
faute très grave. L’impôt direct est un impôt très onéreux aux populations. Par
l’impôt indirect le peuple ne paie qu’en raison de ce qu’il consomme, et il
doit en être ainsi ; ce n’est pas en mettant des centimes additionnels sur les
impôts directs, mais en augmentant les impôts indirects, que nous pouvons
arriver à ce résultat.
Le ministre nous a
proposé divers projets de lois d’augmentation d’impôt ; j’en attendrai la
discussion pour me prononcer. Mais je dirai maintenant que le meilleur moyen
d’équilibrer les recettes et les dépenses, c’est de réduire les dépenses et de
faire rapporter au chemin de fer ce qu’il doit rapporter. Encore une fois, ma
conviction profonde est qu’on peut lui faire rapporter ses dépenses
d’entretien, ainsi que l’intérêt et l’amortissement des frais de construction.
Je ne terminerai pas sans
dire un mot sur certains abus qui commencent à s’introduire dans notre pays.
Chaque année, j’en ai entretenu la chambre, et je le ferai cette année avec
plus d’insistance que précédemment.
Je sais que le fisc a
toujours avoir un peu de rigueur dans sa manière de procéder ; c’est
inséparable de toute administration fiscale ; mais enfin toutes les fois que la
chose est possible, il ne doit pas avoir recours à des moyens trop acerbes.
Je déplore qu’on dresse
des procès-verbaux à charge de particuliers pour de simples erreurs avant de
les avoir prévenue. Dressez des procès-verbaux pour empêcher les contraventions
; mais commencez par prévenir et si on persiste, verbalisez, rien de mieux ;
mais ne le faites pas pour une simple erreur involontaire. Je regrette qu’on
fasse figurer parmi les recettes du budget les produits des contraventions. Je
suis convaincu que cela se fait contrairement aux intentions de M. le ministre
des finances, mais dans beaucoup de localités, les choses se passent ainsi. Je
pourrais citer des procès-verbaux qui soulèveraient votre indignation. Pour une
erreur dont le résultat était une bagatelle de 20 fr., un contribuable a été
condamné à une amende de 100 ou 200 fr. administrativement. Administrativement,
on lui disait : si vous ne voulez pas, plaidez, vous perdrez davantage. Ces
moyens qu’on employait sous le régime précédent sont odieux ; il importe de les
faire cesser.
J’espère qu’il suffira de
les avoir signalés au gouvernement pour qu’il prenne des mesures afin d’y
mettre un terme.
Je pourrais citer
beaucoup de faits à cet égard. Se me bornerai à signaler le fait d’une manière
générale. J’espère que M. le ministre des finances prendra les mesures
nécessaires pour porter remède à de tels abus.
Il y a un autre
point sur lequel je dois renouveler les plaintes que j’ai déjà faites ; je veux
parler des chevaux des cultivateurs. Lorsqu’un cultivateur monte sur son
cheval, pour porter des grains au marché, on exige que ce cheval paie le droit
comme cheval de luxe. Jamais il n’a été considéré comme tel sous l’ancien
gouvernement. Maintenant, dans ce cas, on dresse procès-verbal. Voilà un abus
qu’il importe de faire cesser ; car c’est un sujet de mécontentement pour les
populations, et jamais le gouvernement n’a intérêt à mécontenter les
populations. Je signale le fait à M. le ministre des finances, avec la
confiance qu’il veillera à ce qu’il ne se renouvelle plus.
Quant aux centimes
additionnels, je ne puis y donner mon assentiment. Je vous en ai donné les
motifs. Nous pouvons trouver dans l’excédant du produit du chemin de fer, dans
des économies et dans l’impôt sur les sucres, des ressources plus que
suffisantes pour combler le déficit.
M. le
ministre des finances (M. Smits) - Je tiens à déclarer à la chambre que toutes les instructions du
ministère des finances pour l’exécution des lois fiscales données aux
différents fonctionnaires de ce département leur recommandent d’apporter de la
modération dans l’exécution de la loi, de s’abstenir de toute mesure vexatoire,
d’user de tous les ménagements possibles, de donner toutes les informations
nécessaires aux contribuables, afin qu’ils se conforment à la loi et ne soient
pas exposés aux procès-verbaux.
Quant au point
dont vient de parler l’honorable préopinant, j’ai remis hier encore à
l’honorable M. Sigart les instructions donnés à ce sujet. Ces instructions
portent, de la manière la plus formelle, que quand un cultivateur se rend au
marché sur son cheval, ce cheval ne portât-il qu’un manteau, ou un
porte-manteau, doit être considéré comme appartenant à l’agriculture, et ne pas
payer de droit. Voilà quelles sont les instructions, Je tiendrai la main à ce
qu’on les exécute.
M. Rogier. - L’honorable orateur qui vient de cesser de parler
a dit que l’on a porté au budget de l’exercice 1843, 5,500,000 francs, pour
frais d’exploitation du chemin de fer et 10 millions pour intérêt des emprunts
destinés à la construction du chemin de fer.
Je demande si M. le
ministre des finances n’a pas à rectifier cette erreur de l’honorable
préopinant. Je suis convaincu que M. le ministre des finances, ou M. le
ministre des travaux publics, peut répondre d’une manière péremptoire à cette
erreur de l’honorable M. Dumortier qu’on ne doit pas, ce me semble, laisser
passer dans la chambre.
M. Dumortier. - Il n’y a pas
d’erreur du tout. Si l’honorable membre veut ouvrir le budget, il pourra y voir
ce que j’ai dit. Je vais lui citer les pages.
Les emprunts causés par
le chemin de fer se trouvent renseignés page 5 ;
Les dépenses d’entretien
page 49 ;
Ces dépenses s’élèvent
ensemble à 15,500,000 fr.
Les recettes présumées du
chemin de fer, sont renseignées p. 8 et 9 ; elles s’élèvent à 10,000,000 fr.
Déficit qui doit être
comblé par le trésor public : 5,500,000 fr.
M. le
ministre des travaux publics (M. Desmaisières) - Il est vrai que des emprunts ont été contractés de
manière à élever les sommes qu’on paye pour les intérêts et l’amortissement à
peu près à la somme totale indiquée par l’honorable M. Dumortier. Je dis à peu
près, car je ne puis vérifier le chiffre en ce moment. Mais il faut considérer
que les chemins de fer ne sont pas tous en exploitation.
Il n’y aura eu en
1842 que 79 lieues, et il n’y aura en 1843 que 102 lieues exploitées, terme
moyen pendant l’année entière ; or, il y a 112 lieues de chemin de fer à
construire. Les sections en exploitations elles-mêmes ne sont pas encore
entièrement achevées.
Les dépenses
relatives à la construction du chemin de fer, tant des sections en exploitation
que de celles non encore exploitées, ne sont donc pas à beaucoup près
entièrement faites. Ainsi l’on ne peut admette toutes les sommes que
l’honorable M. Dumortier a voulu imputer dès à présent sur le chiffre des
revenus du chemin de fer, pour calculer le déficit que ces revenus présenteront
en 1843 vis-à-vis des frais de construction, d’établissement et d’exploitation.
M. Rogier. - M. le ministre des travaux publics n’a pas, ce me
semble, complètement répondu à l’observation de M. Dumortier. Cet honorable
membre pense que le chemin de fer grève le budget de 1843 de 15,500,000 fr., savoir : 5,500,000 fr. pour frais d’entretien
et 10,000,000 fr. pour intérêt des emprunts destinés au chemin de fer. Veuillez
remarquer que les emprunts qui ont eu pour objet les dépenses du chemin de fer
ne s’élèvent qu’à 150 millions ; ce qui, à 5 p. c. d’intérêt, donne une somme
de 7 millions et demi, et non pas la somme de 10 millions dont a parlé
l’honorable M. Dumortier.
M.
Demonceau, rapporteur. - Je regrette
qu’à l’occasion d’un calcul de l’honorable M. Dumortier, on se soit occupé
incidemment du chemin de fer. J’ai déclaré, au nom de la section centrale, que
le chemin de fer coûte à l’Etat toutes les sommes reprises dans les différentes
lois qui ont été votées. Or, il faut bien le reconnaître, il est impossible de
dénier l’exactitude des calculs de l’honorable M. Dumortier. Cela se conçoit :
nous avons en ce moment au chiffre de la dette publique, non seulement les 150
millions que coûte le chemin de fer, mais les sommes qui ont dû être employées
pour les avoir. Voilà précisément où est l’erreur de M. Rogier, quand il
suppose M. Dumortier dans l’erreur. Nous n’avons pas seulement de ce chef, à la
dette publique, les 150 millions effectivement affectés aux dépenses du chemin
de fer. Si vous voulez attendre, je tâcherai, quand j’aurai la parole, de
donner sur ce point des éclaircissements.
M. Cogels. - Voilà douze ans que nous nous traînons péniblement
dans le provisoire pour notre système d’impôt. Nous avons conservé comme base
de ce système la loi de 1882, qui à l’époque actuelle, ne serait plus
applicable, même au royaume des Pays Bas, et qui certainement ne peut plus
l’être au royaume de Belgique, tel qu’il est constitué, différant
essentiellement de celui des Pays-Bas, dans les relations commerciales et
industrielles. Nous avons quelquefois démoli en partie cette loi de 1822 ; de
temps en temps nous en reprenons encore un vieux débris. C’est ainsi que nous
continuons à avoir un système financier imparfait. Lorsqu’il y a des besoins
extraordinaires, les seules ressources auxquelles on ait recours sont les
centimes additionnels. Ou bien on établit au hasard des impôts sur l’un ou
l’autre objet de notre industrie ou de notre commerce. Ou a adressé, à cet
égard, des reproches au cabinet actuel ; mais on peut les adresser aussi bien à
tous les cabinets précédents. Du reste, quelle en est la cause ? c’est le peu de temps qui nous est donné pour l’examen et la
discussion des budgets ; car, tous les ans, nous sommes appelés à nous
prononcer sur le budget des voies et moyens, alors que nous avons à peine 15
jours pour l’examiner et 8 ou dix jours pour le discuter. Une fois le budget
voté, le gouvernement a à s’occuper d’autres mesures. La session suivante
survient, et c’est ainsi que, d’année en année, le provisoire se perpétue.
Il n’y a que deux remèdes
à ce mal : c’est ou de changer l’époque du commencement de l’année financière,
et de la faire commencer le 1er juillet, ou de voter deux budgets en une
session. De cette manière, on pourrait, comme en France, voter à la fin de la
session, le budget de l’année suivante ; car, maintenant, (je n’en fais pas un
reproche au gouvernement ; en effet, il lui faut des ressources),
qu’arrive-t-il ? Il arrive que pour les objets les plus importants soumis à
l’examen des chambres, on nous propose par anticipation des projets qui se
rattachent essentiellement à leur discussion ; ainsi, bien que nous soyons, je
l’espère, appelés à nous occuper, dans le courant de cette session, de notre
système commercial, le projet de loi relatif aux droits d’entrée comprend trois
objets qui rentrent indispensablement dans le domaine des droits différentiels,
ce sont les cafés, les tabacs et les riz. Eh bien ! messieurs,
si nous allons voter ce projet, qu’arrivera-t-il ? C’est que si dans la session
actuelle nous votons également le projet sur les droits différentiels, notre
première loi aura une durée de trois semaines ou un mois, et la législation
subira encore de nouvelles modifications. Or, rien n’est aussi pernicieux pour
le commerce que ces changements continuels. Croyez-moi, messieurs, ces
changements continuels dans nos droits de douane et d’accise exercent une très
fâcheuse influence sur les produits mêmes. Car là où il y a incertitude, il n’y
a pas de transactions ; ci c’est dans l’activité de transactions que le trésor
doit trouver des ressources.
Maintenant encore, dans
chaque discussion, on nous fait des propositions, et des propositions qui, le
plus souvent n’ont aucune suite. Je ne sais pas si l’on fera grande attention à
quelques propositions nouvelles qui nous ont été faites hier. On en a fait une,
entre autres, par laquelle on voudrait ériger le royaume en une vaste compagnie
d’assurance. Or, messieurs, je puis, quant à moi, parler de cette matière ;
j’ai été pendant douze ans, à la direction d’une compagnie d’assurance, mais je
suis maintenant presque désintéressé dans la question. Eh bien ! je sais que cette mesure serait pour un gouvernement non pas
une source de produits, mais une source de tracasseries et une cause de bien
des spéculations coupables ; car le gouvernement n’apporterait pas dans les
évaluations des propriétés qu’il serait appelé à assurer la même rigueur qu’une
compagnie d’assurance qui doit veiller à son existence et qui doit prendre
vis-à-vis des assurés les précautions que la prudence indique.
On a accusé des
compagnies de ne pas s’exécuter loyalement. Il est possible que cela arrive
dans quelques cas exceptionnels, mais ce que je sais, c’est que les compagnies
d’assurance, dans leur intérêt, doivent être loyales ; car c’est à leur
réputation que tient le crédit de leur établissement. Mais qu’arrive-t-il,
c’est que souvent des assurés font des spéculations coupables, et il est du
devoir des compagnies d’assurance de se défendre contre eux. Il est non
seulement de leur devoir de le faire dans leur propre intérêt, mais aussi dans
l’intérêt de la morale publique, pour déjouer des combinaisons de l’espèce. Eh
bien ! c’est à ces spéculations coupables que le
gouvernement serait sans cesse exposé.
On a dit que ce serait
une très petite contribution pour la généralité ; mais on a perdu de vue que
pour les habitants des campagnes, ce serait une contribution fort onéreuse et
que peu d’entre eux voudraient consentir à supporter ; car sur les
constructions de cinquième classe, sur les constructions en bois et en argile
avec couverture en chaume, la prime que les compagnies d’assurances prélèvent
est de demi pour cent, et elle est insuffisante. Si l’on n’avait pas d’autres
assurances que celles-là, on n’obtiendrait que des résultats désastreux.
Je demande pardon à la
chambre d’entrer dans ces détails ; mais j’ai voulu lui faire voir que cette
érection du royaume en une vaste compagnie d’assurances est une véritable
utopie qui ne peut mener à aucun résultat.
Une chose que le
gouvernement pourrait fort bien faire, ce serait d’interdire, comme l’avait
fait le gouvernement des Pays-Bas, l’action des compagnies étrangères. On
éviterait ainsi les inconvénients qui se présentent avec ces compagnies qui
établissent des agents dans le pays ; car lorsque l’on a des réclamations à
faire, c’est devant les tribunaux anglais ou les tribunaux français que doivent
être portées les contestations ; et l’on conçoit qu’un homme qui a à faire
valoir une réclamation de 1,500 ou 2,000 fr. renonce plutôt à ses prétentions
que d’aller les soutenir devant les tribunaux étrangers.
On nous a parlé,
messieurs, de l’impôt foncier, et l’honorable comte de Baillet nous a dit que
cet impôt était déjà assez lourd, qu’il ne fallait pas l’augmenter.
Messieurs, je ne demande
pas que l’on augmente l’impôt foncier ; je me suis même prononcé contre les
centimes additionnels, parce que je suis contraire à tous centimes
additionnels, et voici pourquoi : c’est que les centimes additionnels ne font
qu’aggraver ce qu’il y a d’inégal dans la répartition des impôts. Car si là où
l’impôt est trop fort, on l’aggrave encore, on établit une disproportion plus
forte en faveur de ceux qui ne sont pas suffisamment imposés.
Mais, messieurs, ce qu’il
y a de vicieux dans cet impôt foncier, ce sont ses bases ; c’est que l’on
serait obligé, pour être équitable, de recourir très fréquemment à une révision
cadastrale qui entraînerait de grands frais ; car, d’après le système actuel,
qu’arrive-t-il ? chaque province a une somme fixe à
payer annuellement. Dans les provinces qui prospèrent, où il s’élève beaucoup
de nouvelles constructions, où la propriété augmente de valeur, où les baux
augmentent également, la contribution diminue relativement au revenu. Elle ne
diminue pas seulement relativement au revenu, mais elle diminue effectivement,
parce que nécessairement les nouvelles constructions qui s’élèvent sont de
nouvelles propriétés qui viennent concourir dans l’impôt à la décharge des
autres propriétés existantes. Au contraire, dans les provinces qui languissent,
où les baux diminuent, où des maisons ne sont pas occupées, qui enfin ont des
non-valeurs, il en est tout autrement, l’impôt augmente proportionnellement. Je
suis convaincu que si on voulait faire la vérification, on verrait telle
province où une maison d’un loyer de 4,000 fr. paie un impôt moindre qu’une
maison de telle autre province qui ne se loue que 1,500 fr
Lorsque l’honorable M.
Mercier vous avait soumis le budget de 1841, il vous avait proposé une
augmentation sur l’impôt foncier. Aussi j’ai été surpris aujourd’hui de voir
combien il était hostile à toute augmentation sur cet impôt. Il est vrai qu’il
n’avait pas suivi les mêmes bases, et qu’il voulait augmenter le contingent
imposable des nouvelles constructions et de toutes les propriétés qui ne payant
pas d’impôt auparavant, telles que les domaines vendus, par exemple, étaient
devenues imposables ; de sorte qu’il n’en résultait pas d’augmentation pour les
autres contribuables ; c’est aussi le système que je voudrais voir adopter.
Quant aux augmentations
du budget des dépenses, je ne les trouve pas aussi considérables qu’on les a
signalées.
En effet, je trouve que
le budget des dépenses pour 1841 s’élevait à 105,632,724
fr. 31
Les sommes demandées pour
1843 sont de 110, 486,091 fr.
Il n’y a donc qu’une
différence de 4,855,360 fr. 69 qui se trouve parfaitement justifiée par le
chiffre porté pour les indemnités, celui pour les intérêts du nouvel emprunt,
la somme à payer par suite de la convention avec la ville de Bruxelles et
plusieurs autres augmentations votées dans les budgets de 1841 et 1842, ou qui
sont proposées dans le budget de 1843.
L’honorable M. Dumortier
nous a dit : Il y a un moyen tout simple pour niveler nos recettes avec nos
dépenses : c’est de faire produire le chemin de fer ; mais, messieurs, c’est
fort facile à dire : faire produire le chemin de fer ; mais c’est que pour
faire produire le chemin de fer, il ne suffit pas de dire : produisez ! Il faut
trouver les moyens de le faire produire. Or, si l’on élevait beaucoup le prix
des places, est-il bien certain que cela n’exercerait pas une influence sur le
nombre des voyageurs ? J’avoue qu’il me reste des doutes à cet égard. Je crois
que l’on pourrait augmenter légèrement encore le prix des places, sans que cela
exerçât une grande influence, mais il n’en est pas de même pour le transport
des marchandises. Aussitôt que vous élevez trop fort le prix de transport des
marchandises, vous devez voir la concurrence qui s’élève à côté de vous. Car
nécessairement le négociant, l’industriel, s’adresse au meilleur marché, et
s’il trouve à côté du chemin de fer un entrepreneur de roulage, un entrepreneur
de messageries qui veuille transporter sa marchandise à meilleur marché, il s’y
adressera d’autant plus volontiers qu’il a une action personnelle, et souvent autant
de célérité et plus de sécurité ; on aime mieux avoir une action contre un
particulier que contre le gouvernement.
On a dit aussi : il faut
faire produire cinq millions au sucre. Ici encore je crois que faire produire
cinq millions au sucre n’est guère possible. Je ne veux pas entrer dans le fond
de la discussion, mais si vous modifiez votre législation, si même vous adoptez
le système défendu par la section centrale, qu’arrivera-t-il ? C’est que
nécessairement vous détruirez l’une ou l’autre industrie ou vous lui nuirez
considérablement. Mais alors comment ferez-vous produire cinq millions au sucre
? Voulez-vous le faire produire au sucre indigène seul ? Cela est impossible,
car avec un pays placé comme le nôtre, avec des frontières ouvertes de tous
côtés ayant à vos portes la Hollande, qui a un excédant de productions
extraordinaires, vos droits trop élevés amèneront nécessairement les
infiltrations en fraude.
Voulez-vous livrer au
sucre exotique toute la consommation du pays ? Vous détruisez votre sucre
indigène, votre commerce d’exportation, et vous ne pourrez pas encore établir
un droit qui produise cinq millions, parce que, lorsque vous élevez les droits,
vous élevez le prix de la marchandise et vous donnez un appât à la fraude.
Ici je me permettrai de
citer une partie du discours de sir Rober Peel, lorsqu’il a proposé son projet
modifiant un grand nombre d’articles du tarif des douanes.
Vous conviendrez avec
moi, messieurs, que l’Angleterre, sous le rapport de sa position géographique,
a une frontière plus facile à garder que la Belgique. Elle a une frontière
naturelle, un système de douane parfaitement établi depuis longues années, des
officiers et des agents de douane très exercés. Enfin il s’y fait une
surveillance qu’il serait impossible d’exercer en Belgique malgré les plus
grands sacrifices. Eh bien ! lorsque sir Robert Peel proposa des réductions sur
la plupart des produits étrangers, et qu’il dit que sur les produits de
l’industrie étrangère les droits seraient fixés à un taux qui ne dépasserait
pas 20 p. c., il cita une maison établie à Lille et
qui entreprenait la fraude aux primes suivantes : à 8 et 8 1/2 p. c. sur les
blondes et les dentelles ; à 11 et 12 p. c sur les gants, à 12 et 13 p. c. sur
les soieries. Remarquez que la marchandise est livrée à Londres, qu’ainsi il y
a encore les frais de transport.
Or, messieurs, si
on peut faire la fraude de France en Angleterre, moyennant une prime de 12 à 13
p. c., certainement on peut le dire, cette fraude se
pratiquera bien plus facilement sur la frontière moyennant une prime de 6 ou 8
p. c. Au reste, je crois que cela se fait déjà ; il doit exister à Lille et à
Valenciennes des maisons qui font la fraude dans notre pays à ce prix. Vous
voyez donc qu’il faut toujours rester dans les limites du possible. Ceci répond
à une observation de l’honorable M. Lys, qui, également, je crois, réclamait
des protections en faveur de l’industrie lainière. Je ne sais jusqu’à quel
point il voudrait que ces protections s’étendissent ; mais je crois que ce dont
il faut toujours se défendre, c’est des exagérations.
Je n’en dirai pas
davantage, messieurs, mais j’appelle sérieusement l’attention de la chambre sur
la convenance qu’il y aurait à changer l’ordre de nos délibérations sur les
budgets ; à faire en sorte que nous puissions dorénavant discuter les budgets,
non pas au début de la session, mais à la fin ou dans le cours de la session.
M. de La
Coste. - Messieurs, plusieurs
orateurs, soit dans la discussion de l’adresse en réponse au discours du Trône,
soit dans les débats qui viennent de s’ouvrir, ont ramené l’attention de la
chambre sur les résolutions qu’elle a prises dans la session précédente ; mon
intention n’est pas de les suivre sur ce terrain ; je ferai cependant à cet
égard de courtes observations.
L’examen, mais l’examen
calme et réfléchi des résolutions auxquelles je viens de faire allusion, aurait
sans doute son utilité ; il dissiperait, je pense, bien des préventions quant
aux intentions et quelques illusions quant aux faits ; mais la session qui
vient de s’ouvrir me paraît devoir être courte, et si nous consumions sa durée
en réminiscence de la session précédente, et en prévisions de la session
future, nous nous créerions une tâche de choix au lieu d’une tâche de devoirs
que nous avons à remplir.
D’ailleurs, messieurs,
les résolutions prises par la majorité ne sont pas l’œuvre de la majorité,
elles sont l’œuvre de la chambre, elles sont devenues l’œuvre des trois
pouvoirs : la loi !
Messieurs, nous devons à
la loi un respect suprême ; nous pouvons la modifier et alors nous devons
rechercher ses vices, mais aussi longtemps que ce n’est pas à ce titre qu’elle
est mise en question, quoiqu’émanée de nous, elle nous domine ; nous ressemblons
à l’ouvrier qui, d’un bloc de marbre, a fait sortir un Dieu ; nous devons nous
incliner devant elle.
Aussi, messieurs, ceux
mêmes qui n’ont point concouru au vote de toutes les dépenses consenties dans
la session précédente doivent, tout aussi bien que ceux qui les ont admises,
rechercher de bonne foi les moyens d’y faire face ainsi qu’à toutes les
dépenses indispensables an service de l’Etat. Cette tâche, d’après le rapport
de la section centrale, me paraît bien moins pénible que nous n’aurions pu le
supposer d’abord. Félicitons-en le pays ; sa situation est loin de devoir
alarmer, si la prévoyance, la sagesse et une équitable fermeté président à ses
destinées. J’attends de cette équitable fermeté, non pas qu’on mette un
obstacle insurmontable à des travaux auxquels ou a fait tout à l’heure
allusion, et dont je reconnais l’utilité, mais qu’on les fasse venir en leur
temps, en les coordonnant avec d’autres dont l’utilité n’est pas moindre, et en
mettant cette utilité à tous, en regard des charges qui résulteront pour les
contribuables,
A la vérité, messieurs,
l’on a contesté les calculs de la section centrale ; nous verrons, dans le
cours de la discussion, ce que l’honorable rapporteur répondra à cet égard ;
dans tous les cas, il est certain qu’il ne serait pas prudent de nous renfermer
strictement dans les bornes des besoins absolus, signalés dès aujourd’hui, par
les budgets. Mais, qu’il me soit permis de faire observer que nous nous
trouvons, selon moi, dans une situation toute spéciale.
D’une part, nous sommes
en face d’un traité et d’une convention avec une grande société financière qui
semble devoir nous offrir des ressources ; nous ne pouvons rien préjuger ni sur
ce traité ni sur cette convention, mais enfin nous ne pouvons pas nous empêcher
d’entrevoir là des ressources et des ressources considérables. D’un autre côté,
différentes lois financières nous sont soumises il y a encore, de ce côté, un
accroissement de revenus à attendre pour l’Etat et par conséquent ce qui, dans
un autre moment, pourrait être taxé d’imprévoyance, devient dans la
circonstance une sage et prudente réserve.
La première en date des
lois financières qui nous sont proposées, c’est la loi des sucres. Quant à moi,
messieurs, j’aurais désiré que l’on eût pu accélérer les délibérations sur
cette loi, c’eût été rendre service à tous les intérêts qui sont engagés dans
la question.
Je ne sais pas si c’est
une circonstance fortuite, mais je remarque que l’année la plus défavorable
pour le commerce des sucres exotiques, est celle pendant laquelle les intérêts
qui se rattachent à ce commerce ont été de nouveau mis en question, c’est
l’année qui a précédé celle où a été rendue la loi qui régit la matière en ce
moment. Je crois que prolonger cette crise serait une chose fâcheuse, je crois
que cela réagit d’une manière nuisible sur nos délibérations ; on se fait
peut-être illusion sur les ressources qui doivent résulter de la modification
de cette loi financière, mais si ces illusions existent, une discussion moins
tardive les aurait dissipées et nous saurions maintenant à quoi nous en tenir.
Je dois ajouter, à cette
occasion, que, selon moi, l’on aurait dû être plus ménager
d’attaque envers la section centrale de la loi des sucres, et envers son
rapporteur.
Je sais bien que nous
vivons sous un genre de publicité et que nul d’entre nous ne doit aborder
aucune fonction sans se soumettre à la publicité ; mais il me semble que ces
attaques ont été fort injustes ! La section centrale peut s’être trompée, mais
il est certainement bien loin de la pensée de chacun de ses membres de vouloir
écraser l’une ou l’autre des industries qui sont en présence ; c’est, au
contraire, à les concilier que nous nous sommes appliqués.
Quant aux autres lois, je
me réserve mon opinion à leur égard ; cependant il est quelques points qui
m’ont frappé. Je crois que l’on admettra difficilement la base à laquelle
l’honorable M. Mercier a fait allusion, c’est-à-dire un impôt sur le bétail comme
base d’une taxe personnelle. Le bétail n’est moins encore une richesse qu’un
instrument de la richesse publique, et je crois qu’à l’exception de la taxe
spéciale destinée à fournir les ressources nécessaires pour venir au secours
des propriétaires, en cas d’épizootie, par exemple, toute taxe sur le bétail
est peu conforme à de saines notions d’économie politique.
Je ne suis pas non plus
très partisan pour l’espèce de taxe sur le célibat qui a été proposé ; du
reste, c’est là un point très accessoire et dont on s’occupera en son lieu.
Nous avons ensuite les
droits d’entrée qui augmenteront encore les ressources du trésor. Quant à
l’accise sur les bières, j’ai entendu avec plaisir M. le ministre des finances
prononcer quelques paroles qui rassureront les intéressés ; car je crois
véritablement qu’il serait funeste de revenir au système des droits réunis, qui
avait le grand inconvénient de ne point proportionner l’impôt à la valeur de
l’objet produit, tandis que le système actuel établit une proportion assez
juste entre l’impôt et la valeur de la denrée produite.
Cette base a été très
favorablement accueillie, tandis que l’autre était généralement repoussée. J’ai
été très étonné de lire dans le rapport de M. le ministre, que la première de
ces bases n’avait donné lieu à aucune plainte ; je me rappelle, au contraire,
que cette base de prélèvement de l’impôt, d’après la capacité de la chaudière,
a donné lieu à des réclamations constantes, et je pense que, dans les archives
du conseil général du département de la Lys, on trouverait annuellement des
protestations à cet égard. Les paroles de M. le ministre des finances
rassureront cette industrie justement alarmée.
Quoiqu’il en soit,
messieurs, comme je l’ai dit, ces différentes lois nous offrent en perspective
des ressources, et il me semble dès lors qu’il faudrait d’abord discuter ces
lois avant d’avoir recours à des moyens extraordinaires.
Je ne serais point
d’avis, messieurs, si les centimes additionnels sont repoussés, de les admettre
exceptionnellement pour les bières ; de toutes les industries du pays, sans en
excepter même l’industrie linière, pour laquelle nous avons fait tant de
sacrifices, sacrifices dont je ne me plains point, de toutes les industries du
pays, celle de la brasserie est la plus ancienne, mais ce qui importe encore
plus, c’est celle qui produit les plus grandes valeurs et il est à croire,
d’après cela, que c’est celle qui occupe le plus grand nombre de bras. Eh bien,
messieurs, cette industrie est en ce moment attaquée, pour ainsi dire, de 4
côtés à la fois ; il semble qu’on ne puisse assez la frapper : il y a le droit
sur l’orge qui est une taxe indirecte sur les bières ; ce droit, nous l’avons
admis ; mais il y a ensuite les 10 c. additionnels, il y a le nouveau projet dont
j’ai parlé tout à l’heure, qui, j’espère, sera retiré, mais qui ne l’est point
encore ; enfin, et j’aurais dû citer cette circonstance en premier lieu, il y a
l’abaissement des droits sur les vins ; à cela viennent se joindre les droits
d’octroi qui sont d’autant plus fâcheux, qu’ils forment une barrière qui isole
les villes et entrave leurs relations réciproques.
Dans le rapport fait par
la section centrale sur les réclamations des brasseurs de Louvain, on fait
remarquer que si les réclamants se plaignent de la différence des droits entre
les bières fabriquées à l’intérieur et à l’extérieur des villes, dans la leur
ils jouissaient sans doute de la même faveur, cela est fort probable ; dans une
semblable guerre chacun se retranche et se barricade chez soi ; il n’en est pas
moins de l’intérêt général (et à cet intérêt général les brasseurs de Louvain
devraient obéir comme les autres), il n’en est pas moins de l’intérêt général,
dis-je, que cette guerre de douanes entre les villes d’un même Etat ait enfin
un terme.
Il me semble que l’accise
est moins propre encore que l’impôt direct à recevoir une augmentation
temporaire ; car, qu’arrive-t-il ? Avant que l’augmentation soit mise en
vigueur, la production est stimulée par le désir d’échapper à l’augmentation
qu’on redoute ; à ce surcroît de production succède nécessairement un
ralentissement d’activité qui se fait sentir de nouveau vers la fin de la
période, parce qu’on prévoit le moment où l’industrie sera libérée de cette
aggravation de droits. Ainsi donc il y a immanquablement mécompte de la part de
l’administration.
Messieurs, j’ai déjà
parlé de la réduction des droits sur les vins. Il faut remarquer qu’au moment
où l’on vient de décréter cette diminution sur une boisson de luxe, une
augmentation de droits sur la bière qui en sera pour ainsi dire la conséquence,
sera certainement peu populaire.
Messieurs, j’espère que
la discussion engagera M. le ministre des finances à modifier ses plans. Il a
cru de son devoir de paraître devant la chambre avec des ressources suffisantes
pour assurer le service. Mais les observations que nous avons faites ne seront
pas perdues de vue ; dans tous les cas, mon vote n’aura rien de politique, rien
de personnel. Je ne puis, dans les questions de cette nature et de cette
importance, subordonner mon opinion, toujours indépendante, à des sympathies
résultant de bonnes et anciennes relations.
Je dois aussi mes
sympathies, des sympathies non exclusives, mais bien senties et bien méritées,
à l’arrondissement qui m’a envoyé dans cette enceinte, et j’en fais avec
douleur la remarque, il est en ce moment attaqué dans tous ses intérêts à la
fois, tandis que, depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette assemblée, je
n’ai vu présenter aucune mesure en sa faveur.
Quant aux nouveaux impôts
que différents orateurs ont proposés, je désire qu’on en fasse l’objet d’un
examen sérieux ; mais pour que nous puissions les apprécier, il faut qu’ils se
présentent sous une forme définie et pour ainsi dire palpable, c’est-à-dire
avec tout le cortège des moyens d’exécution, car c’est là la circonstance
principale pour les contribuables. L’exemple des peuples voisins ne nous suffit
pas. Ils ont d’autres mœurs, un autre caractère national ; et il faut que les Belges
soient gouvernés dans le sens des habitudes, des mœurs, du caractère national.
M. Savart-Martel. - Messieurs, nous cherchons ici les voies et moyens
pour couvrir des dépenses qui ne sont point encore votées.
Cette position paraîtrait
singulière, si nous n’avions sons les yeux le budget de ces dépenses, et si
nous n’avions l’opinion que j’ai émise hier, dans la discussion générale, que
des retranchements de quelque importance ne s’obtiendraient point facilement
cette année, ainsi que les contribuables avaient pu l’espérer. Je dois d’abord
expliquer ma pensée.
Elle n’a point été que
des économies, de larges économies même, seraient impossibles, mais que, dans
l’état actuel des choses, et à la veille d’un nouvel exercice, nous devions
aviser à des voies et moyens, sous la perspective qu’il n’y aurait encore
aucune sérieuse économie au prochain budget.
En effet, notre
statistique et le détail des articles qui composent les budgets, prouvent que
tout est monté chez nous d’une manière grandiose, qui ne paraît nullement en
rapport avec un Etat de quatre millions d’habitants.
Pour obtenir les
économies nécessaires (et elles doivent être grandes), il faudrait une réforme,
fruit d’un travail long et pénible, qui ne peut guère avoir lieu, incidemment à
la formation d’un budget annuel.
Il faudrait surtout,
comme vient de le dire M. le ministre des finances, un ministère stable ;
j’ajouterai un cabinet ayant la confiance des chambres et du pays, avec la
force morale nécessaire pour vaincre les passions, et se mettre au-dessus de
l’obsession et de l’esprit de parti.
Tout le monde conviendra
que cet heureux état de choses n’existe point.
Si bien avant la session
dernière, le pays était déjà divisé d’opinions, au moins n’y avait-il aucune
irritation.
Aujourd’hui les deux
camps sont parfaitement dessinés ; il n’y a vraiment plus de juste milieu, et
chacun attend avec anxiété la bataille électorale du mois de juin prochain. Qui
a fait cet état de choses ? Des exigences qui depuis 1832 ont toujours été en
augmentant ; la guerre déclarée à nos institutions, et notamment à la loi
communale de 1836 sans le plus léger motif d’hostilité.
En effet, si, comme on
l’a fait ressortir en cette chambre, quelque chose était à faire dans l’intérêt
de la police des campagnes, à coup sûr ce ne pouvait être le fractionnement de
nos villes principales, qu’on a ainsi mises hors du droit commun.
Les conséquences de cette
erreur ont été funestes au pouvoir. La faute en est à son imprudence.
Cependant, ne désespérons
point de l’avenir du pays ; si la conciliation est devenue difficile, elle
n’est point impossible.
Loin de moi l’idée que le
cabinet voulût prendre sur lui la responsabilité de prochains événements. Se
mêler des élections serait, à mon avis, une faute grave, énorme même, dont le
pays ne lui saurait gré dans aucune hypothèse. Le ministère s’exposerait
peut-être à la position du cabinet de Charles X, après les ordonnances de 1830.
Nous devons donc compter sur son abstention.
Quant aux plaintes plus
ou moins fondées sur l’abus en matière électorale des plus saintes fonctions,
nous devons espérer qu’il n’en sera plus question.
L’un de nos collègues,
que nous écoutons toujours avec plaisir (l’honorable et très digne abbé de
Foere), nous a déclaré, dans un discours, que nous n’oublierons jamais, que si
le clergé voulait à lui l’élection, c’était pour obtenir l’instruction
primaire. Or cette instruction, on la lui a abandonnée, il est donc rationnel
qu’il nous laisse aujourd’hui l’élection.
D’ailleurs 1e clergé
belge a trop d’esprit, pour ne pas apprécier combien le prêtre perd de sa
dignité en se mêlant de nos querelles civiles et politiques.
J’ose l’espérer, il se
prêtera à la conciliation, et ainsi il acquerra de nouveaux droits à notre
amour et à nos respects.
Puisse-t-il être
convaincu que ses amis les plus sincères ne sont point ceux qui le poussent au
combat, mais cette opinion consciencieuse, cette opposition modérée qui
professe la nécessité de la religion pour le bonheur des peuples. C’est dans
l’intérêt de la paix publique, dans l’intérêt de la morale, de la religion
même, que nous nous opposons à des prétentions qui ramèneraient parmi nous les
jours malheureux de 1793.
Si je me permets en ce
moment quelque digression sur le terrain politique, c’est que le budget est
l’occasion de fournir au gouvernement les plaintes et les espérances du pays.
Je reviens au point
financier qui nous occupe en ce moment.
Vous vous rappelez,
messieurs, que, lors des événements de 1830 on nous a promis un gouvernement à
bon marché.
Les Pays- Bas payaient
alors 70 millions de florins, dont les provinces septentrionales supportaient
plus de la moitié ; soit donc pour notre Belgique chérie 70 millions de francs,
tandis qu’aujourd’hui notre seul budget excède 112 millions.
L’on sait que la hauteur
de contributions établies par le système déplorable de 1821, et plus encore la
mauvaise répartition des impôts, que vient de signaler le ministère, sont
entrées pour beaucoup dans le grief du peuple belge.
Aussi le congrès,
d’honorable mémoire, nous a-t-il imposé l’obligation de réviser ces tristes
lois. Ce sont elles cependant qui nous régissent encore après 12 années.
C’est à ces lois
déplorables qu’on voudrait aujourd’hui ajouter de nouveaux centimes
additionnels, j’espère que la chambre les rejettera à l’unanimité ; et dans le
fait, sauf la voie du ministère, aucune ne s’est encore élevée en faveur de ces
additionnels.
D’ailleurs, il y a bien
d’autres moyens de parer au déficit que présenterait le budget de 1843.
Je ne pense point que cc
soit le moment de discuter les divers impôts dont un projet nous est parvenu,
quoiqu’il ne soit pas encore à l’ordre du jour.
Je dirai seulement que le
sucre, le café, le tabac, les chevaux de luxe, les domestiques mâles, les
armoiries et livrées et les lettres de naturalisation sont tous objets
facilement imposables, quand nous réviserons nos lois financières, pourvu
cependant que l’impôt n’atteigne point l’agriculture, qu’au lieu de nuire au
sucre indigène, il le favorise, et qu’il n’y ait point, comme sous l’empire,
des droits réunis, d’exercices à domiciles.
Quant à l’impôt sur les
célibataires, je ne pourrai facilement y consentir.
Entend-t-on frapper les
personnes qui, par état, sont obligées au célibat ? Je ne le pense point.
Entend-t-on frapper les
personnes du sexe qui, après 21 ans, restent célibataires ?
Les filles de 21 ans ont
ordinairement un goût assez prononcé pour le mariage ; si elles restent filles,
c’est presque toujours malgré elles. Les frapper d’un impôt parce qu’elles ne
trouvent point de maris, ne serait point chose raisonnable.
L’impôt n’atteindrait
donc qu’un petit nombre de citoyens qui restent célibataires, parce que
l’agréable vie de garçon est plus commode que les embarras du mariage ; mais
alors l’impôt serait fort peu productif.
Au surplus, ce sont là
des objets à revoir.
Mais, comme je
prévois que la déplorable loi de 1821 va nous grever encore pour 1843, je
prends la confiance de déposer un amendement. Je prouverai, le cas échéant,
qu’il est dans l’intérêt de l’agriculture, et qu’il ne peut presque pas nuire
au trésor :
« Les chevaux
employés habituellement à l’agriculture sont exempts d’impôts, sauf le cas où
ils seraient attelés à une voiture suspendue. »
- Cet amendement sera
imprimé et distribué. Il sera ultérieurement développé.
M. Cools. - L’équilibre existe entre nos recettes et nos
dépenses ; nous n’aurons besoin de demander aucune charge nouvelle aux
contribuables, disait l’année dernière M. le ministre des finances ; cette
année son langage est différent ; il y a un déficit de 7 millions, il faut un
impôt sur la patente, un impôt sur le personnel, un impôt sur le sel, un impôt
sur le sucre, un impôt sur les brasseries, etc., et que sais-je quels impôts
encore ! Si nous n’y prenons garde, nous sommes menacés d’être engloutis sous
une avalanche d’impositions nouvelles. Heureusement le danger n’est pas aussi
grand que M. le ministre des finances paraît le redouter ; l’année dernière, il
y avait excès de confiance ; cette année, il y a excès de découragement.
Avant de se prononcer sur
le chiffre des nouveaux impôts à créer, il y a une distinction importante à
faire, distinction que M. le ministre a quelque peu perdu
de vue dans le discours accompagnant la présentation des budgets, c’est qu’il
faut soigneusement séparer le passé de l’avenir. Le passé, en matière de
budget, ce sont les exercices anciens et même celui dans lequel on se trouve.
Le ministre fait connaître la situation du passé dans l’exposé de la situation
du trésor. Cette situation ne peut pas avoir d’influence sensible sur les
impôts à créer, car les impôts à créer sont pour l’avenir, et cette situation
constitue la dette flottante qui doit être amortie successivement par d’autres
ressources.
Lors même qu’on devrait
consacrer une partie des impôts et par la raison que cette dette forme un
capital, une faible somme d’impôts suffirait pour amortir une assez forte
accumulation de millions d’arriéré.
La section centrale
trouve la situation du trésor bien étable par le ministre des finances. A mes
yeux, quelques chiffres ont besoin de rectifications. Le gouvernement prend
pour point de départ la situation au 1er septembre 1841. Cette situation était
de 18,500,000 fr. ; je fais abstraction des fractions.
Mais en recourant au rapport qui a été fait l’année dernière, nous trouvons
que, dans ces 18,500,000, se trouve compris l’arriéré
de 1833 ; cet arriéré était de 681,127 fr. Voilà la somme reprise dans
l’arriéré de 1841.
Si nous examinons la
situation de l’arriéré de 1842, page 14, nous trouvons que le ministre
retranche de l’arriéré de 1842 précisément cette somme de 681,121 fr. mais on
ne peut pas procéder de la sorte. Si la somme de 681,127 fr. doit être comprise
dans la situation de 1841, à plus forte raison doit-elle l’être dans celle de
1842.
Voilà déjà une rectification
nécessaire, et qui n’est pas sans importance ; car elle conduit à ce résultat
que la situation, au lieu de s’être améliorée, du 1er septembre 1841 au 31
décembre de la même année, de 84,000 fr., comme M. le ministre le prétend,
s’est, au contraire, empirée de 596,000 fr.
Maintenant arrivons au
résultat de 1842.
Là, M. le ministre
reconnaît qu’il y a dans les recettes un déficit de 2,700,000
fr. Pourquoi ce déficit existe-t-il ? Parce que, comme nous l’avons dit l’année
dernière, on a eu le plus grand tort de baser les chiffres des recettes sur de
simples prévisions, tandis qu’il fallait prendre pour base les recettes réelles
de l’année dernière. Voilà ce que nous disions ; malheureusement nous étions
seuls à le dire sur nos bancs. Aujourd’hui la section centrale, le gouvernement
et probablement la chambre aussi se rallient à cette opinion. Je sais gré à la
section centrale de cet aveu ; il est seulement fâcheux qu’il arrive un peu
tard. Si l’année dernière nous avions trouvé dans la section centrale l’appui
qu’elle nous prête aujourd’hui, le mal aurait pu être prévenu. Maintenant il
est fait.
Il y a donc un déficit de
2,700,000 fr. ; mais ici encore, je crains que les
prévisions de M. le ministre ne soient déçues. Ce déficit ne peut pas être déterminé
d’une manière certaine, l’année n’étant pas finie. Nous devons nous guider
d’après des probabilités, en calculant les recettes des huit premiers mois de
1842 et des quatre derniers mois de 1841. J’ai fait tous ces calculs ; je suis
prêt à les communiquer à la chambre, si on le désire.
J’ai trouvé que, si on
prend pour base les recettes effectuées pendant les quatre derniers mois de
1841 et les huit premiers mois de cette année, on arrive à un déficit de 3,200,000 fr. Si on établit les calculs sur les recettes
réelles des huit premiers mois de cette année, le déficit est de 3,600,000 fr. De tout manière, le déficit doit être calculé à
3,000,000 au moins ; ainsi, aux probabilités indiquées
par M. le ministre, il faut ajouter encore 300,000 fr.
Cependant il faut tenir
compte de quelques circonstances. Il faut déduire les économies que le
gouvernement espère faire sur les dépenses votées, et qu’il évalue à 1,000,000 ; il faut tenir compte aussi des recettes dépassant
les prévisions sur quelques articles, en petit nombre à la vérité, mais qui
présentent un total d’environ 200,000 fr. Il y a donc de ce chef à déduire 1,200,000 fr. ; le reste 1,500,000 fr. ; nous avons en outre
les dépenses votées hors du budget de l’année dernière et qui s’élèvent encore
à 1,500,000. Si vous ajoutez à cela le déficit de fr. 681,127, que j’ai indiqué
et dont le ministre n’a pas tenu compte, nous arrivons à un déficit total de 3,600,000 fr.
Au 1er septembre 1841, le
déficit était de 18,500,000. Si vous ajoutez celui que
je viens d’indiquer, de 3,600,000 fr., vous avez un
chiffre de 22,100,000 fr.
Depuis le 1er septembre
de cette année, nous avons voté 300,000 francs pour divers objets ; à cela il
faut ajouter les 300,000 fr. d’insuffisance dont j’ai parlé, et nous aurons
pour la fin de l’exercice 1842, un déficit de 22,700,000
fr., non compris les 4,000,000 placés à la banque de Belgique.
Je devrais encore ajouter
à ce chiffre quelque chose pour les créances du département de la guerre qui ne
figurent dans aucun chiffre arriéré et qui s’élèvent à 460.000 fr. Sur cette
somme nous avons déjà voté 48,000 fr. dans une séance précédente, mais je ne
veux pas pousser mes calculs jusque là, parce que je désire me rapprocher
autant que possible des chiffres du gouvernement.
Ainsi au 1er octobre
1840, déficit de 18,450,000 fr. ; 1er septembre 1841, 18,550,000 fr. ; 31 déc.
1841, 19,000,000 fr. ; 1er sept. 1842, 22,000,000 fr. ; 31 décembre 1842, 22,700,000
fr. Ce qui présente un déficit de 4 millions en deux années. Si je m’en tenais
aux calculs du gouvernement, je devrais dire que ce déficit est survenu en
moins d’un an et demi, car vous remarquerez qu’il n’y a presqu’aucune
différence entre la situation du 1er octobre 1840 et celle du 1er septembre
1841 ; mais je n’irai pas jusque-là, parce je crois que la situation de l’année
dernière a été mal établie comme on l’a fait observer alors.
Quatre millions en deux
années, c’est beaucoup. Ce déficit augmente notre dette flottante. A la venté,
M. le ministre promet d’amortir une partie de cette dette au moyen des capitaux
qui doivent rentrer pendant l’exercice 1843. Je ne sais si on pourra y donner
une destination, car il faudra d’abord aviser aux besoins courants : mais quand
bien même on le pourrait, il resterait toujours deux millions d’augmentation de
déficit, puisque les capitaux réalisables ne figurent au budget que pour
environ la moitié de cette augmentation.
Un ancien ministre des
finances disait dans la session dernière : « Vous vous trouvez dans une
mauvaise voie ; elle doit vous conduire à devoir augmenter notre dette, ou à
diminuer notre capital. » Les faits ont été au-delà de ses prévisions, car nous
avons à la fois augmenté notre dette et diminué notre capital. Nous sommes en
progrès ; de la sorte on marche plus vite : malheureusement ce n’est pas dans
la voie du salut.
Venons à l’avenir.
Comme je l’ai dit en
commençant, c’est l’avenir que nous devons avoir devant les yeux pour nous
fixer sur les impôts à établir.
Je commencerai par faire
remarquer que depuis quatre ans nos dépenses ne varient guère. Si du budget de
1843 vous retranchez 450 mille francs des dépenses nouvelles, le budget des
dépenses est à peu près le même pendant les années 1840, 1841, 1842 et 1843.
Nous pouvons même accepter ces dépenses comme devant former la base d’un budget
normal.
Le budget des voies et
moyens de 1843 se subdivise de la manière suivante :
Centimes additionnels
nouveaux sur l’impôt foncier, personnel, patentes et bières : 2,600.000 fr. ;
4 centimes additionnels
sur l’enregistrement, le timbre, les hypothèques et les successions : 600,000
fr. ;
Impôt nouveau sur les
accises : 900,000 fr. :
Produit des impôts votés
en 1842, moins la réduction sur les vins : 900,000 fr.
Majoration de recettes du
chemin de fer : 2,300,000 fr. ;
Recettes ordinaires
anciennes : 103,100,000 fr. ;
Emploi des capitaux : 2,400,000 fr.
Total : 112,800,000 fr.
Voyons maintenant quel
sera le déficit, si nous faisons abstraction des impôts qui ne sont pas encore
votés. Mes calculs me conduisent à ceci :
Dépenses : 110,500,000 fr.
Recettes : 108,700,000 fr.
Déficit : 1,800,000 fr.
Ce chiffre diffère un peu
de celui de la section centrale. Mais je crois que la section centrale a commis
quelques inexactitudes. Quelques-unes ont été relevées par M. le ministre des
finances. J’accepte en partie ces explications. Je ne veux pas fatiguer la
chambre par trop de chiffres. Je donnerai plus tard des explications si elles
sont nécessaires.
Au déficit de 1.800,000
fr., dont je viens de parler, il convient d’ajouter 400,000 fr. pour l’augmentation
des traitements de la magistrature ; il faut en outre ajouter, d’après moi et
d’après d’honorables collègues, les fonds provenant des capitaux Sous ce
rapport, je ne puis admettre le système de la section centrale ; je ne crois
pas que les capitaux puissent être employés pour les dépenses ordinaires. C’est
une matière à traiter à part : j’y reviendrai.
Le déficit s’élèverait
ainsi à 4.600,000 francs. Remarquez que dans ce déficit, l’insuffisance des
dépenses nouvelles relativement aux recettes ne s’élève qu’à 1,800,000 fr.
Voilà comment s’est
vérifiée ma prédiction de l’an dernier, alors que je disais qu’il y aurait un
déficit de 3 millions. Mais je ne parlerai pas de moi ; car je ne suis pas
guidé par de futiles motifs d’amour-propre. J’aime mieux rappeler les
prédictions d’un homme dont la parole a plus de poids que la mienne.
L’honorable M. Mercier, lorsqu’il a pris les affaires, a déclaré, dans son état
de situation du trésor, que, pour marcher régulièrement, il fallait augmenter
le revenu de 10 millions. Les impôts que l’honorable M. Mercier est parvenu à
faire voter ont produit une augmentation de revenu de 3 millions. L’année
dernière, on a encore voté des impôts nouveaux, montant à 900,000 fr.
Dans les calculs de
l’honorable M. Mercier et dans ceux que j’ai faits, il y a cette considération
que les capitaux n’étaient pas considérés comme revenus. Puis, d’après
l’honorable M. Mercier, il fallait employer une partie du revenu à
l’amortissement de la dette qui était trop considérable ; on ne pouvait prévoir
alors que l’arrangement avec la banque fût aussi prochain.
Si l’on tient compte de
ces diverses circonstances, pour lesquelles je ne porte en compte qu’une somme
de 1,500,000 fr., on voit que les prévisions de
l’honorable M. Mercier se sont complètement réalisées. J’insiste sur ce point,
parce que je crois qu’il est temps pour nous tous de rendre justice à cet
honorable ministre. Au milieu des embarras politiques qu’on semait sous ses
pas, il est parvenu à faire rentrer, pendant sa courte administration, trois
millions nouveaux sans grever trop fortement le contribuable. C’est un résultat
dont le pays doit lui savoir gré. Ce n’est pas le seul service qu’il lui ait
rendu ; il a eu le courage de faire connaître avec toute franchise la véritable
situation du trésor ; on criait alors à l’exagération. Aujourd’hui, toutes ses
prévisions se sont réalisées.
Je dis donc que, pour
moi, il y a à combler un déficit de quatre à cinq millions de fr., c’est-à-dire
que je suis disposé à prêter mon appui pour élever les recettes ou diminuer les
dépenses de cette différence, et non de 7 millions, comme le demandé le
ministre.
La principale cause de
différence qui existe entre nous, c’est que je crois que M. le ministre des
finances, si j’ai bien compris ses observations, a élevé trop haut le montant
des dépenses votées annuellement en dehors du budget. Il a pris pour point de
départ une époque trop éloignée ; à cette époque, notre éducation parlementaire
n’était pas avancée ; nous n’avions pas de données certaines sur le chiffre
auquel il convenait de fixer le budget. Alors des sommes considérables étaient
votées annuellement en dehors du budget. Chaque année ces sommes étaient prises
en considération pour fixer le chiffre du budget suivant. La situation s’est
toujours régularisée davantage, et la preuve c’est, comme je l’ai dit, que
depuis quatre ans le budget des dépenses ne varie
guère. Nous sommes arrivés à ce point que l’année dernière, où nous avons voté
un chiffre en apparence très élevé, en dehors des budgets, ce chiffre,
déduction faite des régularisations, ne s’est élevé qu’à 1,500,000
fr. Voilà pourquoi je crois qu’une somme de 4,600,000
fr. mettra l’équilibre dans notre situation financière.
Ce chiffre est même très
élevé, si nous avons égard à notre situation actuelle, parce que le chemin de
fer produira davantage, parce qu’ensuite il est probable que nous allons
terminer nos affaires avec la société générale, et que de ce chef Il va rentrer
dans les caisses de l’Etat des fonds dont nous ne devions pas croire la rentrée
aussi prochaine. Mais, il faut tenir compte de quelques dépenses qui peuvent
encore survenir. Ainsi pour ma part je suis disposé à venir au secours de
l’industrie et du commerce, du commerce surtout, parce que, dans la situation
du pays, c’est surtout le commerce qui doit être encouragé. C’est moins
l’industrie qui produit que le commerce qui exploite qu’il faut stipuler. Si le
gouvernement demande des fonds pour l’établissement de nouvelles lignes de
navigation avec les contrées lointaines ou pour l’établissement d’une société
d’exportation, je serai disposé à les voter.
Cependant, si je suis
disposé à voter quelques impôts, je ferai une distinction, car je ne suis pas
disposé à les admettre tous, notamment ceux qui affectent la classe pauvre, et
surtout la classe moyenne, parce que je crois que c’est la classe moyenne qui,
toute proportion gardée, est surchargée. La classe pauvre ne paye que l’impôt
indirect. La classe moyenne paye les impôts directs et indirects, et c’est elle
qui travaille le plus à l’accroissement de la fortune publique.
Ainsi, à moins qu’il me
soit démontré que c’est nécessaire pour satisfaire à certains besoins dont je
n’ai pas tenu compte, je n’admettrai pas les augmentations demandées à l’impôt
sur les patentes et sur les bières, si ces impôts devaient avoir un autre
résultat que de mieux établir l’assiette sans en augmenter le produit.
Si je suis assez disposé
à consentir à une augmentation de l’impôt personnel, c’est parce qu’il est mal
établi, qu’il s’y commet un assez grand nombre de fraudes, et que je crois que,
sans grever le contribuable, on peut lui faire rapporter davantage.
Quant aux centimes
additionnels, je ne puis les admettre d’aucune manière. Je ferai cependant une
exception pour les centimes additionnels sur les droits d’enregistrement, de
timbre et de succession, comme le propose la section centrale, parce que ces
centimes additionnels ont, dans ma pensée, une destination spéciale :
l’amélioration du sort de la législature.
La section centrale fait
une exception pour les centimes qui frapperaient les hypothèques. Je ne sais
pas quels motifs on peut alléguer en faveur de cette exception.
Une voix. - C’est parce que les
droits de transcription ont été augmentés il n’y a pas longtemps.
M. Cools. - C’est différent ; cette circonstance m’avait
échappé. Dans ce cas, je n’insisterai pas.
Je serai également
favorable aux impôts qui frappent sur le luxe et qui atteignent le riche. Ainsi
je presserai la discussion de la loi sur le sucre, auquel il faut faire
rapporter davantage.
Voilà quels principes me
guideront dans l’examen des impôts nécessaires pour faire disparaître le déficit
de 4 à 5 millions que j’ai reconnu.
Mais il ne faudra pas
même combler cette différence au moyen d’impôts nouveaux, car je pense que sur
nos dépenses, des économies sont possibles ; non pas de ces économies mesquines
consistant dans des rognures de quelques milliers de francs sur tels ou tels
articles de détail pour lesquels on discuterait pendant des séances entières,
alors que des travaux plus importants réclament tous les moments de la chambre,
mais des économies radicales qui découleraient de l’adoption d’un système
nouveau, pour telle ou telle grande branche d’administration, et, par exemple,
pour celle de la guerre.
Loin de moi la pensée de
vouloir désorganiser l’armée. Une bouche auguste l’a proclamé, il n’y a que peu
de jours. Si l’armée est digne de la confiance du Roi, elle ne l’est pas moins
de notre sollicitude ; car pour nous tous, qui, rentrés chez nous, avons
l’occasion d’observer l’état des garnisons, il est manifeste que tous les jours
l’instruction du soldat devient plus forte, sa discipline plus sévère. Nous
devons de la reconnaissance aux chefs de tous grades. Le meilleur moyen que
nous ayons de nous en acquitter, c’est de respecter autant que possible les
positions acquises et de ménager un avancement raisonnable.
Mais ces devoirs, que
nous avons à remplir, ne nous dispensent pas d’examiner si l’état des cadres,
le nombre des hommes sous les armes, est conforme aux besoins réels du pays ;
si l’organisation légale, qu’une autre branche du pouvoir appelle de ses vœux
et qu’on pourrait introduire graduellement, sans froisser brusquement de
nombreux intérêts, ne serait pas de nature à amener une diminution de charges
pour les contribuables.
Je pense, pour ce qui me
regarde, que ce résultat si désirable pourrait être atteint, surtout si on
aborde l’examen d’une question qu’un certain mystère continue à couvrir,
quoiqu’à différentes reprises elle ait été soulevée dans le public. J’entends
parler de la question de nos forteresses.
Je sais combien de
considérations d’une nature délicate se rattachent à cet objet, si on
l’envisage sous le point de vue diplomatique. Aussi serais-je désolé que le
gouvernement envisageât les considérations que je vais émettre comme une sorte
d’interpellation. Ce ne sont pas des explications que je demande ; ce sont des
sentiments que j’exprimerai comme député de la nation.
Lorsque la chambre a
demandé des économies sur le budget de la guerre, le gouvernement a toujours
répondu : le nombre des troupes est nécessaire pour la défense des forteresses.
Mais avant de savoir si le nombre des troupes est nécessaire pour la défense
des forteresses, il est bon de s’assurer si le nombre des forteresses est utile
à la défense du pays.
Nous sommes au moment d’entrer
définitivement dans une ère nouvelle. Nous sommes en paix avec toute l’Europe.
Notre nationalité a été reconnue par toutes les puissances. Les dernières
difficultés que nous avait léguées la conférence de Londres viennent d’être
aplanies. Si ce traité signé avec les Pays-Bas est ratifié, la Belgique n’aura
plus qu’à s’occuper de son organisation intérieure.
Le moment est venu de
porter nos regards sur l’état militaire que nous devons adopter pour le moment
où le besoin s’en fera sentir. La Belgique, unie à une autre nation, a été
élevée en 1815 à une puissance militaire en quelque sorte factice, on sait dans
quel but et pour quels motifs. Des forteresses sans nombre ont été érigées sur
ses frontières, mais toutes dans une seule direction. La mission imposée au
pays en 1815 lui a été retirée en 1830, mais les forteresses subsistent, et,
avec elles, la charge de les entretenir et le devoir de les occuper. Ce système
de défense est-il encore en harmonie avec les besoins du pays ? Ces citadelles
sans nombre, serons-nous en état de les défendre envers et contre tous, si
jamais on reprenait les armes autour de nous ? Je désire que la Belgique vive
en bons rapports avec tous ses voisins, mais je sais prévoir des revirements
politiques. Si la défense de notre nationalité l’exigeait, je saurais me
tourner aussi bien vers l’Orient que vers l’Occident, contre le Midi comme
contre le Nord. Et Si telle ou telle éventualité se présentait, ne serions-nous
pas exposes à voir d’autres venir occuper des boulevards que nous aurions été
impuissants à garder nous-mêmes ? Des alliés d’abord sincères dans leurs
sympathies ne pourraient-ils pas être amenés, par l’intérêt de leur propre
défense, à s’établir chez nous en maîtres ?
Il ne me serait pas
difficile de répondre à toutes ces questions, si elles exigeaient une solution
immédiate. Je crois que pour le moment il suffit de les livrer aux méditations
de la chambre et du gouvernement.
Et qu’on ne croie pas que
quelque sentiment d’aigreur, provoqué par les singulières dispositions qui
accueillent notre désir de rapprochement chez une nation où nous devions
espérer rencontrer plus de bienveillance, entre pour quelque chose dans la
pensée qui m’a suggéré ces observations. Ce n’est pas un prétexte que j’ai
saisi. J’ai touché cette matière, parce que le moment me paraissait venu de
l’aborder.
Cependant pourquoi nous
en cacher ? Ce qui se passe autour de nous n’est pas fait pour nous engager à
nous laisser aller à de la politique de sympathie. Pas moins aujourd’hui que
dans toute autre circonstance, la Belgique doit d’abord veiller à ses propres
intérêts. Cependant je comprends qu’on retarde ou qu’on mitige, en retour de
services réels, l’exécution des mesures que ces intérêts commandent, et qui ne
seraient pas également avantageuses à d’autres puissances ; mais je ne le
conçois plus lorsque des motifs de cette nature n’existent pas. Plusieurs fois
des assurances de bon vouloir nous ont été données en paroles par la nation à
laquelle je fais allusion, mais presque jamais ces assurances n’ont été
converties en faits. Je n’attribue pas ce mauvais résultat à un sentiment
d’hostilité envers la Belgique ; je crois qu’il est le résultat d’une fausse
entente des intérêts nationaux ; mais puisqu’il en est ainsi, suivons le même
exemple, mais avec plus de discernement, et guidons-nous exclusivement d’après
les intérêts réels de la patrie.
- La séance est levée à 4
heures.