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d’intention
Chambre des représentants de Belgique
Séance du lundi 28
novembre 1842
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre, notamment pétitions relatives à l’impôt sur la
bière (Vanden Eynde), au traitement d’anciens
ambulanciers de l’armée (de Behr)
2)
Projet de loi prorogeant la loi du 19 juillet 1832 sur les concessions de
péages
3)
Projet de loi tendant à ratifier la convention de commerce et de navigation
conclue avec l’Espagne. Discussion générale (notamment droit sur les huiles
et/ou sur les toiles en lin) (de Garcia, de Briey, de Garcia, de Briey, de Garcia, de Briey, de Garcia, Osy, de Briey, Osy,
Dedecker, Demonceau, de Briey, de Garcia, Nothomb, Desmet, Dedecker, d’Hoffschmidt, Dedecker, de Briey, Savart-Martel, Van Cutsem, Osy, Delehaye, de
Foere)
(Moniteur belge
n°333 du 29 novembre 1842)
M.
Kervyn fait l’appel nominal à 2 heures et un quart ; il
lit ensuite le procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est
adoptée. Il communique les pièces de la correspondance :
« Les brasseurs de la ville de Jodoigne présentent des observations
contre le projet de loi tendant à modifier les bases de l’impôt sur les
bières. »
- Sur la proposition de M.
Vanden Eynde, la chambre décide que cette pétition restera
déposée sur le bureau pendant la discussion du budget des voies et moyens, et
qu’elle sera imprimée au Moniteur.
________________________
« La chambre de commerce et des fabriques de Bruges, transmet, en y
donnant son adhésion, un mémoire des armateurs, négociants, sauniers, etc., de
cette ville, contre certaines dispositions dia projet de loi sur le sel. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur
le sel.
________________________
« Le sieur Coppée, meunier à Binche, se plaint de ce qu’un ingénieur et
un conducteur des ponts et chaussées l’obligent à leur payer des frais de
déplacement, levées de plans, sans qu’il ait réclamé leurs services. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________________
« Le sieur Toussaint Charlier soumet à la chambre un projet de loi
sur le remplacement militaire. »
- Renvoi à la commission des pétitions.
________________________
« Plusieurs brasseurs de Louvain présentent des observations contre le
projet de loi tendant à modifier les bases de l’impôt sur les bières. »
- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur
la matière.
________________________
« Les sieurs Lequeux,
Ard’huin et autres anciens employés des ambulances
prient la chambre de renouveler pour 1843 l’allocation qui a été votée en leur
faveur pour l’exercice 1842, à titre de traitement d’attente.
- Sur la proposition de M. de Behr, la chambre renvoie
cette pétition à la section centrale chargée de l’examen du budget de la
guerre.
PROJET DE
LOI PROROGEANT LA LOI DU 19 JUILLET 1832 SUR LES CONCESSIONS DE PÉAGES
M. le ministre des
travaux publics (M. Desmaisières) dépose un projet de
loi ayant pour objet de proroger jusqu’au 1er janvier 1845 la loi du 19 juillet
1832 sur les concessions des péages.
- Il est donné acte à M. le ministre de l’intérieur de la présentation
d’un projet de loi qui sera imprimé et distribué ; la chambre le renvoie à la
section centrale du budget des travaux publics, qui l’examinera en qualité de
commission spéciale.
Discussion
générale
M. de Garcia. -
Messieurs, tout traité de commerce présente nécessairement, par la force des
choses, des questions de la plus grande importance, d’une haute gravité, et qui
touchent aux intérêts politiques, aux intérêts nationaux, aux intérêts financiers.
Sous ces divers points de vue, je dois déclarer, et je déclare hautement
que l’exposé des motifs du traité qui nous est soumis ne me satisfait nullement
et ne me donne aucun apaisement, Pas plus que le rapport de la section
centrale.
Avant d’aborder la discussion, je demanderai que le gouvernement donne
des réponses catégoriques aux questions suivantes :
1° Je demanderai quelle est la position de l’Angleterre, quant aux
objets d’importation ou d’exportation dont s’agit au traité qui nous est soumis
; en d’autres termes, les toiles belges de toutes espèces sont-elles admises en
Espagne avec tous les avantages des toiles anglaises ? En second lieu, les
objets d’importation en Belgique de l’Espagne sont-ils admis en Angleterre avec
plus ou moins d’avantages qu’ils ne le seront en Belgique ?
Sous un autre point de vue, sous celui de l’exportation en Espagne,
d’autres objets ou d’autres produits que ceux prévus dans le traité, par exemple
sous le point de vue de l’exportation des draps, des tissus de laine, des
tissus de coton, des machines, de la coutellerie, etc., etc., je demanderai au
gouvernement si la Belgique est vis-à-vis de l’Espagne dans une position aussi
avantageuse que l’Angleterre
Je terminerai par une troisième question que j’adresse encore au
gouvernement. Dans l’exposé des motifs il est dit :
« Ces concessions, qui ne se rapportent qu’à des articles que la
Belgique ne produit point, consistent uniquement en une réduction peu
considérable dans les recettes du trésor. Elles ont été faites en vue de la
faveur spéciale accordée aux toiles belges, et nous conservons le droit de
résilier la convention, dans le cas où ces faveurs viendraient à être étendues
aux toiles d’autres provenances. »
Je demanderai 1° si le calcul de cette réduction, minime dans les
recettes du trésor, a été fait en prenant égard à la réduction forcée qui aura
lieu à raison des productions similaires arrivant de la France, du Portugal, de
la Sicile et d’autres pays, en présence du droit d’importation fixé pour
l’Espagne, qui ne sera que du tiers du droit des autres contrées.
2° Je demanderai enfin si les huiles
grossières d’Espagne, et à très vil prix dans ce dernier pays, ne feront point
une concurrence ruineuse à nos productions oléagineuses, à nos colzas et à la
production du lin lui-même, dont la graine est une production oléagineuse.
Tous ces points ne sont nullement résolus ni éclaircis, et, à nos yeux,
il est plus que douteux qu’ils doivent être résolus en faveur des traités.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je ne m’attendais pas, je l’avoue, aux
nombreuses questions qui me sont adressées, dès le début de cette séance, par l’honorable
préopinant. Il voudra donc bien m’excuser si, n’ayant point saisi la première
partie de ses demandes, je ne prétends point dés à présent lui donner complète
satisfaction sur chacune d’elles.
Il m’a semblé toutefois qu’elles sont toutes formulées sous l’empire de
cette opinion, que le tarif actuel de l’Espagne n’est pas applicable à toutes
les nations. Je puis le rassurer à cet égard, et lui dire que le régime qui est
fait à l’Angleterre, qu’il a citée, est le même que celui auquel la Belgique est
imposée en Espagne, et que nos produits ne sont pas grevés de droits de douane
plus élevés.
Si cette réponse ne rencontrait pas toutes
ses objections, je prierais l’honorable M. de Garcia de vouloir bien me
communiquer ses questions, et je m’empresserai d’y répondre.
M. de Garcia. -
Messieurs, mon intention est de faire ajourner la discussion du projet de loi,
parce que, ni dans l’exposé des motifs de la loi, ni dans le rapport de la
section centrale, il ne nous a été fourni aucun renseignement sur la portée
générale du traité. Pour apprécier convenablement cette portée, il faudrait
savoir si nous sommes placés sur la même ligne que l’Angleterre, non seulement
quant aux toiles, mais quant à tous les autres produits industriels de notre
pays que l’Angleterre fabrique également et peut exporter en Espagne.
Sommes-nous, par exemple, mis sur le même pied que les Anglais pour les
machines, pour la coutellerie, pour les tissus de coton, pour les draps, etc. ?
Nous recevrons les huiles d’Espagne à un très bas prix ; ce bas prix ne
sera-t-il pas nuisible à quelques branches de notre industrie ?
Je désire que, si l’on fait un traité avec l’Espagne, ou le fasse de
telle manière que tous les produits de notre industrie soient également soumis
au même régime, à leur entrée en Espagne, que les produits similaires de toutes
les autres nations.
Je désire plus, je veux que l’exportation en
Espagne de nos produits soit en raison des concessions que nous faisons à ce
pays, et que si nos concessions sont plus considérables que celles des autres
nations, nos importations soient aussi plus favorisées.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Je ne pense pas que les questions posées par
l’honorable M. de Garcia ne soient pas susceptibles d’une solution immédiate.
Il a prêté à mes paroles un sens que je ne voulais pas leur donner. Mais
j’avoue que, comme ces questions étaient aussi nombreuses qu’imprévues, il m’a
été impossible de les saisir toutes dans le bruit inséparable des débats d’une
séance, et c’est pour cela que j’avais demandé communication de ces demandes,
qu’il avait eu le soin de formuler par écrit et dont il nous a donné lecture.
L’honorable M. de Garcia demande si nos produits sont reçus en Espagne
avec moins de faveur que les produits similaires de l’Angleterre.
J’ai déjà répondu qu’il existe en Espagne un tarif général de douanes,
comme nous en avons un en Belgique. Ce tarif qui, comme le nôtre, est appliqué
à toutes les nations indistinctement, est le tarif du mois de novembre 1841.
Ainsi donc, les droits qui frappent, en Espagne, non seulement nos machines,
nos draps, mais encore nos tissus de toute espèce, frappent également les
produits similaires anglais.
Messieurs, notre tarif renferme deux dispositions particulières aux
huiles d’olive. Il frappe d’abord d’un droit de 12 fr. par hectolitre toutes
les huiles d’olive servant de comestible, et il n’impose qu’une taxe de deux
francs douze centimes sur les huiles d’olive qui sont employées dans les
fabriques.
Pour la première, dont le prix est très élevé, une diminution de huit
francs par hectolitre ne pourra réagir en aucune manière sur nos huiles
indigènes dont la valeur est inferieure de près de moitié, et dont les qualités
sont toutes différentes. Quant aux secondes, elles sont d’un usage
indispensable pour nos industries ; on ne peut, en aucun cas, les remplacer par
les huiles de colza, d’oeillette ou de pavot. C’est
surtout dans la fabrication du drap que l’huile d’olive est employée en très
grande quantité. Je pense qu’elle y entre pour un quart environ.
L’honorable M. de Garcia a demandé encore des explications sur les
dispositions nouvelles à l’égard des huiles.
Il résulte de là que la diminution des deux tiers du droit ne peut faire
aucun tort à nos huiles indigènes. Indépendamment de cela, les huiles d’olive
employées aux fabriques se vendent à un prix plus élevés que nos huiles, et
cette élévation n’est pas moindre que de 25 fr. par 100 fr., et cependant, dans
l’état actuel des choses, cette différence n’empêche pas les achats de cette
huile d’olive pour les industries qui s’en servent. Il n’est donc pas probable
qu’une diminution d’un franc 80 c. environ puisse produire un effet qu’une
différence de 2 p. c. n’a jamais pu amener.
Cette diminution de 1 fr. 80 c. ne pourra
donc nuire à la vente de nos huiles, elle aura tout au plus pour résultat
d’amener une économie de quelque importance dans les industries qui en ont
besoin.
M. de Garcia. - Messieurs,
un mot en réponse à M. le ministre des affaires étrangères. M. le ministre a
fait une distinction entre les huiles fines et les huiles grossières, faisant
observer que les premières ne viennent pas d’Espagne et que les secondes sont
nécessaires à notre industrie, que dès lors la réduction proposée ne pouvait
porter préjudice aux intérêts belges. Je crois, messieurs. qu’en
Espagne, comme dans le midi de la France, les huiles d’olive peuvent être
réduites à un état tel qu’elles peuvent servir à la table. Si les huiles
d’Espagne n’y subissent pas encore cette transformation, c’est que l’industrie,
sous ce rapport, est restée en arrière du progrès réalisé ailleurs ; mais quand
elle sera en possession de cet avantage, ses huiles viendront faire concurrence
avec les huiles de France, et les excluront peut-être.
Quant aux huiles grossières de l’Espagne, on dit qu’elles ne nuiront pas
aux huiles du pays, parce que les huiles d’olive ne sont employées que dans les
fabriques. Quant à moi, je désirerais avoir une preuve de ce fait ; cette
preuve ne nous a pas été fournie ; je crois, au contraire, que les huiles
grossières d’Espagne peuvent être employées à la fabrication du savon. Si je
suis bien informé, le savon de Marseille se fait avec l’huile d’Espagne.
On a répondu à une autre de mes observations, en disant qu’en vertu du
tarif général espagnol, l’Angleterre était traitée en Espagne absolument sur le
même pied que la Belgique. Encore une fois, ce point ne m’est pas encore
démontré. Si je dois m’en rapporter aux journaux, je vois au contraire que
l’insurrection catalane a pour principal motif un traité qu’on veut conclure
avec l’Angleterre, traité qui serait très favorable à cette nation.
Or, je désire que si la Belgique fait un traité avec l’Espagne, nous soyons
placés sur la même ligne que l’Angleterre ; et il paraît que, dans ce traité,
l’Angleterre serait tellement avantagée au détriment de l’industrie espagnole,
qu’il donnerait lieu à des insurrections dans ce pays. Sous ce rapport, je n’ai
pas mes apaisements.
Ma proposition est d’ajourner la discussion
de ce traité, qui me paraît plus grave qu’on ne suppose. L’exposé des motifs et
le rapport ne me donnent pas des renseignements satisfaisants. Quant à moi,
dans l’état de la question, je serai obligé de voter contre le traité ou de
m’abstenir.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Mes réponses ont résolu, je pense, toutes les
questions soulevées par l’honorable membre. Je viens donc m’opposer à
l’ajournement de la discussion. Il a demandé quelle était la position de la
Belgique et de l’Angleterre vis-à-vis de l’Espagne. J’ai répondu que la
position de ces deux pays était réglée par le tarif général des douanes de
1841, qui est également applicable aux produits de tous les pays. II a demandé
si nos tissus de laine et de coton étaient reçus sur le marché espagnol avec
les mêmes droits de douane que les tissus de laine et de coton anglais. Ma
réponse n’a pas été moins explicite ; et d’ailleurs cette seconde question
était résolue, ce me semble, par l’explication donnée à la première demande.
Les tissus belges sont jusqu’à ce jour traités en Espagne, comme les produits
similaires anglais.
L’honorable membre a demandé encore si dans le chiffre posé dans les
tableaux fournis à la section centrale comme étant celui résultant de la
diminution des deux tiers des droits sur les huiles, les fruits secs, etc.,
était comprise la perte qui résulterait nécessairement pour le trésor de la
diminution des introductions en Belgique des huiles et fruits secs des autres
pays.
A cela, je puis répondre que le chiffre de perte éventuelle est celui
résultant uniquement de la diminution des deux tiers de droits sur les fruits
espagnols, en prenant pour base la statistique de l’année dernière. Nous
n’avons pas dû procéder autrement. Car on ne peut partir que d’une base connue
; et celle que suppose l’honorable préopinant est très contestable ; une
diminution des droits pouvait amener une augmentation de consommation qui
laisse le déficit du trésor dans le statu quo. Il est
donc impossible de fixer dès à présent le tort éventuel que cette faveur
pourrait faire à l’importation des raisins de la Sicile et aux oranges du
Portugal. Quant aux huiles, je crois avoir répondu ; si ma réponse ne satisfait
pas l’honorable membre, je suis prêt à répondre aux nouvelles questions qu’il
voudra m’adresser.
M. de
Garcia vous a parlé d’un traité entre l’Espagne et
l’Angleterre ; j’ignore encore l’existence de ce traité. Mais dans tous les
cas, s’il existe, ou il s’applique à d’autres articles que ceux dont il agit
dans cette convention, ou s’il les comprend, les faveurs accordées à
l’Angleterre devront être étendues à la Belgique conformément aux conditions
que nous avons établies.
M. Osy. - Je
dois également appuyer la demande d’ajournement, parce que, d’après la manière
dont le traité est conçu, il me reste beaucoup de doutes sur sa portée. Je
demanderai à M. le ministre quelques renseignements. D’après l’article premier
du traité, les navires espagnols seront traités sur le pied de la nation la
plus favorisée ; par contre, les navires belges seront admis en Espagne d’après
le traité de Munster. Je demanderai à M. le ministre si, d’après ce traité,
nous pouvons importer nos toiles en Espagne, par navires belges, au même droit
que par navires espagnols. Nous admettons leurs huiles, leurs fruits par
navires espagnols au même droit que par navires belges. Si nous ne pouvons pas
importer nos huiles en Espagne par navires belges comme par navires espagnols,
il n’y a pas réciprocité.
Vous admettez les navires espagnols, quant
aux droits de tonnage et de pilotage, comme les navires des nations les plus
favorisées. Je demanderai si, d’après le traité de Munster, les navires belges
ne paieront pas en Espagne plus que les navires des nations les plus
favorisées.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - La disposition du traité n’établit pas un régime
nouveau. Avant 1830, les navires des Pays-Bas étaient traités dans les ports
espagnols d’après les traités conclus autrefois avec les Etats-généraux. Quand
il y eut séparation entre les deux pays, les navires belges continuèrent, par
tolérance, à jouir de la même faveur. Cependant le gouvernement du Roi avait
pensé que cet état de choses n’était pas sans inconvénients, devait cesser et
devait faite place à des convenions plus formelles. C’est sous l’empire de ces
idées que des négociations ont été entamées, et qu’en avril 1840 ont paru deux
décrets, un de la régente d’Espagne et un de Sa Majesté le Roi des Belges, pour
régler le régime de navigation entre les deux peuples.
Par ces décrets on continuait à appliquer les avantages des traités
conclus entre l’Espagne et les Pays-Bas aux navires belges et espagnols dans
les pays respectifs, jusqu’à ce qu’un tarif définitif de douanes fût établi en
Espagne. Ce tarif devait faire cesser les faveurs dont le pavillon belge aurait
joui jusque-là.
Au commencement de 1841, ce nouveau tarif a été rendu exécutoire au mois
de novembre 1841. Ainsi tombaient les avantages accordés à notre pavillon. Le
paragraphe que l’on a cité a pour résultat principal de faire revivre ces
décrets de la régente et de S. M. le Roi des Belges. Il ne contient pas de
faveur nouvelle, je le reconnais, il n’apporte aucun changement à la position
faite par ces décrets, mais (Erratum au Moniteur belge n°334, du 30 novembre
1842 :) il nous soustrait aux désavantages de celle qui nous menaçait par la
misé à exécution du nouveau tarif de douanes.
Maintenant l’honorable M. Osy demande si nos toiles seront reçues en
Espagne par navires belges avec les mêmes droits de navigation que par navires
espagnols. Malheureusement, non ; la convention n’a pu nous accorder ces avantages,
de même que les produits espagnols, d’après sa teneur, ne seront pas reçus en
Belgique arrivant par navires espagnols aux mêmes droits que par navires
nationaux. Le bénéfice de 10 p. c. reconnu au pavillon national
subsiste toujours. (Erratum au Moniteur belge n°334, du 30 novembre
1842 :) Mais en assurant en Espagne au pavillon belge les faveurs dont
jouissaient anciennement les Pays-Bas, d’après le traité de Munster et autres,
on nous a rendu, je le répète, un régime dont la publication du nouveau tarif
espagnol nous avait fait perdre les avantages.
M. Osy. - Le
paragraphe 3 de l’art. 3 porte : Sera également réduit de deux tiers le droit
actuel d’entrée en Belgique sur les oranges, les citrons, les figues, les
raisins, les amandes, etc., produits du sol de l’Espagne, et directement
importés par mer sous l’un des deux pavillons.
Vous voyez que le pavillon espagnol est mis
sur le même pied que le pavillon belge, tandis que nos toiles importées en
Espagne par pavillon belge n’y seront pas admises sur le même pied que le
pavillon espagnol. On n’accorde pas à notre pavillon l’avantage que nous
accordons au pavillon espagnol. J’ai prié M. le ministre de vouloir bien nous
expliquer la portée des articles 13 et 14 du traité de Munster.
M. Dedecker, rapporteur. -
L’honorable M. de Garcia a présenté à M. le ministre des affaires étrangères
plusieurs questions et a fini par formuler une proposition d’ajournement. Je ne
sais si la chambre se sent disposée à admettre cette proposition, mais il me
semble que, pour bien apprécier le traité conclu avec l’Espagne, il faut se
mettre au point de vue des deux parties contractantes et tenir compte des deux
intérêts principaux en présence. Dans les relations entre la Belgique et
l’Espagne, l’intérêt principal de la Belgique est l’industrie des toiles, de
même que l’intérêt premier de l’Espagne est l’exportation de ses huiles et de
ses fruits. Il faut partir de ces points pour apprécier la convention qui nous
occupe.
Les objections faites par M. Osy sont prévues par le traité, car il dit,
§ 3, article 1er, « que les parties contractantes n’entendent pas traiter la
partie du commerce d’une manière définitive, mais bien provisoirement, en attendant la conclusion d’un traité
général de commerce et de navigation. »
Le statu quo qui a existé avant et après 1830 jusqu’au moment de
l’adoption par l’Espagne de son nouveau tarif de douanes de 1841, on le
maintient en attendant qu’on ait adopté un système qu’on puisse appliquer à l’Espagne,
ainsi qu’aux autres nations. Voilà du moins comment la section centrale l’a
entendu.
Je reconnais qu’il eût été préférable que,
dans ce traité, on eût pu appliquer les principes qui doivent plus tard nous
guider dans tout traité de ce genre. Mais le traité actuel est-il obstatif au
traité à conclure plus tard ?
M. Demonceau. - J’ai
sous les yeux deux décrets qui servent à expliquer la convention qui nous est
soumise. L’un du 20 avril 1840, rendu par la reine régente d’Espagne est ainsi
conçu :
« Les bâtiments du royaume de la Belgique seront reçus et son
commerce sera traité dans les ports espagnols de la Péninsule et îles
adjacentes de la même manière qu’ils ont été reçus et traités pendant l’union
politique des provinces belges au royaume des Pays-Bas. »
Voici maintenant la disposition prise par le gouvernement belge dans un
arrêté royal rendu sur la proposition du ministre des affaires étrangères
Lebeau, le 21 juillet 1840 :
« Les bâtiments du royaume d’Espagne seront reçus et son commerce
sera traité dans les ports belges de la même manière qu’ils ont été reçus et
traités pendant l’union politique de la Belgique et des Pays-Bas. »
La question est de savoir si le traité qu’on nous propose aujourd’hui
révoque le décret et l’arrêté que je viens de citer. D’après l’explication de
M. le ministre des affaires étrangères, il en est au contraire la confirmation
; c’est le maintien du statu quo.
Ainsi il me semble que le traité ainsi interprété par l’arrêté royal
belge et par le décret espagnol, dont je viens de donner lecture, ne change
rien au statu quo. Telle est la véritable question.
Je dirai quelques mots en réponse à l’honorable M de Garcia en ce qui
concerne les huiles. Je ne puis que confirmer ce qu’a dit à cet égard M. le
ministre des affaires étrangères. Lors de la discussion qui eut lieu il y a
deux ans, le gouvernement, d’accord avec la majorité de la chambre, établit,
dans l’intérêt de l’industrie des droits différents sur l’huile de table et sur
l’huile de fabrique La première fut frappée d’un droit de 12 fr. et quelques
centimes, la deuxième d’un droit de 2 fr. 12 c. Nous avions donné pour motif
que l’huile d’Espagne n’est pas seulement nécessaire, mais indispensable pour
la fabrication des tissus de laine. Il n’est guère possible d’employer, à sa
place, à la fabrication du drap les huiles indigènes, parce que l’huile
d’Espagne est beaucoup plus claire et qu’elle ne dépose pas sur le drap ; c’est
une huile qui clarifie, au lieu de graisser trop fortement ; elle contribue
ainsi à rendre le drap plus souple.
L’honorable M. de Garcia croit que l’huile
s’emploie dans la fabrication du savon ; cela est vrai, mais ce savon est
principalement employé à fouler les tissus de laine ; ainsi, loin de porter
préjudice à l’industrie du pays, le traité serait avantageux à l’industrie du
pays.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - L’honorable M. Demonceau demande si l’état de
choses résultant du traité n’est pas le même que celui qui découle des deux
décrets dont il a donné lecture et dont j’ai déjà parlé. Je ne puis que
répondre affirmativement à cette question. En effet, nous lisons dans le 3ème
alinéa de l’art. 1er de la convention, que « Les bâtiments de la Belgique
seront reçus pendant toute la durée de la présente convention dans les ports
espagnols de la Péninsules et les îles adjacentes de la même manière qu’ils ont
été traités pendant l’union politique de la Belgique et des Pays-Bas, ainsi que
cela a été établi par le décret royal donné à Madrid le 20 avril 1840, dont les dispositions relatives au commerce
réciproque des deux pays sont remises en vigueur, ainsi que celles de
l’arrêté de S. M. le Roi des Belges, en date du 21 juillet 1840. »
J’ajouterai que le gouvernement aurait regardé comme une chose
avantageuse au pays, de pouvoir conclure dès à présent avec l’Espagne un
nouveau traité de navigation. Mais il n’a pas été en notre pouvoir de nous
placer sur ce terrain et de traiter différents points sur lesquels les hommes
d’Etat espagnols ne sont pas encore parfaitement d’accord.
Ce qui n’a pas été et ne pouvait être fait
pourra l’être plus tard. Et cette convention, qu’il faut considérer comme un
jalon pour un traité plus complet, ne peut, dans tous les cas, qu’en préparer
et en hâter le succès.
M. de Garcia. - Je
désire répondre un mot à l’honorable rapporteur, qui a dit que, pour apprécier
le traité, il fallait se mettre au point de vue où il a été fait. Mais si
j’attaque le traité, c’est précisément parce qu’il a été fait à un point de vue
unique, exclusif et trop restreint, Je dis : Le traité n’a été fait qu’en vue
d’une seule industrie. Il a été fait pour favoriser la fabrication de la toile.
S’il a été fait dans ce but unique, n’ai-je pas, ainsi que la chambre, le droit
de voir si ce traité n’a pas porté préjudice à quelques autres intérêts du
pays, et si par suite il ne doit pas être ajourné ? Bien poser la question,
c’est pour moi démontrer la nécessité de l’adoption de ma proposition. Je
voudrais que ce traité fût (comme tous les traités doivent l’être) examiné sous
toutes ses faces, je voudrais que de cet examen résultât la démonstration qu’il
satisfait à tous les intérêts.
L’honorable M. Demonceau, en me combattant, a confirmé ce que j’ai
avancé. Il a dit : Les huiles d’Espagne servent à la fabrication du savon ;
mais le savon sert à la fabrication du drap fort bien. Mais le savon, fait avec
l’huile indigène ne peut-il pas servir aussi à cette fabrication ? Ne fait-on
pas ainsi concurrence au savon fait avec l’huile du pays ? Evidemment oui, vous
portez préjudice à cette industrie.
L’huile d’Espagne, est, dites-vous,
nécessaire à la fabrication du drap. Soit ; j’admets cela. Mais avant le traité
on fabriquait du drap, et l’on ne se plaignait pas de ne pas avoir l’huile
nécessaire vous accordez donc des avantages qui ne sont pas justifiés.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Nothomb) - Il est très naturel qu’en lisant la
convention conclue avec l’Espagne, chacun se soit dit : « Pourquoi ne s’est-on
occupé, dans cette convention, que d’une industrie, de l’industrie linière ? »
Mais quel est le véritable point de vue où l’on se trouvait placé ? Quel est,
en un mot, notre commerce avec l’Espagne ? Il ne s’agit pas du commerce
possible ; il s’agit du commerce réel. Avant le tarif du 1er novembre 1841,
qu’est-ce que la Belgique envoyait en Espagne ? On y envoyait principalement
des toiles et quelques machines. Le commerce des toiles s’est trouvé
complètement compromis par suite de l’élévation des nouveaux droits. Le
gouvernement avait donc pour devoir, pour premier devoir, non pas d’ouvrir
l’Espagne à tous nos produits, ce qui serait très désirable, mais de rendre le
marché espagnol à celui de nos produits qui venait, pour ainsi dire, d’en être
expulsé. C’est ce que le gouvernement a cherché et qu’il a obtenu
partiellement. Il n’a pas fait davantage ; il l’aurait bien désiré. Mais avant
tout ce qu’il devait penser, c’était de rétablir avec l’Espagne le commerce
existant. Ainsi on ne s’est occupé de l’industrie linière que parce qu’il se
trouvait dans que cette industrie était la base de notre commerce en Espagne,
qu’elle formait même presqu’exclusivement notre commerce avec la Péninsule.
Obtiendrons-nous davantage plus tard ? Nous l’espérons ; nous le tenterons.
Qu’il me soit permis de résumer les réponses déjà faites aux questions
de l’honorable M. de Garcia, qui malheureusement n’ont pas été entendues au
milieu du bruit qui régnait au commencement de la discussion.
L’honorable M. de Garcia a fait quatre questions :
En premier lieu, quelle est, se demande-t-il, la position de
l’Angleterre, par rapport à l’Espagne ?
La position de l’Angleterre est la même que celle de toutes les nations,
y compris la Belgique. En un mot, le tarif du 1er novembre 1841 est un tarif
général ; c’est le droit commun pour toutes les nations. Il y aura maintenant
une seule exception, une seule ; ce sera en faveur de la Belgique : ce sera
l’exception résultant de la convention du 25 octobre 1842.
Ainsi, à la première question, M. le ministre des affaires étrangères a
répondu très catégoriquement. Il y avait erreur de fait de la part de
l’honorable M. de Garcia, qui supposait qu’il y avait déjà exception au tarif
du 1er novembre 1841, en faveur de l’une ou de l’autre nation étrangère. Non,
ce tarif est le tarif général ; c’est le droit commun.
En deuxième lieu, il a demandé si la position de l’Angleterre, par
rapport à l’Espagne, serait la même que celle de la Belgique, en ce qui
concerne les tissus de laine et de coton, les machines, la coutellerie, etc. En
répondant à la première question, j’ai déjà rendu sans objet la seconde. Non,
la position est la même ; c’est-à-dire que la Belgique exportera en Espagne,
aux mêmes conditions que l’Angleterre des tissus de laine et de coton, des
machines, des objets de coutellerie, etc.
Vous voyez donc que nos réponses à ces deux premières questions, qui
semblaient embarrasser au premier moment la discussion, sont claires et
positives.
L’honorable membre a demandé en troisième lieu si le sacrifice que nous
faisons sur notre revenu a été calculé en prenant en considération la
diminution possible de l’importation des mêmes produits d’autres pays. M. le
ministre des affaires étrangères a répondu à cette question.
Mais on peut ajouter que si l’importation des fruits secs, des autres
pays venait à diminuer, c’est que l’importation des fruits d’Espagne viendrait
à augmenter, que dès lors il y aurait une sorte de compensation. La
consommation n’en deviendra que plus générale. (Interruption.) Il faut supposer que les Espagnols importeront en
Belgique, comme ils l’espèrent, une plus grande quantité de fruits, grâce à la
réduction des droits. S’il y a une plus grande importation, cet excédant
compensera la perte des droits. (Réclamation.)
Il était impossible d’espérer que l’Espagne nous donnât pour rien une réduction
de droits, qu’elle fît pour rien une brèche à son tarif du 1er novembre 1841.
Enfin, la quatrième question consiste à demander si les huiles
espagnoles, que nous allons recevoir à un droit réduit, ne feront pas
concurrence à nos huiles indigènes. L’honorable M. Demonceau et, avant lui, M.
le ministre des affaires étrangères ont fait remarquer que ce sont des huiles
spéciales sans concurrence en Belgique.
il a donc été
complètement répondu aux questions de l’honorable M. de Garcia. Je pense que
vous le reconnaîtrez par ce résumé.
Quant à l’interpellation faite par l’honorable M. Osy, on a dit avec
raison que rien n’a été changé quant aux conditions de navigation. La position
sera telle qu’elle existait avant le tarif du 1er novembre 1841 ; en un mot on
a remis en vigueur l’arrêté royal belge du 21 juillet 1840 et le décret royal
espagnol du 20 avril 1840. Ces deux dispositions étaient considérées comme
annulées. Il y avait une raison pour ne pas aller plus loin ; c’est que nous
aurions pu toucher à une question que nous voulions laisser intacte, la
question des droits différentiels de douane.
Ici il y a un point des observations de l’honorable M. Osy auquel il n’a
pas été répondu. Cet honorable membre s’est attaché à l’article 3, § 3 ainsi
conçu : « Le droit de douane actuellement existant sera réduit de 2/3 sur
l’huile d’olive d’origine espagnole, quel qu’en soit l’usage ou la destination,
et directement importée par pavillon belge ou espagnol. Les droits sont réduits
de deux tiers, mais il s’agit des droits actuels. C’est ainsi qu’il faut
entendre le § 3 de l’art. 3. Je m’explique par un exemple. Supposons le droit
de 3 francs. ii y a une marchandise d’Espagne importée en Belgique qui paie 3
francs et de plus 40 p. c. si elle est importée par navire espagnol ; que
paiera-t-elle à l’avenir ? Elle payera un au lieu de trois, mais de plus 10 p. c., non plus sur 3 mais sur 1.
C’est ainsi que les choses doivent s’entendre et elles ne peuvent être
entendues autrement.
Mais aussi, messieurs, il faut admettre la réciprocité. Les navires
belges qui importeront en Espagne des toiles, par exemple, paieront les droits
exceptionnels de douane établis en Espagne. Rien n’est plus juste.
Remarquez même, messieurs, quelles précautions on a prises. « Sera
également réduit, est-il dit, de deux tiers le droit actuel d’entrée en
Belgique. » Le droit actuel ; à la rigueur, ce mot aurait pu ne pas s’y trouver
; mais on a eu soin de dire le droit actuel, c’est-à-dire le droit d’entrée tel
qu’il est fixé par les lois de 1821, de 1822 et de 1841. Il ne peut y avoir de
doute sur ce point.
Ainsi les droits seront réduits des deux tiers en faveur des navires
espagnols, mais toujours dans les proportions existantes. En un mot, la
question des droits différentiels de douane est restée
intacte de part et d’autre, du côté de l’Espagne comme du côté de la Belgique ;
l’article 1er ne concerne que les droits de navigation proprement dits.
Ainsi, messieurs, je pense que la chambre ne verra aucun obstacle à la
continuation de la discussion.
M. Desmet. - Je
crois aussi, messieurs, qu’il ne faut pas adopter la proposition de l’honorable
M. de Garcia et qu’il est dans l’intérêt de notre commerce en général
d’admettre le traité tel qu’il a été conclu. Ce n’est pas que je le trouve très
favorable ; je crois que l’on pourrait facilement démontrer que la faveur qu’il
fait à notre industrie des toiles n’est pas très forte. Mais j’y vois un bon
côté, en ce qu’il est un premier pas fait pour renouer nos anciennes relations
avec l’Espagne.
Comme vous le savez, avant le régime français, nous faisions un commerce
très important avec l’Espagne ; sous le régime français et sous le régime
hollandais, ce commerce a été totalement perdu. Si j’insiste donc pour
l’adoption du traité, c’est parce que je le regarde comme un moyen de renouer
nos anciennes relations.
L’honorable M. de Garcia a surtout peur d’un traité entre l’Espagne et
l’Angleterre. Je ne sais si ce traité apporterait un grand changement à l’état
de choses actuel ; car l’Angleterre fait maintenant presque seule
le commerce avec l’Espagne ; elle est maîtresse de la douane, comme elle l’est
de la contrebande ; il est à croire que les Espagnols verront qu’il est dans
leur intérêt de ne pas faire exclusivement le commerce avec une seule nation et
de ne pas continuer à laisser envahir son marché par cette nation.
L’honorable membre a parlé des huiles ; mais il doit savoir que les
huiles de France et d’Espagne, mais surtout celles de ce dernier pays, nous
sont nécessaires aussi bien pour les draps que pour les savons.
Je le répète, bien que je ne trouve guère
avantageux le traité soumis à votre approbation, je crois qu’il faut
l’accepter, pour qu’il serve à renouer nos anciennes relations avec l’Espagne.
M. Dedecker, rapporteur. - J’ai
demandé la parole pour ajouter un seul mot. L’honorable M. de Garcia a encore
répété que le traité avait été fait en faveur d’une seule industrie. Je suis
d’accord avec l’honorable membre sur ce point ; mais j’ai l’honneur de lui
faire observer que cette industrie constitue l’intérêt dominant dans la
question ; les autres intérêts de notre industrie ne sont pas comparables à
celui qu’a l’industrie linière à la conclusion d’un traité avec l’Espagne.
L’honorable M. Osy, de son côté vous a prouvé que la question de
commerce et de navigation n’a pas été suffisamment entamée ; je suis encore de
son avis ; mais je pense aussi que le traité actuel ne porte aucun obstacle à
la conclusion d’un traité ultérieur.
Les observations des deux honorables
préopinants tendent à prouver que le traité est incomplet ; mais tout le monde
est d’accord sur ce point. C’est pour ce motif que nous devons engager le
gouvernement à ne le regarder que comme un jalon, mais ce n’est pas un motif
pour le repousser ou l’ajourner comme mauvais.
M.
d’Hoffschmidt. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour faire
une observation sur l’incident et pour demander aussi quelques explications.
J’ai trouvé, comme plusieurs honorables préopinants, que l’exposé des
motifs était fort sobre de renseignements. II ne nous donnait pas le tarif du
1er novembre, qu’il s’agissait de modifier ; il ne nous faisait pas connaître
les espèces de toiles recherchées par l’Espagne, ni le traité de Munster, ni
l’arrêté royal dont il est parlé dans l’article 1er. Il ne nous disait pas non
plus la position de l’Angleterre vis-à-vis de l’Espagne. J’avais déjà présenté ces
observations dans ma section, et je croyais que la section centrale demanderait
quelques renseignements à cet égard. Il est vrai que le rapport que nous a
présenté l’honorable M. Dedecker supplée en grande partie à ce besoin de
renseignements ; mais j’y trouve encore une lacune que je désirerais voir
combler.
Le rapport de la section centrale nous dit qu’indépendamment des droits
établis par le tarif espagnol, il en est d’autres encore dont il n’est point
parlé dans l’exposé des motifs du projet de loi. Ces droits, d’après M. le
rapporteur de la section centrale, sont un droit de porte ou de consommation,
plus 6 p. c. perçus pour droit d’octroi, etc. Mais je crois qu’il a omis de
parler d’un autre droit encore, qui est mentionné dans un rapport de M. Ramond de La Sagra, sur les
relations de la Belgique avec l’Espagne, rapport consigné dans le Moniteur ; c’est ce que ce publiciste
appelle droit de barrière. J’ai peu de connaissance sur l’espèce de droit qu’il
entend indiquer par là ; mais il équivaudrait au tiers du droit établi par le
tarif.
Je voudrais savoir si ce droit disparaît par suite de la convention, car
ce serait dès lors un grand avantage ; s’il ne disparaît point, l’avantage est
beaucoup moindre.
Du reste, malgré ce que je viens de dire, je ne puis appuyer la motion
de l’honorable M. de Garcia. Il me semble que, d’après les renseignements que
l’on vient de nous donner, nous pouvons passer outre.
D’un autre côté, je n’attends pas, quant à moi, et je partage à cet
égard l’opinion de la section centrale, de grands résultats de la convention.
D’abord il me semble que la catégorie de toile qui nous est le plus demandée
par l’Espagne est tout à fait en dehors du traité. En second lieu, malgré la
diminution de droits qui résulte de la convention, ils sont encore très élevés.
Du reste je désire me tromper à cet égard ; je désire surtout que la convention
soit un acheminement à un traité infiniment plus complet, qui comprenne aussi
d’autres industries qui, sans avoir l’importance de l’industrie linière,
méritent cependant de fixer toute notre attention.
Je crains seulement que nous ne nous trompions encore à cet égard. Par
la convention nous accordons à l’Espagne à peu près tout ce qu’elle peut nous
demander ; nous lui accordons des diminutions sur les objets qu’elle doit tenir
à introduire en Belgique.
Dès lors je crains que ce pays n’ayant plus grand intérêt à traiter avec
nous, ce ne soit une espérance fausse que de croire que nous arriverons à un
résultat avantageux par suite de négociations nouvelles.
Du reste, je le répète, comme je n’attache
pas une grande importance à cette convention, je crois qu’on peut passer outre,
nonobstant la proposition de l’honorable M. de Garcia.
M. Dedecker, rapporteur. -
L’honorable préopinant a demandé une explication sur l’existence du droit de
barrière. Messieurs, la connaissance que j’ai eue de quelques droits dont il
n’est point parlé dans l’exposé des motifs, je la dois à des négociants en toiles
de Gand que j’ai eu occasion de voir, et je dois dire qu’aucun de ces
négociants ne m’a parlé du droit de barrière. Ils m’ont uniquement parlé du
droit de porte et de consommation qui s’élève au tiers des
droits établis par le tarif, et du droit de balance et de pesage. J’avouerai
cependant que des renseignements qui me sont venus depuis, me portent à croire
à la réalité de l’existence de ce droit de barrière.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Briey) - Messieurs,
je crois pouvoir donner l’explication de ce droit de bannière dont vient
de parler l’honorable M. d’Hoffschmidt. Cette explication, je la trouve dans le
tarif espagnol que j’ai sous les yeux.
Ce mot de bannière, si je ne me trompe, doit être la traduction
imparfaite des mots bandera estrangera, qui veulent dire à la fois bannière et
pavillon étrangers et que je lis en tête de la colonne qui renferme les droits
additionnels. C’est donc bien réellement le droit de pavillon qu’il faut
comprendre ici, et ce droit n’est autre que celui de trente pour cent dont on a
déjà fait mention dans cette discussion ; ce sont les droits différentiels que
l’Espagne accorde à son pavillon.
- La proposition de M. de Garcia tendant à
l’ajournement de la discussion jusqu’à ce que M. le ministre des affaires
étrangères ait fourni des renseignements ultérieurs, est mise aux voix ; elle
n’est pas adoptée.
La chambre reprend la discussion du projet.
M. Savart-Martel. - Messieurs, la
convention faite avec l’Espagne, et dont on nous propose l’adoption, est loin
de procurer au commerce de la Belgique les avantages que nous pouvions espérer
d’un gouvernement ami, quand on se rappelle surtout que, pendant un siècle et plus,
l’Espagne avait entretenu avec les Belges, ses anciens sujets, les relations
les plus amicales et les avait traités sur le pied des nations les plus
favorisées.
La décision prise par les cortès. en 1840, n’a pu être qu’une nécessité
fiscale ; car la Belgique n’avait rien fait pour mériter ce tarif, véritable
déclaration de guerre à l’une des principales branches de commerce de notre
pays.
Notre industrie linière mérite certainement la plus haute protection ;
je suis du nombre de ceux qui proclament, cette vérité, et je voudrais remédier
à la position que lui fait l’intérêt des autres pays.
Mais, au dire des industriels, en cette partie, toutes les toiles de la
Belgique ne sont point également utilisées dans la Péninsule. On y consomme
presque exclusivement les tissus que le gouvernement d’Isabelle II a frappé du
droit le plus exorbitant. Or, la convention du 2 octobre ne me paraît guère
produire d’amélioration pour cette espèce de marchandise ; j’aimerais autant le
statu quo.
A mes yeux, le tarif des cortès, rapproché même de cette convention,
laisse subsister la juste plainte de la Belgique, car les seules toiles que
nous puissions espérer d’exporter en Espagne demeurent frappées d’un droit
énorme, qui dans le fait équivaut à la prohibition. Je puise cette vérité dans
les explications mêmes que vient de nous fournir le rapport concis, mais très
lucide, de la section centrale, quoique fort économe de renseignements.
On pourrait croire que le gouvernement de Sa Majesté Catholique aurait
voulu s’indemniser sur la Belgique des concessions que lui impose le
gouvernement britannique, ou même que ce traité aurait été rédigé dans
l’intérêt anglais. A cet égard, je partage la crainte que vient d’exprimer M.
de Garcia de la Vega.
Sans doute, on ne peut trop recommander à l’industrie linière de suivre
les progrès du temps et d’améliorer sa fabrication. L’emploi du fil mécanique
et l’imitation des toiles anglaises, signalée par M. Kindt,
sera l’objet, pensons-nous, des sérieuses méditations du comité directeur de
l’association pour le progrès de l’industrie linière, et je ne pourrai
qu’applaudir aux encouragements que lui aurait donnés, dit-on, M. le ministre
de l’intérieur ; mais ces améliorations ne peuvent s’introduire qu’à la longue,
dans les campagnes surtout ; or, pour nous le progrès est aussi quelque chose.
Si la question était entière, au lieu de réduire nos droits d’entrée sur
les produits espagnols, j’aurais proposé de doubler, de tripler même les droits
établis par nos tarifs sur les vins, les huiles, les oranges et les autres
fruits, provenances du royaume d’Espagne.
Je déplore d’autant plus cette convention, qu’elle nous lie dorénavant
pour nos lois de douane.
En procédant ainsi avec les divers Etats, on va brider à jamais le
commerce de la Belgique
J’en appelle, à cet égard, à toutes les opinions de la chambre, car il
s’agit de la prospérité matérielle de notre patrie ; petit à petit, nous
perdrions même l’espoir d’un meilleur avenir.
La Belgique est un pays éminemment agricole et manufacturier, toutes les
questions qui se rattachent à ces intérêts sont vitales, même pour notre
indépendance. Ce n’est donc point en vain que j’ose invoquer toutes les
opinions.
Et puis, si les Etats avec lesquels nous devons traiter n’ont à
consulter que leur intérêt pour se régler envers nous, je ne conçois point
l’utilité de ces nombreux agents diplomatiques qui figurent au budget pour des
sommes considérables : de simples consuls nous suffiraient.
Messieurs, le Belge est l’ami de tous les peuples ; tons devraient donc
le traiter favorablement.
On ne peut se le dissimuler cependant, depuis quelque temps on nous
traite presque partout en vrais parias.
Parce que nous paraissons faibles et généreux, nos hauts et puissants
amis nous écrasent. Les Etats de second ordre les imiteront ; Et bientôt nous
ne serons plus considérés en Europe que comme consommateurs.
Nous avons assez souffert, hâtons-nous de sortir de cette position
déplorable.
Abandonnons le système de concessions généreuses ; révisons nos lois de
finances, nos lois de douane surtout, avec cette préoccupation, que nous sommes
entourés des ennemis de notre industrie, ne craignons point de heurter les
autres Etats ; soyons convaincus qu’on ne nous accordera jamais que ce qu’on ne
pourra nous refuser.
Malheureusement il n’en est point des conventions diplomatiques comme
des projets de loi. On ne peut les amender ; il faut les prendre dans leur
ensemble ou les rejeter : pas de milieu.
Aussi, après avoir émis succinctement mon opinion
qui penchait pour le rejet, je suis touché des observations qui ont été faites
sur la question d’ajournement. Je réserve donc mon vote, car la continuation de
la discussion pourrait établir des circonstances qui forceraient à une
acceptation ; or, de ma part, il n’y aura jamais d’opposition systématique.
M. Van Cutsem. -
Messieurs, si j’ai demandé la parole, ce n’est pas pour refuser mon assentiment
au traité de commerce que notre souverain a conclu avec la reine d’Espagne, ce
n’est pas non plus pour vanter les résultats qu’il produira pour notre
industrie linière, que je me ferai entendre, lorsque le gouvernement lui-même
ne peut dissimuler au pays que nous n’obtenons que de très légers avantages
pour notre fabrication linière par cet acte international, en retour de
sacrifices positifs, résultant de la réduction des droits d’entrée sur les
fruits, les vins et les huiles d’Espagne, sacrifices d’autant plus pénibles que
la législature se trouve en face des besoins du trésor ; mais c’est pour
déclarer au gouvernement que je n’y donne mon adhésion que parce qu’il nous a
promis que ce traité ne serait qu’un acheminement à un traité de commerce plus
complet.
Il suffit, messieurs, de fixer un moment notre attention sur la position
que le traité conclu avec l’Espagne donne à la Belgique, pour être convaincus
que nous ne pouvons le considérer que comme une pierre d’attente qui doit
servir à la construction d’un édifice à achever ; et comment pourrions-nous
l’envisager autrement, alors que le traité ne mentionne aucune diminution de
droit pour les toiles qui comptent moins de douze fils au quart de pouce,
puisque les toiles de 8 à 11 fils sont celles que nous expédions le plus en
Espagne ; alors encore qu’il n’y a qu’une réduction sur les toiles qui
contiennent de 12 à 18 fils, qu’il y a augmentation sur les toiles de 19 à 26
fils, qu’il y a seulement une diminution sur les toiles de 27 à 29 fils, que
les droits restent les mêmes pour les toiles de 30 fils et au-dessus, et que
pour les tissus croisés, il n’y a réduction que pour ceux qui ont moins d’une vare de largeur, tandis que les autres continuent à payer
les droits fixés par le tarif que les cortès décrétèrent dans leur session de
1840 à 1841.
Par suite du traité de commerce que la Belgique a conclu avec l’Espagne,
elle aura encore à payer des droits, qui avec la valeur exagérée donnée aux
fabricats belges, avec le droit de port et d’octroi calculé à 6 p. c., avec le
droit de consommation qui est du tiers du droit principal et avec le droit que
les marchandises importées par navires étrangers ont de plus payer que celles
qui arrivent par navire espagnol, s’élevèrent à 41 p. c. de la valeur réelle.
On voit, sans qu’il faille d’autre démonstration, qu’il n’y a pas de quoi se
réjouir de la faveur que nous obtenons de l’Espagne, et il faut cependant dire
que les droits que nous aurons à payer sont moins élevés que ceux que les
Anglais ont à supporter, puisque ces derniers restent fixés par le tarif de
1840 ; mais nous devons aussi convenir qu’une fois qu’un tarif atteint la
hauteur de 40 p. c, il ne sert plus qu’à favoriser la fraude. Or les Anglais
ont toutes sortes de facilités pour la contrebande, tandis que celle-ci nous
est devenue pour ainsi dire impossible depuis que les Français, dans leur
intérêt, convoient nos toiles jusqu’à la frontière de l’Espagne et jusqu’en
face des douaniers.
Nous aurons à lutter contre la contrebande anglaise pour nos toiles
faites avec le fil mécanique, et nous aurons encore à concourir pour les mêmes tissus
contre les toiles que l’on commence à fabriquer en Biscaye et en Catalogne ;
pour certaines de nos toiles faites avec le fil à la main, sur lesquelles les
droits sont réduits, nous pourrons diminuer le prix de vente, et, par suite,
avoir plus de chances de faire revenir le consommateur désabusé par
l’expérience qu’il a eue en se servant de toiles anglaises vers nos produits,
dont, il n’y a que quelques années, les Espagnols consommaient encore un bon
quart de ce que noua fabriquions annuellement, tandis qu’aujourd’hui, là où la
Belgique livrait quatre-vingts pièces sur cent pièces, consommées en Espagne,
l’Angleterre les livre à sa place et elle n’en débite plus que cinq ou six.
Cet état de choses a dû nécessairement fixer l’attention du gouvernement
sur la branche d’industrie dont nous nous occupons ; aussi a-t-il profité de la
présence d’un homme influent dans le gouvernement espagnol, et a-t-il conclu
avec lui un traité dans lequel il a stipulé tout ce qu’il a pu en faveur de
notre industrie linière ; et quoiqu’il n’ait pas obtenu grand’chose, nous
devons lui savoir gré des efforts qu’il a faits, puisqu’il en fera de nouveaux
encore et parce qu’en présence de la position que prennent les grandes nations,
vis-à-vis des petites, il est plus facile d’indiquer au pouvoir ce qu’il
devrait demander de telle ou de telle nation dans l’intérêt de nos industries,
qu’il n’est aisé à celui-ci de se faire accorder les avantages réclamés.
Le gouvernement sait, comme nous, que l’industrie linière ancienne
donnait une existence aisée à quatre ou cinq cent mille âmes en Belgique, qu’il
y avait entre elle et l’industrie agricole échange constant de services et de
secours, que cette organisation n’est pas seulement utile, qu’elle est
tellement nécessaire qu’on ne pourrait déplacer les fileuses et les tisserands
sans frapper l’agriculture de décadence ; eh bien, s’il est convaincu de ces
vérités, il accordera une protection au moins aussi grande à l’industrie
ancienne qu’à la nouvelle, qui, si elle donne des produits qui n’étaient pas
connus il y a quelques années en Belgique, n’a pas l’avantage d’appartenir
exclusivement à la Belgique, et qui, si elle restait seule dans le pays,
finirait par ne plus avoir d’autres consommateurs que les indigènes, car il est
impossible de soutenir de bonne fois que les Etats où nous introduisons nos
toiles voudraient rester nos tributaires pour ces objets, lorsque le filage, si
facile au moyen du mécanisme, et le tissage rapide à la navette volante, pour
lesquels quelques
jours d’apprentissage suffisent, les placeraient dans la position de pouvoir se
passer de nous.
Pense-t-on peut-être qu’ayant commencé à fabriquer avant les nations
voisines, nous aurions l’avantage sur elles ; mais en ce cas on perd de vue ce
que la France a fait pour protéger son industrie linière, et on ne songe pas
que les autres pays le feront comme elle, car il n’y a plus de nation civilisée
qui ignore que la journée de l’ouvrier est le premier et le plus important de
tous les bénéfices et que la constante occupation de ces bras qui dépensent
lorsqu’ils gagnent est à la fois un puissant élément de prospérité et la
sauvegarde de la tranquillité publique ; et si une seule nation n’abordait pas
la fabrication toilière et ne nous fermait pas ses frontières, des Anglais, des
Français, des Belges mêmes iraient s’y établir pour y importer cette industrie
devenue aisée dans sa manipulation et, sous l’égide des droits imposés sur nos
fabricats, y amasseraient des fortunes rapides en plongeant la patrie dans la
misère et le deuil.
L’industrie linière ancienne, je ne crains pas de le dire, a, à mon
avis, plus de chances d’avenir que la nouvelle ; si le gouvernement travaille
pour elle comme pour cette dernière, parce que les toiles envoyées à nos
marchés sont, pour ainsi dire, toutes fabriquées avec du fil à la main, parce
les blanchisseries de Courtrai ont reçu, l’année passée, environ vingt mille
pièces de toiles faites avec du fil à la main, et seulement trois cents pièces
de toile faites avec du fil mécanique, parce que le fil à coudre, fait avec du
fil simple à la main, est préféré à celui qui se fabrique avec du fil
mécanique, parce qu’à Bruges ceux qui n’emploient que du fil à la main, pour
les toiles à carreaux, vendent beaucoup plus facilement que ceux qui se servent
de fil mécanique, parce que le fil à la main s’achète en ce moment à aussi bas
prix que le fil mécanique, et que les fabricants qui avaient abandonné le fil à
la main commencent à fabriquer de nouveau avec ce tissu, parce que les toiles
faites avec du fil à la main sont plus fortes et plus belles, qu’elles ont ce
qu’on appelle le perlé, qu’elles ne se rétrécissent pas comme les toiles à la
mécanique et qu’elles résistent mieux au blanchiment, qu’elles exigent moins de
fils au tissage, parce que le tisserand qui emploie le fil mécanique gagne, en
moyenne, un tiers de moins que celui qui se sert du fil la main, parce que des
maisons de commerce appartenant à des nations étrangères avec lesquelles nous
sommes en relation, entre autres des maisons espagnoles, se plaignent amèrement
des toiles faites avec du fil mécanique et attendent la réalisation de
conventions commerciales pour se pourvoir de nos produits, et enfin, parce que
des personnes qui sont dévouées aux intérêts de leur pays, et qui les
comprennent, s’occupent d’améliorer le tissage des toiles et le nouveau filage
à la main, en envoyant des institutrices aux écoles pauvres du plat pays.
Je voterai pour la ratification du traité, en
recommandant au gouvernement de faire de nouveaux efforts pour obtenir de
meilleures conditions de l’Espagne, et pour rendre à notre industrie linière,
lorsque la Belgique est gouvernée par un monarque de son choix, une prospérité
dont elle jouissait sous des souverains qui lui étaient imposés par l’étranger.
M. Osy. -
J’avais deux motifs pour refuser mon vote au traité en discussion. Le premier,
c’est que je croyais que nous imposions des mêmes droits de douanes les
marchandises importées soit par navire espagnol, soit par navire belge. D’après
les explications de MM. les ministres de l’intérieur et des affaires
étrangères, explications dont je prends acte, les marchandises espagnoles
arrivant par navires belges payeront 10 p. c. de moins que venant par navires
espagnols et la question des droits différentiels ne sera pas touchée.
Mais, messieurs, je ne puis donner mon approbation au traité à cause de
l’art 1er. D’après cet article, les navires espagnols sont reçus en Belgique
sur le pied des nations les plus favorisées, tandis que si l’Espagne voulait,
de son côté, nous traiter sur le pied des nations les plus favorisées, il
aurait été inutile de rappeler les stipulations du traité de Munster et ce qui
existait avant 1839.
Je crois que l’on aurait dû stipuler
également que les navires belges seraient reçus en Espagne sur le pied des
nations les plus favorisées. Je pense qu’il n’en sera pas ainsi et que le
commerce des fruits et même le commerce des toiles ne pourront se faire que par
navires espagnols. Dès lors je ne pourrai pas donner mon assentiment au traité.
M. Delehaye. -
Messieurs, quoiqu’il s’agisse de toiles et que j’appartienne à une province qui
trouvait dans cette industrie une partie de sa prospérité, je dois cependant
dire que ma localité est tout à fait désintéressée dans la question, car les
produits principaux de Gand et des environs continuent à être frappés de droits
prohibitifs. Toutefois, je crois que, dans l’intérêt du pays, nous devons
donner notre assentiment au traité.
Lorsqu’il s’agit d’examiner ces traites de commerce, nous perdons
presque toujours de vue l’intérêt des puissances avec lesquelles ils sont
conclus, pour ne nous occuper que de nos propre intérêts, et c’est en nous
plaçant à ce point de vue que nous tombons souvent dans l’erreur. Nous ne
tenons pas non plus assez compte des faits ; ainsi, à propos de la convention
avec la France dont nous nous sommes occupés il y a quelque temps, nous nous
sommes plaints de n’avoir pas obtenu tous les avantages auxquels nous croyions
avoir droit, mais nous perdions de vue que nous avions laissé passer le moment
favorable pour traiter avec la France ; c’est la faute que nous avons également
commise en ce qui concerne l’Espagne : si en 1841, lorsque l’Espagne a modifié
son tarif, nous avions immédiatement modifié le nôtre à son égard, nous aurions
certes obtenu des conditions plus avantageuses que celles qui résultent du
traité actuel. Nous devons aujourd’hui pâtir de la faute que nous avons commise
alors.
Je pense, messieurs, que le traité, tel qu’il est, nous est favorable ;
l’Espagne avait fait un tarif, applicable à toutes les puissances, mais sous
l’empire duquel nous étions complètement exclus de son marché ; par la
convention dont le gouvernement demande l’approbation, l’Espagne modifie ce
tarif en faveur de quelques-uns de nos articles.
Cette faveur est telle que déjà, en vue de l’adoption du projet de loi
qui nous est soumis, il est arrivé sur la plupart des marchés des Flandres des
commandes très importantes de l’Espagne. Hier encore on m’a communiqué
plusieurs lettres de négociants espagnols, insistant pour qu’on leur envoie
immédiatement des produits de notre industrie qu’ils avaient demandés.
L’honorable M. Osy a fait remarquer que la marine espagnole jouira en
Belgique de plus d’avantages que la nôtre n’en obtient en Espagne ; quoi qu’en
ait dit le gouvernement, ce fait est positif ; mais, messieurs, en
résultera-t-il pour nous une bien grande perte ? Je ne le pense pas.
Aujourd’hui, lorsque nous avons des expéditions pour l’Espagne, non seulement
nous ne pouvons pas les faire par notre navigation, mais nous ne pouvons pas
même nous servir de la navigation espagnole ; nous sommes obligés, d’avoir
recours tantôt à l’Angleterre, tantôt à la France, tantôt à la Hollande ; il
nous arrive même souvent de ne pas pouvoir expédier, faute de navires
quelconques.
Remarquez bien, messieurs, que l’Espagne nous fait des concessions pour
des produits similaires des siens, tandis que nous ne lui accordons des
avantages que pour des objets que nous ne produisons pas.
Il ne faut pas perdre de vue que dans la Galice et dans la Catalogne il
existe déjà des établissements fort importants où l’on
fabrique des toiles, et notamment de ces toiles que nous appelons flamandes, et
auxquelles le gouvernement espagnol veut donner une protection.
Partons de ce point de vue, et ne jugeons pas l’Espagne d’après ce qui
se passe dans notre pays ? Parce que nous avons été assez peu soucieux de nos
intérêts pour ne pas admettre un système protecteur, nous croyons que l’Espagne
a agi comme nous ; c’est là une erreur, l’Espagne favorise son industrie,
tandis que nous ne faisons rien pour protéger la nôtre
J’ai dit que, par le traité qui nous occupe, nous ne faisons de
concessions à l’Espagne que pour des objets que nous ne produisons pas ; en
effet, nous admettons ses huiles, ses fruits, ses vins, et certes par là nous
ne portons pas préjudice à aucune de nos industries, seulement nous accordons
aux consommateurs un avantage dont ils ne jouissaient pas auparavant.
Je n’ai pas confiance en ces promesses que l’on nous fait chaque fois
qu’il s’agit d’un traité de commerce, que ce traité n’est qu’un acheminement
vers un traité plus complet et plus avantageux ; je pense que l’on ne saurait
pas me citer un seul exemple de la réalisation de semblables prévisions. Il est
possible, toutefois, que l’Espagne nous fasse des concessions nouvelles, mais
elle ne le fera qu’en tant que, de notre côté, nous ayons des avantages
équivalents à lui offrir. Les nations, lorsqu’elles font des traités de
commerce, ne consultent que leur propre intérêt ; la Belgique n’a pas toujours
agi de cette manière, mais aussi elle éprouve aujourd’hui les effets de son
incurie.
Je dois dire que ceux de nos produits qui sont rangés dans la troisième
catégorie ne profiteront pas du traité, mais cela, nous ne devons l’imputer
qu’à nous-mêmes ; en effet la valeur fictive des toiles de fil de la troisième
classe est inférieure à la valeur réelle ; mais malheureusement il est reconnu
aujourd’hui (et M. le ministre des travaux publics, comme ancien président du
comité linier, pourra confirmer ce que j’avance), il est reconnu aujourd’hui
que l’on ne peut plus trouver ces toiles sur aucun marché le la Belgique ;
pourquoi ? Parce que le lin destiné à les fabriquer nous manque complètement ;
il faut, pour fabriquer ces toiles, du lin très beau et, par une espèce
d’hérésie que je ne comprends pas, nous permettons aux étrangers de venir nous
enlever nos meilleurs lins. Si nous conservions nos lins de bonne qualité, la
Belgique enverrait encore en Espagne une grande quantité de toiles de la
troisième catégorie ; il n’y a pas le moindre doute à cet égard.
J’ai dit en commençant que la localité à laquelle j’appartiens est tout
à fait désintéressée dans la question ; en effet, à Gand et dans les environs,
l’on ne fait que des toiles très communes, qui sont frappées en Espagne de
droits prohibitifs.
Avant de terminer, j’aurai aussi une interpellation à adresser à M. le
ministre des affaires étrangères. L’art. 4 parle des mesures qui seront prises
pour constater la nationalité des marchandises dont il est question dans le
traité ; je sais que le gouvernement fait en ce moment une enquête sur la
question de savoir quelles seraient les mesures qu’il serait convenable
d’adopter à cet effet, mais malheureusement il paraît que l’on songe à faire
apposer par la douane belge une marque aux marchandises destinées à l’Espagne,
de sorte que toutes ces marchandises devraient être déballées lorsqu’elles
sortiraient du pays ; eh bien, messieurs, cela déprécierait considérablement nos
produits. Je sais qu’en vertu de l’article 4, il faut une mesure quelconque,
mais je crois qu’il conviendrait beaucoup mieux d’exiger que les marchandises
soient frappées d’une estampille avant d’être expédiées. Cette mesure gênerait
peut-être plus ou moins les fabricants, mais comme elle serait prise dans leur
intérêt, ils ne pourraient pas s’y opposer ; elle aurait l’avantage d’empêcher
que les marchandises soient dépréciées par un déballage
fait à la frontière. J’appelle sur ce point l’attention du gouvernement, et
j’espère qu’il ne donnera pas les mains à des mesures qui porteraient un très
grand préjudice à notre commerce et à l’une de nos principales industries.
M. de Foere. -
Messieurs, je baserai les observations que je désire présenter à la chambre sur
les points de fait qui ont été éclaircis dans la discussion. Les avantages que
l’on s’est concédés de part et d’autre ne me paraissent pas avoir été
équilibrés. Il y a une grande distance à un traité de réciprocité dans les
effets de la convention.
D’abord, quant à l’art. 1er, qui règle les droits maritimes, ces droits
ne se portent que sur ceux qui sont connus sous la dénomination de droits de
navigation. Les droits sur la cargaison sont maintenus de part et d’autre. Or,
ces derniers droits sont surtaxés en Espagne à un tiers sur leur totalité,
lorsque les marchandises sont importées en Espagne par navires étrangers,
tandis qu’en Belgique ces mêmes droits ne subissent qu’une augmentation de 10
p. c. Les navires belges continueront donc d’être exclus des ports espagnols,
et les navires appartenant à ces ports continueront de faire chez eux le
commerce maritime.
Ensuite, restreignant la question dans les droits de navigation
proprement dits, il n’y a pas plus de réciprocité. D’après la convention, nous
admettons les navires espagnols sur le pied des navires nationaux, attendu
qu’ils ne paieront d’autres droits de navigation que ceux dont sont passibles
les navires des nations les plus favorisées ; or, les navires de ces dernières
nations sont assimilés, chez nous, quant aux droits de navigation, aux navires
nationaux. Mais les navires belges paieront, selon la convention, dans les
ports de l’Espagne des droits de navigation dont les navires de cette nation ne
sont pas passibles. C’est donc le statu quo qui est conservé sans aucune
modification en notre faveur. Quel est ce statu quo ? C’est une infraction
continuelle à la loi générale de 1822 qu’un des ministères précédent s’est
permise. Cette loi n’autorisait le gouvernement à accorder l’assimilation à la
navigation nationale, quant aux droits de navigation, qu’aux nations qui
admettent nos navires sur le pied des navires nationaux.
Enfin, il résulte clairement de la convention que les navires espagnols jouissent
dans nos ports des avantages qui leur sont concédés, quel que soit leur lieu de départ. On ne voit pas d’une manière
aussi claire que la même concession ait été faite aux navires belges. Mais je
raisonnerai sur la supposition la plus favorable. Je poserai en fait que nos
navires pourront partir de tous les ports du monde pour entrer dans les ports
espagnols. Mais ils n’en seront pas moins exclus par l’énorme surtaxe qui
continuera de peser sur leur cargaison. Malgré les explications données par l’honorable
ministre de l’intérieur sur le n° 3 de l’art. 3 de la convention, des énormes
droits différentiels qui affectent l’importation des marchandises dans les
ports d’Espagne, en faveur des navires de ce pays, n’en sont pas moins
maintenus. Or, ces droits sont prohibitifs. Il en résulte même que nos toiles,
si nous en exportons par mer en Espagne en plus grande quantité, devront être
chargées sur des navires espagnols ou sur des navires d’autres pays jusqu’à
Bayonne ou Marseille, où les navires espagnols viendront les prendre en charge.
Les navires espagnols pouvant partir pour la Belgique de tous les ports
du monde, ils arriveront de leurs colonies et d’autres pays de production, avec
de grands avantages qui ne nous sont pas accordés dans les colonies de
l’Espagne. Là aussi d’énormes faveurs leur sont faites sous le double rapport
des droits de navigation et d’importation des marchandises. C’est donc
détruire, par une convention, les relations directes de commerce qu’en faveur
de l’échange de nos produits le pays presque tout entier voudrait établir.
Mas nous pourrons, dira-t-on, élever nos droits sur les marchandises
importées par navires étrangers. Cette objection serait recevable si l’on
portait ces droits au niveau de ceux perçus en Espagne et dans ses colonies ;
mais je doute que la chambre soit disposée à atteindre ce niveau.
On a dit aussi que la navigation espagnole ne peut nous nuire, attendu
qu’elle n’est pas considérable. C’est là une grave erreur. Il est vrai que la
marine militaire de l’Espagne est déchue de son ancien état ; mais il n’en est
pas ainsi de sa marine marchande, au moins dans la même proportion. L’Espagne
n’a cessé de protéger sa marine commerciale. J’ai reçu hier par la voie du
Havre la dernière statistique commerciale et navale des Etats-Unis. Il résulte
de ce document que la marine marchande de l’Espagne a primé dans les ports des
Etats-Unis la marine de plusieurs nations connues pour posséder une belle
marine marchande. Elle a excédé dans ces ports, tant en nombre de navires qu’en
tonnage, la marine de la Suède, du Danemarck, de la Hollande, de chacune des
villes anséatiques, et même celle de la France.
Le traité est d’ailleurs un précédent dangereux. Lorsque vous voudrez
traiter avec d’autres nations, elles réclameront les mêmes avantages que vous
aurez concédés à l’Espagne. Le principe sagement suivi par toutes les nations
est celui de se créer d’abord un système commercial, tant sous le rapport des
droits de douane que sous celui des droits maritimes et des conventions. On reçoit
toutes les nations sur le même pied. Par ce moyen il n’est pas fait d’exception
injurieuse à aucun pays étranger. Aucun n’a le droit de se plaindre.
Il résulte de ces considérations que le gouvernement et la section
centrale sont dans l’erreur lorsqu’ils croient que la convention est un moyen
de développer notre marine commerciale.
Les avantages accordés à l’importation de nos toiles en Espagne sont-ils
de nature à compenser les désavantages maritimes qui résultent de la convention
? La section centrale extrait du tarif deux catégories de toiles que nous
exportons, dit-elle, le plus en Espagne ; ce sont les toiles de 12 fils et
au-dessous et de 12 à 18 dans un quart de pouce, mesure espagnole. Elle
s’arrête de préférence à ces deux catégories pour démontrer, dit-elle,
l’exagération des valeurs officielles prises pour base des droits établis dans
le tarif actuel de l’Espagne.
Or, la section centrale convient que, pour la première catégorie, pour
les toiles de 12 fils et au-dessous, dans un quart de pouce, l’exagération des
valeurs officielles est maintenue par la convention.
Nos toiles à carreaux surtout, qui jouissaient en Espagne d’une grande
consommation, demeureront exclues. L’observation en a déjà été faite par notre
honorable collègue, M. Delehaye. Quant à la catégorie de 12 à 18 et à 26 fils,
elle reste encore chargée de droits considérables, ainsi que de ceux qui leur
sont ajoutés sous d’autres dénominations.
Le ministère, comme la section centrale, semble convenir que la
convention ne stipule pas, même dans leur sens, des avantages remarquables ;
mais ils s’appuient particulièrement sur la considération que le traité, quelqu’incomplet qu’il soit, est un acheminement vers un
autre plus complet et plus avantageux. Je ne puis partager cette opinion. En partant
du même point, j’arrive à une conclusion tout à fait opposée. En effet, ii
n’est pas dans la marche ordinaire des intérêts internationaux que l’une des
deux nations qui a conclu une convention favorable à ses intérêts consente à la
rompre avant son expiration. Puisque le traité me semble beaucoup plus
avantageux aux intérêts de l’Espagne, il me semble, par conséquent, aussi
qu’elle le maintiendra pendant six ans, terme fixé pour sa durée. J’ai dit.
- La suite de la discussion est remise à demain.
La séance est levée à 4 heures et demie.